Living as the Villainess Queen (Novel) Chapitres 201 à 250

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Tome 1 – Chapitre 201 – Le secret du lac

« Vous voulez dire que vous êtes resté ici pendant toute la période d'activité ? »

« Oui »

« Seulement pour cette période ? »

« Cela fait quelques années »

Même si Kasser restait silencieux, son regard vers Adrit s'échauffait. Pour lui, il était exaspérant qu'un tel mauvais présage entachait de sa présence les terres sacrées du royaume. Pendant ce temps, Eugène continuait à poser des questions.

« La Terre Sainte est vaste, si vous aviez traversé le lac, vous n'auriez pas été pris »

« Je ne pensais pas qu'il y aurait quelqu'un »

Eugène comprit alors la situation.

Il s'était caché avant même de voir les visiteurs.

Si Adrit avait vécu en Terre Sainte ces dernières années, il aurait su que le roi se rendait au début de la saison sèche. À cette époque, le roi serait déjà reparti après le rituel.

Cependant, ils étaient arrivés en retard à cause de l'augmentation de la taille du groupe et de la tempête de sable. Adrit aurait alors été pris par surprise, croisant par mégarde le regard acéré d'un guerrier.

« J'ai entendu dire que votre peuple ne restait pas au même endroit »

« Oui »

« Alors, avez-vous enfreint les règles de votre peuple ? »

« Non, car notre peuple est autorisé à rester dans un abri que nous découvrons pendant la période d'activité »

« Un abri ? »

« Un endroit où les Alouettes ne viennent pas - nous les appelons des abris »

« Elles ne viennent pas, même en période d'activité ? »

« En effet »

Eugène jeta un coup d'œil à Kasser, se demandant s'il était au courant. Son expression montrait que c'était la première fois qu'il entendait une telle chose. Même si Adrit disait la vérité, il n'y avait aucun moyen de le confirmer puisque le roi s'était rendu en Terre Sainte juste avant le début de la période de sécheresse dans le passé. Kasser rompit le silence et posa sa première question à Adrit.

« Pourquoi ce nom d'abris ? »

« Un abri est le domaine d'une Alouette forte. Il y a des Alouettes qui ne restent qu'à l'intérieur de leur territoire, et les plus faibles ne s'approchent pas des frontières »

Kasser murmura avec surprise « Un hwansu... »

Une Alouette qui ne sortait pas de son territoire était semblable à un hwansu. En tant que rite de passage, l'héritier du trône chassait un hwansu pour ce même comportement. Le royaume avait créé une équipe de recherche de hwansu juste après la naissance de l'héritier, sélectionnant quelques endroits possibles où un hwansu pourrait se trouver après plus d'une décennie de recherche. La chasse au hwansu commença dès que le prince eut atteint l'âge de treize ans.

Un prince ne pouvait pas revenir dans l'année qui suivait, ce qui était impensable sans une enquête préalable sur une longue période. Kasser, jugeant l'affaire interminable, mit fin à l'interrogatoire et appela Sven.

« Emmenez-le et observez-le. Gardez-le en sécurité jusqu'à ce que j'en décide autrement

»

« Oui, monsieur »

Alors qu'Adrit fut traîné hors de la tente, une voix se fit entendre de l'extérieur.

« Votre Altesse, nous avons terminé les préparatifs de votre départ »

Avant qu'Adrit ne fut amenée, Kasser avait déjà donné l'ordre de partir après l'interrogatoire. Il pensait que la reine voudrait voir un vagabond par curiosité. Il savait qu'il devait partir maintenant pour éviter tout retard. Cependant, les circonstances actuelles le mettaient mal à l'aise. Alors qu'il n'y avait eu aucun problème lors des visites en Terre Sainte, il y aurait un grand danger si le hwansu reconnaissait les humains comme une menace.

« Restez en attente »

« Oui, Votre Altesse »

Kasser se tourna vers Eugène avec une expression mitigée. Elle s'était interrogée sur les paroles d'Adrit « Il ne disait pas de mensonges »

« Je suis d'accord »

« Depuis quand la Terre Sainte est-elle le domaine d'un hwansu ? »

« Je ne sais pas. Peut-être devrions-nous venir ici pendant la période active... »

La capacité du roi et d'Anika à sentir les Alouettes ne fonctionnait pas pendant la période sèche. Les Hwansus cachaient leurs auras pendant la période sèche, car les Alouettes restaient en sommeil à ce moment-là. Eugène regarda fixement Abu, dont l'étrange aura d'Alouette avait disparu après le début de la période de sécheresse. Il ressemblait à un animal ordinaire, à l'exception de sa corne rouge et de ses yeux rouges.

Il semblait avoir gardé ses habitudes passées de contrôler instinctivement son aura pour protéger son domaine, même après être devenu le hwansu du roi. Après avoir observé Abu, elle réalisa quelque chose.

« Votre Altesse, les Alouettes montrent leur supériorité les unes par rapport aux autres par leur taille physique »

« C'est vrai »

« Il a parlé d'une Alouette forte, qui doit être de grande taille. Y a-t-il un endroit où une telle créature peut se cacher dans les environs ? »

Après un bref silence, Tous deux se regardèrent et parlèrent en même temps.

« Le lac »

****************************

Se promenant dans la capitale du royaume de Hashi, Pides continua à recueillir des informations pendant quelques jours - écoutant les discussions des pubs et les rumeurs des conteurs qu'il avait achetés avec de l'argent. Les habitants des six royaumes parlaient de deux sujets principaux : la vie et les tendances de ceux qui vivaient dans la ville sainte, et la famille royale. S'il était difficile de distinguer les rumeurs infondées des vraies, il s'aperçut que celles qui étaient le plus souvent évoquées avaient suffisamment de valeur pour qu'on s'en souvienne, même si elles s'avéraient fausses.

Cependant, les choses insignifiantes avaient tendance à être ignorées une fois que le peuple se concentrait sur un seul sujet, et Pides n'avait vu et entendu que la même histoire au cours des derniers jours. Il y avait une grande foule rassemblée autour de l'arbre aux Alouettes, et Pides l'observait parmi les gens. Il s'y était déjà rendu le premier jour où il en avait eu connaissance. Il était venu le voir encore une fois avant de repartir.

Est-ce vrai qu'une Alouette s'est transformée en arbre ?

Pides ne savait pas dans quelle mesure les rumeurs étaient vraies, tant elles étaient exagérées. Il avait ricané en entendant que l'Alouette s'était transformée en arbre après que la reine Anika lui eut crié de le faire. Cependant, l'absurdité était trop grande pour qu'il s'agisse d'un outil publicitaire pour la famille royale, ce qui signifiait que l'arbre était issu soit d'une graine, soit d'une Alouette.

Même s'il s'agissait d'une graine, comment un arbre aussi grand peut-il pousser du jour au lendemain ?

Il n'arrivait pas à comprendre la classe d'une Ramita pour qu'un tel exploit soit possible.

Le seul arbre à Alouettes que Pides avait vu était le vieil arbre de la place, et même s'il n'avait pas d'autres exemples avec lesquels le comparer, cet arbre sortait de l'ordinaire.

Cependant, il n'arrivait pas à comprendre comment Jin Anika avait pu accomplir ce miracle.

La Ramita de Jin Anika était-elle de cette ampleur ?

Bien que les classes de Ramita des Anikas soient gardées secrètes, elles n'étaient pas bien protégées. Les informations devinant les classes d'un individu se répandaient par divers moyens. Les personnes qui tombaient sur de telles informations connaissaient les niveaux de Ramita des autres. Bien que les rêves d'éveil des Anikas ne soient pas connus en détail, il était possible de classer les Anikas en fonction de leurs classes Ramita.

Les rumeurs concernant les classes Ramita de Jin Anika étaient divisées en deux.

Les gens avaient des avis différents sur la Ramita de Jin Anika, certains la considérant comme faible, d'autres la jugeant aussi forte que Flora. La majorité penchait pour la première, car Jin Anika n'avait pas accompli d'actes qui auraient pu démontrer sa classe Ramita. Comme Jin aimait se montrer, les gens disaient qu'elle ne pouvait pas se vanter puisqu'elle n'avait rien au départ.

Si l'Arbre aux Alouettes est vrai... les rumeurs sur sa faiblesse étaient fausses.

Pides s'était déjà mis en route pour la ville sainte, ses affaires étant déjà terminées.

Cependant, il changea d'avis au bout d'une demi-journée. Il lui faudrait plus de dix jours pour arriver à destination, même s'il chevauchait à pleine vitesse pendant tout ce temps, et Pides décida donc que les informations concernant l'arbre aux Alouettes étaient importantes.

Il changea d'itinéraire pour se rendre au centre de gestion des oiseaux migrateurs. Il résuma les informations importantes qu'il avait recueillies et envoya un message urgent à la Ville Sainte à l'aide d'un oiseau, que Sang-je recevrait dans quelques jours.

******************************

Une fois les préparatifs de départ terminés, le couple royal s'engagea sur un chemin en direction du lac avec seulement un hwansu. Bien que personne n'avait pu s'y opposer, Eugène pensait que tout le monde était probablement stupéfait. Il n'y avait qu'un seul chemin qui permettait d'accéder facilement au lac, fait de tuiles de pierre aplaties.

Pourtant, même sans personne pour s'occuper de la route, les roches épaisses formaient un chemin adéquat au milieu des plantes qui poussaient sauvagement.

Ils arrivèrent bientôt au lac. Une structure flottante en bois était visible, faite comme un quai pour maintenir une réserve d'eau douce, avec une poulie attachée pour aspirer l'eau. Ils se dirigèrent vers le bord de la structure, et Abu les suivit tout en regardant autour de lui.

« Même s'il y a un lac, il se trouve au milieu d'un désert. Pourquoi le royaume s'est-il installé ici ? »

« On dit que ce lac était beaucoup plus grand dans les temps anciens et que le désert n'avait pas été aussi stérile »

« Tout à fait la terre stérile qu'elle est maintenant »

Eugène regarda vers le bas, et le fond était plus profond qu'elle ne pouvait le voir depuis la structure.

« Est-ce qu'un hwansu se trouverait ici ? »

« Je ne sais pas »

« Votre Altesse » Eugène tendit la main, regardant Kasser. « Donnez-les moi, et j'essaierai »

« Je pense qu'il vaut mieux que je revienne ici pendant la période active » dit Kasser.

« Cela prendrait des mois »

« Nous pouvons attendre »

« Mais je suis trop curieuse »

« Comment peux-tu être aussi téméraire » grommela-t-il « alors que nous ne savons pas quel hwansu va sortir ? »

« S'il était antagoniste aux gens, les visiteurs auraient déjà été attaqués » dit-elle en tendant à nouveau la main « Dépêche-toi »

Eugène lui tendit la main. Elle avait pensé à faire sortir le hwansu à l'aide de sa Ramita, avant même de venir au lac, et avait immédiatement convaincu Kasser. Cependant, elle ne savait pas comment activer son Ramita sans utiliser une graine ou une Alouette comme support. Kasser avait quelques graines qu'il avait apportées pour nourrir son hwansu, et elle lui demandait maintenant de les lui donner. Kasser sortit une pochette avec un air renfrogné, car il n'avait accepté l'idée d'Eugène que parce qu'une Alouette ne l'attaquerait pas en tant qu'Anika. Il sortit les graines enveloppées dans un tissu fin et les plaça sur la paume d'Eugène.

Eugène s'apprêtait à les découvrir, mais elle entoura les graines de ses mains et ferma les yeux. Elle se concentra, rassemblant son pouvoir en elles, puis ouvrit les mains avec surprise lorsqu'elle sentit une aura chaude émaner de ses paumes.

Eugène observa attentivement le processus, car c'était la première fois qu'elle faisait fleurir des graines. Les petites graines sur sa paume s'agitèrent et un long germe apparut entre le tissu fin. La pousse s'éleva au-dessus du niveau de ses yeux et son regard s'éleva en suivant la tige.

« Abu ! »

Eugène ressentit une étrange sensation qui lui donna la chair de poule sur tout le corps.

Elle regarda le lac tandis que Kasser appelait Abu en l'attirant dans ses bras. Kasser recula, Eugène toujours dans ses bras, et leva son Praz au maximum. Ses pupilles se rétrécirent alors qu'il brillait d'un éclat bleu, et un serpent bleu apparut autour de lui comme une brume. Abu courut devant eux, le poil dressé, et grogna. La surface calme du lac se mit à trembler, et des vagues apparurent à mesure que le mouvement s'amplifiait.

Puis, dans un tourbillon, une créature imposante émergea de la surface.

Tome 1 – Chapitre 202 – Mon fils, ne fais pas confiance à Mahar

Ils remarquèrent d'abord les cornes rouges sur sa tête visqueuse et la mousse bleue sur sa carapace, de petits arbres entourant son corps comme des rochers. Ses yeux écarlates les fixèrent et sa taille imposante rendit Eugène nerveuse. Elle n'avait jamais considéré les tortues comme dangereuses, mais cette créature la fit tressaillir rien que par sa taille. Elle se ravisa.

Bien que la tortue ne les ait pas attaqués, Kasser resta sur ses gardes. Il prépara sa position, rapide sur ses pieds si la créature devait faire quoi que ce soit de dangereux.

Le silence s'installa entre les deux parties, seul le grognement d'Abu s'élevant avec la tension. Lentement, la tortue cligna des yeux et commença à s'enfoncer à nouveau dans l'eau.

Eugène s'écria « Attends, ne pars pas ! »

La tortue s'arrêta, levant la tête, curieuse de savoir pourquoi la jeune fille lui demandait de rester. Eugène, cherchant à dire quelque chose, bégaya « Es-tu... Est-ce que la Terre Sainte... Je veux dire - est-ce que la région proche est ton territoire ? »

Eugène pensait qu'elle répondrait comme Abu, par le langage corporel, mais quelque chose d'inattendu se produisit.

Soudain, une voix retentit.

« Tu es là pour me tuer ? Je ne veux pas encore mourir »

Eugène sursauta et le regard de Kasser vacilla. Il resta néanmoins vigilant et la serra encore plus fort dans ses bras.

« Peux-tu parler notre langue ? »

« Je ne parle pas, je transmets ma volonté »

Eugène fixa la créature, l'esprit en ébullition et les yeux grands ouverts. Elle appela «

Votre Altesse... »

Sa voix chaleureuse résonna à ses oreilles, répondant à sa confusion « C'est la première fois que je vois ou que j'entends quelque chose de semblable »

Même si elle savait que le roman qu'elle avait écrit n'était pas exactement comme ce monde, Eugène pensait qu'elle en avait quand même une connaissance suffisante,

surtout en ce qui concerne les hwansus. Cependant, un hwansu parlant n'est jamais apparu dans son roman.

Comme la tortue la regardait fixement, elle repoussa ses questions à plus tard.

« Nous ne sommes pas là pour vous faire du mal. Je m'excuse si nous vous avons surpris

»

La tortue lui dit alors « Si vous n'êtes pas là pour me faire du mal, alors pouvez-vous vous débarrasser du Praz ? »

Surprise par l'aisance du hwansu, elle tapota le bras de Kasser et leva les yeux vers lui, lui demandant de suivre la requête.

« Votre Altesse »

Kasser fronça les sourcils et fixa le grand hwansu tortue, toujours méfiant à l'égard du monstre. Comme s'il se faisait l'écho de ses pensées, le serpent bleu qui l'entourait s'étira et se recroquevilla en grognant contre la créature dans l'eau. La tortue, voyant cela, commença lentement à reculer pour créer une certaine distance. Eugène laissa échapper un petit rire, amusé de voir un comportement aussi timide de la part d'une énorme bête.

« Votre Altesse, tout va bien » dit-elle en essayant de rassurer Kasser.

Elle baissa le regard sur le bras qui entourait sa taille puis regarda le serpent bleu qui l'entourait, ses écailles attirant son regard.

« C'était comme ça avant ? »

Si le serpent symbolisait le Praz du Roi du Désert, les Praz des autres rois n'avaient jamais pris une forme aussi claire, surtout pas celle d'un serpent. La manifestation du Praz d'un roi était translucide, la créature étant toujours visible sous la forme d'une aura. Cependant, le serpent qui recouvrait le corps de Kasser en ce moment même semblait trop réel, ses écailles scintillant sous l'effet de la lumière, entièrement formées.

Subtilement, Eugène toucha le bras de Kasser, juste en dessous du corps du serpent, pour vérifier si elle pouvait sentir les écailles du serpent. Mais sa main ne fait que traverser le corps du serpent. Soulagée, elle sourit et toucha à nouveau le bras de Kasser.

« S'il vous plaît »

Vacillant, Kasser laissa le serpent bleu s'évanouir, ses écailles chatoyantes disparaissant dans son bras. Eugène se demandait si elle était devenue la maîtresse d'une bête que même un grand hwansu craindrait. Une partie d'elle se sentait heureuse que Kasser soit toujours à ses côtés pour la protéger, même si elle savait que les Alouettes ne faisaient pas de mal à une Anika. Pendant un instant, elle pensa qu'elle voulait qu'il soit à ses côtés pour toujours.

Après un moment, elle se tourna vers la tortue et lui demanda « Y a-t-il d'autres hwansus qui peuvent communiquer comme toi ? »

Ses yeux rouges la fixèrent en répondant « Je n'en suis pas sûr, car je n'ai encore rencontré aucun hwansus plus grand que moi »

Elle fronça les sourcils. « Alors tous les hwansus peuvent-ils communiquer avec les humains ? Mais choisissent de ne pas le faire ? »

« Non. Il y a longtemps que je ne sais plus comment m'exprimer »

« Mais vous pouvez le faire maintenant ? Que s'est-il passé ? »

« Cela m'est venu naturellement un jour, après avoir vécu très longtemps »

Etait-il possible que la tortue l'ait appris avec l'âge ? Les Hwansus pouvaient apprendre et se développer en étudiant, il semblait donc probable qu'elle apprenne à communiquer. Eugène pensa aux contes de fées de son ancien monde. Dans ces histoires, les bêtes apprenaient à se comporter comme des humains après avoir vécu pendant des siècles.

Elle regarda Abu. Bien qu'il se soit déjà calmé, ses dents étaient restées nues. Elle était fière de la bravoure d'Abu face à un hwansu bien plus grand que lui. Si ce que la créature disait était vrai, il était possible qu'Abu apprenne à parler après un certain temps.

Kasser demanda alors « Depuis combien de temps es-tu ici ? »

La tortue cligna des yeux et répondit « Depuis que les gens de cette terre sont partis »

Kasser s'immobilisa. Réalisant que la terre sacrée de son royaume était devenue un nid de monstres, Kasser ressentit soudain un sentiment d'affaissement au creux de l'estomac. Bien que le royaume ait déplacé sa capitale il y a longtemps, il ne pensait pas que les Alouettes auraient élu domicile sur des terres aussi divines. Eugène le regarda avec inquiétude, comprenant ce qu'il ressentait.

Les Hwansus ne quittaient pas un endroit une fois qu'ils l'avaient établi comme leur, pensa Kasser.

Le seul moyen était de le traquer, mais la chasse serait ardue car la profondeur du lac donnait un avantage aux hwansu. De plus, le roi avait des affaires plus urgentes à régler, et ne pouvait pas accorder suffisamment de ressources pour une chasse aussi longue.

Nous ne pouvons que reconnaître qu'il s'agissait du domaine du hwansu pour l'instant et lui demander d'éviter de causer des problèmes... à moins que !

Eugène s'agrippa soudain à l'épaule de Kasser, s'adressant à la tortue.

« S'il vous plaît, écoutez-nous ! Cette terre est très spéciale pour notre peuple. Si vous nous aidez, nous vous laisserons en paix »

Eugène se tourna vers Kasser pendant qu'elle parlait, lui lançant un regard. Kasser, curieux de voir l'étincelle dans ses yeux, acquiesça brièvement.

****************************

Le couple royal revint au camp un peu après midi. Comme il était trop tard pour partir pour la journée, Kasser déclara que le départ aurait lieu le lendemain.

Alors que le soleil commençait à descendre à l'horizon, il appela Adrit et prit la parole devant tout le monde.

« Il n'est pas bon de faire couler le sang sur des terres sacrées, surtout lorsque nous sommes ici pour prier. Cependant, après avoir été témoin d'une telle malveillance, la reine pense que le lac sacré lavera la corruption qui se trouve à sa portée » puis il se tourna vers Sven, appelant le guerrier.

« Oui, Votre Altesse »

Kasser le salua d'un signe de tête et dit « Je vous confie cette affaire. Donnez-lui une sépulture aquatique, mais veillez à ce que son sang ne ternisse pas l'eau du lac »

« Bien sûr, Votre Majesté »

Il se tourna vers le reste du groupe « Si l'un d'entre vous souhaite être témoin, vous êtes libre de partir »

Le couple royal entra alors dans sa tente. Les guerriers commencèrent à se préparer à l'exécution, quelques dames de la cour et fonctionnaires les suivirent jusqu'au lac. Alors que les clameurs commençaient à se calmer, Eugène laissa échapper un souffle, une main sur sa poitrine.

« J'espère que tout se passera comme prévu »

Kasser se tourna vers elle, assurant à la reine que « tout se passera bien »

« Et si le vagabond ne suit pas mes paroles ? Et s'il m'avait vraiment menti ? » Elle le dévisagea, se rapprochant de Kasser. « Et s'il s'enfuit ? »

« Ce ne sera pas de ta faute » répondit-il. « Et laisser partir un vagabond n'est pas une grosse affaire »

Eugène leva les yeux vers lui, avant de l'enlacer, son visage reposant sur son torse.

« Merci d'avoir accédé à ma demande »

Kasser ne put que sourire et lui entoura le dos de ses bras.

Elle murmura « Je sais que c'est un gros risque puisque cela va à l'encontre de la volonté de Sang-je »

« ... »

L'hostilité que Kasser ressentait pour les vagabonds était différente de celle des autres.

Il était désillusionné par eux, gardant secrète une telle méthode qui sauverait de nombreuses vies, plutôt que de les haïr pour leur malveillance. Cependant, il n'était pas inquiet à l'idée d'aller à l'encontre des ordres de Sang-je.

Kasser repensa alors à la question posée par Eugène il n'y a pas si longtemps.

['Avez-vous déjà remis en question les paroles de Sang-je ?']

« Je l'ai toujours fait » répondit-il intérieurement. Mais il ne pouvait pas être franc avec de tels sentiments, car Sang-je restait l'entité divine de Dieu, une entité dont Kasser devait respecter l'influence absolue, surtout en tant que dirigeant d'un royaume.

Il se souvint soudain des dernières paroles du défunt roi.

Il avait appelé Kasser, qui se tenait devant sa mort, près de son lit, et lui avait chuchoté des mots que lui seul pouvait entendre.

['Mon fils, ne fais pas confiance à Mahar.']

Ces mots devinrent son testament, car le père de Kasser décéda au bout de quelques jours, sans jamais reprendre conscience par la suite. Kasser ne sut toujours pas si ces paroles d'adieu étaient un conseil de ne pas s'en remettre à Dieu pour poursuivre ses ambitions, ou si elles signifiaient autre chose. Comme le défunt roi était connu pour être imprévisible, il ne leur accorda pas trop d'importance. Cependant, il se put que, sans le savoir, il ait mis de la distance entre lui et Sang-je à cause de ces mots exacts.

« C’étaient peut-être mes émotions, et non des prétextes grandioses, qui m'avaient poussé à agir de la sorte » sourit Kasser avec amertume. Les mots de son père résonnaient dans ses oreilles, même s'il essayait de les prendre à la légère. Pour être tout à fait honnête, un seul mot continuait à se répéter dans sa tête.

[Fils.]

C'était la première et la dernière fois qu'on l'appelait ainsi, la première fois qu'il se sentait l'enfant chéri de quelqu'un. Quelle puérilité, pensa-t-il, que d'être obsédé par un tel titre. Mais peut-être était-ce parce qu'ils voyageaient sur la terre sacrée, symbole de la longue histoire du royaume, que Kasser ne pouvait s'empêcher d'être sentimental.

Il serra Eugène plus fort, et une partie de lui souhaita que son père rencontre la femme dans ses bras.

****************************

Une pochette de cuir recouvrait la tête d'Adrit, dont les membres étaient entravés par des nœuds serrés. Autour de ses chevilles ligotées, il y avait un sac rempli de grosses pierres. Quels que soient ses tours de passe-passe, Adrit n'avait aucune chance de s'échapper. Alors qu'il s'enfonça au fond du lac, il ne lui faudra pas dix minutes pour mourir.

Tome 1 – Chapitre 203 – Le sauvetage Adrit ne résista pas aux préparatifs de son exécution. Il savait que c'était inutile : il préférait mourir en paix plutôt que d'être battu. Alors que certains pourraient dire qu'une telle douleur n'était que secondaire à la survie, sa famille lui avait appris à affronter la mort dès qu'il avait atteint l'âge adulte.

Plutôt que d'être vaincu par la décision du roi du désert de l'exécuter, Adrit se demanda si la noyade était moins douloureuse que la décapitation. En vérité, une partie d'Adrit se réjouit de la mort.

La vie n'était qu'une punition pour les vagabonds comme lui. Cependant, le suicide n'était pas un moyen de se repentir, car sa famille interdisait un tel acte. Leur devoir était de dériver sans fin dans le monde jusqu'à ce que leurs péchés soient effacés.

Cependant, leurs crimes étaient comme de l'eau déversée sur une plage de sable.

Comment ramasser une telle eau renversée ? En réalité, ils étaient des prisonniers éternels piégés dans ce monde.

« Commencez l'exécution »

En entendant l'ordre, Adrit ferma les yeux tandis qu'on soulevait son corps.

Soudain, il entendit un murmure tout près de son oreille.

« Je vais t'emmener de l'autre côté du lac »

Adrit ouvrit les yeux, surpris, et ne vit que l'obscurité à cause de la pochette qu'il avait sur la tête. Puis, il sentit que son corps était projeté dans les airs. Il prit une profonde inspiration.

Splash ! Son corps heurta l'eau et commença à s'enfoncer. Il sentit le poids des pierres l'entraîner au fond du lac. La pression croissante de l'eau ajoutait au froid qui l'enveloppait. Incapable de respirer et entouré de ténèbres, Adrit avait peur.

Alors qu'il pensait avoir déjà abandonné, son corps luttait alors contre les contraintes. Il ressentait au plus profond de lui son désir de vie. Face à l'inéluctable, il voulait se battre.

Il voulait vivre.

Ce fut alors qu'il sentit quelque chose changer autour de lui. Au lieu de sombrer dans la mort, il commença à être entraîné dans une nouvelle direction. Il continua à se débattre, son souffle s'échappant en bulles entre ses lèvres bâillonnées. Bien qu'Adrit essayât de tenir bon, il avait l'impression que sa poitrine allait exploser d'une seconde à l'autre.

Incapable de tenir plus longtemps, l'eau froide inonda son nez et sa bouche. Sa conscience commença à s'estomper, son corps à se relâcher, jusqu'à ce que... BAF !

Son corps heurta soudain le sol, projeté hors de l'eau. Malgré la douleur fulgurante, rien ne fut comparable à la prise de conscience qu'il était vivant. Il roula sur le sol, blessé par le choc, et se retourna pour vomir de l'eau. Ensuite, il devint mou, cherchant de l'air.

Bien qu'il soit toujours attaché, ses yeux se réchauffaient à l'idée d'être en vie.

Mais il n'eut pas le temps de s'émouvoir. Toujours conscient de ses contraintes, il secoua son corps aussi fort qu'il le put contre elles. Pourtant, les nœuds ne bougèrent pas. Adrit se rendit compte qu'il ne pouvait rien faire avec les mains attachées. Avait-il survécu au fait d'avoir été jeté dans un lac, pour mourir de faim ?

« Hm, ils n'ont pas dit que j'en ferais autant »

Adrit entendit un grognement, puis tressaillit lorsqu'il sentit quelque chose de froid et de glissant sur ses mains. Il sentit que les cordes commençaient à se resserrer, comme si quelque chose les tirait.

« Ils essaient de couper les cordes ? » pensa-t-il. Puis, ses poignets furent soudain libérés.

Ce fut le déclic !

En toute hâte, Adrit défit les cordes sur le haut de son corps et enlèva la pochette et le bâillon qu'il avait sur le visage. Prenant une grande inspiration, il se retourna pour remercier son sauveur. Mais son corps se figea lorsque ses yeux rencontrèrent une tortue aux yeux rouges, partiellement immergée dans l'eau. L'expression d'Adrit devint désespérée, car le péché qui le définissait, lui et sa famille, se trouvait juste devant lui.

Penser qu'une Alouette me sauverait.

« Va à la première base des charognards. Ils t'attendront au coucher du soleil jusqu'à la tombée de la nuit »

Il cligna des yeux devant la créature.

« Humain, m'as-tu compris ? »

La tortue prit la parole en fixant le visage vide d'Adrit.

« Quoi qu'il en soit, puisque j'ai déjà transmis le message... » marmonna la tortue en commençant à se retourner lentement. Finalement, Adrit réussit à souffler quelque chose.

« P-Pourquoi ? »

La tortue s'arrêta de tourner et regarda à nouveau Adrit. Le vagabond continua à demander « Pourquoi m'as-tu sauvé ? »

« Je ne t'ai pas sauvé, mais une Anika m'a demandé de l'aider. Ce n'était pas difficile à faire »

Adrit fronça les sourcils, plongé dans ses pensées « Qu'a dit cette Anika ? »

« Elle a dit que quelqu'un tomberait dans l'eau » dit la tortue, en partie amusée « et que je devrais l'emmener loin, quand personne ne le verrait »

La tortue continua à la regarder et dit « Tu es intéressant. N'es-tu pas surpris que je puisse parler ? »

« Les anciens m'ont raconté des histoires sur des gens comme toi. Pourtant, c'est la première fois que je rencontre une telle créature. Cependant, vous... »

C'était étrange. Adrit regarda la tortue d'un air perplexe. Il n'y avait que peu de moyens pour une Alouette intelligente d'apprendre à s'exprimer après avoir vécu longtemps.

Elle devait apprendre auprès d'un humain, apprendre à parler pour pouvoir communiquer librement. Un hwansu capable d'apprendre en voyant et en écoutant un humain tout en restant à ses côtés ne signifiait qu'une chose.

« Vous... étiez le hwansu d'un roi »

Les yeux de la tortue clignotèrent.

« Je ne peux pas te laisser vivre en sachant cela »

L'énorme tortue se déplaça rapidement, malgré sa taille, et sortit de l'eau pour atteindre Adrit. Alors que le hwansu ouvrait grand la bouche, Adrit ne put que fermer les yeux, incapable de s'enfuir. Il resta immobile, attendant sa fin. Mais rien ne se passa.

« Hahaha ! »

Adrit ouvrit lentement les yeux après avoir entendu le rire bruyant de la créature. La tortue avait la bouche ouverte et imitait le rire humain, un spectacle à la fois étrange et étonnant. Adrit la regarda fixement, abasourdi.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

La tortue ferma la bouche et dit d'une voix ennuyée « Tu n'es pas drôle »

« Cette tortue joue-t-elle avec moi ? » Adrit fronça les sourcils à cette idée. Même s'il s'agissait d'un hwansu du roi, cela restait un monstre. En effet, Adrit avait appris que le hwansu du roi était spécial et se comportait comme un familier, mais seulement parce qu'il s'inclinait devant le Praz du roi. Adrit fut donc déconcerté par les frasques inattendues de l'Alouette.

« Qu'est-ce que tu as encore dit ? Quel était le message d'Anika ? »

« Idiot, je ne me répéterai qu'une fois » grogna la tortue. « Va à la première base des charognards. Ils y attendront le coucher du soleil jusqu'à ce que la nuit arrive »

Adrit mémorisa ces mots, les répétant inlassablement dans sa tête.

Encore confus, il demanda à nouveau « Pourquoi m'as-tu sauvé ? »

« Je te l'ai dit, je ne l'ai pas fait »

Il secoua la tête « Tu es libre. Tu n'as plus besoin de suivre les ordres comme tu le faisais autrefois en tant que hwansu du roi »

« Tu es vraiment un idiot, hein. Tu ne sais pas faire la différence entre un ordre et une demande ? »

« Alors il doit y avoir une raison pour laquelle tu m'as sauvé à cause d'une demande »

répondit-il.

Après avoir fixé Adrit pendant un moment, il se retourna pour entrer dans l'eau. Adrit entendit une voix claire résonner dans sa tête, juste avant que la tortue ne disparaisse sous la surface.

Elle s'appelait Abu, et je me suis souvenu du passé grâce à ce nom si nostalgique. Dis à la mort et à l'extinction que je ne serai pas là quand elles reviendront.

« Tu vas quitter ton territoire ? »

« Les humains meurent trop vite, et je ne veux pas revivre cela »

Le corps de la tortue fut alors complètement submergé, et Adrit lui cria au revoir, désolé de la voir partir.

« Merci ! Je suis bien resté dans votre région »

La tortue répondit, amusée « C'est toi qui as pénétré dans la zone »

Adrit attendit un peu, mais la tortue semblait avoir disparu. Une partie de lui se sentait vide, comme s'il venait de se séparer d'un ami. C'était la première fois qu'il parlait aussi longtemps à quelqu'un en dehors de sa famille. Il n'avait jamais imaginé qu'il trouverait un si bon compagnon dans un monstre que sa famille considérait comme son ennemi juré.

Adrit pensa à ce qu'avait dit la tortue et se souvint que le roi du désert appelait son léopard noir hwansu sous le nom d'Abu. Y avait-il une histoire derrière ce nom ?

« Les humains meurent trop vite ? »

Bien que cela n'avait duré qu'un instant, il eut l'impression que la tortue était en train de faire son deuil, les cicatrices de sa perte étant encore trop importantes et l'empêchant de nouer de nouvelles relations.

« Étrange... »

Les Alouettes étaient-elles vraiment des monstres qui détruisaient l'ordre de ce monde

? Et un monstre qui ne pouvait avoir que des instincts destructeurs pouvait-il rire comme un humain ?

Etait-il étrange qu'Adrit pensait qu'elle se souvint du passé et qu'elle était nostalgique ?

Adrit resta encore un moment au bord du lac, regardant les ondulations de sa surface.

**************************

Adrit campa au bord du lac un jour de plus, attendant le départ de l'assemblée royale. Il se déplaçait délibérément, sachant qu'il finirait à coup sûr s'il se faisait prendre une fois de plus. Il avait espéré revoir la tortue hwansu, mais elle n'apparaissait plus.

Il lui fallut une semaine de voyage, mais Adrit partit de la Terre sainte pour arriver à un endroit d'où l'on pouvait apercevoir les murs du château, signalant les frontières du royaume à travers le désert. Par intervalles, des tentes campaient dans le désert depuis la forteresse du château. Elles servaient de base aux charognards qui recherchaient des graines pendant la saison sèche.

Des drapeaux numérotés, accrochés à des mâts devant chaque tente, indiquaient l'affectation de chaque base. Adrit se coucha sur une colline de sable pour estimer l'emplacement de la première base. Lorsque la nuit tomba et que les charognards se firent plus rares, Adrit descendit du banc de sable et se rendit à la première base. Sous le poteau se trouvait un homme qu'Adrit reconnut et qui regardait dans la direction où le vagabond s'était rendu.

C'était un guerrier, réalisa Adrit. Il savait que leurs sens étaient incomparablement plus développés que ceux des gens ordinaires, et le corps d'Adrit se tendit, se souvenant de sa récente rencontre avec l'un d'entre eux.

Depuis leur retour de Terre Sainte, Sven attendait quelqu'un sous les ordres du roi.

« Il est venu » pensa-t-il en fixant le petit homme qui s'approchait de lui. Sven savait qu'il s'agissait de l'individu qu'il attendait, d'après les ordres du roi. Il était vivant.

Sven ne doutait pas de la survie d'Adrit, pensant que le roi ou la reine le sauverait grâce à des pouvoirs spéciaux. C'était plus plausible qu'un vagabond sinistre et insignifiant qui sortait tout seul vivant du lac.

Le guerrier jeta un vêtement à Adrit et lui dit « Porte-le et suis-moi »

Adrit s'exécuta, puis se hâta de suivre le guerrier qui s'éloigna rapidement. Les portes de pierre s'étaient déjà refermées à la tombée de la nuit. Sven envoya un signe devant les murs du château. Une longue échelle descendit d'en haut, et les deux hommes l'utilisèrent pour monter sur les murs. Personne n'osa se demander qui était le compagnon de Sven, et ils entrèrent dans le château sans trop de difficultés.

Tome 1 – Chapitre 204 – Un tatouage

comme sortilège

On frappa à la porte.

« Entrez »

L'homme entra et s'approcha de Rodrigo, qui était assis derrière un bureau entièrement recouvert de documents et de livres divers. Détachant à peine ses yeux des trois pages ouvertes devant lui, il regarda l'homme qui se tenait devant le bureau, la tête baissée.

« Oui ? » Rodrigo incita l'homme à parler.

« J'ai constaté qu'il n'y avait pas assez d'articles après avoir passé en revue ceux que vous avez demandés. Je peux en acheter d'autres en quelques jours, mais le Danggui Fleur Bleue est un article trop rare »

« Personne n'est prêt à vendre à un prix plus élevé ? »

« Comme il est très rarement vendu ou acheté, personne ne s'occupe de l'article car les gains ne couvrent pas les dépenses »

Rodrigo laissa échapper un soupir irrité avant de répondre « On ne peut rien y faire. Je dois envoyer quelqu'un m'en apporter un directement. Trouvez un messager rapide et utile, quelqu'un d'expérimenté sera mieux car il pourrait s'agir d'une course longue distance »

« Oui, monsieur » Il acquiesça avant de quitter le bureau.

Rodrigo baissa les yeux sur les documents qu'il avait lus après le départ de l'homme, mais il se sentit agacé. Il jeta un porte-crayon en bois sur le mur en face de lui. Le bruit sourd que fit l'objet en heurtant le sol fit bouillir ses entrailles au lieu de soulager un peu son stress. Un courtisan s'était rendu à la résidence de Molly avec de tristes nouvelles il y a quelques jours, après que le groupe royal soit revenu du désert. Ils avaient rapporté que Molly était morte d'un malheureux accident pendant le voyage et avaient apporté les objets que Molly utilisait et ses vêtements comme souvenirs pour sa famille depuis que les funérailles avaient eu lieu dans le désert. Rodrigo avait réfléchi aux tâches qu'il confierait à Molly après son retour et se sentit défaillir à cette nouvelle soudaine.

« Elle a tué trois Tanya ! Comment peut-elle être une sainte ? C'est une horrible sorcière ! »

Les dents de Rodrigo se serrèrent encore plus à l'idée qu'il devait préparer le quatrième Tanya, car les choses n'étaient pas encore terminées. Les Tanya étaient des guerrières spécialement entraînées, prêtes à mourir en martyrs pour la secte. elles étaient guidés par des rituels transmis secrètement de génération en génération. Cependant, la préparation des Tanya était compliquée, car il était difficile de sélectionner des croyantes dévouées et de nombreux objets utilisés pour le rituel étaient rares.

Il avait besoin d'un moyen de contacter la reine, car il avait entendu dire que l'Anika était un lien important pour que les Mara soient convoqués sur ces terres par le Grand Prêtre.

Le messager apporterait la fleur bleue de Danggui du royaume des flocons vers la fin de la saison sèche. De plus, il n'y avait aucun moyen de contacter la reine et de se préparer à un rituel important. Rodrigo avait déjà mal à la tête en pensant aux excuses qu'il allait devoir présenter au Grand Prêtre. Le Danggui à fleurs bleues était une plante vénéneuse qui poussait dans les régions froides, et le Royaume des Flocons était connu pour être le foyer de cette plante. Hashi, la nation située dans les régions les plus septentrionales, était basée sur la Ville Sainte, et Flake était situé dans les régions les plus méridionales.

La distance entre les deux royaumes était la plus grande depuis Mahar.

Rodrigo évacua sa colère pendant un moment avant de soupirer et de s'adosser à sa chaise. C'était peut-être l'âge, mais la colère l'épuisait. Il ne put s'accorder qu'un moment de répit et baissa le regard vers le bureau, jetant un coup d'œil sur les documents étalés avant d'en sortir un vieux dossier.

Le texte disait : « C'est parce que quelques serviteurs pressés ont commis un acte stupide »

Le message du grand prêtre revenait sans cesse dans l'esprit de Rodrigo. Il recherchait des données pertinentes, car il avait une idée de ce qu'avait été l'acte stupide du Grand Prêtre. Le Culte de Mara était divisé en plusieurs branches, mais ce n'était pas parce que l'autorité avait été divisée en plusieurs sections en raison de la force du culte. En fait, chaque branche se déplaçait en fonction des prêtres qui la gouvernaient, car il n'existait pas de pouvoir central.

La méthode d'organisation de chaque branche était sans planification préalable. Comme si quelqu'un qui vénérait Mara quelque part rassemblait d'autres croyants, et lorsqu'ils étaient assez nombreux, ils étaient reconnus comme une branche. Ensuite, le chef de la branche devenait prêtre après avoir reçu les pouvoirs sacrés du Grand Prêtre. Rodrigo n'était pas satisfait du manque de structure du culte, car le Grand Prêtre n'intervenait pas dans la gestion du culte, sauf pour donner des ordres, si nécessaire, en montrant les pouvoirs de Mara.

Il fallait donc que quelqu'un devienne le centre, à l'instar de Sang-je, le dieu maléfique de Mahar, pour rassembler les forces de la secte. Rodrigo pensait pouvoir remplir ce rôle, car la plupart des croyants reconnaîtraient son influence. Il y a vingt ans, Rodrigo n'était que le sous-fifre d'un prêtre dirigeant d'une petite branche, alors qu'une branche centrale était la plus importante de toutes. Rodrigo n'était plus un sous-fifre, et en tant que chef, il aurait pu exprimer ses opinions avec force dans d'autres branches et

recevoir une attention particulière de la part du Grand Prêtre. Si la branche centrale était restée au pouvoir aujourd'hui, Rodrigo n'aurait pas eu cette chance, car le chef ou son successeur se serait encore emparé de la secte.

Cependant, cette branche s'était effondrée instantanément, car le Grand Prêtre montra sa colère envers les fautes commises par les dirigeants de la branche centrale. Il leur retira les pouvoirs sacrés et les excommunia tous. Certains des croyants réguliers allèrent dans d'autres branches, et d'autres se dispersèrent. Personne dans la secte ne savait ce que les dirigeants avaient fait, car le Grand Prêtre communiquait seulement qu'il avait puni les criminels qui avaient commis un péché impardonnable. Comme Rodrigo, les autres prêtres ne pouvaient pas lever la tête devant le Grand Prêtre, et encore moins lui demander ce qu'il en était.

« Anika avait-elle été impliquée dans cet incident ? »

Qu'avait fait le prêtre principal de cette branche ? Rodrigo sentait qu'il devait apprendre ce qui s'était passé, non seulement par curiosité personnelle, mais aussi pour ne pas commettre la même erreur.

Si Anika avait été impliquée, la Ville Sainte aurait été en proie au chaos. Quelqu'un s'en souviendrait s'il y avait du grabuge.

Rodrigo pensa qu'il lui faudrait bientôt enquêter en envoyant quelqu'un à la Ville Sainte.

************************

Un assistant déposa sur la table une liste organisée de noms.

« J'ai envoyé quelqu'un pour confirmer le programme de demain »

Eugène tint la liste dans sa main et confirma les six noms qui y figuraient.

« Vous avez bien travaillé. Préparez-vous pour demain »

« Oui, Votre Altesse » L'assistante s'inclina et quitta la pièce.

Eugène avait préparé un thé léger et avait invité des femmes de la noblesse pour l'événement. Après son retour du désert, sa première décision officielle avait été d'organiser cette fête pour évaluer l'atmosphère avant de commencer à socialiser sérieusement. Alors qu'elle avait prévu la fête pour hier, le voyage avait pris plus de temps que prévu, ce qui avait entraîné un retard dans l'emploi du temps.

Les dames qu'elle rencontrerait demain n'étaient pas célèbres dans les cercles sociaux, car les dames notables n'étaient pas encore rentrées de la ville sainte. Environ vingt à trente jours devaient s'écouler après le début de la saison sèche avant que la plupart des aristocrates ne reviennent, et que la vie sociale puisse commencer à battre son plein.

Les femmes qu'Eugène allait rencontrer demain étaient des épouses de hauts fonctionnaires. Comme leurs maris travaillaient dans les hautes sphères, elles ne pouvaient pas se rendre dans la Ville Sainte pendant la saison active. Comme elles ne pouvaient naturellement pas suivre les dernières tendances de la Ville Sainte, elles

étaient tenues à l'écart des cercles sociaux. C'étaitpourquoi Eugène avait entendu dire que beaucoup de dames n'aimaient pas que leur mari devienne fonctionnaire dans ce royaume. C'était le devoir de la reine de consoler leur mécontentement, et Eugène choisissait son emploi du temps principal, ce que Jin n'avait jamais fait en tant que reine.

Eugène pensa à la date d'aujourd'hui et se lamenta après le départ de l'assistante.

Le temps passe si vite...

Dix jours s'étaient écoulés depuis le début de la période de sécheresse, et le temps avait filé après son retour du rituel. Lorsque le groupe royal atteignit les portes de pierre, il était en retard de deux jours et demi par rapport à son plan qui prévoyait un retour au bout de cinq jours. Ils ne s'aperçurent de l'atmosphère alarmante qui régnait dans la capitale qu'après leur arrivée au château, où ils reçurent un accueil fiévreux de la part du peuple. Eugène entendut dire qu'un ordre d'urgence était sur le point d'être donné, et des guerriers auraient accueilli le groupe si leur arrivée avait eu lieu un jour plus tard.

« Je vous suis reconnaissant d'être revenu sain et sauf, Votre Altesse. Je pensais qu'il ne se passerait rien de grave puisque Sa Majesté était avec vous, mais je craignais que vous ne soyez fatigué par le voyage » répéta Marianne, demandant si Eugène allait bien, et Eugène ne put cacher un sourire en se souvenant de l'apparence de Marianne. Elle savait maintenant ce que c'était que d'avoir quelqu'un qui attend dans l'inquiétude et d'avoir un foyer où retourner. Elle appréciait la chaleur qu'elle ressentait pour la première fois, mais elle en était aussi un peu gênée.

« Votre Altesse »

Eugène entendit un coup suivi d'une voix de servante à l'extérieur de la porte, et composa rapidement son expression avant de répondre.

« Entrez »

« Il y a un serviteur qui dit que Sa Majesté a demandé à ce que vous veniez le voir »

l’informa la servante

« Il n'a pas mentionné la raison ? »

« Non, Votre Altesse »

Eugène se leva instantanément, craignant une mauvaise nouvelle, et se dirigea vers le serviteur qui l'attendait pour l'escorter. Il n'avait pas dit grand-chose pendant le dîner qu'ils venaient de prendre, et comme ils se verraient dans la chambre dans quelques heures, il ne l'appellerait pas, sauf en cas d'urgence.

Le serviteur conduit Eugène dans le salon privé du roi. Lorsqu'elle entra, Eugène jeta un coup d'œil au serviteur qui gardait la porte ouverte, la tête baissée. D'habitude, le courtisan qui la guidait l'accompagnait à l'intérieur.

« Abu ! » Eugène fut surpris de voir le léopard noir sauter vers elle, souriant presque en signe de bienvenue.

La tête d'Abu s'approcha de la taille d'Eugène. Elle frotta sa tête poilue avec ses deux mains.

« Abu, mon beau Abu. Que fais-tu ici ? Es-tu venu parce que ton maître t'a appelé ? » Elle lui parlait avec sa voix de bébé.

Eugène leva les yeux après s'être occupé d'Abu, comme s'ils avaient été séparés pendant longtemps, et se mit immédiatement à grimacer.

Il aurait dû me dire que quelqu'un d'autre était là.

Quelqu'un était assis sur le canapé en face de Kasser. Il s'empressa de baisser la tête quand Eugène le regarda. Elle n'avait pas pensé qu'il y aurait un invité et maudit intérieurement Kasser en se retirant d'Abu et en se redressant. Son visage rougit lorsqu'elle réalisa que l'homme avait dû entendre son langage de bébé.

L'étranger se mit à genoux et à plat ventre lorsqu'elle s'approcha d'eux.

« Un humble pécheur vous salue, Votre Altesse. Je n'oublierai jamais que vous m'avez sauvé la vie »

Les yeux d'Eugène s'écarquillèrent et elle regarda l'homme d'un air surpris.

« Vous êtes... Adrit ? » demanda-t-elle.

« Oui, Votre Altesse » Il répondit sans se lever de sa position sur le sol.

Eugène ne l'avait pas reconnu car il était habillé avec soin. Eugène sourit, soulagée et reconnaissante. Si Adrit n'était pas venu ici, il lui aurait été difficile de faire preuve de bonne volonté envers d'autres vagabonds qu'elle pourrait rencontrer à l'avenir. Eugène obligea Adrit à se lever et à s'asseoir, alors qu'il répétait qu'il répondrait à toutes ses questions tout en s'inclinant devant elle, car il lui devait la vie.

« Vous avez dit que vous êtes resté sur le territoire d'un hwansu pendant la période active. Cependant, ne pouvez-vous pas éviter les Alouettes ? Pourquoi utiliser le territoire d'un hwansu comme abri ? » Elle posa sa première question.

« Le sort permettant d'éviter les Alouettes n'est pas infini, Votre Altesse. Le pouvoir s'érode petit à petit chaque fois que nous rencontrons des Alouettes. Mais le sort dure plus longtemps si on ne l'utilise pas beaucoup »

Le mot qu'Eugène voulait entendre sort de la bouche d'Adrit.

« Sortilège... ce tatouage était vraiment un sortilège » Elle s'en rendit compte.

Tome 1 – Chapitre 205 – La mort et

l'extinction

Prenant une profonde inspiration, Eugène tenta de se calmer. Bien qu'elle ait passé les derniers jours à organiser ses questions pour Adrit, elle avait toujours l'impression qu'elle allait le bombarder de questions.

Comme beaucoup d'entre elles restaient sans réponse, il n'y avait pas de mots pour décrire sa frustration. Pendant longtemps, elle pensa que personne ne pouvait répondre à ses questions. Pourtant, Adrit était là, devant elle.

« J'ai beaucoup de choses à te demander. Pouvez-vous répondre à toutes mes questions

? »

« Je vous dirai tout ce que je sais »

Eugène demanda, inquiet « Es-tu sûr ? Je croyais que vos règles vous interdisaient de parler de telles choses ? »

Elle craignait d'obliger Adrit à se mettre dans une situation désavantageuse. D'après ce qu'elle avait compris, les groupes fermés avaient souvent des lois plus strictes et plus cruelles que la norme.

« Si c'est quelque chose qui te causerait de gros ennuis... » elle hésita « Tu n'es pas obligé de le dire »

Même si c'était frustrant, il n'y avait pas de danger immédiat pour elle. La situation aurait été différente s'il s'était agi d'une question de vie ou de mort. Mais ce n'était pas le cas. Autant que possible, elle ne voulait pas mettre quelqu'un en danger pour ce qu'elle voulait.

Les yeux d'Adrit tremblèrent, la tête baissée « Si c'était cette personne, ça n'irait pas ? »

Adrit avait entendu les paroles d'Eugène, et il croyait que, quoi qu'il dise, la reine accepterait la vérité.

Kasser regarda Eugène d'un air étrange, montrant son malaise. Il savait combien elle attendait de voir Adrit. Au cours de son voyage en Terre Sainte, elle avait mentionné les vagabonds à plusieurs reprises.

Il lui avait demandé, un peu raide « Pourquoi t'inquiètes-tu autant pour lui ? »

Elle avait rougi, gênée « ...Pour être honnête, plutôt que de m'inquiéter, j'espère plutôt qu'il répondra à mes questions »

Elle sourit d'un air penaud et continua « Puisque je l'ai aidé, ne va-t-il pas me répondre franchement ? »

Il ne put s'empêcher de l'embrasser, son sourire faisant bondir son cœur. La dernière nuit qu'ils passèrent dans le désert, les boulons furent complètement libérés, et le lendemain, il lutta pour l'apaiser après qu'elle ait erré toute la journée.

La rencontre qu'elle avait espérée s'était réalisée. Maintenant, il trouvait curieux qu'elle s'intéresse au vagabond plus qu'à sa cupidité.

Était-ce vraiment la femme qui l'avait épousé il y a trois ans ?

Lorsque Kasser rencontra Anika Jin pour la première fois, il assista par hasard à une scène juste avant d'entrer dans le banquet. Dans un couloir vide, il a vu Anika gifler une autre femme sur la joue. Le coup était fort et le corps de la femme tremblait.

Contrairement à la grande beauté d'Anika et à sa magnifique robe de banquet, la femme portait une simple tenue de servante. Il pensa que la servante avait fait quelque chose de mal.

Si seulement il savait que cette grande beauté était Anika Jin et qu'elle deviendrait sa femme.

Plus tard dans la journée, il se dit que la servante n'avait probablement pas fait grand-chose de mal. Connaissant Anika Jin, elle n'avait aucune tolérance pour les petites erreurs des autres. Le caractère fondamental d'une personne change-t-il simplement parce qu'elle a perdu la mémoire ?

Ce qui le surprit, c'est que bien qu'elle ait déjà retrouvé une partie de ses souvenirs, il n'y avait toujours aucune trace de son caractère passé.

Tirant Kasser de ses pensées, le vagabond répondit à Eugène « Il n'y a pas de précepte qui nous interdise de parler de ces choses-là »

Kasser abandonna ses soupçons.

Eugène demanda « Même pour la technique ? »

Adrit acquiesça « Oui »

Eugène écarquilla les yeux, surpris. Elle pensait qu'il s'agissait d'un secret important qu'ils devaient emporter dans leur tombe.

« Alors pourquoi ne pas me le dire ? Personne n'a encore entendu ta voix »

« En général, ceux qui veulent nous entendre veulent acquérir la technique »

Il s'arrêta un instant, les yeux fixés sur le sol « Même si nous disons que personne d'autre ne peut utiliser cette technique, ils ne le croient pas »

Il regarda fixement, les yeux perdus pendant un moment « Comme de plus en plus d'entre nous ont été torturés pour avouer, notre tribu a convenu qu'il serait préférable que personne n'en parle. Plus jamais »

Le silence s'installa un instant, et Eugène ne put s'empêcher de trouver cela tragique.

Elle n'était pas surprise que la cupidité des hommes poussa les vagabonds au bord de la falaise, mais cela lui laissait tout de même un goût amer dans la bouche.

« Pourquoi personne d'autre ne peut utiliser cette technique ? »

Adrit expliqua la technique inscrite sur son corps.

Pour être précis, le tatouage lui-même gravé sur son corps n'était pas une technique, mais un tatouage magique sur son corps réalisé grâce à une technique. Et il y avait une condition préalable importante pour que cette magie fonctionne : une certaine lignée.

Il y avait bien longtemps, seuls les descendants de ceux qui avaient été les premiers à graver une telle magie sur leur corps étaient capables de le faire à leur tour. Comme les tribus errantes conservaient leur société interne, il était peu probable qu'un étranger ait une lignée d'errant dans ses origines

Et même si c'était possible, la sorcellerie laissait un horrible tatouage sur le corps. Il était donc peu probable qu'elle soit utilisée par des aristocrates soucieux de l'esthétique. Si c'était le cas, ils choisiraient d'évacuer vers la Ville Sainte.

Adrit s'attaqua enfin au problème fatal de ce sort.

« Pour activer cette technique magique, il faut que la vie d'une personne serve de support »

Eugène le regarda, stupéfait. « ...La vie ? Cela signifie-t-il qu'une personne doit mourir pour que la technique soit activée ? »

« Oui »

Kasser fronça les sourcils en écoutant la conversation entre les deux. En supposant que les paroles d'Adrit soient vraies, ils devaient rester silencieux.

Il devait y avoir un fou qui essayait d'expérimenter une telle sorcellerie, même après avoir entendu la condition d''agir sur la lignée' et d'un 'sacrifice humain'.

« Alors qui... ? »

Eugène hésita à terminer sa question.

Adrit répondit d'un ton froid « Les anciens de la tribu jouent généralement le rôle de médiateurs »

Les personnes âgées, qui estimaient que leur vie allait bientôt prendre fin de toute façon, étaient prêtes à se sacrifier pour l'avenir de leur tribu. Cependant, il y avait eu des cas où la tribu errante n'avait pas pu s'entraider au bon moment. Ce fut le cas lorsque

l'une d'entre elles accoucha pendant la saison active, sans pouvoir rencontrer d'autres tribus.

« Je suis né comme ça. Ma mère était prématurée et a donné naissance à des jumeaux.

Comme c'était la saison active, on ne savait pas quand les Alouettes allaient apparaître »

poursuit Adrit. « Ma mère a dû choisir entre ses deux enfants »

Eugène fixa Adrit d'un regard lourd, pressant une main sur sa poitrine. Son cœur se serra et elle ne put s'empêcher de soupirer. Qu'est-ce qui les poussait à se retrouver dans des situations aussi désespérées ?

« Alors, la magie... Qu'est-ce qu'elle fait exactement ? » demanda-t-elle au bout d'un moment. « Son Altesse a dit qu'Abu ne vous reconnaissait pas en tant que personne »

Adrit acquiesça « Les alouettes attaquent lorsqu'elles détectent un humain. L'un des effets de cette magie est qu'elle ne stimule pas l'agressivité de l'Alouette »

« Cela fonctionne-t-il pour toutes les Alouettes ? »

« Je pense que oui »

La tortue Hwansu traversa l'esprit d'Adrit.

« C'est toi l'humain qui se faufilait par ici ? « Le Hwansu reconnut clairement Adrit, qui vivait sur son territoire pendant la saison active.

« Mais cela ne semble pas fonctionner pour les Alouettes très puissantes. Le Hwansu de Terre Sainte m'a senti »

L'expression d'Eugène s'éclaira.

« Ce devait être un Hwansu extrêmement puissant. Il était si intelligent que j'avais l'impression de parler à une personne. Je ne pense pas que cette tortue causera des problèmes à l'avenir, mais Sa Majesté était inquiète « dit-elle en jetant un coup d'œil à Kasser « Êtes-vous toujours inquiet, Votre Majesté ? »

Après un moment, Kasser répondit « Un Hwansu reste une Alouette. Et comment croire en une Alouette ? »

« Vous êtes trop excessif. Abu écoute, alors comment peux-tu dire ça ? »

« Abu est mon Hwansu, il est donc une exception »

« Eh bien... N'oublie pas ta promesse de retourner en Terre Sainte avec un long programme à la prochaine saison sèche » dit Eugène.

Elle voulait prendre son temps pour apprendre à connaître la tortue Hwansu, mais le temps fut raccourci la dernière fois. Il fallait qu'elle revienne.

« Si tu es vraiment inquiète, nous en discuterons. Cette tortue n'est pas un enfant qui ne peut pas parler »

« C'est... ma reine » Adrit intervint alors, prudent « Ce Hwansu a souhaité que je vous transmette un message à vous deux »

« Oh mon Dieu. Quel message ? »

Adrit se sentit coupable devant la voix enjouée d'Eugène et récita ce qu'il avait entendu.

Il ajouta sa supposition, à savoir que la tortue était très probablement un Hwansu du roi dans le passé.

Eugène et Kasser se firent face en même temps et tournèrent leur regard vers Abu, qui était couché sur le ventre.

Eugène avala une question qu'elle voulait poser à Kasser. Elle voulait en parler dans un endroit où Abu ne les entendrait pas.

« La mort et l'extinction sont-elles une expression pour moi et Sa Majesté ? »

« Oui »

'Qui est la mort ?'

« La reine est la mort, le roi est l'extinction »

« Pourquoi diable sommes-nous dépeints sous un si mauvais jour ? »

« Vous deux... »

Adrit se tut. Il se leva de son siège et se mit à genoux.

« Je crains que ce que je vais dire ne vous mette en colère. Cela a trait à la raison pour laquelle nous sommes devenus des vagabonds... et cela risque de brouiller vos valeurs »

Kasser regarda Adrit et dit « Parfois, il y a des connaissances qu'il vaut mieux cacher.

Est-ce que c'est le cas ? »

Adrit hésita un instant avant de répondre « Oui »

Eugène continua de regarder Adrit en silence. Celle-ci retint son souffle et jeta un coup d'œil à son mari. N'étant pas née et n'ayant pas grandi ici, elle était sûre de pouvoir faire face à n'importe quelle histoire choquante. Mais Kasser était différent. Il était assis au sommet de ce monde, il avait été construit par ce monde.

Kasser était en conflit. D'une manière ou d'une autre, il comprenait qu'il ne pourrait plus faire marche arrière une fois qu'il aurait écouté Adrit. Quoi qu'Adrit ait à dire, Kasser sentait que cela bouleverserait la vérité universelle de ce monde. Il ne pouvait pas en conclure que tout ce qu'Adrit dirait serait vrai, mais devait-il quand même l'écouter ?

Une partie de lui avait envie de se détourner, d'être lâche.

Sentant le regard d'Eugène, il se tourna vers elle, rencontrant ses yeux. Elle baissa les yeux. Voyant cela, il sentit que sa fierté d'homme était supérieure à sa froideur de roi. Il ne voulait pas être lâche devant elle.

C'était une affaire importante, il le savait. Au fond de lui, il savait que la chose la plus importante pour lui était ce royaume et ce peuple. Mais s'il devait choisir entre ces deux choses et la femme en face de lui, il ne pourrait pas répondre.

Il répondit, avec un petit soupir.

« ...J'écouterai »

Tome 1 – Chapitre 206 – L'origine des Alouettes

Aldrit se tendit pendant qu'elle parlait, essayant de comprendre leurs réactions.

« S'il vous plaît, demandez-moi n'importe quoi »

« Est-ce que tous les vagabonds sont au courant de ces choses, ou est-ce que c'est seulement pour les quelques élus, comme vous ? »

« Dès qu'un vagabond atteint l'âge de dix-huit ans, ce savoir particulier lui est transmis.

Bien que ces histoires et ces circonstances soient partagées librement par le peuple, elles sont divisées en niveaux. À partir d'un certain âge, on en apprend plus sur notre histoire »

« Alors, puis-je vous demander quel âge vous avez ? »

« J'ai dix-neuf ans »

Eugène cligna des yeux, prise au dépourvu. Elle avait supposé qu'Aldrit avait environ quatorze ou quinze ans d'après son apparence. Elle avait d'abord pensé qu'il était cruel de la part de son peuple de laisser un enfant errer tout seul, même si c'était leur coutume.

Il avait dû se contenter de quelques restes de nourriture pour survivre.

Eugène éprouva de la pitié, car sa petite taille lui donnait l'air beaucoup trop jeune.

Cependant, à l'insu d'Eugène, Adrit n'aurait même pas été considéré comme petit par rapport aux autres habitants du bidonville.

Depuis qu'elle était arrivé dans ce monde, Eugène n'avait pu observer que des gens forts, à la carrure imposante. Les gens de la cour seulement étaient petits comparés aux guerriers. Aux yeux d'Eugène, les gens de la cour étaient ceux qui étaient de taille moyenne. En réalité, elle n'avait pas conscience de la différence absolue entre la stature des riches et celle des pauvres.

Ainsi, lorsqu'Eugène dit qu'Aldrit « a besoin de protection car il est encore jeune » elle créa accidentellement un malentendu, amenant Kasser à s'interroger sur ce qu'Eugène considère comme jeune ou vieux.

« Cela signifie-t-il que cette information n'est pas importante pour votre peuple ? »

Adrit répondit doucement « Bien qu'il s'agisse de la connaissance la plus commune, c'est la plus importante - la raison de la chute de l'une des tribus les plus puissantes du monde »

« Si c'est le cas » dit Kasser, faisant tressaillir Aldrit qui ne s'attendait pas à ce que le roi prenne la parole « Pourquoi votre peuple choisit-il la mort ? Pourquoi garder le silence sur une connaissance commune, quelque chose qui n'est même pas considéré comme un secret ? »

« Nous transmettons ce savoir pour nous souvenir des péchés de nos ancêtres, pas pour les répandre. Ceux qui ont tenté de nous faire parler ne désiraient que le sort qui permettrait d'éviter l'Alouette » poursuivit Adrit, solennel « Si je devais mourir de toute façon, que je parle ou non, alors je choisirai moi aussi le silence jusqu'à la mort »

Devant cette réponse inébranlable, Eugène se demanda à quel point les vagabonds devaient être coupés du monde.

« Mais peut-on vraiment les blâmer pour cela ? » pense-t-elle. Ils sont traités avec dédain, comme des parias. La seule façon de se protéger avait dû être d'ériger des murs dans leur cœur contre le monde.

« Si Aldrit avait été plus âgé, il ne se serait pas ouvert du tout »

Aldrit put changer d'avis grâce son plus jeune âge.

Bien que Kasser ne sympathisa pas avec les vagabonds autant qu'Eugène, ses sentiments d'hostilité s'estompèrent légèrement lorsqu'il commença à comprendre leur comportement. En regardant Aldrit, son regard s'adoucit.

« Continuez et finissez ce que vous disiez »

« Oui, Votre Majesté »

Aldrit poussa intérieurement un soupir de soulagement, reconnaissant pour leurs réponses calmes. Cependant, une partie de lui était perplexe. Ses aînés lui avaient dit que même si quelqu'un partageait ses secrets, on le qualifierait de fou.

Si seulement Aldrit savait à quel point les deux rois étaient uniques : une Anika qui ne croyait pas en la divinité et un roi sans foi. Ils auraient pu être les seuls sceptiques de Mahar.

« Au fil du temps, leur magie a évolué, au point qu'ils pouvaient contrôler le temps »

Adrit poursuit son récit.

Une fois que les sorciers eurent réussi à élargir la portée de leur magie, ils devinrent ivres de pouvoir. Au fur et à mesure que leurs pouvoirs s'accroissaient, ce qui était auparavant une tentative d'améliorer la vie des gens devint une quête égoïste du pouvoir absolu. Ils voulaient aller au-delà de la portée de l'homme, acquérir les pouvoirs d'un dieu.

Les sorciers étaient divisés en trois groupes d'individus partageant les mêmes idées, chacun se concentrant sur des domaines d'étude différents. Ces trois domaines étaient les suivants : les moyens de ressusciter les morts, les moyens de créer une nouvelle vie et, enfin, les moyens de voir dans l'avenir.

Tous étaient persuadés de pouvoir mettre la main sur le pouvoir absolu d'un dieu, mais aucun n'avait fait de progrès substantiels dans ses études. Au fil du temps, les trois groupes s’étaient préoccupés de se contrôler mutuellement, délaissant leurs études.

L'hostilité grandit au point que les mariages ne se firent plus qu'au sein de leur propre groupe. Chaque groupe devint plus sinistre, prêt à déchirer les autres groupes.

Finalement, les trois groupes se divisèrent complètement - trois groupes indépendants, avec trois idées différentes et trois lignées différentes.

Pour s'imposer face aux autres groupes, chacun d'entre eux se rendit compte qu'il devait revenir à son objectif initial, à savoir la poursuite de la magie pour laquelle le groupe avait été fondé. Ils commencèrent à se consacrer à nouveau aux idées de leurs ancêtres.

Ce fut alors que ceux qui se concentraient sur la création d'une nouvelle vie adoptèrent une nouvelle approche dans leurs études.

« Ils ont souligné qu'il était impossible de faire quelque chose à partir de rien. Ils ont donc pensé que faire venir des créatures d'un autre monde pouvait être considéré comme la création d'une nouvelle vie. C'est ainsi qu'ils... »

Aldrit prit une profonde inspiration, la gorge sèche au fur et à mesure qu'il parlait.

Chaque fois qu'il se souvenait de la misère de ses ancêtres, un puits sans fond l'accueillait comme s'il tombait.

« Le sort a fonctionné. Un portail s'est ouvert, reliant notre monde aux autres mondes de l'au-delà - et ce qui est passé par là, ce sont les monstres qui sévissent aujourd'hui dans le pays »

Les yeux de Kasser et d'Eugène s'écarquillèrent.

« Ces monstres ont été baptisés 'Alouettes', ce qui signifie péché et vice dans l'ancienne langue »

L'origine des Alouettes

Les royaux restèrent immobiles, choqués par ce qu'ils venaient d'entendre. Bien que cela paraisse absurde, c'était trop spécifique pour être traité comme une absurdité d'Aldrit. Il n'y avait pas non plus de raison pour qu'il invente une telle histoire.

« Je suis... » Aldrit marqua une pause, baissant le visage de honte « Je suis le descendant des sorciers qui ont fait naître les Alouettes »

Il s'assit, immobile, se repentant de tous les péchés commis par ses ancêtres.

« Une porte reliant d'autres mondes.... ? » Eugène sentit son cœur s'emballer à ces mots.

En vérité, elle était plus intéressée par le sort des ancêtres d'Aldrit que par les événements survenus après l'ouverture du portail.

Ce... Ce trou noir...

Eugène se souvenait du trou qu'elle avait vu juste avant de tomber dans ce monde, le même trou dans lequel elle avait sauté. Serait-ce le portail dont Aldrit a parlé ? Si c'est le cas, qui l'a ouvert ?

Jin... Jin essayait-elle d'ouvrir le portail avec ce sort ?

Mais pourquoi Jin ouvrirait-elle la porte ? Et était-ce une coïncidence que la porte s'ouvre juste devant elle ? Si ce n'est pas le cas, était-ce elle que Jin essayait d'appeler ?

Chaque question en entraînait une autre - elle se sentait coincée dans une boucle d'énigmes sans fin.

La voix de Kasser perça le silence, faisant sursauter Eugene qui se noyait dans ses pensées.

« Alors, sais-tu ce que sont vraiment ces Alouettes ? »

Elle serra le poing et fixa Aldrit, le cœur rempli d'espoir qu'il ait toutes les réponses à ses questions.

« Nous savons qu'à l'origine, elles ne venaient pas de ce monde. Ils n'avaient pas de forme particulière et ont donc imité les êtres vivants de notre monde. Et maintenant, ils sont devenus ce que nous connaissons d'eux »

Aldrit poursuivit sur la période sombre qui régna après l'arrivée des Alouettes dans le monde.

Lorsque les premières Alouettes se rendirent compte que le monde était gouverné par les humains, elles décidèrent d'anéantir toutes les races humaines pour prendre le contrôle du monde. Elles commencèrent un massacre et les morts s'empilèrent comme une montagne.

Face à cette crise, les trois groupes divisés s’étaient finalement réunis pour réparer leurs erreurs. Ensemble, les sorciers se battirent avec tout ce qu'ils avaient pour sauver le peuple des Alouettes.

Auparavant, les sorciers constituaient la classe dirigeante, différente des autres peuples.

La division ne fit qu'empirer lorsqu'ils avaient gardé égoïstement leur magie et s’étaient concentrés sur des études impossibles pendant des années et des années. Les autres leur tournèrent le dos, tout comme les sorciers avaient tourné le dos au peuple.

Mais devant les sacrifices des sorciers, le peuple changea d'avis. Pour sauver le monde, tout le monde s'unit alors et commença à lutter contre les Alouettes.

« ...Mais les humains ont beau essayer, les Alouettes sont trop puissantes. Aujourd'hui encore, une personne moyenne a du mal à tuer une Alouette deux fois plus petite qu'elle

»

Kasser hocha la tête, reconnaissant la vérité dans les paroles d'Aldrit. La force humaine n'était rien comparée à celle des animaux, et encore moins à celle des Alouettes. Et les Alouettes étaient bien plus menaçantes, car elles attaquent les humains sans discrimination, contrairement aux animaux qui ne le font que lorsqu'ils sont provoqués.

« Mais un miracle s'est produit. Des humains qui possédaient le pouvoir de vaincre les Alouettes commencèrent à naître dans le monde » dit Aldrit en se tournant vers le roi «

Et parmi eux, un homme qui possédait le plus grand pouvoir de tous, distinct des autres, naquit »

Les sourcils de Kasser se froncèrent aux paroles d'Aldrit.

Aldrit, lisant l'expression du roi, ajouta « Cet humain au plus grand pouvoir pouvait contrôler une créature sans forme exacte, une créature semblable à une Alouette »

Il faisait référence au roi et à son Praz.

Kasser ressentit un sentiment étrange en lui. Il n'avait jamais entendu ou lu de telles connaissances auparavant. Et jamais, dans ses rêves les plus fous, il n'aurait imaginé l'entendre de la bouche d'un vagabond.

En grandissant, il s'étaitposé des questions sur son existence dans le monde. Quel était le rôle d'un roi qui possèdait un si grand pouvoir, avec des traits si particuliers ?

Personne ne lui avait jamais répondu. Même le défunt roi, qui s'était probablement posé la même question, n'avait rien pu lui dire.

Mais il appréciait ce qu'Aldrit venait de lui dire sur sa véritable identité. Cela signifiait qu'il était toujours enraciné dans les humains.

En entendant une telle chose, Eugène ne pouvait s'empêcher de la comparer à quelque chose du monde moderne, pensant qu'il s'agissait d'un anticorps luttant contre un virus.

Pour faire face à la menace, il évoluait et prenait la forme de son ennemi, Eugène interpréta la ressemblance de Praz avec les Alouettes d'un point de vue évolutif.

Aldrit poursuit « L'apparition du roi était un miracle pour le peuple, mais pas pour les sorciers »

Eugène hocha lentement la tête, comprenant ce qui avait dû se passer, et dit « Le roi était bien plus puissant que les sorciers lorsqu'il s'agissait de vaincre les Alouettes »

« Oui, et tout le monde a fini par découvrir la vérité, à savoir que ce sont les sorciers qui ont amené les Alouettes »

Une fois cette information révélée, les gens étaient furieux. Ils étaient divisés. Certains pensaient que ce que les sorciers avaient fait était impardonnable, tandis que d'autres

pensaient qu'il fallait leur donner une nouvelle chance de corriger leurs erreurs, car les sorciers s'étaient opposés aux Alouettes.

Cependant, personne n'était vraiment du côté des sorciers. Depuis longtemps, ils formaient une société très fermée et ne pouvaient donc pas se mêler aux gens de l'extérieur. Le peuple étant protégé par son roi, il n'avait plus besoin du pouvoir des sorciers.

« Mais le dieu a donné aux sorciers une autre chance de commencer une nouvelle vie.

Les enfants des sorciers, qui possédaient des pouvoirs spéciaux, sont nés dans le monde.

Tous nés avec leur propre apparence, différente des autres, tout comme le roi »

Tome 1 – Chapitre 207 – Des parents

éloignés

« Je parie qu'elles avaient toutes des cheveux et des yeux noirs caractéristiques. Et c'étaient toutes des filles, n'est-ce pas ? » dit Eugène, sachant qu'Aldrit parlait de leur espèce, les Anikas.

« Oui, Votre Majesté »

Eugène était maintenant plongé dans ses pensées. Alors qu'elle se taisait, Aldrit baissa les yeux, les épaules tendues. C'était une affirmation audacieuse que de dire que le plus haut noble de ce monde était issu du plus bas des pécheurs.

« Alors je suppose que cela fait de vous un de mes parents éloignés, n'est-ce pas ? »

« Je vous demande pardon ? »

Aldrit releva rapidement la tête et fixa Eugène d'un regard vide, choqué par ses paroles.

Kasser remplit alors toute la grande salle de son rire.

Comme il n'avait pas l'intention de s'arrêter, Eugène l'interpella avec un soupçon d'avertissement.

« Votre Majesté »

Pour l'apaiser, Kasser tenta de retenir son rire, se raclant inutilement la gorge. Pourtant, ses épaules se soulevèrent et il se mit à ricaner. En contraste avec son rire joyeux, il regarda Eugène avec une grande intensité.

Eugène sentit ses joues s'échauffer, gênée sous son regard, alors qu'il l'observait comme il l'aurait fait dans leur chambre. Pour l'en dissuader, elle fit une légère moue.

« Même si ça t’a paru absurde, tu n'es pas obligé de me rire au nez »

« Je ne me moquais pas de vous » dit Kasser en ricanant « C'était juste très amusant »

En vérité, la remarque impartiale d'Eugène l'étonna. Avant de perdre la mémoire, elle était une Anika très fière. Mais maintenant, elle ne se comportait pas du tout comme les Anikas qui avaient l'habitude de se mettre le nez en l'air.

Aldrit venait d'insulter son espèce. Celles qui avaient le sang le plus noble auraient déjà piqué une crise. Au mieux, ils auraient déjà quitté la pièce en claquant la porte.

Il sourit à Eugène « Je ne me moquerais jamais de toi. J'aime ton absurdité »

Eugène détourna rapidement les yeux comme si elle n'avait rien entendu. Elle se dit que Kasser devient de plus en plus bête. Mais un flash de la nuit qu'ils avaient passée le dernier jour de leur voyage de retour de la ville sainte la fit rougir.

« Aldrit »

« Oui, Votre Majesté » Aldrit baissa les yeux vers le sol en sursautant. Bien que cela lui ait déjà traversé l'esprit, ces deux-là semblaient vraiment proches, sans aucune réserve.

Il pensait que les nobles s'en tenaient aux formalités, même lorsqu'ils étaient mariés. Il était étonné de constater que le roi et la reine n'étaient pas différents des amoureux qu'il avait vus dans sa tribu.

« D'après ce que vous venez de dire, les Anikas sont les descendantes de ces anciens sorciers. Alors, comment se fait-il que vous et votre tribu, qui êtes issus de la même racine, soyez aujourd'hui dans une situation aussi terrible ? »

Jamais, dans ses rêves les plus fous, Aldrit n'aurait pensé que lui et sa tribu seraient reconnus comme des personnes issues de la 'même racine' par une Anika. Déconcerté, il lui répondit.

« Il est peut-être un peu excessif de dire que nous partageons une racine commune, car les sorciers s'étaient déjà divisés en leurs trois groupes respectifs à ce moment-là »

Aldrit poursuivit « Les Anikas sont nées de ceux qui ont concentré leurs études sur la mort et la résurrection »

« Et ? »

« Avec la naissance d'Anikas, les sorciers furent pardonnés et acceptés par le peuple.

Comme seule Anikas pouvait... » Il marqua une pause, ne sachant que dire ensuite.

« Seul Anikas pouvait donner naissance à des enfants de rois » Eugène termina sa phrase à sa place.

Le roi, avec ses pouvoirs surnaturels, avait dû exercer son influence sur le peuple. Ceux-ci finirent par lui faire confiance et lui confier le pouvoir de les protéger et de régner sur eux.

Pourtant, la reproduction était un instinct. Anikas, qui pouvait lui donner un enfant, devait être la seule chose à laquelle il ne pouvait renoncer, même si cela signifiait tourner le dos au peuple. Mais avoir un héritier pour le roi était tout aussi crucial pour le peuple, car la lignée du roi était nécessaire pour lutter contre les Alouettes.

Les deux intérêts coïncidant, ils avaient dû comprendre qu'ils devaient pardonner aux sorciers et les accepter comme l'un des leurs.

Cela signifiait que les rois et les Anikas étaient les guerriers que ce monde avait créés pour lui-même.

Eugène n'avait jamais été religieuse, incrédule face à l'existence d'un dieu. Mais maintenant, elle sentait qu'elle pouvait définir la volonté du monde, qui s'engageait les

uns avec les autres comme une roue dentée géante - le grand ordre - comme le pouvoir d'un dieu.

« Seul le groupe dont sont issus les Anikas a été totalement pardonné par le peuple. Ce sont les seuls sorciers qui ont fait partie du nouveau royaume quand tous les autres se sont effondrés à cause des Alouettes »

Bien qu'un seul des trois groupes fut choisi par Dieu, les autres furent également été sauvés, d'une certaine manière. Bien qu'ils restèrent impardonnés, le peuple ne les pourchassa pas. Les deux groupes furent mis à l'écart du monde et firent fait leurs propres choix.

Les ancêtres d'Aldrit, les plus grands pécheurs de tous, décidèrent de recevoir leur punition en ne s'enracinant nulle part dans le monde - de vivre comme des vagabonds.

D'un autre côté, le groupe de sorciers qui s'était concentré sur la recherche d'un moyen de voir l'avenir décida de se cacher à jamais. Ils dissimulèrent leur magie au monde, pour se repentir de leurs péchés d'aide et de complicité. Tout en conservant leur identité de sorciers, ils préservèrent toutes leurs connaissances, les transmettant aux générations futures.

Pendant ce temps, le groupe de la mort et de la résurrection s'assimila au peuple. Au fil du temps, ils oublièrent leurs racines.

Alors qu'Adrit terminait, la salle tomba dans un silence total. Eugène et Kasser, qui réfléchissaient aux paroles d'Aldrit, restaient immobiles. Au bout d'un moment, Kasser exprima un doute qu'il avait ruminé pendant tout ce temps.

« Il y a quelque chose que je trouve très étrange »

« Qu'est-ce que c'est, Votre Majesté ? »

« Vous n'avez jamais mentionné Mahar pendant que vous parliez »

Bien qu'Aldrit ait mentionné 'dieu' à plusieurs reprises, il ne semblait pas faire référence à Mahar comme étant le seul et unique dieu. Il l'avait qualifié de métaphore pour 'l'absolu'.

Eugène demanda « Les gens parlaient-ils de Dieu différemment à l'époque, et non pas de Mahar ? »

« Dans les temps anciens, Mahar était le mot qui désignait notre monde »

« Pas Dieu ? »

Aldrit, qui avait l'impression de marcher sur des œufs, répondit sans grande conviction

« Oui »

« Alors quand Mahar a-t-il commencé à symboliser Dieu ? »

« Je n'ai pas encore appris ce savoir, Votre Majesté »

« Et Mara ? »

« Je n'ai rien appris à ce sujet non plus »

« Alors, qu'en est-il de la mort et de la destruction ? » demanda Eugène en se désignant et en désignant Kasser.

« Nous pensons que le roi a le pouvoir de faire disparaître les Alouettes, de les mener à leur perte. Quant à Anika, elle a le pouvoir de les conduire à la mort »

« Quelle est la différence ? »

« Je m'excuse » dit Aldrit, honteux « je n'ai pas encore appris ce genre de choses »

Eugène sentit ses espoirs s'évanouir. Ce qu'elle cherchait n'était ni l'origine des vagabonds, ni la naissance du roi et d'Anika.

« Ces marques de sort sur ton corps... Pour les initier, il faut l'incantation, un médium et un récipient, n'est-ce pas ? »

Aldrit acquiesça « Oui, vous avez raison »

« Peux-tu m'enseigner quelques-uns des sorts que tu connais ? » demanda Eugène, une partie d'elle étant pleine d'espoir « Il n'est pas nécessaire que ce soit grandiose »

« Hum... » Les yeux d'Aldrit se mirent à trembler, mis sur la sellette « Je suis désolé, mais je ne connais rien aux sorts, Votre Majesté »

« Quoi ? » La voix d'Eugène était tranchante, choquée, comme si elle avait été poignardée dans le dos par quelqu'un en qui elle avait confiance « Pourquoi ? Comment peux-tu ne pas savoir ? » Sa voix s'éleva « Tu es un descendant des sorciers. Qu'en est-il des marques de sorts sur ton corps ? »

Aldrit trembla, craignant d'encourir la colère de la reine. Il répondit néanmoins « Le seul sort que nous, les vagabonds, pouvons apprendre et pratiquer est celui qui nous permet d'éviter les Alouettes. Le savoir que notre tribu transmet n'est que l'histoire et les péchés de nos ancêtres. Et je n'ai pas encore appris le sort qui permet d'éviter les Alouettes »

Elle resta bouche bée, sentant quelque chose s'effriter en elle.

Kasser, jetant un coup d'œil à l'abattement d'Eugène, demanda à Aldrit « Tu as dit que c'était l'autre groupe de sorciers qui se chargeait de préserver le savoir de la sorcellerie.

Seront-ils donc au courant des sortilèges ? »

Eugène se redressa à nouveau, une petite lueur d'espoir dans les yeux. Mais cette lueur diminua rapidement avec la réponse d'Aldrit.

Aldrit, qui regardait toujours vers le bas, dit « C'est ce qu'on m'a dit. Mais je crains de ne pas savoir comment les atteindre »

Il sentait le désespoir de la reine, ce qui le rendait inquiet « Pardonnez mon ignorance, Votre Majesté. Je vous aurais tout dit si j'avais su »

Eugène regarda Aldrit, son regard s'adoucit lorsqu'elle reconnut sa sincérité.

« ...C'est vrai. Je ne pense pas que vous mentiez » Elle soupira « Mais y a-t-il une chance que vous pensiez à quelque chose si vous voyez une incantation ? »

« Je ne le saurai que si j'en vois une, Votre Majesté »

Eugène se leva alors de son siège « Je peux vous en montrer une dans la bibliothèque.

Allons-y tout de suite... »

« Eugène »

Elle tourna la tête vers Kasser « Oui ? »

« Il est déjà tard. Tu pourras lui montrer demain »

Surprise, Eugène se tourna vers la fenêtre du balcon. Sans s'en rendre compte, la nuit était déjà tombée et elle ne voyait plus que le ciel noir. Elle était profondément plongée dans l'histoire d'Adrit et n'avait pas conscience du temps qui passait.

Elle reprit son souffle et se tourna vers Aldrit « Tu dois être très fatigué à présent. Je m'excuse de vous avoir dérangé si longtemps »

« Je vais bien, Votre Majesté »

« Non, ça ne va pas. Vous devriez vous reposer »

Au bout d'un moment, un serviteur entra dans le hall. Eugène ordonna au serviteur de répondre à tous les besoins d'Adrit en tant qu'invité privé. Avant de quitter la salle, le vagabond s'inclina profondément devant Kasser et Eugène.

« Abu »

Abu, qui était resté allongé sur le sol pendant tout ce temps, s'approcha d'Eugène lorsqu'elle l'appela. « Toi aussi, tu as fait du bon travail »

Elle laissa échapper un petit rire lorsqu'Abu frotta sa tête sur sa main pendant qu'elle le caressait.

Kasser appela ensuite Abu en ouvrant la fenêtre du balcon. Il était temps pour lui de partir. L'Alouette lécha une dernière fois la main d'Eugène avant de partir, tandis qu'Eugène surveillait le dos d'Abu.

Après avoir refermé la fenêtre, Kasser se dirigea vers elle. Elle ne put s'empêcher de sourire et tendit le bras pour l'attraper.

Eugène le prit dans ses bras et lui murmura « Merci »

La décision de laisser entrer un vagabond dans le palais n'avait pas dû être facile à prendre, d'autant plus que Sang-je avait clairement indiqué que les vagabonds étaient des oiseaux de mauvais augure.

Elle était reconnaissante. Elle était reconnaissante d'avoir pu parler à Aldrit, ce qui l'avait conduite à un indice vital, grâce à Kasser. Elle était sur le point de découvrir pourquoi Jin avait volé le trésor national et pourquoi elle avait trompé ses serviteurs dans le désert.

« Jin a lancé le sort, ce qui m'a permis d'entrer dans ce monde »

Lorsqu'elle était arrivée dans ce monde, tout ce qu'elle souhaitait, c'était vivre la vie de Jin. Mais elle réalisa amèrement qu'il n'y avait pas de limite aux désirs, et Eugène ne se contenta plus de vivre comme la coquille de Jin. Elle prit une nouvelle résolution, voulant savoir ce que ce sort pouvait faire.

Elle voulait se tenir devant Kasser, non pas en tant que Jin, mais en tant qu'Eugène. Elle voulait le regarder dans les yeux sans la moindre culpabilité, et qu'il la voie vraiment.

***********************************

Alors qu'Eugène sombrait lentement dans le sommeil, une question cruciale lui traversa soudain l'esprit. Elle ouvrit rapidement les yeux, réfléchissant à la question importante à laquelle elle aurait dû penser plus tôt. Ce qu'Aldrit lui avait dit aujourd'hui ne semblait pas correspondre aux circonstances actuelles de leur tribu.

« Pourquoi leur tribu est-elle chassée maintenant ? »

« Je devrais prendre note de cela... » Eugène se murmura à elle-même, sans se rendre compte qu'elle avait laissé échapper ses pensées.

Soudain, elle poussa un cri en sentant sa cheville mordue. Au même moment, un grondement parvint à ses oreilles.

« Tu vas continuer à faire ça ? » Eugène frissonna tandis qu'une voix grave et rauque lui soufflait dans les oreilles « Tu ne vas pas te concentrer ? »

Tome 1 – Chapitre 208 – Les invitées de la reine

C'était comme si la chaleur se calmait lentement, après une vague de liaison. Eugène s'étala sur le lit pendant qu'elle recevait les baisers de Kasser, marquant son chemin du cou-de-pied aux mollets.

Eugène se dit alors qu'elle s'était peut-être habituée à ces caresses sensuelles. Sinon, il était difficile de croire que son esprit s'égarait au milieu de ses caresses, aussi douces furent-elles. Eugène fit une double réflexion lorsqu'elle réalisa que ce n'était pas la première fois qu'il l'avertissait pour ses bavardages.

Ses yeux s'écarquillèrent lorsque Kasser rampa rapidement le long de son corps, pressant son poids contre le sien et se penchant juste au-dessus d'elle. Il n'avait pas l'air d'être comme d'habitude. Et ses yeux vexés semblaient indiquer un danger.

Eugène lui adressa un rire gêné, mais cela ne suffit pas à décrisper ses sourcils.

« Tu ne veux pas le faire ? Est-ce que je t'oblige à le faire contre ton gré ? »

« Non, bien sûr que non » Eugène s'agita à la vue de ce dernier qui semblait très fâché contre elle. Comme Kasser ne le montrait pas, Eugène n'avait jamais réalisé à quel point ses frustrations s'accumulaient en lui depuis un certain temps.

Pendant tout le voyage de retour de la Ville Sainte, et même après leur retour, Eugène ne pensait qu'aux vagabonds et au hwansu qui avait pris la forme d'une tortue.

Connaissant son obsession pour ses vieilles collections de livres avant qu'elle ne perde la mémoire, Kasser essaya de comprendre que son intérêt pour les incantations était probablement lié à son ancien passe-temps.

Il fit de son mieux pour écouter chaque mot d'Eugène. Mais à vrai dire, il avait envie d'avoir une autre conversation avec elle - quelque chose qui ne concernait qu'eux deux.

Il désirait avoir les conversations les plus privées et les plus triviales avec elle.

Il était agacé par l'intérêt qu'elle portait aux vagabonds et à un Hwansu inconnu, car ces intérêts ne cessaient d'interrompre le temps qu'il passait avec elle.

Et enfin, à cet instant, il sentit soudain éclater les émotions qu'il avait refoulées en lui pendant tout ce temps. Bien qu'il sache pertinemment qu'il était puéril de s'émouvoir pour de telles choses, il n'arrivait plus à se calmer.

Eugène l'appela doucement « Ne te mets pas en colère, s'il te plaît ? »

« Je ne suis pas en colère contre toi. C'est juste que... »

Kasser n'arrivait pas à penser au reste de la phrase, les sentiments qu'il avait enfouis au plus profond de lui remontant à la surface. Mais il n'arrivait pas à trouver un mot pour définir clairement ce qu'il ressentait. Est-ce de la rancœur ? Non, c'est autre chose. La solitude... oui, c'était bien la solitude.

Il avait l'impression d'être le seul à s'agiter. La confusion régnait dans son esprit, car il ne parvenait pas à définir les sentiments qu'il éprouvait pour elle. Ces sentiments le poussaient à la voir, à la toucher, même si elle était déjà dans ses bras, sous ses yeux. Il était confus, car il ne comprenait pas.

Eugène était déjà sa femme, sa femme, que tout le monde reconnaissait. Pourquoi en était-il encore mécontent ? Etait-ce parce que leur relation avait été fausse au début ?

Mais il lui avait déjà dit qu'il voulait recommencer leur relation. Il n'arrivait pas à savoir ce qu'il devait faire de plus pour éclaircir ses sentiments.

« Quand vas-tu me le dire ? »

Eugène, prise au dépourvu par ses paroles, ne parvint pas à garder son visage droit.

Et lorsque Kasser vit ses pupilles se dilater à ses mots, il eut l'impression d'avoir enfin un indice sur ses sentiments ambigus. Même s'il ne savait pas encore de quoi il s'agissait, il sentait qu'Eugène lui cachait quelque chose d'important.

Kasser craignait que ses secrets ne deviennent plus tard un mur qui les séparerait. Cela lui fit comprendre que ce qu'il ressentait n'était pas de la solitude, mais de la peur.

« Te dire... quoi ? »

« Ce que c'est. »

Ce fut Eugène qui, la première, détournéason regard de lui. Kasser, regardant dans les cils frissonnants de la jeune femme qui fermait les yeux, sentit son bas-ventre tirer et se tordre à l'intérieur de lui.

Il avait l'impression de perdre la tête, car il ressentait soudain une irrésistible envie d'enfoncer son autre moi bouleversé dans sa chair, au point de faire pleurer ses cils. Il avait l'impression d'être devenu un fou, livré à ses seuls instincts.

Il n'y avait aucun moyen de faire parler quelqu'un qui n'en avait pas envie. Et les pousser à parler ne ferait que les inciter à mentir. Il en allait de même pour les sentiments des gens. Mais s'il ne s'agissait que de son corps, il avait l'impression de pouvoir l'avoir pour lui tout seul. Ses yeux s'ouvrirent juste avant que Kasser ne devienne féroce avec les émotions qui montaient en lui.

Eugène inspira profondément en sentant une boule dans sa gorge. De la lettre de Sang-je qu'elle avait brûlée, au but de ce mariage, en passant par sa véritable identité, il y avait tant de choses qu'elle lui avait cachées.

Eugène frémit en réalisant que Kasser ne faisait que feindre d'ignorer ses secrets. Elle avait l'impression d'être jetée sur la place publique avec seulement de la chair nue.

« Juste... laisse-moi un peu de temps »

Les nerfs de Kasser s'étaient calmés à ses mots, car elle ne lui avait pas donné la pire réponse à laquelle il s'attendait en jouant les innocents.

Ces changements rapides d'émotions lui avaient fait réaliser une fois de plus qu'il était déjà trop tard pour qu'il change ce qu'il ressentait pour elle.

Eugène lui tendit les bras et les passa autour de son cou tandis qu'il appuyait le haut de son corps sur le sien. Kasser souleva son corps, et le sien fit de même.

Elle était maintenant assise sur les genoux de Kasser, qui s’assit sur le lit. Ils se serrèrent ensuite l'un contre l'autre tendrement

« Je te promets que je te dirai tout quand je serai prête »

« ...D'accord »

Eugène détendit ses bras autour de son cou et s'adossa à lui. Elle se sentait désolée mais aussi reconnaissante envers l'homme qui venait de lui faire un signe de tête ingénu lorsqu'elle lui avait demandé de l'attendre indéfiniment. Elle avait l'impression d'être devenue une mauvaise femme en profitant de son innocence.

Elle lui donna un petit coup de bec sur les lèvres lorsqu'il répondit. Et comme elle savait qu'il avait un faible pour elle lorsqu'elle souriait en le regardant dans les yeux, Eugène offrit alors à Kasser un sourire doux et sincère du fond du cœur en le regardant dans les yeux. Sa beauté n'avait jamais été aussi grande en ce moment, mais une partie d'elle avait l'impression d'être un peu rusée.

« Je vais vraiment me concentrer cette fois-ci »

« Tu n'as pas à te forcer si tu n'en as pas envie » Bien que sa façon de parler soit encore rigide, elle pouvait voir que ses yeux et son visage s'étaient déjà adoucis. Il n'était pas difficile pour elle de lire ses sentiments sur son visage et cela l'inquiétait un peu, car il était roi, mais d'un autre côté, elle avait une envie irrésistible de l'embrasser.

« Je ne me force pas. D'ailleurs, je ne suis pas du genre à me laisser forcer la main. Au contraire, je t'aurais donné un coup de pied depuis longtemps »

Kasser gloussa à ses paroles, avec une lueur malicieuse dans les yeux.

« Si nous recommençons maintenant, tu devras peut-être renoncer à dormir ce soir. Tu es sûre de vouloir le faire ? »

Eugène fit un petit signe de tête, mais dès qu'elle réalisa qu'elle s'était trompée, elle secoua rapidement la tête, car elle savait par expérience qu'il ne bluffait pas.

« Tu ne peux pas revenir sur tes paroles maintenant »

Kasser chuchota à voix basse, en superposant rapidement ses lèvres sur les siennes.

Eugène avait le mauvais pressentiment que la nuit serait longue pour elle et elle ferma les yeux, sentant son souffle coupé.

*********************************

En début d'après-midi, les carrosses des dames invitées par la reine arrivèrent au palais.

Les six dames invitées étaient les épouses respectives du chancelier Verus, du général Lester et des chefs de chaque ministère.

Comme les dames semblaient avoir hâté leur départ pour arriver plus tôt, elles étaient toutes arrivées au palais presque en même temps. Elles s'échangèrent de chaleureuses salutations en descendant de leurs carrosses.

Bien que ces dames soient issues de familles nobles et que leurs maris soient de hauts fonctionnaires du royaume, elles n'avaient pas d'autre choix que de rester dans la capitale plutôt que dans la Ville sainte pendant la période d'activité. Et comme elles occupaient toutes des postes similaires, elles organisaient souvent des réunions ensemble, faisant ainsi connaissance les unes avec les autres.

Lady Darlin, l'épouse du général Lester, s'approcha de la dame qui descendait de son carrosse, la dernière arrivée. Lady Darlin la salua d'un sourire amical.

« Comtesse Oscar. Ou peut-être Lady Ricksen ? Comment dois-je vous appeler aujourd'hui ? »

Charlotte, l'épouse du chancelier Verus, avait hérité de son père le titre de comte.

eDame Ricksen, je suppose. Je crois que tout le monde est venu ici aujourd'hui à cause de son marie

Charlotte répondit avec un sourire.

Les dames acquiescèrent en souriant de manière significative. Lorsqu'elles reçurent les invitations de la reine, elles n'avaient pas compris de quoi il s'agissait, car c'était la première fois qu'elles se réunissaient toutes les six au palais.

Ce n'était pas la première fois que la reine organisait une réunion. Elle les organisait généralement une ou deux fois par saison sèche pour se tenir au courant de la vie des gens. Mais toutes les personnes invitées aujourd'hui étaient des dames d'importance sociale qui allaient et venaient dans la ville sainte de temps à autre, et la reine n'avait jamais réuni les épouses des fonctionnaires en privé auparavant.

« Le chancelier a-t-il parlé de notre réunion d'aujourd'hui ? »

Charlotte secoua la tête.

« Rien de particulier. Alors, je suis sûre que ce n'est qu'une des réunions habituelles »

Charlotte se remémora alors la conversation qu'elle avait eue avec son mari le matin.

« Je me rendrai au palais cet après-midi. Te souviens-tu encore de ce que je t'ai dit à propos de l'invitation de la reine ? »

« Oui, je m'en souviens. Je vous souhaite un bon voyage jusqu'au palais »

« C'est tout ? Vous n'avez pas de conseils à me donner ? »

« Je suis juste curieux de savoir quel genre de conversation vous allez avoir avec la reine aujourd'hui. Alors, s'il vous plaît, racontez-moi tout à votre retour »

Charlotte se dit alors que son mari, très méticuleux, l'aurait prévenue à l'avance s'il y avait quoi que ce soit à savoir.

En raison de sa position dans la haute société, Charlotte avait assisté à quelques soirées organisées par la reine, contrairement aux cinq autres dames.

Elle n'y allait qu'à l'invitation de la reine, mais elles étaient souvent ennuyeuses. Chaque fois qu'elle s'y rendait, elle restait assise et retenait son souffle pendant toute la durée de la fête, sans se mêler aux autres. Pour cette raison, elle n'a plus reçu d'invitation depuis l'année dernière.

Charlotte appartenait à l'une des familles nobles les plus riches du royaume. Comme elle était la seule enfant de sa famille, on s'attendait à ce qu'elle hérite de tout ce qui appartenait à sa famille à l'avenir. Sa mère était également issue d'une famille noble de la Ville Sainte. Ainsi, bien qu'elle n'ait jamais visité la Ville Sainte depuis son mariage, elle avait toujours son influence dans la haute société.

Comme sa mère vivait dans la Ville Sainte, elle entendit parler du genre de personne qu'était Jin Anika. À cause de cela et de quelques rumeurs, Charlotte avait considéré Jin comme quelqu'un qu'elle ne voulait pas fréquenter.

Elle n'avait donc jamais eu d'intérêt personnel pour la reine. Mais récemment, la reine commença à montrer sa présence au public. Sans parler de l'incident de l'arbre aux Alouettes, la reine, qui n'avait jamais vraiment mené d'activités extérieures auparavant, se rendit même dans la Ville Sainte.

Charlotte, qui était désormais curieuse de connaître la reine, avait répondu à la lettre d'invitation de la reine pour confirmer sa présence dès qu'elle l'avait reçue.

Les dames se turent lorsqu'elles virent quelqu'un s'approcher d'elles. Marianne baissa la tête devant les dames, et elles firent de même.

« Je ne m'attendais pas à revoir Madame au palais »

Les dames sentirent la gêne qui régnait dans l'air dès que Charlotte salua Marianne de son ton quelque peu cynique.

Il était de notoriété publique que la reine considérait Marianne, qui menait une vie retirée depuis trois ans après sa démission volontaire, comme une horreur.

Mais comme Marianne était à présent de retour au palais, toutes sortes de spéculations sauvages s'étaient à nouveau répandues. On s'attendait à ce que ce soit l'un des sujets les plus brûlants de cette saison sèche, dès que les nobles reviendraient de la Ville Sainte. Mais cette honneur fut donné à l'incident de l'Alouette.

Marianne répondit avec un sourire chaleureux.

« Je suis très reconnaissante à Sa Majesté d'accueillir quelqu'un comme moi au palais. Je vous en prie, entrez. Sa Majesté vous attend tous »

Un léger sourire traversa le visage de Charlotte tandis qu'elle se dirigeait vers le palais.

Marianne n'était pas une personne que l'on pouvait deviner au détour de quelques conversations. Les autres dames suivirent Charlotte, qui était en tête. Lorsque Charlotte pénétra dans le palais, son regard fut immédiatement attiré par la disposition des meubles, la couleur des rideaux et la façon dont ils étaient noués.

Est-ce parce que je n'ai pas visité le palais depuis longtemps ?... Il a l'air très différent de ce qu'il était avant. Serait-ce à cause de Marianne ?

Comme Marianne était responsable de tout ce qui se passait au palais pendant une longue période, presque tous les banquets royaux organisés au palais reflétaient ses goûts à bien des égards. Charlotte sentit tout de suite la différence, car elle avait déjà assisté à quelques banquets royaux.

Marianne s'arrêta finalement à l'entrée du Grand Hall et frappa à la porte. Au bout d'un moment, un serviteur sortit pour leur ouvrir la porte.

« Sa Majesté souhaite que ses invités entrent »

Marianne prit la parole en se tournant vers les dames qui se tenaient derrière elle.

« Entrez, s'il vous plaît »

Les dames échangèrent un regard, car il était courant que les invités attendaient leur hôte si celui-ci avait un statut plus élevé qu'eux. Elles entrèrent maladroitement dans la salle, car aucune d'entre elles n'avait imaginé que la reine les attendrait pour entrer.

Eugène était assise à la table ronde, assez grande pour sept personnes, et observait ses invités qui entraient dans la salle.

Eugène jetait un coup d'œil rapide sur leurs visages, tandis que les dames détournaient précipitamment le regard dès qu'elles rencontraient celui d'Eugène. Comme elle avait déjà vu leurs portraits auparavant, elle était capable de reconnaître leurs visages tout de suite.

Bien qu'elle n'avait aucun souvenir d'elles, elle ressentait une vague réminiscence de la mémoire de Jin lorsqu'elle voyait l'un de leurs visages :

« C'est un honneur de vous rencontrer, Votre Majesté »

« Vous devez être la femme du chancelier Verus. Comtesse également, à ce qu'on m'a dit.

Vous ressemblez beaucoup à votre mère »

« J'ai entendu parler de Sa Majesté par ma mère »

« Votre mère m'a dit un jour que sa fille lui manquait, car elle n'était jamais venue lui rendre visite dans la ville sainte depuis son mariage. Il aurait été formidable que nous ayons la chance de nous rencontrer lors de votre visite dans la ville sainte »

Tome 1 – Chapitre 209 – Les incantations des temps anciens

Le souvenir qui vint à l'esprit d'Eugène se transforma alors en une autre scène, dans un lieu différent et sans personne. Lorsque Eugène se rendit compte qu'il s'agissait d'un souvenir d'une réunion privée, elle entendit Jin parler à nouveau.

[ « J'ai une faveur à te demander »

« C'est avec grand plaisir que je vous aiderai, Votre Majesté »

« Heureuse de l'entendre » ]

Eugène était profondément étonnée par ce souvenir, car la plupart de ce qu'elle avait vu de Jin jusqu'à présent était surtout ses comportements hautains, comme quelqu'un avec un sérieux problème de gestion de la colère. Mais hélas, Jin pouvait être une personne sensée après tout, sachant comment se comporter avec les personnes qu'elle devait conquérir.

Au lieu de sa voix habituelle, autoritaire et nasillarde, elle parla sur un ton inhabituellement aimable. Et il était tout à fait inattendu d'entendre Jin utiliser le mot

'faveur'.

[ « J'ai beaucoup entendu parler de vos grands-parents maternels, qui sont très réputés dans la Ville Sainte. J'ai besoin de leur aide pour trouver quelqu'un » ]

Eugène regarda avec intérêt la femme devant elle, celle qu'elle avait vue dans les souvenirs de Jin. Cette femme était belle, mais elle avait aussi un extérieur froid.

Contrairement aux autres dames qui se raidissaient devant elle, la femme restait calme avec une expression sereine sur son visage.

Le comte Oscar, l'épouse du chancelier, était la personne qu'Eugène avait le plus hâte de rencontrer parmi toutes celles qu'elle avait invitées aujourd'hui. Marianne lui avait fait des éloges inhabituellement généreux sur le comte, sur le fait qu'elle était une femme de peu de mots et qu'elle était également bien centrée.

« Je suppose que Marianne n'en savait rien »

Si Marianne avait eu la moindre idée de l'intimité entre Jin et la comtesse, elle le lui aurait dit à l'avance. Jin avait dû rencontrer la comtesse dans son dos, mais leur interaction ne semblait pas avoir duré longtemps.

Parmi tout ce que Marianne lui avait dit sur la comtesse Oscar, c'était la vie privée de la comtesse qui l'intriguait. Apparemment, la comtesse et le chancelier s'étaient mariés par amour, et leur mariage avait donc fait grand scandale, car un mariage de convenance était la coutume dans leur société. Mais le fait que la comtesse Oscar soit plus âgée que le chancelier était la vraie surprise, compte tenu de l'apparence fastidieuse de Verus.

Les six dames se tenaient près de la table et baissaient la tête devant Eugène.

« Nous sommes très heureuses de vous rencontrer, Votre Majesté »

« Bienvenue et merci d'être venu jusqu'ici malgré mon invitation soudaine »

Je vais devoir guetter l'occasion de rencontrer la comtesse en privé.

Eugène pensait qu'elle serait capable de comprendre la faveur demandée par Jin si elle avait l'occasion de parler avec la comtesse

Mais la réunion d'aujourd'hui avait pour but de lui permettre de faire connaissance avec les épouses des officiels tout en écoutant leurs difficultés à vivre en tant qu'épouses d'officiels. Comme il s'agissait d'une réunion publique, elle n'avait pas l'intention de montrer son intérêt personnel pour la comtesse aujourd'hui.

*****************************

Eugène appela Aldrit au bureau plutôt qu'à son cabinet de travail. Elle ne voulait pas attirer l'attention inutilement, car elle savait que les gens jetteraient un regard perplexe si elle laissait Aldrit entrer dans son bureau, où elle n'avait jamais permis à ses serviteurs d'entrer auparavant. Elle ne pouvait pas risquer qu'Aldrit attira trop l'attention, compte tenu de sa situation actuelle.

Au lieu de cela, elle n'apporta au bureau qu'un seul livre parmi les nombreux anciens qui se trouvaient dans son bureau, qu'elle avait reçu de Rodrigo en personne il n'y avait pas très longtemps. Ce livre contenait la plupart des incantations qui se recoupaient avec celles de ses autres livres.

Aldrit était en train de l'examiner, ouvert sur la table du canapé, tandis qu'Eugène l'observait depuis son siège. Il tournait les pages d'un air très sérieux.

Il sait donc lire.

Eugène oubliait souvent la différence entre les deux mondes. Il ne lui vint pas à l'esprit de demander à Aldrit s'il savait lire avant de lui tendre le livre.

Tout le monde ne savait pas lire dans ce monde, car la plupart des roturiers qui vivaient au jour le jour ne savaient pas lire. Mais un jeune vagabond, considéré comme de basse naissance, lisait sans effort un livre ancien et difficile.

C'est un jeune homme érudit.

Sa façon de parler et le choix de ses mots indiquaient qu'il s'agissait d'un jeune homme intelligent et sophistiqué. Tout le monde l'aurait pris pour un noble si on ne leur avait pas dit le contraire.

Ce n'était pas surprenant, car les sorciers étaient les meilleurs érudits dans les temps anciens. Ils avaient dû donner la priorité à l'éducation de leurs descendants en dépit des conditions difficiles dans lesquelles ils vivaient.

Aldrit, qui tournait les pages du livre depuis un bon moment, parla en penchant la tête de côté.

« Il y a quelque chose d'étrange dans les incantations de ce livre, Votre Majesté »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Aldrit tourna le livre et montra à Eugène les incantations dessinées sur la page.

« Je ne connais pas encore très bien les sorts, mais les mots imagés que nous apprenons en tant qu'enfants dans la tribu sont utilisés pour dessiner les incantations »

Il montra ensuite certains des symboles dessinés sur la page tout en reprenant la parole.

« Mais ce symbole et l'autre ici ont des significations complètement différentes et n'ont aucun sens dans l'incantation. Par exemple, si ce symbole indique une herbe utilisée en cuisine, l'autre indique un outil utilisé pour construire des maisons »

Eugène hocha la tête. Bien qu'elle ne puisse pas lire les symboles dessinés dans le livre, elle pouvait comprendre ce qu'Aldrit essayait de dire.

« Alors que se passera-t-il si quelqu'un utilise l'incantation telle qu'elle est dessinée ici ?

»

« Avec cette incantation, un sort ne fonctionnera jamais »

« Ce ne sont donc que des symboles sans signification. Y a-t-il des incantations utiles dans ce livre ? »

Le livre que Rodrigo lui donna contenait un total de neuf incantations, toutes sous des formes différentes. Il contenait plus d'incantations que tous les autres livres de son étude, car ses autres livres ne contenaient que trois incantations au maximum.

Aldrit tria deux incantations à la fin.

« À mon humble avis, je ne vois rien d'anormal dans ces deux incantations »

« Deux sur neuf ? » grommela Eugène en pliant le coin des pages en guise de marque-page de fortune. Le livre que Rodrigo lui avait offert, comme s'il s'agissait d'une sorte de trouvaille rare, ne s'avérait finalement qu'un simple livre Les pages manquantes contenaient-elles les incantations appropriées ?

Parmi les livres de son bureau, il n'y en avait que quelques-uns dont certaines pages manquaient. Eugène avait feuilleté tous les livres de son bureau après avoir découvert l'existence des incantations et avait remarqué des symboles étranges dans les livres qui étaient restés intacts sans pages manquantes. Cela la troublait car elle ne faisait pas la différence entre les livres dont Jin avait déchiré les pages et les autres livres qui étaient intacts.

Il est possible que Jin ait pu distinguer les vraies incantations des fausses... Mais comment a-t-elle su pour le sort ?

« Avez-vous une idée de ce que ces incantations peuvent faire ? »

« Je n'en suis pas très sûr, Votre Majesté. Mais ce ne sont pas des sorts puissants car leur structure est assez simple »

Eugène se sentait perdue car elle ne savait pas à qui s'adresser pour obtenir des informations sur ces sorts.

Il semblerait que Marianne ne sache rien non plus...

Cela fait un moment qu'Eugène avait demandé à Marianne de chercher des érudits qui avaient une connaissance approfondie de ce genre de vieux livres, mais elle n'avait toujours pas eu de réponse de Marianne. Comme Marianne n'était pas du genre à oublier ou à négliger ses faveurs, elle s'était dit qu'elle avait demandé quelque chose qui dépassait les capacités de Marianne.

« Aldrit, es-tu sûre qu'il s'agit bien des anciennes incantations que tes ancêtres utilisaient autrefois ? »

« Oui... » Aldrit répondit en jetant un coup d'œil aux serviteurs qui se tenaient dans le coin.

« Tu n'as pas à t'inquiéter qu'ils entendent ce que tu dis, car ils ne peuvent pas le faire. »

Il n'était pas courant pour un roi d'avoir une conversation privée avec quelqu'un qui n'était pas du palais. Mais comme les choses pouvaient toujours tourner mal de la manière la plus inattendue, il fallait prendre des mesures de précaution lors des rencontres privées. Eugène garda toujours à l'esprit que même Jin n'avait jamais rencontré Rodrigo seul.

Mais, même si l'on avait son serviteur à portée de main, il avait toujours des yeux et des oreilles. Il n'y avait aucune garantie qu'ils ne laisseraient pas échapper ce qu'ils voyaient et entendaient. Pour éviter cela, Eugène avait nommé des serviteurs qui ne pouvaient pas entendre à cause d'une maladie ou d'un incident, pour ce genre de circonstances particulières.

« Ils n'entendent pas les sons. Vous pouvez donc parler confortablement »

« Ah... Je vois »

Aldrit continua alors à parler d'un air plus léger.

« Oui, il y a bien les incantations des temps anciens »

« Mais tu as dit que les sorts avaient été scellés. Si c'est le cas, pourquoi puis-je encore trouver des livres à ce sujet ? Il n'est pas difficile de trouver ce genre de livres anciens si je m'y mets »

« Dans les temps anciens, les sortilèges étaient un savoir commun accessible à tous. Bien que les sorciers aient fini par s'accaparer les sorts les plus puissants, ils n'ont pas empêché les gens d'utiliser ceux qui étaient déjà répandus parmi eux. Les sorts scellés par les sorciers étaient très différents de ceux-là. Il s'agissait de sorts plus puissants qui résultaient d'années de recherche auxquelles les sorciers s'étaient consacrés »

« Quelque chose comme le sort pour éviter les Alouettes ? »

« Oui, Votre Majesté »

« Alors pourquoi ces sorts sont-ils devenus des symboles qui apparaissent souvent dans l'idéologie de l'ordre Mara ? Que savez-vous de l'ordre Mara ? »

« Pas grand-chose. Mais depuis l'apparition des Alouettes, les gens ont été contraints à une situation de vie ou de mort qui a rendu leur vie épouvantable. Alors que les gens ont commencé à se tourner vers Dieu, d'innombrables religions qui vénéraient différentes existences n'ont cessé d'apparaître et de disparaître. Mais j'ai entendu dire que c'est Mara qui est la plus influente de toutes »

Les yeux d'Eugène s'écarquillèrent de surprise alors qu'Aldrit considérait Mara comme une religion parmi d'autres dans le monde.

Il venait de dire quelque chose de dangereux sans s'en rendre compte.

Aldrit fixait le sol et ne remarqua pas le changement d'expression d'Eugène à ses mots.

Il continua donc à parler.

« À mon humble avis... je pense que les groupes religieux utilisent les sorts pour tromper les gens. D'après la façon dont les incantations ont été dessinées dans le livre, nous savons qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui connaissent vraiment les sorts. La structure des incantations a également été dessinée avec exagération »

« Tu veux dire que quelqu'un a exagéré les incantations du livre pour faire croire qu'elles avaient une signification profonde... alors qu'en réalité, ce ne sont que de simples incantations pour des sorts simples »

« Oui, Votre Majesté »

Eugène se souvint alors de ce que lui avait dit un conteur qu'elle avait rencontré un jour.

« Le sang des sorciers coule dans les veines de ma grand-mère maternelle. Je me souviens donc très bien qu'elle m'a dit qu'il s'agissait d'une incantation »

« Les sorciers... Aldrit, sais-tu qu'il existe des gens qu'on appelle des sorciers ? »

« Je vous demande pardon ? »

Aldrit regarda Eugène avec étonnement. Tout ce qu'Aldrit savait, il l'avait appris des anciens de la tribu, car il n'avait jamais eu l'occasion de parler avec des gens de l'extérieur.

« Ils semblent connaître les incantations. Et la rumeur dit qu'ils peuvent même prédire l'avenir. Je ne les ai pas rencontrés moi-même, donc je ne peux pas en être sûr, mais tu as dit toi-même qu'il y avait des sorciers qui s'intéressaient à prévoir l'avenir avec leurs sorts »

Aldrit, qui était perdu dans ses pensées depuis un moment, pencha la tête vers Eugène avant de prendre la parole.

« Je suis désolé, Votre Majesté, mais je n'ai aucune idée des... personnes que vous venez de mentionner »

Mais Eugène et Aldrit étaient tous deux en train de ruminer la même pensée. Ils réfléchissaient à la probabilité que ces soi-disant 'sorciers' soient liés, ne serait-ce que de loin, aux anciens sorciers qui étudiaient la prévision du futur dans le passé, avant de décider de s'isoler pour toujours.

Le bruit des coups frappés à la porte rompit le silence. Une servante s'approcha d'eux et baissa la tête avant de prendre la parole.

« Votre Majesté, des personnes attendent dehors pour avoir une audience avec vous »

« D'accord, merci de me le faire savoir »

Eugène s'adressa alors à Aldrit après que le serviteur soit sorti.

« Aldrit, j'ai bien peur de devoir partir maintenant car j'ai d'autres affaires à régler »

« Oui, Votre Majesté »

« Pensez-vous pouvoir m'aider à nouveau la prochaine fois ? Il y a beaucoup d'autres livres que j'aimerais que vous regardiez »

Aldrit afficha un air troublé en baissant à nouveau la tête, les mains croisées.

Eugène soupira de déception.

« Tu ne peux pas rester ? »

« Je suis vraiment désolé, Votre Majesté. Vous avez été très généreux avec quelqu'un d'aussi humble que moi... mais selon les préceptes de notre tribu, on ne peut jamais rester au même endroit plus de deux nuits pendant la période d'activité, à moins qu'il ne s'agisse d'un refuge »

« ..Vous voulez dire que vous retournez dans le désert ? »

« Oui, Votre Majesté »

« Que se passera-t-il si tu enfreins le précepte ? Quelqu'un de la tribu viendra-t-il te chercher ? »

« Nous ne pourrons terminer notre dernier voyage que si nous vivons une vie sans violer les préceptes de la tribu »

Tome 1 – Chapitre 210 – Une vie

meilleure?

« Dernier voyage ? Cela signifie-t-il que vous serez plus tard installés dans une sorte de paradis réservé à votre tribu ? »

« Paradis... » Les coins de la bouche d'Aldrit se retroussèrent légèrement en un sourire alors qu'il répétait le mot qu'Eugène venait de prononcer. Même si ce n'était qu'un léger sourire, c'était la première expression qu'elle voyait sur le visage poupin d'Aldrit.

Il avait l'air sans vie, car il était resté immobile et inexpressif tout au long de la conversation avec elle. Mais le léger sourire qui avait traversé son visage pendant un instant fugace avait prouvé qu'il n'était pas dépourvu d'émotions après tout. C'était juste qu'il ne le montrait pas beaucoup à l'extérieur.

« Maintenant que vous en parlez, l'arrêt définitif de notre vie douloureuse serait un véritable paradis »

Eugène fronça les sourcils après avoir réfléchi aux paroles d'Aldrit « Tu ne parles pas de la mort... n'est-ce pas ? »

« C'est une autre façon de la décrire »

Eugène resta sans voix. Entendre un jeune homme qui n'avait même pas vingt ans dire que la mort était un chemin vers son paradis sur un ton aussi indifférent, l'avait rendue terriblement désolée pour eux. Elle ne savait pas qu'ils souffraient à ce point.

« Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là ? Je pense qu'il y a un sens plus profond à cela »

« Notre tribu pense que nous avons reçu une punition divine de la part de Dieu. En conséquence, nous menons une vie de repentir apparemment sans fin, qui ne s'achèvera peut-être pas en une seule vie. Si jamais nous violons nos préceptes pendant notre vie, nous renaîtrons en tant que descendant de la tribu dans notre prochaine vie. C'est la raison pour laquelle nous décrivons notre vie comme un voyage sans fin. Et notre seul souhait est que ce voyage se termine. Nous espérons tous que ce voyage sera le dernier.

Ainsi, lorsqu'un service funèbre est organisé dans notre tribu, nous présentons nos condoléances en espérant qu'il s'agissait du dernier voyage du défunt. Nous ne pouvons reposer en paix que lorsque notre voyage s'achève »

Ce qu'Aldrit venait de dire n'était pas un concept étranger à Eugène, car cela ressemblait au concept du 'cycle éternel de la naissance' et de la 'réincarnation' dont elle avait déjà entendu parler.

« Le dernier voyage... »

Cela aurait été plus facile si c'était juste quelqu'un de la tribu qui venait le punir pour violation. Car dans ce cas, elle lui aurait offert sa protection, afin que personne ne puisse l'emmener.

Mais la peine encourue en cas de violation de leur précepte était plus lourde que n'importe quelle autre peine existante.

Comment puis-je lui demander de renoncer à son chemin vers... son paradis ?

Eugène soupira et savait qu'elle ne pouvait plus le retenir. Elle se leva à contrecœur de son siège pour se rendre dans la salle d'audience. Elle ne pouvait pas se permettre de faire attendre les gens plus longtemps.

« Je sais que vous avez dit que vous ne pouviez pas rester plus de deux nuits au même endroit. Mais ce soir n'est que votre deuxième nuit ici. Vous resterez encore une nuit avant de partir, n'est-ce pas ? »

« Oui, je le ferai. Mais je partirai tôt demain matin. Permettez-moi de le faire, Votre Majesté »

« Vous allez partir à l'aube ? »

Eugène fut déçue d'apprendre qu'il partait si tôt, mais finit par hocher la tête en marmonnant tout bas.

« ...Eh bien, il est vrai qu'il faut se mettre en route tôt si l'on veut retourner dans le désert. Vous n'avez pas besoin de ma permission pour partir puisque vous êtes ici en tant qu'invité. Et un invité peut décider d'aller et venir à tout moment. Mais je garderai mes adieux pour plus tard »

Aldrit baissa la tête vers Eugène avec un regard hésitant. Elle passa ensuite devant Aldrit pour quelques pas avant de se tourner à nouveau vers lui.

« A propos des Hwansu, ils peuvent prendre la forme d'animaux et même parler aux humains en vieillissant. Alors, penses-tu qu'ils peuvent éventuellement évoluer vers quelque chose de plus ? Par exemple... comme prendre la forme d'un humain »

« Je ne pense pas que ce soit possible » Aldrit répondit d'une voix ferme. Eugène fut surprise car elle ne s'attendait pas vraiment à une réponse lorsqu'elle posa la question.

Elle lui posa donc à nouveau la question d'un air surpris.

« Pourquoi penses-tu que c'est impossible ? »

« J'ai déjà posé la même question à un sage de la tribu et on m'a dit que c'était impossible »

Aldrit retraça sa mémoire et dit à Eugène les mêmes mots que l'ancien lui avait dit.

[Les Alouettes sont entrées dans le monde par la porte que nous avons ouverte. Cela signifie qu'elles seront soumises aux sorts. Lorsque nos ancêtres ont utilisé les incantations pour faire apparaître les créatures, le sort les limitait strictement aux créatures 'non-humaines'. Un sort fonctionne comme une loi de la nature, comme le soleil se lève tous les matins et se couche tous les soirs. Aussi effrayantes que soient les créatures, elles ne sont qu'une des nombreuses créations de Dieu. Il leur est impossible d'aller à l'encontre de la nature].

Eugène hocha la tête, soulagée de savoir que son doute soudain n'était finalement qu'une inquiétude inutile. Il était dévastateur d'imaginer ce que le monde deviendrait si les Alouettes, déjà trop puissantes, avaient l'intelligence et la capacité sournoise d'imiter les êtres humains.

*******************************

Bien que le soleil ne s’était pas encore levé, de nombreuses personnes attendaient déjà l'ouverture de la porte de pierre. Les soldats l'ouvrirent à l'heure exacte en faisant une grande annonce.

Lorsque la porte s'ouvrit, il franchit les remparts tout en suivant la foule qui se déversait par les portes. Il n'était pas facile pour lui d'avancer dans une telle foule sans regarder autour de lui. Il avait l'impression que quelqu'un allait le saisir par la nuque à tout moment en criant « C'est un vagabond »

Aldrit fixait son regard quelque part sur le désert sans fin, tout en continuant à marcher sans ralentir. Et l'atmosphère sombre du petit matin qui l'entourait auparavant, était maintenant remplacée par la chaleur intense du soleil, émettant juste au-dessus de sa tête.

Il s'arrêta enfin de marcher lorsque les gens ne furent plus dans son champ de vision. Il fit un tour sur lui-même et ne vit littéralement personne autour de lui. Il était seul, au milieu de ce désert sans fin.

Il se frotta la poitrine avec sa main, car il ressentait un vide étrange à l'intérieur. Même si ce n'était pas la première fois qu'il marchait seul dans les sables, il avait l'impression d'avoir été abandonné tout d'un coup. Encore une fois.

Il tourna alors la tête à gauche et à droite, comme un enfant perdu. Lorsque ses yeux se fixèrent sur une colline de sable escarpée près de lui, il s'y rendit avec précaution et vit la flèche du château qui apparaissait au loin.

Après avoir regardé la scène pendant un moment, il enleva son lourd sac à dos de ses épaules. Ce sac à dos était un cadeau de la reine, qui lui avait été remis par un serviteur avant qu'il ne quitte le château.

Il détacha la sangle du sac et en sortit soigneusement le contenu, un par un. Le sac était principalement rempli de nourriture, comme des fruits secs, de la viande séchée, des céréales grillées, etc. Il y avait aussi une fine couverture et quelques médicaments de premiers soins. Aldrit se frotta rapidement les yeux du revers de la main avant qu'ils ne deviennent larmoyants.

Il s'inclina profondément à genoux devant le château au loin après avoir rangé toutes les affaires dans le sac à dos. C'était la première fois qu'il était traité avec générosité et gentillesse par quelqu'un qui n'était pas de sa tribu.

Il avait commencé sa vie de vagabond à l'âge de quinze ans et s'était soumis à la règle de la tribu. Ainsi, à l'exception d'une période de l'année où il devait se rendre à un endroit désigné pour apprendre une nouvelle connaissance auprès d'un des anciens de la tribu, il était le plus souvent seul.

Il avait essayé d'être positif et s'était dit qu'il avait de la chance d'avoir trouvé un abri pour rester pendant la période active de sa première année de vie en tant que vagabond. Mais pour être honnête, il avait peur et se sentait seul. Il pensait être prêt à affronter la mort lorsqu'il serait rattrapé par le guerrier. Mais lorsqu'il entendit quelqu'un dire « Pouvez-vous le relâcher ? » juste avant qu'il ne soit sur le point de mourir, sa détermination s'effondra de soulagement.

[Aldrit.]

Aldrit, qui était toujours à genoux sur le sol, regardait le lointain royaume en écoutant la voix qui résonnait encore dans ses oreilles.

[J'espère que vous ne vous méprenez pas sur ce que je vais dire, car je ne veux pas diminuer les efforts sincères que votre tribu a déployés pour se repentir toutes ces années. Je pense même que c'est très noble. Mais, quoi que vos ancêtres aient fait, tout cela s'est produit dans un passé lointain. Et je pense que votre tribu a plus que suffisamment souffert pour recevoir une absolution. Ne pensez-vous pas qu'il est temps pour vous tous de vous libérer du sentiment de culpabilité ?].

Comme il allait partir avant le lever du soleil demain, il avait rendu une dernière visite à la reine pour lui exprimer à nouveau sa gratitude. Mais ce qu'il entendit après qu'elle lui eut donné sa bénédiction pour la suite de son voyage lui fit l'effet d'un grand choc.

[Se mettre à genoux n'est qu'une des nombreuses façons d'implorer le pardon. Il doit y avoir d'autres moyens de se repentir tout en cherchant un avenir pour sa tribu. Et je pense que c'est un travail pour un jeune homme comme toi. Créer un nouvel avenir pour votre tribu. Ne pensez-vous pas que vos enfants, vos descendants méritent un meilleur avenir ?]

Aldrit, qui avait les yeux fermés, sentit un frisson lui parcourir l'échine. Personne ne lui avait jamais dit une chose pareille.

Tout ce qu'il savait jusqu'à présent, c'était le savoir qu'il avait appris dans la tribu auprès des anciens, et il avait entendu plus que de raison toutes sortes de péchés terribles que ses ancêtres avaient commis dans le passé. Mais il n'avait jamais douté des enseignements des anciens, car il avait toujours pensé qu'il était de son devoir, en tant que descendant, d'implorer le pardon au nom de ses ancêtres.

Aldrit ouvrit lentement les yeux. Et ses yeux scintillaient maintenant de ses nouvelles résolutions.

« C'est mon devoir de descendant. Mais ce ne doit pas être celui de mes enfants ni de mes descendants »

Aldrit attrapa son sac à dos et le remit sur ses épaules en se levant. Il essaya de penser aux choses qu'il pouvait faire maintenant pour changer l'avenir de sa tribu.

En discutant avec la reine, il se rendit compte qu'il ne savait pas grand-chose de sa propre tribu. Il n'avait jamais posé de questions sur les raisons pour lesquelles sa tribu était étiquetée comme les oiseaux de mauvais augure ou pourquoi elle devait vivre sous la menace constante de la mort.

Mais pour obtenir les réponses à toutes ces questions, il devait attendre. Selon les règles, il devait atteindre un certain âge pour recevoir un enseignement plus approfondi. Mais il lui faudra alors beaucoup de temps avant de pouvoir changer le cours des choses.

Bien qu'on les appelait des vagabonds, ils avaient toujours un campement, un refuge, où les gens de sa tribu pouvaient élever leurs enfants jusqu'à ce qu'ils soient prêts à commencer leur propre vie en tant que vagabonds individuels.

Tous les membres de la tribu savaient où il se trouvait, mais l'emplacement exact de leur refuge était le secret le plus absolu, qu'ils devaient garder toute leur vie.

Aldrit décida de changer de cap, de retourner à l'endroit qu'il avait quitté depuis son quinzième anniversaire. Il n'était plus le même jeune homme dont le seul but dans la vie était de suivre fidèlement les règles de sa tribu jusqu'à son dernier souffle. Il était désormais un homme avec un objectif clair dans sa vie.

***************************

Le chancelier Verus fit part de ses nouvelles conclusions à l'ordre Mara après ses rapports sur les autres questions importantes. Il mena fidèlement à bien l'opération confidentielle, tout en gardant l'ordre sous surveillance constante, conformément aux ordres du roi.

La rumeur selon laquelle l'ordre recevrait la reconnaissance officielle du royaume semblait avoir été efficace, car elle contribua à faire baisser leur garde, et grâce à cela, son opération de sécurisation de la liste des noms des personnes liées à l'ordre était en bonne voie.

« Votre Majesté, j'ai réaffirmé le fait que c'est le grand prêtre qui est au sommet du système hiérarchique de l'ordre Mara et nous n'avons trouvé aucune trace de l'existence d'un rang supérieur à celui du prêtre »

« ...c'est ainsi »

Les réponses tièdes du roi l'ennuya

« Je vais me pencher à nouveau sur la question »

« Non, ce n'est pas nécessaire »

Seul le grand prêtre avait le droit d'accéder aux informations les plus confidentielles de l'ordre. C'était quelque chose qu'ils avaient découvert après des années d'enquête.

Ainsi, les informations qu'ils pouvaient obtenir étaient limitées à celles des disciples généraux.

Mais l'enquête avait tout de même été couronnée de succès puisqu'ils avaient découvert que le mot 'sainte' n'avait jamais été mentionné par les adeptes généraux.

« Vous surveillez également l'évolution de l'informateur ? »

« Nous n'avons trouvé aucun mouvement particulier jusqu'à présent depuis son retour à la capitale et après que le chevalier ait quitté la capitale »

Kasser avait initialement prévu d'arrêter Rodrigo. Mais il sentait qu'il devait en savoir plus sur le 'rituel' dont Rodrigo avait parlé à Eugène. Ce fut pourquoi il décida de ne pas le quitter des yeux pendant toute la saison sèche

Tome 1 – Chapitre 211 – La convocation du Sang-je

« Je parie que vous avez déjà une idée de l'identité de l'informateur »

Lorsque Kasser recommanda à Verus de surveiller de près Cage (Rodrigo est son vrai nom), l'informateur, il ne dit pas dit à Verus que Cage était en fait le grand prêtre de l'ordre Mara.

Le prétexte de la surveillance était ostensiblement qu'il avait trompé la reine, et non qu'il était hérétique. Kasser avait tenu Verus dans l'ignorance car il ne voulait pas que sa surveillance exhaustive éveille inutilement la vigilance de Cage.

Mais Kasser savait que ce n'était qu'une question de temps avant que Verus ne découvre l'identité de Cage.

« Oui, Votre Majesté »

« Depuis quand ? »

« Lorsque j'ai surpris le mouvement d'adeptes influents au sein de l'ordre qui prenaient subrepticement contact avec lui. Mais ma conjecture s'est transformée en certitude lorsqu'il a quitté la capitale »

Kasser hocha la tête. Il s'y attendait déjà après avoir lu le rapport de Verus sur son chemin vers la Ville Sainte pour la cérémonie rituelle, car Verus avait obtenu les informations internes de l'ordre Mara juste après que Cage ait quitté la capitale et découvert le retour du chevalier Pides à la capitale.

« D'après les renseignements, il est soupçonné d'être impliqué dans une conspiration louche et on pense aussi qu'il y a quelqu'un d'autre derrière lui qui donne des instructions »

« Par quelqu'un d'autre, vous voulez dire le grand prêtre ou la sainte femme que vous avez recommandé d'enquêter, Votre Majesté ? »

« Bien que vous ayez dit n'avoir trouvé aucune trace de leur existence, il est tout de même difficile d'ignorer qu'il y a eu des spéculations. Et même si nous arrêtons les fanatiques, je ne pense pas que nous puissions les forcer à se confesser. Je vais donc plutôt les prendre sur le fait pour découvrir ce qu'ils préparent vraiment. Leur prochain mouvement est prévu pour la période de transition entre la saison sèche et la période active. D'ici là, ne les quittez pas des yeux et prenez garde à ne pas éveiller leurs soupçons. Ne leur laissez pas de place au doute »

« Je garderai vos paroles à l'esprit, Votre Majesté » dit Verus.

« Vous pouvez partir maintenant »

Kasser baissa son regard sur l'un des rapports que Verus avait apportés et commença à lire. Mais d'une manière ou d'une autre, Verus hésita avant de donner sa réponse.

« Votre Majesté »

« Y a-t-il autre chose à signaler ? »

« La reine m'a déjà donné l'ordre de mener une enquête sur Cage. J'aimerais savoir s'il y a des informations que je dois garder confidentielles avant de remettre à Sa Majesté mon rapport sur les résultats »

« Après ce qu'il a fait à la reine, toutes les informations le concernant sont entièrement partagées entre moi et la reine. Il n'est pas nécessaire que vous lui remettiez vos rapports »

En temps normal, Verus aurait apprécié que le roi lui accorde moins de travail. Mais pas cette fois, car il avait reçu un ordre spécial avant de venir au palais aujourd'hui.

Sa femme, invitée par la reine il y a quelques jours, était passée à son bureau sur le chemin du retour, l'air très troublé.

[Qu'est-ce qui s'est passé ? Que se passe-t-il dans les environs ? S'est-il passé quelque chose au palais ?]

Il lui demanda avec inquiétude si quelque chose de désagréable s'était produit pendant la réunion avec la reine. Mais Charlotte avait l'air de rougir d'excitation lorsqu'elle prit la parole.

[C'est ce que je voulais vous demander. Quand avez-vous rencontré la reine pour la dernière fois ?]

[...Il y a environ un mois je crois.]

[Dites-moi exactement. Avez-vous vraiment parlé à la reine ou lui avez-vous simplement adressé vos salutations ?]

[J'avais rendu visite à la reine car elle avait demandé à me voir]

[Vous n'avez pas remarqué que Sa Majesté avait quelque chose de différent ? Qu'il y a quelque chose de différent chez Sa Majesté ?]

[Qu'est-ce que vous voulez dire ?]

[La reine semblait être une personne totalement différente !]

Bien qu'il avait senti une étrange différence lors de sa rencontre avec la reine il y a un mois, il n'y avait pas vraiment réfléchi. Selon lui, il ne s'agissait pas d'un changement si important pour que sa femme réagisse de façon aussi dramatique.

Il n'avait jamais eu de longue conversation avec la reine, et il supposait qu'il en était de même pour sa femme. Mais Charlotte lui jeta un regard pathétique alors qu'il semblait sans voix.

[Et vous vous dites chancelier alors que vous manquez de tact ?]

[Je ne savais pas que vous étiez en bons termes avec la reine.]

[Ce n'est pas le cas. Cela fait presque un an que je n'ai pas rencontré la reine. Mais vous ne l'avez pas vu tout de suite ? De son expression à sa façon de parler. Même son regard était différent].

Verus se fit à nouveau réprimander par Charlotte pour son manque de sensibilité lorsqu'il lui donna son avis en toute honnêteté.

[Je savais bien qu'on s'adressait désormais à elle en tant que reine, mais cela me paraissait tellement étrange de m'adresser à elle différemment. Comme vous le savez, elle a toujours insisté pour qu'on s'adresse à elle en tant qu'Anika. Et je parie que vous vous souvenez des incidents survenus à cause de son insistance].

[Oui, je m'en souviens]

[Elle était également très aimable avec Lady Waze. Même si c'était il y a longtemps, je l'avais vue traiter Lady Waze d'une manière très différente... Quoi qu'il en soit, il doit y avoir une explication à ces changements soudains dans son comportement. Mais qu'est-ce que cela peut bien être ? Il n'y a aucune raison pour que Sa Majesté rafraîchisse ses relations avec Lady Waze, qui n'a plus d'influence significative dans la haute société].

Verus avait un mauvais pressentiment en regardant sa femme qui avait commencé à marmonner toute seule. Sa femme, la comtesse Charlotte Oscar, était connue pour être une femme au tempérament calme et quelque peu distante, car elle ne montrait pas ses sentiments à l'extérieur.

Cependant, il y avait une face cachée d'elle que seule sa famille connaissait. Charlotte ne s'intéressait guère à ce qui se passait autour d'elle, mais elle pouvait se montrer persévérante lorsque quelque chose l'intriguait.

Verus connaissait très bien son caractère obstiné, plus que quiconque, de par son expérience. L'année de sa majorité, il s'était trouvé mêlé à Charlotte, qui avait cinq ans de plus que lui, et avant qu'il ne s'en rendit compte, il s'était retrouvé à marcher dans l'allée avec elle.

[Quelle excuse plausible pensez-vous que je puisse donner pour rencontrer à nouveau la reine ? D'une manière plus naturelle que par le biais d'une audience.... Pourquoi n'essayez-vous pas d'organiser une rencontre ?]

[Comment ?]

[Il suffit de trouver de bonnes excuses. Un dîner par exemple, cela semble être une bonne occasion]. Sa femme semblait vouloir absolument rencontrer la reine à nouveau, et Verus se retrouva en train de délibérer.

[...Un dîner ?] Il l'avait suggéré.

Outre son sens de la loyauté, la présence du roi l'avait toujours quelque peu intimidé.

C'était pourquoi il se contentait de sa relation actuelle avec le roi, où il n'avait qu'à suivre fidèlement les ordres et à faire ses rapports chaque fois que cela s'avérait nécessaire.

Qu'était-il censé faire, assis en face du roi pendant tout le dîner, alors qu'il n'arrivait même pas à trouver des choses à dire pendant le dîner avec son propre père ?

Mais même Verus Ricksen, connu sous le nom de Chancelier de fer, avait un côté inattendu : c'était en effet un mari collet monté qui n'osait jamais contredire sa femme, Charlotte. L'initiative avait été prise par Charlotte avant le mariage et les choses n'avait pas changé même après le mariage.

Verus était très attaché à Charlotte comme il l'était au roi, mais d'une manière différente, et il devait lui faire part de ses progrès ce soir.

Il s'était creusé la tête et avait décidé de trouver une occasion de proposer le dîner lors de son audience avec la reine, puisqu'il était hors de question de le demander au roi lui-même. Mais son soi-disant plan n'avait pas abouti avant même qu'il ait pu essayer.

« Je n'aurais pas dû dire quoi que ce soit dès le départ »

Il lui était désormais impossible de rendre visite à la reine alors que le roi lui-même lui avait dit que ce n'était pas nécessaire.

« Votre Majesté, j'ai un rapport urgent à faire »

La voix du chambellan se fit entendre de l'extérieur. Lorsqu'il fut autorisé à entrer, il s'approcha du roi et posa un récipient rond sur la table.

« Il s'agit d'un télégramme urgent en provenance de la ville sainte, transmis par pigeon voyageur. Il semble qu'il contienne des informations top secrètes »

Le visage de Chamberlain s'était crispé, car c'était la première fois qu'ils recevaient un télégramme top secret de la Ville Sainte.

Kasser ouvrit le conteneur et déroula le télégramme sur place. Ses sourcils se froncèrent tandis qu'il parcourut le court message. Lorsque Kasser leva les yeux du télégramme pour donner ses ordres à son chambellan, il aperçut Verus qui se tenait toujours à proximité.

« Vous pouvez partir maintenant »

« Oui, Votre Majesté »

Bien que curieux, Verus quitta la pièce immédiatement, car il savait qu'on finirait par lui dire si c'était quelque chose qu'il avait besoin de savoir. Et tout ce qui concernait la ville sainte ne relevait pas de sa compétence de toute façon. Il marcha dans le couloir d'un pas léger, car il avait maintenant une excuse raisonnable pour le dire à Charlotte.

Le chambellan sortit en courant pour informer la reine, conformément à l'ordre du roi.

Et quand Eugène arriva dans le bureau du roi avec le chambellan, tout le monde sortit aussitôt qu'elle entra.

Dans le bureau où ils étaient maintenant seuls, Kasser montra le télégramme de Sang-Je à Eugène.

« Alors... il me demande de venir dans la Ville Sainte. Vous attendiez plus d'un mois »

« C'est vrai. Il faudra au moins un mois au chevalier pour se rendre à la Ville Sainte et revenir à la capitale avec les ordres de Sang-Je. Mais il semble que le chevalier Pides ait envoyé une lettre à la Ville Sainte avant »

« ...Sang-Je a donc envoyé ce télégramme dès qu'il a reçu cette lettre »

- Au nom de Mahar,

C'était la première ligne du télégramme. Il s'agissait de supposer que Sang-Je était le seul empereur du monde, la 'volonté de Mahar' étant considérée comme un ordre impérial. Il ne serait pas judicieux d'aller à son encontre, à moins d'avoir l'intention de rompre les relations avec lui.

Sang-Je demandait à la reine de partir rapidement à l'arrivée des chevaliers, car il avait envoyé un certain nombre de ses chevaliers pour escorter Jin Anika jusqu'à la ville sainte. Peut-être s'agit-il d'une caractéristique des télégrammes, mais le message de Sang-Je ressemblait plus à un ordre qu'à une demande, tant il était bref et sévère.

« Sang-Je convoque-t-il souvent des gens par télégramme ? » demanda-t-elle.

« Parfois, mais seulement en de rares occasions. Mais c'est assez exceptionnel de sa part de convoquer une Anika de cette manière, car normalement, au moins dix chevaliers sont envoyés pour escorter une Anika tout au long du voyage »

« L'arbre aux Alouettes était-il vraiment un incident suffisamment important pour que Sang-Je prenne une décision aussi exceptionnelle ? Je ne comprends pas pourquoi il en fait tout un plat.... »

Kasser se fendit d'un sourire en voyant Eugène grommeler pour elle-même « Bien sûr que c'est un gros incident. Il n'y a que vous qui vous en défendez »

Il sourit en se rappelant la fois où, dans la Ville Sainte, Eugène avait fait germer la graine pour invoquer un Hwansu depuis le lac. Aucun Anika au monde n'utiliserait sa Ramita comme Eugène l'avait fait.

Lorsqu'un petit arbre avait germé, elle avait regardé autour d'elle et s'était accroupie pour creuser un petit trou sur le sol afin d'y planter l'arbre. Ensuite, elle s'épousseta les mains et s'éloigna sans hésiter. C'était plutôt lui qui avait les yeux rivés sur l'arbre, se retournant plusieurs fois pendant qu'il s'éloignait avec elle.

L'arbre planté par Anika était considéré comme une bénédiction sacrée qui détiennait le pouvoir de Dieu. Des milliers de personnes dans le monde entier seraient obligées d'échanger toute leur fortune contre un saule sacré, se bousculant pour s'emparer de la sainteté.

Eugène était certainement une Anika qui possédait un Ramita d'une puissance inimaginable. Cependant, tout lui paraissait encore surréaliste et Eugène elle-même n'était pas pleinement consciente de son propre pouvoir.

Comme si l'appréciation de l'or diminuait graduellement une fois qu'on en était entouré, son indifférence à l'égard de ses propres capacités avait fini par l'affecter.

Il y a quelques jours, il avait vu une vision d'eau remplissant toute la chambre, mais il était plus surpris par lui-même de se sentir relativement calme face aux phénomènes étonnants qui s'étaient déroulés sous ses yeux.

« Ce n'est pas parce que j'ai reçu ce télégramme urgent que je peux partir tout de suite.

J'ai aussi mes propres circonstances »

« Inutile de se plaindre, les chevaliers de Sang-Je devraient arriver dans deux jours au moins »

« Deux jours ? »

Eugène fit la moue, mécontente.

« Quelque chose ne va pas ? »

« Non... c'est juste que tout ce que j'avais prévu pour cette saison sèche dans la dernière période d'activité a été réduit à néant, car il a pris la liberté de programmer mon voyage dans la ville sainte. C'est très ennuyeux, en fait, car j'y serais allé de moi-même au moment opportun »

Kasser fixa son regard comme s'il était envoûté sur le visage tiré d'Eugène tandis qu'elle marmonnait ses mécontentements pour elle-même. Et de la façon dont elle se taisait, contemplant n'importe quelle pensée qui lui traversait l'esprit, à son visage qui se fendait d'un sourire lorsque ses yeux rencontraient les siens... Kasser ne pouvait tout simplement pas détourner son regard d'elle, ne serait-ce qu'un instant.

« Votre Majesté »

Kasser regarda son visage alors qu'elle tombait dans ses bras. Il se retrouva à hocher aveuglément la tête en sa faveur.

« Que diriez-vous d'inviter quelques personnes de plus dans la ville sainte ? »

« Qui voulez-vous inviter ? »

« Je pense inviter les femmes de fonctionnaires qui n'ont pas visité la ville sainte depuis un certain temps à cause de leurs maris. J'ai récemment rencontré six dames, et je pense qu'elles aimeront aussi mon idée, comme une façon de les récompenser pour s'être retenues alors qu'il n'y a pas de règle interdisant leurs visites dans la Ville Sainte »

« C'est une excellente idée. Faites ce que vous voulez »

Tome 1 – Chapitre 212 – La mission de Pides

« Mais je me sens un peu mal. Je veux dire que nous allons partir ensemble pour la Ville Sainte en tant que couple, mais les femmes devront laisser leurs maris pendant un certain temps, car il faudra au moins deux mois avant que nous ne revenions à la capitale »

Eugène se demanda si les dames seraient ravies de son invitation ou si elles seraient réticentes à l'idée de laisser leurs maris derrière elles. Lorsqu'elle laissa échapper un rire idiot devant sa propre curiosité malicieuse, elle croisa le regard de Kasser qui la fixait en silence.

Quand Eugène se rendit compte de son regard, elle écarquilla volontairement les yeux comme pour lui demander « Quoi ? » Kasser secoua alors la tête en souriant.

« Si tu as quelque chose à dire, tu peux toujours me le dire »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Il m'arrive souvent de te voir me regarder sans rien dire, comme tout à l'heure »

Eugène le réprimanda légèrement, mais pas de façon offensante.

« Ah bon ? »

« Il n'y a aucun moyen pour moi de savoir ce que tu penses si tu ne me le dis pas car je ne peux pas lire dans les pensées. Alors dis-le moi au lieu de t'enfermer dans ton mutisme »

Kasser rit, comme si ses paroles l'amusaient.

« Je ne cache rien du tout »

Elle lui rendit son regard dubitatif. Elle ressentait souvent une distance invisible entre eux, car elle n'arrivait pas toujours à comprendre ce qu'il pensait en son for intérieur.

Elle avait aussi l'impression d'être dans une relation déséquilibrée, car c'était toujours lui qui faisait des compromis pour elle au lieu d'en parler ensemble.

Mais c'était vrai qu'il avait changé par rapport à son passé.

Il était vrai qu'il parlait plus qu'avant. Son expression tendre et son comportement réfléchi montraient clairement qu'il éprouvait des sentiments particuliers à son égard.

Pourtant, Eugène était encore confuse de temps en temps. Elle doutait de sa dévotion sincère à son égard, se demandant si sa gentillesse et son affection étaient uniquement dues au fait qu'elle était une Anika qui pouvait lui donner un enfant.

Cependant, elle savait au fond d'elle-même que la racine de sa méfiance était en fait due à sa propre malhonnêteté. Elle eut honte de son égoïsme en réalisant qu'elle avait toujours rejeté la faute sur lui.

Elle avait beau essayer de garder son sang-froid et de s'abstenir de tout jugement hâtif, elle finissait toujours par se sentir impatiente en sa présence. Peut-être que ce qu'elle ressentait, c'était de la peur après tout. Elle craignait qu'il ne la quitte un jour, lorsqu'il en aurait assez de la supporter.

Eugène s'empresse délibérément de lui cacher ses sentiments contradictoires.

« Je ferais mieux d'aller me préparer avant l'arrivée des chevaliers. Les dames doivent également être informées »

Lorsque Eugène quitta la pièce, Kasser fit signe au chambellan qui s'apprêtait à entrer de le quitter également. Il déroula à nouveau le télégramme de Sang-je et murmura distraitement le message qui y était inscrit d'un ton apparemment calme.

Il avait ressenti un sentiment étrange lorsqu'Eugène avait naturellement supposé qu'il partirait pour la Ville Sainte avec elle, bien qu'il ne lui ait jamais dit auparavant qu'il envisageait de l'accompagner lorsque Sang-je l'enverrait chercher.

Il se souvint alors de sa réponse au télégramme de tout à l'heure. Le fait qu'elle ait sous-entendu leur retour à la capitale après leur visite de la Ville Sainte en utilisant le mot

'revenir' et la façon dont elle avait qualifié l'appel de Sang-je d''ennuyeux', avait en quelque sorte apaisé son anxiété sans effort.

Il laissa échapper un petit soupir en passant ses doigts dans ses cheveux. Il s'inquiétait sérieusement de ses sautes d'humeur qui s'aggravaient au fil du temps, car il se surprenait maintenant à réagir aux moindres mots et expressions d'Eugène.

Mais il n'avait personne à qui demander conseil pour savoir si ce qu'il vivait était normal.

On lui avait dit toute sa vie qu'il ne devait pas perdre son sang-froid à tout moment car il était roi, mais il ne savait rien du comportement exemplaire d'un mari car son père n'avait jamais été un bon exemple pour lui. En fait, ses parents n'avaient jamais formé une famille auparavant.

« Famille... » Il marmonna prudemment ce mot pour lui-même, comme s'il s'agissait d'un mot interdit

Et il ressentit à nouveau cette étrange sensation en lui, son cœur se mettant à battre comme il l'avait fait la première fois qu'il avait entendu Eugène prononcer le mot

'couple'.

Il s'était toujours dit qu'il pouvait simplement vivre sans, comme il l'avait toujours fait, par fierté. Mais il s'était rendu compte que son désir d'avoir une famille, qu'il avait eu dans son enfance, n'avait pas disparu simplement parce qu'il avait vieilli. Il l'avait simplement gardée enfouie au fond de son cœur pendant tout ce temps.

Une chose était sûre. Il ne lui serait pas possible d'ignorer sa femme et de la laisser partir toute seule pour la Ville Sainte, comme son père l'avait fait pour sa mère. Il n'était pas question pour lui d'abandonner sa première famille qu'il avait enfin trouvée après toutes ces années.

**************************

Pides était enfin de retour dans la ville sainte. Dès son arrivée, il se rendit directement dans la salle de prière de Sang-je pour faire son rapport sur l'évolution de la situation. Il s'approcha de Sang-je, qui se tenait de l'autre côté de la pièce, ouvrit la porte et mit un genou à terre.

« Je suis le chevalier Pides et je viens de rentrer du royaume de Hashi après avoir accompli ma tâche, Votre Sainteté »

« J'apprécie énormément tous vos efforts. Vous avez vraiment dépassé mes attentes.

Vous avez fait preuve d'un excellent jugement en transmettant rapidement la nouvelle par correspondance »

« Merci pour votre généreux compliment, Votre Sainteté »

« Mais je crains de ne pas pouvoir récompenser votre dur labeur par du repos, pour l'instant. Je vais devoir vous confier une nouvelle tâche à l'instant même »

« Je suis toujours à votre service, Votre Sainteté. C'est un grand honneur pour moi de servir la volonté de Mahar »

« J'ai envoyé un télégramme urgent pour faire venir Anika Jin à la Ville Sainte dès l'arrivée de votre lettre et les chevaliers ont déjà été préparés pour l'escorter. Je veux que vous descendiez et rejoigniez les chevaliers pour escorter Anika Jin. Je suis sûr qu'elle sera ravie de vous avoir comme escorte lors de son retour à la Ville Sainte pour la première fois depuis de nombreuses années »

Pides était bien conscient des sentiments d'Anika Jin à son égard, car il était difficile de ne pas se faire une idée lorsqu'une jeune Anika aussi belle et noble vous regardait fixement, toujours avec une grande affection dans les yeux.

Que ce soit une bonne chose ou non, ils avaient fini par s'éloigner l'un de l'autre.

Lorsque Pides était en âge de succomber aux tentations, il se retenait avec un effort de volonté, car Anika Jin n'était encore qu'une jeune fille. Mais lorsqu'elle devint une jeune fille, Pides avait fait le serment de servir Dieu de tout son corps et de toute son âme pendant toute sa vie en faisant vœu de célibat après avoir connu un grand malheur dans sa vie.

Le lendemain même de sa déclaration, Anika Jin était venue le voir. Mais tout ce qu'elle avait fait, c'était de le fixer longuement en silence, avec ses yeux chagrins qui s’étaient ensuite transformés en ressentiment avant de partir. Pides ne se remit toujours pas du regard qu'elle lui avait lancé ce jour-là.

Aussi, lorsqu'il l'avait rencontrée récemment au royaume de Hashi, il sentit qu'elle ne lui était pas familière. Peut-être était-ce parce qu'elle était désormais mariée, ou peut-être que l'intervalle de trois ans qui les séparait avait suffi à modifier les sentiments qu'ils avaient éprouvés l'un pour l'autre. Il ne voyait plus qu'une marque de courtoisie dans les yeux de la jeune femme lorsqu'elle le regardait.

Bien qu'il réalisa qu'il ne représentait plus rien pour elle, il obéit aux ordres de Sang-je sans se plaindre.

« Je me mets en route immédiatement, Votre Sainteté »

« Quant à la lettre que vous avez envoyée, elle ne contenait aucune autre nouvelle que l'incident concernant l'alouette. Êtes-vous certain d'avoir remis ma lettre à Anika Jin ? »

« Oui, Votre Sainteté. Et lorsqu'elle a fini de la lire, elle m'a demandé de vous informer qu'elle était toujours à la recherche, en réponse à votre lettre »

Les sourcils de Sang-Je s'étaient légèrement froncés, ses yeux étant toujours fermés.

« C'est tout ? »

« Oui, Votre Sainteté »

« ...Très bien »

Pides, qui avait juré sa tête avant de se retourner pour partir, s'arrêta et hésita avant de parler.

« Votre Sainteté. Si je puis me permettre, j'apprécierais grandement que vous partagiez votre sagesse avec un de mes doutes. »

« Ce serait avec plaisir »

« Est-il possible que quelque chose d'autre qu'une graine... une Alouette se transforme en arbre ? »

« C'est tout à fait possible. En fait, l'arbre de la place principale qui est largement connu des gens était en fait une Alouette au lieu d'une graine »

« Je vous demande pardon ? Si c'est le cas, comment peut-il... »

« Si le monde apprend la nouvelle, les royaumes se précipiteront sur les Anikas pendant les périodes d'activité, afin de les utiliser comme fer de lance dans leur guerre contre les Alouettes. Mais Anika n'est pas née pour être sacrifiée dans un but aussi futile. De plus, toutes les Anika n'ont pas ce pouvoir. Le miracle a d'abord été réalisé par Anika Roxy, qui était connue pour posséder la Ramita la plus puissante, et parmi toutes les Anika

existantes à l'heure actuelle, seule Anika Flora avait la même capacité qu'elle. Mais maintenant, je crois qu'Anika Jin a elle aussi obtenu la même capacité »

Pides fut étonné par ce qu'il venait d'entendre et le fit tourner dans son esprit. Selon Sang-je, Anika Flora avait une Ramita puissante, comparable à celle d'Anika Roxy, considérée comme une légende. Et que maintenant, le Ramita d'Anika Jin n'avait rien à envier au leur.

« C'est la raison pour laquelle j'ai envoyé chercher Anika Jin de toute urgence. Comme vous avez dû le remarquer, la Ramita d'Anika Jin est fragile, mais si sa Ramita a évolué d'une manière ou d'une autre, c'est une situation sans précédent pour nous tous. C'est pourquoi, Pides, j'ai besoin que tu ramènes Anika Jin à la Ville Sainte à tout prix »

« Oui, Votre Sainteté. Je m'y emploierai de toutes mes forces »

Tome 1 – Chapitre 213 – Rien d'anormal Lorsque Pides quitta la pièce, Sang-je appela le chevalier qui gardait l'entrée de l'escalier menant à sa salle de prière. Bien que sa capacité à envoyer sa voix était limitée par la distance, il n'y avait aucun endroit dans ce palais que sa voix ne puisse atteindre.

Le chevalier entra dans la pièce en un instant.

« Je suis à vos ordres, Votre Sainteté »

« J'interdis à quiconque d'entrer dans la salle de prière à partir de maintenant et jusqu'à nouvel ordre. Je ne rencontrerai personne et ma prière ne sera pas troublée tant que je n'aurai pas ouvert la porte »

De temps en temps, Sang-je s'enfermait dans la salle de prière pendant un jour ou deux, se coupant de tout contact avec l'extérieur. Le chevalier répondit à l'ordre habituel de Sang-je et quitta la pièce. L'unique entrée de la salle de prière sera désormais placée sous la stricte surveillance des chevaliers.

Sang-je ouvrit les yeux lorsqu'il fut enfin laissé seul dans sa salle de prière. Ses pupilles d'un rouge vif brillaient méchamment et dégageaient un air féroce au lieu d'une aura sacrée.

Toujours à la recherche ?

Sang-je marmonna la réponse d'Anika Jin à sa lettre, que Pides lui remit.

Ce n'est pas possible.

[Votre Sainteté, je récupérerai ma Ramita quoi qu'il arrive. Aidez-moi donc à acquérir ce dont j'ai besoin pour le faire].

Anika Jin lui avait demandé la permission d'épouser un roi, car elle avait besoin du trésor d'un royaume pour retrouver sa Ramita perdue. Comme les souhaits de Jin et les siens coïncidaient, il autorisa Jin, qui était l'une des nobles Anikas nées pour la première fois en dix ans, à partir pour un royaume lointain situé au milieu d'un désert.

Il avait tenté sa chance en lui permettant de faire ce qu'elle voulait. Il savait combien Jin avait souffert, elle qui ne se considérait comme une Anika que de nom lorsque sa Ramita était perdue. Jin n'aurait jamais pu transformer l'Alouette en arbre si elle n'avait pas encore trouvé ce dont elle avait besoin.

« Il y avait aussi des aspects douteux dans la correspondance du roi »

La correspondance de Pides et celle du roi étaient arrivées presque en même temps. En principe, le roi devait prendre des mesures immédiates et informer la ville sainte de l'incident de l'Alouette en utilisant la méthode la plus rapide.

Bien qu'il n'avaitt pas trouvé à redire au roi, puisque sa responsabilité était maintenant remplie, il n'était pas entièrement satisfait de penser que les autres rois de différents royaumes auraient pris des mesures plus actives dans les mêmes circonstances.

Bien qu'il ne tombait jamais facilement dans mes griffes, il restait un chien de garde parfait pour surveiller le désert.

Il était exactement l'homme dont Sang-je avait besoin pour monter la garde contre Mara, tapie quelque part dans le désert lointain.

Mara.

Le visage de Sang-je se contorsionna comme un animal qui grogne. C'était manifestement sa faute, sa propre erreur de calcul, car il ne l'avait pas du tout vu venir.

Je n'avais jamais pensé qu'il deviendrait un jour une si grande menace, élargissant son influence sournoisement dans mon dos pendant toutes ces années.

C'était Mara qui avait fait perdre à Jin sa Ramita. Certes, c'était la faute des adeptes, mais comme tout était dû à l'existence de Mara, il semblait juste de rejeter la faute sur elle.

« Anika Jin. Pourquoi m'as-tu menti ? Vivre comme une reine semblait être ta tasse de thé ? Tu voulais donc rester dans ce royaume pour toujours ? »

Ce n'était tout simplement pas possible. Sang-je grommela perversement en lui-même.

« Il faut que j'aille le voir pour vérifier avant de rencontrer Anika Jin »

Au bout d'un moment, le visage de Sang-je devint lentement pâle et presque translucide, au point de voir les alentours de la pièce à travers sa peau. Il gloussa en regardant ses mains presque transparentes.

« Quel gaspillage de mes forces pour maintenir ce corps impuissant dont je ne peux même pas ressentir quoi que ce soit »

Plus tard, il s'évanouit dans l'air, son corps devenant complètement transparent. Dans la salle de prière, il ne restait plus que sa soutane classique, tombée sur le sol.

*************************

Quelque part à l'extrémité de la ville sainte, il y avait un mur d'enceinte construit si haut que les alentours étaient complètement cachés à la vue des hommes.

Avec toutes les fissures et les dégâts visibles par endroits, le haut mur de pierre semblait d'une ancienneté considérable, tandis que les barres rouillées étroitement espacées au sommet du mur étaient suffisamment terrifiantes pour donner à quelqu'un

une sensation étrange à sa vue. L'étendue totale du domaine, approximativement le long de ses murs, était presque aussi grande qu'un quartier de la rue de la Ville Sainte.

Autrefois terre publique, mais devenue propriété privée, les spéculations allaient bon train quant à son nouveau propriétaire. Rapidement, la rumeur se répandit de bouche en bouche sur la difficulté du propriétaire à trouver un nouvel usage à son terrain en raison de son manque d'accessibilité, ce qui devint un fait établi.

Le terrain devint morne et désolé sans que personne n'y mette les pieds depuis que l'endroit avait été stigmatisé de manière inquiétante, car la rumeur selon laquelle l'endroit était hanté court depuis des années.

La pétition pour la démolition fut souvent rédigée par les résidents locaux, mais le plan échoua toujours, car il s'agissait d'une propriété privée située quelque part en dehors des sentiers battus, où son existence ne serait jamais connue à moins que quelqu'un ne prenne la peine de trouver le chemin jusqu'à elle.

Bien que l'endroit fut inconnu de la population de Holy City, les habitants des environs savaient que le domaine entouré de hauts murs avait déjà servi de prison, même si cela fait longtemps qu'il n'avait pas été utilisé à cette fin.

La structure exacte de la prison restait un mystère à ce jour, mais la spéculation générale était que l'endroit consistait maintenant en un bâtiment de prison délabré qui était sur le point de s'écrouler, entouré d'épaisses herbes envahissantes plus grandes que la taille d'un homme adulte. Mais contrairement à toutes les conjectures, rien derrière les murs ne ressemblait de près ou de loin à l'une de ces folles attentes.

La première chose que l'on aperçut depuis la porte d'entrée fut le bâtiment qui se dressait au centre d'un champ entièrement pavé. Les mauvaises herbes qui avaient poussé dans les petites fissures entre les pavés étaient les seules plantes vertes visibles.

En outre, les pavés de pierre, dont le sol était recouvert de cailloux, produisaient un grincement sourd à chaque fois que l'on s'y aventurait. Cette mesure semblait être l'un des efforts préventifs de la prison pour empêcher les prisonniers de s'échapper.

L'ensemble était dans un état de conservation remarquablement bon et même les épis avaient l'air frais, dispersés uniformément dans chaque coin du champ comme s'il avait été récemment entretenu par la main de l'homme. Aucun signe de négligence prolongée n'avait été trouvé malgré les rumeurs selon lesquelles son utilisation en tant que prison avait déjà cessé il y a très longtemps.

L'ancienne prison qui se trouvait au milieu du champ n'était rien de plus qu'un bâtiment d'un étage. Cependant, le bâtiment était bien plus grand qu'il n'y paraissait de l'extérieur, car il s'agissait d'une prison souterraine avec des donjons cachés sous le sol.

Deux hommes d'armes gardaient la seule et unique entrée de la prison souterraine par la porte en fer lourdement grillagée de l'avant. L'un des gardes, qui se tenait droit comme un piquet, tourna la tête comme s'il avait perçu un mouvement dans l'air, tandis que l'autre dégaina son arbalète par réflexe.

En un instant, une silhouette grotesque surgit de nulle part devant eux. Bien qu'ayant la forme d'un homme, cette silhouette ne ressemblait pas à un véritable être humain en raison de son corps translucide. De plus, elle semblait flotter dans les airs, car le bas de son corps était introuvable.

Mais les gardes ne furent pas du tout effrayés à la vue de cette silhouette fantomatique.

Au contraire, ils relâchèrent leur vigilance et baissèrent la tête devant la silhouette flottante.

Une paire de pupilles d'un rouge vif les contemplait en silence tandis que ses cheveux blonds brillaient faiblement sous l'effet de la lumière du soleil.

« Rien d'anormal ? » L'homme émit un son grinçant, comme s'il tendait sa corde vocale pour émettre un son de force. Mais les lèvres de l'homme blond s'écartèrent à peine lorsque le son fut émis.

Ps de Ciriolla: euh... le Sang-je est de plus en plus suspect, car ses yeux sont ceux des alouettes... et son aspect pas vraiment humains, son pouvoir de téléportation et finalement Mara considéré comme le dieu maléfique le serait peut etre pas... vu qu'il avait voler les pouvoirs de Jin alors qu'elle voulait préparer un mauvais coup... des réponses oui mais tellement plus de questions

Tome 1 – Chapitre 214 – L'espoir d'un miracle

« Non, monseigneur »

Sang-je fixait les gardes de ses yeux rouges fendus. Il ne détourna le regard que lorsqu'il ne décela aucune anomalie particulière chez eux.

Il était plus que temps de renforcer le sort qui leur était jeté.

Ses deux fidèles gardes étaient ceux que l'on appelait les 'Taniya', les serviteurs fidèles qui obéissaient à chaque mot et à chaque ordre, même si la tâche pouvait mettre leur propre vie en danger, car ils étaient hypnotisés par le sort.

Mais le sort ne durait jamais longtemps, car la volonté inconsciente de résister finissait par se manifester pour réveiller l'esprit et rompre peu à peu le charme. C'était pourquoi le sort devait être jeté sur eux à intervalles réguliers afin de maintenir leur esprit sous contrôle constant.

Sang-je s'engagea dans l'entrée qui menait au souterrain. Il n'y avait aucun signe d'hésitation dans ses mouvements alors qu'il s'enfonçait dans les ténèbres. Il descendit rapidement les marches de l'escalier en colimaçon, haut et étroit, sans avoir besoin d'un seul rayon de lumière. La lumière et l'obscurité lui semblaient presque insignifiantes.

Au pied des marches, son corps translucide passa aisément la lourde porte de fer qui était fermement fermée devant lui. Il glissa plus loin dans le couloir désert, franchit les barreaux de séparation qui se trouvaient sur son chemin et pénétra dans la pièce au-delà d'une autre porte de fer.

Contrairement à tous les autres endroits souterrains, la pièce dans laquelle il pénétra n'était pas entourée d'une obscurité supplémentaire. Mais il n'y avait aucune lampe dans la pièce. Au lieu de cela, une faible lumière géométrique émanait du sol, à peine suffisante pour distinguer les murs du sol.

À l'intérieur, la silhouette vacillante d'une prière assise au milieu du motif géométrique lumineux se dessinait contre le mur.

« Votre prière sera-t-elle un jour exaucée ? »

La vieille dame qui récitait ses mots de prière sous son souffle, s'arrêta et pencha la tête au son. Le visage marqué par la fatigue, elle souleva lentement ses paupières ridées, au prix d'un grand effort, et fixa Sang-je d'un regard impassible.

« Je suppose que vous ne seriez pas assise ici avec un air aussi troublé si vous aviez déjà reçu des réponses à vos prières. Quand votre Dieu a-t-il l'intention de répondre à votre prière ? Votre soi-disant Dieu tout-puissant qui n'exauce même pas vos vœux de mort ?

»

« ..... »

Alber resta silencieuse, quelle que soit la provocation, car elle savait que sa réponse ne ferait que le pousser à la ridiculiser davantage.

Ses fréquentes provocations des dernières années étaient de bon augure pour Alber, car le comportement impatient de Sang-je reflétait l'agitation de son esprit. Il était évident que ses plans tombaient à l'eau contre sa volonté.

« Qu'est-il advenu du sort ? »

« Il n'est pas encore tout à fait prêt » répondit Alber.

« Cela fait longtemps que je t'ai fourni tout ce dont tu avais besoin pour travailler sur ce sort. Je ne te défie pas de mettre ma patience à l'épreuve plus longtemps ! »

« Je n'essaie pas d'abuser de votre patience. Je crois vous avoir dit à plusieurs reprises que ce sort requiert un niveau de sorcellerie avancé. Il est fondamentalement différent des autres sorts qui peuvent être pratiqués avec de simples incantations. Pour voir l'avenir, il faut être conduit à la porte par Dieu lui-même »

« Dieu ! Où se trouve donc votre Dieu ? »

« ...Dieu réside à la fois partout et nulle part »

« Je ne suis pas ici pour jouer aux mots avec vous ! » Sang-je cria d'une voix de tonnerre qui résonna dans toute la pièce. Sa pupille rouge et féroce brillait d'une lumière sinistre tandis qu'il fixait Alber.

« Je ne serais pas aussi arrogant si j'étais toi. N'oublie pas que tu n'es rien de plus qu'un objet de consommation. Peut-être que cela t'aiderait à être plus enclin à coopérer en compagnie de ton peuple, ici même, dans ce donjon ? » Sang-je lança une menace à la vieille dame.

Alber, qui n'avait jamais perdu son calme jusqu'à présent, grimaça pour la première fois

« Vous m'avez donné votre parole que vous laisserez mon peuple en dehors de tout ça !

»

Ses mots firent vriller la bouche de Sang-je « Nous avons conclu un marché, pas une promesse. Et il n'y a aucune raison pour que je tienne ma parole si tu ne me donnes rien

»

« J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour vous aider. Et pourtant, c'est ainsi que tu me remercies après toutes ces années où tu as bénéficié des prophéties que j'ai annoncées ? » cracha Alber.

Sang-je jeta un regard fuyant à Alber, observant sa réaction agitée, et renifla de dégoût.

« En rétrospective, la plupart de tes prophéties étaient insignifiantes ces dernières années. Par exemple, tu as prophétisé la naissance de deux Anikas pour la première fois en dix ans. Mais avec le recul, c'était une remarque que n'importe qui aurait pu faire, quelle que soit sa capacité à prévoir l'avenir, car les Anikas seraient nés de toute façon en temps voulu. De plus, c'est votre prophétie qui m'a empêché d'exterminer Mara et les autres. Je me demande donc si vous n'avez pas comploté dans mon dos pendant tout ce temps. Peut-être aviez-vous l'intention de laisser Mara gagner en puissance et de la mettre en avant contre moi »

« ...Je ne ferais jamais un tel tour de passe-passe avec l'avenir de ma tribu en jeu. Si j'avais en tête un quelconque complot, je ne vous aurais pas confié le trésor de la tribu dès le départ »

Même Sang-je ne pouvait le nier, car le pouvoir qui lui avait permis de régner sur les humains stupides avec une présence divine pendant tout ce temps était dû aux illusions miraculeuses créées par l'utilisation de l'ancien sortilège qu'il avait repris d'Alber.

Aujourd'hui encore, il bénéficiait grandement de ce sort.

« Et à proprement parler, Mara était la conséquence inévitable de votre propre erreur de jugement. Ne rejette pas la faute sur moi »

Sang-je la repoussa du revers de la main et continua à parler « Ou bien se pourrait-il que vos capacités commencent à montrer le bout de leur nez ? Il est peut-être temps pour moi de chercher votre remplaçant »

Alber serra les dents, ressentant une soudaine bouffée de colère qui alterna bientôt avec le désespoir, tandis qu'elle fermait les yeux avec nostalgie.

« Peu importe qui vous choisirez dans ma tribu pour me remplacer, il ne fait aucun doute qu'il vous faudra au moins des années avant que mon remplaçant ne puisse vous être utile. Faites ce que vous voulez si vous pouvez vous permettre d'attendre. Pour moi aussi, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase »

Sang-je jeta un regard sans mot dire à Alber. Il savait par expérience que les humains avaient une tendance invincible à repousser leurs limites et même au-delà lorsqu'ils étaient confrontés à une épreuve. Cependant, il savait aussi qu'ils finissaient par tomber dans un état de torpeur au bout du rouleau.

Aussi en colère qu'il soit, il savait qu'il ne serait pas sage de prendre le risque de la pousser encore plus loin dans ses retranchements. Dos au mur, rien ne garantissait qu'elle ne s'opposerait pas à lui dans un accès de désespoir, même si elle pouvait mettre en danger la sécurité de sa tribu. Il serait entièrement perdant si elle déclarait son retrait complet.

« Vous ne voudriez pas me faire attendre trop longtemps. Je dois vous avertir que je ne suis pas le plus patient des hommes »

Il y avait un soupçon de menace dans son avertissement alors que sa silhouette d'ombre commençait à s'estomper. Mais peu avant que sa forme ne disparaisse complètement, sa voix se fit à nouveau entendre, comme si quelque chose venait de lui traverser l'esprit.

« Le sort jeté aux gardes est sur le point de se dissiper. Je vais les faire descendre pour que vous puissiez les renforcer à nouveau »

Alber répondit avec hésitation.

« Pourquoi ne pas envoyer quelqu'un d'autre ? C'est bien trop risqué de les maintenir si longtemps en état de transe hypnotique »

L'impact de l'hypnose répétée sur l'esprit d'une personne était suffisamment critique pour perturber même les esprits les plus forts et les plus disciplinés.

« Qu'en est-il ? »

Ce qu'il adviendrait d'eux n'avait jamais préoccupé Sang-Jé le moins du monde, car ils n'étaient rien de plus que de simples objets de consommation à ses yeux.

« Je ne vous en demande sûrement pas trop »

« Mais c'est une faveur bien encombrante »

« Vous ne pouvez pas considérer un moyen de sauver une vie précieuse comme quelque chose d'encombrant »

Sang-je observa Alber avec intérêt et sourit d'un air dédaigneux. Elle n'était ni poisson ni volaille pour lui, malgré toutes les années qu'il avait passées à la connaître. Se préoccuper de quelqu'un d'autre alors qu'elle n'était pas en position de s'inquiéter pour un étranger sans importance.

« Je trouve votre demande plutôt ridicule, car vous semblez avoir oublié l'origine du sort. Permettez-moi de vous rappeler que c'est vous, les humains, qui l'avez créé dans le but d'asservir d'autres humains » Sang-je disparut alors dans les airs, laissant son rire narquois à Alber qui ne savait plus où donner de la tête.

Alber resta assise, hébétée, seule dans la pièce pendant un bon moment avant de fondre en larmes. Elle gémissait de douleur comme une proie mordue au cou et se frappait la poitrine de chagrin, incapable de pousser un cri de désespoir.

Mon Dieu, que dois-je faire de tous mes péchés ?

Si seulement elle pouvait remonter le temps, Alber souhaitait désespérément revenir aux jours précédant sa rencontre avec le monstre. Elle paierait volontiers son prix et soumettrait son âme à un voyage éternel si seulement son vœu était exaucé.

Elle se reprochait sa propre bêtise à l'époque. Tout ce qui comptait aux yeux de la jeune fille, c'était le confort de sa tribu et elle fermait les yeux sur ce qui ne la concernait pas.

La jeune fille au don inné pour la sorcellerie devenait fière et prétentieuse lorsqu'elle réussissait même les sorts qui lui semblaient impossibles à maîtriser.

Elle en voulait au monde entier et se décourageait de la vie isolée à laquelle sa tribu était à jamais destinée. Par défi, elle finit par aider le monstre à atteindre la perfection pour le bien de la tribu, du moins c'était ce qu'elle croyait à l'époque. Elle se rationalisait en jugeant à la hâte de l'avenir de sa tribu en tant que descendante dans les veines de laquelle coulait le sang d'anciens précurseurs, sans la moindre idée de son futur proche où elle finit par se trancher la gorge.

Le monstre invoqué par les ancêtres régnait désormais sur le monde avec l'aide de leurs descendants. Son sentiment de culpabilité ne faisait qu'augmenter avec le temps, l'oppressant de tout le poids de ses péchés.

Mais c'était la tranche d'avenir qu'elle entrevoyait par hasard qui lui donnait toute la force nécessaire pour affronter son dur destin. Bien qu'il y ait un certain degré d'incertitude, car il n'y avait qu'un nombre limité de possibilités probables parmi les scénarios illimités de l'avenir qu'un sorcier pouvait prévoir en utilisant le sort, elle avait tout de même découvert un espoir parmi les futurs qu'elle avait vus.

Tout ce qu'Alber pouvait faire dans ce donjon isolé était d'esquiver les yeux du monstre et d'amplifier les signaux générés chaque fois qu'elle pratiquait la sorcellerie pour regarder dans le futur en utilisant le sort.

Alber priait dans l'espoir d'un miracle, pour qu'il y ait ne serait-ce qu'une chance pour que ses signaux atteignent l'esprit de ses descendants doués, pour qu'ils voient ce qu'elle avait vu de leur avenir et pour qu'ils aient toute la volonté et le courage dont ils auraient besoin pour réaliser la prophétie.

Tome 1 – Chapitre 215 – Le Hwansu du roi défunt

Le jour du départ pour la Ville Sainte fut fixé au lendemain, après avoir eu trois jours pour prendre toutes les dispositions, à compter du jour même où le message urgent de Sang-je était arrivé au château. Comme le château devait rester vacant en l'absence du roi et de la reine, le départ ne pouvait pas être avancé plus tôt.

Comme le temps était compté avec tous les préparatifs à faire, il y eut un véritable remue-ménage avec des gens qui entraient et sortaient du château. Les serviteurs s'activaient pour faire leurs bagages en vue du long voyage qui les attendait, tandis que les hauts fonctionnaires étaient trop occupés à régler les affaires urgentes de l'État qui nécessitaient une autorisation urgente de la part des autorités supérieures. Le roi et la reine étaient également très occupés, car il fallait modifier leur emploi du temps officiel, toutes les affaires d'État étant suspendues jusqu'à leur retour au château.

Eugène rendit le document à son assistante une fois qu'elle eut terminé l'examen.

« Procédez comme prévu pendant mon absence »

« Oui, Votre Majesté »

Sandy répondit à Eugène. L'une de ses trois assistantes devait rester au château pendant qu'elle voyageait avec les deux autres et ce fut Sandy, qui l'avait accompagnée lors de son dernier voyage vers la Ville Sainte, qui s'était portée volontaire pour rester, car elle hésitait à s'éloigner de chez elle pour des raisons personnelles.

« Le report indéfini des audiences prévues est ce qui me pose le plus de problèmes.

Veillez à donner la priorité à celles qui figurent en tête de liste lorsqu'elles seront reprogrammées à mon retour »

« J'y veillerai, Votre Majesté »

Eugène n'avait pas grand-chose à se mettre sous la dent qui nécessitait son attention immédiate, puisqu'elle n'avait pas encore à gérer officiellement les affaires de l'État. Elle avait donc réussi à terminer ses tâches à midi, un jour avant leur départ.

Mais pour le roi, il en allait tout autrement, car il travaillait jour et nuit depuis deux jours, sans pouvoir se reposer. Cela faisait des jours qu'Eugène n'avait pas vu son visage, car il ne rentrait pas dans leur chambre à coucher, même la nuit. Et à entendre qu'il avait à peine le temps de prendre un vrai repas, Eugène en voulait à Sang-je de sa convocation abrupte, autant qu'elle avait de la peine pour Kasser.

Il était scandaleux de sa part de convoquer un roi dans un délai aussi court, alors que même un humble voyageur avait besoin de temps pour prendre ses dispositions avant de partir en voyage.

Cependant, dans ses pensées, il y avait quelque chose sur lequel elle se trompait manifestement. C'était elle seule que Sang-je avait convoquée en premier lieu. Eugène ne se doutait pas que c'était Kasser qui s'épuisait comme un cheval sans rênes.

Alors qu'Eugène s'apprêtait à passer dans son bureau, car elle avait encore beaucoup de temps devant elle avant le départ, un serviteur vint lui porter un message.

« Votre Majesté, un message de la comtesse Oscar vient d'être apporté par son serviteur

»

Eugène déplia le message de Charlotte qui lui fut remis. Il contenait la demande d'audience de Charlotte concernant leur voyage vers la Ville Sainte.

Deux jours avant aujourd'hui, Eugène avait envoyé six invitations et, à part une dame dont l'enfant souffrait d'une forte fièvre, les cinq autres avaient toutes accepté de partir avec elle pour la Ville Sainte.

Comme il y avait des procédures fastidieuses pour organiser les audiences au palais, ils avaient échangé des messages entre eux par l'intermédiaire des serviteurs de leur propre maison. Ainsi, Eugène n'avait jamais rencontré aucune des dames depuis leur dernière rencontre.

Bien qu'il fut contraire à la bienséance de demander une rencontre soudaine, surtout lorsque la personne a un statut plus élevé que le demandeur, cela semblait plus que compréhensible dans les circonstances actuelles.

« Faites-moi savoir par son porteur que sa demande est acceptée »

« Oui, Votre Majesté »

Au bout d'un moment, Eugène appela son serviteur pour lui donner des ordres.

« Escortez la comtesse Oscar jusqu'à la terrasse dès son arrivée »

« Oui, Votre Majesté »

Eugène se leva rapidement et quitta son bureau, car elle avait envie d'une tasse de thé.

La terrasse semblait être un meilleur endroit pour discuter avec Charlotte que son bureau, car il serait plus facile de saisir son caractère dans une atmosphère détendue.

Elle n'avait pas eu l'occasion de se renseigner sur la comtesse lors de sa dernière rencontre avec ces dames. Mais lorsqu'elle demanda par hasard à Kasser s'il savait quelque chose sur l'épouse du chancelier, celui-ci lui fit part d'une information très intéressante sur Charlotte.

[J'ai entendu dire que leurs familles se rendaient visite depuis longtemps et qu'elles se connaissaient donc depuis leur plus jeune âge.]

[Ils étaient donc engagés dans leurs familles depuis leur plus jeune âge ?]

[Je ne pense pas. Il semble que l'annonce de leur mariage ait été une surprise pour leurs deux familles].

Un cliché romantique sur les deux personnes qui étaient autrefois aussi proches qu'une sœur et un frère, et qui avaient réalisé leurs sentiments l'un pour l'autre, était venu à l'esprit d'Eugène lorsqu'elle entendit leur histoire de la bouche de Kasser. Elle se demandait si c'était le plus jeune qui avait eu le courage de se confesser ou si c'était l'aîné qui avait saisi l'occasion. Comme tous deux semblaient être des exemples typiques de haute naissance, il était inimaginable de penser que leur mariage était en fait par amour et cela faisait ricaner Eugène, qui donnait libre cours à sa propre imagination.

La terrasse qui s'étendait jusqu'à la cour intérieure du château était l'endroit qu'elle préférait après le pont de liaison. Comme le pont n'était pas couvert, il était difficile d'y passer pendant la saison sèche à cause de la chaleur du soleil. Bien qu'elle ne fut pas comparable au paysage grandiose du pont, la terrasse était fraîche et, en raison de son ouverture, elle appréciait l'atmosphère qui s'en dégageait.

Elle attendait l'arrivée de Charlotte en sirotant le thé que lui apportait sa servante lorsqu'elle se retourna en sentant une présence autour d'elle. Mais à sa grande surprise, ce fut Kasser qui s'approcha de l'endroit où elle était assise à la place de Charlotte.

Kasser s'avança tout près d'elle alors qu'elle était encore abasourdie par l'apparition soudaine du roi.

« Je l'ai trouvé » Kasser posa sur la table les notes qu'il était venu chercher et qu'il déplia. Et du bout du doigt, il désigna l'une des pages déjà jaunies par le temps. « Tenez

»

Eugène vit que c'était un mot qu'il désignait. Mais comme le mot était écrit en cursive et que l'encre maculait le papier, Eugène mit un certain temps avant de pouvoir le lire.

« Abu... ? »

« J'avais demandé aux bibliothécaires de parcourir les vieux parchemins du château et c'est ce qu'ils viennent de m'apporter. Ce sont les notes personnelles du défunt roi, le troisième roi du royaume pour être plus exact »

« C'est comme un journal intime ? »

« C'est assez proche »

Eugène, qui avait semblé perplexe pendant un moment, comprit ce que signifiait le mot

'Abu' écrit sur le journal du défunt roi. Elle le regarda, les yeux écarquillés de stupéfaction.

« Ce qui signifie que le propriétaire de la tortue Hwansu était... ? »

« Il n'y a aucun doute à ce sujet. C'est le défunt roi qui a déménagé le premier de la Ville Sainte à la capitale actuelle du royaume »

« Ah.... donc il n'est pas étonnant qu'il se soit réfugié dans la Ville Sainte. L'endroit doit représenter beaucoup pour lui »

Lorsque Aldrit leur avait raconté les choses que lui avait dites Hwansu, ils s'étaient tous demandé ce qu'il adviendrait du Hwansu d'un roi après le décès de ce dernier. Kasser n'en savait rien, car il n'avait jamais soulevé ce genre de questions auparavant. De plus, il n'avait aucune idée de ce qui était arrivé au Hwansu du roi défunt auparavant.

[Ce n'est qu'après les funérailles du roi que j'ai réalisé que son Hwansu avait déjà disparu.]

raconta Kasser à Eugène en se remémorant ses faibles souvenirs de ce jour-là. Mais en même temps, un doute avait traversé son esprit, qu'elle n'arrivait pas à comprendre.

[Je ne suis pas surprise car vous deviez être dans un profond chagrin et ne pas vous soucier de Hwansu puisque c'était votre père qui était décédé. Mais est-il possible que personne dans le royaume ne se soit soucié de s'en occuper ?]

[L'opinion des gens au sujet de Hwansu est controversée. Bien qu'ils servent leur roi avec loyauté, ils ne représentent pas officiellement le royaume ni le roi, car sans la capacité du roi à les contrôler, ils sont plus ou moins aussi effrayants qu'une Alouette].

[Ce qui ne fait qu'ajouter une raison supplémentaire à la nécessité de les surveiller de près. En l'absence de leur roi, ils pourraient sillonner notre monde comme des chevaux sans bride].

[Si seulement il y avait des précédents. Mais après la mort de leur roi, tous les Hwansu se sont cachés et ont gardé le silence. Et surtout, seul le roi peut trouver son propre Hwansu].

Kasser ajouta une remarque supplémentaire en lui disant qu'il mènerait des investigations plus poussées à ce sujet lorsqu'Eugène lui dit qu'elle souhaitait savoir à qui avait appartenu la Tortue Hwansu

[Mais ne vous faites pas trop d'illusions, les noms de Hwasu sont rares dans les archives officielles]. Les noms des Hwasu sont rares dans les registres officiels].

Eugène était submergée de tristesse en imaginant tout le périple de Hwansu qui n'arrivait pas à se remettre de la mort du roi, pour retourner jusqu'à la Ville Sainte où il avait plein de bons souvenirs avec son maître.

Cependant, elle ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire lorsque ses yeux suivirent la flèche reliée au mot 'Abu' et découvrirent qu'il y avait un mot écrit comme

'fauteur de troubles'.

« Le Hwansu du défunt roi a dû lui donner du fil à retordre puisqu'il l'a écrit » dit Eugène.

« Comme ce qu'Abu me fait maintenant »

« Mais Abu n'a rien fait. Et je parie que tu ne trouveras pas d'autre Hwansu qui se comporte aussi bien qu'Abu » Elle défendit Abu.

« Il ne met son masque d'innocent qu'en votre présence » La tentative presque sérieuse de Kasser de diffamer Abu l'avait fait rire une fois de plus.

Elle fixa Kasser, dont le visage affichait un soupçon d'excitation. Mais la nouvelle découverte du propriétaire du Hwansu ne pouvait pas être la raison de ce regard, car il n'avait jamais eu beaucoup d'intérêt pour le Hwansu du défunt roi.

Je pense... qu'il attend quelque chose. Ah !

Eugène sourit alors gentiment en parlant à Kasser.

« Merci beaucoup de ne pas avoir oublié votre promesse concernant l'enquête et de m'en avoir parlé dès que vous l'avez découverte. J'étais vraiment curieuse pour être honnête »

Le visage de Kasser semblait à présent beaucoup plus satisfait tandis qu'elle le regardait silencieusement. Elle dut presque se mordre les lèvres pour retenir son rire.

Cet homme devant elle avait mis de côté tout le travail qui l'occupait et s'était précipité sur elle dès qu'il en avait appris plus sur Hwansu, dans l'excitation de lui annoncer la nouvelle en personne. Et il la regardait maintenant comme un enfant qui voulait être couvert de toutes les louanges et de tous les compliments qu'il pouvait recevoir.

Il n'avait pas idée à quel point il me semblait adorable en ce moment.

Elle dut encore se rappeler qu'il était bien le roi de leur royaume, sinon elle faillit lui faire part de ses remarques déplacées à son insu.

Tome 1 – Chapitre 216 – Le spectacle d'un baiser

Ses joues rougissaient malgré tous ses efforts pour empêcher ses lèvres de se retrousser en un rire, et cela n'échappait pas au regard de Kasser. Il se dit qu'il était inimaginable que sa femme s'embellisse de jour en jour, car elle n'était qu'une humaine, et non une Alouette qui pouvait facilement transformer son apparence.

Il tendit la main pour lui saisir légèrement le menton. Et par-dessus son visage légèrement relevé, il inclina son visage vers elle pour poser ses lèvres sur les siennes.

Leurs regards se croisèrent après un effleurement impulsif de leurs lèvres.

Mais lorsqu'il aperçut la timidité dans les beaux yeux écarquillés de la jeune femme, ils semblèrent avoir complètement pris le dessus sur son sens de la maîtrise de soi. Il l'embrassa à nouveau, mais cette fois, il lui donna un baiser à pleine bouche et saisit l'occasion lorsque ses lèvres s'écartèrent.

Lorsque leurs lèvres furent profondément pressées l'une contre l'autre, la main de Kassers soutint fermement l'arrière de la tête et le cou de la jeune femme, dont le corps tout entier était poussé vers le bas par son poids.

Eugène avait réussi à apercevoir l'arête de son nez incliné sur son visage lorsqu'elle l'avait regardé à travers ses yeux baissés. Son cœur battait follement dans sa poitrine sous l'effet du baiser intense de son mari, qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de voir ces derniers jours. Elle avait l'impression d'être entièrement dévorée par lui lorsque sa chaleur entra en contact avec la sienne, se déplaçant doucement jusqu'au fond de sa bouche.

« Aah... »

Un léger gémissement nasal s'était échappé de ses lèvres. Les doigts qu'elle posait sur la table se crispaient de temps à autre sous l'effet des sensations que lui procuraient leurs langues entremêlées.

Elle avait essayé de toutes ses forces de ne pas enrouler ses bras autour de son cou malgré tout le flou qui régnait dans son esprit, car elle n'avait pas encore perdu son dernier jugement sobre sans oublier l'endroit où elle se trouvait en ce moment même.

Mais elle était remplie d'un sentiment d'appréhension, craignant que la moindre réaction à ses mouvements ne lui fasse perdre de vue l'environnement dans lequel ils se trouvaient.

Alors qu'elle sentait qu'ils commençaient à franchir la ligne, Kasser avait retiré ses lèvres d'elle et s'était un peu éloigné d'elle. Puis il murmura doucement en léchant ses lèvres humides.

« Je viendrai te voir ce soir »

« ...Oui, mon roi »

Le doux soutien autour de son cou avait disparu. Elle regardait fixement sa tasse de thé froide, comme si elle ne pouvait pas se déplacer pour voir son dos s'éloigner d'elle. Alors qu'elle calmait ses joues rougies en les frottant avec le dos de ses mains, une voix se fit entendre, qui la fit sursauter.

« Comtesse Oscar, qu'est-ce qui vous amène jusqu'ici ? Dois-je en référer au chancelier ?

»

« Votre Majesté, j'ai demandé une audience avec Sa Majesté seulement pour discuter des questions du voyage à venir. Il n'y a rien d'urgent dont Votre Majesté doive se préoccuper »

« Où en sont les préparatifs ? »

« Je fais de mon mieux pour être méticuleuse dans les préparatifs afin de ne pas être un fardeau tout au long du voyage »

Eugène avait poussé un cri intérieur en les voyant tous les deux échanger des mots à quelques pas seulement de l'endroit où elle était assise. Quand est-elle arrivée ? Elle avait dû tout voir. Elle avait complètement oublié qu'elle attendait l'arrivée de la comtesse

Eugène essaya de garder un visage impassible tandis que Charlotte s'approchait et baissait la tête devant elle. Elle se sentait derrière la tête, totalement gênée.

« Merci de consentir à une demande aussi soudaine de ma part, Votre Majesté »

« Asseyez-vous »

Eugène proposa à Charlotte de s'asseoir tout en se raclant inutilement la gorge.

« Je m'excuse pour... toutes les inconvenances qui ont pu vous faire attendre »

« L'attente ne m'a pas dérangé le moins du monde, Votre Majesté. C'était plutôt un plaisir pour moi de voir mon roi et ma reine vivre dans une telle harmonie »

Pour changer de sujet de conversation, Eugène ordonna à son serviteur de leur apporter des rafraîchissements. Mais Charlotte avait déjà perçu l'agitation de la reine, car elle décela un soupçon de précipitation lorsqu'elle jeta un coup d'œil pendant que la reine donnait ses ordres.

L'étalage prétentieux de l'affection entre couples mariés était assez courant dans la haute société. Mais Charlotte était convaincue que ce n'était pas un faux-semblant que

ce qu'elle venait de voir sur la terrasse. Comme d'habitude, Charlotte n'aurait pas détourné son regard d'un tel spectacle, car elle pensait qu'un spectacle avait besoin de son public et que ces gens sur la scène voulaient plus de témoins de leur acte ouvertement honteux.

Mais Charlotte aurait mieux fait de se détourner lorsqu'elle les avait surpris en train de s'embrasser, car elle avait fini par se rendre compte qu'ils n'étaient pas du tout dans le coup. Charlotte, qui se moquait éperdument des amours secrètes qui se nouaient généralement dans les jardins pendant la nuit des bals, ressentit un choc inhabituel dans son cœur à la simple vue d'un baiser.

J'ai pensé que ce n'était que des ragots quand j'en ai entendu parler.

Charlotte était assez bien informée des rumeurs qui circulaient dans la capitale, car elle recevait fréquemment la visite de dames qui espéraient s'attirer ses faveurs. Et parmi elles, il y avait les volubiles qui étaient toujours de bonne humeur, suffisamment pour inventer une rumeur de toutes pièces.

Cela devait faire plus d'un mois qu'elle avait appris en passant la rumeur sur les changements dans la relation conjugale entre le roi et la reine, qu'elle ne considérait évidemment que comme une rumeur sans fondement.

Mais au fur et à mesure que des rumeurs similaires lui parvenaient, elle avait vaguement supposé que la rumeur pouvait être vraie. Cependant, elle n'avait pas réussi à éveiller son intérêt au point de vouloir vérifier elle-même la véracité de la rumeur.

Charlotte avait tendance à se tenir à l'écart de ceux qui n'entraient pas dans sa catégorie d'intérêt. Et malgré les pertes qu'elle entraînait dans son sillage, elle préfèra encore ne pas fréquenter ceux qu'elle ne jugeait pas dignes d'être en sa compagnie.

Si Charlotte avait essayé de s'intégrer à la Reine, elle aurait certainement pu maintenir une relation étroite avec la Reine en tant qu'associée la plus proche, sans l'ombre d'un doute. La reine s'était intéressée aux antécédents de Charlotte, car la famille de sa mère jouissait d'une bonne réputation dans la Ville Sainte.

Cependant, Charlotte n'avait que faire de l'autorité d'autrui, qu'il s'agisse d'en faire étalage ou d'en abuser. Et si elle préférait le pouvoir, elle n'aurait pas épousé Verus. En tant que chancelier, Verus était désormais connu comme un homme de pouvoir, mais au moment où ils allaient se marier, il n'était ni un héritier, ni une personne à qui l'on pouvait léguer une grande fortune familiale.

Du point de vue de Charlotte, la reine était quelqu'un qu'elle voulait garder à l'écart de tout intérêt personnel. Ainsi, après avoir tenu la reine à l'écart, elle ne tarda pas à se voir opposer une fin de non-recevoir.

C'était pourquoi, depuis l'année dernière, elle ne reçut plus d'invitations occasionnelles aux réunions. Mais Charlotte se moquait bien de tous les ragots qui circulaient dans son dos.

Mais sa curiosité, d'abord éveillée par l'incident de l'Alouette, s'était transformée en un grand intérêt après sa rencontre avec la reine lors de la réunion à laquelle elle avait été invitée il n'y avait pas si longtemps.

Jusqu'à présent, il n'était jamais arrivé que sa mauvaise impression sur quelqu'un alternait avec une bonne impression. Cependant, elle était vraiment étonnée de constater qu'elle n'avait pas trouvé sa rencontre avec la reine le moins du monde offensante, lorsqu'elle l'avait rencontrée il y a quelques jours. C'était presque comme si elle était une autre femme.

Si Charlotte n'aurait pas hésité à refuser l'invitation de la reine par le passé, elle l'avait acceptée avec plaisir cette fois-ci, pensant que ce serait une bonne occasion pour elle de surveiller la reine de près.

Charlotte s'était également assurée de la véracité de la rumeur au sujet du roi et de la reine par le spectacle qu'elle avait vu de ses propres yeux tout à l'heure, dès qu'un serviteur l'avait amenée sur la terrasse.

Elle était arrivée à temps pour repérer le moment où leur conversation intime, à quelques centimètres l'un de l'autre, se transforma en baiser. L'affection qu'elle lisait dans leurs regards échangés était sincère, sans aucun doute.

Je ne peux pas croire qu'il ait ignoré un sujet aussi important.

Charlotte fit claquer sa langue, agacée par le manque de tact de Verus.

Eugène essayant de surmonter son embarras et Charlotte perdue dans ses pensées, elles restèrent un moment en silence jusqu'à ce que le domestique apporta des rafraîchissements et qu'Eugène offrit du thé à Charlotte.

« Servez-vous un peu de thé »

« Merci, Votre Majesté »

« Je crois que vous avez un garçon de six ans si je ne me trompe pas. Est-ce qu'il vient aussi ? »

« Non, Votre Majesté. Il est encore trop jeune pour un si long voyage »

« N'est-ce pas la première fois qu'il est séparé de sa mère aussi longtemps ? Cela doit être bouleversant pour lui de vous voir partir »

Charlotte sourit en pensant à son jeune fils qui avait souhaité sa sécurité tout au long du long voyage avec une telle maturité, contrairement à son père qui avait pleurniché depuis le début si elle avait vraiment l'intention de s'absenter aussi longtemps, le laissant seul dans la capitale.

« J'espère que je ne vous dérange pas avec mon idée soudaine. En vous imposant un emploi du temps aussi serré avant un long voyage »

« Pas du tout, Votre Majesté. Un tel arrangement ne prendrait pas beaucoup de temps et, en fait, comme j'ai réduit mes inquiétudes concernant la sécurité tout au long du voyage, je ne pense pas que je trouverai jamais un autre voyage qui me fera me sentir aussi détendue au moment du départ. Je ne ressens rien d'autre que de l'excitation à l'idée de rendre visite à mes parents pour la première fois depuis longtemps »

« Je suis très heureuse de l'entendre. Cela me fait penser, quel est le but de votre visite aujourd'hui ? »

« Pardonnez-moi, Votre Majesté. J'ai souhaité vous voir pour vous faire part de mes préoccupations concernant les itinéraires que nous allons emprunter pour nous rendre à la ville sainte. D'après ce que j'ai remarqué, je regrette que les chemins les plus récents qui pourraient nous apporter plus de commodité dans notre voyage n'aient pas été pris en compte dans leur intégralité »

« C'est vrai ? Je vais le mettre en lumière alors »

« Si vous le permettez, j'ai rassemblé mes conclusions pour que Votre Majesté puisse y jeter un coup d'œil »

Eugène feuilleta les pages du mince carnet que lui avait remis Charlotte. Les pages contenaient des références partiellement tracées d'une carte avec des descriptions simples écrites d'une écriture si fine qu'elles étaient facilement compréhensibles même pour Eugène qui n'était pas familier avec la géographie. Tel mari, telle femme, pensa Eugène, qui était tout simplement stupéfait par son travail.

Eugène posa des questions pour mieux saisir l'idée et accepta avec plaisir la note de Charlotte.

« Cela nous sera d'une grande aide »

« J'espère seulement que ma curiosité ne vous cause pas d'ennuis inutiles, Votre Majesté

»

« Pas le moins du monde. Vos découvertes nous seront sûrement utiles pour notre prochain voyage »

Eugène saisit alors l'occasion de changer le cours de la conversation « Et je crois que vous m'avez été d'une grande aide par le passé »

Tome 1 – Chapitre 217 – Deux jours

Charlotte jeta un coup d'œil étonné à Eugène lorsqu'elle leva les yeux.

« De la faveur que je vous avais demandée en privé auparavant »

« Je ne dirais pas que je vous ai été d'une grande aide, Votre Majesté. Je n'ai fait que transmettre vos paroles à la famille de ma mère »

La réponse de Charlotte avait dû agir comme une sorte de déclencheur, car un autre souvenir de Jin lui était revenu en mémoire. Et c'était là qu'elle vit Charlotte, assise en face d'elle dans un autre vêtement.

[J'ai besoin que tu transmettes ma lettre à ton grand-père maternel.]

[Je crois que vous vouliez chercher une personne avec l'aide du côté de ma mère. Votre lettre contiendrait-elle le même contenu ?]

[C'est assez proche. Bien qu'il s'agisse simplement d'une faveur personnelle. Hum...

Comme je n'ai pas l'intention de garder le secret, je vais vous le dire ouvertement. Si je ne me trompe pas, j'ai entendu dire que votre grand-père avait un passe-temps assez spécial. Il se trouve que c'est aussi le mien].

Eugène supposa que le passe-temps du grand-père de Charlotte était lié aux collections de livres anciens. Si Jin lui avait personnellement demandé de l'aide, c'était qu'il devait avoir une connaissance approfondie de ce domaine.

Attendez, elle aurait pu demander de l'aide avant de retourner au royaume. Et d'après la façon dont Jin avait parlé de la mère du comte, ils semblaient être des connaissances après tout. Mais comment se fait-il que Jin ait choisi de communiquer par l'intermédiaire du comte en dépit de la lourdeur de la situation ?

Ce fut alors qu'elle entendit la voix de Charlotte dans le présent.

« Mais je ne sais pas ce qui s'est réellement passé par la suite. Et Votre Majesté n'a pas à s'inquiéter davantage car le comte Wacommbe est sûrement un homme de peu de mots

»

Dès qu'elle entendit ce nom familier, une autre scène se déroula dans son esprit.

[Il se peut que j'aie d'autres lettres pour votre grand-père à l'avenir. Et il est évident que je ne peux pas t'avoir comme porteur à chaque fois que j'ai une lettre à envoyer. Je me demandais donc si vous pouviez me recommander quelqu'un qui vous semble digne de confiance pour cette tâche, de préférence parmi les connaissances de votre grand-père]

[Je vous recommanderai quelqu'un dès que j'aurai trouvé quelqu'un qui corresponde à votre demande, Votre Majesté]

« Alors... Le comte Wacommbe est en fait quelqu'un qui m'a été présenté par la comtesse Oscar »

Le comte Wacommbe, le marchand de livres anciens, était quelqu'un qu'Eugène guettait l'occasion de rencontrer. Mais lorsque Marianne l'informa de l'existence du comte Wacommbe, elle ne lui avait jamais parlé de ses liens avec Charlotte.

Je suppose qu'elle ne devait pas être au courant. Elle ne me l'aurait pas caché si elle l'avait su.

Eugène se dit que Charlotte était en effet une personne digne de confiance, car elle ne semblait pas s'être vantée de la faveur personnelle de la reine auprès de quiconque.

« J'espère que vous ne vous méprenez pas, car je n'ai pas soulevé cette question dans l'intention de l'interroger. C'est juste que cela m'est venu à l'esprit et j'ai senti que je n'avais pas encore exprimé ma gratitude envers vous. Je veux que vous sachiez que je suis vraiment reconnaissant pour tout ce que vous avez fait pour moi jusqu'à présent »

Charlotte avait regardé Eugène d'un air curieux avant de baisser la tête.

« Je suis plus que flattée, Votre Majesté »

Charlotte se dit alors qu'il y avait vraiment quelque chose de bizarre chez la reine. La reine n'avait jamais semblé à Charlotte comme quelqu'un qui évoquerait intentionnellement un événement passé juste pour lui témoigner sa gratitude. Et tout au long de la conversation, elle avait senti de délicates différences dans sa façon de parler, dans les expressions changeantes de son visage et même dans son regard qui semblait celui d'une personne totalement différente.

******************************

« Regardez plus loin dans la section marquée et rapportez-la moi »

« Oui, Votre Majesté »

L'un des assistants du roi tourna le dos avec une pile de documents dans les bras. De ses épaules affaissées à ses pas lents, en passant par ses pupilles fatiguées, l'assistant du roi semblait sans aucun doute être dans son pire état. Il avait presque l'air de pouvoir s'endormir en un rien de temps en tapotant légèrement l'oreiller sur sa tête.

Lord Chamberlain fit claquer sa langue à la vue de l'aide qui venait de passer devant lui en traînant les pieds. Cela faisait des jours qu'ils vivaient ensevelis sous les travaux du roi qui ne cessaient de s'accumuler.

À l'exception d'une seule fois, il y a trois ans, le château n'avait jamais été laissé vacant sans le roi pendant plus d'un mois. De plus, le temps était largement suffisant pour prendre toutes les dispositions nécessaires avant leur départ pour la Ville Sainte il y a

trois ans. Comparé à cela, il s'agissait vraiment d'un voyage sans précédent qui nécessitait des mesures d'urgence.

Mais le chambellan était plus préoccupé par le roi, qui ne montrait aucun signe de fatigue, que par ses assistants à l'allure décharnée. Le chambellan, dont la présence était à peine perceptible puisqu'il passait habituellement la journée à faire de petites courses pour le roi, s'était prudemment approché de ce dernier.

« Votre Majesté, vous vous surmenez depuis un certain temps déjà. Et je suis très inquiet pour votre santé, d'autant plus qu'un long voyage vous attend demain. Je demande à Votre Majesté de prendre le repos nécessaire, ne serait-ce qu'un instant »

« Je crains d'avoir encore des piles de travail à terminer avant le départ. Je me reposerai si je suis fatigué » répondit Kasser.

« Avec tout le respect que je vous dois, Votre Majesté, je dois vous faire remarquer que vous êtes resté éveillé deux jours de suite jusqu'à présent »

Kasser, qui était occupé à déplacer sa plume sur les documents, s'était soudainement arrêté et avait demandé à son chambellan en levant enfin la tête des documents.

« Deux jours ? »

« Oui, Votre Majesté »

Le chambellan étudia attentivement le visage pensif du roi avant de reprendre la parole

« Dois-je demander à tout le monde de s'absenter un instant ? »

Le roi faisait parfois une courte sieste, appuyé sur sa chaise, lorsqu'il sentait qu'il manquait de sommeil. Bien que cela ne soit pas comparable à un bon repos sur un lit, le Seigneur Chambellan pensait que même une courte sieste lui serait bénéfique en ce moment.

« ...Faites ainsi »

Maintenant que tout le monde était parti, Kasser prit le temps d'examiner son état actuel. Était-ce parce qu'il était trop absorbé par son travail qu'il avait complètement oublié sa fatigue ? Il conclut par un 'non' à son propre doute. Même s'il avait atteint un niveau d'excitation optimal, il ne lui serait pas possible de maintenir un état d'esprit aussi clair aussi longtemps que cela.

Bien que les rois étaient connus pour être nés avec une force physique et une endurance supérieures à celles des gens ordinaires, cela ne signifiait pas qu'ils étaient totalement invincibles. C'était simplement qu'ils se sentaient moins fatigués et récupéraient plus vite, malgré une activité diurne plus importante que les autres. Ils pouvaient facilement rester debout toute une nuit, mais ils devaient éventuellement faire une sieste entre les deux pour maintenir leur état d'esprit à partir du deuxième jour.

Mais d'une certaine manière, Kasser ressentait des changements significatifs dans son état actuel par rapport à son passé. Bien qu'il avait été complètement éveillé pendant

deux jours consécutifs, son esprit était aussi frais que s'il venait de se réveiller d'un sommeil profond le matin. Et il ne se sentait pas du tout fatigué ces derniers temps, maintenant qu'il y pense.

Il baissa les yeux vers ses mains et les serra en un poing ferme. Les auras entourant ses yeux bleus convergèrent alors vers ses pupilles, prolongeant verticalement la lueur de ses yeux.

Ensuite, une légère illusion d'écailles avait commencé à apparaître sur son bras droit, où son regard était maintenant fixé. Et bientôt, la silhouette du serpent, qui s'enroulait autour de son bras depuis le coude, commença à se dessiner plus clairement.

Le contour s'était progressivement affiné pour devenir la forme distincte d'un serpent, de la queue à la tête - c'était son Praz. Il collait maintenant sa tête tout contre Kasser, le regardant dans les yeux comme s'il demandait l'objet de son invocation, en tirant la langue.

Kasser faisait face à Praz, les sourcils froncés, mais sans aucune intention de suppression puisqu'il se contentait d'observer attentivement le serpent bleu qui était autour de son bras.

Tome 1 – Chapitre 218 – Le changement de Praz

Depuis combien de temps est-ce que c'est comme ça ?

Le Praz étant une présence intangible, la forme qu'il prenait n'était rien d'autre qu'un symbole qui signifiait l'identité du Praz que le roi avait en sa possession naturelle. Le fait que le Praz du roi Serpent se soit matérialisé sous la forme d'un serpent ne signifiait pas qu'il avait quelque chose à voir avec le serpent lui-même.

Bien que le Praz du roi Serpent soit connu pour avoir la forme la plus claire de toutes, il était loin d'être réel. Le Praz était suffisamment translucide pour que l'on puisse voir son corps de près et, avec son contour flou qui se fondait dans l'air environnant, il n'était rien de plus que l'image d'un serpent.

Cependant, ce qui était apparu devant ses yeux était considérablement différent du Praz qu'il avait toujours connu. À part le fait qu'il ne pouvait pas sentir son poids autour de son bras, les écailles proéminentes de sa peau l'avaient presque convaincu que c'était un vrai serpent qui s'enroulait autour de son bras. Les couleurs vives de sa peau avaient recouvert toutes les parties de son bras d'une ombre projetée par son corps enroulé.

Kasser se concentra davantage sur son esprit dans le but de faire ressortir davantage sa présence. À sa grande surprise, le corps du Praz, qui était auparavant aussi épais que son bras, avait soudainement gonflé pour atteindre presque le double de sa taille d'origine.

Un peu plus.

Le serpent bleu, qui avait maintenant atteint la taille d'un humain, s'enroulait autour de son corps, comme si son bras seul était trop étroit pour sa taille actuelle.

Retourne à l'intérieur.

Sur son ordre, l'image du serpent s'était évanouie dans sa peau, comme si elle était aspirée dans son corps. Tout cela se passa littéralement en une fraction de seconde, à peine le temps d'expirer. Kasser laissa échapper un rire creux en regardant son bras vide, sans la moindre trace d'écailles bleues.

Bien que l'on soit en pleine saison sèche, le maniement du Praz lui apparut étonnamment facile et il n'avait même pas eu besoin d'y consacrer toutes ses forces. Il n'avait jamais eu autant de facilité à contrôler son Praz auparavant. Et il paria qu'il avait eu plus de mal pendant ses années de prince, même si le Praz était trop faible pour avoir une forme, à l'époque.

Le Praz a changé ?

Kasser avait du mal à mettre le doigt sur tout ce qui lui arrivait ces derniers temps.

Personne ne l'avait jamais informé de la possibilité d'une transformation de son Praz inné.

Mais les changements étaient évidents et ce qui le frappa finalement, c'était que les changements qu'il ressentait dans son Praz pouvaient être l'explication de sa vitalité accrue.

Mais comment ?

Il devait y avoir une raison derrière tous ces changements. Il prit le temps de réfléchir à ce qui avait changé dans sa vie ces derniers temps.

« Il n'y a rien d'inhabituel dans mon récent voyage à la Ville Sainte, car j'ai déjà visité cet endroit de nombreuses fois. Serait-ce à cause des Alouettes plus fortes qui ont commencé à apparaître plus fréquemment que lors de la dernière période d'activité ? »

Mais Praz n'était pas une capacité qui se renforçait au fur et à mesure qu'on l'utilisait Le fil de ses pensées s'arrêta alors qu'il s'apprêtait à remonter dans ses vieux souvenirs jusqu'à la dernière période d'activité. L'image de Praz remuant la queue en traversant la piscine, qui n'était qu'une illusion créée par Eugène, avait soudain traversé son esprit.

« ..Eugène »

Maintenant qu'il y pensait, il avait eu quelques occasions où il sentit que Praz était étonnamment bien disposé à l'égard d'Eugène. Mais comme il n'avait jamais pensé qu'il pouvait éprouver des sentiments comme une créature vivante, il n'y avait pas vraiment réfléchi auparavant.

« Est-ce la présence d'Anika autour de moi qui influence Praz ? »

Si c'était le cas, il aurait dû ressentir tous ces changements il y a trois ans Après avoir réfléchi un moment, une nouvelle hypothèse lui vint à l'esprit. Si la seule présence d'Anika n'était pas le déclencheur, c'était peut-être l'intimité directe entre lui et une Anika qui faisait le travail.

Bien que cela fasse trois ans qu'ils étaient mariés, il y avait seulement trois mois qu'ils avaient passé leur première nuit ensemble en trois ans de mariage. Ce qui coïncidait avec la période où il commença à sentir les changements dans son Praz.

« Ce n'est pas possible »

Kasser secoua la tête de côté, car il n'était pas logiquement convaincu par sa propre hypothèse. Pour autant qu'il le sache, la Ramita d'Anika et le Praz du roi étaient connus pour se contredire. N'était-ce pas la raison pour laquelle Anika, qui avait épousé le roi, était finalement retournée dans la ville sainte ? La plupart d'entre elles avaient du mal à s'acclimater au royaume.

Il se leva d'un bond de son siège avec l'envie de fouiller dans les vieux livres du château pour trouver d'autres pistes à ce sujet. Mais il se rabattit à contrecœur sur sa chaise dès qu'il réalisa qu'il ne pouvait pas se permettre de s'éloigner des tâches qui lui incombaient.

« Je me pencherai sur la question à mon retour »

Ses yeux se posèrent à nouveau sur les documents. Il se replongea dans son travail, car il n'avait besoin ni de sieste ni de repos pour le moment.

******************************************

Bien que son serviteur avait quitté sa chambre depuis longtemps, pas un seul bruit n'avait franchi la porte de l'extérieur jusqu'à présent. Eugène, seule dans sa chambre, avait l'impression de s'angoisser en vain au fur et à mesure que l'attente de son retour se prolongeait.

[Je viendrai te voir ce soir.]

Le seul souvenir de son murmure avait fait tressaillir sa poitrine. Eugène avait toujours été consciente de la constance de son regard, car elle savait que ses yeux se posaient toujours sur les siens lorsqu'ils allaient ensemble. Mais malgré tout, lorsque quelque chose d'important se présentait à lui, il ne détournait jamais ses yeux de ce qu'il devait faire, pas même pour elle.

Elle aimait son apparence lorsqu'il était absorbé par son travail. Mais en même temps, elle avait aussi cette idée tordue qu'elle voulait éveiller sa concentration inébranlable. À

ce rythme, elle sentait qu'elle pourrait insister sur son geste enfantin pour l'implorer de ne pas la quitter en toute occasion. Eugène avait toujours détesté ce genre de personnes qui avaient tendance à se comporter différemment au début de leur relation, mais aujourd'hui, elle avait l'impression de pouvoir enfin s'identifier à eux.

« Est-ce que cela peut être comme... de l'amour ? Ce sentiment instable qui m'habite ? »

Le mot 'comme' ne semblait pas décrire pleinement les sentiments qu'elle éprouvait pour lui. Bien qu'elle était submergée de joie en pensant à lui, cette joie était parfois balayée par une vague de peur tapie au fond d'elle.

« Je me demande ce qu'il ressent pour moi »

Eugène se regarda dans le miroir de sa coiffeuse. Assistée par ses domestiques jour et nuit, elle s'était contentée d'un rapide coup d'œil au miroir pour s'assurer qu'elle était présentable avant de poursuivre sa journée. Pour la première fois depuis longtemps, elle étudia son reflet dans le miroir avec une certaine intensité dans les yeux.

Une ligne s'était creusée sur son front en raison d'un soudain désarroi. Cela ne faisait que trois mois qu'elle s'était retrouvée projetée dans un monde étrange à l'intérieur du corps de quelqu'un d'autre. Pourtant, elle avait du mal à se rappeler à quoi elle ressemblait dans le monde réel.

Eugène n'était qu'une femme moyenne d'une vingtaine d'années qui s'efforçait chaque jour de gagner sa vie dans son monde réel. On pourrait même dire qu'elle avait une apparence qui dépassait la norme moyenne. Bien qu'il ne s'agissait peut-être que d'un discours mielleux, elle avait également reçu de nombreuses remarques sur son apparence, certains la considérant même comme une beauté.

Eugène avait essayé de se rappeler son vrai visage à partir du reflet qui l'observait.

Comme les cheveux noirs et l'iris étaient les caractéristiques distinctives de Jin et d'Eugène, elle n'arrivait pas à faire ressortir la faible image d'elle-même dans sa mémoire lointaine sur le reflet en face d'elle.

Elle finit par abandonner après quelques tentatives, pensant qu'il ne servait à rien de se souvenir de son passé puisqu'à partir de maintenant, elle vivrait dans ce nouveau monde de la même façon qu'elle se regardait dans le miroir.

« Suis-je prête à m'adapter rapidement ou suis-je simplement satisfaite de mon apparence actuelle ? »

La femme dans le miroir était sans aucun doute d'une beauté indiscutable, même d'un point de vue objectif. Même si son visage impassible dégageait une impression de froideur, la façon dont elle souriait avec ses yeux dégageait un charme coquet.

Son regard passa ensuite de son reflet à sa main posée sur la coiffeuse. Elle rassembla ses longs doigts fins de telle sorte que, lorsqu'elle leva la main, le bout de ses doigts bien alignés s'arqua en une forme magnifique. Et tout comme les os fins de ses doigts, son physique aux os fins l'avait fait paraître plus mince qu'elle ne l'était en réalité.

Son regard s'était déplacé du bout de ses doigts le long de son bras et s'était finalement arrêté sur sa poitrine. En regardant le tissu fin de son vêtement de nuit, le décolleté de sa poitrine généreuse avait dessiné une faible silhouette sous le vêtement.

Elle observait distraitement sa poitrine jusqu'à ce qu'elle aperçoive une marque sombre à l'endroit où ses deux seins se touchaient.

« Je n'avais jamais réalisé qu'il y avait un grain de beauté là-dessous »

Après avoir déboutonné le devant de son vêtement de nuit qui ne laissait apparaître que son abdomen, elle pressa légèrement du bout des doigts la peau de sa poitrine comme pour la tirer vers elle afin de mieux voir la marque qu'elle avait trouvée.

Bientôt, elle dut s'étonner de sa propre découverte, car la marque ne s'avérait pas être un grain de beauté après tout. Il s'agissait en fait d'une marque laissée par Kasser il y a quelques nuits.

La marque, qui était censée être rougeâtre, semblait être devenue bleuâtre en l'espace de quelques jours. La vue de cette marque lui rappela les sensations qu'elle avait ressenties lorsque ses lèvres s'étaient posées sur ses seins et qu'il les avait suçotés. Elle se sentit rougir d'une gêne soudaine, car elle avait honte d'avoir eu des pensées déshonorantes dans son esprit en attendant le retour de son mari.

Un soupir agité lui échappa tandis qu'elle tendait la main vers son vêtement pour en refaire les boutons.

Toc toc.

Eugène sursauta en entendant le bruit de la porte, l'air abasourdi, comme si elle avait été prise en flagrant délit d'acte honteux. Elle fut abasourdie car elle n'avait pas entendu son serviteur l'appeler et n'avait pas vu la porte de sa chambre s'ouvrir. Mais d'une manière ou d'une autre, il était là sans qu'elle le sache...

Ses yeux rencontrèrent ceux de Kasser, qui se tenait debout, un poing appuyé sur la porte comme s'il y frappait. Elle sentit son cœur plonger à sa vue tandis que son visage s'enflammait comme si ses joues étaient en feu.

Elle détourna les yeux de son regard brûlant tandis que ses doigts tremblants s'agrippaient au tissu de son vêtement de nuit déboutonné. Elle lui tourna le dos, son esprit n'étant plus occupé que par une forte envie de fuir ce moment embarrassant, malgré tout le temps qu'elle avait passé à attendre son retour aujourd'hui.

Mais elle fut bientôt rattrapée par son emprise alors qu'il se précipitait vers elle. Son bras robuste entoura sa taille et il rapprocha son corps de lui. Eugène eut un sursaut de surprise lorsque son corps fut repoussé avec force par sa poigne ferme, malgré toute sa résistance. Il pressa alors impatiemment ses lèvres avec les siennes, s'enfonçant profondément dans sa bouche tout en se déplaçant de façon intrusive à l'intérieur d'elle.

Elle fut bientôt engloutie par sa chair chaude emmêlée à la sienne dans sa bouche tandis qu'il suçait la sienne. Eugène sentait sa tête tourner comme si son corps était entièrement avalé par lui. Et chaque gémissement qui lui échappait par intermittence était tôt ou tard étouffé par lui.

Tome 1 – Chapitre 219 – à quoi pensez-tu?

Sa forte succion avait laissé une sensation de tiraillement de sa langue. Il donna un baiser bruyant sur les lèvres d'Eugène en mordant son menton et ses joues. Son désir brûlant avait dû l'influencer, car elle se sentait plus excitée que jamais. La sensation d'excitation provoquée par le baiser d'Eugène lui donnait des picotements dans tout le corps.

« Qu'est-ce que tu faisais ici toute seule ? »

Son murmure bourru résonnait à ses oreilles. Il tendit la main vers la poitrine haletante de la jeune femme et saisit fermement le monticule par-dessus le vêtement de nuit. Sous la pression de sa poigne, la chair douce de son sein se plissa entre ses doigts. D'une certaine manière, le contour de son corps révélé sous son mince vêtement l'avait en fait provoqué davantage visuellement.

« À quoi pensais-tu dans ta tête ? Te souvenais-tu de la façon dont je léchais tout ton corps pendant que tu te caressais ? »

« Hmp... Non, aah ! »

Il prit une bouchée de son ample poitrine entre ses dents et la mordit à pleines dents. Le corps d'Eugène vacilla sous l'effet du choc, elle fut prise par surprise.

Il glissa sa main jusqu'à ses fesses et la souleva d'une main sur la coiffeuse. Il fixa son corps sur un support stable et embrassa son torse avec ses mains placées autour de sa taille. Ses pointes durcies étaient révélées de manière tentante contre le tissu fin de son vêtement de nuit bien serré.

Après les avoir regardées avec un désir inextinguible, il se servit d'une généreuse bouchée de son sein bien arrondi comme s'il mordait dans un fruit juteux et sucré, et suça sa motte. Bien qu'une fine couche de son vêtement l'empêchât de goûter sa chair nue, il s'en moquait éperdument.

Il pensait plutôt que c'était pour le mieux. Il avait l'impression que le contact de son tissu rugueux contre sa langue l'aiderait à se rafraîchir et à retrouver ses esprits. Sinon, il craignait de succomber à son plus grand désir et de finir par blesser sa chair à force de la mordre et de la lécher.

« Ah ! Ump.... »

Eugène se servit d'une de ses mains pour soutenir son dos voûté, tandis qu'elle s'accrocha à ses cheveux avec l'autre main. Il venait de prendre une douche car elle sentit l'humidité en passant ses doigts dans ses cheveux.

Maintenant que son vêtement était imbibé de sa salive, le tissu mouillé collait plus que jamais aux sommets de ses seins. Elle sentait des frissons parcourir sa colonne vertébrale chaque fois que sa protubérance sensible était aspirée dans sa bouche. Elle releva le menton sous l'effet de la sensation soudaine et le bruit de ses affaires tombant sur le sol par le balayage de ses mains fut comme un son lointain à ses oreilles.

« Hmmp, Mhm.... »

Alors qu'il retirait avec force son vêtement de devant déboutonné, un côté de ses épaules fut complètement révélé à travers le col déséquilibré, où un monticule de sa poitrine s'échappait et pendait devant lui. Le courant d'air qui frôlait sa chair sans défense la fit frissonner d'un froid soudain. Mais en peu de temps, une chair chaude s'enroula autour de son extrémité froide et l'aspira violemment dans la chaleur.

« Hmmp ! »

Étrangement, une sensation de picotement se fit sentir autour de sa féminité, entre ses cuisses, alors que c'étaient ses seins qui étaient engloutis. Aux jambes instinctivement verrouillées de la jeune femme, il avait réussi à glisser sa main entre ses jambes croisées et, avant qu'elle ne s'en rendit compte, ses jambes s'étaient écartées de façon impuissante sous l'effet de la forte prise de ses mains.

Il révéla l'intérieur de ses cuisses en effleurant sa partie la plus sensible, cachée sous ses sous-vêtements. Ses doigts pénétrèrent facilement dans le tissu par le côté et se frottèrent de manière alléchante à son entrée humide. À travers l'entrée, glissante de liquide, il poussa l'un de ses longs doigts jusqu'à l'intérieur. Et peu de temps après avoir retiré son doigt d'elle, il était de nouveau sur son entrée, frottant pour une autre pénétration profonde.

« Ugh ! »

Eugène sursauta lorsque les lèvres qui suçaient sa poitrine lui mordirent le sein.

Hâtivement, son sous-vêtement fut enlevé jusqu'à la moitié, pendant autour de ses cuisses. Il posa sa main sur sa peau exposée et saisit fermement ses parties intimes nues avec sa paume. Il glissa alors légèrement un doigt dans son ouverture et, en peu de temps, son doigt entier fut profondément enfoncé et carressa les parois internes avec le bout de son doigt plié alors qu'il glissait hors d'elle.

Elle était toute mouillée par le liquide qui s'écoulait de son ouverture et qui finissait par couler le long de sa main jusqu'à son bras à mesure que sa partie engloutissait son doigt.

Les bruits provenant des frottements humides se mêlèrent à celle des respirations lourdes et indiscernables dans la pièce.

Alors qu'il continuait à enfoncer son doigt dans son corps, la zone érogène la plus sensible d'Eugène commençait à être stimulée par ses caresses répétées.

« Ugh. Hmmp... »

Eugène gémit en reprenant son souffle. Kasser, dont le bout de la langue se frottait avidement à son sommet, suça férocement son monticule bien arrondi jusqu'à ce qu'il se creusa.

Peu à peu, son doigté se fit plus rude et il commença à accélérer le rythme.

Enthousiasmée par la pluie de caresses, elle bascula son corps vers l'arrière, tandis que des sons nasaux intermittents s'échappaient d'elle de temps à autre. Son bras chancelait derrière son dos tandis qu'elle luttait pour soutenir son dos voûté.

En réponse à sa conduite, elle balança doucement sa taille dans la direction de sa main et sentit des sensations de picotement s'agglomérer dans son bas-ventre comme si sa partie humide et collante brûlait de chaleur.

Quelques frottements supplémentaires auraient suffi pour qu'elle atteigne l’orgasme.

Mais, à son grand regret, il se contenta d'effleurer ses limites avant de retirer brusquement sa main de son corps.

« « Ah......

La bouche d'Eugène laissa échapper un soupir de déception. Les joues désirablement rouges comme un fruit appétissant, elle le regarda vaguement à travers ses yeux à peine ouverts.

« Ha..ah..... »

Kasser, qui semblait avoir atteint son point de rupture, poussa un soupir en secouant la tête pour avaler ses lèvres. Sa bouche collée à la sienne, il dévora rapidement la douce chair intérieure de sa bouche ouverte et bientôt, ils furent enlacés l'un à l'autre.

Il serra ensuite son corps contre sa poitrine en resserrant son bras autour de sa taille.

Eugène, qui était perchée sur sa coiffeuse, tendit les bras comme pour l'enlacer lorsqu'elle s'aperçut que son corps était soulevé dans les airs. Mais il s'avéra qu'elle agitait ses bras en vain car son corps soulevé se retourna en un instant.

Sa poitrine, imbibée de la salive de Kasser, était maintenant plaquée sur la surface froide de sa coiffeuse. Ce ne fut que lorsque le bout de ses orteils toucha légèrement le sol qu'elle réalisa qu'elle se tenait à peine debout, le haut du corps plié à la taille au-dessus de la table. Et avant qu'elle ne s'en rendit compte, la robe qu'elle portait était roulée jusqu'à sa taille et ses sous-vêtements à peine accrochés lui descendaient jusqu'aux genoux.

Elle posa son front sur le dos de sa main tout en haletant. Sous l'effet de la force de son emprise sur son dos courbé, son corps semblait s'être raidi même après que sa main ait été levée.

Puis, lorsqu'il saisit ses fesses et révéla sa fente en les écartant, elle ne put s'empêcher de se sentir profondément déshonorée par sa brusquerie. Mais son corps, sachant à quoi s'attendre de la part d'un homme, anticipait fortement l'impact à venir. Instinctivement,

elle sentit un tressaillement dans son ouverture tandis que son bas-ventre se tendait avec des picotements.

« Ugh.... »

Elle laissa échapper un faible gémissement au contact d'une sensation de chaleur sur son derrière.

Lentement, il l'envahit en frottant doucement son corps contre son ouverture humide et en étirant ses parois intérieures pour mieux la pénétrer Normalement, il aurait pris plus de temps et de précautions pour préparer son corps.

Mais la chaleur de sa chair et l'étroitesse de son corps autour de son doigt lui étaient restées en mémoire. Alors, à bout de force, il secoua la taille et s'enfonça à fond dans le corps de la jeune femme. Et comme sa cuisse se heurtait à sa hanche, il était maintenant profondément enfoncé en elle, jusqu'à la garde

« Hm-mp ! »

Le corps d'Eugène s'était soulevé sous l'effet de la poussée soudaine. La pression qui remplissait le bas de son corps était remontée jusque sous son cou. Mais l'instant d'après, alors qu'il semblait s'être retiré, elle fut prise d'une nouvelle bouffée de rage, avec des étincelles qui traversèrent ses yeux en un clin d'œil.

« Hm..mp ! »

Kasser reporta son regard sur son homme avec convoitise, tandis qu'il entrait et sortait rapidement de sa chair rougeoyante.

En fait, il avait l'impression d'être aspiré par l'entrée de la jeune femme. Et à partir de là, il sentit la tension vive qui entourait son corps tandis que sa paroi intérieure se resserrait autour de lui. La sensation du mouvement de ses muscles sur sa peau était vraiment agréable. En peu de temps, il se retrouva en train d'aspirer de l'air alors qu'une sensation de picotement courait le long de sa colonne vertébrale.

De plus, la vue de son pénis glissant entre les fentes de ses fesses dodues était presque indescriptible. Les veines ressortaient sur son membre, qui était maintenant tout glissant et luisant à cause des liquides de la jeune femme. De ses hanches qui se balançaient captivement à sa taille fine, son corps se balançait impuissant sous la force de ses coups de boutoir. Il fut bientôt submergé par son envie brutale de tourmenter son corps délicat jusqu'à ses limites.

« Hmm....mp !!! »

Kasser continua à exprimer son désir jusqu'à ce que les gémissements de la jeune femme se transformèrent en un cri coquet. Il s'enfonça alors plus profondément jusqu'à son extrémité et caressa sa paroi avant de se retirer d'elle. La chair douce et claire de ses hanches s'était rosie comme si elle avait reçu une fessée.

« Ah ! Ah-ah !! »

Chacune de ses poussées avait fait tressaillir son corps impuissant comme si elle tombait au fond des abysses. En même temps, elle tâtonnait des mains et des ongles pour s'agripper à sa coiffeuse afin de s'arc-bouter à ses mouvements féroces.

Mais malgré ses efforts, sa coiffeuse affabulatrice était inutilement bien finie et il n'y avait nulle part où s'agripper. D'un simple effleurement de la main, les objets posés sur la table tombèrent en désordre sur le sol dans un bruit sourd.

La jambe d'Eugène se soulevait en l'air à chaque fois qu'elle était écrasée et retombait sur le sol par ses orteils lorsqu'elle se retrouvait à vide. Ses jambes chancelantes étaient fermement fixées dans une position grâce aux poignées serrées de Kasser.

« Ah..ah..... »

La sensation la plus forte déferla dans son corps comme une marée soudaine et féroce.

Involontairement, elle serra ses mains en poings serrés tandis que sa tête était projetée en arrière sous l'effet de la tension. Son intérieur, rempli de son corps, s'était rétréci sous l'effet du plaisir qui en résultait.

Kasser grimaça en serrant les dents pour supporter de toutes ses forces les spasmes contraignants de ses parois. Peu à peu, alors que la sensation de tortillement provoquée par les mouvements intérieurs de la jeune femme s'atténuait, il profita de l'occasion pour masser délicatement les parois de la jeune femme qui s'étaient relâchées.

« Ah ! Hmm..mp...... »

Avec sa main qui appuyait sur son dos tremblant, le mouvement de sa taille était étonnamment délicat, en contraste avec ses yeux brillants.

Le frisson qu'il ressentait au niveau de la nuque se transforma alors en une bouffée de plaisir sensuel d'un seul coup. A bout de patience, il éructa sa pulsion et trembla en la remplissant de son fluide chaud.

Lorsqu'il se dégagea enfin de son corps mou avec une légère torsion de la taille, son entrée resta vide avec une palpitation. De là, des fluides corporels épais et troubles s'écoulèrent comme si on avait enlevé le bouchon d'un trou et ruisselèrent jusqu'à ses cuisses. Les yeux de Kasser étaient imprégnés d'un plaisir étrange tandis qu'il fixait sans mot dire le spectacle qui s'offrait à lui, submergé par l'envie viscérale qu'il avait d'elle.

Eugène reprit son souffle, le corps allongé sur la coiffeuse. L'une de ses seins, laissée exposée par ses vêtements en désordre, était pratiquement collée à la surface plane de la coiffeuse, trempée dans sa propre sueur. De ce fait, elle n'avait pas à craindre que le haut de son corps ne glisse de la table.

Mais elle n'avait guère eu le temps de reprendre son souffle. Son sous-vêtement, qui pendait mollement autour de ses genoux, lui fut finalement retiré une fois pour toutes.

Ensuite, elle fut entraînée par la force de traction du jeune homme, qui enroula son bras autour de sa taille. Et comme s'il jouait avec une poupée, il la déshabilla agilement de son vêtement de nuit et lui attrapa le visage dans sa direction.

Elle cligna faiblement des yeux tandis qu'il se penchait en avant pour croiser son regard.

En un rien de temps, ils s'embrassèrent à pleine bouche. Il lécha doucement ses lèvres douces et frotta intensément sa chair intérieure.

Kasser s'assit ensuite sur une chaise qui avait été repoussée par leur ébat antérieur et attira le corps chancelant de la jeune femme contre lui. Saisissant la taille de la jeune femme par les mains, il l'installa sur ses genoux.

Eugène ne se rendit compte que tardivement de la forte présence de son ses. Pensant qu'elle ne s'habituerait jamais à cette vue, elle recula instinctivement, déconcertée.

« Ah, attends.... »

Mais malgré sa résistance maladroite, il saisit son bassin avec ses mains pour faire coïncider l'entrée de son corps avec la sienne et la plaqua contre lui.

« Hmm-mp ! »

Son entrée humide avait enveloppé son corps avec une relative facilité. Eugène poussa un cri perçant en s'accrochant à son bras. Et alors qu'elle était profondément enfoncée sous le poids d'elle-même, elle faillit s'évanouir sous l'effet des sensations. Il appuya ensuite ses lèvres sur son décolleté, comme pour bercer son corps frissonnant.

Un peu plus tard, il saisit à nouveau son bassin et souleva son corps de ses genoux. Elle eut alors l'impression qu'il se détachait d'elle comme un clou mal fixé. Mais elle ne tarda pas à se sentir à nouveau lourdement frappée lorsque son corps tomba sur ses genoux sous l'effet de sa traction.

« Ah ! »

Ses hanches étant saisies par son emprise, son corps commença à se balancer d'avant en arrière sous l'effet de la force de chaque poussée. Des bruits humides et sonores étaient alors émis par le contact intime de leurs peaux nues. Kasser, qui contemplait avec admiration les seins rebondissants de la jeune femme, prit en un instant sa motte avec sa bouche et la suça sauvagement.

« Ah ! Ugh ! Ralentissez s'il vous plaît.....Hmm-mp ! »

Eugène devait fermer les yeux car elle fut prise de vertiges à cause de ses visions tournoyantes. Et chaque fois que l'on touchait son intérieur, elle était envahie par des sensations à la fois douloureuses et agréables. Jusqu'à sa poitrine, sa succion persistante commençait à provoquer des fourmillements autour de ses pics. Eugène n'avait d'autre choix que d'enrouler ses bras autour de la tête de l'homme qui la dévorait avidement, car le corps de l'homme était la seule chose à laquelle elle pouvait s'accrocher à ce moment-là.

Ps de Ciriollla: heureusement que je le poste aussi tard celui là...

Tome 1 – Chapitre 220 – Départ pour la ville sainte

Si l'on traçait un cercle autour du territoire du royaume de Hashi, le contour le plus au nord-ouest serait considéré comme la ligne de démarcation nationale du royaume avec le désert mortel. La capitale du royaume se trouvait en effet derrière le mur extérieur du château du monarque, qui marquait la frontière entre le royaume et le désert.

Bien qu'il était plus courant que la capitale d'un royaume soit située au centre pour des raisons d'équilibre des pouvoirs, la capitale du royaume de Hashi était exceptionnellement placée à l'extrémité nord de son territoire.

Le fait que la résidence du monarque fut située dans la partie la plus dangereuse du pays reflétait bien l'idéologie du règne, car cela signifiait la ferme détermination du roi à protéger son peuple du danger, sur la ligne de front. La capitale était donc à la fois le lieu le plus sûr et le plus dangereux du royaume.

Normalement, il faudrait quinze à vingt jours de voyage pour arriver à la ville sainte depuis la capitale du royaume de Hashi. Mais comme cette procession particulière était accompagnée de nobles dames voyageant dans leurs carrosses respectifs, il était fort probable qu'il leur faille plus de vingt jours de marche pour atteindre la Ville Sainte Le cortège se composait de quinze carrosses, transportant respectivement la reine et les cinq autres nobles dames avec leurs accompagnateurs, et de cinq autres carrosses entièrement chargés de bagages et de marchandises. Le roi était en tête sur son Hwansu, escorté par des dizaines de guerriers qui formaient une formation défensive autour du cortège, créant une scène grandiose tandis qu'ils continuaient à marcher. Les gens se déversaient alors dans les rues et saluaient le cortège, renvoyant le couple royal à son voyage.

Eugène s'ennuyait déjà et se sentait fatigué, bien que ce n’était que le premier jour du voyage. Toutes les dames étaient seules dans leur carrosse, tout comme Eugène.

« Ce n'est pas amusant sans compagnie »

Le paysage qui se déroulait à l'extérieur de la fenêtre du wagon était un vrai plaisir pour ses yeux. Mais le plaisir ne dura pas très longtemps, car le paysage du royaume était à peu près le même tout au long du trajet. De plus, elle se sentait fatiguée, car elle n'avait pas beaucoup dormi la nuit précédente.

La somnolence ne tarda pas à l'envahir à midi et lorsque son carrosse s'arrêta vers le crépuscule, elle fut plongée dans un profond sommeil sans même s'apercevoir qu'on frappait à son carrosse.

De l'extérieur, son serviteur l'appelait nerveusement une fois de plus,

« Votre Majesté, il est temps pour vous de sortir de votre carrosse »

La pauvre servante attendit un bon moment qu'Eugène frappa à la paroi de son carrosse pour lui donner la permission d'ouvrir la porte du carrosse. Mais à son grand désarroi, la reine n'avait toujours pas donné signe de vie. Bien qu'elle fut troublée par ce silence, il lui était impossible d'ouvrir la porte de la reine à sa guise, sans en avoir donné la permission.

« Qu'est-ce qui se passe ? »

Kasser, qui observait de loin, se dirigea vers la voiture de sa femme. La servante inclina alors la tête et répondit à son roi.

« Je crains que Sa Majesté ne soit toujours dans son carrosse sans réponse, Votre Majesté »

Kasser ouvrit alors immédiatement la porte de son carrosse sans aucune hésitation. Son visage se durcit lorsqu'il vit Eugène appuyée sur la paroi du carrosse, les yeux fermés.

Très inquiet pour Eugène, il s'empressa de monter dans son carrosse pour vérifier son état. Mais lorsqu'il se rendit compte qu'elle ne faisait que dormir, ses yeux se détendirent à la vue d'Eugène qui dormait profondément.

« Eugène »

Il l'appela en chuchotant doucement, mais pas de manière à la réveiller. Il semblait plutôt inquiet de perturber son sommeil. Comme Eugène ne répondait pas, il l'observa tranquillement, avec un regard attendrissant, pendant qu'elle était occupée à cuver sa fatigue.

« Je me demande si ce n'est pas seulement de la fatigue. Je ferais mieux de la faire examiner si elle n'est pas malade ou quoi que ce soit d'autre »

Kasser la prit alors délicatement dans ses bras et descendit prudemment de la voiture.

*************************

Cela faisait un bon moment que les dames étaient restées debout, plutôt maladroitement, après être descendues de leurs carrosses. Comme leur reine n'avait pas encore fait son apparition, elles se trouvaient dans une position ambiguë, car il leur semblait tout aussi inapproprié de se rendre à leur logement avant Sa Majesté que de remonter dans leur carrosse.

À chaque seconde qui passait, leurs visages se durcissaient à mesure que l'attente se prolongeait. La plupart des dames n'avaient pas envie de partir pour ce voyage. De plus, elles avaient l'impression que leur tête allait se briser à force de chercher à comprendre l'intention cachée de la reine derrière son invitation, alors qu'elles se réjouissaient de visiter la ville sainte pour la première fois depuis longtemps.

« Lady Nelson serait-elle d'accord ? »

L'une des dames évoquait Lady Nelson qui avait décliné l'invitation de la reine en raison de la maladie de son fils.

« La fièvre est une maladie courante pour un enfant de l'âge de son fils. Il aurait été préférable qu'elle vienne »

« Je suis d'accord. Bien que nous sachions tous à quel point elle s'occupe de son enfant, je ne peux m'empêcher de craindre qu'elle ne tombe en disgrâce auprès de la reine à l'avenir »

Elles craignaient que le refus catégorique de Lady Nelson n'avait offensé la reine. Mais derrière leur air inquiet, elles faisaient allusion à l'intention délibérée de la reine de les faire patienter sur la route afin d'afficher sa position dominante sur elles.

Parlant à voix basse, les trois dames jetèrent un coup d'œil à Charlotte et Darlin. Bien qu'officieuses, les dames étaient implicitement classées en fonction de la position de leurs maris dans le royaume. Et il allait sans dire que c'était le chancelier et la femme du général qui avaient le plus grand pouvoir d'influence parmi les cinq.

Aussi, lorsque ces deux dernières ne montrèrent aucun signe pour ajouter leur point de vue à leur petite discussion, les trois autres se turent à leur tour.

Au bout d'un moment, ils virent le roi monter lui-même dans le carrosse royal de la reine. Et un instant plus tard, il réapparut, portant la reine dans ses bras. Les dames avaient écarquillé les yeux de surprise à la vue du couple royal. De plus, après que le roi eut donné son ordre au serviteur, elles saisirent instantanément l'expression d'affection dans ses yeux lorsqu'il regarda son épouse qui semblait s'endormir dans ses bras. Ils regardèrent fixement le roi s'éloigner avec la reine, jusqu'à ce qu'une voix interrompe leur silence.

« Oh, mon Dieu ! »

Ce seul mot représentait ce que tout le monde pensait en même temps.

Le lendemain matin, au cours du petit déjeuner, Eugène réfléchit aux moyens de rendre ce 'voyage monotone' plus agréable. Elle frémit à l'idée qu'elle devra rester enfermée dans son wagon pendant encore au moins 15 jours, sans rien faire d'autre que de regarder le même paysage qui défilait à travers la fenêtre de son wagon.

Elle jeta un coup d'œil à Kasser, qui prenait son petit déjeuner assis en face d'elle, mais le quitta rapidement des yeux.

« Je ne peux pas lui demander de monter avec moi dans mon carrosse juste parce que je m'ennuie..... »

En dehors des vieillards, des blessés et des ouvriers qui montaient dans le chariot à bagages, il était contraire à la coutume qu'un homme se déplace en voiture, surtout parmi les nobles. Eugène ne voulait pas être sur toutes les lèvres à cause d'elle.

Mais son serviteur ne semblait pas être son compagnon, car elle avait envie de conversations informelles avec les gens.

« Je pourrais peut-être demander aux femmes des fonctionnaires de m'accompagner »

Eugène se souvint des cinq dames qu'elle avait invitées pour ce voyage. Elles semblaient parfaites pour être sa compagne, mais elle ne savait pas comment leur demander. En effet, si elle envoyait son serviteur les inviter, cela sonnera comme un ordre.

Elle ne voulait pas que ses paroles soient perçues comme une pression, car ce n'était pas du divertissement ou de la flatterie qu'elle recherchait. Elle voulait simplement apprendre à mieux les connaître tout au long de leur voyage, car cela semblait être une bonne occasion pour elle de faire plus ample connaissance avec ces dames. Après avoir longuement réfléchi à la question, elle demanda à Kasser de lui donner son avis.

Il s'arrêta un moment avant de lui donner son avis.

« Envoyez chercher la comtesse Oscar et dites-lui ce que vous pensez. Elle en informera les autres dames »

« Connaissez-vous bien la comtesse Oscar ? »

« Non, pas vraiment. Je l'ai juste rencontrée quelques fois lors d'occasions officielles, c'est tout »

« Alors c'est une sorte de coutume que je ne connais pas ? »

« Eh bien, pas que je sache »

« Alors pourquoi m'avez-vous dit d'en parler à la comtesse ? »

« Le fait est que c'est généralement le chancelier qui s'occupe des questions difficiles à ma place »

Eugène fut d'abord abasourdie par cette raison plutôt simple qui semblait résulter d'une pensée simpliste. Cependant, comme elle n'avait pas d'autres options, elle avait envoyé chercher la comtesse ce matin-là, comme Kasser le lui avait conseillé. Et son conseil s' avéra être le bon pour elle.

Lorsque le cortège s'arrêta à midi pour qu'ils puissent déjeuner et se reposer, Charlotte était venue rendre visite à Eugène pour l'informer de la conclusion à laquelle elle et les dames étaient parvenues à la suite d'une discussion.

Charlotte remit ensuite un document à Eugène. Ensuite, Charlotte donna brièvement son explication à Eugène, tout en regardant le tableau qui comprenait l'heure, la date et les noms des dames.

« À notre grand regret, notre carrosse n'a pas assez de place pour accueillir plusieurs personnes. Cependant, le carrosse de Votre Majesté semble assez spacieux pour accueillir facilement au moins trois personnes. Nous proposons donc de nous relayer

tous les jours par équipe de deux pour accompagner Votre Majesté deux fois par jour, une équipe au début de midi et une autre à la fin de midi »

À son insu, Eugène poussa une exclamation en faisant un « Oh... ! » et hocha la tête en signe d'étonnement.

« C'est une très bonne idée. C'est une très bonne suggestion »

Tome 1 – Chapitre 221 – Comme une

jumelle

En faisant plus ample connaissance, Eugène commença à avoir une bonne opinion de Charlotte. Elle aimait surtout la façon dont Charlotte la traitait, sans excès de courtoisie.

Bien que Charlotte puisse paraître arrogante ou hautaine si son comportement était mal interprété, elle apprécia plutôt son attitude calme.

Ainsi, à partir de cet après-midi, Eugène attendit deux compagnes dans son carrosse, car les dames l'accompagnaient à tour de rôle pendant les marches de l'après-midi, tandis qu'elles se reposaient dans leurs carrosses respectifs le matin.

Cinq jours s’écoulèrent depuis leur départ de la capitale et leur trajet quotidien fut à peu près le même jusqu'à présent. Le cortège partait chaque jour après le petit-déjeuner et la marche s'arrêtait deux fois à midi et le soir pour se reposer, avant qu'ils n'arrivaient chaque soir à leur lieu d'hébergement prévu à l'avance. Ils passaient la nuit soit dans les résidences officielles, soit dans les maisons des notables locaux.

C'était un voyage ennuyeux mais tranquille. Bien qu'incomparable à la capitale, aucun royaume n'étant une zone de non-droit, aucun bandit n'osait s'approcher du cortège, placé sous l'escorte rigoureuse de guerriers armés jusqu'aux dents.

« A-ah ! »

Par la fenêtre ouverte du carrosse, un insecte entra et se posa sur la jupe de Darlin, la femme du général Lester. Dès qu'elle vit l'insecte, ses yeux s'écarquillèrent de peur et elle se mit à crier. Les mains serrées en poings, elle secoua frénétiquement la tête.

« Aidez-moi, s'il vous plaît ! »

Eugène enleva rapidement la libellule de sa robe et la jeta par la fenêtre avant de la refermer.

« Tu vas bien ? »

« Oui, merci, Votre Majesté »

Darlin répondit alors que son visage était encore blanc de terreur.

Je suppose qu'elle a une sorte de phobie des insectes.

Elle n'avait pas l'air d'exagérer après tout, car ses yeux étaient littéralement remplis de larmes. Eugène les regarda tous les deux tandis que Charlotte réconfortait Darlin qui

gémissait, les yeux pleins de larmes, en lui tenant la main. Aujourd'hui, c'était à leur tour de l'accompagner dans le manège lors de la marche de fin d'après-midi.

Jusqu'à présent, Eugène avait voyagé avec les dames qui l'accompagnaient à tour de rôle dans son carrosse tous les jours. Et comme le cortège marchait pendant plusieurs heures, à l'exception du temps de repos, ils se mettaient naturellement à discuter pour se tenir compagnie tout au long de leur long voyage. De ce fait, elle avait tout le temps d'apprendre à connaître leurs caractères respectifs.

Inutile de dire qu'ils avaient tous des personnalités différentes et que la façon dont ils la traitaient variait également d'une personne à l'autre.

Certaines d'entre elles la trouvaient encore difficile et se montraient donc prudentes tout au long de la conversation, tandis que les autres s'étaient déjà mises à l'aise en sa présence et engageaient des conversations quotidiennes avec elle pendant leurs promenades. Charlotte et Darlin appartenaient toutes deux à ce dernier groupe.

Bien qu'Eugène n'avait pas l'intention de leur accorder un traitement spécial simplement parce qu'elles étaient les épouses de hauts fonctionnaires en qui le roi avait toute confiance, elle était particulièrement heureuse de les avoir comme compagnie, car elle ne pouvait s'empêcher de favoriser ceux avec qui elle se sentait à l'aise. Lorsqu'elles arrivèrent toutes les deux à son carrosse aujourd'hui, elle les accueillit à bras ouverts.

« Pardonnez-moi pour ma bêtise, Votre Majesté. Même si c'était il y a longtemps, je n'arrive toujours pas à oublier la peur qui m'habitait lorsque mon frère me faisait des farces »

« Je suis désolé de l'apprendre. Mais ne vous inquiétez pas, car je comprends très bien qu'il soit difficile pour vous de surmonter votre peur intérieure. Le frère de Madame a dû être très espiègle dès son plus jeune âge »

Darlin, qui avait l'air sombre jusqu'à présent, eut bientôt un sourire penaud à la parole d'Eugène. Mais lorsqu'un sourire chaleureux se dessina sur le visage d'Eugène, elle rougit et détourna aussitôt son regard d'Eugène. Le comportement adorable de Darlin avait fait éclater un rire involontaire chez Eugène.

Quelle personne charmante. Bien qu'elle soit très ouverte, elle ne passa jamais pour quelqu'un de superficiel.

Même Charlotte, inexpressive, semblait adoucir son expression lorsqu'elle était en compagnie de Darlin. Ainsi, à la première rencontre, Eugène pensa qu'elles étaient des amies intimes. Mais au fur et à mesure qu'elle les connaissait mieux, Charlotte ressemblait plus à une sœur qu'à une amie, car elle adorait Darlin comme une petite sœur. Eugène en fit de même lorsqu'elle commença à comprendre les sentiments de Charlotte.

« Le frère de Madame s'est-il excusé auprès de vous pour son comportement malicieux ?

»

Darlin avait poussé un soupir de résignation avant de répondre.

« Je crains que les gens ne changent pas facilement, Votre Majesté. Je suis certaine que mon frère continuera à mener sa vie de la même manière jusqu'à sa mort »

Surprise par sa propre déclaration, elle s'excusa instantanément de sa brusquerie « Je vous demande pardon, Votre Majesté »

Eugène avait fait de son mieux pour réprimer un ricanement, car elle était très amusée par le fait qu'une relation entre frère et sœur ne pouvait être différente, quel que soit le monde dans lequel on se trouvait.

« Vous n'avez dit que des mots justes, Madame. Les gens ne changent jamais »

Sans réfléchir, Darlin s'empressa d'ajouter son grain de sel à la remarque d'Eugène « J'y croyais fermement, jusqu'à ce que je voie récemment Votre Majesté.. »

Se rendant compte de son imprudence, Darlin se reboutonna rapidement, surpris une fois de plus par ses propres paroles « Mes sincères excuses pour mes remarques imprudentes, Votre Majesté. Veuillez me pardonner mon impertinence.. »

Tout à coup, une atmosphère gênante s'installa dans le carrosse. Mais ce fut Eugène qui brisa la glace en affichant un sourire bienveillant.

« Tu crois que j'ai changé ? » demanda Eugène avec désinvolture.

Comme Eugène l'avait demandé sans la moindre trace de cynisme ni dans sa voix ni dans son visage, Darlin exprima avec prudence son opinion honnête à la reine. « ...Oui, Votre Majesté. Mais je voulais dire cela dans le bon sens, car Votre Majesté semble être plus à l'aise ces derniers temps qu'auparavant »

Cette fois, Eugène se tourna vers Charlotte pour connaître son avis sur la même question « Pensez-vous la même chose de moi, Comtesse Oscar ? »

Charlotte était en effet stupéfaite par cette question brutale. Mais après avoir réfléchi un moment, elle répondit d'une voix déterminée « Oui, Votre Majesté »

« À quel point pensez-vous que j'ai changé par rapport au passé ? J'aimerais connaître votre opinion en toute honnêteté »

« Si je peux me permettre, j'aurais cru que Votre Majesté était une personne complètement différente »

Eugène fut très surprise de recevoir une opinion aussi sérieuse à sa question désinvolte.

« Qu'entendez-vous par une personne différente ? Est-ce que c'est comme une figure de style ? »

« Pour parler franchement, c'est presque comme si Votre Majesté avait une jumelle identique, car ce n'est que l'apparence qui me permet de trouver la ressemblance. Bien sûr, comme Votre Majesté est une Anika, il est absurde d'en douter. Pardonnez mon imagination absurde, Votre Majesté »

Le rire avait disparu du visage d'Eugène, car il ne s'agissait pas d'un commentaire dont on pouvait se moquer. Ce qu'elle avait appris, c'était que Jin ne connaissait que très peu ces deux-là et qu'on pouvait compter sur les doigts de la main le nombre de fois où ils s'étaient rencontrés en personne au cours des trois dernières années.

En arrivant à la Ville Sainte, je serai entourée de gens qui ont déjà connu Jin en personne.

Si la différence était évidente, même pour Charlotte et Darlin, les connaissances de Jin à la ville sainte ne tarderaient pas à voir clair dans ses piètres prétentions.

Elle fut littéralement époustouflée par le franc-parler de Charlotte, car personne n'avait jamais osé lui faire une remarque aussi directe sur ses changements. Personne au château ne pouvait parler ouvertement de la reine dans son dos. Et tandis que Marianne se contentait de l'informer de la mémoire de Jin, Kasser alla encore plus loin dans la nonchalance, et lui dit que ses changements ne le dérangeaient pas le moins du monde.

Même si elle ressentait le besoin de s'imprégner des anciennes connaissances de Jin, il y avait une personne qui l'inquiétait.

Sang-je.

Il y avait quelque chose d'étrange chez Sang-je. Sa véritable identité était encore inconnue d'Eugene et, de plus, elle doutait que ce soit Sang-je qui soit à l'origine du mariage contractuel de Jin avec le roi du Désert.

Il y avait tellement de questions qu'elle voulait poser à Sang-je. Mais s'il se mettait à soupçonner son identité de Jin, elle ne pourrait pas obtenir ses réponses de lui.

Elle espérait désespérément que Sang-je la prenne pour la vraie Jin, sans remarquer la moindre différence. Au contraire, elle voulait donner l'impression qu'elle n'avait mûri qu'au cours de ses trois années de mariage, et non pas qu'elle était une toute nouvelle personne comme Charlotte l'avait décrite.

Eugène s'enfonça dans ses réflexions d'un air grave. Charlotte et Darlin reprirent leur souffle et étudièrent nerveusement le visage sévère d'Eugène.

« J'ai quelque chose d'important à vous dire »

Après mûre réflexion, Eugène avait décidé de les faire entrer dans son secret, car elle pensait que leur aide lui serait utile. Bien qu'elle n'avait pas encore saisi tous leurs caractères, elle pensait qu'ils garderaient cette conversation pour elles, étant donné le statut de leurs maris dans le royaume.

« Peu de gens le savent, mais j'ai été impliquée dans un grave accident il n'y a pas si longtemps et il semble que j'aie perdu une partie de ma mémoire depuis. Mais je ne pense pas avoir simplement perdu la mémoire. La plupart des gens pensent que j'ai changé après cet incident »

Charlotte et Darlin hochèrent aveuglément la tête, car leurs doutes étaient enfin dissipés.

« Comtesse Oscar, pouvez-vous nous indiquer précisément la différence entre mon comportement avant et après mon changement ? »

Charlotte réfléchit un instant avant de répondre « Oui, Votre Majesté »

Charlotte était douée pour se souvenir des gens. Elle avait une vision très fine du caractère humain et savait repérer les comportements caractéristiques d'une personne.

Bien qu'il lui ait été utile dans la haute société, son don lui avait également porté préjudice, car elle s'était facilement lassée des gens.

« Alors j'ai besoin de votre aide. J'ai besoin que vous m'appreniez comment me comporter ou parler pour ressembler à mon ancien moi »

« C'est avec plaisir que je vous aiderai, Votre Majesté »

Lorsqu'Eugène se tourna vers Darlin de la part de Charlotte, Darlin répondit promptement avec un regard déterminé.

« Je ne suis peut-être pas d'une grande aide par rapport au comtesse Oscar, mais je vous promets de faire de mon mieux pour vous aider ! »

Après avoir regardé le visage résolu de Darlin, Eugène éclata à nouveau de rire, suivi par celui de Charlotte. Et en peu de temps, la voiture fut remplie d'hilarité, les trois dames s'amusant comme des folles.

Par la suite, seules Charlotte et Darlin montèrent dans le carrosse de la reine. Avec leur aide, Eugène s'entraînait jour et nuit pour jouer à la perfection le rôle de Jin.

Tome 1 – Chapitre 222 – Les chevaliers de Sang-je

Dix jours après le début du voyage, le cortège atteignait les montagnes d'Anotty, qui constituaient en fait une frontière physique entre le royaume de Hashi et celui de Slan.

De l'autre côté de la route, la chaîne de montagnes commençait à s'ouvrir à eux au fur et à mesure qu'ils avançaient, révélant un panorama de la nature à mesure qu'ils se rapprochaient.

D'après le plan approximatif de leur voyage restant dans son esprit, Kasser s'attendait à ce qu'il leur faille encore au moins six jours avant d'atteindre la ville sainte, car il lui semblait qu'il leur faudrait trois ou quatre jours pour franchir les montagnes à leur rythme actuel.

Nous arriverons probablement d'ici 20 jours... C'est exactement ce que j'avais prévu...

Kasser, qui galopait sur Abu, en tête de la procession, avait aperçu quelques silhouettes humaines au loin, qu'il supposait être d'autres voyageurs sur la route. Parmi tous les chemins possibles pour traverser les montagnes, celui qu'ils avaient emprunté était relativement plus large avec des pentes douces, mais un petit détour était inévitable.

Mais pour le confort des dames pendant le voyage, ils n'avaient pas d'autre choix.

Lentement, alors qu'il se rapprochait des silhouettes debout, il plissa les yeux pour examiner leur identité, car son intuition intérieure l'avertissait qu'il y avait quelque chose d'inhabituel à propos de la fête qui s'annonçait. En peu de temps, il fut en mesure de déterminer qui étaient les personnages en question.

Il donna alors rapidement son signal à Sven qui chevauchait juste à côté de lui. À son signal, Sven fit un rapide signe de tête en tirant sur les rênes et disparut bientôt de la vue de Kasser tandis que son cheval ralentissait au trot.

Peu après, la formation des guerriers autour du cortège changea légèrement, de petites forces d'hommes se dispersant plus loin pour entourer largement les lignes de carrosses, tandis que certains d'entre eux s'entouraient étroitement sur les côtés du carrosse de la reine.

Cependant, Kasser continuait de galoper sans ralentir. Bien qu'il ait trouvé la rencontre indésirable de leur part, il savait que le groupe ne représentait aucune menace pour eux car il n'y avait personne d'autre que les chevaliers de Sang-je qui s'habillaient entièrement d'armures argentées avec leurs horloges rouges significatives, en tout lieu et à tout moment.

Alors que la distance entre le groupe et le cortège commençait à se réduire, Kasser leva la main et fit signe au cortège de ralentir en tirant sur les rênes d'Abu. Après l'arrêt complet d'Abu, tous les chevaux et les voitures derrière eux suivirent.

Assis sur sa selle, Kasser observa Pides qui s'approchait de lui. Lorsque la distance qui les séparait fut suffisante pour tenir une conversation, le chevalier s'arrêta et s'inclina devant Kasser.

« Mes salutations au roi du désert »

« Quelle rencontre inattendue, Sir Pides »

« Sa Sainteté nous avait demandé d'escorter Anika Jin jusqu'à la Ville Sainte en toute sécurité »

Kasser s'aperçut alors qu'ils étaient plus de dix dans le groupe lorsqu'il jeta un coup d'œil furtif vers le reste des chevaliers qui se tenaient à distance. Il grommela sous son souffle de manière plutôt cynique, car il était rare de voir autant de chevaliers se déplacer en groupe, car ils accomplissaient généralement leurs tâches de manière indépendante.

« Sa Sainteté s'est peut-être inquiétée inutilement. Ou bien Sa Sainteté pense-t-elle que je n'ai pas pris suffisamment de mesures pour assurer la sécurité de ma reine lorsque je l'envoie en voyage ? »

« Je vous demande pardon pour tout malentendu. Mais Sa Sainteté ne se préoccupe que de ce qui lui tient à cœur pour Anika. Alors dorénavant, permettez-nous d'escorter Anika Jin jusqu'à la fin de son voyage »

Les sourcils de Kasser s'étaient froncés un instant avant de se détendre à nouveau, tandis qu'il laissait échapper un petit rire.

« Je suppose que vous vous trompez, messire Pides. Je n'ai pas fait tout ce chemin juste pour la voir partir. Je suis également en route pour la ville sainte »

« Je vous demande pardon ? »

Pides leva instantanément la tête sous l'effet de la surprise, mais il s'empressa de baisser le regard.

« Laissez-moi être clair, sir Pides. La reine sera escortée en toute sécurité jusqu'à la ville sainte par moi et mes guerriers, et je n'ai pas l'intention de déléguer cette autorité à quelqu'un d'autre que moi. Cependant, je n'interdirais pas à votre groupe de se joindre à la procession, étant donné que vous nous avez rejoints ici depuis la Ville Sainte »

« ...Comme vous l'ordonnez, Votre Majesté »

« Parlez-vous au nom de votre groupe de chevaliers ? »

« Oui, Votre Majesté. Vos souhaits sont nos ordres »

« Sven »

Sven descendit rapidement de son cheval et se précipita vers le roi.

« Oui, Votre Majesté »

« Montrez Sir Pides à la reine. Il la saluera en tant que représentant de son parti »

Tandis que Sven ouvrait la voie, Kasser fixait ses yeux sur Pides, qui s'éloignait avec Sven. Il tourna même le haut de son corps pour garder Pides dans son champ de vision avec un regard aussi persistant. Si Verus était là pour voir son seigneur en ce moment, il mènerait sans aucun doute une enquête secrète sur Pides. Il était assez inhabituel pour Kasser d'être ouvertement hostile à quelqu'un, car il montrait rarement ses sentiments sur son visage. Mais pour l'instant, il n'essayait même pas de cacher son dégoût dans ses yeux.

La présence de Pides le dérangeait sans raison. Pides, qui était connu comme l'un des chevaliers les plus fiables de Sang-je, avait étrangement tapé sur les nerfs de Kasser depuis le moment où il avait apporté la correspondance personnelle de Sang-je à Eugène.

Tu étais censé être dans la Ville Sainte à l'heure qu'il est. Pourquoi se donner la peine de refaire tout ce chemin ?

La réapparition de Pides impliquait qu'il avait été chargé d'une nouvelle tâche par Sang-je dès qu'il avait terminé la précédente, ce qui faisait douter Kasser de l'intention de Sang-je d'insister pour que Pides soit leur escorte, avant même qu'il n'ait pu avoir le temps de se ressourcer. Bien qu'il se sentait mal à l'aise à l'idée de fermer les yeux sur son intuition, comme s'il y avait un gros grain de sable dans sa bouche, aucune des raisons justifiables ne lui était venue à l'esprit.

Après avoir senti une présence s'approcher de lui, il sortit rapidement de ses pensées et tourna la tête. Il vit alors un guerrier à l'allure peu familière s'incliner devant lui, qui semblait être l'un des guerriers qui se tenaient à proximité des chevaliers de Sang-je il y a quelques instants. Mais comme ils étaient vêtus d'une tenue nettement différente de celle des guerriers du Royaume de Hashi, Kasser sut tout de suite qu'il s'agissait bien des guerriers affiliés au Royaume de Slan.

« J'ai le grand honneur de saluer le roi du désert. Je suis Tyren, l'ombre de Slan »

« Est-ce le roi des Slan qui t'a envoyé ici ? »

« Oui, Votre Grâce. Nous avons été chargés par Sa Majesté de fournir notre meilleure escorte au roi et à la reine de Hashi sur le chemin de notre royaume »

Il fallait traverser le royaume de Slan pour se rendre à la ville sainte depuis le royaume de Hashi. Dans le cas d'un voyageur ordinaire, il suffisait d'obtenir un laissez-passer conformément aux termes du traité entre les deux royaumes. En revanche, pour un roi, les formalités étaient différentes. Un échange de documents diplomatiques de demande et d'approbation était la procédure habituelle.

Cependant, comme il n'y avait pas assez de temps pour que des envoyés diplomatiques aillent et viennent entre les royaumes, la procession partit juste après l'envoi d'émissaires au royaume de Slan. Kasser savait que cela ne leur poserait pas de problème, car la convocation de Sang-je était une raison justifiable pour une dérogation.

« Comment se fait-il que les guerriers de Slan soient ici en même temps que les chevaliers ? Vous vous êtes tous rencontrés par hasard sur la route ? »

« Peu de temps après l'arrivée des envoyés du royaume de Hashi au château, les chevaliers de la ville sainte étaient également venus demander une audience à Sa Majesté. Et lorsque les chevaliers ont déclaré qu'ils allaient traverser les Monts Anotty pour rencontrer le cortège, Sa Majesté nous a demandé d'accompagner les chevaliers pour accueillir ses honorables invités. C'est pourquoi nous aimerions demander à Votre Majesté la permission de nous laisser vous escorter jusqu'au château »

S'ils s'arrêtaient au château, ils devraient y rester au moins une nuit pour rendre la politesse au roi, ce qui retarderait d'autant leur voyage. Soudain, l'image de Sang-je, qui devait attendre impatiemment l'arrivée d'Eugène dans la Ville Sainte, traversa l'esprit de Kasser. Emporté par ses sentiments contrariés à l'égard de Sang-je, Kasser accepta volontiers l'invitation.

« Je vous remercie sincèrement pour votre hospitalité. J'accepte volontiers votre offre »

« Selon les ordres de Votre Majesté »

***********************************

Le voyage pour traverser la montagne était différent de leurs chevauchées précédentes où ils ne voyageaient que sur des terrains plats. Les intervalles de repos étaient alors réduits au minimum, afin de gagner du temps sur la route. Ils avançaient le plus possible pendant la journée avant de s'arrêter au coucher du soleil pour se préparer à la nuit.

Le long de la route, des espaces libres nivelés étaient aménagés à chaque distance, car il s'agissait d'un chemin bien fréquenté par les voyageurs. Mais comme le cortège s'était agrandi avec l'arrivée des chevaliers et des guerriers de Slan, il n'y avait pas assez de place pour faire un campement pour tout le monde.

Les tentes du roi et de la reine, ainsi que des dames, furent préparées en priorité. Les tentes pour leurs accompagnateurs furent ensuite dressées dans les espaces vacants, tandis que les autres dormaient dans les carrosses ou même à la belle étoile.

Lorsque le serviteur du roi fut informé que la tente de son seigneur était prête, il entra dans la tente préparée pour l'inspecter. Mais lorsqu'il ne vit rien d'autre qu'une table à l'intérieur, il reprocha immédiatement au serviteur son travail médiocre.

« Tu appelles cela bien préparé ? Où est le lit du roi ? »

« Le lit est préparé dans la tente suivante. Cette tente servira de bureau à Sa Majesté »

« Bureau ? Une tente pour servir de bureau et une autre pour la chambre à coucher ? Je ne me souviens pas vous avoir demandé un palais. Tout ce que je vous ai demandé, c'est de préparer deux tentes pour Sa Majesté et Sa Majesté »

« Selon vos ordres, seules deux tentes sont préparées »

« Alors, qu'en est-il de la tente pour Sa Majesté ? »

« La tente à côté de celle-ci a été préparée pour Sa Majesté et servira de chambre à coucher à Sa Majesté et à Sa Majesté ce soir »

Il s'apprêtait à faire une grimace au serviteur pour ses bêtises, mais au lieu de cela, il regarda de plus près le visage du serviteur.

« Je crois que vous avez également accompagné Sa Majesté lors de sa dernière visite à la Ville Sainte, n'est-ce pas ? »

« Oui, en effet »

Lors de leur dernier voyage, les tentes du roi et de la reine avaient été préparées exactement de la même façon que le serviteur l'avait fait ce soir, la tente du roi servant de bureau tandis que celle de la reine leur servait de chambre à coucher. Le serviteur n'avait préparé les tentes qu'en fonction de son expérience de la dernière fois. En réalisant cela, le serviteur ne pouvait plus trouver à redire car il savait aussi que son seigneur ne passerait pas la nuit dans sa tente.

Après un moment de réflexion, il entra dans une autre tente préparée juste à côté de celle du roi avec le serviteur. Après avoir inspecté la tente de la reine avec un lit préparé à l'intérieur, il dit au serviteur qu'il pouvait partir, avec un geste.

Tome 1 – Chapitre 223 – Un jeu d'acteur Eugène s'était retirée dans sa tente pour se préparer à se coucher après le dîner et attendait le retour de Kasser. Ce soir, elle était déterminée à tester le résultat provisoire de son entraînement, sur lequel elle travaillait depuis quelques jours.

Elle avait décidé de mettre Kasser à l'épreuve. Mais pour être exacte, il était le deuxième sujet de son expérience puisqu'elle avait d'abord testé son acte sur Pides, lorsqu'elle avait échangé des salutations avec lui plus tôt dans la journée. Cependant, il n'y avait aucun moyen de savoir si son acte était réussi puisqu'elle n'avait pas pu demander l'avis de Pides.

Impatiente de connaître les réactions de Kasser à ses changements, elle gloussa tout en étirant les muscles de son visage pour s'échauffer avant de passer à l'acte.

« Ma reine, j'entre »

Lorsque sa voix se fit entendre de l'extérieur, elle s'installa rapidement sur le lit, le dos tourné à l'entrée. Après l'avoir entendu entrer dans la tente, elle se retourna lentement par-dessus ses épaules pour voir son visage.

Leurs regards s'étant croisés, elle s'empressa d'esquisser un sourire séduisant en plissant les coins de ses yeux. Il était important de montrer toute sa coquetterie sans laisser transparaître d'émotions sur son visage.

« Votre Majesté. Vous devez être fatigué de votre journée de cheval »

Avec un ton un peu nasal pour donner une subtile impression de séduction, elle soulignait consciemment chaque mot qu'elle prononçait et parlait avec une attitude courtoise.

Pendant un instant, le silence s'installa dans la tente. Et à sa grande déception, Kasser resta sans expression, n'ayant pas bougé d'un pouce de l'endroit où il se tenait. Pensant qu'elle manquait encore de pratique, elle se retourna pour lui faire face dans sa direction. Mais en une fraction de seconde, elle le vit tressaillir et reculer d'un pas, loin d'elle.

Est-ce qu'il vient de s'éloigner de moi ?

Surprise par ce qu'elle venait de voir, elle cligna des yeux en levant les yeux de ses pieds vers son visage. Pourtant, elle ne vit aucun changement dans son visage.

« Votre Majesté ? »

Eugène lui adressa alors un sourire aimable, comme pour le rassurer sur le fait qu'elle n'avait pas l'intention de lui faire peur.

« Votre Majesté, c'est moi »

« ...Eugène ? »

« Oui, je suis Eugène »

« Mais, tout à l'heure... »

« Est-ce que j'ai bien réussi ? Je me suis entraîné dernièrement... »

« Entraînement.... ? »

« Oui, j'ai pratiqué mon ancienne façon de parler et de me comporter avec l'aide de la comtesse Oscar »

Passant ses doigts dans ses cheveux avec ses deux mains, Kasser laissa échapper un soupir, comme s'il venait d'être ramené à la vie. Il fut un temps où il s'étonnait lui-même de la rapidité avec laquelle il effaçait de son esprit les images passées de la reine. Mais à son grand regret, il s'aperçut soudain qu'il s'était clairement trompé sur son compte.

Les souvenirs n'avaient pas complètement disparu de son esprit. En fait, il les avait seulement laissés en suspens pendant tout ce temps. Et c'était presque comme s'il avait été ramené dans le passé lorsque de vieilles images d'elle s'étaient superposées à son visage à l'instant. En proie à des sueurs froides, il sentit littéralement son cœur chuter sous l'effet du flash-back de ces souvenirs qui lui hérissaient le poil. Il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie.

Après l'avoir dévisagé pendant un moment, Eugène se leva de son lit. Eugène se leva du lit et s'approcha de Kasser. Les yeux rivés sur les siens, Kasser l'examina attentivement avant de lâcher un soupir de soulagement et de s'adresser à elle, toujours l'air mécontent.

« Pourquoi veux-tu t'entraîner pour une chose pareille ? »

« Tu n'aimes pas mon passé ? »

« Non, ce n'est pas ce que je voulais dire »

« Ce n'est pas ce que tu m'as dit la dernière fois. Je croyais que tu avais dit que tu m'accepterais tel que je suis, même mon passé »

« .... »

A court de mots, Kasser se tut. Cependant, le coin de la bouche hermétiquement fermée d'Eugène tressaillit à cette vue. Elle finit par éclater de rire, ne pouvant plus se retenir.

Jamais dans ses rêves les plus fous elle n'aurait pensé voir quelqu'un d'aussi intrépide que lui, qui mène des guerres sans fin avec les Alouettes, prendre peur devant quelque

chose comme ça. Elle rit encore plus fort en se rappelant son visage vide de tout à l'heure, qui devint effroyable lorsqu'il frissonna au souvenir de l'ancien visage de sa femme. Malgré la pitié qu'elle éprouvait pour lui, elle ne pouvait s'empêcher de rire.

« Pourquoi ris-tu ? »

Kasser, provoqué par son rire, souleva brusquement son corps en l'air. Un petit cri se mêla alors à son rire. Après l'avoir allongée sur leur lit, Kasser grimpa sur son corps étalé s’appuyant de tout son poids.

Il se défoula ensuite en la couvrant de baisers, en lui mordillant le menton, les joues, le nez et ainsi de suite, tandis qu'elle continuait à rire.

Eugène secoua habilement la tête d'un côté à l'autre en ricanant. Mais comme cela ne faisait que l'inciter à venir vers elle avec plus de ténacité, elle lui prit le visage dans ses mains.

« Mon jeu était-il assez bon pour te tromper ? »

« Pourquoi tu t'entraînes ? »

« J'ai ressenti le besoin de me comporter comme avant pour que mes vieilles connaissances baissent leur garde avec moi »

« De qui essaies-tu de profiter avec ton jeu d'acteur ? »

Soudain, ses sourcils se froncèrent lorsque la réponse lui apparut dès qu'il eut terminé ses phrases.

« Eugène, qu'est-ce que tu... »

Mais avant qu'il ne puisse dire un mot de plus, Eugène plaça rapidement sa paume sur sa bouche.

« Je ne peux pas dire grand-chose pour l'instant, mais j'ai un compte à régler avec Sa Sainteté. Je vous dirai tout en temps voulu, comme je vous l'ai déjà promis. Pour l'instant, il faut que vous fermiez les yeux et que vous me laissiez m'en occuper moi-même. Et si Sa Sainteté vous demande quelque chose, ne mentionnez pas que j'ai des pertes de mémoire »

Kasser, qui la regardait en silence, lui fit un signe de tête laconique. Et lorsque la main d'Eugène fut retirée de sa bouche à son signe de tête, il s'empressa de la saisir et d'embrasser sa paume.

« Alors, promets-moi de ne jamais t'engager dans quelque chose d'imprudent. Et aussi que tu te tourneras vers moi si les choses t'échappent »

« ...Je le promets »

Jusqu'à il y a peu, elle s'était toujours repliée sur elle-même, pensant qu'elle ne pouvait compter que sur elle-même dans le monde. Jamais elle n'aurait imaginé avoir une

confiance aveugle en quelqu'un qu'elle n'avait rencontré que quelques mois auparavant, qu'il serait toujours à ses côtés, quelles que soient les circonstances.

Un tel soutien inconditionnel était quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant dans sa vie, pas même de la part de sa propre famille. Sentant une douleur dans sa poitrine à cause de la chaleur écrasante de sa douceur, elle rayonna vers Kasser, réprimant ses larmes.

*************************

Cela fait si longtemps qu'Aldrit errait dans le désert qu'il avait déjà perdu le compte des dunes qu'il avait traversées jusqu'à présent. Tout au long de son périple, il avait souvent dû attendre une journée entière pour se mettre à l'abri des tempêtes de sable qui s'abattaient de temps à autre sur lui. Bien qu'entouré du même paysage dans toutes les directions, Aldit parvint à se frayer un chemin vers la direction de leur cachette, sans s'être égaré au milieu du désert.

Et cela grâce à sa capacité innée à distinguer instinctivement les points cardinaux de son environnement. Doté d'un sens de l'orientation, il ne semblait jamais s'égarer.

Cette capacité d'Aldrit était considérée comme spéciale dans sa tribu, car ils étaient tous destinés à une vie d'errance sans fin, en guise de punition divine pour leurs péchés. Elle était en fait considérée comme l'une des qualités les plus importantes à posséder pour devenir le chef de la tribu.

À vrai dire, il y avait certaines informations qu'Aldrit n'aurait pas pu révéler à Eugène, comme l'emplacement exact de leur cachette ainsi que son identité.

Aldrit était l'un des candidats formés pour devenir le successeur de la tribu et comme il était le candidat le plus prometteur parmi tous, il était très attendu comme le prochain patriarche de la tribu par la majorité.

« Ah... »

Debout au sommet de la dune, Aldrit poussa un soupir en voyant la montagne de rochers qui se profilait au loin. Il avait l'impression d'être enfin chez lui.

« Maison.... »

Il n'y avait aucune raison pour qu'il n'appelle pas cet endroit sa maison, puisqu'il s'agissait du seul et unique campement de leur tribu à travers le monde. Sans s'en rendre compte, son esprit fut bientôt submergé par un flot soudain d'émotions mélangées.

Maintenant que la destination était claire à ses yeux, son corps fatigué reprit des forces.

Ressourcé, il descendit la colline d'un bon pas. Il savait qu'il avait encore un long chemin à parcourir, même s'il ne semblait pas très loin de l'endroit où il se trouvait. Il lui fallut encore une demi-journée de marche pour arriver au pied des montagnes de rochers.

La montagne était bien une montagne de blocs, comme le mot lui-même, avec ses blocs grotesquement usés au fil des éons par la tempête de sable. C'était une montagne stérile, d'un gris discret, sans la moindre poignée de terre riche. Chaque fois qu'il y jetait un coup d'œil, il n'y voyait pas un endroit où une créature vivante pourrait s'installer.

Après avoir tourné en rond au pied de la montagne pendant un certain temps, il s'arrêta rapidement et se mit à creuser le sol à mains nues. Il ne fallut pas longtemps pour qu'une anfractuosité se dégage de tous les sables qui s'étaient accumulés au fil du temps, portés par le vent. Et il y avait un espace assez grand pour qu'un humain puisse y pénétrer.

Il y jeta d'abord son sac, puis s'engagea tête la première dans la crevasse, qui menait à une grotte à l'intérieur. Après avoir allumé une torche avec un silex, il s'enfonça dans la grotte par le passage.

Au fond de la grotte, il y avait une source montagneuse débordante d'eau qui, à vue d'œil, ne semblait pas plus grande qu'un puits, car il ne s'agissait que d'une entrée. La profondeur de la source n'était pas mesurable, car elle était en fait reliée au fond à un lac souterrain apparemment sans fin.

Après avoir tâtonné, il retourna de la main le sol de pierre qui se trouvait à proximité. Il trouva un objet de la taille d'une paume, à la fois rond et plat, et poussa un soupir de soulagement. Comme il s'agissait d'un objet unique, si quelqu'un de sa tribu était entré dans le lac avec, il aurait dû attendre qu'on le lui rende.

Qu'est-ce que cela peut bien être ?

Une question lui vint soudain à l'esprit. L'objet permettait de respirer sous l'eau en le tenant dans la bouche. Sans lui, il était impossible de traverser le lac souterrain à la nage, jusqu'à la cachette de la tribu.

Tenant l'objet à la lumière pour mieux le voir, Aldrit le tourna lentement dans sa main.

L'objet était dur et son corps était plat, mais il était entouré d'un mince rebord.

« Je crois qu'il ressemble à une sorte d'échelle » se dit-il en appuyant sur la torche pour l'éteindre.

Aldrit avait décidé de laisser son sac derrière lui, pensant revenir le chercher plus tard, car il ne voulait pas que son précieux cadeau de la reine soit abîmé dans l'eau. L'objet entre les dents, il prit une grande inspiration et plongea dans la source.

Ps de Ciriolla: lui fait pas de telle blague, il a le coeur fragilisé par l'amour notre Kasser

Tome 1 – Chapitre 224 – Le roi de l'épée Alors que le lac souterrain était illuminé par les poissons bioluminescents qui vivaient dans les profondeurs du lac sombre, ce n'était pas l'obscurité totale après tout, avec un jerky dans sa main comme appât, Aldrit les attira pour qu'ils éclairèrent son chemin alors qu'il nageait plus loin dans le lac sans fond.

Après avoir nagé pendant un certain temps, des frissons lui parcoururent l'échine lorsqu'il déplaça ses yeux vers le fond, ses yeux ne percevant rien de l'eau profonde, toute noire comme de la poix sous lui. Seul Dieu pouvait connaître la profondeur du lac, car il y avait une limite à la profondeur à laquelle on pouvait plonger, même avec l'objet dans la bouche.

Mais loin dans les eaux profondes, il y avait quelque chose au fond du lac qui semblait aussi immobile qu'un rocher, avant de se tortiller légèrement en réponse au mouvement d'Aldrit qui passait au-dessus de lui en nageant.

Un trait de lumière flamboyante avait alors brillé à travers une fente qui s'élargissait lentement dans l'obscurité. Et comme si un couvercle était soulevé, un cercle de lumière rouge fut entièrement révélé à l'intérieur. De là, une aura brûlante émanait du centre et se rétrécissait en une longue ligne verticale. Cependant, la flamme s'était évanouie à travers la fente qui se refermait alors que le couvercle se refermait à nouveau.

********************************

Le cortège s'était agrandi tout au long du voyage avec les voyageurs qui traversaient les montagnes en même temps que lui. Par un ou deux, ils s’étaient fondus dans le cortège qui était escorté par des guerriers et des chevaliers armés le long de la route.

Compte tenu du grand nombre de variables à prendre en compte lors d'un voyage à travers un col montagneux accidenté, il était beaucoup plus sûr de se déplacer avec la grande foule. Il était courant que les marchands de petite taille ou les voyageurs individuels soient informés à l'avance des horaires de voyage des grandes compagnies marchandes et qu'ils se déplacèrent avec elles en conséquence.

Mais quelle que soit la taille d'une compagnie marchande, il leur était pratiquement impossible d'avoir des guerriers comme escorte sur la route. De plus, le fait d'avoir le roi comme compagnon de route garantissait leur sécurité, sans qu'ils aient à se soucier des attaques d'animaux sauvages ou des pillages des brigands tout au long du voyage.

Ceux qui passaient la tête sous le bord du parapluie large et solide pour s'abriter de la pluie étaient soit des petits marchands, soit un groupe de voyageurs composé de deux ou trois personnes. Cependant, des compagnies inattendues s’étaient jointes au cortège.

Il s'agissait sans aucun doute d'aristocrates, car tous montaient dans leurs carrosses respectifs, servis par leurs propres serviteurs.

Cependant, les aristocrates étaient en fait des nobles qui rentraient au Royaume de Hashi après avoir passé toute la période active dans la Ville Sainte, car la saison sèche avait commencé. Mais lorsqu'ils étaient tombés sur le cortège royal, ils avaient instantanément changé de cap, même s'ils devaient retourner d'où ils venaient.

En un rien de temps, le cortège s'enrichit de cinq nouveaux attelages. Et pendant presque toutes les pauses, ils se réunissaient pour bavarder.

« Bien que j'aie entendu parler de l'incident de l'Alouette en passant sur le chemin, je ne l'ai considéré que comme une rumeur sans fondement »

« Moi aussi. Mais vu que Sa Majesté est emmenée à la Cité Sainte sous l'escorte des chevaliers avec une telle rigueur, la rumeur devait être vraie après tout »

« Il ne fait aucun doute que cela va choquer la haute société de la Ville Sainte »

Dans l'attente des événements intéressants qui allaient se dérouler dans la Ville Sainte, ils bavardaient entre eux. Comme leur reine allait devenir le sujet de conversation de la société, les nobles du Royaume de Hashi, qui avaient toujours été tenus à l'écart de la société de la Ville Sainte, étaient maintenant tous très excités par cette excitation.

Il fallut quatre jours entiers pour franchir les montagnes d'Anotty, avec des files de gens et de carrosses qui suivaient le cortège. Dès qu'ils atteignirent le pied de la montagne, une petite troupe de guerriers de Slan s'échappa pour se rendre au château et avertir leur roi de l'arrivée imminente de ses invités.

Après deux jours de route, ils approchèrent enfin de la capitale du royaume de Slan et virent une grande foule de gens venus accueillir le cortège devant le mur du château.

Cette foule était composée de diplomates et de gardes d'honneur, qui avaient revêtu divers uniformes pour une grande cérémonie destinée à saluer leur arrivée.

Eugène descendit de son propre carrosse et monta dans un autre avec Kasser, car il s'agissait d'un carrosse spécialement préparé pour eux par le Royaume de Slan. La calèche qui devait les conduire au château dans le cadre de la cérémonie d'accueil sortait de l'ordinaire, à en juger par son aspect.

Il s'agissait d'un carrosse blanc tiré par huit chevaux blancs. Quant à l'intérieur, les murs et le sol étaient également blancs et dégageaient une forte odeur, comme s'il avait été inondé de parfums.

« Ce matériau est une spécialité du royaume de Slan. Le bois creusé devient blanc sous l'effet du soleil et dégage un parfum unique » dit Kasser tandis qu'Eugène reniflait l'intérieur.

« L'odeur est étonnamment agréable bien qu'elle soit forte... peut-être est-ce parce qu'il s'agit d'un parfum naturel »

Comme il s'agissait d'un carrosse conçu pour laisser une impression durable, si Jin l'avait déjà emprunté, elle aurait forcément un flashback du souvenir de Jin au moment où elle y monterait. Mais rien ne lui était venu à l'esprit jusqu'à présent.

« Sommes-nous déjà montés dans ce carrosse, lorsque nous sommes partis de la Ville Sainte pour notre royaume ? »

« La saison sèche était sur le point de se terminer à cette époque. Nous avions donc traversé le royaume de Slan en prenant la route la plus rapide, car nous étions pressés.

Nous n'avons pas eu le temps de nous arrêter au royaume de Slan la dernière fois »

Le souvenir d'il y a trois ans lui semblait presque un lointain souvenir. Pourtant, il se souvenait encore très bien de l'anxiété qui l'avait envahi tout au long du voyage pour la ramener dans son royaume après avoir organisé une cérémonie religieuse devant Sang-je, puisqu'il avait accepté le mariage contractuel qu'elle lui avait proposé.

Cependant, le mariage lui avait semblé surréaliste pendant un bon moment, même après qu'un grand mariage royal fut célébré dès leur retour de la Ville Sainte. Mais aujourd'hui, alors qu'il jetait un coup d'œil à la femme assise en face de lui, il sentait une chaleur se répandre dans son cœur, et son esprit reconnaissait fermement qu'elle était sa femme. Jamais, dans ses rêves les plus fous, il n'aurait imaginé ressentir un tel sentiment, il y a trois ans.

« Je suppose que tu n'as pas eu l'occasion de saluer le roi de l'épée. Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ? »

« Je n'en suis pas certain. Mais comme le roi de l'épée se rend fréquemment dans la ville sainte, je suppose que vous l'avez rencontré lors de l'une de vos visites »

« Je parlais de Votre Majesté, pas de moi » Eugène clarifia la situation.

« Moi ? Umm... Je me demande quand c'était. Jamais depuis que je suis monté sur le trône. Mais il y a eu une époque où j'ai été envoyé au royaume de Slan en tant qu'émissaire pendant mes années de prince. Je parie que cela fait déjà huit ans si je me souviens bien »

« C'est une longue période »

La conversation fut interrompue lorsque le carrosse se mit en marche pour former une procession. Bientôt, une acclamation bruyante de la foule se fit entendre de l'extérieur alors que le carrosse entrait dans la capitale, après avoir franchi le rempart.

Lorsqu'Eugène jeta un coup d'œil par la fenêtre à travers les rideaux légèrement tirés, elle vit des gens se presser dans les rues ainsi que des guerriers postés qui contrôlaient étroitement la foule.

« Roi de Slan.... »

Eugène sentit bientôt son cœur battre la chamade, car cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas rencontré l'un des personnages de son roman. Et tout comme le Roi du Désert, le Roi des Epées pouvait aussi avoir un caractère différent de celui qu'il avait

dans son roman. Comme si elle tournait la page du prochain chapitre d'un roman d'aventures, elle était remplie d'une joyeuse impatience.

Le cortège de bienvenue pénétra ensuite rapidement dans le château par la porte largement ouverte. Mais seul le carrosse qui transportait les invités et les guerriers qui l'escortaient étaient autorisés à passer par une autre série de portes qui menaient à la cour intérieure. Bientôt, le carrosse s'arrêta et sa porte s'ouvrit de l'extérieur. Après être descendu du carrosse, Kasser tendit la main à Eugène pour l'aider à descendre.

En descendant de la calèche, Eugène fut surprise par le nombre de personnes qui étaient venues à leur rencontre. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir nerveuse en leur présence, car il lui vint soudain à l'esprit qu'elle était ici en tant que représentante de son royaume.

Cette personne...

Un homme d'âge moyen qui se tenait au premier rang de la foule n'aurait jamais ressenti le besoin de se présenter, car la couleur distincte de ses cheveux et de ses yeux indiquait son statut dans le royaume. L'homme aux cheveux gris clairs s'était approché d'eux avec un sourire chaleureux.

« C'est un plaisir de vous recevoir, roi du désert. Je salue également Anika. Bienvenue dans notre royaume »

« Nous apprécions vraiment votre hospitalité, Roi de l'Épée »

Bien qu'il avait affiché un sourire courtois, elle était intérieurement étonnée par la présence du Roi de l'Épée et lui jeta un regard en coin.

Le Roi de l'Épée, qui semblait avoir entre la quarantaine et la fin de sa vie, était en effet un bel homme qui se distinguait clairement dans la foule. Plus encore, le jeune homme aux cheveux grisonnants qui se tenait un pas derrière lui était lui aussi un beau garçon.

Le Prince du Royaume de Slan était en effet le portrait craché de son père. Quant à la femme qui se tenait juste à côté de lui....

« ...Anika Gemma »

C'était la princesse du royaume des Slan et la première Anika qu'Eugène rencontrait dans ce monde. Eugène sentit le tremblement dans ses yeux, en regardant les cheveux noirs de Gemma. Mais lorsque leurs regards se croisèrent un instant, Gemma baissa naturellement les yeux. Un seul coup d'œil ne suffit pas à Eugène pour savoir si elle exprimait une faveur ou un regret à travers son regard.

Jusqu'à présent, sa rencontre avec le roi, le prince et la princesse du royaume de Slan n'avait déclenché aucun souvenir de Jin dans son esprit. Qu'ils se soient connus dans le passé ou non, il semblait que leur rencontre avec Jin n'avait pas été assez importante pour être gravée dans l'esprit de Jin.

« Tu dois être épuisé par ce long voyage. Prenez tout le repos dont vous avez besoin. Le festin de bienvenue peut attendre que vous ayez retrouvé vos esprits »

« C'est très prévenant et attentionné de votre part »

Eugène et Kasser introduisirent alors gentiment dans le château guidé par un serviteur.

Tome 1 – Chapitre 225 – Discussion

entre roi

Il n'y avait pas de temps à perdre. Sans attendre, Kasser alla présenter ses respects au Roi de l'épée dès qu'il fut installé.

Le fait que deux rois soient assis l'un en face de l'autre dans la grande salle était un spectacle assez rare, car il n'était pas courant qu'un roi visite un autre royaume.

Cependant, les rois des cinq royaumes se croisaient de temps en temps, car ils se rendaient tous fréquemment dans la Ville Sainte, contrairement au roi du Désert. Ainsi, chaque fois que l'occasion se présentait, ils se retrouvaient autour d'un repas ou d'un verre, car ils n'avaient aucune raison d'être hostiles l'un envers l'autre. Dans la ville sainte, ils n'étaient que des invités, Sang-je étant leur hôte. La compagnie qu'ils partageaient dans la Ville Sainte était plutôt une affaire privée, pas celle d'un roi.

« Cela fait si longtemps, Roi du Désert »

« Oui, certainement. Je n'étais qu'un enfant lors de ma dernière visite. J'ai vraiment apprécié l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé la dernière fois. Votre gentillesse était plus que je ne le méritais »

Ces mots étaient plus qu'une simple flatterie par courtoisie, car Kasser pensait chaque mot qu'il venait de prononcer. Il avait vraiment reçu un accueil des plus chaleureux lors de sa dernière visite au Royaume de Slan en tant que délégué. Comme aujourd'hui, le roi de l'épée était venu le saluer en personne et un grand banquet avait été organisé pour l'accueillir. Le roi avait également traité avec respect le jeune prince, qui n'avait pas encore atteint l'âge adulte, en tant que chef de la mission diplomatique.

À son retour de mission, Kasser avait involontairement manifesté sa reconnaissance personnelle envers le roi de l'épée devant le roi défunt, son père.

[Le Roi d'épée était vraiment un homme de vertu.]

Il réalisa immédiatement son erreur dès que les mots sortirent de sa bouche. C'était une remarque déplacée alors qu'il était censé faire des rapports en toute objectivité. Plus encore, il était imprudent pour un prince de faire des commentaires sur les rois des autres royaumes. Mais, sans le lui dire, le défunt roi entonna à la place,

[Le roi de l'épée est en effet une personne à l'esprit droit.]

Que ce soit en bien ou en mal, le défunt roi n'avait jamais eu tendance à faire des commentaires sur les autres. C'était pourquoi cette remarque de son père avait laissé

une grande impression dans l'esprit de Kasser depuis lors. Bien qu'il avait accepté l'invitation en partie par défi envers le Sang-je, c'était d'autant plus à cause des impressions agréables qu'il avait reçues du Roi de l'épée par le passé.

« Tu parles avec une telle modestie, mais un simple garçon n'aurait pas été capable de jouer le rôle de délégué avec une telle perfection. En tant que père, il n'y a rien d'autre que je souhaiterais si le prince pouvait être aussi bon que toi » dit le roi de l'épée en riant de bon cœur.

« Je crains de ne pas mériter de telles louanges »

« Vous n'imaginez pas à quel point j'étais inquiet à l'idée d'essuyer un nouveau refus de votre part. J'ai même prévenu les guerriers des conséquences qu'ils encourraient s'ils ne parvenaient pas à vous ramener au palais. Cependant, nous ne sommes pas quittes pour la dernière fois » dit le roi de l'épée en rappelant à Kasser la dernière fois où son invitation avait été refusée. Il y a trois ans, alors que Kasser rentrait dans son royaume avec sa nouvelle épouse, il avait gentiment refusé l'invitation du roi de l'épée à faire une halte dans son château en chemin.

Sachant que le roi de l'épée ne faisait que plaisanter avec lui, Kasser répondit en riant «

En ce qui me concerne, je crois que nous sommes quittes puisque vous avez également refusé mon invitation il n'y a pas si longtemps »

Lorsque la dernière période active était sur le point de se terminer, Kasser avait envoyé un émissaire pour inviter officiellement le prince et la princesse des Slan dans son royaume. Cependant, son invitation avait été déclinée pour certaines raisons de leur part.

Richard, le roi de l'épée, éclata de rire.

« Mais j'espère que vous n'avez pas trouvé le refus offensant. Il y avait une raison inévitable pour refuser l'invitation. Ce n'était pas une décision arbitraire de ma part après tout »

« Je n'ai pas trouvé cela offensant le moins du monde. Je sais que vous ne géreriez pas les affaires de l'État avec vos sentiments personnels »

Les yeux de Richard s'étaient légèrement écarquillés avant qu'il ne se mette à rire d'un air approbateur à l'égard de Kasser. En même temps, l'image du jeune prince, qui répondait par oui ou par non de manière rigide, lui rappela à quel point les années passaient vite.

La conversation se prolongea encore un moment sur des sujets tels que les dégâts infligés aux deux royaumes durant la dernière période d'activité. Mais sans grande importance. Puis, lorsqu'il y eut un moment de silence pendant la conversation, Kasser jeta un coup d'œil aux serviteurs qui se tenaient au coin de la pièce avant de demander «

Puis-je avoir un moment pour vous parler en privé ? »

Richard semblait déconcerté par cette demande soudaine. Sachant qu'il s'agissait d'une demande de taille, Kasser y avait réfléchi à maintes reprises, depuis le moment où il avait rencontré le Roi d'épée pour la première fois.

Cependant, les seules personnes à qui il pouvait demander conseil étaient 'les rois'. Et parmi les cinq personnes au monde qui pouvaient répondre à sa question, le Roi d'épée, qui était assis juste en face de lui en ce moment, était sans aucun doute la personne la plus fiable à laquelle il pouvait se confier.

« Je suis parfaitement conscient de mon insolence pour avoir fait une telle demande tout d'un coup. Cependant, je souhaite obtenir des conseils concernant le Praz d'un roi »

Richard, qui fixait Kasser sans rien dire, hocha la tête en disant « Si c'est bien de cela qu'il s'agit, nous ne pouvons certainement pas avoir d'oreilles autour de nous »

Sur le geste de Richard, les serviteurs quittèrent précipitamment la salle. Bientôt, il ne resta plus que les deux rois dans la salle vide.

« Comme vous le savez, nous ne pouvons pas avoir une longue conversation, Roi du Désert »

Les audiences privées entre les rois pouvaient déboucher sur des questions diplomatiques délicates entre les deux royaumes.

« Oui, ce ne sera pas long »

« Alors, dites-moi. De quoi s'agit-il ? »

« J'ai appris que le Praz du roi s'installe solidement lorsqu'il monte sur le trône. Cela correspond à mon expérience. Corrigez-moi si je me trompe »

« Non, pas du tout. Vous avez tout à fait raison. Cela m'est arrivé aussi »

« Alors, avez-vous connu des changements dans le Praz après cela ? »

« Des changements dans le Praz... ? » demanda Richard en se caressant le menton et en murmurant un « humm... »

« Pouvez-vous être plus précis sur les changements ? »

« C'est presque comme s'il revigorait mon corps encore plus qu'avant » Kasser s'était épargné les détails, car il n'avait pas encore pris la mesure de tous les changements qui lui arrivaient jusqu'à présent.

« Avez-vous une idée de ce qui a pu provoquer ce changement ? »

« C'est.... » Kasser resta sans voix, car il n'avait pas trouvé le moyen de l'expliquer. Il ne pouvait pas se contenter de dire que c'était à la suite de ses rapports sexuels avec sa femme.

« C'est arrivé... après mon mariage »

« Mariage ? » répèta Richard d'un air perplexe. Mais dès qu'il avait entrevu le regard troublant de Kasser, des rides s'étaient creusées autour de ses yeux. Richard avait alors laissé échapper un rire et Kasser avait baissé le regard vers le sol, gêné.

« Je vois que vous appréciez beaucoup votre mariage jusqu'à présent, roi du désert.

Vous venez pratiquement de remuer le couteau dans la plaie »

Cela rappela à Kasser que le roi de l'épée avait perdu sa femme il y a très longtemps.

Comme Kasser était encore jeune à l'époque, il n'avait aucune idée des détails. Mais il avait entendu dire que le roi de l'épée souffrait tellement que les funérailles nationales avaient duré près d'un mois dans le royaume.

Auparavant, il n'y voyait que des ragots. Mais aujourd'hui, il avait l'impression de pouvoir enfin comprendre ce que le roi d'épée avait dû ressentir à l'époque. La seule idée qu'Eugène disparaisse à jamais de son entourage suffisait à le désespérer. Kasser se reprocha son imprudence, car il sembla avoir inutilement enfoncé le couteau dans la plaie du roi.

Devant l'air très perplexe de Kasser, Richard fit un rapide signe de la main en disant « Je ne faisais que plaisanter avec vous. C'était il y a si longtemps. Cependant, je peux affirmer avec certitude qu'il est tout à fait naturel que vous débordiez de vitalité pendant les premières années de votre mariage. Mais je suppose que je ne peux plus vraiment vous considérer comme de jeunes mariés puisque cela fait déjà trois ans que vous vous êtes mariés.... »

Bien qu'ils étaient mariés depuis trois ans, cela ne faisait que trois mois que leur vrai mariage avait commencé. Ils étaient donc pratiquement de jeunes mariés. Mais Kasser teint sa langue car il ne pouvait pas expliquer tous les détails à Richard.

« Néanmoins, je crois que l'affaire n'est pas négligeable puisque tu viens me demander conseil. Vous avez vraiment dû vivre des changements importants »

« Oui, c'est vrai »

Après avoir pris un moment de réflexion, Richard dit « Je pense que j'aurai besoin d'un peu de temps pour y réfléchir, car cela fait si longtemps »

« Je ne veux pas vous mettre la pression. Cependant, faites-moi savoir si quelque chose vous vient à l'esprit »

« Je ne manquerai pas de le faire »

Sur ce, Kasser s'excusa, car il devait rencontrer un certain nombre de personnes avant le banquet du soir. Un grand nombre de personnes, y compris des délégués et des marchands de passage au Royaume de Slan, attendaient une chance d'avoir une audience avec lui.

Un regard interrogateur se posa sur le visage de Richard lorsqu'il se retourna après avoir vu Kasser sortir. Tournant la tête vers la porte, il regarda fixement l'endroit où

Kasser venait de disparaître. Puis, les yeux plissés, il murmura « Change..... Ce n'était donc pas une simple coïncidence qui n'est arrivée qu'à moi ? »

Tome 1 – Chapitre 226 – Rumeurs de la Ville Sainte

Pendant que Kasser rendait hommage au roi de l'épée, Eugène était allée rendre hommage à la princesse. En raison de l'absence de la reine, la princesse était la femme la plus haut placée du royaume de Slan.

Mais aucune d'entre elles n'entama la conversation, bien qu'elles étaient assises l'une en face de l'autre sur le canapé. Une fois le thé apporté par les domestiques, Eugène souleva la tasse de thé pour tenter de dissimuler son agitation.

Eugène avait déjà dit à Kasser qu'elle avait peut-être été dure avec la princesse dans le passé. Mais heureusement, comme rien ne lui avait traversé l'esprit jusqu'à présent, elle avait dû envisager le pire pour rien.

« J'ai entendu dire que vous étiez venue au royaume de Slan l'année dernière » dit Eugène pour rompre le silence.

« Oui, tu as raison. Et je suppose que cela fait déjà trois ans que tu as quitté la Ville Sainte »

Au grand soulagement d'Eugène, il n'y avait aucune trace d'hostilité dans les propos de Gemma.

« Oui, cela fait déjà autant de temps »

Mais à ce moment-là, un léger sourire en coin apparaît sur le visage de Gemma. Eugène perçut quelque chose d'amer dans ce sourire. Lorsque leurs regards se croisèrent, Gemma bredouilla rapidement des excuses « Ne le prenez pas mal, s'il vous plaît. Je ne voulais pas vous offenser »

« Je ne suis pas du tout offensée. Je n'ai aucune raison d'être contrariée »

Gemma baissa les yeux vers le sol après avoir fixé Eugène d'un regard insoupçonné. «

C'est juste .... que c'est surréaliste d'avoir une conversation en face à face avec Anika Jin

» dit Gemma en prenant la tasse de thé dans ses mains.

« C'est vrai ? Parce que pour autant que je sache, je crois que ce n'est pas la première fois que nous nous rencontrons. Ou est-ce que je me trompe ? » Eugène posa une question rhétorique afin de sonder les intentions de Gemma. Ce n'était pas la première fois qu'elles se rencontrent, car il y avait une réunion sociale parmi les Anikas.

« Tout le monde n'a pas le privilège de s'asseoir avec Anika Jin »

Un léger pli se forma alors entre les sourcils d'Eugène, qui décelait une pointe de sarcasme dans les paroles de Gemma. À en juger par le caractère de Jin, qui avait un grand sens de la supériorité du fait de sa noble naissance, Gemma devait au contraire avoir des origines modestes.

Jin n'avait aucune raison d'être sévère avec elle après tout. En fait, Jin avait dû l'ignorer complètement'.

En principe, tous les citoyens de la Ville Sainte étaient censés être égaux, à l'exception de Sang-je. Cependant, le système hiérarchique prévalait toujours dans la société, bien qu'il n'y avait plus de discriminations légales à l'encontre des personnes de naissance modeste. Ce que l'on appelait les 'sangs bleus' existaient dans la Ville Sainte. Et tout comme l'aristocratie dans les royaumes, c’étaient les sangs bleus issus de familles prestigieuses qui dominaient en termes de pouvoir et de richesse dans la Ville Sainte.

La famille de Jin était considérée comme une famille royale dans la Ville Sainte.

« Votre présence dans le Royaume de Hashi m'a beaucoup réconforté lorsque j'ai quitté la Ville Sainte pour venir ici l'année dernière. Personne ne s'attendait à ce que vous épousiez un roi. Je suppose donc que je ne suis pas si différente de toi, puisque nous sommes toutes les deux dans la même situation, celle de devoir porter un enfant de roi, n'est-ce pas ? »

Eugène perçut clairement le cynisme de sa remarque. Elle se demanda comment Jin réagirait si elle était ici en ce moment. Il était clair que Jin n'aurait pas laissé passer cela sans faire d'histoires.

Comme Eugène avait l'intention de prendre son temps pour faire tomber le masque de Jin devant ses vieilles connaissances, elle décida de réagir comme Jin l'aurait fait normalement dans une telle situation. Tout d'abord, elle posa sa tasse de thé sur la table avec un claquement retentissant. Et comme cela avait réussi à faire tressaillir Gemma de surprise, elle répliqua sèchement en se levant « Je crois que j'ai fait de mon mieux pour vous traiter avec toute ma courtoisie. Mais je ne peux tolérer de telles insultes plus longtemps. Est-ce ainsi que vous traitez un invité dans le royaume de Slan ? »

« Anika Jin ! »

Eugène, qui venait de se retourner froidement, se tourna à nouveau vers Gemma en entendant son appel désespéré. Gemma était sur le point de pleurer, avec son visage devenu blanc de peur.

Eugène se tordit la langue intérieurement. Il était clair que Gemma n'était pas de taille à affronter Jin, car elle semblait tout à fait timide et d'un tempérament réservé. Si Jin était ici pour de vrai, il ne serait pas surprenant qu'elle fasse encore plus d'histoires, comme gifler Gemma en plein visage. Jin était capable de faire quelque chose d'encore plus grand.

« S'il vous plaît, je vous demande pardon. J'ai eu des sautes d'humeur ces derniers jours.

J'ai vraiment commis un manque de courtoisie » dit Gemma en entourant son bas-ventre de ses deux mains. Eugène, qui regardait fixement sans avoir d'idée précise, avait

laissé échapper un gémissement lorsqu'elle avait enfin compris. Cela expliquait clairement pourquoi le prince et la princesse avaient refusé l'invitation de Kasser.

« ...Êtes-vous enceinte ? »

« Oui... »

Le ventre de Gemma n'était pas encore très proéminent. Cependant, il était étrange de penser qu'un prince du royaume de Slan, destiné à devenir roi dans le futur, grandissait dans son ventre.

Eugène reprit sa place. Bien qu'elle fut un peu vexée par la provocation impertinente de Gemma, elle n'était pas vraiment en colère.

La première impression de Gemma était plutôt sombre. Eugène s'était dit que c'était soit parce qu'elle n'était pas la bienvenue ici, soit parce que c'était l'expression habituelle de Gemma. Mais maintenant, elle se rendit compte que Gemma avait dû souffrir d'une légère dépression due à sa grossesse. Eugène avait l'impression de pouvoir comprendre, dans une certaine mesure, l'esprit instable d'une future mère.

« Je ne peux pas la blâmer pour cela. Elle n'a que 21 ans et elle est enceinte dans un pays étranger, loin de sa famille. Elle doit avoir beaucoup de choses en tête »

Sans le vouloir, elle fixa le ventre de Gemma pendant un moment avant de détourner les yeux en réalisant son erreur.

« Félicitations »

« Ah. Merci » répondit Gemma d'un air déconcerté, dubitative devant le changement d'attitude soudain d'Eugène à l'annonce de sa grossesse. Gemma étudia attentivement l'expression du visage d'Eugène tandis que celui-ci soulevait la tasse de thé de la table.

« Tu as dû refuser l'invitation parce que tu es au début de ta grossesse »

« Oui, tu as raison »

« J'aurais dû m'en douter. Je pensais que tu avais refusé parce que tu me trouvais mal à l'aise »

« Quoi ? Non, pas du tout »

« Venez me rendre visite la prochaine fois. Vous êtes toujours le bienvenu » dit Eugène avec un sourire.

Gemma, qui était terriblement abattue auparavant, sembla s'être un peu éclaircie à cette occasion. Elle était soulagée de voir qu'Eugène ne semblait pas lui en vouloir. Si elle s'était emportée tout à l'heure, c'était parce qu'Eugène avait l'air plus à l'aise qu'elle.

Elle s'était énervée davantage lorsqu'elle avait eu l'impression d'être la seule à avoir du mal à s'adapter à une vie dans un royaume étranger, alors qu'elle s'attendait à ce qu'Eugène soit dans le même état d'esprit qu'elle.

Bien qu'elle avait utilisé sa grossesse comme excuse, ce n'était pas tout à fait un mensonge après tout. Il était clair qu'elle avait connu des sautes d'humeur dramatiques après sa grossesse. Normalement, elle n'aurait pas fait l'erreur de révéler ses vrais sentiments aux autres.

« En fait, je voulais vraiment y aller. Mais Sa Majesté n'a pas donné son accord »

« Je suis sûr qu'il était préoccupé par la santé de sa belle-fille »

« Oui, je suppose » répondit Gemma assez platement. La réponse quelque peu cynique de Gemma avait amené Eugène à se demander si Gemma n'était pas en mauvais termes avec son beau-père.

Cependant, s'il y avait vraiment un problème entre eux, il ne semblait pas que le Roi d'épée soit entièrement à blâmer. Même si son apparence extérieure douce le démentait, il n'aurait pas révélé une telle facette de lui à la noble Anika, qui avait épousé son fils. D'autant plus que Gemma était désormais porteuse d'une lignée royale.

Bien qu'il ne lui appartenait pas de mettre son nez dans les affaires d'une autre famille, Eugène voulait en savoir plus sur Gemma pour découvrir ce qui préoccupait Anika ainsi que sa vie dans le royaume étranger. Cela l'aiderait grandement à recueillir des informations sur Anikas.

« Mais d'abord, je dois créer une atmosphère favorable pour qu'elle s'ouvre à moi »

Après avoir jeté un coup d'œil aux serviteurs qui se tenaient à proximité, Eugène dit «

Anika Gemma, je suis sûr que tu es bien informée des nouvelles de la Ville Sainte puisque tu as quitté la ville bien plus tard que moi, n'est-ce pas ? »

« Eh bien, je suppose que oui, mais il ne s'est rien passé de spécial après ton départ de la ville. Et je n'ai pas eu de nouvelles depuis que je suis arrivé ici »

« Mais quand même, tu n'étais là que jusqu'à l'année dernière. Je ne demande pas de grandes nouvelles. Je veux juste entendre parler des petites choses, comme ce dont Anikas a parlé lors de la réunion. Je n'ai personne d'autre que toi à qui demander, car ce sont des choses qui ne peuvent être partagées qu'entre Anikas »

La tentative d'Eugène de créer un lien semblait avoir fonctionné, car Gemma répondit avec beaucoup plus d'empressement qu'elle ne s'y attendait. Aussitôt, Gemma demanda aux serviteurs de les laisser pour qu'ils puissent parler en privé.

Au début, Gemma choisit soigneusement ses mots. Mais très vite, elle bavarda presque sans arrêt, tandis qu'Eugène montra son intérêt en réagissant de temps en temps.

Eugène n'avait aucun moyen d'intervenir, car elle avait délibérément l'intention de prendre du recul par rapport à la conversation et d'être plus à l'écoute. Elle était assez satisfaite de la tournure que prenait leur conversation, car Gemma parlait surtout.

« Je suis sûre qu'elle parlera de moi aussi. Anika Cassy a toujours des choses différentes à dire dans le dos des gens. Alors... »

Au bout d'un moment, le bavardage de Gemma s'était transformé en commérage. Il lui fallut un certain temps avant de s'apercevoir qu'elle était tellement absorbée par l'évacuation de ses rancœurs accumulées qu'elle n'en fit qu'une bouchée. Elle se mit à chuchoter et dit « Je me suis peut-être laissée emporter, car cela fait longtemps que je n'ai pas eu quelqu'un à qui parler de le Ville Sainte. Je vous prie de m'excuser si j'ai parlé à tort et à travers »

« Pas du tout, je suis heureuse d'avoir trouvé quelqu'un à qui parler depuis longtemps »

dit Eugène avec un sourire.

Eugène parlait en effet avec son cœur. Bien qu'elle n'appréciait pas spécialement les longues discussions, les ragots de Gemma étaient pour elle une véritable mine d'informations. Les noms et les personnalités de plusieurs Anikas, tirés de ses récits, avaient fortement impressionné la mémoire d'Eugène. Plus encore, elle avait réussi à se faire une idée des réunions sociales des Anikas.

« Elle est tellement adorable et naïve. Je suppose que c'est parce qu'elle est encore jeune »

Gemma n'avait jamais pris la peine d'être calculatrice et rusée. Si Eugène devait parler avec une de ces vieilles dames sournoises, la conversation ne serait que superficielle.

Mais Eugène n'avait pas la moindre idée de l'effort que Gemma avait fait tout au long de la conversation. Gemma voulait à tout prix profiter de l'occasion pour cultiver une amitié avec Anika Jin.

Gemma avait une grande admiration pour Anika Jin. Elle lui enviait son physique, sa position dans la société et sa dignité. Cependant, Gemma savait qu'il était impossible pour une personne issue d'un milieu humble et pauvre comme elle de devenir un jour quelqu'un comme Anika Jin.

En revanche, elle avait de bonnes chances de devenir une Anika Flora, qui pouvait fréquenter toutes sortes d'élites de la société, simplement parce qu'elle était l'amie d'Anika Jin. Elle était plus envieuse de tous les privilèges dont Flora jouit dans la société, plutôt que de sa forte Ramita.

« Alors, qu'est-ce que les gens ont dit de moi après que j'ai quitté la Ville Sainte ? »

Voyant la bouche de Gemma se refermer en un tour de main, Eugène dit d'un ton amical

« Il y a forcément des gens comme Anika Cassy, qui aiment dire des choses différentes par derrière. Je parie que ceux qui étaient prudents avec moi ne se sont plus inquiétés quand je suis parti, n'est-ce pas ? »

Gemma fit un signe de tête à Eugène en guise de réponse. Elle n'avait aucune raison d'éviter le sujet, car elle n'avait jamais osé dire du mal de ces hauts fonctionnaires, qui semblaient vivre dans un monde totalement différent du sien. Gemma n'avait écouté que les ragots sur le départ d'Anika Jin de la Ville Sainte après son mariage avec le Roi du Désert. Gemma pouvait littéralement jurer qu'elle n'y avait pas contribué.

« Je ne demande pas les noms. Je veux juste savoir ce qu'ils ont dit sur moi. Ce sera utile de savoir ce que les gens pensent de moi alors que je visite la ville sainte pour la première fois depuis longtemps. Je n'oublierai pas votre aide »

« Je n'oublierai pas votre aide » Cette dernière phrase avait instantanément fait vibrer le cœur de Gemma. Elle sentait son cœur s'emballer en imaginant la vie de luxe qu'elle mènerait dans la Ville Sainte un jour ou l'autre. Ce fut dans cet état d'esprit qu'elle ouvrit la bouche avec hésitation.

« Les avis les plus répandus étaient qu'ils ne comprenaient pas votre décision. Ils disaient qu'il n'y avait aucune raison pour qu'Anika Jin épouse un roi... humm... à moins que.. »

Gemma regarda rapidement Eugène avant de continuer « Ce n'est pas grave. Raconte-moi tout »

« A moins que la rumeur ne soit vraie... que tu n'aies presque pas de Ramita avec toi »

Tome 1 – Chapitre 227 – Etre l'épouse d'un roi

Contrairement aux attentes de Gemma, Eugène ne perdit pas son calme et écouta en silence. Gemma se sentit moins oppressée au fur et à mesure qu'elle avançait. Elle aussi avait eu des doutes lorsqu'elle avait entendu les rumeurs sur l'incident de l'Alouette.

Mais à présent, elle était convaincue qu'il ne s'agissait que d'une rumeur sans fondement. Si Anika Jin n'avait pas de Ramita avec elle, comme la rumeur le laissait entendre, elle n'aurait pas réagi avec un tel air de nonchalance.

« Comme vous le savez, les Anikas dotées d'une forte Ramita ne peuvent pas épouser un roi. C'est pourquoi certains disaient que Sa Sainteté n'avait plus d'espoir en vous »

Cela rappela à Eugène la remarque précédente de Gemma qui avait dit qu'elle était en position de devoir porter un enfant du roi. Il y avait un lien entre ce que Gemma venait de dire et l'amertume qu'elle avait ressentie dans la remarque précédente de Gemma.

Sont-elles réticentes à l'idée d'épouser un roi ? Mais pourquoi ?

Le fait de devoir quitter la Ville Sainte pour un royaume lointain n'était pas une explication suffisante. N'est-ce pas un grand honneur d'épouser l'un des rois parmi les six qui existent dans le monde entier, et de voir leur enfant monter sur le trône à l'avenir ?

Pourquoi est-il impossible pour une Anika dotée d'une forte Ramita d'épouser un roi ?

Qui a édicté une telle loi ? Serait-ce Sang-je ? Et les rois sont-ils au courant ?

« Et toi, Anika Gemma ? Tu as épousé un prince qui montera sur le trône à l'avenir. Et tu es aussi enceinte de lui »

« ...Je ne suis pas sûre »

Après un moment de silence, Gemma murmura d'un air triste « Mais je suis sûre d'une chose. Vous êtes en route pour la Ville Sainte, car vous avez été convoqué par Sa Sainteté elle-même. Cela implique clairement que Sa Sainteté ne vous a pas encore abandonné, contrairement à moi »

« Sa Sainteté tient à chaque Anikas »

« Mais je suis l'une des moins favorisées car je viens d'un milieu modeste et ma Ramita innée est relativement faible. C'est la raison pour laquelle j'ai été choisie »

« Sa Sainteté vous a demandé d'épouser le prince du royaume de Slan ? »

« Bien sûr. Je n'ai aucune raison d'être ici si ce n'est par la volonté de Sa Sainteté » dit Gemma comme si elle énonçait une évidence.

Eugène se rendit compte qu'il y avait un secret qui n'était partagé qu'entre Sang-je et Anikas concernant leur mariage avec le roi.

Il faut que je découvre ce qu'il en est.

« Pas dans mon cas, car c'est moi qui ai insisté pour épouser le Roi du Désert »

Les yeux de Gemma s'écarquillèrent sous le choc, car c'était une sacrée nouvelle pour elle.

« Alors, tu es d'accord avec ça ? »

« D'accord avec quoi ? »

« Eh bien, comme je suis mariée à un prince, ce n'est pas insupportable, mais... je trouve toujours cela inconfortable. J'étais si heureuse d'être enceinte avant que mon mari ne soit couronné roi »

Kasser lui avait déjà dit quelque chose de similaire à ce que Gemma venait de dire.

Cependant, elle n'y avait pas vraiment réfléchi auparavant.

« Qu'est-ce que tu veux dire par 'inconfortable' ? »

« C'est difficile à exprimer avec des mots, mais... c'est suffisant pour me donner la chair de poule. On m'a dit que certaines Anika pouvaient le sentir rien qu'en les côtoyant.

Mais je suppose que je ne suis pas sensible à ce point »

Hésitante, Gemma poursuit « C'est le plus difficile à supporter pendant les... rapports sexuels. Cependant, Sa Sainteté m'a déjà dit qu'il n'y avait rien à faire, car cela résulte du conflit entre nos deux énergies. Et pourtant, cela ne vous dérange pas ? »

« Je vais vraiment bien, en fait. En fait, je n'arrive pas à imaginer quel genre de sentiment c'est, malgré vos explications »

Bien que cela n'apparaissait pas sur son visage, Gemma se demandait intérieurement si la rumeur concernant la faiblesse du Ramita d'Anika Jin était vraie. Il était possible que le Ramita de Jin n'entrait pas en conflit avec l'énergie du roi s'il était considérablement faible. Mais si c'était vrai, elle se demandait ce qu'il adviendrait de la rumeur concernant l'incident de l'Alouette. Cependant, il y avait autre chose qu'elle était très curieuse de découvrir.

« Pourquoi... avez-vous insisté pour épouser un roi ? »

« Eh bien, j'aime quelqu'un de beau » Eugène sourit en répondant. Puis à Gemma, qui essayait de masquer sa perplexité par un sourire, elle dit « Mais Sa Sainteté a dû être contrariée par mon insistance car il ne m'a rien dit quand je lui ai demandé la

permission. Je me demandais donc si vous pouviez me dire ce que Sa Sainteté vous a dit lorsque vous vous êtes mariés »

******************************

Le soleil était encore loin d'être levé lorsque Kasser fut tiré de son sommeil au milieu de la matinée. Les yeux fermés, il écouta attentivement le son qui l'avait réveillé. En peu de temps, l'appel d'un gardien se fit entendre de l'extérieur, à travers la porte.

Ce n'était qu'un faible murmure, contrairement à son intention de réveiller quelqu'un à cette heure-ci. Cependant, il semblait que c'était juste assez pour réveiller le roi qui avait des sens aiguisés.

D'ailleurs, il était sage de sa part de ne pas ouvrir la porte sans permission. Kasser était toujours sous tension, car il était resté vigilant tout au long du voyage pour assurer la sécurité d'Eugène sur la route. Par conséquent, Praz était également en état d'alerte. Si le serviteur avait ouvert la porte, Praz l'aurait instinctivement perçu comme un intrus et aurait immédiatement lancé une attaque.

Kasser détendit son bras qui était étroitement enroulé autour du corps d'Eugène. Puis il retira doucement son bras avec beaucoup de précautions pour ne pas la réveiller. À son grand soulagement, Eugène dormait profondément, sa poitrine se soulevant et s'abaissant de manière ordonnée tandis que Kasser plaçait sa tête sur un oreiller.

Je me demande si elle pourra partir demain matin.

Leur banquet de bienvenue ne s'était terminé que bien après minuit. Elle devait être d'autant plus fatiguée qu'elle avait aussi bu quelques verres de vin.

À l'origine, Kasser avait l'intention de ne rester que quelques instants pour la forme.

Cependant, il ne put se résoudre à lui dire qu'il voulait partir, car elle semblait passer un bon moment. Kasser rit involontairement en se souvenant d'Eugène, qui ne pouvait pas cacher son excitation malgré tous ses efforts pour ne pas la laisser transparaître sur son visage.

Kasser balaya tendrement de la main les mèches de cheveux qui s'étaient détachées du front de la jeune femme. Il déposa un léger baiser sur la peau exposée de la jeune femme avant de se lever et de quitter le lit.

Lorsqu'il ouvrit la porte, le serviteur, qui l'avait appelé depuis le début, s'inclina rapidement devant lui.

« De quoi s'agit-il ? »

« Votre Majesté, il y a un messager du Roi d'épée. Sa Grâce souhaite s'entretenir avec vous en privé avant le lever du soleil, car il y a quelque chose qu'il doit vous dire de toute urgence. Il a dit que vous comprendriez quand on vous dira qu'un vieux souvenir lui est revenu en mémoire »

Les yeux de Kasser s'assombrirent en entendant cela.

« ...D'accord. Je vais aller le voir tout de suite »

Après s'être habillé correctement, il suivit rapidement le messager dans le couloir sombre où on l'escorta jusqu'à l'endroit où le Roi de l'Épée l'attendait.

Les invités d'honneur du royaume de Slan étaient partis tôt le lendemain matin de leur visite. Gemma, qui était sortie pour les voir partir, regardait tranquillement les carrosses qui disparaissaient lentement de sa vue.

Il était encore tôt pour Gemma. Depuis quelque temps, elle hésitait de plus en plus à quitter son lit le matin, en raison de sa grossesse. De plus, elle s'était couchée bien après l'heure prévue hier soir, le banquet s'étant terminé à une heure très tardive. Cependant, elle se sentait étrangement fraîche malgré la fatigue due à son manque de sommeil.

Gemma avait l'impression d'avoir fait le rêve le plus fou de sa vie la nuit dernière. En fait, au lieu d'un cauchemar, c'était peut-être le rêve le plus agréable qu'elle avait jamais fait. Elle n'arrivait pas à calmer son excitation, car elle se souvenait encore très bien du banquet d'hier. De tous les banquets auxquels elle avait participé après être devenue princesse, elle ne s'était jamais autant amusée qu'hier.

Bien qu'elle soit née Anika, Gemma ne s'était jamais considérée comme quelqu'un de spécial. Elle avait toujours eu l'impression d'être une moins que rien par rapport aux autres Anikas qu'elle rencontrait dans les rassemblements, car elle se disait qu'elle n'était ni belle, ni issue d'une famille prestigieuse et qu'elle n'avait pas non plus un niveau de Ramita élevé comme les autres. Gemma se désespérait encore plus lorsqu'elle dut quitter la ville sainte, car elle avait été choisie pour épouser un roi et donner naissance à un héritier pour leur royaume.

Aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours pensé qu'elle n'était qu'une figurante dans la vie des autres. Cependant, pour la première fois de sa vie, elle avait presque eu l'impression d'être un personnage principal lors du banquet d'hier.

Anika Jin...

Gemma était confuse, car il y avait clairement quelque chose de différent chez Jin hier, par rapport à la dernière fois qu'elle l'avait vue dans l'une de leurs réunions.

Pour Gemma, Jin était quelqu'un qui vivait dans un monde complètement différent du sien, car elle semblait rayonner par sa simple existence.

Par conséquent, Gemma avait certainement supposé que Jin balaierait le banquet, car il avait été spécialement organisé pour saluer sa visite dans le royaume. Cependant, Jin ne quitta jamais Gemma pendant toute la durée du banquet, se tenant à l'écart de la foule.

Bientôt, les gens s'amassèrent autour d'elles comme des nuages, car Jin ne se permettait de se présenter aux autres que par l'intermédiaire de Gemma. Et chaque fois que la conversation semblait s'éterniser, Jin engageait Gemma dans la conversation pour qu'elle ne se sente pas exclue. Les deux Anikas devaient avoir l'air de s'entendre comme larrons en foire aux yeux des gens, alors qu'elles se promenaient ensemble dans la salle de banquet, tout au long de la nuit.

Grâce à Jin, Gemma avait l'impression que les nobles commençaient à la voir sous un nouveau jour. Cela la rendait fière et plus tard, elle riait même à gorge déployée, sans être consciente de son environnement, pour la première fois de sa vie.

Peut-être que j'ai été trop gênée pendant tout ce temps.

Peut-être que les nobles ne l'avaient jamais regardée de haut, après tout. Elle avait dû se tourmenter en vain pendant tout ce temps en pensant qu'elle serait certainement calomniée ou raillée par les nobles pour sa négligence, car elle n'était pas habituée aux coutumes sociales ou à l'étiquette de la cour du royaume. Pourtant, elle n'avait jamais été maltraitée par aucun d'entre eux, maintenant qu'elle y repensait Gemma n'avait jamais su comment devenir le centre de l'attention, car elle n'avait jamais été une meneuse dans sa vie. Mais hier, quelque chose la frappa finalement. Elle se rendit compte que tout ce dont elle avait besoin, c'était d'avoir plus confiance en elle.

C'est son état d'esprit qui l'empêchait d'avancer.

« Princesse, allons à l'intérieur »

Gemma tourna la tête vers le son et regarda son mari.

« Tu dois te sentir fatigué, n'est-ce pas ? Je crains que tu ne tombes malade car tu as l'air de t'être surmené. Rentrons à l'intérieur et reposons-nous un peu »

Alors qu'elle contemplait les cheveux grisonnants symboliques, qui représentaient la royauté du Royaume de Slan, elle se souvint des mots qu'Anika Jin lui avait dit hier.

[Se marier avec l'une des personnes spéciales, les six seules qui existent dans le monde entier. N'est-ce pas fascinant ?]

Gemma vit clairement la sincérité dans les traits de Jin lorsqu'elle dit cela.

[Mon enfant deviendra un roi dans le futur. Et son enfant aussi. En fait, cela signifie que ma lignée sera transmise de génération en génération. Nous entrons dans l'histoire].

Gemma était vraiment étonnée, car une telle pensée ne lui avait jamais traversé l'esprit auparavant.

Cependant, si les mêmes mots étaient sortis de la bouche d'une autre Anika, qui était dans la même position qu'elle, au lieu de Jin, cela n'aurait sonné que comme une sorte de confort personnel aux oreilles de Gemma. Il était beaucoup plus convaincant de l'entendre de la bouche de Jin elle-même, qui avait choisi d'être mariée à un roi, même si elle était tout à fait capable d'avoir n'importe quel homme, si seulement elle le voulait.

Le roi du désert était en effet l'homme que Jin avait choisi pour elle.

[Essayez de regarder autour de vous. Vous ne trouverez certainement pas d'homme ayant de meilleures conditions que les rois, où que ce soit dans le monde. Aucun homme de la Ville sainte n'est à ma hauteur].

Elle avait raison, en effet. Gemma murmura son accord. Il n'était pas difficile de s'en rendre compte rien qu'en regardant les nobles.

Elle se souvint que son mari s'était distingué parmi tous les nobles au banquet d'hier.

Une chose qu'elle n'avait pas remarquée depuis le début, trop occupée par la répulsion qu'elle éprouvait pour lui, et qu'elle avait volontairement ignorée.

« Y a-t-il un problème ? »

Conscient de la longueur inhabituelle du regard de Gemma, le prince demanda. En regardant le visage innocent de son mari, Gemma eut l'impression qu'une culpabilité soudaine s'emparait d'elle. Bien que leur mariage ne soit pas le fruit de l'amour, son mari avait toujours essayé de faire en sorte qu'elle se sente à l'aise dans le royaume.

C'était elle qui avait essayé de l'évincer en persistant dans son attitude distante malgré tous ses efforts.

Gemma, qui comptait sur le jour où elle pourrait enfin retourner à la Ville Sainte après avoir donné naissance à un enfant, changea soudainement d'avis après avoir pris connaissance de la remarque de Jin. Il était très facile pour elle d'abandonner son plan initial, car elle n'appartenait pas à la Ville Sainte.

Vivre dans le royaume tout en élevant son enfant, qui monterait sur le trône à l'avenir, ne semblait pas être une mauvaise idée après tout. Même si elle ne serait considérée que comme l'une des nombreuses Anikas de la Ville Sainte, elle deviendrait la seule et unique reine du royaume si elle restait.

« Tu es occupé aujourd'hui ? » demanda-t-elle à son mari.

« Pardon ? Umm, non. Pas du tout » Le prince parut troublé, surpris par la question soudaine de sa femme.

« Alors pourriez-vous me recommander quelques lectures légères ? Quelque chose de bon pour l'éducation prénatale serait l'idéal »

Sans entendre de réponse, Gemma fit rapidement volte-face et s'éloigna à pas pressés.

Son visage rougit, car elle embarrassa par sa propre remarque.

Après avoir regardé le dos de sa femme d'un air perplexe, le prince la suivit rapidement, un léger sourire aux lèvres.

Ps de Ciriolla : t'inquiète pas Gemma, Eugène est plus que d'accord avec ' ça '.....

Tome 1 – Chapitre 228 – Un sacrifice sacré

Eugène essayait de se rappeler tout ce que Gemma lui avait dit hier, car elle n'avait pas eu le temps d'y réfléchir seule. Mais comme il restait encore quelques jours de marche avant qu'ils n'atteignent enfin la Ville Sainte, elle aurait largement le temps de mettre de l'ordre dans ses idées.

Eugène était heureuse qu'ils se soient arrêtés au Royaume des Slan, car elle avait eu l'occasion de découvrir des informations exclusives lors de sa rencontre avec Anika Gemma.

Alors, il est courant que les reines passent plus de la moitié de l'année dans la Ville Sainte ?

[Au début, je ferai probablement des allers-retours entre la ville et le royaume. Mais un jour, lorsque l'enfant sera prêt à monter sur le trône, je m'installerai définitivement dans la Ville Sainte] lui avait dit Gemma, comme s'il était naturel qu'elle parte pour la Ville Sainte après avoir donné naissance à l'enfant.

Il n'y avait rien d'inhabituel à ce que les rois se rendèrent régulièrement dans la ville sainte. Certains rois passaient même toute la saison sèche dans la Ville sainte. Le Roi du Désert était une rare exception, car il ne semblait jamais quitter son royaume sans raison particulière.

Tous les rois retournaient dans leur royaume avant le début de la période active. Mais contrairement aux rois, les reines restaient pratiquement à l'écart du royaume, quelle que fut la saison, d'après ce qu'avait dit Gemma.

Mais Marianne ne m'avait jamais parlé de cela auparavant.

Marianne ne devait pas avoir envie de lui parler de ces conventions des reines. D'une certaine manière, elle avait l'impression de pouvoir comprendre Marianne, qui aurait voulu garder le secret tant qu'on ne lui posait pas la question.

Eugène se souvint alors de la mère de Kasser, connue pour séjourner dans la Ville Sainte.

Comme on m'avait dit qu'il y a longtemps que l'ancienne reine n'était plus présente dans le royaume de Hashi, elle avait dû quitter le royaume avant même que son fils ne monte sur le trône. Elle devait avoir ses raisons de partir. Quoi qu'il en soit, il semblait que toutes les reines reviendront un jour dans la Ville Sainte.

Il était dommage qu'elle n'avait pas pu interroger davantage Gemma pour obtenir plus de réponses à ses questions. Eugène avait pris soin de ne pas éveiller les soupçons de Gemma, craignant qu'elle ne lança une rumeur qui parviendrait aux oreilles de Sang-je.

Il y avait encore deux choses sur lesquelles Eugène n'arrivait pas à mettre le doigt.

Tout d'abord, le conflit entre les deux énergies.

Malaise ?

D'après Gemma, chaque Anika était censée ressentir une sorte de répulsion en présence de son roi de mari. C'était la raison pour laquelle une Anika, qui possédait un Ramita puissant, ne pouvait pas épouser un roi. Plus le Ramita était fort, plus il entrait en conflit avec l'énergie du roi.

Cependant, Eugène n'arrivait toujours pas à comprendre de quel genre de répulsion Gemma parlait.

Le Praz qu'il possède était très fort. Et ma Ramita aussi. Alors, comment se fait-il que nos énergies n'entraient pas en conflit l'une avec l'autre ? Serait-ce parce que je ne suis pas le propriétaire légitime de ce corps ?

Le conflit entre le Praz d'un roi et le Ramita d'une Anika contredisait ce qu'Aldrit leur avait dit auparavant.

Seuls les Anikas pouvaient porter l'enfant d'un roi. Si c'était le cas, comment se faisait-il que leurs énergies s'opposaient l'une à l'autre ? Il fallait qu'ils soient intimes pour qu'Anika tombe enceinte. Cela ne collait pas.

Mais ce qui l'avait le plus troublée, c'était la déclaration de Gemma, qui avait dit à Eugène qu'elle avait clairement ressenti la répulsion elle-même. Elle n'avait pas l'air de se tromper, car sa description de la façon dont cela lui donnait la chair de poule était assez précise.

Deuxièmement, c'était la façon dont Gemma percevait le mariage avec le roi comme une sorte de sacrifice.

D'une certaine manière, Gemma considérait sa grossesse comme si elle portait un

'héritier' du royaume au lieu de penser à devenir la mère de son propre 'enfant'. Elle considérait sa grossesse comme un sacrifice de soi plutôt que comme une bénédiction.

[Je serai probablement ruinée après avoir donné naissance à ce bébé.] dit Gemma en entourant son ventre de ses mains.

[....ruinée ? Eh bien, accoucher d'un bébé ne sera pas facile, c'est sûr, mais...].

[Je serai littéralement ruinée. Penser à porter un Praz qui risque d'entrer en conflit avec ma Ramita pendant presque dix mois entiers. Il y a une petite chance que mon corps ne soit pas ruiné. J'ai entendu dire que l'on souffrait de toutes sortes de séquelles après l'accouchement].

Bien qu'Eugène pensait en son for intérieur que les séquelles étaient inévitables pour toutes les femmes après un accouchement, elle s'était tue car elle n'était pas sûre de l'intensité des séquelles qu'Anikas subirait après l'accouchement.

[Sa Sainteté m'a dit que je pourrais retourner dans la ville sainte une fois que j'aurais accouché. Il m'a également promis que je recevrais une récompense suffisante pour compenser mon sacrifice sacré mais douloureux].

Les remarques ingénieuses de Sang-je avaient quelque chose d'étrange.

Est-ce que je suis paranoïaque, ou est-ce qu'on dirait qu'il veut vraiment qu'elle revienne dans la Ville Sainte ?

La façon dont Gemma décrivait sa grossesse comme un sacrifice sacré mais douloureux était tout aussi ambiguë. Même si ce n'était pas tout à fait faux, cela ne sonnait pas tout à fait juste. On aurait dit que le bonheur d'Anika au cours du mariage et de la grossesse était totalement ignoré, alors qu'il n'était décrit que comme une tâche douloureuse dont les Anikas souhaitaient désespérément se libérer.

À bien y penser, il n'y avait pas d'autre moyen pour Anika de quitter la ville sainte que de se marier avec le roi.

Sang-je semblait s'assurer que même l'Anika mariée reviendrait à la ville à la fin. C'était presque comme s'il ne permettait à aucune Anika de quitter la ville en dehors de son contrôle !

Sang-je... plus j'en apprends sur lui, plus je le trouve rusé. En fait, ce n’étaient pas les Anikas qui devraient se sentir obligés par lui, car il semblait plutôt que Sang-je était celui qui était obsédé par elle

Eugène se préparait à sa rencontre avec Sang-je, car elle se rendit compte qu'elle ne devait pas baisser sa garde en sa présence.

Je me demande si Gemma se sent bien aujourd'hui. Elle doit être épuisée car je l'ai traînée pendant tout le banquet hier. J'ai entendu dire qu'il fallait être très prudent au début de la grossesse.

Comme le banquet d'hier était la première réunion sociale à laquelle elle participait, Eugène avait pratiquement utilisé Gemma comme bouclier et ne l'avait pas quittée de la soirée, car elle se sentait très nerveuse. Bien que Gemma ne semblait pas avoir forcé un sourire sur son visage, il n'y avait aucun moyen de savoir ce qu'elle ressentait vraiment.

Elle ne semblait pas être une mauvaise personne dans l'ensemble, car elle avait l'air d'avoir bon caractère.

Eugène se demanda si elle ne devrait pas s'arrêter à nouveau au royaume de Slan sur le chemin du royaume de Hashi, juste pour donner des nouvelles de la Ville Sainte à Gemma. À ce moment-là, elle se dit qu'elle pourra peut être voir le bébé de Gemma.

« Ah... »

La période mensuelle d'Eugène venait de se terminer il y avait peu de temps. Cependant, elle s'était rendu compte qu'elle avait ressenti quelque chose d'inhabituel lorsque ses règles avaient commencé ce mois-ci.

Jusqu'au mois dernier, elle était plutôt soulagée d'apprendre qu'elle avait ses règles.

Mais cette fois-ci, elle était consternée.

Eugène se caressa soigneusement le ventre avec la main. La simple idée que leur bébé grandit en elle suffisait à faire palpiter son cœur.

Bien qu'elle ne puisse pas dire qu'elle était prête à devenir mère d'un enfant, elle savait qu'elle était plus que prête à accueillir le bébé si jamais elle tombait enceinte. Eugene sourit béatement en imaginant l'image d'un garçon qui aurait très probablement les yeux et les cheveux bleus, à l'image de son père.

Ce faisant, elle fut abasourdie par son changement d'état d'esprit. Elle ne souhaitait plus simplement survivre dans ce monde. Au contraire, elle voulait vraiment devenir un membre à part entière de la société et vivre en élevant un enfant dans ce même monde.

****************************

En s'éloignant du centre de la ville sainte, on découvrait une vieille rue construite il y a bien longtemps. D'un point de vue positif, on pourrait considérer cette rue comme chargée d'histoire et de traditions. Mais à vrai dire, ce n'était rien d'autre qu'un endroit stagnant qui avait été oublié depuis longtemps par la plupart des gens.

La plupart des gens qui y vivaient étaient pauvres et peu d'entre eux semblaient avoir fait des études. Ceux qui étaient nés et avaient grandi ici vivaient et mouraient sans jamais quitter la rue.

C'était dans cette rue qu'un étranger surgit de nulle part. Alors qu'il commençait à fouiner dans les environs, tous les habitants avaient les yeux rivés sur cet étrange visiteur.

« Je suis ici pour chercher ma tante qui vivait dans les environs. Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m'aider »

Mais alors que l'homme le saluait aimablement en lui offrant quelques petits cadeaux, les habitants avaient rapidement baissé leur garde autour de lui. D'autant plus que les habitants se étaient ensuite empressés de divulguer toutes les informations dont ils disposaient, car l'homme avait payé pour obtenir toutes sortes d'informations qu'il pouvait recueillir.

L'homme avait complimenté un vieil homme qui affirmait avoir vécu toute sa vie dans cette rue, après lui avoir posé quelques questions.

« Je suis vraiment étonné par votre bonne mémoire »

« Les gens m'ont considéré comme un prodige quand j'étais très jeune »

« Alors je suppose que vous devez vous souvenir même des événements qui se sont produits il y a très longtemps ? »

« Bien sûr, je m'en souviens. Demandez-moi n'importe quoi. Il n'y a rien que je ne sache pas »

« Alors, sais-tu quelque chose à propos d'un incident concernant Anika, qui a mis toute la ville sainte sens dessus dessous il y a une vingtaine d'années ? »

Tome 1 – Chapitre 229 – Les Arse

Le vieil homme tressaillit à l'évocation du mot 'Anika' et ferma la bouche. En tant que citoyen de la Ville Sainte, le sujet concernant Sang-je était considéré comme un tabou. Il était strictement interdit de critiquer ou de condamner Sang-je, qui servait la volonté de Dieu, quelles qu’étaient les circonstances. Il en allait de même pour Anika, car leur présence était considérée comme liée à la volonté du dieu.

« Pourquoi demandez-vous une telle chose ? »

« Je crois vous avoir dit que ma tante vivait quelque part près d'ici, à cette époque précise. Et j'ai entendu dire en passant qu'un incident concernant Anika, qui avait causé tout un émoi, avait eu lieu à peu près à la même époque. Je me demandais donc si cela pourrait m'aider à retrouver ma tante »

L'homme avait sournoisement convaincu le vieil homme avec ses mots habiles et avait réussi à apaiser sa vigilance. Le vieil homme ouvrit à nouveau la bouche à contrecœur lorsque l'homme lui proposa une belle somme d'argent.

« Voyons voir. Vingt ans en arrière ? Umm... alors il ne devrait y avoir rien d'autre que cet incident. La naissance de deux Anikas »

« Je crois que c'est quelque chose qui s'est passé quelques années après la naissance des deux Anikas »

« Quelques années après... »

Après un moment de contemplation, le vieil homme se dit à voix basse « Serait-ce donc à ce sujet ? »

« Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé ? D'après ce que j'ai entendu, on m'a dit que l'incident avait fait grand bruit dans la ville »

« Umm, vous avez raison en effet. Toute la ville sainte a été pratiquement mise sens dessus dessous lorsque quelqu'un ou une bande de fous a kidnappé deux Anikas »

« Vraiment ? Tous les deux ? »

« Je ne me souviens plus très bien si c'était les deux ou seulement l'un d'entre eux. Quoi qu'il en soit, cela a certainement causé une certaine agitation, car les chevaliers avaient commencé à chercher les kidnappeurs dans toute la ville. Ils sont même allés jusqu'à fouiller tous les coins et recoins de la rue »

« Alors, les Anikas kidnappées sont-ils rentrés saines et sauves chez elles ? »

« Je parie que oui. Sinon, elles ne seraient plus en vie à l'heure qu'il est. Je n'ai jamais entendu dire que l'une d'entre elle était morte après cela.'

Le vieil homme ne semblait pas connaître beaucoup de détails. Cependant, avec toutes les pistes qu'il avait recueillies jusqu'à présent, l'homme avait maintenant une meilleure idée de la façon dont il allait enquêter sur l'incident en question.

L'homme était en effet l'informateur engagé par Rodrigo. Il commença à mener une enquête secrète en voyageant d'un endroit à l'autre, tout en étant terriblement prudent pour ne pas éveiller les soupçons.

*************************

Comme tous les citoyens de la Ville Sainte étaient considérés comme égaux devant la loi et Sang-je, il n'y avait pas de titres spécifiques qui insinuaient la hiérarchie de la société, tels que les roturiers et les nobles.

De plus, chaque famille renommée avait une caractéristique commune, car Anika avait de grandes chances de naître en tant que descendante en ligne directe de ces familles.

C'était pourquoi les habitants de la Ville Sainte ne considéraient que ces familles comme les véritables sangs bleus de la société.

Il ne faisait aucun doute que la famille Arse était la plus sophistiquée des familles de sang bleu de la Ville Sainte. Les Arses étaient connus pour leurs grands talents artistiques. De nombreux artistes et romanciers ayant influencé les générations de leur époque étaient pour la plupart issus de la famille Arse.

Les réalisations remarquables des Arses constituaient l'une des plus grandes gloires des citoyens de la ville sainte. De plus, les Arses étaient également connus pour leur générosité, car faire don de leurs richesses à la société était l'une de leurs nobles traditions familiales, ce qui leur valait naturellement toute l'admiration et le respect du peuple.

De plus, cette famille avait encore gagné en réputation depuis la naissance d'Anika, il y a environ vingt-trois ans.

C'était au moment où tout le monde s'inquiétait de ne pas avoir eu une seule naissance d'Anika pendant dix ans qu'une naissance sans précédent de deux Anikas se produisit la même année, le même jour.

Une telle coïncidence devint rapidement le sujet de conversation de toute la ville, d'autant plus que le contraste entre les deux naissances était spectaculaire. Alors que l'une d'entre elles était issue d'une famille modeste, l'autre était en effet la fille d'un seigneur issu des familles les plus prestigieuses de la ville sainte.

Jusque-là, tout le monde sympathisait avec Flora. Si Flora avait été la seule Anika à naître ce jour-là, elle aurait reçu toute l'attention et l'amour de tout le monde, comme n'importe quelle autre Anika. Cependant, à cause d'Anika Jin, qui était née avec une cuillère d'argent dans la bouche le même jour que Flora, les gens avaient pitié de Flora,

car elle devait être comparée à Jin dans tous les domaines au fur et à mesure qu'elles grandissaient.

En vérité, Anika Flora semblait avoir toujours pâli en comparaison d'Anika Jin pendant leur enfance. Cependant, ce qui intéressait vraiment tout le monde, c'était leur Ramita.

Et cefut lorsque Flora et Jin eurent atteint l'âge adulte qu'un résultat inattendu vint tout changer.

Le Ramita d'Anika Flora était considéré comme supérieur à celui d'Anika Roxy, qui était connue pour posséder le Ramita le plus fort de l'histoire. Une fois cela connu du public, tout le monde s'était mis à applaudir Anika Flora.

Personne dans la ville ne semblait s'intéresser à Jin, qui avait disparu depuis longtemps, depuis qu'elle avait quitté la Ville Sainte après avoir épousé un roi. Tout le monde s'était dit que Flora avait fermement établi une suprématie totale sur Jin en ce qui concernait le niveau de leur Ramita.

Mais dernièrement, une étrange rumeur concernant Anika Jin avait commencé à se répandre dans la Ville Sainte.

Enoch, l'héritier de la famille Arses, venait de rentrer, déprimé pour une raison quelconque. Aujourd'hui, il avait entendu parler d'une étrange rumeur concernant sa propre petite sœur. Il était plutôt contrarié par le fait qu'il avait appris tardivement cette rumeur répandue et qu'il n'avait aucune idée de l'authenticité d'une telle rumeur qui concernait sa seule et unique sœur.

L'arbre à l’Alouette ?

Il se demandait si la rumeur était vraie. Cependant, il n'était pas sûr que Jin possèdait suffisamment de Ramita pour que la rumeur soit vraie.

Il était au courant de la rumeur selon laquelle Jin n'était pas doué de Ramita. Mais il n'avait jamais su si ces rumeurs étaient fondées, car il n'avait jamais interrogé Jin à ce sujet.

Cependant, il avait l'intuition que quelque chose n'allait pas. Alors qu'il était courant qu'Anika fasse un rêve lucide vers l'âge de dix ans, Jin n'avait fait son premier rêve lucide et n'était allée voir Sang-je qu'à l'âge de quatorze ans.

Enoch, cependant, ne s'inquiétait pas beaucoup à ce sujet, car il savait que Jin serait toujours sa sœur, quel que fut le niveau de sa Ramita. Ce qui l'inquiétait vraiment, c'était ceux qui parlaient sans réfléchir par derrière, car il méprisait ceux qui ne faisaient pas attention à ce qu'ils disaient simplement parce que cela ne les regardait pas.

Une fois, Enoch avait frappé quelqu'un en plein visage, parce qu'il avait entendu l'homme affirmer sans ambages que c'était l'erreur du dieu d'avoir fait naître deux Anikas le même jour, et aussi que seule Anika Flora était la vraie Anika parmi les deux.

Pendant qu'il se changeait, Enoch fronça les sourcils en entendant le rapport de son serviteur qui s'occupait de lui à ses côtés.

« Un chevalier vient de passer ? »

« Oui, jeune maître »

La rumeur qu'il avait entendue aujourd'hui lui traversa l'esprit et il soupçonna que la visite soudaine du chevalier devait avoir un rapport avec la rumeur qui entourait sa sœur. Enoch se demandait ce qu'ils faisaient, car les chevaliers leur avaient rarement rendu visite depuis que Jin avait quitté la ville sainte.

Enoch se rendit directement au bureau de son père et frappa à la porte.

« Père »

« Entrez »

Enoch prit la parole dès qu'il vit son père, qui était assis à son bureau dans la pièce «

Père, on vient de m'informer que le chevalier est passé »

Patrick, seigneur des Arses, père de ses trois enfants et propriétaire d'une entreprise de tourbe, répondit comme s'il s'était attendu à la question d'Enoch.

« Jin arrive »

« ...Quelle pourrait être l'occasion ? »

« Il semble qu'elle ait été convoquée par Sa Sainteté »

« Quand pouvons-nous l'attendre ? »

« Dans quelques jours peut-être »

Enoch avait alors ricané d'un air dédaigneux « Comme ils ont été rapides à nous le faire savoir »

Mais comme le visage de son père trahissait sa perplexité, Enoch demanda prudemment en étudiant son visage « A tout hasard... Jin vous a-t-il informé de sa venue ? »

Patrick secoua la tête en guise de réponse. Pour cacher sa déception, Enoch changea rapidement de sujet de conversation

« J'ai entendu parler d'une étrange rumeur aujourd'hui. Je suppose que c'est la raison pour laquelle Jin a été convoqué par Sa Sainteté »

À la surprise d'Enoch, son père n'avait pas l'air perturbé du tout et avait seulement répondu calmement « Je le pense aussi »

« Alors, tu étais au courant de la rumeur depuis le début ? Quand l'as-tu découvert ? »

« Cela fait quelques jours »

« Si tu savais, pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? »

« Eh bien, je n'en voyais pas l'utilité. Surtout que nous ne pouvions pas être sûrs que la rumeur était fondée »

Le père et le fils étaient alors restés silencieux avec un regard plutôt lourd.

Cela faisait trois ans que leur cœur avait été brisé par le mariage soudain de Jin. Jin les avait simplement informés d'une décision aussi importante après sa discussion avec Sang-je, sans consulter sa famille. Ce fut à ce moment-là qu'Enoch avait vu son père, qui avait toujours eu un faible pour sa fille, perdre son sang-froid.

Enoch ne comprenait toujours pas pourquoi Jin avait pris une telle décision dans le passé. Leurs parents n'avaient jamais été très sévères. Et en ce qui le concernait, ils pouvaient toujours dire ouvertement ce qu'ils pensaient à leurs parents, car c'était l'une de leurs coutumes familiales. Et si Jin avait seulement demandé leur bénédiction pour qu'elle épouse quelqu'un qu'elle aimait, ils auraient volontiers donné leur accord.

Cependant, Jin venait de quitter la Ville Sainte car elle insistait obstinément pour épouser le Roi du Désert, qu'elle n'avait rencontré que quelques fois, sans leur donner d'explications raisonnables ni se réconcilier avec sa famille avant de partir. Tous les membres de la famille étaient restés abasourdis après son départ soudain. Enoch s'était senti trahi par Jin lorsque la lettre de son père, que ce dernier avait écrite pour tenter de faire la paix avec elle, avait été renvoyée du royaume sans réponse. Depuis, ils n'avaient eu de ses nouvelles que par l'intermédiaire de Sang-je, occasionnellement.

[Je suppose qu'elle est plus une Anika Jin maintenant... qu'elle n'est ma fille.]

Enoch se sentait mal lorsqu'il se souvenait de l'air triste de son père lorsqu'il disait cela.

Patrick murmura amèrement « C'est de ma faute. Je suppose que je n'ai jamais été un bon père pour elle »

« Tu as fait de ton mieux. En fait, vous l'avez peut-être trop choyée »

« Vous pensez que c'est peut-être ça le problème ? J'aurais dû me rendre compte plus tôt que la punition est aussi nécessaire que l'amour, comme la façon dont je vous ai traités, toi et Matthew. Je l'ai peut-être trop gâtée, car j'ai toujours pensé que je devais remplacer ta mère »

« Mère.. » Enoch poursuivit après avoir poussé un profond soupir, ressentant une soudaine poussée de colère « Qu'est-ce que Jin a bien pu faire pour que maman la déteste ? »

Cependant, le système hiérarchique prévalait toujours dans la Ville Sainte. Ainsi, ceux qui étaient riches, ainsi que ceux qui avaient un grand pouvoir d'influence dans la société, avaient créé un cercle social qui était strictement limité à leur propre genre. Et parmi tous les membres privilégiés de ce cercle, seule une poignée d'entre eux provenait des familles prestigieuses de la Ville Sainte.

Ces familles étaient connues pour leur riche histoire et leur nom même impliquait leur position prédominante dans la ville sainte.

Par exemple, parmi tous les érudits qui avaient accompli des exploits remarquables au cours de l'histoire, beaucoup étaient issus de la famille Ditheo. Leurs capacités intellectuelles devaient être héritées de la famille, car nombre de leurs descendants avaient également acquis une grande notoriété dans le monde universitaire. Par conséquent, le nom 'Ditheo' était désormais une expression courante utilisée par les habitants de la ville sainte pour décrire une personne à l'esprit brillant.

Tome 1 – Chapitre 230 – Familles de Anika

« ...Votre mère est tombée malade depuis cet incident. Elle est profondément affligée »

« Père, avec tout le respect que je vous dois, je n'ai jamais considéré ma mère comme la victime. La vraie victime de l'incident est Jin, qui a été kidnappé. Je plains Jin d'avoir dû subir tout cela à un si jeune âge. Quel genre de mère évacuerait son traumatisme sur son enfant qu'elle aurait peut-être perdu à jamais ? Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que la mère est une personne si faible d'esprit. Même si elle ne l'a pas maltraitée physiquement ou verbalement, son désintérêt pour Jin n'est rien d'autre qu'une autre forme de maltraitance »

« C'est.... » Patrick se retint de parler avant de s'exclamer devant son fils. Enoch poursuivit rapidement en étudiant attentivement l'expression du visage de son père.

« Il y a quelque chose que je ne sais pas, n'est-ce pas ? »

« ... »

« Père, s'il vous plaît, dites-moi ce que c'est »

Patrick ouvrit à nouveau la bouche d'un air affligé « Ce que je vais te dire ne doit pas sortir de cette pièce »

Enoch répondit à son père, le visage crispé par la tension.

« Oui, je le promets »

« Dana... ta mère, pense que Jin n'est pas notre fille. Elle pense que l'enfant a été échangé

»

***************************

« Je vous demande pardon ? » Enoch, qui s'était préparé à un coup dur que son père s'apprêtait à lui révéler, répondit avec perplexité.

« Je crois que vous vous souvenez de l'époque où Jin venait de naître et à quel point votre mère l'adorait avant que l'incident ne se produise »

Enoch acquiesça en se souvenant vaguement de la naissance de Jin - il avait sept ans à l'époque. Il se souvenait du moment où il avait rencontré Jin pour la première fois alors qu'elle était bébé. Elle était tenue dans les bras de sa mère tandis que cette dernière souriait chaleureusement à Jin malgré son air fatigué.

« Moi non plus, je n'ai pas compris au début pourquoi elle avait refusé Jin, alors qu'elle nous avait été rendue saine et sauve après son enlèvement. Alors, un jour, comme je ne pouvais plus la supporter, j'ai demandé à ta mère de me dire ce qui se passait. Et c'est ce qu'elle m'a dit ce jour-là »

« Père... tu ne peux pas sérieusement penser que ta mère a raison, n'est-ce pas ? » dit Enoch avec un rire incrédule. Il trouvait tout cela ridicule.

« Disons qu'il y a une chance qu'elle ait été échangée suite à cet incident. Mais Jin est une Anika. Quelles sont les chances qu'il y ait une autre Anika qui lui ressemble ? Je dirais qu'il n'y en a aucune. Ou alors tu veux dire qu'elle a été échangée avec Anika Flora ? »

Patrick garda le silence, laissant Enoch avec ses questions sans réponse. Soupirant de défaite, Enoch tourna les talons et se dirigea vers la porte.

« Je vais aller dire à ma mère que Jin vient lui rendre visite »

« Enoch »

« Ne vous inquiétez pas, père. Je ferai comme si je n'en avais jamais entendu parler »

Après le départ d'Enoch, Patrick poussa un profond soupir lorsqu'il se retrouva à nouveau seul dans son bureau. Il souhaitait pouvoir rire comme si son fils l'avait fait tout à l'heure, comme s'il venait d'écouter la blague la plus ridicule, car cela le mettrait plus à l'aise.

Il se souvenait encore de Dana lui révélant pour la première fois sa maladie, comme si c'était hier.

[Patrick, cette fille n'est pas ma fille. Notre enfant a été échangée, c'est sûr !]

[Dana, de quoi tu parles ?]

[Ce n'est pas ma fille, je peux le dire clairement. Oh, ma petite Jin... Je me demande où est notre pauvre bébé en ce moment.]

Patrick ne pouvait pas ignorer sa femme, même si elle paraissait absurde aux yeux des autres.

La mère de Dana venait de la famille Muen qui étaient connus pour leurs capacités inexplicables, comme leur pouvoir de prédire l'avenir ou leur perspicacité. Cependant, au fil des ans, les Muen furent discrets sur cette capacité, et les gens l'avaient vite oubliée.

Avant son décès, Patrick était toujours étonné de voir sa belle-mère faire une remarque de temps en temps. Avec un peu de chance, ses remarques l'avaient même beaucoup aidé dans la gestion de son entreprise.

Dana, qui avait dû hériter de ces capacités de Muen de sa mère, était extraordinaire lorsqu'il s'agissait de juger les caractères. Une fois, il avait failli se faire escroquer si

Dana ne l'avait pas prévenu. Sinon, il n'aurait pas vérifié les antécédents de la personne pour s'apercevoir qu'il s'agissait d'un escroc.

Maintenant, Patrick se sentait responsable de la tournure que prenait sa famille, car il ne pouvait ni croire pleinement sa femme, ni donner un amour inconditionnel à Jin sans un soupçon de doute. Et pour ne rien arranger, Jin rentrait à la maison. Il ne comprenait toujours pas comment se comporter à ce moment-là, comment se comporter entre les deux femmes qu'il aimait le plus.

*****************************

Flora s'arrêta net au son de la dispute, alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans la salle à manger.

« Donc, tu veux que je m'enferme dans la pièce et que je reste hors de la vue de Flora »

Un tel grognement sarcastique ne pouvait venir de personne d'autre que du second frère de Flora.

« C'est parce que je me sens étouffé par l'odeur de l'alcool, dont ton corps est empesté !

Tout ce que je t'ai demandé, c'est de te faire oublier avant que Flora ne descende, car tu n'es pas beau à voir » rétorqua la mère de Flora.

« Cela ne fait aucune différence. Flora est-elle votre seule enfant ? Suis-je juste un pique-assiette de cette famille ? ! »

« Taisez-vous tout de suite ! »

« Permettez-moi de vous demander, puisque le sujet n'est pas abordé. Qu'est-ce que nous sommes pour toi ? Pensez-vous vraiment que Flora vous sera reconnaissante si vous ne faites que la favoriser ? Ne vous méprenez pas en pensant qu'elle le fera. Flora est une Anika. Elle n'est pas la vôtre, mais la fille de Sang-je qui est venue au monde par votre intermédiaire, et c'est tout. Penses-tu vraiment qu'elle nous considère comme sa famille ? »

« Et qu'est-ce qui te donne le droit de dire tout ça ? Surtout que tu devrais être plus que reconnaissante d'avoir une vie facile en te prélassant dans la gloire reflétée de ta sœur »

rétorqua la mère de Flora, qui bouillonnait maintenant de colère.

« C'est donc ce que tu voulais dire depuis tout ce temps. Que la brebis galeuse de la famille n'a pas la moindre valeur à tes yeux »

« Espèce d'ingrat ! Puisque nous en parlons, pourquoi n'as-tu pas rouvert le magasin hier ? Tu passes la majeure partie de ta journée à traîner sans rien faire ! Comment pourrais-je avoir une meilleure opinion de toi alors que tu rentres toujours à l'aube, complètement ivre ? »

Flora se retourna tandis qu'un soupir s'échappait sous sa respiration. Il lui semblait que la dispute ne se terminerait pas si facilement. Cependant, elle était sûre qu'ils se

tairaient si elle entrait maintenant. Elle en avait depuis longtemps assez de leurs réponses, qui étaient tout à fait présumables.

[Vous pensez vraiment qu'elle nous considère comme sa famille ?]

Cyniquement, Flora murmura ce que son frère venait de dire en se souvenant.

« C'est ce qu'il s'est dit »

Flora ne savait pas exactement quand cela avait commencé, mais elle savait juste que cela faisait longtemps qu'elle avait réalisé qu'il y avait un mur entre sa famille et elle.

Ses parents la trouvaient particulièrement difficile. Ils se montraient prudents avec elle, craignant de l'énerver, tandis que ses deux frères ronchonnaient dans son dos. La distance entre eux était si évidente qu'il était difficile de se considérer comme une famille.

Lorsque Flora sortit par la porte, le garde, qui était en poste à l'extérieur, la salua.

« Anika Flora. Vous sortez aujourd'hui ? Dois-je appeler une calèche ? »

« Oui, j'apprécierai »

« Veuillez attendre ici un moment »

Pour assurer la sécurité d'une noble Anika, des gardes étaient postés tout autour de sa résidence et l'escortaient partout où elle allait.

D'après une Anika de haut rang, la sécurité n'était pas toujours aussi stricte dans le passé. Ce fut à la suite de l'enlèvement survenu il y a vingt ans que Sang-je avait donné des ordres spéciaux pour resserrer la garde et assurer la sécurité de toutes les Anika.

En attendant sa voiture, Flora se retourna et regarda par-dessus ses épaules la maison d'où elle venait de sortir.

C'était une maison à deux étages, isolée dans le quartier. Aussi loin que Flora se souvienne, elle avait toujours vécu dans cette maison depuis son plus jeune âge.

Cependant, la maison dans laquelle Flora était née se trouvait quelque part dans une banlieue éloignée de la ville.

Elle s'y était rendue une fois pour y jeter un coup d'œil par curiosité, et était revenue choquée par son extérieur apparemment vieux et miteux, ce qui était au-delà de ses attentes. Si Flora n'était pas née, sa famille ne vivrait pas dans une maison aussi grandiose à l'heure actuelle.

Dès sa naissance, Anika avait été assurée de vivre dans l'abondance jusqu'à sa mort.

Bien entendu, la famille avait également reçu une compensation. Les parents de Flora reçurent une pension à vie, sans avoir à se soucier de gagner leur vie, ainsi que le droit de résider dans la même maison. C'était certainement une prérogative dont seuls les parents d'Anika pouvaient jouir tout au long de leur vie.

Outre le deuxième étage, entièrement réservé à Flora, la maison était occupée respectivement par ses parents, son frère aîné, sa femme, deux de leurs enfants, son deuxième frère et deux des domestiques qui résidaient avec eux.

Bien qu'elle n’était pas particulièrement grandiose, elle était juste assez grande pour que plus de dix personnes puissent y vivre ensemble. La maison s'accompagnait d'un beau petit jardin. Les maisons de cette taille, situées au centre de la Ville Sainte, étaient en effet très prisées.

Cependant, Flora n'y voyait pas assez clair. Toutes ses connaissances étaient riches et vivaient dans leurs grandes demeures privées. C'était pourquoi elle voulait désespérément quitter la maison et trouvait même l'endroit trop miteux pour y inviter ses connaissances. Et surtout, elle en avait assez de vivre dans la même maison que sa famille sans grâce.

Mais malgré tout cela, elle n'était pas capable de posséder une maison à elle. Pas même celles qui étaient plus minables que sa maison actuelle. Les subventions mensuelles accordées aux Anikas équivalaient à une allocation abondante qui serait probablement épuisée après l'achat de quelques vêtements à la boutique.

Cependant, il y avait un moyen pour elle de mettre la main sur une somme d'argent apparemment importante. Flora avait entendu dire que Sang-je verserait une prime de mariage aux Anikas une fois qu'elles étaient mariés. Cependant, elle ne pouvait pas envisager d'épouser un homme juste pour l'argent. Les critères de Flora pour son futur époux étaient assez élevés.

Il ne lui restait donc que la deuxième solution.

« Je suis sûre que Sa Sainteté me trouvera une autre maison si je l'en supplie... »

Tome 1 – Chapitre 231 – La visite de Flora

Flora pensait que Sang-je l'aimait suffisamment pour lui faire une telle faveur. Mais les gens ne manqueraient pas de parler des raisons pour lesquelles elle avait quitté la maison sans raison apparente. L'hypothèse d'une discorde entre elle et sa famille ne manquerait pas de faire surface. Flora ne voulait pas que son nom soit sur les lèvres des gens pour une affaire aussi insignifiante.

Flora était fière de sa propre Ramita, comparable à celle d'Anika Roxy, et pensait qu'elle allait gagner une renommée éternelle qui traverserait l'histoire. Elle était résolue à ne pas se jeter sur ceux qui attendaient une occasion de la tirer de sa gloire.

« Anika, où puis-je vous emmener aujourd'hui ? »

Alors qu'un carrosse s'arrêtait devant Flora, un cavalier descendit promptement de devant et lui demanda où elle désirait se rendre.

Mais Flora n'avait pas d'endroit précis en tête, car elle n'avait quitté la maison que pour éviter la querelle. Alors, lorsqu'elle vit passer une femme avec un panier rempli de fleurs fraîches de l'autre côté de la rue, elle dit distraitement au cavalier « .... Je pensais acheter des fleurs »

« Comme vous le souhaitez, Anika. Je vous emmène dans la rue des fleurs »

Flora observa les paysages qui défilaient à travers une fenêtre de son carrosse. Lorsque le carrosse passa devant l'arbre au centre de la place, elle fronça les sourcils, se souvenant d'une rumeur qu'elle avait entendue il n'y a pas si longtemps.

« L'alouette ? C'est impossible »

Flora n'y vit qu'une rumeur sans fondement. Elle se demandait d'où pouvait provenir une telle rumeur. Elle sentit soudain une lourdeur au niveau de la poitrine, car Jin, qui était complètement sorti de l'esprit de tout le monde pendant un long moment, commença à manifester sa présence dans la ville une fois de plus.

« Jin a transformé une alouette en arbre ? C'est impossible. Elle ne possède même pas de Ramita »

C'était en effet une vérité reconnue qu'elle n'avait jamais dite à personne auparavant.

Alors qu'elle avait déjà fait son premier rêve lucide et était allée voir Sang-je à l'âge de sept ans, Jin, elle, n'avait pas encore fait son premier rêve lucide.

Anika, qui n'avait pas fait de rêve lucide, n'avait pas le droit d'assister à la réunion qui était exclusivement réservée aux Anikas. Flora ressentit donc une certaine fierté en voyant le regard envieux de son amie lorsqu'elle fut invitée à la réunion, car elle avait pâli en comparaison de Jin dans presque tous les domaines avant cela.

Un jour, Jin lui demanda .

[Flora. A propos du rêve lucide, c'est comment ?]

Alors que Flora avait tenté d'éluder sa question sous prétexte qu'il était interdit de parler de son rêve lucide à d'autres personnes, Jin se montra très persévérante Flora finit par céder à Jin. Elle craignait qu'une personne issue d'une famille riche comme Jin ne se désolidarise d'elle parce qu'elle ne lui donnait pas la réponse qu'elle souhaitait. À l'époque, Flora était toute émoustillée par la vie glamour de la haute société, et la dernière chose qu'elle souhaitait était de perdre le privilège qu'elle obtenait en tant qu'amie de Jin. Furieuse de son comportement obséquieux, elle finit par mentir un peu en expliquant à Jin, sans le vouloir, son rêve lucide.

[L'eau du rêve est glacée quand on y plonge les mains.] regretta Flora à peine les mots sortis de ses lèvres.

Jin lui reprocherait sans doute de mentir alors qu'elle avait elle-même fait un rêve lucide. Mais à ce moment-là, il était trop tard pour que Flora se confesse. Plus le temps passait, plus Flora avait du mal à dire la vérité.

Puis, à l'âge de quatorze ans, Jin lui a dit, le visage rougi, qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'avouer.

[Flora. J'ai enfin fait mon premier rêve lucide. Je vais rencontrer Sa Sainteté plus tard dans la journée. Au fait, c'était exactement comme vous l'aviez dit. L'eau était vraiment glacée].

Flora avait ruminé les paroles de Jin pendant un long moment, car Jin n'aurait jamais pu sentir la froideur de l'eau. On savait que l'eau du rêve lucide était intangible, mais elle semblait bien réelle. Flora se demanda si Jin n'était pas en train de se venger d'elle en réalisant qu'elle avait été dupée.

Cependant, Flora fut frappée par le refus de Jin de toucher la graine transparente lors de la première réunion d'Anika à laquelle elle avait assisté. Après tout, Jin n'avait jamais fait de rêve lucide. Elle avait osé mentir en prétendant avoir fait un rêve lucide et était même allée voir Sa Sainteté.

Une Anika sans Ramita.

Flora avait presque ri à gorge déployée en rentrant de la réunion ce jour-là. Elle ne pouvait pas trouver plus drôle que sa fière amie, qui l'avait toujours regardée de haut comme si elle lui était supérieure en tout point, manque de la chose la plus importante en tant qu'Anika, même si elle semble parfaite à l'extérieur.

Cependant, Flora n'avait jamais révélé à personne le secret de la Ramita de Jin. Elle préférait voir Jin s'effondrer à cause de son mensonge irrémédiable. Alors que Jin la traitait comme un animal de compagnie, Flora faisait son temps et ricanait en attendant le jour du jugement dernier.

Une rumeur aussi infondée était vouée à disparaître. Flora était certaine que la rumeur sur l'Alouette était fausse.

La calèche s'arrêta lorsqu'ils arrivèrent dans la rue des Fleurs, où les boutiques de fleurs étaient alignées les unes à côté des autres. On frappa à l'extérieur et le cavalier dit «

Nous sommes arrivés, Anika »

Dès qu'elle descendit de la calèche, elle sentit que tous les regards étaient tournés vers elle. L'air digne, Flora s'efforça de ne pas être consciente de ce qui l'entourait et entra dans une boutique de fleurs qui fut la première qu'elle aperçut. Elle était bien sûr escortée par les gardes tout au long du chemin.

« Un bouquet de ça et aussi de ça »

« Comme vous le souhaitez, Anika »

Maintenant qu'elle était dans le magasin, elle acheta beaucoup plus qu'elle ne l'avait prévu. Comme elle arrivait juste à temps après l'arrivée d'un nouveau lot de fleurs, elle s'amusa à choisir parmi une grande variété de fleurs. Une fois le stock de fleurs rempli à l'arrière de la calèche, elle remonta dans la calèche.

« Anika, je vous ramène à la maison ? »

« .... »

Flora n'avait pas envie de rentrer si tôt. Elle en vint également à regretter son achat impulsif de fleurs. Elle était dégoûtée à l'idée que sa mère joue les hypocrites et fasse semblant d'être très reconnaissante pour les fleurs, alors qu'elle lui reprocherait plus tard d'avoir gaspillé tout cet argent pour rien.

Flora se demanda à qui elle pourrait probablement offrir ces fleurs sans aucun fardeau.

« ...Arse »

« Pardon ? Dois-je vous emmener au manoir de Arse ? »

« Ah...oui. Au manoir de Arse »

En peu de temps, le carrosse arriva à destination. Flora se tint debout et fixa la porte principale, impressionnée par sa magnificence. C'était l'endroit où elle avait l'habitude de se rendre, comme si c'était sa seconde maison. Flora se souvenait à quel point elle avait souhaité que ce soit sa vraie maison.

En vérité, Flora enviait tout ce que Jin avait acquis depuis sa naissance. Jin avait littéralement tout ce qu'elle avait toujours voulu, y compris ce grand manoir, des

parents aimants et ses deux beaux frères. La vie de Jin ne pouvait être plus parfaite aux yeux de Flora, à tel point qu'elle échangerait volontiers sa Ramita contre elle.

Pendant toutes ces années, Flora fréquenta la maison en tant qu'amie de Jin et se comporta de la meilleure façon possible pour s'entendre avec la famille de Jin. Flora croyait fermement qu'elle faisait partie de leur famille. Elle pensait qu'ils resteraient en contact et qu'ils l'inviteraient de temps en temps, même lorsque Jin serait parti.

Cependant, ils avaient dû la considérer comme une simple amie de Jin, malgré tous les efforts qu'elle avait déployés pour se fondre dans la masse.

Sans Jin, elle n'avait pratiquement plus d'excuse pour faire des visites. C'était la première fois qu'elle se rendait chez eux depuis très longtemps.

« Mlle... Mlle Flora ? »

Flora, qui regardait distraitement la porte, se retourna en entendant quelqu'un l'appeler par son nom. Lorsque leurs regards se croisèrent, le majordome du manoir d'Arse reconnut Flora et lui adressa un salut agréable en s'approchant d'elle.

« Cela fait si longtemps, Mlle Flora. Comment allez-vous ? »

« C'est un plaisir de vous revoir »

« Entrez, s'il vous plaît. Puis-je vous demander qui vous êtes venu voir aujourd'hui ? »

« Oh, en fait, ce n'est pas ça. J'ai juste acheté trop de fleurs parce qu'elles étaient si fraîches. Je voulais donc en partager quelques-unes »

« Ah, alors vous devez être venu voir Lady Arse. Elle travaille dans la serre depuis ce matin »

« Je ne dérangerais pas la dame ? »

« Bien sûr que non. Je suis sûr qu'elle serait heureuse de vous voir aussi après une si longue période »

Flora déclina plusieurs fois l'offre du majordome pour paraître polie et finit par accepter son invitation persistante, comme si elle n'avait pas d'autre choix. Il la conduisit alors rapidement à la serre. Après un moment d'attente à l'extérieur, le majordome, qui était entré dans la serre pour informer la dame de sa visite, était ressorti en disant « La dame dit d'entrer »

« Très bien... merci »

« Tout le plaisir est pour moi »

Le majordome sourit d'un air satisfait en regardant Flora entrer dans la serre. Il se dit que Flora était devenue une jeune femme très polie, comparée à cette personne...

En se rappelant la jeune femme de la famille, il sentit ses lèvres se raidir en une ligne dure. Il secoua la tête, car il ne comprenait toujours pas comment les deux Anikas

étaient devenus amis alors qu'elles n'avaient pratiquement rien en commun, si ce n'est leurs cheveux noirs et leurs yeux d'Anika.

Flora ralentit le pas lorsqu'elle aperçut la silhouette d'une femme d'âge moyen, gracieusement occupée à tailler l'une des extrémités d'une longue tige de fleur. Bien qu'il ne s'agissait que d'un simple mouvement, Flora pouvait voir que l'élégance naturelle de la femme rayonnait d'elle.

Lady Arse se retourna pour faire face à Flora.

« Bienvenue, Anika Flora »

La dame, à laquelle Jin ressemblerait dans de nombreuses années, souriait à Flora. Si seulement elle avait des cheveux noirs, il ne serait pas facile de distinguer la mère de la fille tant elles se ressemblent. Flora baissa rapidement le regard et salua la dame.

« Merci d'avoir accepté ma visite soudaine. J'espère que vous allez bien »

Tome 1 – Chapitre 232 – Accepter son coeur

« Je vais bien, comme toujours. Et comme vous le voyez, c'est ainsi que je passe le temps.

Comment vas-tu ? »

« Je vais très bien aussi. Je n'ai peut-être pas été assez prévenante. J'aurais dû venir présenter mes respects plus souvent. »

« Eh bien, on ne peut pas faire autrement »

Flora resta sans voix face à cette réponse inattendue. À l'origine, elle avait l'intention de dire qu'elle passerait plus souvent lorsque la dame dirait courtoisement des choses comme « Vous auriez vraiment dû le faire » et de s'en servir comme excuse pour revenir plus souvent. Mais comme la dame donna une réponse assez ambiguë, elle ne put pas prendre la direction de la conversation comme elle l'avait prévu.

Elle ne savait pas si la dame voulait dire qu'elle comprenait la raison de ses rares visites ou si elle voulait dire qu'elle n'avait aucune raison de venir, Jin étant parti au royaume de Hashi depuis son mariage.

« Je recevrai vos cadeaux avec gratitude »

« Ce n'est pas grand-chose. Mais j'espère qu'ils vous plairont »

Flora sentit son cœur battre dans sa poitrine lorsque Dana lui rendit son sourire. Elle n'avait littéralement pas vu d'autres nobles dames aussi élégantes et belles que Lady Arse, dans les innombrables fêtes auxquelles elle avait assisté avec Jin. Lady Arse semblait être de sang royal, bien qu'il n'y avait pas de royauté dans la Ville Sainte.

Lors de sa première rencontre avec la dame, stupéfaite par sa beauté, elle s'étonna et dit à Jin,

[Vous ressemblez beaucoup à votre mère.]

[Vraiment ?]

Jin rit de bon cœur après cette remarque. Depuis ce jour, Jin emmenait parfois Flora voir sa mère. Même si elle savait que Jin avait l'intention de se vanter, Flora n'y voyait pas d'inconvénient, car elle aimait rendre visite à la dame. Mais pendant ce temps, elle se disait que Jin ne ressemblait pas à sa mère, d'autant plus qu'elle les voyait ensemble.

Cependant, Flora trouvait que Jin devenait exceptionnellement silencieuse chaque fois qu'elle était en présence de sa mère et qu'elle s'attardait maladroitement sans raison valable avant de prendre congé. Aux yeux de Flora, Jin semblait être une enfant qui avait désespérément besoin de l'attention de sa mère. Mais Flora ne rumina pas davantage et conclut que Jin devait trouver sa mère plutôt difficile.

À vrai dire, Jin n'était pas la seule à trouver sa mère difficile, car ses deux frères semblaient eux aussi intimidés par leur mère. Bien que Lady Arse n'avait jamais élevé la voix auparavant, tout le monde avait tendance à être prudent en sa présence.

De la beauté de Dana à sa grâce irrésistible, chaque aspect de Dana suscitait l'admiration de Flora. Dana était également considérée comme un être mystique, car elle se montrait rarement dans les soirées mondaines. Flora n'avait jamais rencontré quelqu'un qui n'avait pas admiré Lady Arse.

« Comment vont tes parents ? Votre famille se porte-t-elle bien ? »

« Oui, ils vont tous très bien. En fait, la famille s'est agrandie il n'y a pas très longtemps »

« C'est une très bonne nouvelle. Quel est le sexe du bébé ? »

« C'est une belle petite fille. Cependant, ma mère a été un peu déçue lorsqu'elle a appris le sexe de ma nièce »

« Elle espérait un garçon ? »

« Non. Elle s'attendait plutôt à une petite fille... spéciale »

Flora ne put s'empêcher de rire en constatant que l'attente joyeuse de sa famille s'était estompée juste après la naissance de sa nièce. Elle était gênée de voir que ses parents avaient espéré sans vergogne qu'une autre Anika naisse dans la famille.

« I.... » Après un moment de silence, Dana reprit la parole, l'air à la fois joyeux et affligé «

J'avais plutôt prié pour qu'elle soit ordinaire quand j'ai su que j'étais enceinte d'elle.

C'était ma pensée égoïste de vouloir qu'elle vive comme ma fille à part entière. J'ai donc été déçue au début, mais ces sentiments n'ont pas duré longtemps. Elle était la prunelle de mes yeux après tout »

Flora fut choquée de constater à quel point Lady Arse était différente de sa propre mère, qui considérait plutôt sa fille Anika comme un fier trophée. Il ne lui était jamais venu à l'esprit qu'une mère puisse regretter d'avoir Anika comme fille, au lieu de la considérer comme un honneur familial. Flora se sentit à la fois envieuse et perplexe à l'égard de Jin.

Pendant toutes ces années, Flora avait perçu Lady Arse comme quelqu'un de distant et de froid, car elle ne l'avait jamais vue adresser des paroles chaleureuses à Jin. De plus, elle appelait toujours sa propre fille 'Anika Jin'.

N'a-t-elle pas l'habitude d'exprimer son amour pour sa fille ?

« Tu dois te sentir seule maintenant que Jin a déménagé dans un royaume si lointain »

Dana se contenta de sourire sans répondre.

Sans s'en rendre compte, les mots que Flora se retenait de prononcer s'échappèrent facilement de sa bouche « S'il vous plaît, considérez-moi comme l'une des vôtres »

« J'accepte volontiers ton cœur » dit Dana en souriant.

Flora sentit son visage brûler d'embarras, comme si on venait de lire en elle un livre.

Alors qu'elle s'efforçait de garder son sérieux, Flora parvint à pousser un soupir de soulagement lorsque la conversation fut interrompue par l'entrée d'une servante.

La servante s'approcha de la dame et inclina la tête « Ma dame. Le jeune maître souhaite vous voir »

Les yeux de Flora s'écarquillèrent instantanément à la parole de la servante.

« Dites-lui que j'ai une invitée avec moi »

« Cela ne me dérange pas du tout, Lady Arse »

Flora s'interposa rapidement car elle voulait profiter de l'occasion pour saluer Enoch.

Comme Enoch était comme sa mère, il ne fréquentait jamais les soirées mondaines, Flora n'avait pas eu l'occasion de le rencontrer depuis que Jin avait quitté la Ville Sainte.

« Faites-le entrer »

« Comme vous le souhaitez, ma dame »

En un instant, Enoch se montra et traversa la serre à grandes enjambées. Enoch avait une belle allure qui rappelait la beauté délicate de sa mère. Mais malgré son joli visage, qui pouvait le faire paraître plutôt fragile, sa solide carrure et sa taille qu'il avait héritées de son père lui donnaient une allure plus virile.

Flora, qui regardait aveuglément Enoch s'approcher, baissa précipitamment le regard lorsqu'elle sentit qu'il la regardait. Elle craignait que ses sentiments ne soient découverts par lui lorsqu'ils se rencontreraient.

Flora et Jin, qui était la plus jeune et la seule fille de leur maison, avait deux frères plus âgés. La différence d'âge entre les frères et elles était également similaire. Cependant, c’était les seules similitudes qu'elle partageait avec Jin.

Le frère aîné de Flora ne se souciait pas le moins du monde d'elle, tandis que son second frère, jaloux de toute l'attention qu'elle recevait, lui avait donné du fil à retordre en grandissant. Au contraire, les deux frères de Jin étaient tout à fait opposés. Et surtout, Enoch, de sept ans son aîné, était un frère gentil et fiable, car il écoutait toujours attentivement chaque mot de sa petite sœur, Jin.

Tandis que le garçon devenait un homme, Flora, elle aussi, était devenue une belle jeune fille au fil des ans. Et il était presque évident qu'Enoch avait pris une place importante dans le cœur de Flora.

Ce fut Jin qui fut la première à remarquer les sentiments de Flora, car ils étaient presque toujours ensemble.

[Tu admires mon frère Enoch, n'est-ce pas ? Mais pensez-vous vraiment avoir une chance ? Tu ferais mieux de savoir où est ta place].

Sans pitié, Jin piétina l'admiration aveugle de Flora pour Enoch. Bien qu'elle se sentit terriblement malheureuse, Flora n'arrivait pas à réfuter la remarque de Jin. Comparée à Enoch, elle n'avait vraiment rien à offrir.

Si seulement elle et Enoch partageaient un amour mutuel qu'aucune épreuve ou malheur ne pourrait séparer, elle se serait volontiers jetée dans les flammes, juste pour l'amour. Mais Enoch ne voyait en Flora qu'une petite sœur.

Malgré tout cela, Flora n'avait pas abandonné. En fait, elle avait prévu de lui avouer ses sentiments après l'anniversaire de son passage à l'âge adulte. Malheureusement, ses années d'amour non partagé avaient pris fin brutalement, car Enoch s'était marié avant même qu'elle n'atteigna l'âge du mariage.

Flora baissa rapidement la tête « Cela fait si longtemps. J'espère que vous allez bien »

« ...Oui. Flora. Je suis heureux de vous voir aussi »

Les yeux d'Enoch trahirent un petit sentiment de culpabilité en voyant Flora. Il se souvenait qu'il s'occupait de Flora autant que de Jin - il considérait Flora comme sa sœur. Les deux filles étaient toujours ensemble, comme si elles étaient jumelles.

Cependant, il n'avait pas eu l'idée d'aller voir Flora après le départ de Jin. Il s'était dit qu'elle aussi avait dû ressentir l'absence de Jin, qui était presque une sœur pour elle.

« Enoch »

Immédiatement, Enoch tourna son regard vers sa mère et répondit « Oui, maman »

« Tu devrais t'adresser à elle de façon formelle maintenant. Anika Flora n'est plus une enfant. C'était impoli de ta part de t'adresser à elle comme au bon vieux temps, alors qu'elle n'a pas atteint l'âge adulte depuis longtemps »

Dana réprimande Enoch pour sa remarque déplacée. Enoch s'excusa auprès de Flora pour avoir commis un manque de courtoisie.

« Anika Flora. Je m'excuse pour mon impertinence. J'ai vraiment commis un manque de courtoisie. Je me suis peut-être perdu dans les vieux souvenirs »

« ...Non, pas du tout »

Bien que Flora voulut dire qu'elle ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'il l'appelait par son nom, elle préféra retrousser ses lèvres. Bien qu'elle sache que Lady Arse était une personne stricte en matière d'étiquette, Flora était encore plus contrariée que d'habitude par l'attitude distante de la dame.

« Pourquoi vouliez-vous me voir, Enoch ? Comme vous pouvez le constater, je suis très occupée en ce moment » dit Dana en plaçant une fleur taillée dans le vase que sa servante avait apporté.

Enoch ne savait plus où donner de la tête. Il se souvenait que sa mère lui avait légué toutes les affaires de la famille dès qu'il avait atteint l'âge adulte. C'était donc lui qui s'occupait de tout depuis lors. Et depuis, sa mère ne faisait que s'adonner à ses loisirs, buvant du thé tout en lisant tranquillement.

Il se retint de lui demander à quoi elle pouvait bien être occupée « Un chevalier est passé à l'instant » Il l'avoua sans hésiter. Il ne voyait pas d'inconvénient à ce que Flora l'apprenne.

« Jin vient nous rendre visite. Elle devrait arriver dans trois ou quatre jours »

Bien qu'il y avait eu un moment de flottement dans les mouvements de Dana alors qu'elle arrangeait les fleurs, il n'y avait pas eu de changement notable dans son expression.

« Elle arrive donc »

Comme prévu, sa mère resta indifférente à cette nouvelle. Il était plutôt déçu, car il avait souhaité que sa mère fut plus enthousiaste à l'idée de la visite de Jin. Alors que Jin était partie pendant trois ans, il avait espéré que sa mère se rendrait compte de l'absence de sa fille et qu'elle lui manquerait.

« Mère » En s'adressant à Dana, Enoch se retint de dire ce qu'il s'apprêtait à dire, car il ne pouvait pas le faire en présence de Flora.

Flora ne tarda pas à remarquer la signification de son bref regard vers elle.

« Je ferais mieux d'y aller. Merci pour votre hospitalité aujourd'hui, Lady Arse »

« Flo... Anika Flora. Nous serons heureux de vous revoir lorsque Jin reviendra.

Accueillez-la chaleureusement comme au bon vieux temps »

« Bien sûr. J'ai hâte de la revoir » Le visage de Flora se raidit dès qu'elle se retourna après avoir remercié Lady Arse.

Un chevalier vient de passer ? Et Jin arrive ?

Cela ne pouvait que signifier que Jin avait été convoqué par Sa Sainteté elle-même.

Pourquoi Sa Sainteté l'a-t-elle convoquée tout d'un coup ?

Il était impossible que Sang-je fut influencé par une rumeur incertaine circulant dans la ville. Ce qui signifiait que la rumeur sur l'Alouette n'était pas sans fondement.

Cependant, Flora n'y croyait pas.

Il ne s'agissait certainement pas d'une simple rumeur. Il devait y avoir une autre raison à cette convocation.

Ramita était une capacité innée qui ne changeait jamais. Et Flora était certaine que Jin n'avait jamais été doué de Ramita.

Ce qui transforma son doute en conviction, c'était que Jin n'avait jamais parlé de son Ramita auparavant. Pour autant que Flora le sache, Jin ne manquerait jamais l'occasion de montrer son Ramita si elle le possédait vraiment. Flora pensait donc que Jin avait épousé le Roi du Désert pour pouvoir quitter la Ville Sainte avant que tout le monde ne découvrit son secret.

Tome 1 – Chapitre 233 – Ce n'est pas ma fille

Après le départ de Flora, la servante, qui assistait Dana à ses côtés, dut également sentir la tension qui régnait dans l'air, car elle quitta elle aussi rapidement la pièce. Il ne restait plus que la mère et le fils dans la serre.

Dana commença à tailler le bouquet de fleurs sur la table à l'aide d'un ciseau. Tandis qu'Enoch regardait sa mère poursuivre son travail sans lui accorder un regard, un léger soupir s'échappa de ses lèvres.

Depuis son plus jeune âge, il avait toujours pensé que sa mère était la plus belle femme du monde et cette opinion n'avait pas changé, même après qu'il soit devenu père de son enfant.

Jin était sans aucun doute la seule et unique fille de ma mère.

Jin était vraiment le portrait craché de sa mère. Personne ne pouvait nier qu'elles étaient liées comme une mère et une fille lorsqu'on les voyait ensemble.

« Mère »

« Heureusement, mon audition n'a pas encore empiré »

« Saviez-vous que Jin venait ? »

« Non »

« Je pensais que vous le saviez et c'est pourquoi vous avez rencontré Flora aujourd'hui »

« Je ne pouvais pas la refuser alors qu'elle avait déjà fait tout ce chemin »

« Par chance... Avez-vous fait appel à Flora comme aujourd'hui de temps en temps ? »

« Pourquoi pensez-vous que je l'ai fait ? »

« ... Je pensais que vous aimiez beaucoup Flora »

Dana rit légèrement à cette supposition « Et vous l'aimez bien ? »

« Il n'y a aucune raison de ne pas l'être... Je voulais seulement dire que j'étais reconnaissant qu'elle soit l'amie de Jin »

Enoch avait omis de préciser qu'il était particulièrement reconnaissant à Flora d'être une si bonne amie de sa sœur plutôt extraordinaire. Même s'il s'agissait de sa petite sœur, il ne pouvait pas nier qu'elle avait un caractère gâté.

« Peut-être que votre définition de l'ami est très différente de la mienne »

« Je vous demande pardon ? »

« Mon cher fils. Je pense que tu as encore beaucoup de chemin à faire pour affiner ton jugement de caractère »

Qu'en est-il de Flora ?

Enoch avait beau y réfléchir, il n'arrivait pas à comprendre le sens caché de la remarque de sa mère.

Se pourrait-il que maman... déteste tous les Anikas ?

Enoch ne prit pas la peine d'exprimer ses doutes, car il savait que sa mère ne lui donnerait jamais une réponse claire. Elle avait toujours été comme ça. Même lorsqu'il lui avait demandé conseil pour une tâche apparemment complexe, elle n'avait jamais eu tendance à lui donner une solution claire et nette à la fois.

Ce ne fut qu'après qu'il se soit creusé la tête pour trouver sa propre solution que sa mère lui donnait une solution encore plus pragmatique et le mettait au désespoir.

Parfois, il avait l'impression de ne jamais pouvoir la rattraper, quels qu’étaient ses efforts.

Mais toutes ces plaintes insignifiantes qu'il avait contre elle n'étaient que les grognements d'un fils envers sa mère. Enoch avait une grande estime pour sa mère, plus qu'il ne pourrait jamais l'aimer, à l'exception d'un seul point.

« Mère, je t'en supplie. Accueillez chaleureusement Jin quand elle viendra. Elle revient enfin pour la première fois depuis longtemps. Il n'y a aucun moyen de savoir combien de temps elle restera, ni quand elle reviendra après cette visite »

« ... »

« J'espère juste que tu ne feras rien de regrettable plus tard »

« Enfant insolent »

C'était Enoch qui avait le premier baissé le regard de sa mère lorsque leurs yeux s'étaient croisés. Après avoir longuement dévisagé son fils, elle l'obligea à faire des concessions. « ...Je comprends ce que tu essaies de dire »

Enoch fit une profonde révérence à sa mère avant de se retourner et de prendre congé.

Enoch se dit qu'il valait mieux ne pas la questionner davantage, car ses efforts risquaient de se retourner contre elle. Si elle avait pu être persuadée, son père l'aurait fait depuis longtemps.

Après qu'Enoch eut pris congé, Dana déposa avec irritation le ciseau sur la table en poussant un profond soupir. Je crois que mon âge commence à me rattraper.

Dana commençait à s'épuiser. Cette longue tragédie remontait à vingt ans. Le jour où sa Jin fut enlevée.

Après avoir passé de longues nuits sans sommeil et s'être inquiétée partout, Dana avait versé des larmes de joie en apprenant que sa fille était revenue saine et sauve.

Cependant, ce soulagement et cette joie ne dura pas longtemps. Dana s'était immédiatement éloignée de sa fille revenue, effrayée, lorsque son regard s'était posé sur l'enfant qu'elle tenait dans ses bras. Dana sentit clairement qu'il y avait quelque chose de différent chez l'enfant, bien qu'elle ressemblât exactement à sa fille de l'extérieur.

[Ce n'est pas ma fille, elle a été échangée.]

Ce fut tout ce que Dana avait pu dire à son mari, qui l'avait regardée comme si elle était devenue folle. Mais aucun raisonnement logique ne pouvait expliquer cette affirmation apparemment absurde, car il s'agissait d'une sorte de sensation qu'elle seule pouvait ressentir.

« Ahh... mère. Pourquoi m'as-tu donné une telle capacité ? »

La famille Muen, du côté de la mère de Dana, avait une longue histoire avec ses capacités spéciales qui se transmettaient dans la famille depuis des générations. Les Muens étaient doués d'une grande capacité à percevoir leur environnement, plus finement que la plupart des gens. Grâce à leur 'sens', ils pouvaient lire le cours du monde ou même prévoir l'avenir. Cependant, une règle familiale leur interdisait de révéler leurs capacités à d'autres personnes.

La famille Muen renfermait de nombreux secrets non révélés, qui n’étaient transmis qu'au successeur légitime de la famille. Et ceux qui devaient quitter la famille lors de leur mariage devaient rompre à jamais leurs relations avec les Muen.

La mère de Dana était sur le point de devenir le successeur. Mais bien qu'elle fût la meilleure candidate, sa mère quitta la famille lors de son mariage. Lorsque Dana apprit ce fait, elle avait demandé à sa mère,

[Mère. Pourquoi avez-vous renoncé à devenir le successeur ?]

[Je ne voulais pas transmettre un avenir limité à mes enfants. Bien que je ne regrette pas mon choix... je regrette de ne pas avoir pu être là lorsque mes parents ont rendu leur dernier souffle].

Sa mère avait toujours été une figure mystérieuse aux yeux de Dana. Et de sa mère, Dana avait hérité d'une des capacités de sa mère.

Il s'agissait de la capacité de Dana à ressentir les forces spéciales ou les ondes qui émanaient des individus. Chaque individu avait ses propres forces uniques qui différaient selon les actes accumulés tout au long de leur vie.

Cependant, cette capacité, qui était censée être un héritage inestimable de sa mère, s'était transformée en une douloureuse malédiction depuis cet incident. Elle se brisait le cœur rien qu'en pensant à sa fille, sans savoir si elle était encore en vie ou morte. Dana était misérablement angoissée, au point qu'elle aurait souhaité ne rien savoir au départ.

Et au fil des années, elle n'avait fait que s'embrouiller davantage. Dana se demandait qui était sa vraie fille. Elle était déchirée entre sa fille, qui n'était avec elle que depuis trois ans, et 'ça', qui avait vécu à l'intérieur de la coquille de sa fille pendant vingt ans.

Malgré tout, elle le sentait s'attarder devant ses yeux fermés. Il n'était pas question pour elle d'oublier les rayons de force qui irradiaient de sa précieuse fille. Les larmes que Dana avait versées ne tardèrent pas à mouiller les cils de ses yeux fermés.

**********************

C'était la nuit précédant leur arrivée dans la ville sainte.

Les carrosses s'arrêtèrent lorsqu'ils atteignirent leur lieu d'hébergement pour la nuit.

Le manoir qui leur servira de logement était un domaine royal, propriété du royaume de Slan, et c’était là que le roi du royaume de Slan s'arrêtait à chaque fois qu'il se rendait dans la ville sainte. Et c'était à la nuit tombée que Pides vint voir Kasser.

« Votre Majesté, je pars devant pour informer Sa Sainteté de votre arrivée »

« Très bien »

Kasser appela le chambellan.

« Conduisez Sir Pides à la Reine »

« Oui, Votre Majesté »

« Avec tout le respect que je vous dois, Votre Majesté, ce ne sera pas nécessaire » dit Pides en l'interrompant « Comme je reverrai bientôt Sa Majesté dans la ville sainte, j'apprécierais beaucoup que Votre Majesté fasse mes adieux à Sa Majesté à ma place. Je vais donc partir maintenant »

« Si vous insistez, je le ferai »

Après avoir pris congé, Pides informa l'un des autres chevaliers de son départ et se dirigea vers l'écurie. Alors qu'il menait son cheval à travers la cour, il se retourna pour jeter un coup d'œil en arrière.

De là, il vit de faibles lumières émerger des fenêtres du manoir qui était entouré par l'obscurité de la nuit. Son esprit devint perplexe lorsqu'il pensa à Anika Jin, qui devait se trouver quelque part derrière l'une de ces fenêtres.

Il avait l'habitude de se sentir mal à l'aise en sa présence, car il était trop conscient de ses yeux qui le poursuivaient à chaque fois qu'il allait quelque part. Cependant, l'homme que ses yeux recherchaient à présent n'était plus lui. Tout au long du voyage, Pides avait

clairement compris qu'elle ne s'intéressait plus à lui. Mais au lieu de se sentir léger, il se sentait plutôt doux-amer après avoir appris un tel fait.

Elle et le Roi du Désert semblaient très attachés l'un à l'autre. Il pouvait voir que leurs yeux n'étaient remplis que d'affection, chaque fois qu'ils se regardaient.

Pides sourit amèrement en se rappelant la joie subtile qui se lisait sur les traits du roi lorsqu'il avait pris congé de lui tout à l'heure.

Je crois qu'il y avait bien plus que de l'affection dans ses regards.

Pides avait facilement senti la forte affection du roi pour elle à la façon dont il la regardait. Mais ses yeux s'aiguisaient dès qu'il les posait sur Pides.

Il semblait qu'il était désormais sur la liste noire du roi. Il se demanda si c'était parce que le roi l'avait surpris à plusieurs reprises en train de fixer Anika Jin.

Mais il pouvait jurer qu'il ne voulait pas dire autre chose en la fixant. Anika Jin avait simplement attiré son attention, car elle était plus belle que jamais, ses expressions et ses yeux s'étant visiblement adoucis par rapport au passé.

Et comme Pides l'avait supposé, Kasser ne pouvait pas être plus heureux maintenant que Pides était parti. Même s'il devait le revoir une fois qu'il aurait atteint la Ville Sainte, Kasser s'était débarrassé de lui, même pour le moment.

« Quel insolent ! » grommela Kasser en son for intérieur. Il avait en effet surpris Pides en train de fixer Eugène d'un regard apparemment déplacé. Il se demandait pourquoi Pides continuait à regarder sa femme d'un air aussi douteux. Il l'avait seulement laissé s'en tirer parce qu'Eugène ne semblait pas du tout conscient de sa présence.

Tome 1 – Chapitre 234 – Les souvenirs du roi de l'épée

Nous arriverons probablement demain en fin d'après-midi.

Kasser avait le cœur lourd en pensant qu'il arriverait à la Ville Sainte le lendemain. De plus, la conversation qu'il avait eue avec le Roi de l'Épée, le jour où il avait quitté le Royaume de Slan, était toujours présente dans son esprit.

Comme il n'avait pas le temps d'avoir une longue conversation, il se contenta d'écouter ce que le Roi d'épée avait à lui dire. Tout au long de la conversation, les mots du roi de l'épée contenaient beaucoup d'éléments de réflexion qu'il pourrait méditer plus tard. En fait, certaines de ces informations lui avaient causé un grand choc.

[La relation entre un roi et une Anika n'est rien d'autre que la production d'un héritier au trône. Même s'ils sont liés comme mari et femme, ce lien manque de sincérité].

Kasser était lui aussi de cet avis. En fait, lorsqu'il se rendait à la Ville Sainte pour se marier, son but était davantage d'obtenir un héritier que de se trouver une femme.

[La relation entre mes parents n'était pas différente. Cependant, contrairement à mes parents, j'ai voulu construire une relation spéciale avec ma femme. Comme nous sommes pressés par le temps, je n'expliquerai pas en détail pourquoi j'ai pris une telle résolution. Donc, depuis que je me suis marié, j'ai vraiment fait de mon mieux pour créer un lien avec ma femme].

En entendant cela, Kasser ressentit un pincement au cœur, car il était gêné par son ancien moi, qui n'avait pas pensé une seule fois à faire un effort pour son mariage.

Il y a encore quelques mois, la relation entre lui et Eugène n'était rien d'autre que ce que le Roi d'épée venait de décrire. Plus encore, il n'avait pas été intime avec elle non plus.

Bien que ce soit l'amnésie d'Eugène qui avait agi comme une variable déclenchant le changement, c'était son changement d'attitude qui avait provoqué un tournant dans leur relation.

[Je n'ai pas été intime avec elle jusqu'à ce qu'elle m'ouvre enfin son cœur. Je ne me suis pas empressé d'avoir un héritier au trône. Cependant, il n'a pas été facile de gagner son cœur. La reine était une Anika extrêmement sensible, que ma simple présence en sa présence rebutait facilement. Il n'était jamais agréable de la voir effrayée à chaque fois qu'elle me regardait].

Kasser était vraiment stupéfait d'entendre comment le Roi d'épée avait fait des efforts constants et persistants pendant trois années entières sans jamais abandonner.

[Néanmoins, notre relation a commencé à changer lorsqu'elle a commencé à prendre conscience de mes efforts sincères. Mais c'était d'autant plus vrai qu'elle avait connu beaucoup de changements en elle-même. Elle m'avait dit que la répulsion qu'elle ressentait à mon égard commençait à s'estomper. Puis, au bout d'un certain temps, je ne lui inspirais plus aucune répulsion. N'est-ce pas étonnant ? Elle avait l'habitude de se sentir nauséeuse chaque fois que j'étais près d'elle].

Fort de son expérience, le Roi de l'Épée avait alors formulé l'hypothèse que la réaction répulsive d'Anika pouvait être une forme de mécanisme d'autodéfense, pour se prémunir contre les autres. Il se demandait si leur réaction de susceptibilité n'était pas due au fait qu'ils possédaient des capacités spéciales. La théorie conventionnelle de la Ramita d'Anika, qui contredisait le Praz du roi, n'expliquait pas les changements survenus chez sa femme.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, Kasser s'arrêta pour vérifier l'heure lorsqu'il n'avait vu que le ciel noir de sa fenêtre. Il s'était alors levé de son bureau pour en finir avec la journée. Sur le chemin de sa chambre à coucher, il reprit là où il s'était arrêté et continua à réfléchir.

[Un jour, j'ai trouvé quelque chose d'étrange dans ce que m'avait dit ma femme. Il semblait que Sa Sainteté avait tendance à s'interposer entre les rois et les Anikas avec ses commentaires élaborés].

Kasser fut stupéfait d'entendre le roi faire une déclaration aussi audacieuse à l'encontre de Sang-je. Bien qu'il s’était exprimé avec retenue, ses paroles impliquaient fortement son hostilité à l'égard de Sang-je.

[On a dit à ma femme que le Praz d'un roi pouvait nuire à la Ramita et à la santé d'Anika, plus elles passaient leurs nuits avec le roi. Et cela correspondait en quelque sorte à ce qu'on m'avait dit sur les lésions internes qui pouvaient être causées par la collision entre le Praz du roi et la Ramita d'Anika].

Kasser se rendit compte qu'il avait lui aussi été informé de la même chose. En écoutant le roi de l'épée, il se souvint d'un incident survenu il y a quelques mois.

La période active était sur le point de commencer, et Eugène était en détresse à cause de ses effets. Il avait fusionné son Praz dans le corps d'Eugène tout en se préparant aux blessures internes attendues. Cependant, contrairement à ses attentes, il fut plutôt perplexe de découvrir que le Praz lui répondait en fait et qu'il ne recevait aucune blessure.

[Roi du désert, je comprends ce que vous voulez dire par les changements du Praz. J'ai déjà vécu la même chose par le passé. En fait, c'était exactement le contraire des blessures internes. C'est lorsque vous m'avez demandé conseil à ce sujet que j'ai compris que ce n'était pas une illusion de ma part].

[...Si c'est le cas, pourquoi les autres rois n'ont-ils pas remarqué ces changements ? Je ne me souviens pas en avoir entendu parler par mon père, le défunt roi].

[À mon avis, je pense que tout dépend du pouvoir d'influence d'Anika. Seule une Anika peut porter l'enfant du roi. Mais les rois ont des capacités physiques supérieures à celles des Anikas. Je me suis demandé si c'était la volonté de Dieu d'interdire au roi d'extorquer Anika de manière répressive].

Tandis que le roi de l'épée riait d'un air penaud de sa propre conjecture apparemment absurde, le visage de Kasser se durcit tandis qu'il se rappelait les choses qu'Aldrit lui avait dites auparavant.

[Ma femme s'est suicidée, Roi du désert.]

Le roi de l'épée, qui avait gardé son calme tout au long de la conversation, grimaça pour la première fois, comme s'il était sur le point de pleurer.

[Elle s'est noyée dans la baignoire, juste après sa visite à la Ville Sainte pour voir Sa Sainteté. Il y avait quelque chose d'inhabituel chez elle après son retour de voyage. Elle semblait plus distraite que d'habitude. Vous n'imaginez pas à quel point je me suis repentie après qu'elle m'ait quittée comme ça. De plus, elle était enceinte au moment de sa mort. Ceux qui étaient au courant de sa grossesse pensaient que ma femme s'était suicidée par culpabilité. Mais je crois en ma femme plus que quiconque au monde. C'est mon enfant qu'elle portait. Il est impossible qu'elle m'ait trahi].

Il était de notoriété publique qu'une Anika ne pouvait donner naissance qu'à un seul héritier du trône. Cependant, elle pouvait toujours tomber enceinte d'un enfant du commun des mortels. C'était pourquoi il arriva qu'une Anika tombe à nouveau enceinte après s'être remariée avec un homme du peuple.

Si ce que le Roi de l'épée venait de lui dire était vrai, cela ne pouvait que signifier que les connaissances communes étaient en fait fausses. Une enquête devait alors être menée pour découvrir pourquoi il n'y avait aucune trace d'une Anika donnant naissance à un second héritier du trône.

[Il m'est pénible de me rappeler un tel souvenir, enfoui depuis longtemps dans mon esprit.]

Le roi de l'épée poursuivit d'un regard mi-chagrin mi-soulagement.

[Je n'en avais jamais parlé à personne auparavant. Vous êtes la première personne à qui je me confie].

[...Pourquoi m'en as-tu parlé ?]

Kasser doutait de l'intention du roi, même s'il ne doutait pas qu'il mentait. L'information qu'il recherchait était simple - tout ce qu'il voulait du Roi d'épée, c'était qu'il partage son expérience si jamais il passait par les mêmes changements dans son Praz. Ils n'avaient jamais été profondément liés pour que le roi lui donne des informations aussi personnelles.

Le Roi de l'Épée n'avait guère caché son attitude hostile à l'égard de Sang-je pendant qu'il parlait. Il ne faisait aucun doute qu'il serait très troublé si l'une de ses paroles

tombait dans l'oreille de Sang-je. Tant que les cris de naissance d'Anika ne seraient entendus que dans le pays de la Ville Sainte, le sort de l'existence d'un royaume était entre les mains de Sang-je, car son consentement était essentiel pour qu'un roi puisse épouser Anika.

[Je me suis rappelé les bons souvenirs du passé lorsque vous et votre reine, Anika, sembliez très dévoués l'un à l'autre lors du banquet d'hier]

Sur ce, Richard fixa le vide d'un regard nostalgique, comme s'il se remémorait le bon vieux temps qu'il avait passé avec sa femme. Kasser attendit patiemment, sans se soucier du long silence, car il ne voulait pas interrompre le roi de l'épée pendant qu'il se remémorait ses souvenirs.

Dans le passé, Kasser aurait certainement privilégié l'efficacité afin d'obtenir autant d'informations que possible en peu de temps. Cependant, il avait appris à quel point l'esprit humain était inefficace et illogique. D'une certaine manière, il avait l'impression de pouvoir compatir à l'agonie du roi de l'épée dans une certaine mesure.

[J'ai entendu parler de la rumeur concernant l'Alouette. Dans quelle mesure cette rumeur est-elle vraie ?]

[Il est vrai que la Ramita de la reine a transformé une Alouette en arbre]. avait répondu Kasser.

[...Bien que je n'aie aucune idée de ce qui s'est réellement passé, il s'agit en effet d'un événement sans précédent. Pour Sa Sainteté en particulier. Car il n'y a jamais eu d'Anika, censée posséder un tel niveau de Ramita, mariée à un roi].

Soudain, le Roi de l'épée fixa Kasser de ses yeux brillants avant de s'exprimer fermement.

Les derniers mots de son père, le défunt roi, se superposèrent instantanément à la remarque : [Fils, ne te fie pas au Sang-je, ne te fie pas aux autres. Fils, ne fais pas confiance à Mahar.]

Kasser se demanda si le défunt roi avait eu connaissance de quelque chose avant de mourir. Mais si c'était le cas, pourquoi ne lui avait-il pas laissé un testament à ce sujet ?

[Sa Sainteté pourrait tenter de t'enlever ta femme.]

[Notre mariage a déjà été officiellement reconnu]

[Cela ne l'empêcherait pas de trouver un moyen de le faire. Dans le pire des cas, il a une raison absolue de justifier chacune de ses actions. Qu'il a été appelé à accomplir la volonté divine.]

[....]

Kasser réalisa finalement que tous les pires scénarios étaient possibles. Il aurait sérieusement envisagé de rebrousser chemin s'il n'avait pas encore franchi les

montagnes d'Anotty. Mais comme il avait déjà parcouru cette distance, il n'avait pas d'autre choix que de marcher droit dans le champ de l'ennemi.

Dévasté par la situation dans laquelle il se trouvait, Kasser se tourna vers le Roi de l'épée pour lui demander conseil. À ce moment-là, Kasser n'avait l'air que d'un jeune homme qui demandait conseil à un sage aîné, et non d'un roi.

[Avez-vous des conseils à me donner sur la façon dont je dois réagir en cas de situation imprévue ?]

Le roi de l'épée, surpris par cette question inattendue, regarda attentivement Kasser avant d'ouvrir la bouche.

[Je n'ai qu'un seul conseil à vous donner.]

Tome 1 – Chapitre 235 – Il n'est jamais trop tard

Profondément absorbé dans ses pensées, Kasser avait atteint la chambre à coucher avant de s'en rendre compte. Alors qu'il ouvrait la porte, Eugène, qui feuilletait les pages d'un livre tout en étant allongée à plat ventre sur le lit, arriva directement dans son champ de vision. Eugène jeta un bref coup d'œil à Kasser, qui était entré par la porte ouverte, avant de se replonger dans le livre qu'elle lisait.

Eugène avait tendance à le faire lorsqu'elle était profondément absorbée par ce qu'elle faisait. La façon dont elle se comportait avec le roi était étonnamment sans réserve.

En fait, cela faisait un certain temps qu'ils ne s'étaient pas trop souciés de se conformer aux règles de courtoisie lorsqu'ils étaient seuls. Par exemple, sans passer par la formalité d'annoncer son arrivée par l'intermédiaire d'un serviteur, Kasser avait simplement fait pivoter la porte et s'était engouffré dans la chambre.

Depuis son plus jeune âge, il avait reçu une éducation stricte sur le respect des coutumes et des règles de bienséance. Cependant, il trouvait très amusant, ces derniers temps, de s'écarter des coutumes établies de longue date. Il se sentait plutôt ravi d'imaginer la mine déconfite de Marianne si elle l'apprenait un jour, elle qui était très stricte en matière de règles et de coutumes. C'était presque comme si son côté rebelle caché commençait à se manifester dans son esprit après toutes ces années de répression.

Alors qu'il montait sur le lit et s'assit à côté d'elle, Eugène lui parla, les yeux toujours fixés sur le livre.

« J'ai trouvé ça sur la table. Je suppose que c'est une sorte de conte de fées pour les enfants. Néanmoins, je le trouve très amusant au fur et à mesure que je le lis »

Kasser jeta un coup d'œil au livre qu'elle était en train de lire. Comme elle l'avait dit, il s'agissait bien d'un livre de contes pour enfants, car plus de la moitié des pages étaient remplies d'illustrations, le reste n'étant occupé que par quelques phrases.

Cependant, il se désintéressa vite du livre. En fait, il ne s'était jamais intéressé à un tel livre d'histoire. Le seul sujet qui l'intéressait était sa femme, qui était absorbée par sa lecture, sans se soucier de son mari qui se trouvait à ses côtés.

Alors qu'il cherchait un moyen de détourner son attention du livre, il entoura doucement sa cheville d'une main. Il glissa ensuite lentement sa main de la cheville au mollet, le long de la courbe de son corps.

Eugène bougea un peu son corps, comme pour lui suggérer de ne pas la déranger. Mais sans se faire prier, il appuya ses doigts sur le creux de son genou et le frotta doucement du bout des doigts. Ensuite, il couvrit de sa paume la chair sous la cuisse et tâtonna jusqu'à ce que sa main se posa sur la séparation entre la cuisse et la hanche.

« J'ai presque fini. Donne-moi une minute »

Cette fois, Eugène écarta son corps plus fortement sur le lit. Pourtant, sa paume n'avait fait que la taquiner avec ténacité, comme si elle était entièrement accrochée à son corps.

Avec insistance, il lui prit la hanche tout en balayant ses longs cheveux, qui ruisselaient sur ses épaules, et pressa ses lèvres contre la peau dévoilée de sa nuque.

Même si Eugène était déterminée à terminer les dernières pages du livre qu'elle lisait, elle s'efforça de l'ignorer complètement. Cependant, le chatouillement qu'elle ressentait au niveau de sa nuque, à chaque fois que ses lèvres étaient pressées, lui procurait d'étranges sensations. Sa concentration se brisa encore plus lorsque sa main commença à caresser sa hanche. Même une simple phrase courte n'avait pas été comprise par son cerveau.

Une fois qu'elle eut atteint la limite de sa patience, Eugène jeta sa tête sur le côté tandis qu'elle marmonnait d'irritation sous son souffle. Cependant, l'agacement d'Eugène s'estompa en vain, lorsqu'elle le vit reculer promptement après lui avoir volé un baiser dès que ses yeux se posèrent sur les siens.

« Ha-ah... »

Perplexe, elle poussa un soupir en pensant que ce n'était finalement pas juste pour elle.

L'homme en face d'elle était impeccablement fringant. Personne ne pouvait le refuser devant ses yeux bleus charbonneux, brûlants de chaleur.

Acceptant sa défaite, Eugène céda en se roulant sur le côté, les mains détachées du livre qu'elle lisait. Et dès que l'arrière de sa tête toucha le lit, il se hissa sur elle et se pressa contre son corps.

Eugène expira langoureusement en sentant le poids agréable de l'homme qu'elle connaissait bien.

Aussitôt, ses lèvres furent englouties par les siennes, chaudes et humides, tandis que sa langue s'immisçait dans sa bouche. Il frotta sa chair tendre avec le bout de sa langue tout en avalant le liquide qui coulait dans sa gorge.

Ensuite, il glissa sa main pour remonter son vêtement de nuit, qui était déjà enroulé, révélant sa cuisse, jusqu'à sa taille. Son érection, serrée contre elle alors qu'il s'enfonçait entre ses jambes, était aussi dure qu'un roc.

Le visage d'Eugène était tout rouge de chaleur lorsqu'elle sentit le mouvement de sa taille contre ses parties intimes, tandis que sa langue s'emmêlait avec la sienne. Sa contrariété d'avoir été interrompue en pleine lecture avait disparu depuis longtemps.

Il était sans aucun doute un gentleman raffiné avec ses manières calmes comme s'il était un homme avec peu ou pas de désirs sexuels, mais contrairement à son expression sereine, son corps, lui, était plus que fidèle à ses instincts de base.

Souvent, ils s'embrassaient ou partageaient un léger baiser pendant le déjeuner ou lorsqu'ils se promenaient. Et il n'était pas rare qu'Eugène sente sa dureté pressée contre son bas-ventre ou qu'elle voie sa virilité saillante de ses propres yeux. Elle en était presque arrivée à se demander s'il ne bandait pas rien qu'en voyant son visage.

Le fait qu'il restreigne son désir en fonction du moment et du lieu, bien qu'il était excité à chaque fois en sa présence, lui avait procuré un sentiment de satisfaction assez inhabituel.

Mais d'un côté, elle se demandait s'il serait capable de garder ou de perdre patience lorsqu'elle lui donnerait un signal. Elle était décidée à le mettre à l'épreuve un jour.

Eugène attendait de voir son expression abasourdie après avoir réalisé que ce n'était qu'une blague.

Ses doigts tressaillirent tandis que son corps réagissait aux picotements. Les pensées qui occupaient son esprit s'étaient rapidement évanouies. Et la façon dont leurs langues s'entremêlaient, tandis qu'il dévorait chaque recoin de sa bouche, trahissait son désir pour elle.

Après avoir sucé sa langue, il retira ses lèvres en lâchant tardivement les siennes.

Eugène avait alors fixé son visage à travers ses yeux faiblement ouverts.

Kasser entoura son visage d'une main et frotta ses lèvres détrempées avec son pouce.

Un sentiment soudain de malaise l'étouffa. La peur s'empara de lui alors qu'il trouvait cette femme, qui s’étalait sous lui, très attachante.

Il songea à son insolence d'avoir cru pouvoir un jour ressentir la douleur du Roi d'épée.

Il n'osait pas imaginer le chagrin du roi d'épée. Il ne pensait pas pouvoir vivre des années de chagrin comme le roi d'épée l'avait fait après la mort de sa femme.

Sans le vouloir, il se murmurait à lui-même.

« J'ai fait une erreur. Il n'était jamais trop tard pour revenir en arrière »

Il se sentait étouffé rien qu'à l'idée d'arriver à la ville sainte le lendemain. Le jour où ils s’étaient arrêtés au château du royaume de Slan, il s'était dit qu'il était peut-être trop tard pour faire demi-tour. Mais maintenant qu'il y pensait, il n'était jamais été trop tard pour retourner dans son royaume.

« Nous partons tout de suite ? Personne ne pourra jamais nous poursuivre si je m'enfuis avec toi dans les bras »

« ...Pour aller où ? »

« Au château. Notre maison »

Les yeux d'Eugène vacillèrent dans un effort pour comprendre ses paroles. Peu à peu, ses yeux se focalisèrent sur le prolongement de leur conversation d'hier, qu'elle réalisa tardivement.

Hier, ils avaient eu une longue conversation jusque tard dans la nuit. Eugène partagea les choses qu'elle avait entendues de Gemma tandis que Kasser lui raconta les choses qu'il avait appris lors de sa conversation avec le roi de l'épée.

C'était une conversation plus décontractée que sérieuse, un peu comme s'ils parlaient des choses de leur vie quotidienne. D'autant plus qu'il n'avait rien dit d'autre aujourd'hui, Eugène avait pensé que la conversation s'était terminée hier.

Eugène fixa son regard et le fixa dans ses yeux pendant un bon moment. Bientôt, ses yeux s'écarquillèrent de surprise lorsqu'elle lut son inquiétude quelque part au fond de ses yeux.

Elle tendit la main et la posa sur sa joue. « Si nous partons maintenant, que se passera-t-il après ? »

« .... »

« Tu sais très bien que fuir ne résoudra pas le problème »

« ...Tu as raison. Je n'avais pas les idées claires. Oubliez ce que j'ai dit tout à l'heure »

Tout comme le Roi de l'Épée l'avait mentionné auparavant, Sang-je possédait un pouvoir absolu, la soi-disant 'volonté divine de Dieu' comme arme. Il ne serait certainement pas judicieux de tourner le dos à Sang-je sans raison valable, car le monde entier se retournerait alors contre eux. Cela ne l'aurait pas dérangé s'il avait été seul, mais il ne pouvait pas supporter de l'entraîner avec lui dans une situation aussi dévastatrice.

« Ne vous inquiétez pas, Votre Majesté. Je ne finirai jamais comme la reine du royaume de Slan »

Les yeux de Kasser s'écarquillèrent tandis que le conseil de Richard, qu'il ne lui avait pas donné hier, lui traversait l'esprit.

[En fin de compte, c'est moi qui suis vraiment responsable de la mort de ma femme. Je me suis contenté de créer une autre forme de relation dans mon mariage, contrairement à mes parents. Je regrette donc de ne pas lui avoir accordé suffisamment de confiance en tant qu'homme, car elle n'était qu'une femme avant d'être une Anika. C'est probablement pour cela qu'elle m'a caché sa grossesse et qu'elle a préféré aller demander conseil à Sa Sainteté. J'espère seulement que tu ne feras pas la même erreur que moi].

Alors que leur conversation touchait à sa fin, le roi de l'épée fit un dernier commentaire.

[Gardez cela à l'esprit, Roi du désert. La sincérité est de la plus haute importance dans une relation. Aucun stratagème vicieux ne pourra jamais avoir raison de la sincérité

d'une personne. Il en va de même pour la loyauté, l'amitié et l'amour, car ils ont tous la même racine : la confiance].

Montrer sa sincérité était plus facile à dire qu'à faire. Personne ne savait à l'avance s'il parlait vraiment avec son cœur ou si ses paroles n’étaient que des mensonges. D'une manière ou d'une autre, tout le monde dans ce monde faisait semblant d'être sincère dans ses paroles et son comportement à un certain degré.

Kasser poursuivit en espérant que ses mots transmettraient ses sentiments sincères au cœur de la jeune femme. « Eugène »

« Oui ? »

« Je crois en vous »

« Pardon ? »

« Quoi qu'il arrive, souviens-toi de ceci. Je crois en toi. Peu importe les erreurs que tu as commises. Alors ne t'afflige jamais tout seule »

Les yeux d'Eugène tremblèrent fortement à cette remarque. Se sentant brûlante derrière les yeux, elle ouvrit lentement les yeux.

« ... » Eugène s'interrompit un instant alors qu'elle sentait une boule dans sa gorge « Ma mémoire me reviendra peut-être lorsque j'arriverai à la Ville Sainte. Il se peut que je t'aie fait des choses horribles. J'aurais même pu te tromper gravement... à l'époque où nous nous sommes mariés »

« Ce n'est pas de votre fait. Ce n'est pas grave »

Eugène tressaillit momentanément « Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Ne vous méprenez pas. Je ne veux pas nier votre passé. J'ai seulement voulu suggérer que nous devrions considérer celui que tu étais avant de perdre la mémoire, comme une personne complètement différente. Donc, ce que tu as fait dans le passé n'a plus d'importance »

Kasser serra le corps de la jeune femme dans ses bras, tandis qu'elle passait ses bras autour de son cou. Sur ce, il marmonna résolument qu'il ne la lâcherait jamais, quoi qu'il arrive.

Tome 1 – Chapitre 236 – La famille

La conversation s'interrompit en plein milieu, car la voiture ralentit progressivement jusqu'à s'arrêter. On entendit alors frapper à l'extérieur. Puis, par la porte légèrement entrouverte, le domestique s'expliqua.

« Votre Majesté, en raison de l'encombrement de la route menant à la ville sainte, le carrosse s'est arrêté un moment pour attendre que la route se libère. Cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps »

« D'accord »

Darlin continua lorsque la porte fut refermée.

« Il doit y avoir beaucoup d'allées et venues aujourd'hui. La dernière fois que je suis venue, je n'ai jamais eu à attendre pour passer »

La remarque de Charlotte suivit « En fait, c'est très encombré la plupart du temps.

L'attente est donc tout à fait inévitable. Parfois, il faut attendre un bon moment avant que la foule ne se déplace »

« C'est vrai ? Mon dernier voyage dans la ville sainte remonte à longtemps... »

« Cela fait longtemps pour moi aussi. Je crois que ma dernière visite remonte à cinq ans... »

Darlin avait les yeux rougis par l'excitation, et sa voix était plus aiguë que d'habitude.

Contrairement à Darlin, dont l'excitation se lisait sur le visage, Charlotte semblait sereine de l'extérieur, mais son visage était manifestement plus animé que d'habitude.

Leurs deux visages rayonnaient d'une même impatience tant attendue.

Le sourire aux lèvres, Eugène écoutait silencieusement leur conversation. Elle semblait avoir dépensé toute son énergie à s'inquiéter. Dans sa tête, elle avait sans cesse imaginé sa rencontre avec Sang-je pour calmer son inquiétude tout au long du voyage. Mais maintenant qu'ils étaient enfin arrivés, elle se retrouvait aussi calme qu'une eau tranquille. Elle se rendit compte qu'elle était en train de réfléchir à quelque chose qu'elle n'avait pas envisagé auparavant.

Je me demande quel genre de personnes est la famille de Jin.

Eugène essayait de se rappeler le roman original. Même si elle savait que ce monde était très différent de la façon dont il était décrit dans le roman, elle s'en servait encore souvent comme d'une sorte de référence. Ce n'était pas tout à fait inutile.

Dans le roman, la famille de Jin n'apparaissait que pour donner plus de détails sur le caractère de Jin. Jin était née dans une famille renommée, et elle était aimée de tous parce qu'elle était la plus jeune des filles. Cela suggérait que le fait qu'Anika avait choisi la voie du mal n'avait jamais été lié à son éducation. C'était une décision qui lui était propre.

À part cela, la famille de Jin n'apparut plus jamais dans le roman par la suite.

Cela n'a pas de sens maintenant que j'y pense.

Elle ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi la famille de Jin n'était jamais intervenue une seule fois pour le bien de leur attachante fille. Ils ne se manifestèrent même pas au dernier moment, lorsque Jin connut une fin tragique.

Je suppose que cela signifie qu'il y a beaucoup de lacunes dans l'histoire que j'ai écrite.

Cependant, il ne sembla pas que Jin soit en bons termes avec sa famille.

Au cours des trois dernières années, il n'y avait eu aucune trace de contacts avec sa famille. Le fait même que Jin avait demandé une faveur à la famille maternelle de Charlotte plutôt qu'à sa puissante famille était déjà étrange.

J'imagine que Jin et moi nous ressemblons d'une certaine façon, car nous sommes tous deux en mauvais termes avec notre famille.

Pour la première fois, Eugène se sentit identique à Jin. Et elles avaient tous les deux une famille de cinq personnes. D'après les informations qu'elle avait obtenues du chevalier Pides, Jin semblait avoir deux frères aînés.

La famille...

Pour la première fois depuis longtemps, Eugène se souvint de sa famille. La soi-disant relation d'amour et de haine sonnait trop bien pour décrire les sentiments qu'elle éprouvait à leur égard. Pendant un certain temps, elle commença à associer sa famille à un marécage profond et visqueux qu'elle ne pouvait pas s'imaginer traverser.

La famille d'Eugène était composée de personnes qui étaient loin de correspondre aux normes morales de la société. Ses deux parents avaient déjà été condamnés pour escroquerie et jeux d'argent, tandis que ses deux frères fréquentaient les commissariats de police pour des accusations d'agression, de vol et d'escroquerie. Aucun d'entre eux n'avait la moindre idée de gagner de l'argent avec une bonne dose de travail. Pire encore, ils dépensaient le peu d'argent qu'ils extorquaient aux autres comme de l'eau.

En conséquence, ils avaient toujours été pauvres.

Cependant, comme la plupart des enfants lorsqu'ils étaient jeunes, Eugène avait aussi cru un jour que ses parents et sa famille étaient les meilleures personnes au monde.

Mais maintenant qu'elle y repensait, l'amour qu'elle portait à sa famille n'avait jamais été réciproque.

Son amour unilatéral pour sa famille était tenace. Malgré d'innombrables déceptions, Eugène ne pouvait s'empêcher d'espérer comme une idiote. Elle croyait que sa famille pourrait un jour tourner la page et elle rêvait vainement de pouvoir les changer.

Eugène avait fait de son mieux. Elle s'efforçait d'aimer sa famille et voulait vivre une vie correcte. Avec eux.

Contrairement à ses frères, qui n'avaient que des mots grossiers à la bouche, elle s'était toujours comportée de manière agréable avec ses parents. Elle n'avait jamais manqué les premières places pendant toutes ses années d'école et, surtout, elle avait fait de son mieux pour mener une vie exemplaire. Convaincue que sa famille aurait l'esprit plus libre lorsqu'elle n'aurait plus à se soucier de joindre les deux bouts, elle avait cherché un emploi dès qu'elle l'avait pu.

Cependant, aucun de ses efforts n'avait jamais abouti. Eugene n'avait jamais été appelée par son nom. La façon la plus favorable de se faire appeler par sa famille semblait être

'Hey'. Tout ce qu'ils faisaient, c'était maudire, dire du mal de quelqu'un d'autre ou trouver un moyen d'exploiter les autres.

Sa famille avait progressivement englouti tout l'argent qu'elle avait gagné pour toutes sortes de raisons, comme si l'argent n'était que du papier. Le pire, c'est qu'ils l'avaient même laissée prendre la responsabilité de toutes leurs dettes de jeu.

Un jour, la réalité s'imposa enfin à elle et elle apprit à abandonner. Sa famille lui avait appris que les gens ne changeaient guère et que certains étaient tout simplement mauvais. Ils étaient une cause perdue.

En ce jour fatidique, Eugène était au bout du rouleau lorsqu'elle avait sauté dans le trou noir qui était apparu sous ses yeux, comme sorti de nulle part. Bien qu'elle s’était réveillée du jour au lendemain dans un endroit inconnu, elle ne regrettait absolument pas d'avoir quitté le monde dans lequel elle avait vécu pendant vingt-neuf ans. Pour preuve, elle aurait pu jurer que son ancienne vie ne lui avait pas manqué et qu'elle ne s'en était pas souvenue une seule fois, alors qu'elle était occupée à s'adapter à ce nouveau monde.

J'espère plutôt que... ce n'étaient pas des gens bien.

Elle était en détresse au point de souhaiter que la famille de Jin ne soit pas composée de personnes au grand cœur. Elle se sentirait ainsi moins coupable d'avoir prétendu être leur fille.

Je dois en apprendre davantage sur la famille de Jin.

Dans sa détresse, elle envisagea même d'éviter de rencontrer la famille de Jin et de retourner directement au royaume de Hashi sans les rencontrer du tout. Elle craignait qu'ils ne voient à travers son déguisement l'imposture de leur fille. Quelle que soit la gravité de leurs relations, il était fort probable qu'ils puissent faire la différence. Ils étaient toujours la famille de Jin, après tout, et ils vivaient avec elle depuis au moins vingt ans, sous le même toit.

Alors que la voiture se remit en marche, Eugène ouvrit le rideau. Dès qu'elle eut ôté le vêtement, Darlin poussa une exclamation d'émerveillement en découvrant opportunément le paysage qui défilait devant eux. Sa réaction reflèta celle de la reine.

Les yeux d'Eugène s'écarquillèrent également d'étonnement. Elle reconnut tout de suite le spectacle majestueux d'un vieil arbre qui se dressait devant leur carrosse. Il s'agissait sans aucun doute de l'arbre légendaire qui symbolisait la place de la Ville Sainte.

Instantanément, un autre souvenir de Jin lui revint à l'esprit en voyant l'arbre.

[La voix éplorée qu'elle entendit était celle d'une petite fille. Il s'agissait peut-être d'un des souvenirs d'enfance de Jin.

[Esprit de l'Arbre sacré, j'ai entendu dire que vous exauciez les souhaits de ceux qui prient, n'est-ce pas ? J'ai vraiment besoin que tu répondes à ma prière. S'il te plaît, fais de moi la vraie Anika Jin. S'il te plaît, partage tes pouvoirs avec moi. Un tout petit peu suffirait].

'Je crois qu'il y a une rumeur selon laquelle l'arbre de la place écouterait les prières des gens'.

C'était compréhensible, vu le symbole de l'arbre dans la ville. Cependant, Eugène n'arriva pas à comprendre ce que Jin souhaite.

La vraie Anika Jin ? Qu'est-ce que cela signifie ?

******************************

Becky était une Anika d'une quarantaine d'années. Après s'être inquiétée du rêve lucide qu'elle avait fait la nuit dernière, elle s'était précipitée au palais pour demander une audience à Sang-je aux premières lueurs du jour. Puis, lorsqu'elle rencontra enfin Sang-je, elle lui raconta tout de suite comment son rêve lucide avait changé, avec un regard apparemment craintif.

Elle avait vu un puits dans son premier rêve lucide à l'âge de dix ans. Le niveau de sa Ramita n'était que moyen, jamais aussi puissant ni aussi faible.

« Votre Sainteté, que peuvent signifier les changements dans mes rêves ? »

« Anika Becky. Calmez votre esprit et décrivez-moi les changements que vous avez vus dans votre rêve »

« Oui, Votre Majesté. La nuit dernière, j'ai vu le puits dans mon rêve, comme d'habitude.

Mais il ne débordait pas d'eau, comme d'habitude. Quand j'ai regardé à l'intérieur, j'ai vu que le niveau de l'eau avait considérablement baissé jusqu'au fond. C'était comme si le puits s'était desséché à cause d'une terrible sécheresse ! »

Son explication, autrefois posée, s'agitait alors que Becky se mit à divaguer bruyamment. Paniquée et désemparée.

« Votre Sainteté, j'avais appris que la Ramita innée d'une personne ne changerait jamais avec le temps. Mais les changements dans les rêves lucides n'indiquent-ils pas les changements dans la Ramita d'une personne ? Dieu m'a-t-il abandonné ? »

« Anika Becky. Ce n'est pas la première fois que tu vois des changements dans ton rêve lucide. As-tu oublié ? »

« Je vous demande pardon ? »

« Essayez de vous rappeler la fois où vous êtes venu me voir, lorsque vous avez fait votre premier rêve lucide à l'âge de dix ans »

L'expression de Becky changeait progressivement au fur et à mesure qu'elle remontait dans ses souvenirs.

« Voyez-vous la différence de niveau d'eau du puits entre celui que vous avez vu dans votre premier rêve lucide et celui que vous avez vu hier ? »

« Oui, il y a....no, c'est en fait similaire... Je ne suis pas sûr, Votre Sainteté »

« Ensuite, parlons de quelque chose qui s'est passé plus récemment. Il y a une vingtaine d'années, il est difficile de dire qu'il s'agit de l'événement le plus récent, mais vous souvenez-vous que vous êtes venu me voir comme aujourd'hui pour me dire que votre rêve avait changé ? »

« Oui, Votre Sainteté. Je m'en souviens »

« Je me souviens très bien que vous m'ayez dit que le puits de votre rêve débordait maintenant d'eau, alors qu'auparavant vous deviez regarder vers le bas pour voir l'eau à l'intérieur. Vous en souvenez-vous également ? »

« Oui, Votre Sainteté. Je m'en souviens »

Becky semblait avoir retrouvé son calme, tant dans ses expressions que dans sa voix.

« Anika Becky. Les changements que tu as vus dans ton rêve lucide n'indiquent pas les changements dans ta Ramita. J'ai vu beaucoup d'autres Anika qui ont vécu la même chose. Tu n'as donc pas à t'inquiéter. Calme ton cœur. Dieu ne t'abandonnera jamais, quelles que soient les circonstances »

« Je m'excuse d'avoir créé une agitation inutile pour des soucis inutiles, Votre Sainteté. »

Contrairement à Becky, qui était partie l'esprit tranquille, Sang-je s'agita dès qu'il fut seul.

Tome 1 – Chapitre 237 – Rencontrer

Sang-je

Il venait de mentir à Becky. Après toutes ces années où il s'était occupé des Anikas, il n'était jamais arrivé qu'Anika voie des changements dans ses rêves lucides, sauf une fois, vingt ans en arrière.

Il y a une vingtaine d'années, tous les Anikas connurent des changements dans leurs rêves lucides. Comme chacune d'entre elles avait son propre cycle de rêve, il ne pouvait pas préciser l'heure ou la période exacte à laquelle de tels phénomènes s’étaient produits. Il ne pouvait que supposer que tout cela s'était produit il y a une vingtaine d'années.

Curieusement, toutes les Anika avaient vu les mêmes changements. Qu'il s'agisse d'un puits, d'un étang ou d'une source, l'important était que le niveau de l'eau était toujours décrit comme ayant augmenté par rapport au niveau habituel qu'ils avaient vu dans le passé.

Bien qu'il avait prêté une attention particulière à Anikas pendant un certain temps, Sang-je ne réussit pas à découvrir ce que ces changements impliquaient. Il fit mesurer leur niveau de Ramita à travers la graine transparente, mais il n'y avait aucun changement notable.

Mais un jour, lorsque la petite Jin vint lui demander de l'aide pour retrouver sa Ramita perdue, il se dit que le fait que Jin avait perdu sa Ramita devait être lié aux changements observés par Anikas dans leurs rêves lucides. Il se rendit alors compte que l'enlèvement de Jin, l'une des enfants disparues, coïncidait avec la période où les Anikas ressentaient des changements dans leurs rêves.

Au cours des derniers mois, il avait été fréquemment visité par des Anikas, et les raisons de leur visite étaient toutes les mêmes. Pour la première fois en vingt ans, il semblait que leurs rêves lucides aient changé une fois de plus.

Celles qui avaient vu leur niveau d'eau augmenter il y a vingt ans l'avaient vu revenir à son niveau d'origine. Quant à celles qui étaient nées après les changements survenus il y a vingt ans, elles avaient vu le niveau de l'eau dans leurs rêves se réduire encore plus qu'il ne l'avait été dans leurs premiers rêves lucides.

Serait-ce parce que Jin a récupéré son Ramita ? A quel point le Ramita de Jin pourrait-il affecter d'autres Anikas dans leurs rêves lucides ?

Alors, serait-ce Jin plutôt que Flora ? Toutes ces années, Sang-je avait attendu qu'Anika mette enfin un terme à son interminable voyage dans ce monde. Ces derniers temps, il s'impatientait, comme s'il avait atteint la limite de sa patience.

Il avait récemment convoqué Flora et lui avait demandé si elle avait subi des changements. Mais Flora lui répondit seulement qu'elle était restée la même que d'habitude. Tout sera clair lorsqu'il la convoquera à nouveau après son prochain rêve lucide.

Sang-je tourna la tête vers la porte solidement fermée. En peu de temps, la porte s'ouvrit et un chevalier apparut.

« Votre Sainteté » dit le chevalier en s'inclinant.

« Anika Jin devrait arriver très bientôt »

Un léger sourire traversa le visage de Sang-je à cette nouvelle.

« Je la verrai dès son arrivée. Accompagnez-la dans ma salle de prière »

« Comme vous voulez, Votre Sainteté »

Au bout d'un moment, un carrosse entra dans le palais de la Ville Sainte. Et c'était Eugène seule qui se trouvait à l'intérieur.

****************************

Eugène resta un moment sur son siège, même après l'arrêt complet de la voiture et l'ouverture de la porte de l'extérieur. Avant de partir, elle dissuada Kasser, qui insistait pour l'accompagner au palais.

[Je suis la seule à avoir été convoquée par Sa Sainteté.]

[Mais il n'a pas dit qu'il m'interdisait de venir aussi. Je peux lui dire que je suis venu demander une audience avec lui pour une autre affaire]. Kasser avait insisté.

[Votre Majesté, je vais vraiment bien. Je vais y aller seul.]

[Mais...]

[Je pense qu'il est plus sage de ne pas le provoquer inutilement. Je lui dirai que je suis venu présenter mes respects aujourd'hui, sous prétexte d'être fatigué par le long voyage. Je suis sûr qu'il ne bougera pas tout de suite.'

[...J'attendrai alors à l'extérieur du palais.]

[Non, s'il vous plaît, ne le faites pas. Nous avons convenu d'afficher une façade d'indifférence à l'extérieur. Je vous retrouverai au manoir plus tard, alors allez-y.]

Eugène ne put s'empêcher de ricaner lorsqu'elle se souvint de l'air rétif de son visage, comme s'il laissait un enfant seul au bord de la mer. Grâce à cela, elle se sentait beaucoup plus légère et sa tension semblait diminuer.

« C'était vrai. Il n'y avait pas lieu de s'inquiéter pour l'instant. Sang-je devait penser que je suis sous son influence depuis que je suis dans la Ville Sainte »

Eugène descendit de la voiture et fut accueillie par Pides, qui l'attendait à l'extérieur.

Depuis qu'elle avait appris la vérité sur la mort de la reine du royaume de Slan, elle se demandait pourquoi Pides, qui était censé être le premier amour de Jin, avait été envoyé pour porter la lettre de Sang-je jusqu'au royaume de Hashi. Elle en conclut que ce genre d'incident n'était jamais le fruit du hasard. De plus, elle trouva l'intention palpable de Sang-je plutôt ridicule, surtout lorsqu'elle vit la ténacité avec laquelle il faisait traîner Pides dans l'entourage de Jin.

Un nouveau souvenir s'imposa à Eugène lorsqu'elle vit Pides se tenir dans le décor du palais. Dans ce souvenir, Jin parlait à un chevalier qu'elle ne connaissait pas.

[Jin s'était plaint, manifestement insulté]

[Vous devrez attendre car Sa Sainteté est en pleine audience].

[Je suis tout à fait disposé à attendre, mais je le ferai dans la salle de prière.]

[Anika Jin. La salle de prière est un lieu sacré. Personne ne doit y entrer sans la présence de Sa Sainteté].

Pides, sorti de nulle part, coupa la parole au chevalier et se tourna vers Jin. [Permettez-moi de vous montrer l'intérieur. Anika Jin.]

[Je suppose que tous les chevaliers ne comprennent pas la volonté divine de Sa Sainteté]

Bien qu'Eugène n'avait pas pu voir le chevalier de plus près, car Jin s'empressa de tourner en rond après avoir lancé une remarque aussi froide, il était assez évident de voir le genre de visage qu'il pouvait arborer.

Eugène avait ainsi une idée claire du comportement de Jin en si peu de temps. Elle supposait que Jin n'hésitait pas à faire des remarques audacieuses aux gens en public, ignorant à quel point ses manières hautaines faisaient honte aux gens.

Dois-je me comporter de la même manière ?

Après tous les efforts qu'elle avait mis en pratique avec l'aide de Charlotte, elle avait reçu un commentaire favorable de Charlotte pour son imitation impeccable de son comportement passé. Cependant, elle n'était pas sûre de réussir à imiter Jin en présence de Sang-je.

« Je suis assez nostalgique de vous voir au palais pour la première fois depuis longtemps. Sa Sainteté m'attend-elle à la salle de prière ? »

« Oui, je vous accompagnerai à la salle de prière, Anika Jin »

Tous deux traversèrent le couloir en silence. En traversant le grand couloir à l'aspect divin, orné d'un sol en marbre blanc, Eugène ressentait de temps à autre une légère impression de déjà-vu. Elle se dit que Jin a dû fréquenter ce même couloir.

Furtivement, Eugène jeta un coup d'œil à Pides, qui marchait à côté d'elle.

Je me demande comment il a décrit ma relation avec le roi à Sang-je.

Kasser n'avait pas du tout apprécié qu'elle proposa qu'ils montrent indifférents pendant leur séjour dans la ville sainte. Il réfuta cette idée en évoquant les autres chevaliers qui avaient accompagné leur voyage tout au long de la marche.

[Je pense que votre proposition est plutôt inefficace. Qu'en est-il des chevaliers qui ont vu et entendu des choses sur nous pendant le voyage ?]

[Mieux vaut prévenir que guérir. Dorénavant, ne nous regardons même plus quand il y a des gens autour de nous].

[Je n'aime pas du tout cette proposition.]

Cependant, lorsqu'Eugène l'incita à aller plus loin, Kasser céda à contrecœur avec un ou deux murmures. Eugène dut empêcher le coin de ses lèvres de se soulever lorsque son regard maussade traversa son esprit. Elle n'arrivait pas à croire qu'il lui manquait déjà.

« Je ne te l'ai pas dit avant, mais j'ai été très surprise de te voir de retour au royaume. Je n'aurais jamais pensé que Sa Sainteté vous enverrait. Je vous prie de m'excuser si j'ai été inhospitalière. J'avais beaucoup de choses en tête ces derniers temps » Eugène lui demanda sournoisement pourquoi il avait été envoyé auprès d'elle.

« Je n'ai fait que ce qu'on m'a demandé. Si vous n'êtes pas satisfait de mon service, je demanderai à Sa Sainteté d'envoyer quelqu'un d'autre pour vous assister la prochaine fois »

Eugène répondit d'une manière posée pour ne pas paraître pressé « Ce ne sera pas nécessaire. Je ne pense pas que quelqu'un soit prêt à faire le travail à votre place »

« ...Anika Jin. Est-ce que quelqu'un vous a offensé avec un manque de courtoisie, par hasard ? »

« Je suppose que tous les chevaliers ne comprennent pas la volonté divine de Sa Sainteté, comme vous, Sir Pides »

Eugène répondit d'un air prétentieux. Et au silence de Pides, elle comprit qu'elle avait effectivement fait une remarque que seule 'Anika Jin' aurait pu faire.

Après avoir descendu les escaliers qui apparaissaient au bout du couloir qui les menait à un autre couloir, ils répétèrent le même processus plusieurs fois avant que Pides ne s'arrêta enfin devant les marches où des chevaliers étaient en sentinelle.

Je suppose que la salle de prière se trouve en bas.

Pides fit une révérence à Eugène, suggérant qu'il n'irait pas plus loin. Eugène s'inclina pour lui rendre la politesse et descendit les marches toute seule.

Les marches étaient si étroites qu'il n'y avait que deux personnes qui pouvaient aller et venir en même temps. Il semblait que sa main pouvait atteindre les deux murs sur le côté si elle tendait les bras, debout au milieu d'une marche. Bien que les marches n’étaient pas raides, elle avait l'impression d'entrer dans une grotte avec toutes les briques qui l'entouraient.

Pourquoi a-t-il aménagé une salle de prière aussi profondément dans le sous-sol ? Une salle de prière n'est-elle pas censée se trouver dans un endroit où il y a beaucoup de soleil ou en hauteur, pour être plus proche du ciel ?

Maintenant qu'elle y repensait, elle se rendait compte qu'elle avait déjà descendu plusieurs étages en chemin. Les couloirs qu'elle traversait étaient aussi lumineux que le jour avec toutes les lampes suspendues à chaque périmètre, d'où le fait qu'elle n'avait pas remarqué sa descente de quatre ou cinq étages vers le souterrain.

Lorsqu'elle atteignit la dernière marche, elle resta debout et regarda la porte fermement fermée devant elle. Elle retint son souffle lorsqu'elle s'ouvrit lentement, révélant l'intérieur élégant de la chambre. Elle se redressa rapidement et se rappela qu'elle était ici en tant que 'Jin', d'un air déterminé. Elle se ressaisit et s'avança lentement vers la porte qui s'ouvrait à présent largement.

Tome 1 – Chapitre 238 – L'as-tu

retrouvée?

En entrant, elle aperçut Sang-je, vêtu d'un vêtement blanc aux broderies dorées, debout sur l'estrade au milieu de la salle, lui tournant le dos. Ce fut ses longs cheveux blonds, qui embrassaient le sol, qui attira immédiatement son attention.

Blonds ?

À ce moment-là, son esprit fut instantanément envahi par un autre souvenir de Jin. Elle vit un homme se tenir devant Jin, mais son visage était caché par la capuche qu'il portait sur la tête. À sa grande surprise, les cheveux de l'homme étaient également d'un blond étonnant.

[Êtes-vous le Grand Prêtre de Mahar ?]

[C'est moi, Anika] L'homme parla d'une voix si bourrue qu'elle en était presque pénible à entendre. [Je suis très heureux de vous rencontrer, Anika. Et je crois que notre rencontre d'aujourd'hui nous sera bénéfique à tous les deux.]

[Nous verrons cela plus tard. Je ne connais pas le système hiérarchique de l'ordre des Mahars. Quelle est votre autorité au sein de l'ordre ?]

[Absolue. Car c'est moi qui prend les décisions au sein de l'ordre. Tout comme le Sang-je de Mahar].

[Quelle imprudence ! Comment osez-vous vous comparer à Sa Sainteté.]

Le Grand Prêtre ricana à la remarque de la jeune femme en retirant rapidement le capuchon de son visage avec ses deux mains. Eugène sursauta mentalement lorsque l'identité du Grand Prêtre, qu'elle n'avait entendu que par les paroles de Rodrigo, fut enfin révélée devant ses yeux.

Il est plutôt jeune...

Le Grand Prêtre était étonnamment jeune et beau. Mais plus que sa beauté divine, c'était l'éclat écarlate de ses yeux qui la surprit.

Au moment où le Grand Prêtre s'apprêtait à dire un mot, Eugène cligna vigoureusement des yeux pour se libérer de ce souvenir. C'était certainement un souvenir nostalgique sur lequel elle devait réfléchir, mais il n'était pas opportun pour elle de se laisser distraire maintenant. Pas à cause de la présence de l'être qui se trouvait devant elle.

Elle détacha rapidement son regard du dos de Sang-je pour le poser sur le sol « Que la bénédiction de Mahar soit toujours avec vous. Je suis venue vous présenter mes respects, Votre Sainteté »

« Cela fait si longtemps, Anika Jin. Je suis très heureux de vous revoir »

Les mains d'Eugène tressaillirent tandis que la voix résonnait dans son esprit « Je suis très heureuse de vous transmettre mes salutations, Votre Sainteté »

Sur ce, elle prit son courage à deux mains et fixa lentement son regard sur Sang-je en affichant un petit sourire. Les yeux de Sang-je restaient fermés, mais il pouvait la voir.

Sous son sourire, elle laissa échapper un cri intérieur - il ressemblait étrangement au Grand Prêtre qu'elle venait de voir dans une fraction de la mémoire de Jin.

« Quel est leur lien de parenté ? Pourraient-ils être une seule et même personne ? Non, c'est impossible. Pensez à la distance qui sépare le Royaume de Hashi de la Ville Sainte »

« Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ? »

La même question avait été posée à Eugène par Pides. C'était l'une des questions qu'elle s'attendait à se voir poser lors de sa rencontre avec Sang-je. Elle lui donna la réponse qu'elle avait préparée, comme si elle avait anticipé la bonne question d'un test.

« Je n'ai pas encore trouvé, Votre Sainteté. Pour être exacte, je dirais que je n'en ai trouvé que la moitié. C'est pourquoi j'ai donné la même réponse à la question que vous m'avez posée par l'intermédiaire de Sir Pides »

« La moitié seulement ? Pourriez-vous être plus précis ? »

« J'ai perdu autant que j'ai gagné »

« Alors, vous n'avez pas retrouvé votre Ramita ? »

Soudain, Eugène entendit la voix de Jin dans ses oreilles.

[Votre Sainteté. Aidez-moi, s'il vous plaît. Vous êtes le seul à pouvoir m'aider à retrouver la Ramita que j'ai perdue].

La Ramita qu'elle a perdue ?

Il s'agissait sans aucun doute d'une remarque de preuve décisive. Bien qu'elle avait eu la chance d'accéder à la mémoire de Jin juste à temps, elle apprit de son expérience qu'un mot-clé était essentiel pour déclencher les souvenirs enfouis. Cependant, il y avait clairement une limite à ce qu'elle puisse induire de tels mots-clés tout au long de la conversation avec Sang-je, qui réfléchissait à tête reposée.

Pendant tout le trajet jusqu'à la Ville Sainte, Eugène s'était creusé la tête pour trouver un moyen de découvrir ce que Jin et Sang-je avaient comploté en se remémorant les souvenirs de Jin. Et c'était d'autant plus facile qu'elle s'adressait à ceux qui la servaient, car ils risquaient de bavarder encore et encore une fois qu'ils commençaient.

Évidemment, elle savait bien qu'elle ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il en soit de même pour sa conversation avec Sang-je. Elle décida donc de mélanger tout ce qu'elle pouvait, y compris le vrai, le faux et aussi quelques mensonges.

« Votre Sainteté. Au cours de la dernière période, je suis allée dans le désert avec quelques-unes de mes servantes au moment où la saison sèche était sur le point de s'achever. Et j'avais un but précis »

« Il y a beaucoup d'ambiguïté dans vos paroles, Anika Jin »

« Vous avez raison, Votre Sainteté. C'est ce que j'ai perdu. Je ne me souviens pas de la raison pour laquelle je suis allée dans le désert, ni dans quel but. Je pense qu'une partie de ma mémoire a été altérée »

Sang-je plissa légèrement les sourcils à sa remarque. Comme il restait silencieux, Eugène s'agita encore plus en attendant sa réponse. Si Sang-je avait la capacité de deviner le véritable cœur d'une personne, il serait capable de voir clair dans ses mensonges.

« Je suis désolé pour toutes les souffrances que tu as endurées. La perte de votre mémoire est-elle le seul changement que vous ayez connu après votre retour du désert ?

»

« Votre Sainteté. C'est un changement très important pour moi. Je ne veux rien perdre de ce qui m'appartient »

« La mémoire humaine est instable par nature. Vous devriez vous concentrer sur ce que vous avez gagné plutôt que sur ce que vous avez perdu »

« Avec tout le respect que je vous dois, Votre Sainteté »

« Anika Jin. Je vous ai fait venir jusqu'à la ville sainte pour une vérification. Avez-vous récupéré votre Ramita ? »

Eugène conclut intérieurement que Sang-je n'avait pas la capacité de lire dans les pensées des gens.

Cependant, Sang-je n'était pas non plus un humain ordinaire. Aucun humain ne pouvait transmettre des mots directement dans la tête des gens. Mais il n'était pas non plus le même Sang-je que celui qu’elle avait décrit dans le roman. Un ange devrait au moins garder sa neutralité, étant donné qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il eut le même niveau de bonté du point de vue d'un humain.

Mais au contraire, d'après ce qu'Eugène avait vu et entendu jusqu'à présent, elle se rendait compte qu'il y avait quelque chose de sournois et de louche chez Sang-je, sans parler de son ambition de garder la mainmise sur Anikas. Il ne semblait pas du tout qualifié pour être un ange censé accomplir la volonté divine.

Alors qu'Eugène cherchait une réponse appropriée, Sang-je avait confondu son silence avec une autre signification. Cela l'avait irrité - le silence de Jin était sa façon habituelle

de montrer qu'elle était contrariée. Dans son esprit, Jin avait dû trouver ses marques indifférentes, et elle attendait plus de consolation de sa part.

Son comportement fastidieux ne s'était pas amélioré.

En général, en présence de Sang-je, les gens masquaient leur vrai caractère derrière un comportement supposé. Ainsi, pour que Sang-je considérait quelqu'un comme fastidieux, il fallait que cette personne soit notoirement connue pour ce genre d'attitude.

Il se demanda si c'était parce qu'il l'avait trop gâtée depuis son plus jeune âge, car elle était une Anika noble, née pour la première fois en dix ans. Mais comme Anika Flora, qu'il avait également choyée depuis sa naissance, était bien loin du caractère pourri de Jin, le problème ne pouvait venir que de la personne de Jin.

« Anika Jin. Je vous le redemande. As-tu retrouvé ta Ramita ? »

La voix de Sang-je était vive, suggérant que c'était le dernier avertissement qu'il lui adressait

« Oui, Votre Sainteté »

Eugène répondit, sachant qu'elle ne pouvait de toute façon pas se cacher au sujet de l’arbre à l'Alouette. Les muscles faciaux de Sang-je se contractèrent presque instantanément à sa réponse.

« Anika Jin. Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu tout de suite ? »

« Parce que je... ne voulais pas retourner à la Ville Sainte pour l'instant »

« Donc, ce que tu dis, c'est que tu ne m'as rien dit parce que tu craignais que je te convoque ? »

« Pardonnez-moi, Votre Sainteté. Je voulais juste mettre un terme à tout cela avant de revenir »

Eugène répondit de la façon la plus ambiguë possible. Plus elle parlait, plus elle était désavantagée par le peu de connaissances qu'elle possédait.

« J'étais très angoissée lorsque j'ai quitté la Ville Sainte il y a trois ans. Vous n'imaginez sans doute pas à quel point j'ai voulu abandonner toutes ces années. Mais ces épreuves m'ont confortée dans l'idée que je ne partirai plus jamais une fois que j'aurai regagné la Ville Sainte »

« Si tu as autant souffert, pourquoi ne m'as-tu pas informé davantage ? Je vous aurais certainement aidé si vous me l'aviez demandé »

« Je n'ai pas pu me résoudre à le faire après toute l'aide et le soutien que vous m'avez apportés jusqu'à présent. Et je voulais terminer ce que j'avais commencé de mes propres mains »

Eugène s'inquiétait, Sang-je resta silencieuse pendant un moment.

« Il semble que les trois dernières années aient été très longues pour toi. Tu es devenu beaucoup plus déterminé qu'avant »

Les sentiments de Sang-je à l'égard des humains étaient assez complexes. Tantôt il se désillusionnait en pensant qu'ils n'étaient que des créatures basses et peu intelligentes, tantôt il s'étonnait simplement de leur merveille. Ce qu'il ressentait en ce moment était cependant très intéressant.

Anika Jin était presque comme une enfant têtue avec un sale caractère. Elle s'ingéniait à rendre toutes les situations favorables, quitte à orchestrer des mensonges sournois et sournois, tout en gardant la tête froide, même en présence de Sang-je. Elle n'avait pas changé d'un iota depuis son enfance, même après avoir atteint l'âge adulte.

Cependant, il y avait clairement quelque chose de différent chez elle par rapport à la dernière fois qu'il l'avait vue, il y a trois ans. C'était presque comme si elle était enfin devenue une adulte sensée.

Après avoir observé les humains de près pendant si longtemps, il s'était rendu compte qu'il existait des différences entre les dispositions inhérentes aux humains.

Si certains étaient nés gentils, d'autres étaient tout simplement mauvais par nature. Et tandis que certains s'efforçaient de dépasser leurs limites, d'autres se résignaient à vivre dans leurs limites.

Sang-je avait toujours connu Anika Jin comme une personne à l'esprit étroit, et il trouvait souvent cela assez étrange étant donné qu'elle était issue d'une famille si raffinée. Jin était une personne probablement animée par la jalousie. Elle s'apitoyait beaucoup sur son sort et ne cachait pas son hostilité envers les autres.

Et contrairement à la plupart des gens, qui se masquaient pour paraître bons à l'extérieur, elle était plutôt particulière, car elle n'hésitait pas à piquer une crise devant les autres. Un tel comportement ressemblait à celui des bas-fonds de la société, et n'avait rien de noble.

Tome 1 – Chapitre 239 – Ce que veut Sang-je

La voix de Sang-je, qui semblait s'être adoucie à son égard, n'avait fait que la rendre plus nerveuse.

J'ai échoué.

Elle avait été prise en flagrant délit bien plus tôt qu'elle ne s'y attendait. Au cours d'une conversation aussi brève, Sang-je avait facilement discerné la différence entre elle et Jin.

Penser qu'elle pourrait un jour tromper quelqu'un qui connaissait Jin depuis si jeune était une tâche impossible, même si elle s'était entraînée à imiter la façon de parler et l'expression de Jin.

Mais heureusement, Sang-je n'était pas encore devenue vigilant. Cependant, elle craignait toujours le pire scénario possible, à savoir que Sang-je finisse par découvrir la nette différence entre elle et Jin, et que ses doutes se transformèrent en soupçons fermes.

Ce n'était pas grave. Aucune personne saine d'esprit n'imaginerait que son âme puisse être échangée. Il ne le découvrirait jamais à moins qu'on ne le lui dise. Et c'est mon arme contre lui.

Eugène continua d'une manière posée.

« La vie dans le royaume est très différente de ce que j'avais imaginé, Votre Sainteté »

Avec un soupir, elle poursuivit comme si elle avait traversé toutes sortes de difficultés au cours de ces dernières années. Cependant, elle prit soin de ne pas trop se justifier, car elle pensait qu'il serait bénéfique pour elle d'être brève.

« Tu n'as plus à t'inquiéter de rien. Maintenant que vous êtes revenue, personne ne peut vous imposer quoi que ce soit, ici, dans la Cité Sainte »

La remarque de Sang-je sonnait comme s'il notifiait qu'elle ne pouvait plus faire un pas hors de la Ville Sainte.

Non

Le roi doit retourner dans son royaume avant le début d'une nouvelle période d'activité.

Compte tenu de la durée du voyage, Kasser ne pouvait rester que deux mois et demi dans la ville sainte, dans le meilleur des cas.

Eugène n'avait pas l'intention de se séparer de lui de toute façon. Si elle ne l'accompagnait pas, elle devrait attendre au moins plus de deux mois, seule dans la Ville Sainte, jusqu'à ce qu'il revienne la chercher à la prochaine saison sèche.

Le simple fait d'y penser suffit à la plonger dans l'angoisse. La Ville Sainte, où Jin était censé vivre depuis vingt ans, n'était rien d'autre qu'une ville étrange pour Eugène.

Eugène avait presque tout appris dans le Royaume de Hashi, depuis qu'elle s'était réveillée et s'était retrouvée dans ce monde différent. Et le seul homme qui lui avait dit qu'il la croyait quoi qu'il arrive, c'était le roi du royaume de Hashi. Pour Eugène, le royaume de Hashi était désormais sa maison et Kasser, sa famille.

« Je ne souhaite pas quitter la ville sainte puisque j'y suis revenue. Cependant, je crains d'avoir encore quelques affaires à régler, Votre Sainteté »

« Avez-vous dit que vous souffriez de troubles de la mémoire ? »

« Oui, Votre Sainteté »

-Mais vous avez retrouvé votre Ramita.

'Oui, Votre Sainteté.

« C'était peut-être le prix à payer pour ce que vous avez gagné »

Sang-je laissa échapper un soupir quand Eugène restait silencieux à sa remarque.

« Anika Jin. Je crois qu'on vous l'a dit à maintes reprises, mais votre désir de contrôler totalement votre environnement est presque excessif »

Instantanément, Eugène entendit une voix incisive qui appartenait à Jin, dès que la voix retentissante de Sang-je se fit entendre dans sa tête.

[Votre Sainteté. Je suis Anika. Et vous avez toujours dit qu'Anika avait une noble présence. Ce qui signifie qu'une insulte à mon égard devrait être considérée comme une insulte à l'égard de Votre Sainteté, n'est-ce pas ?]

C'était un discours si impérieux. Eugène ne pouvait s'empêcher d'être stupéfait par l'attitude imprudente de Jin devant Sang-je, qui est considéré comme le seul empereur du monde entier.

D'après les souvenirs qu'elle avait vus jusqu'à présent, Jin était presque comme un animal où la hiérarchie était importante, car elle changeait facilement d'attitude en fonction de la personne à qui elle avait affaire. Elle osait se comporter ainsi, uniquement parce qu'elle savait qu'elle pouvait compter sur quelque chose.

Au contraire, Gemma, qu'Eugène avait rencontrée au Royaume de Slan, était excessivement prudente, ne serait-ce qu'en mentionnant Sang-je pendant toute la conversation, comme si elle le trouvait plutôt difficile. Comme l'attitude de Jin et de

Gemma à l'égard de Sang-je était presque aux antipodes, il serait probablement faux de dire que Sang-je ne fait aucune discrimination à l'égard des Anikas.

Ou alors, Sang-je était d'autant plus généreuse qu'elle ne l'était qu'envers Jin.

Je devrais essayer d'être plus franche, comme le serait Jin.

« Votre Sainteté, je suis Anika »

Eugène répliqua en grommelant.

« Si cela vous dérange à ce point, pourquoi ne pas vous raconter ce qui s'est passé ?

Puisque je sais pourquoi tu es allé dans le désert, dans quel but »

Eugène sourit largement avec un air de grand soulagement.

« Je suis soulagé de savoir que je n'ai pas agi de manière irréfléchie sur la base de mon propre jugement »

« Un acte irréfléchi ? Qu'est-ce qui vous a fait penser cela ? »

« Votre Sainteté. La vérité, c'est que......Le roi du désert soupçonne que j'ai volé le trésor du royaume. Mais comme je n'ai aucune idée de ce qui s'est réellement passé, je me suis contenté d'inventer une excuse et de lui dire que je ne me souvenais pas »

« Vous l'avez donc oublié ? Les troubles de la mémoire sont plus graves que je ne le pensais »

Bien qu'Eugène avait feint l'innocence à l'extérieur, elle était profondément déchirée à l'intérieur. Si Sang-je savait depuis le début que Jin avait épousé le Roi du Désert pour voler le trésor national, ce mariage était en fait une conspiration entre Jin et Sang-je.

Comment cela est-il possible ?

Bien qu'elle s'en était doutée longtemps auparavant, elle n'en revenait toujours pas de voir ses doutes enfin confirmés. Le fait même que Sang-je fut impliqué dans toute cette affaire l'a beaucoup choquée.

Indignée, elle était en même temps sans voix. Elle n'avait aucune idée de la façon dont elle devait en parler à Kasser. Elle se demandait s'il serait toujours compréhensif, même après avoir découvert qu'il avait été trompé pendant toutes ces années, car Jin n'avait jamais eu l'intention de lui donner l'héritier depuis le début.

« Continuons ailleurs. Ce serait une longue histoire à écouter debout »

Eugène répondit par un hochement de tête.

Il allait s'inquiéter si ça prenait trop de temps.

Elle se sentait brûlante derrière les yeux rien qu'en pensant à Kasser, qui devait être devenu rétif à présent. Mais malgré ses inquiétudes, elle battit des paupières afin de

refroidir la chaleur autour de ses yeux. Cependant, il lui était difficile de ne pas s'étouffer un peu, tant elle était rancunière de ce que Jin et Sang-je avaient fait à Kasser, même si ce n'était pas de son fait après tout.

Plus tard. Pensons-y après cela.

Eugène essaya d'empêcher son cœur de s'agiter, car elle avait besoin de sang-froid en ce moment.

En sortant de la salle de prière après Sang-je, elle décida d'utiliser au mieux le temps qui lui était imparti. Elle prit le temps d'organiser ses doutes, qu'elle avait mis de côté pendant sa conversation avec Sang-je.

Les choses sont bien différentes de ce à quoi je m'attendais.

Eugène n'avait jamais réalisé que la convocation de Sang-je avait un rapport avec l'incident où Jin était parti dans le désert avec le trésor volé. Elle pensait seulement que Sang-je l'avait convoquée pour confirmer la véracité de l'incident de l'arbre aux alouettes.

Aussi, lorsqu'elle reçut une convocation urgente de Sang-je, elle n'y vit qu'un inconvénient : elle devait se rendre jusqu'à la Ville Sainte. Il ne lui vint jamais à l'esprit de douter de l'intention de la convocation elle-même.

Elle avait déjà cru que Sang-je se souciait vraiment d'Anika. Quelle que était la raison de leur conspiration commune, elle avait aveuglément pensé qu'il avait fait ce qu'il avait fait parce qu'il se souciait d'Anika, même s'il savait que c'était une chose immorale à faire.

Cependant, les vérités qu'elle avait apprises pendant son séjour dans le royaume de Slan avaient fait voler en éclats ces croyances.

Elle avait l'impression que Sang-je utilisait les Anikas pour son propre compte et non parce qu'il les aimait vraiment. Une fois que sa conviction que Sang-je s'occupait d'Anika comme s'il s'agissait de ses propres enfants avait été ébranlée, plus rien ne lui paraissait certain.

Eugène se demandait dans quel but il utilisait Anika.

Mais elle avait beau se creuser les méninges, elle n'arrivait pas à trouver une raison valable. Que pouvait-il bien lui manquer en tant que Sang-je, lui qui était censé avoir un immense pouvoir d'influence plus que quiconque en ce monde ?

D'ailleurs, les Anikas qui l'obsèdaient presque étaient déjà sous son contrôle. En fait, c'était le choix des Anikas de vivre sous son influence.

Cependant, Eugène avait ressenti un choc soudain au moment où Sang-je lui avait demandé si elle avait retrouvé sa Ramita. Elle était ravie, comme si les rouages s'étaient enfin enclenchés.

« Ramita....'est ce qu'il veut vraiment ? » Il m'interrogeait donc sur la Ramita et non sur la graine, le trésor national, lorsqu'il avait posé la question par l'intermédiaire de Pides ?

Eugène resta perplexe, car Sang-je n'hésitait pas à lui dévoiler ses véritables intentions.

C'était une erreur de la part de quelqu'un qui semblait avoir une connaissance et une expérience approfondies de ses années.

Une telle ambiguïté la troubla encore plus. Elle se demandait si c'était une manœuvre intentionnelle de sa part pour la faire tomber dans le piège d'un jugement erroné ou si c'était vraiment sa véritable intention, qui lui avait échappé à cause de son impatience croissante.

Les chances étaient égales. Cependant, Eugène n'avait jamais surestimé ses capacités, car elle n'avait pas la confiance nécessaire pour mener la conversation à la volée sans acheter les soupçons de Sang-je, tout en gardant toutes les possibilités à l'esprit en même temps.

Elle n'avait donc pas eu d'autre choix que de jeter audacieusement les dés sur une seule possibilité. Après avoir conclu que c'était Ramita que Sang-je recherchait vraiment, elle décida de déduire les raisons à rebours de la conclusion.

Laissez-moi résumer. Tout d'abord, Jin s'est rendu dans le désert pour lancer le sort à l'aide de l'incantation. Et le but de ce sort était de retrouver sa Ramita perdue. Pour atteindre son but, Jin a épousé le roi du désert et Sang-je était prêt à l'aider parce qu'il voulait que Jin retrouve sa Ramita.

Alors qu'elle avait l'impression de se rapprocher de la vérité, quelque chose la troubla à nouveau.

« Qu'est-ce que cela signifie de perdre son Ramita ? Comment peut-on perdre sa capacité innée ? Si c'est le cas, quelle est l'explication de ma Ramita...... ? »

Un frisson glacial parcourut l'échine d'Eugène, qui se sentit soudain envahie par un pressentiment.

Si le but de Jin était de récupérer sa Ramita...., elle avait obtenu ce qu'elle voulait.

Cependant, Jin avait perdu son âme à la place de sa Ramita. Eugène ne pouvait s'empêcher de se demander ce que cela impliquait.

Tome 1 – Chapitre 240 – Un pas vers l'avenir

« Le vainqueur est déjà désigné. Vous pourriez aussi bien accepter le résultat, chef »

Mur, le chef des vagabonds, fixait en silence les yeux d'Aldrit, qui proclamait qu'il allait désormais le remplacer en tant que nouveau chef de la tribu. La tribu avait toujours été unie, tout au long de son histoire, pour survivre à toutes les menaces du monde. Et c'était la première fois qu'une rébellion se produisait dans la tribu. Ou peut-être devrait-on plutôt parler de révolution, puisqu'elle avait réussi ?

Tout avait commencé le jour du retour d'Aldrit.

Le retour d'Aldrit était en effet inattendu, car ceux qui avaient quitté la colonie après avoir atteint un certain âge ne pouvaient revenir que dans des circonstances exceptionnelles, conformément au règlement. Cependant, il ne semblait pas faire partie de ces circonstances.

Dès qu'il vit le chef, Aldrit demanda à connaître l'histoire cachée de la tribu. Mais Mur, le chef, fit la sourde oreille à la demande d'Aldrit et le réprimanda plutôt.

[Que signifie cette imprudence ? Je m'attendais à ce que tu deviennes un jour le pilier de la tribu et que tu diriges le peuple à l'avenir. Je ne vous exclurais pas tout de suite, car vous avez dû voyager longtemps pour arriver jusqu'ici. Mais vous devez partir à la première lueur du jour le lendemain matin].

Le lendemain, Mur avait manifestement cru qu'Aldrit avait repris son voyage. Il ne prit donc pas la peine de confirmer son départ. Mais quelques jours plus tard, le garçon fit irruption dans la conférence régulière et déclara ceci devant les anciens réunis.

[L'avenir de la tribu pourrait bien être mort à ce rythme. Il est grand temps que nous commencions à discuter de l'avenir. Combien de temps encore devrons-nous continuer à vivre comme des pécheurs ?]

Aldrit demanda l'abolition de la règle selon laquelle on ne pouvait apprendre les coutumes de la tribu que par étapes, en fonction de l'âge. Sa remarque sur le fait que la tribu resterait immobile et ne progresserait jamais si les secrets n'étaient partagés qu'entre les fractions de la tribu suscita l'indignation des plus anciens.

Mur ordonna immédiatement à ses hommes de faire sortir Aldrit de la salle de conférence et apaisa les hommes d'État les plus âgés, qui étaient très irrités. Il ne voulait pas que les choses s'enveniment - il avait toujours en tête le projet de faire d'Aldrit son

successeur. Il parvint à peine à apaiser les anciens qui insistaient pour que le garçon soit sévèrement puni pour ses actes.

Ensuite, il appela Aldrit et l'amadoua au lieu de l'intimider.

[Aldrit. Il y a un ordre à tout.]

[Monsieur, notre tribu a fait du sur-place jusqu'à aujourd'hui. Pour faire le premier pas, nous devons commencer par nous connaître nous-mêmes.]

[Je comprends ce que vous essayez de dire. Mais cela ne devrait pas être fait de cette façon. Si vous voulez vraiment exprimer votre opinion, vous devez suivre la procédure].

Le chef de la tribu n'était jamais le décideur absolu. La plupart des décisions étaient prises à l'issue d'une discussion avec les anciens et les différentes opinions étaient activement prises en compte. Par conséquent, chaque membre de la tribu était libre de soumettre son opinion comme point à l'ordre du jour.

[Et combien de temps cela prendrait-il ? Si je suivais toute la procédure, il faudrait des années avant qu'il ne soit finalement inscrit à l'ordre du jour de la conférence annuelle pour y être débattu].

[Vous n'avez pas d'autre choix que de suivre puisque c'est le règlement de la tribu]

[Monsieur. Comment peut-on avoir le loisir de marcher quand on est pressé par le temps ? Autant faire preuve de souplesse et sauter les étapes si c'est nécessaire]. Aldrit pressa le pas.

[Je me demande ce qui vous arrive, vous agissez de manière plutôt frivole, alors que vous étiez toujours prudent dans le passé. Vous agissez de manière plutôt frivole, alors que vous étiez toujours prudent dans votre comportement par le passé].

[Vous ne devez pas devenir complaisant, coincé dans l'ornière, si vous vous souciez vraiment de la tribu]

[Espèce d'impertinent ! Pourquoi ne pas prendre ma place à la place ! Vous feriez mieux de partir demain, non, partez tout de suite avant de créer d'autres problèmes].

Jusque-là, Mur n'avait pas prévu ce qui allait se passer lorsqu'il claqua la langue en regardant Aldrit partir, la tête baissée, après sa réprimande.

Bien qu'il ait été déconcerté par l'acte offensif d'Aldrit, il était également fier de voir qu'il n'avait pas changé d'avis. Il hocha la tête d'un air approbateur, car Aldrit avait prouvé qu'il était un homme persévérant, comme il sied à son successeur.

Avec son jugement obscurci, Mur répéta la même erreur qu'il avait faite le premier jour.

Il ne vérifia pas davantage et crut aveuglément qu'Aldrit avait dû partir pour de bon cette fois-ci, puisqu'il n'était nulle part.

Une dizaine de jours plus tard, une force composée des jeunes prometteurs de la tribu s'était déjà formée autour d'Aldrit au moment où Mur discerna la bizarrerie.

La tranche d'âge des personnes restées dans le campement était aux antipodes les unes des autres, puisqu'il s'agissait soit de personnes âgées, soit de jeunes.

Les vagabonds, qui passaient leur vie à errer sans but pour expier leurs péchés, ne pouvaient revenir à la colonie pour y passer le reste de leur vie qu'après avoir atteint la sénescence. Mais il y avait aussi les adolescents, qui n'étaient pas encore en âge de partir en voyage, ainsi que les parents dont les enfants avaient encore besoin de soins parentaux, et ceux qui étaient en âge de se marier et qui étaient venus pour un séjour temporaire afin de chercher leur partenaire.

La tribu des vagabonds avait pour tradition d'accorder tout son respect à ceux qui avaient des années d'expérience, même si tous les membres de la tribu avaient les mêmes droits. Ainsi, les jeunes obéissaient naturellement aux anciens et ne s’étaient jamais plaints des décisions prises par les anciens et le chef.

Cependant, les anciens ne pourraient pas affronter les jeunes s'ils unissaient leurs forces. Physiquement, ils ne seraient pas de taille à les affronter.

J'aurais dû m'en douter.

Mur, qui avait ruminé les incidents ayant conduit à la situation actuelle les yeux fermés, ouvrit les paupières, le cœur lourd, au bout d'un moment seulement. Il soupira de chagrin lorsqu'il vit le regard d'Aldrit se planter dans le sien.

Je suppose que je ne suis pas le seul fautif.

Le processus ou la période auraient pu être différents, mais il était indéniable que ce jour viendrait un jour ou l'autre.

Il y avait une conviction inébranlable dans les yeux d'Aldrit. Et ce regard reflétait son état d'esprit : il préférait être brisé plutôt que d'entamer sa conviction.

Mur reporta ensuite son regard sur les jeunes gens qui l'entouraient après avoir fixé Aldrit pendant un moment. Certains tressaillirent après avoir croisé son regard, mais aucun ne l'avait détourné. Mur comprit alors que ces jeunes gens n'étaient pas venus ici sur un coup de tête.

« Êtes-vous tous d'accord avec Aldrit ? »

L'un d'eux prit la parole après avoir échangé un regard avec les autres.

« Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, combien de temps devrons-nous prolonger ce genre de vie ? Je peux supporter cela si je suis seul. Mais je ne peux m'empêcher d'espérer un avenir meilleur pour mon fils qui vient de commencer à marcher. Et je crois qu'Aldrit nous mènera sur cette voie »

Mur resta silencieux un moment après avoir poussé un profond soupir. Les gens attendirent patiemment que Mur réfléchisse, car ils avaient tous lu le repentir sur son visage solennel.

Tout le monde souhaitait une transition pacifique du pouvoir. Personne ne se sentait à l'aise pour opprimer les anciens de la tribu, car ils ne différaient que par leur vision de l'avenir et non par leur rancœur.

« Où sont les anciens ? »

« Ils sont tous réunis dans la salle. Nous venons de limiter leur départ pour un moment

» répondit Aldrit

« Ils doivent être furieux à présent » dit Mur en se levant de sa chaise.

« Allons-y »

Mur se tourna ensuite vers la foule de jeunes gens qui le suivaient et dit « Vous feriez mieux d'attendre ici. Aldrit. Suivez-moi »

« Mais.. » rétorqua quelqu'un instantanément.

« Vous pensez qu'il s'agit d'une guerre de territoire entre des gangs de rue ? Comment allez-vous faire la différence dans le monde si vous ignorez toutes les procédures nécessaires ! » s’insurgea Mur

Intimidés par le braillard, les jeunes gens avaient l'air de marcher sur des œufs.

« Ce n'est pas grave. Croyez-moi et attendez-moi ici. Rien ne peut se mettre en travers de notre chemin tant que nous sommes tous unis par une ferme conviction » dit Aldrit pour rassurer les autres.

Aldrit se tourna ensuite vers Mur et dit « Après vous, monsieur »

Mur vit que personne ne le suivait plus lorsqu'il jeta un coup d'œil en arrière, au moment de prendre ses jambes à son cou. Leur visage inébranlable témoignait de l'ardente confiance qu'ils avaient en Aldrit. Mur se racla la gorge pour cacher son étonnement.

Je ne savais pas qu'il avait un tel accomplissement. Qu'est-ce qui l'a fait changer à ce point ? Je me demande ce qui lui est arrivé ces dernières années.

Une chose qui préoccupait Mur lorsqu'il désigna Aldrit comme son successeur était son attitude passive. Aldrit était certes un jeune homme brillant, prudent et plein de volonté, mais il n'avait pas la fougue de la jeunesse. Sa docilité était à la fois sa force et sa faiblesse.

Ce qui rendait Mur encore incrédule devant le fait qu'Aldrit ait pris les devants et suscité une si grande révolution.

« Aldrit »

« Oui, monsieur »

« Tu penses vraiment que tu pourrais supporter toute la vérité ? »

Aldrit tressaillit en réalisant le sens et les os de ces mots. Cependant, il ne lui fallut pas longtemps pour rompre son silence.

« Je n'aurais pas commencé si je n'étais pas tout à fait décidé à le faire »

« Tu as vraiment l'intention de révéler les traditions de la tribu à tout le monde une fois que tu seras devenu le chef ? »

« C'est la promesse que j'ai faite à tout le monde »

Mur avait lâché un soupir sans mot dire, car il s'inquiétait des conséquences à venir. Il y avait une différence évidente entre les capacités de chacun. Certains le supportaient mieux que d'autres lorsqu'ils étaient confrontés à la même vérité. Il ne faisait aucun doute qu'une grande confusion allait naître au sein de la tribu.

Tu es jeune, c'est sûr.

Mur pensait qu'Aldrit voyait simplement le bon côté des choses puisqu'il n'avait pas encore été souillé par le monde.

Un vacarme se fit entendre de l'intérieur lorsqu'ils arrivèrent dans la salle.

« Bande de voyous ! Enlevez vos mains de moi tout de suite ! »

« Vous ne pouvez pas encore partir »

« Vous êtes des canailles ! Lâchez-moi, espèce de vaurien ! »

« Monsieur, s'il vous plaît, calmez-vous et ne vous énervez pas autant »

Ceux qui se querellaient entre eux s'arrêtèrent un instant lorsque la porte s'ouvrit. La plupart des anciens qui chuchotaient entre eux tournèrent la tête vers la porte. Seuls les anciens, connus pour leur mauvaise humeur, se tenaient debout au milieu de la salle, tandis que les jeunes s'agrippaient à eux de toutes leurs forces.

De toute évidence, il ne serait pas nécessaire qu'autant de jeunes s'accrochaient à une seule personne âgée s'ils avaient l'intention de la dominer. D'ailleurs, les anciens qui s'étaient jetés sur eux sous l'effet de la colère n'étaient pas blessés, si ce n'est que leurs vêtements étaient en désordre, tandis que certains jeunes avaient les yeux noirs et bleus lorsqu'ils les bloquaient.

Mur sourit amèrement devant la scène plutôt ridicule qui se déroulait devant lui, pensant qu'il avait peut-être vainement craint qu'une situation de violence ne se produise. Lorsqu'il se rendit compte que leur respect pour les anciens n'avait pas changé le moins du monde, il lui sembla que ses sentiments mêlés, qui comprenaient à la fois la colère et le regret, s'étaient tous dissous comme le sel dans l'eau.

« Chef ! »

« Chef. Vous êtes enfin là. Qu'est-ce qui se passe dehors ? »

« Vous êtes des vauriens insolents qui n'ont aucun respect pour les anciens »

Mur attendit un moment qu'ils se calment un peu avant de prendre la parole.

« Mes chers et honorables aînés. Les choses commencent à dépasser mes compétences.

J'envisage donc de démissionner et de laisser ma place à mon successeur »

« Quoi ? »

« Chef. Mais de quoi parlez-vous ? »

« Il est inutile de nier que notre soleil s'est couché. Il est raisonnable de laisser les générations futures prendre en main leur avenir. Honorables messieurs, le vent a tourné. En tant qu'adultes, nous ne devrions pas nous mettre en travers du chemin de nos enfants qui souhaitent faire la différence pour l'avenir de notre tribu » Le chef s'adressa à son peuple.

Par un ou deux, les anciens, qui s'étaient déjà manifestés, devinrent silencieux. Ils fixèrent le chef avec un air de confusion sur le visage. Certains poussèrent même un soupir, le regard troublé.

Mur donna une tape sur l'épaule d'Aldrit, qui se tenait juste à côté de lui, en disant «

Monsieur, je vais l'emmener à cet endroit alors »

« Comme vous voulez »

« Nous n'avons pas d'autre choix que d'obéir à la décision du chef »

Si certains des anciens se montrèrent favorables à la décision, d'autres restèrent silencieux et d'autres encore se raclèrent la gorge malgré eux. Malgré cela, personne ne semblait s'y opposer fermement.

« Suivez-moi »

Aldrit regarda alternativement dans le dos de Mur, qui avançait à grands pas, et des anciens. Il fit ensuite les cent pas pour rattraper Mur, qui avait déjà pris de l'avance, d'un air perplexe. Il s'était préparé à une longue discussion, car il ne s'attendait pas à ce que les anciens se retirent aussi facilement.

Une nouvelle brise d'attente, mêlée à l'inquiétude et à la nostalgie de son tour de se retirer des temps changeants, balaya le cœur de Mur tandis qu'il avançait à grandes enjambées.

Peut-être était-ce le jour tant attendu par les ancêtres, celui où leurs descendants pourraient enfin faire un pas courageux vers un nouvel avenir. C'était en effet un pas que Mur lui-même avait rêvé de faire lorsqu'il était beaucoup plus jeune, mais qu'il n'avait jamais osé faire.

Ps de Ciriolla: nous aussi on veut savoir toute la verité.... trop de mystere et pas assez de reponse pour le moment

Tome 1 – Chapitre 241 – Le complot de Sang-je et Jin

Sang-je et Eugène avaient quitté la salle de prière et s'étaient rendus dans la salle d'audience. Au centre de la table ronde en marbre, Sang-je avait pris place sur une chaise dorée qui représentait son autorité, tandis qu'Eugène avait pris place sur une chaise en bois à l'opposé. Un prêtre avait pris congé juste après avoir laissé un thé pour Eugène sur la table.

Il semblait que Sang-je n'ait pas l'habitude de boire du thé, car le prêtre n'avait apporté qu'une tasse de thé, comme si cela allait de soi.

C'est vraiment désagréable de boire toute seule.

Mal à l'aise, Eugène tendit la main pour prendre le thé. Elle devait être très nerveuse car elle ressentit une soif soudaine en voyant la tasse pleine de thé, comme si sa bouche était desséchée.

En soulevant la tasse de thé vers elle, Eugène sursauta quand elle reporta distraitement ses yeux sur sa manche. Un minuscule écureuil de la taille de deux phalanges d'un doigt remuait son nez lorsqu'il croisa le regard d'Eugène en s'accrochant à sa manche bouffante.

L'adorable créature n'était pas un écureuil normal - elle avait de petites cornes et des yeux rouges. Grâce à cela, elle sut tout de suite de qui il s'agissait.

Kid ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

« Quelque chose ne va pas avec ton thé, Anika Jin ? »

Eugène saisit rapidement d'une main Kid, qui s'accrochait à sa manche.

Un frisson lui parcourut l'échine et Eugène eut des sueurs froides. Il semblait qu'il était trop tard pour qu'elle fasse comme si de rien n'était, elle avait déjà fait toute une histoire. Et il serait encore plus suspect qu'elle se fasse prendre en train de mentir juste pour échapper au moment présent.

Cependant, dire la vérité ne ferait qu'éveiller l'intérêt de Sang-je. C'était un phénomène assez exceptionnel que le Hwan-su d'un roi attacha à quelqu'un d'autre qu'à son maître.

En fait, il semblait que Kid préférait Jin à Kasser, et qu'il traitait même le roi comme s'il était invisible.

La dernière chose qu'Eugène souhaitait était de renforcer les soupçons de Sang-je à son égard. Elle était déjà suffisamment en crise pour ne pas risquer d'autres ennuis. De plus, cela ne ferait que diminuer ses chances de retourner au royaume avec Kasser.

Dans l'attente d'une réponse, Eugène était devenue de plus en plus anxieuse. Aucune explication probable ne semblait lui venir à l'esprit. À bout de nerfs, elle se lança à l'aveuglette.

« Je vous demande pardon, Votre Sainteté » Elle dissimula un regard honteux et un rire pour se sauver « Je viens de me rendre compte que mon écureuil domestique s'était caché sous ma manche »

« Un écureuil domestique ? »

Eugène posa ses deux mains sur la table et couvrit rapidement la tête de Kid avec sa main gauche pour cacher la corne et caressa son corps et sa queue avec son doigt droit.

« Il m'a beaucoup consolé pendant que j'étais loin de la Ville Sainte. Comme je l'adorais, je l'ai toujours gardé près de moi. Je suppose qu'il s'est échappé et qu'il est venu avec moi alors que je pensais l'avoir laissé à la servante. Tu es vraiment un petit coquin »

Elle feignit exagérément de se perdre dans le charme de cet attachant animal de compagnie. Mais en peu de temps, elle fut véritablement subjuguée par lui du fond du cœur. Un rire lui échappa à la vue adorable de Kid, qui n'avait plus que la taille de sa paume. Kid, aussi vilain soit-il, avait dû se rétrécir volontairement pour s'échapper des barreaux de la cage.

Elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer la façon dont il avait dû se cacher en s'accrochant à sa manche depuis le début. C'était trop adorable.

« Votre Sainteté, je vous promets de bien le tenir pour qu'il ne cause pas d'ennuis. Alors permettez-moi de le garder avec moi ici »

« Je crois que nous étions au milieu d'une conversation sérieuse, Anika Jin »

« Je suis consciente de la solennité de la conversation, mais il est terrifié par les étrangers. D'habitude, il est très calme et doux »

Eugène insista volontairement, comme un enfant qui se fait harceler. Elle ne pouvait pas laisser quelqu'un mettre la main sur Kid si elle devait cacher qu'il s'agissait d'un Hwansu. En même temps, elle était curieuse de savoir dans quelle mesure Sang-je serait indulgente avec Jin.

Sang-je n'en revenait pas. Le palais était considéré comme un lieu sacré par tout le monde. Les gens s'assuraient d'avoir le corps et l'esprit propres avant leur audience avec Sang-je. Mais amener un animal de compagnie dans la salle d'audience était quelque chose que même le Sang-je n'avait jamais connu de toute sa vie.

Bien que sidéré, il n'était pas du tout exaspéré. C'était lui qui avait pratiquement encouragé Jin à faire les choses à sa guise. Le jour où Jin était venue le voir pour son premier rêve lucide, il s'était rendu compte que Jin n'était pas comme les autres.

[Votre Sainteté, j'ai vu un étang dont l'eau était aussi pure qu'un cristal. Et quand j'y ai plongé les mains, l'eau était glacée contre ma main].

Une jeune fille d'à peine quatorze ans, au visage enchanté comme si elle se remémorait son rêve lucide, Jin avait l'audace de mentir devant quelqu'un qui était considéré comme le vice-gérant de Dieu. Sang-je était très intrigué par la sournoiserie et l'audace de cette jeune Anika.

Jusque-là, Sang-je n'avait aucune idée de ce que le mensonge de Jin signifiait réellement.

Jamais, dans ses rêves les plus fous, il n'avait imaginé qu'il y aurait une Anika sans Ramita. De plus, comme Jin refusait de toucher la graine transparente, il n'avait aucun moyen de mesurer sa Ramita. Sang-je s'était donc contenté de considérer la petite fille d'autrefois comme si elle essayait seulement de dissimuler sa Ramita.

Sang-je voulait gagner sa confiance. Lorsqu'il y avait des regards autour d'eux, il prétendait traiter Jin et tous les autres avec la même équité. Mais une fois qu'il était seul avec elle, il abusait de tous ses comportements avec une grande tolérance.

En peu de temps, Jin avait commencé à dépasser habilement les bornes dès qu'elle s'était aperçue de son intention. Contrairement à leur première rencontre, où Jin était toute crispée en présence de Sang-je, elle ne tarda pas à parler et à se comporter plus confortablement en sa présence, au point de se montrer libre devant lui sans réserve.

Cependant, elle savait instinctivement que le lien qui l'unit à Sang-je devait rester secret.

Jin devait considérer Sang-je comme un soutien fiable. Si ce n'était pas le cas, elle n'aurait pas pu gambader dans la Ville Sainte sans être intimidée par le fait qu'elle était une Anika sans Ramita.

Ce ne fut que lorsque Jin vint lui demander son aide pour retrouver sa Ramita perdue qu'un vieux mystère fut enfin résolu. Le fait même qu'elle avait trompé tout le monde avec son mensonge était à la fois absurde et intéressant pour lui.

Si un seul des deux Anikas possédait le Ramita le plus puissant, Sang-je préférait que ce soit Jin plutôt que Flora. Jin était un type de personne assez facile à séduire, car elle était très dévouée à ses désirs.

Les humains avaient un tempérament plutôt étrange : ils avaient tendance à résister plus on essayait de les forcer à se soumettre. Par conséquent, pour ne pas laisser de traces, il valait mieux leur faire croire qu'ils agissaient de leur propre chef.

Sang-je poursuivit en faisant claquer sa langue.

« Il faudrait que je demande au prêtre de veiller à ce qu'il n'y ait pas de troubles »

« Comme vous voulez, Votre Sainteté. Merci ! »

Sang-je ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire lorsque Jin murmura « Sois un bon garçon et ne bouge pas » à ses mains enveloppées.

Je crois que j'ai eu tort de penser qu'elle avait changé.

Au contraire, son insouciance avait dû se renforcer au cours de son séjour dans le royaume. Il devait y avoir une énorme différence entre le traitement spécial qu'elle recevait en tant qu'Anika et l'autorité qu'elle exercait en tant que reine du royaume où existe un système hiérarchique.

« Reprenons donc là où nous en étions. Que t'a dit le roi du désert ? »

« Je vais recommencer, car j'ai peut-être omis quelques détails auparavant. Quand j'ai ouvert les yeux, je me suis retrouvée entourée par le désert. Mais j'ai été rapidement ramenée au château et je suis tombée sur les guerriers qui me cherchaient. Cependant, je n'arrivais pas à me souvenir de la raison pour laquelle j'étais allé dans le désert. Le roi du désert a alors soupçonné que j'étais d'une manière ou d'une autre responsable de la perte du trésor national, car il avait des doutes sur le fait que j'aie été trouvé dans le désert » continua Eugène en abaissant ses mains sous la table tout en s'accrochant à Kid.

Sang-je resta silencieux, le regard contemplatif. Pendant ce temps, Eugène jeta un coup d'œil en bas, distraite par la queue du gamin contre sa paume.

Pourquoi le Kid est-il venu avec moi ? Est-ce que c'est lui qui a fait ça ? Non, il ne ferait pas une chose aussi frivole. Je me demande s'il sait que Kid est parti ?

« La raison pour laquelle vous vous êtes rendu dans le désert est sans doute que vous aviez besoin d'un lieu de rencontre »

Eugène, dont l'esprit avait été distrait par Kid, releva rapidement la tête.

« Un lieu ? »

« Un endroit où vous ne serez dérangé par personne. Le trésor national dont parlait le roi du désert doit être le support que tu cherches »

Sans le vouloir, Eugène déglutit bruyamment lorsqu'on lui donna soudain un indice aussi important. Sang-je avait pratiquement admis qu'il était au courant depuis le début de la présence de la graine, sans parler du fait que Jin la cherchait.

Mais je ne pense pas que Sang-je connaisse la raison exacte pour laquelle Jin s'est rendu dans le désert.

Il semblait que Jin avait cessé de correspondre avec la Ville Sainte pendant les trois dernières années de son séjour dans le royaume et qu'elle n’était même pas restée en contact avec sa famille.

Si elle avait conspiré avec Sang-je depuis le début, pourquoi ne l'a-t-elle pas informé ?

Était-elle prudente ? Ou y avait-il une autre raison qui l'empêchait de le lui dire ?

Eugène se souvint alors du grand prêtre qu'elle avait vu dans son souvenir de tout à l'heure.

Je me demande s'il y a un rapport avec le fait que Jin ait été en contact avec lui.

Le grand prêtre était en fait le chef religieux de la secte et son interaction avec lui était en effet un acte contre la volonté de Sang-je. De plus, Jin s'était même vu accorder le titre de Sainte au sein de l'ordre, ce qui était vraiment un acte de trahison à l'égard de Sang-je.

Un médium. Je n'avais jamais réalisé que j'entendrais ce mot dans la bouche de Sang-je Il fut un temps où Eugène avait posé la question à un raconteur renommé qui s'était contenté d'incliner la tête en disant qu'il n'en savait rien. Mais au contraire, Sang-je venait de mentionner nonchalamment l'élément qui était essentiel pour lancer le sort.

Un jour, Marianne avait qualifié les sorciers d' escrocs '. Cela montrait à quel point la sorcellerie était considérée comme une simple bagatelle aux yeux du public. En d'autres termes, la sorcellerie n'avait jamais été un savoir universellement connu, ni un savoir digne d'être connu par quelqu'un d'aussi noble que le vice-gérant de Dieu.

Je me demande si Sang-je est lié à l'ancienne tribu mentionnée par Aldrit, ceux qui savaient autrefois pratiquer la sorcellerie.

« Bon, quoi qu'il en soit, tu ne te souviens vraiment de rien, Anika Jin ? »

Tome 1 – Chapitre 242 – Les

représentants de Dieu

Le cœur d'Eugène s'effondra d'un coup. Malgré tous ses efforts pour afficher un visage calme, elle ne pouvait s'empêcher de sentir ses coins se raidir sous l'effet de la tension.

« Vous m'accusez de mentir, Votre Sainteté ? »

« J'aurais organisé l'événement si seulement vous m'aviez informé après avoir trouvé le médium. Comment se fait-il que vous n'ayez pas fait ce que nous avions promis ? »

Aussitôt, Eugène entendit les voix de Jin, qui se succédaient.

[Votre Sainteté, je dois aller chercher le médium.]

[Si vous demandez au roi du désert de l'amener, il laissera un témoin et un enregistrement. Je ne veux pas que tout le monde sache que j'ai été une Anika sans Ramita. Je veux continuer sans que personne ne le sache. Je voudrai me tuer si quelqu'un l'apprend].

[Je vous demande la permission, Votre Sainteté.]

[Oui, je ferai ce que vous demandez. Je dois juste trouver le médium.]

Eugène venait de découvrir un nouveau fait. Il s'avérait que c'était Jin qui était allé de l'avant avec le mariage avec le roi du Désert alors que Sang-je avait cherché d'autres moyens d'obtenir la graine du roi du Désert.

« Eh bien, c'est sûrement plus facile de cette façon »

Kasser lui avait dit le jour où Eugène était entré pour la première fois avec lui dans la chambre des trésors royaux.

[Je devrais pouvoir arranger les choses, car la valeur du trésor national n'est que symbolique.]

Kasser ne se souciait guère du trésor national disparu. Bien sûr, il ne pouvait qu'être prévenant à son égard, mais il aurait été très inquiet s'il s'était agi d'un objet de valeur.

Si Sang-je avait proposé un marché en échange de la graine, Kasser aurait accepté pour renforcer sa relation avec Sang-je.

Cependant, Jin n'avait pas seulement insisté pour épouser le roi du Désert, elle avait aussi fini par rompre sa promesse avec Sang-je en allant dans le désert avec le trésor

qu'elle avait volé. Mais pourquoi ? Eugène revint à la case départ alors qu'elle pensait avoir enfin trouvé l'indice.

Mais une chose était désormais certaine. Jin ne possédait pas de Ramita et la raison de tout ce stratagème était de lancer le sort pour retrouver sa Ramita perdue.

« Votre Sainteté. Maintenant que je vous ai écouté, j'ai l'impression de me souvenir de quelque chose »

« C'est un soulagement. De quoi s'agit-il ? »

« Le médium était le trésor national du royaume. Il était gardé sous haute sécurité et inaccessible, et j'attendais mon heure pour voler le trésor. Mais j'ai échoué à chaque tentative »

Eugène mêla le mensonge à la vérité au fur et à mesure qu'elle avançait. La graine était en effet stockée sous haute sécurité, mais il était assez facile pour Jin d'y accéder. Elle aurait facilement volé la graine puisqu'elle l'avait pratiquement fréquentée comme s'il s'agissait de sa propre chambre. Cependant, elle avait attendu trois années entières pour enfin la mettre en œuvre. Eugène révisa la liste des énigmes à résoudre.

« Et j'étais anxieuse quand j'avais enfin mis la main sur le médium car je voulais retrouver ma Ramita au plus vite »

Alors qu'elle se tordait involontairement les mains pour cacher sa nervosité, elle tressaillit lorsqu'elle sentit ses paumes se contracter. Le gamin, qui avait fait profil bas pendant tout ce temps, avait dû sursauter lorsque son environnement s'était rétréci.

S'excusant, elle relâcha rapidement la prise de ses mains et baissa le regard. Alors qu'elle rapprochait ses mains de son ventre pour mieux voir Kid, elle vit sa toute petite tête surgir entre ses doigts.

Elle sourit en essayant de retenir son rire. Mais dès qu'elle se rendit compte de son erreur, elle releva aussitôt la tête.

« Anika Jin, tu ne sembles pas pouvoir te concentrer »

« Je m'excuse, Votre Sainteté. Je ne me laisserai plus distraire »

Sang-je ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire lorsqu'elle écarquilla les yeux dans sa direction pour donner l'impression que son attention était uniquement investie sur lui et le sujet en question.

« Je pense qu'il vaut mieux que nous continuions une autre fois car nous avons un intrus avec nous aujourd'hui »

« Ah... Mais Votre Sainteté, j'ai encore beaucoup de choses à vous raconter... Je vous promets de vous accorder toute mon attention à partir de maintenant »

Bien que ravie d'avoir une chance soudaine de s'échapper, elle feignit la réticence, car il s'agissait peut-être d'une tentative de sa part de la sonder.

« Tu auras besoin de te reposer car tu dois être très fatiguée après avoir parcouru une si longue distance. Et nous avons encore beaucoup de temps devant nous »

Il se disait ces derniers mots pour calmer son esprit anxieux. Il valait mieux qu'il fasse preuve de tolérance maintenant plutôt que de la presser, comme il l'avait fait au fil des ans.

La porte s'ouvrit et Pides entra dans la salle d'audience. Il fit preuve de courtoisie en s'inclinant devant Sang-je de là où il se tenait et sans s'approcher davantage.

« Pides vous accompagnera sur le chemin du retour, Anika Jin »

« Oui, Votre Sainteté »

Eugène présenta ses respects à Sang-je tout en se disant 'C'est encore Pides ?'.

« Je reviendrai bientôt pour terminer ce que je n'ai pas encore dit aujourd'hui. Que la grâce de Mahar soit toujours avec vous »

« Que la grâce de Mahar soit toujours avec vous. Et félicitations, Anika Jin »

« ...Merci »

« J'ai hâte d'avoir de vos nouvelles. Et j'espère qu'il n'y aura pas d'intrus la prochaine fois que nous nous rencontrerons »

« Oui, Votre Sainteté. Je m'en souviendrai »

La voix de Sang-je se fit à nouveau entendre lorsqu'elle se retourna après s'être levée de son siège.

« Anika Jin »

« Oui ? »

« J'espère que nous pourrons discuter de notre promesse lors de notre prochaine rencontre. En particulier sur les choses que nous avons convenu de nous donner l'un à l'autre »

Eugène n'eut pas d'autre choix que de répondre oui, même si elle n'avait aucune idée de ce dont il parlait. Lorsqu'elle aperçut Pides, elle entendit la voix de Jin.

[Veuillez me donner Sir Pides, Votre Sainteté.]

[Je veux l'avoir.]

[Je jure de consacrer toute ma vie à Dieu si vous me permettez d'avoir Sir Pides.]

Eugène passa devant Pides avec des sentiments étranges. Pides était-il au courant de l'accord entre Sang-je et Jin ? Il ne fit aucun doute que Pides était aussi ignorant que le roi du Désert.

Elle a vraiment l'esprit tordu.

Eugène fit claquer sa langue, car le désir égoïste de Jin de posséder quelqu'un avec l'aide de la troisième personne au pouvoir, sans tenir compte des sentiments de la personne en question, était tout simplement pathétique.

*****************************

Eugène n'arrivait pas à se détendre, même après être montée dans la voiture. Lorsque la voiture commença à décoller, elle ne put pas se débarrasser du malaise au fond de son estomac. Elle craignait qu'à tout moment, la voiture ne s'arrêta à l'appel de Sang-je.

« Ah, j'ai oublié de m'arrêter à la bibliothèque secrète. J'ai oublié de passer à la bibliothèque secrète »

Cette pensée ne lui avait traversé l'esprit que tardivement. C'était justement l'endroit qu'elle avait prévu de visiter avant d'arriver au palais. Puisqu'elle avait fait tout ce chemin depuis le désert, elle avait l'intention de prendre le temps d'examiner l'endroit et de voir si elle pouvait se remémorer certains souvenirs de Jin. La visite de la célèbre bibliothèque secrète pourrait également l'aider.

Cependant, elle avait peut-être fait preuve d'un excès de zèle. La visite prévue de la bibliothèque secrète fut oubliée depuis longtemps lorsque le désir de quitter le palais le plus rapidement possible la submergea. Son interaction avec Sang-je la laisse faible, comme si elle venait de s'engager dans une activité rigoureuse.

Sommes-nous toujours dans les environs du palais ?

Elle n'avait aucune idée du temps écoulé depuis le départ de la calèche, ni de la distance qui la séparait du palais. Son horloge interne avait dû se dérégler, car une partie d'elle avait l'impression qu'il ne s'était pas écoulé beaucoup de temps depuis leur départ, mais en même temps, elle avait l'impression d'avoir déjà pris beaucoup de distance par rapport au palais.

Elle écarta prudemment le rideau pour voir ce qu'il y avait à l'extérieur. Juste à temps, le carrosse passa la porte principale du palais. Eugène ne referma les rideaux que lorsqu'ils furent complètement sortis des murs du palais. Ce ne fut qu'à ce moment-là qu'elle put enfin détendre sa posture rigide et s'adosser à son siège.

Elle poussa un soupir en fermant les yeux. Son esprit était tout embrouillé par les choses qu'elle avait vues et entendues aujourd'hui, ainsi que par ses propres pensées.

Bien qu'elle avait désespérément besoin de se reposer, elle réussit à se concentrer sur l'un des nombreux doutes qu'elle avait en tête.

Le grand prêtre... Comment peut-il ressembler à Sang-je ?

Sang-je était connu comme le vice-gérant de Mahar, tandis que le grand prêtre était un vice-gérant de Mara. Ils avaient un nombre surprenant de points communs, puisqu'ils étaient tous deux considérés comme des délégués des dieux et qu'ils n'étaient pas humains. Cela pourrait suggérer que leur apparence extérieure n'avait pas beaucoup d'importance. En fait, Eugène se souvenait que les anges qui apparaissaient dans la plupart des peintures religieuses qu'elle avait vues sur terre, se ressemblaient tous à peu près les uns les autres.

Cependant, la vérité absolue selon laquelle Mahar était un Dieu de bonté tandis que Mara était un Dieu de mal, fut démentie par Aldrit. Selon Aldrit, ni Mahar ni Mara n'existaient dans les temps immémoriaux. Ce qui suggérait que soit le nom représentant le 'Dieu' avait changé au cours des temps, soit que Mahar et Mara n'avaient jamais été des Dieux en premier lieu.

Dieu...

Sang-je pourrait-il vraiment être le représentant de Dieu ?

Avant de rencontrer Sang-je, Eugène s'attendait à ce qu'il y ait une sorte d'air spécial autour de lui. Cependant, il ne lui avait donné aucune impression sacrée qui le différencia des autres, à part le fait qu'elle était pratiquement épuisée après avoir dû constamment faire travailler son cerveau pendant toute la conversation, tant il était difficile à décrypter.

Sa beauté séduisante, qui transcende l'humanité, devait être une source d'inspiration pour les citoyens de la Ville Sainte. Cependant, Eugène n'était pas particulièrement impressionnée. Elle avait vécu dans un monde où une telle beauté était généralement représentée dans des images ou des vidéos avec une technologie graphique avancée.

En tout état de cause, je pense plutôt que c'est Kasser qui est profondément impressionnant.

Eugène se souvint alors du Roi du Désert. La vue de son corps entier entouré de son Praz, qui prenait la forme d'un serpent, ainsi que la façon dont il parvenait à sauter dans les airs et à atterrir sur un immeuble de quelques étages, était en effet un spectacle à voir.

Elle ouvrit les yeux et leva la main gauche. Un petit écureuil qui s'était collé sous sa manche leva alors la tête en faisant la moue. Lorsqu'elle approcha sa main droite de l'écureuil, celui-ci sauta rapidement et atterrit sur le dos de sa main.

« Petit fauteur de troubles »

Eugène rit en tapotant légèrement le petit nez de Kid avec son doigt.

« Mais tu m'as vraiment sauvé aujourd'hui »

Tome 1 – Chapitre 243 – Avoir une utilité Au début, elle était vraiment troublée par l'apparition soudaine de Kid. Mais grâce à Kid, elle avait découvert que Sang-je était excessivement indulgente envers Jin et elle avait également réussi à s'éclipser plus tôt qu'elle ne l'avait prévu.

Enthousiasmée par les éloges, Kid fit un tour sur le dos de sa main. Alors qu'elle riait à la vue de Kid, une chose étrange lui traversa l'esprit.

Comment se fait-il que Sang-je n'ait pas remarqué que Kid était en fait un Hwansu ?

Le Hwansu était en fait une Alouette spéciale. Si Sang-je était vraiment le représentant de Dieu, ne devrait-il pas être plus agile pour identifier la présence des Alouettes, qui étaient pratiquement les intrus de ce monde ? Pourtant, il n'avait même pas fait attention à une Alouette qui se trouvait juste sous son nez.

Et si Sang-je était en fait lié à la tribu des temps anciens ? On dit que c'était la tribu capable de prévoir l'avenir qui avait accaparé toutes les connaissances sur les sorts. Est-il possible qu'ils utilisent les sorts pour diriger une secte ? Dans ce cas, le grand prêtre ne serait pas très différent. Ou peut-être sont-ils en train de conspirer pour tromper tout le monde... Suis-je allé trop loin ?

Momentanément, la voiture ralentit jusqu'à s'arrêter. Eugène vit qu'ils venaient de passer la magnifique porte en fer qui était largement ouverte, lorsqu'elle tira le rideau.

Ah... J'ai finalement réussi à revenir.

Dans la Ville Sainte, il y avait des manoirs qui appartenaient respectivement aux rois des six royaumes. Mais contrairement aux manoirs construits autour d'un quartier, les quartiers résidentiels exclusifs aux familles royales étaient dispersés autour du Saint Palais.

Je suis rentrée.

Le simple fait de penser qu'il y avait quelqu'un qui attendait son retour à l'intérieur fit disparaître tous ses soucis et la tranquillisa d'un seul coup. Eugène réalisa une fois de plus à quel point elle comptait sur lui.

Elle avait entendu dire que Jin n'avait jamais séjourné dans ce manoir auparavant - elle était partie juste après la cérémonie de mariage avec Sang-je comme officiant et avait passé une fausse nuit de noces dans une annexe que Sang-je avait mise à leur disposition. Eugène avait hâte d'y être avant même qu'elle n'arrive, car c'était un nouvel endroit dont Jin n'avait aucun souvenir.

Bientôt, la voiture s'arrêta. Eugène cacha rapidement Kid sous sa manche avant que la porte ne s'ouvrit. Elle s'attendait à ce que Pides se tienne à l'extérieur lorsque la porte s'ouvrit.

Tout à coup, quelqu'un poussa le haut de son corps à travers la porte ouverte. Eugène sursauta alors qu'elle s'apprêtait à se lever de son siège. Mais lorsqu'elle découvrit une paire d'yeux bleus qui la fixaient, son expression s'adoucit presque immédiatement.

Réprimant une vague d'émotions, Eugène tendit la main à Kasser lorsqu'il la lui offrit.

Elle fut bouleversée lorsqu'elle sentit la forte pression de sa main lorsqu'il prit la sienne.

Elle regarda fixement l'immense manoir qui s'offrait à sa vue dès qu'elle posa le pied sur le sol. Il était structuré avec un escalier menant à l'intérieur et des serviteurs étaient alignés à chaque étage dans leurs uniformes standardisés.

Bien qu'il soit incomparable en termes de taille, il était définitivement plus pratique qu'un château. D'une certaine manière, elle avait l'impression d'être devenue quelqu'un de haut placé.

« Rentrons à l'intérieur, ma reine »

« D'accord » Eugène tourna la tête après avoir fait quelques pas. Lorsqu'elle aperçut Pides, qui se tenait au loin, elle dit « Monsieur Pides, remerciez votre escorte »

« C'est avec plaisir. Je n'ai fait que ce qu'on m'a demandé »

« Entrez avec nous. Nous devons vous inviter à prendre le thé après avoir fait tout ce chemin. Vous serez notre premier invité »

Eugène se tourna pour regarder Kasser lorsque celui-ci se racla la gorge d'un air entendu. Kasser lui dit alors en lui tirant la main « Ma reine, je crains que nous ne soyons pas en mesure d'accueillir des invités pour l'instant, car l'endroit a été laissé vacant pendant longtemps »

Pides s'interposa aussitôt.

« Anika - Votre Grâce. J'apprécie vraiment votre offre, mais à mon grand regret, je dois rentrer car j'ai des choses à régler. Je serais très honoré si je pouvais me joindre à vous la prochaine fois »

« Ah. C'est dommage »

« Je vais partir alors, Votre Grâce »

« Merci d'avoir pris la peine de l'escorter »

Pides se retourna après avoir incliné la tête. Eugène ne vit pas Pides monter à cheval pour partir, car Kasser la conduisit précipitamment à l'intérieur. Elle jeta un coup d'œil à Kasser alors qu'elle passait devant les serviteurs. Bien qu'elle ne soit pas familière avec la courtoisie de ce monde, elle savait que la réponse de Kasser était inappropriée.

Servir du thé à une seule personne ne demandait manifestement pas beaucoup d'efforts.

C'était presque comme si Kasser venait de trahir son mécontentement d'avoir invité Pides, en plein visage.

« A-t-il un problème avec Pides ? »

Il était assez surprenant de voir Kasser exprimer son aversion pour quelqu'un comme il venait de le faire.

« Eh bien, je suppose qu'il vaut mieux se méfier de lui car Sang-je a ses chevaliers à sa disposition » conclut simplement Eugène.

« Votre Majesté, j'ai quelque chose d'important à vous dire »

« Allons là où nous ne serons pas dérangés » Ils entrèrent alors dans le salon qui se trouvait à l'intérieur de la maison. Kasser renvoya tous les serviteurs qui l'accompagnaient et leur demanda de ne pas entrer avant d'avoir été convoqués.

« Tu vas bien ? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? »

« Le gamin était venu avec moi »

Ils parlèrent tous les deux simultanément une fois seuls. Eugène attrapa Kid sous sa manche et le montra aux yeux de Kasser.

« Est-ce que c'est toi qui l'as fait par hasard ? »

Kasser secoua la tête,

« Vous ne saviez vraiment pas ? »

« Il n'y a aucune raison pour que je fasse une telle chose. Tu as eu des ennuis à cause de ça ? »

« Non, j'allais bien. Depuis quand penses-tu qu'il m'a suivi ? »

Kasser prit un moment de réflexion avant de répondre « Je pense que la cage de Kid était à proximité lorsque nous avons eu notre dernière conversation avant que vous ne partiez pour le palais »

« Alors je suppose qu'il a dû se faufiler dehors à ce moment-là. Vous ne saviez pas qu'il était parti ? »

« Je n'en avais aucune idée »

« Tu n'as vraiment pas l'air de te soucier d'être leur maître »

La critique d'Eugène semblait injuste à Kasser, car il n'était pas en état de se préoccuper des allées et venues d'un Hwansu. Il s'était senti agité pendant tout le temps qui avait suivi le moment où elle s'était rendue seule au palais. Il descendit les escaliers en courant dès qu'il entendit que son carrosse était en vue.

Il jeta un regard de reproche à l'écureuil insolent qui l'avait fait gronder. Mais lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit, il laissa échapper une exclamation.

« Le gamin a dû s'inquiéter pour toi. Notre conversation a dû paraître bien sérieuse »

« Tu veux dire que Kid était venu pour me protéger ? »

« Oui, tout comme il peut m'invoquer en cas de besoin »

Kasser hocha la tête d'un air approbateur, comme s'il lui avait trouvé une utilité.

« D'accord, petit. Je te demanderai chaque fois que le besoin s'en fera sentir » Eugène fixa alors le petit écureuil. Elle était littéralement émue par le fait qu'elle avait été protégée par cette toute petite créature depuis le début et aussi par le fait qu'elle avait un mari qui viendrait à elle en cas de besoin. Elle détestait Jin qui avait trompé un homme si bon et était terriblement désolée pour Kasser. Ces sentiments contradictoires lui firent soudain faits monter les larmes aux yeux. Bientôt, sa vision se troubla et tout devint flou autour d'elle.

« Eugène » lui échappa alors qu'elle clignait des yeux. Le fait de voir son visage troublé la rendit encore plus émotive. Bientôt, les larmes coulèrent sur son visage sans discontinuer, même si elle essayait de les essuyer avec ses mains.

« Ce n'est pas grave » Kasser retira ses mains de son visage et passa ses bras autour de son dos et de sa taille pour la rapprocher de lui. Il déposa de doux baisers sur son front en murmurant « Tout va bien maintenant »

Eugène sanglota et se mit à pleurer à chaudes larmes dans ses bras. Avant cela, elle n'avait jamais pleuré de toute sa vie et n'avait jamais été consolée dans les bras de quelqu'un. Elle brailla encore un moment, déversant tous les chagrins enfouis au fond de son cœur, tout en sentant les douces tapes et caresses de son mari sur son dos.

*******************************

Aldrit se rendit compte qu'ils se dirigeaient vers un sentier menant à l'entrée du lac souterrain. Il suivait Mur à l'aveuglette depuis un moment déjà, supposa-t-il.

Cependant, Mur changea de cap et s'éloigna du chemin familier juste avant qu'ils n'atteignent le lac.

Il y a quelque chose de ce côté ?

Il se trouvait que c'était la zone que les enfants exploraient souvent pour s'amuser. Elle servait pratiquement de terrain de jeu pour les petits du village et Aldrit y avait également passé la plus grande partie de son enfance. Par conséquent, s'il y avait d'autres chemins autour de cette zone, il l'aurait découvert bien avant.

Cependant, le chemin était bloqué par le mur de pierre à son extrémité. Il n'y avait rien d'autre que quelques tours de pierre construites pour faire des vœux. Il ne s'agissait pas de vestiges aux significations profondes, mais d'une simple tour de pierre de la taille

d'un homme, avec des pierres empilées les unes sur les autres à chaque fois que les gens venaient faire leur vœu.

Comme Aldrit s'en souvenait, le chemin se termina bientôt en cul-de-sac. Et les tours de pierre étaient là telles qu'Aldrit les avait vues pour la dernière fois. Mur regarda les alentours et commença à déplacer les pierres qui traînaient sur le sol ici et là. Il enleva aussi quelques pierres des tours et en ajouta d'autres au sommet.

Aldrit ne pouvait s'empêcher de regarder fixement Mur continuer son comportement inexplicable. Où l'emmenait-il exactement ? Ce qu'il ne savait pas, c'était que les secondes suivantes allaient changer sa vie à jamais. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise lorsque le rocher qu'il croyait être un mur commença à bouger. Après que le rocher se soit complètement éloigné, un intérieur sombre se révéla derrière lui.

« Monsieur ? »

« Venez »

Laissant Adrit perplexe, Mur disparut rapidement dans l'obscurité. Aldrit le suivit en toute hâte en disant « Monsieur, est-ce une autre entrée reliée au monde extérieur ? »

« Le seul moyen de sortir d'ici est de passer par le lac »

« Alors qu'est-ce que c'est ? » Aldrit, qui suivait de près, s'arrêta brusquement après avoir heurté le dos de Mur, lorsque celui-ci s'arrêta devant lui.

« Il y a des escaliers qui descendent d'ici. Faites attention à ce que vous faites »

Ils commencèrent à descendre les escaliers. Aldrit était trop concentré pour ne pas faire de faux pas qu'il ne pouvait pas dire un mot malgré tous les doutes qui s'élevaient dans son esprit. Ce ne fut qu'après avoir descendu les escaliers pendant un certain temps qu'il se rendit compte que quelque chose était étrange.

Il s'avéra que ce n'était pas parce que ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité. Il pouvait distinguer son environnement car l'endroit était éclairé au point que les marches étaient clairement visibles. Il se trouva qu'il y avait des lumières qui brillaient faiblement entre les marches.

« Monsieur, quelles sont ces lumières ? »

« C'est le pouvoir du sort »

Mur répondit sans hésiter, comme s'il n'avait pas l'intention de se cacher à ce sujet.

« S-sorts ? »

On avait appris à Aldrit que le seul sort qui restait à la tribu était celui en forme de rune, qui devait être inscrit sur le corps, pour les aider à éviter les Alouettes. Ce que Mur venait de dire contredisait donc tout ce qu'on avait enseigné à Aldrit au fil des ans.

Mur s'arrêta net sur la dernière marche de l'escalier. Puis, à tâtons, il ramassa une pierre sur le sol.

« Regarde bien »

Mur lança alors la pierre dans les ténèbres. Après le bruit de la pierre frappant le sol, des lumières jaillirent du sol. Les lumières se transformèrent ensuite en une sorte de forme géométrique qui était clairement visible dans l'obscurité.

Il s'agissait sans doute de la même rune inscrite sur le corps des membres de la tribu, mais sous une forme agrandie.

« Sort... » murmura Adrit, le regard vide.

« Ce sort est capable de transporter des objets d'un endroit à un autre. Il se déclenche dès que quelque chose touche la rune. Cependant, il n'est pas possible de revenir en arrière une fois que l'objet a été transporté. Aldrit. Je vous conseille d'y réfléchir à nouveau. Une fois que tu seras entré, tu seras lié au nouveau sort, et tu seras désormais surveillé par lui. Plus encore, tu seras marqué comme la figure centrale de la religion païenne »

Une religion païenne. Aldrit se souvint des choses qu'il avait entendues de la part de la reine il n'y avait pas si longtemps.

« Mara... est-elle la religion païenne de votre dicton ? »

« Je vois que tu as beaucoup appris pendant ton absence »

« Comment la marque sera-t-elle révélée ? »

« Les chevaliers de Mahar pourront détecter ta présence. Mais tu pourras aussi les détecter s'ils se trouvent dans les parages »

Mahar et Mara. Aldrit était plus excité qu'effrayé par les vérités qu'il était sur le point d'apprendre.

Je peux enfin être utile.

Il se souvenait combien il avait souffert de l'air déçu de la reine. Mais maintenant, il allait bientôt acquérir toutes les connaissances qui lui permettront de répondre à toutes les questions de la reine.

« Si je peux me permettre, j'ai appris que notre tribu avait abandonné l'ancienne sorcellerie il y a très longtemps. Cela signifie-t-il que toute l'histoire que j'ai apprise sur notre tribu jusqu'à présent était fausse ? »

« Elles ne sont pas fausses »

« Je vais y aller. Je n'ai aucune raison d'hésiter après avoir fait tout ce chemin »

Un léger soupir échappa à Mur. Mais en même temps, Mur était fier d'Aldrit pour sa détermination.

Le sort fut lancé et les lumières rayonnèrent dans la forme de la rune depuis le sol dès qu'ils y pénétrèrent tous les deux. Bientôt, leurs silhouettes disparurent dans l'air sans même laisser de traces.

Tome 1 – Chapitre 244 – Les Arses

Enoch avait prévu de rendre visite à Jin dès son arrivée à la Ville Sainte. Il se disait qu'il ne pouvait pas laisser sa sœur en froid avec sa famille plus longtemps. Mais malheureusement, Jin ne semblait pas vouloir faire le premier pas pour rencontrer sa famille. Ils n'entendirent plus parler d'elle après avoir été informés de l'arrivée de Jin par le chevalier de Sang-je.

Enoch avait donc envoyé ses hommes surveiller les quatre entrées de la Ville Sainte ainsi que le manoir appartenant au royaume de Hashi.

« Ceux d'entre vous qui auront repéré l'arrivée de Jin devront m'en avertir immédiatement. Veillez à rester vigilants à tout moment, car elle pourrait arriver même au milieu de la nuit »

« Oui, jeune maître »

Cependant, le matin même de l'arrivée de Jin, une agitation inattendue se produisit.

Comme tous les matins, Patrick sortit prudemment du lit et quitta la chambre pour ne pas réveiller sa femme qui dormait encore. Mais comme elle ne s'était toujours pas levée alors qu'il avait rompu le jeûne, Patrick trouva cela inhabituel et retourna voir ce qu'il en était.

« Dana, ma chérie »

Comme il n'avait pas entendu de réponse après l'avoir appelée par la porte, il s'approcha de leur lit. Il s'aperçut alors que sa femme gémissait de douleur et que son corps était brûlant.

« Chérie ! »

L'une des servantes entra en courant dans la chambre, surprise par l'urgence de la voix de Patrick. Elle se précipita à l'arrière lorsque Patrick lui demanda d'envoyer chercher un médecin.

Tout le manoir fut ensuite mis en émoi. L'atmosphère autour du manoir était très animée, car la maîtresse de maison avait toujours été en bonne santé et n'avait jamais eu de petits problèmes de santé jusqu'à présent.

Le médecin de famille, qui était venu en un clin d'œil, informa Patrick, qui lui posait impatiemment des questions, lorsqu'il eut terminé l'examen.

« Lord Arse. Je souhaite vous parler en privé »

Enoch attendit avec impatience que son père s'entretienne avec le médecin de famille. Il ne pouvait s'empêcher de se demander à quel point l'opinion du médecin serait mauvaise, puisque celui-ci avait demandé à parler à son père en privé. Enoch espérait qu'il ne s'agirait pas de quelque chose de grave.

Il se précipita dans le bureau de son père dès qu'il apprit que le médecin avait pris congé. Juste à temps, il rencontra Lord Noff, leur médecin de famille, dans le couloir.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Ma mère va-t-elle bien ? »

Le médecin gloussa devant Enoch, qui était devenu d'une pâleur mortelle sous l'effet de l'inquiétude. « La dame va bien. Vous ne devriez pas être si inquiet »

L'air perplexe, Enoch regarda le médecin s'éloigner de lui. Il pensa à lui demander plus d'explications, mais, après réflexion, il se dit qu'il valait mieux que son père lui dise ce qu'il en pensait. Il poussa un soupir de soulagement car son père n'avait pas l'air très contrarié.

« Père. Est-ce que maman va bien ? »

« Ta mère a l'air d'être stressée, car elle est à bout de nerfs depuis quelque temps. Mais il a dit qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter »

« Stressée ? Ce n'est pas quelque chose de grave ? »

« Elle devrait aller bien. Il se trouve qu'elle avait l'habitude d'avoir de la fièvre lorsqu'elle avait beaucoup de choses en tête. J'ai oublié tout cela car elle n'est pas tombée malade depuis que vous avez repris l'affaire »

« Je n'en savais rien »

« Elle s'est toujours rétablie après un bon sommeil. Nous avons à peine fait venir un médecin comme nous l'avons fait aujourd'hui »

« Alors pourquoi Lord Noff a-t-il demandé à vous parler en privé ? »

« Il a été très prudent et m'a demandé s'il y avait des problèmes à la maison. Eh bien... »

Patrick marqua une pause avant de poursuivre d'un air désagréable « Il m'a demandé si j'avais fait quelque chose de mal qui aurait pu perturber votre mère, ce qui est absolument absurde. Pour qui me prend-il ? »

Enoch comprit que son médecin de famille avait douté que son père fut infidèle à sa mère. Il pouvait presque voir comment son père avait dû s'énerver face à une accusation aussi scandaleuse. Enoch ne put s'empêcher de rire, car il était absurde que le médecin doute de son père.

Après toutes ces années, il était le médecin de notre famille, et pourtant il ne savait toujours rien de notre père.

L'idée même que son père avait une liaison était inimaginable pour Enoch. Son seigneur de père était quelqu'un qui avait tendance à faire toute une histoire lorsque sa mère toussait de temps en temps. De plus, si son père avait vraiment fait une telle chose, sa mère n'était pas du genre à s'en émouvoir. Elle préférait qu'il quitte la maison sur-le-champ.

« Que diable as-tu dit à ta mère ? »

« Je vous demande pardon ? »

« Je parle de ce qui s'est passé il y a quelques jours. Il n'y a rien d'autre que cela qui aurait pu bouleverser ta mère au point qu'elle tombe malade »

Enoch cligna des yeux, déconcerté, lorsque Patrick le fusilla du regard. Se retrouvant soudain sous le feu des critiques, il répondit à son père d'un air maussade « J'ai dit pas grand-chose. Tout ce que j'ai fait, c'est demander une faveur à ma mère pour qu'elle accueille chaleureusement Jin à son retour »

« Bien sûr, tu lui as demandé poliment au lieu de faire le malin ? Ta mère a peut-être pris sa retraite, mais cela ne fait pas de toi le chef de la maison. Pas tout de suite »

« Avec tout le respect que je vous dois, mon père, je ne pourrais pas me sentir plus injustement accusée. Ma mère l'aurait-elle toléré si j'avais été grossier avec elle ? »

Après avoir jeté un regard interrogateur à son fils, Patrick lui fit signe de le quitter.

Après avoir quitté le bureau, Enoch ne put s'empêcher d'être incrédule face à l'état de sa mère.

Est-ce que le fait de voir Jin dérange à ce point sa mère ?

Pendant tout ce temps, Enoch s'était dit que Jin avait été rejeté unilatéralement par sa mère. Mais aujourd'hui, il avait l'impression d'avoir découvert à quel point sa mère avait dû souffrir seule, sans que personne ne le sache. Il se demandait encore plus pourquoi sa mère se tourmentait en ignorant Jin, sentant que l'esprit complexe de sa mère était au-delà de sa compréhension.

[Ta mère semble soupçonner que Jin n'est pas sa fille. Elle prétend que son enfant a été échangé].

Enoch plissa les sourcils en se rappelant les paroles de son père. Il secoua la tête après y avoir réfléchi un moment, car Jin était indubitablement la fille de sa mère. Il ne fait aucun doute qu'il serait capable de reconnaître Jin au premier coup d'œil, elle qui était le portrait craché de sa mère, s'ils se croisaient dans la rue, peu importe le temps qui passe.

Ce fut cet après-midi-là qu'il fut informé de l'arrivée de Jin. Après avoir été prévenu par un serviteur accouru au moment où il avait vu le carrosse du royaume de Hashi passer la porte, Enoch fut à nouveau informé de l'entrée de Jin dans le palais par un autre serviteur.

C'est mauvais....

Contrairement à l'assurance de son père qu'elle se rétablirait bientôt, sa mère n'avait toujours pas montré le moindre signe de réveil. Il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter, car elle semblait aussi blanche qu'un drap lorsqu'il la voyait dans son lit.

Après mûre réflexion, il décida de reporter son projet de rencontre avec Jin.

Je ferais mieux de ne pas essayer de troubler davantage l'esprit de ma mère aujourd'hui.

D'un autre côté, il avait espéré que Jin prenne contact avec eux, mais il semble qu'il ait espéré en vain.

Le lendemain matin, Enoch monta sur la terrasse après avoir entendu que ses parents y discutaient après avoir rompu le jeûne. Enoch croisa le regard de Patrick dès qu'il entra sur la terrasse. Ignorant le regard de son père qui lui intimait de ne pas entrer, il s'approcha de ses parents.

« Maman, comment te sens-tu aujourd'hui ? »

« Je me sens très bien. J'ai dû t'inquiéter pour rien »

« Arthur devrait être de retour aujourd'hui »

Peu après le début de la saison sèche, Arthur, le jeune frère d'Enoch, avait quitté la Ville Sainte pour des raisons professionnelles, car il était le vice-directeur de leur entreprise.

Mais après avoir été informé de l'arrivée de Jin dans la ville, Enoch avait immédiatement envoyé un message urgent à son frère pour qu'il revienne immédiatement.

Heureusement, Enoch avait reçu de son frère qu'il serait en mesure de revenir dans quelques jours et qu'heureusement, il n'avait pas voyagé loin de la Ville Sainte.

Tome 1 – Chapitre 245 – L'amour d'une famille

« Et si nous dînions en famille ce soir ? Jin... semble être arrivé hier »

Enoch se sentait responsable d'être le seul à pouvoir arranger les choses. Son père avait négligé Jin, car il s'occupait davantage de sa femme que de sa fille. Peu importe l'amour qu'il avait donné à sa fille, sa mère avait toujours été sa priorité par rapport à Jin.

Enoch ne s'était jamais senti exclu ni ne s'était plaint que leurs parents soient si joyeux dans leur mariage. Cependant, il lui vint à l'esprit que sa sœur cupide aurait pu se sentir autrement, car sa mère lui avait toujours été indifférente et le fait d'être le second de sa mère dans l'amour de son père n'avait pas dû suffire à combler le vide de son cœur. Cela expliquait pourquoi elle avait coupé les ponts avec sa famille après s'être mariée, sans même les consulter.

Tout le monde finirait par en pâtir s'ils ne parvenaient pas à se réconcilier avec sa petite sœur pour toujours. Il sentait qu'il ne pouvait pas rester plus longtemps à regarder sa famille s'éloigner.

Dana ne répondit qu'après un long silence.

« ...D'accord. Faisons-le » C'était une remarque peu enthousiaste.

« J'inviterai ensuite Jin à dîner »

« Faites comme vous voulez »

« Oui, maman »

Enoch les entendit parler dans son dos alors qu'il s'éloignait.

« Dana, essaie de te rassurer. Tu as un côté fort, mais tu es vraiment délicate au fond, ce qui m'inquiète. Maintenant, laisse-moi voir si tu as encore de la fièvre »

Enoch poussa un grognement en cœur sans le montrer sur son visage.

Mère ? Délicate au fond ?' On dirait que son père a sa propre façon de voir sa mère à travers des lunettes roses, contrairement à tout le monde.

Autrefois, la maison Arse n'était connue que par son nom. Mais comme l'histoire de la famille remontait à loin, elle n'avait jamais vécu dans l'indigence, mais jamais non plus dans l’aisance, comme c'était le cas aujourd'hui. Cela leur suffisait à peine pour garder leur dignité sans avoir à demander de l'aide à l'extérieur.

C'était le défunt chef de famille qui avait jeté les bases, car il était doué pour la gestion.

Ce fut ainsi que les Arses commencèrent à accumuler de grandes richesses.

Ce fut la mère d'Enoch, Dana, qui succéda au chef de famille, et ce nouvel atout permit à l'entreprise familiale de prendre de l'ampleur. Aujourd'hui encore, les Arses étaient connus pour avoir accumulé une fortune considérable, suffisante pour être considérée comme l'une des familles les plus riches de la ville sainte.

Depuis qu'Enoch commencait à comprendre le mécanisme de l'entreprise qu'il avait reprise, il apprit par cœur la loi de la survie du plus fort. La concurrence acharnée à laquelle se livraient les entreprises pour faire des bénéfices n'était pas moins féroce qu'une guerre. Il était clair que cette industrie n'était pas faite pour les faibles de cœur.

Père, tu n'as vraiment aucune idée de ce qui se passe. Mère l'emporterait facilement sur toi.

Selon Enoch, c'était Patrick qui semblait avoir un cœur plus faible que sa mère. La raison pour laquelle les entreprises d'Arses et de Patrick n'avaient jamais été en conflit l'une avec l'autre jusqu'à présent était qu'elles diffèrent dans les produits qu'elles traitent. Et si c'était le cas ?

« ...Je parie que père se retirera avant même que le conflit ne survienne »

Alors qu'Enoch s'apprêtait à sortir, l'un de ses assistants lui apporta un message urgent.

Il semblait qu'il y avait eu un accident au champ et qu'ils avaient besoin de ses instructions.

Il leur demanda « Passez devant moi et prenez toutes les mesures nécessaires. Je serai bientôt là »

« Comme vous voulez, mon seigneur »

Enoch se creusa les méninges après que son assistant eut pris congé - son projet initial de se rendre chez Jin et d'avoir une conversation sincère avec elle avait été contrecarré.

Le soleil serait probablement couché le temps qu'il règle les problèmes liés à l'accident.

Il se demanda s'il ne devait pas remettre ses projets à demain. Cependant, la discorde entre Jin et sa famille risquait de s'aggraver si Jin pensait que sa famille l'avait ignorée pendant les deux jours qui avaient suivi son arrivée.

Juste à temps, le majordome entra pour lui donner un rapport.

« Maître, le jeune maître vient de rentrer »

Enoch se réjouit de l'arrivée de la bonne personne à qui il pouvait confier la tâche «

Dites à Arthur que j'ai demandé à le voir juste après qu'il ait présenté ses respects à sa mère et à son père »

« Comme vous le souhaitez, maître »

*********************************

Après s'être réveillée tard dans la matinée, Eugène prit un petit déjeuner tardif et commença à visiter le manoir. Pendant qu'elle se promenait, une servante et Sven suivaient derrière elle. Eugène ne vit pas vraiment la nécessité de la placer sous surveillance dans la maison, mais Kasser insista d'un ton décidé.

[Nous ne sommes plus dans notre château. Il y a un risque d'invasion car il y a des angles morts dans la maison. Essayez de ne pas vous promener seule].

De plus, elle avait Kid sur l'épaule. Bien qu'elle n'avait pas entendu le genre d'instructions que Kasser lui avait données, elle fut surprise de voir que Kid, qui aime se balader partout, était collé à son épaule tout le temps sans bouger d'un pouce. C'était une escorte à la fois adorable et puissante.

Tout en déambulant dans le hall, elle jeta un coup d'œil attentif à l'endroit, sans manquer un mur, un pilier et même les plafonds. Elle avait entendu dire que le manoir avait au moins cent ans depuis qu'il avait été construit. Il y avait effectivement une touche classique, mais il n'était pas vraiment usé.

L'endroit me semble parfait.

Mais malgré l'aspect extérieur, il semblait que l'endroit avait besoin de quelques réparations. Et pour y remédier, Kasser n'avait pas pu se joindre à elle pour visiter la maison, à son grand regret.

Le manoir avait en effet été laissé sans surveillance pendant de nombreuses années, sans que personne n'y réside. Feu le Roi du Désert ne se rendait pratiquement jamais dans la Ville Sainte, et trois ans s'étaient écoulés depuis le bref séjour de Kasser, venu pour le mariage. Le manoir était pratiquement négligé bien qu'il avait été confié au gardien. En effet, le manoir manquait de personnes ayant un réel sens du devoir dans la gestion de la maison. Avec tous les travaux de réparation négligés au fil des ans, la maison était maintenant dans un état grave.

Kasser s'était donc déplacé en personne pour constater l'état du manoir et vérifier les endroits qui avaient besoin d'être réparés, tout en confiant personnellement la tâche de réparation à quelqu'un de fiable.

Cela doit être dû au fait que personne n'y a vécu pendant tant d'années, quelle que soit la qualité de sa gestion. Les maisons vides sont plus susceptibles de tomber en ruine.

Mais... pourquoi est-elle restée vide ?

Qu'en est-il de l’ancienne reine ? La mère de Kasser ne vivait-elle pas ici ?

Eugène avait entendu dire que sa mère vivait à la Ville Sainte, mais ne savait rien du contexte. Pouvait-elle poser la question ? Le lui dirait-il si elle le lui demandait ? Cela lui ferait mal s'il ne le faisait pas. Mais plus encore, elle se demanda si elle avait le droit de poser de telles questions.

Hier, après avoir pleuré à chaudes larmes dans ses bras, Kasser ne lui avait pas posé une seule question depuis. Elle se sentait à la fois désolée et reconnaissante qu'il avait été si patient avec elle jusqu'à ce qu'elle soit prête à le lui dire.

Elle n'avait aucune idée de la façon dont elle devait lui dire que tout ce mariage était en fait une partie d'un plan depuis le début. Elle n'avait pas encore le courage de lui dire.

Eugène regardait distraitement autour d'elle et, en peu de temps, elle fut absorbée par ses propres pensées.

Récupérer sa Ramita... Qu'est-ce que cela signifie ? Comment se fait-il que Jin soit sans Ramita ? Voulait-elle dire qu'elle avait perdu son Ramita alors qu'elle l'avait auparavant

? Si c'est le cas, il a dû y avoir un incident avant qu'elle ne la perde.

Elle se sentait seule. Elle n'avait aucun moyen de poser des questions à son entourage, car c'était un sujet très sensible. Et il était également difficile de demander à Kasser de mener l'enquête - cela risquait d'éveiller les soupçons de Sang-je s'il l'apprenait.

Mais il y avait quelqu'un à qui elle pouvait demander sans être soupçonnée. De plus, cette personne devait connaître Jin mieux que quiconque.

La famille de Jin.

Devrais-je les rencontrer ? ....

Depuis sa rencontre avec Sang-je, les nouveaux doutes l'emportaient sur les indices qu'elle avait découverts jusqu'à présent. Elle se sentait le cœur lourd avec tous les fardeaux qui pesaient sur elle.

Eugène ouvrit la porte dont le motif inhabituel attira son attention et entra. Elle fut très étonnée par l'intérieur, car elle était entrée dans le palais sans aucune attente préalable.

Malgré son état pitoyable, il dégageait encore un soupçon de sa grandeur passée.

La pièce était large et haute de plafond et ressemblait presque à un petit jardin. Sur l'estrade séparée du sol par quelques marches, des fleurs et des plantes de toutes sortes étaient disposées tout autour de la pièce dans d'innombrables vases et pots. La façon dont les lierres avaient poussé en hauteur sur le mur était tout simplement stupéfiante.

« Cet endroit a-t-il été embelli récemment ? »

Eugène demanda à la servante s'ils avaient arrangé l'endroit en apprenant que le propriétaire du manoir venait en visite.

« Non, ma reine. Cela a toujours été un jardin »

« Pour qui ? »

« Je vous demande pardon ? »

« Pour qui cet endroit a-t-il été embelli ? Cela coûterait sûrement une fortune rien que pour acheter assez de fleurs et de plantes pour tout l'endroit »

« Il s'agit en effet de plantes sèches, qui n'ont pas besoin d'être entretenues et qu'il suffit de remplacer une fois par mois. De plus, nous recevons toutes les fleurs et les plantes de la famille Arse »

« Arse... »

L'idée lui vint alors qu'elle s'apprêtait à demander pourquoi ils envoyaient de telles choses à la maison. Arse. C'était la famille dans laquelle Jin était né.

Eugène s'approcha d'un pot près duquel se trouvait une grande plante. Elle toucha avec précaution sa feuille verte et brillante. Comparée aux fleurs sèches qu'elle avait connues dans la terre et qui bruissaient au toucher, la feuille semblait plus artificielle que séchée.

La façon dont ils produisaient les plantes séchées était plus sophistiquée.

Il devait s'agir d'un produit coûteux, fabriqué avec des techniques spéciales. Peut-être était-il plus cher qu'une vraie plante.

« Alors, ils sont tous envoyés par la famille Arse ? Tous les mois ? »

« Oui, ma reine »

« Depuis quand ? »

« Cela fait plus de deux ans que je travaille ici, et je les ai vus livrés tous les mois depuis que j'ai commencé à travailler »

On dirait que Jin et sa famille n’étaient pas en mauvais termes après tout.

On dirait qu'ils avaient commencé à envoyer des fleurs à l'époque où Jin était partie après son mariage, il y a trois ans. Elles avaient dû être envoyées pour que Jin puisse les voir chaque fois qu'elle reviendrait séjourner dans la ville sainte. Elle pouvait ressentir l'amour de la personne qui, une fois par mois, envoyait suffisamment de fleurs pour remplir toute la pièce.

Tu as de la chance, Jin...

Elle se demanda ce que cela faisait d'avoir une famille qui l'aimait. Ce devait être un sentiment où l'on commençait à se sentir invincible. Le simple fait de croire qu'il y avait un homme qui sera toujours à ses côtés suffisait à la faire se sentir plus forte que jamais.

Mais en même temps, elle était assaillie par un soudain sentiment de culpabilité. Elle se tenait là, à la place d'une femme qui était une fille et une sœur précieuse pour d'autres.

Comment pourrait-elle affronter la famille Arse ?

« Ma reine »

Eugène, qui fixait la plante d'un air hébété, se retourna à cet appel. Sans qu'elle le sache, le chambellan, avec lequel elle s'était familiarisée en voyageant jusqu'à la Ville Sainte, se tenait tout près. Il baissa la tête en disant « Ma reine. Sa Majesté vous a fait venir. Un invité est venu lui rendre visite »

« L'invité est-il venu pour me rencontrer ? »

« Oui, Votre Majesté. Il vient de la famille Arse »

Une lueur de surprise apparut immédiatement dans ses yeux.

Tome 1 – Chapitre 246 – Retrouvailles Lorsque la calèche s'arrêta, Eugène était envahie par le même regret que celui qu'elle avait juste avant qu'ils ne prennent la route. Plutôt fébrile, elle envisagea de faire demi-tour. Je n'aurais pas dû venir dès le départ. Elle avait l'impression qu'il était trop tôt pour rencontrer la famille de Jin et n'y était pas préparée.

Ce regret remontait à l'époque où elle avait donné son accord au deuxième frère de Jin, Arthur, qui l'avait invitée à dîner ce soir, ajoutant que tout le monde était impatient de la revoir. C'était une décision tellement impulsive qu'elle n'avait aucune idée de ce qui l'avait poussée à agir ainsi. Elle se demanda si ce n'était pas un souvenir de Jin qui lui avait traversé l'esprit en voyant le visage d'Arthur.

[Je sais que tu me détestes. Tu voudrais que Flora soit ta sœur à la place, n'est-ce pas ?]

La voix de Jin était hésitante, elle rappelait à Eugène le visage maussade de Jin. Dans le souvenir de Jin, Arthur n'était pas plus qu'un garçon. D'un air posé qui le fit paraître plus mature que son âge réel, il dit,

[Jin, tu es ma petite sœur. Quoi qu'il arrive, je serai toujours à tes côtés].

Eugène était tout simplement étonnée par le fait qu'un frère puisse dire à sa sœur un tel dialogue que l'on n'entendait que dans les romans. Il n'avait rien à voir avec ses propres frères qui avaient toujours proféré des insultes ou des malédictions chaque fois qu'ils l'appelaient.

Après avoir rencontré Arthur, Eugène ne put s'empêcher de s'interroger sur les autres membres de la famille de Jin. Mais maintenant qu'elle était arrivée au manoir d'Arse, elle s'était dégonflée et regrettait gravement son imprudence.

Eugène arrêta Kasser qui tentait de se lever juste en face d'elle.

« Attendez » Kasser fixa Eugène après avoir vu la peur envahir son visage. Elle s'accrocha à lui sans dire un mot. Au bout d'un moment, il lui prit une main et lui tapota le dos de l'autre.

« Ce n'est pas grave. Ils sont ta famille »

En fait, ce n'était pas le cas.

Eugène ne dit cela qu'en son for intérieur et resserra sa prise sur sa main.

« Promets-moi que tu m'aideras si je fais une erreur »

« Oui, je te le promets »

Kasser ne comprenait pas pourquoi elle essayait de cacher à sa famille qu'elle avait perdu la mémoire, ni pourquoi elle était si nerveuse à l'idée de les rencontrer. Les Arses ne la condamneraient jamais pour quoi que ce soit, quelle qu’était l'importance de son erreur.

Il avait rencontré son père il y a trois ans, avant leur mariage. Bien qu'ils n'avaient pas eu l'occasion d'avoir une longue conversation, Kasser avait senti la sincérité dans la courte remarque de son père lorsqu'il lui avait demandé de bien s'occuper de sa fille. Il avait l'impression qu'Eugène devait être une fille attachante pour son père.

***********************************

Arthur avait le rouge aux joues ; ses paumes étaient devenues moites dès qu'il s'était rendu compte que personne n'était sorti pour accueillir le couple royal après être descendu de leur carrosse. Il s'empressa de demander au majordome présent qui montait avec lui.

« Où est père ? »

« Le maître est sorti et n'est pas encore revenu »

« A-t-il dit quand il reviendrait ? »

« Il avait dit qu'il serait de retour avant la nuit »

« Ah ! C'est mauvais » Arthur se retrouva dans une position inconfortable. Comme c'était Enoch qui lui avait demandé de rendre visite à Jin à sa place, car il avait une affaire urgente à régler, l'absence de son frère n'était pas une nouvelle pour Arthur.

Cependant, Arthur ne s'attendait pas à ce que son père soit également absent.

Arthur n'avait rien prévu de tout cela avant de ramener Jin à la maison. Tout ce qu'on lui avait demandé, c'était d'aller demander à sa sœur si elle voulait venir dîner.

Avant de la rencontrer, il s'était inquiété de la gêne occasionnée par les retrouvailles de la famille après tant d'années. Arthur n'avait jamais pu se résoudre à feindre l'amabilité et à dire des choses comme 'Ma chère sœur' ou 'Tu m'as vraiment manqué', comme Enoch l'aurait fait du fond de son cœur. C'était pourquoi il avait craint que Jin ne soit déçue de le voir venir à la place d'Enoch, qu'elle affectionnait auparavant.

Cependant, la réaction de Jin fut quelque peu différente de ce à quoi il s'attendait. Elle n'avait pas l'air particulièrement heureuse ou déçue de le voir. Il fut surpris de voir qu'elle avait rapidement accepté l'invitation.

Sans doute sa famille s'attendait-elle à ce que Jin arrive dans la soirée.

« Où est maman ? »

« La dame est à la serre »

Arthur s'abstint de demander si sa mère avait été informée de leur arrivée. Elle avait dû être informée par quelqu'un de la maison. Même dans ce cas, il n'y avait qu'une infime chance que sa mère vienne volontiers à la rencontre de Jin. Il se souvint que sa mère n'avait pas bougé d'un pouce, même le jour où Jin avait quitté la maison avec toutes ses affaires emballées après avoir annoncé son mariage.

Il se souvint également d'avoir entendu Enoch se plaindre faiblement de ne pas comprendre pourquoi leur mère était si froide avec sa fille unique. Même si l'intention de Dana était incompréhensible pour Arthur, il avait l'impression de pouvoir comprendre pourquoi sa mère gardait ses distances avec Jin.

Contrairement à Enoch, qui avait sept ans d'écart avec Jin, Arthur, qui n'avait que deux ans de plus que Jin, avait passé la plus grande partie de son enfance avec elle.

Réticent et réservé, Arthur n'avait jamais été du genre à montrer ses sentiments aux autres. Ainsi, même lorsqu'il avait été accusé à tort des erreurs commises par Jin, il avait reçu toutes les punitions sans chercher à se corriger.

Sachant qu'Arthur ne la dénoncerait jamais, Jin s'était confiée à Arthur seule. Ainsi, Arthur avait eu l'occasion d'observer son comportement naturel. Il était peut-être la seule personne à avoir vu Jin sans ses faux-semblants.

Cependant, il s'inquiétait à chaque fois qu'il pensait à Jin, car elle avait un fond de cruauté depuis qu'elle était toute petite. Jin n'avait que six ans lorsqu'elle avait jeté son oiseau de compagnie sur le sol, le tuant parce qu'il picorait le dos de sa main, et avait fait expulser une servante innocente de la maison après l'avoir accusée d'avoir tué l'oiseau à sa place.

En grandissant, elle avait acquis un autre côté rusé et avait commencé à faire semblant d'être gentille quand les gens étaient là. Mais après son rêve lucide, elle ne se donnait plus la peine de faire cela et traitait les gens avec un mépris affiché. Il n'avait jamais vu ses parents maltraiter qui que ce soit, pas même ceux qui travaillaient pour eux.

Quelle serait la meilleure mesure à prendre si la chair de sa chair la plus proche semble être mauvaise par nature ?

Leur mère ne semblait pas moins intéressée par la discipline de sa fille, et leur père croyait que l'amour inconditionnel qu'il portait à Jin la changerait. Enoch, quant à lui, écoutait ses moindres faveurs et s'efforçait de lui faire plaisir à chaque fois.

Rien de tout cela n'a fonctionné.

Quant à Arthur, il n'avait aucun rôle à jouer dans une telle famille, mais il n'avait pas non plus l'intention de dire du mal de sa sœur. Il ne l'avait jamais détestée. Cependant, il avait ce pressentiment que Jin finirait par franchir le point de non-retour un jour ou l'autre.

En tant que frère de Jin, il se sentait profondément responsable de l'arrêter avant qu'elle ne commette des erreurs fatales dont on ne pouvait se souvenir. C'était pourquoi, à son insu, il avait surveillé de près les moindres faits et gestes de sa sœur depuis lors.

Mais lorsque Jin avait quitté la maison après son mariage, il avait eu l'impression d'être débarrassé d'un grand poids. Devoir observer constamment quelqu'un en secret n'avait jamais été sa tasse de thé.

Arthur tourna la tête vers le bruit lorsqu'il entendit la porte du carrosse s'ouvrir. Le Roi du Désert et Jin sortirent alors du carrosse.

Il entendit les exclamations des servantes venues à leur rencontre. Il ne fit aucun doute qu'il s'agit là d'un mariage parfait. De plus, le noir et le bleu distinctifs de leurs cheveux donnaient l'impression qu'ils appartenaient à un monde différent de celui des autres.

Le regard d'Arthur passa de Jin prenant la main du Roi du Désert en descendant les marches, à leurs mains qui restèrent jointes même après qu'elle fut descendue du carrosse. Enfin, il fixa le regard tendre du Roi du Désert sur Jin qui lui murmurait quelque chose à l'oreille.

Hmm.

Après avoir grandi en observant ses parents qui ne s'étaient jamais désunis tout au long de leur mariage, il avait appris à discerner les vrais couples de ceux qui ne faisaient que se donner en spectacle, chaque fois qu'il assistait à des réunions mondaines. Et tout comme il l'avait ressenti dans le manoir plus tôt, l'atmosphère chaleureuse qui les entourait tous les deux semblait sincère.

Tu t'es bien portée pendant tout ce temps. Malgré le malaise qu'il éprouvait à l'égard de sa sœur, il ne souhaitait pas qu'elle soit malheureuse. Elle avait l'air d'avoir changé, elle aussi. Peut-être que les trois années de mariage avaient provoqué des changements dans sa vie.

Arthur s'approcha des deux.

« Jin »

« Oui, Arthur » Eugène ne pouvait pas se sentir plus gêné de s'adresser au frère de Jin par son prénom.

« Je crains que père et Enoch ne soient sortis pour des affaires urgentes. Je suis sûr qu'ils t'auraient attendu s'ils avaient su que tu venais »

« Ce n'est pas grave. Je peux les attendre »

« Ah. Très bien alors »

Arthur fut pris au dépourvu par la réponse nonchalante de Jin, car il s'attendait plutôt à une remarque acerbe. Dans son souvenir, elle détestait qu'on la fasse attendre et n'avait jamais eu tendance à se montrer tolérante dans les situations où elle n'était pas la priorité absolue. Quelque chose avait manifestement changé chez elle.

« Mais maman semble être à la maison. Voulez-vous aller lui présenter vos respects ? »

Si Arthur avait eu la moindre idée de ce qui s'était passé hier, il n'aurait certainement pas fait une telle proposition et aurait plutôt attendu le retour d'Enoch ou de son père.

Mais il n'avait aucun moyen d'être au courant de l'incident car Enoch lui avait demandé d'aller retrouver Jin dès son retour.

« Oui... »

Il n'y avait pas d'excuses probables pour qu'Eugène refuse de rencontrer la mère de Jin.

Elle leva donc les yeux vers Kasser, comme pour lui demander de l'aide. En réponse à son appel silencieux, Kasser lui serra plus fort les mains et lui dit,

« J'aimerais aussi présenter mes respects à la maîtresse de maison avec elle. Il se trouve que je n'ai jamais eu l'occasion de me présenter correctement à la dame »

Arthur avait l'impression qu'ils avaient échangé des signaux entre eux. D'un air interrogateur, il répondit en les regardant alternativement « Comme il se doit. Je suis sûr que maman se pose des questions sur vous aussi »

Sur ce, Arthur les conduisit à la serre. Furtivement, il jeta un coup d'œil sur les deux en les guidant. Il fut surpris de voir Jin marcher si près du Roi du Désert, comme une enfant effrayée d'être séparée de sa mère.

D'un autre côté, il était également désolé pour sa sœur qui était toujours intimidée par la présence de sa propre mère. Même s'il avait du mal à s'approcher de Dana, Jin avait toujours voulu attirer son attention.

L'amour d'une mère. C'était probablement la seule chose qui manquait à Jin dans sa vie parfaite.

Ce fut le majordome qui entra le premier lorsqu'ils se rassemblèrent tous devant la serre. Au bout d'un moment, le majordome réapparut de l'intérieur et s'inclina devant eux.

« La dame dit que vous pouvez tous entrer » Une pensée vint à Arthur qui hocha la tête.

« Je suis heureux que le roi du désert soit parmi nous. »

Il avait espéré que sa mère essaierait au moins d'être gentille avec sa fille en présence de son gendre.

Ils entrèrent tous les trois dans la serre, dont l'entrée était remplie de hautes plantes en pots, laissant juste assez d'espace pour que les gens puissent passer. Comme le chemin était étroit pour qu'ils puissent marcher tous les trois côte à côte, Arthur ouvrit la marche tandis que les deux autres suivaient.

Lorsqu'Arthur s'écarta après avoir pénétré dans la pièce, une femme d'âge moyen à la silhouette élancée apparut, debout devant une table. Eugène vit alors le profil de la femme, qui arrangeait des fleurs dans un vase.

Ah...

Le profil de la femme était terriblement familier à Eugène. Très vite, elle fut frappée par le fait que cette femme était le portrait craché de Jin. La réalité de la rencontre avec la famille de Jin lui apparut plus clairement que lors de sa première rencontre avec Arthur.

De plus, elle éprouvait un sentiment étrange qu'elle n'arrivait pas à mettre en évidence.

Le souvenir de Jin s'était alors superposé au visage de la dame. Dans ce souvenir, Jin fixait le visage de sa mère sans dire un mot. Son regard persistant trahissait en quelque sorte son désespoir, tandis que la dame n'avait pas retourné un seul regard à Jin.

« Mère »

Dana n'avait levé la tête qu'à l'appel d'Arthur. Après avoir levé les yeux vers le visage de son fils, elle déplaça langoureusement son regard autour d'elle avec beaucoup de réticence.

« Wow... »

Eugène était étonné par l'élégance de la dame qui tourna la tête vers elle. Une attitude aussi raffinée semblait avoir été ancrée dans le caractère de la dame. Elle s'émerveilla devant Dana lorsqu'elle croisa son regard. Il était clair qu'il n'y avait aucun doute sur le fait qu'elle était la mère de Jin. Bien qu'un enfant soit connu pour ressembler à ses deux parents, aucune mère et aucune fille ne semblaient plus identiques que Jin et sa mère.

Les yeux de Dana s'écarquillèrent lorsqu'elle posa son regard sur Eugène. Son regard nonchalant s'affaiblit agressivement tandis qu'elle secoua la tête en signe d'incrédulité.

« Tu... »

Tome 1 – Chapitre 247 – Jin est ma fille Eugène baissa les yeux sur le sol en tressaillant. Elle se dit qu'il était peut-être impoli de sa part de fixer la dame trop longtemps. De plus, elle se rappela qu'elle devait être très prudente, car les mères était généralement les premières à remarquer les changements chez leur fille.

Mais bien sûr, il y avait aussi des exceptions.

Eugène murmura amèrement en pensant à sa propre mère. Les couleurs semblaient avoir disparu du visage de Dana et ses lèvres tremblaient tandis qu'elle regardait fixement le visage d'Eugène. Puis elle prononça une phrase désespérée, comme si elle venait de trouver un rayon d'espoir dans le désespoir.

« Jin... Viens. Regarde-moi » Impatiente, Dana cria quand Eugène montra de l'hésitation

« Regarde-moi, mon enfant ! »

Son cri était suffisamment aigu pour faire sursauter tout le monde dans la serre. Arthur se rendit rapidement auprès de sa mère qui semblait angoissée.

Alors que Dana s'agitait dans tous les sens, les vases de fleurs se renversèrent après avoir été frappés par son bras. Le vase avait ensuite roulé et heurté d'autres vases sur la table, tandis que d'autres étaient tombés sur le sol dans un grand fracas.

Malgré tout le désordre qui régnait autour d'elle, les yeux de Dana étaient fixés sur Eugène. Son corps titubait lorsque sa jambe trébucha sur la table alors qu'elle se précipitait vers Eugène en toute hâte.

« Mère ! »

Arthur aida rapidement sa mère à se relever. Cependant, Dana luttait pour se libérer de l'emprise de son fils, comme s'il était une nuisance alors qu'il avait seulement essayé d'aider. Son corps ne semblait pas être en phase avec son esprit impatient. La faiblesse soudaine de ses jambes la faisait trébucher et elle avait du mal à rester debout. Arthur s'empressa de soutenir Dana qui semblait sur le point de s'évanouir.

« Maman, tu vas bien ? Qu'est-ce qui t'arrive ? »

Fixant Eugène, qui lui rendit son regard avec un air effaré, Dana tendit la main « Ah, Jin.

C'est bien toi. Ma fille »

Dana n'avait jamais oublié l'aura qui émanait du corps de sa fille. Trois ans, cela pouvait paraître court, mais c’était plus qu'il n'en fallait pour que Dana se souvienne de tout ce

qui concernait sa précieuse fille, car pendant ces trois années, elle ne l'avait pratiquement jamais lâcher des bras.

Après avoir élevé deux garçons de forte carrure, Dana avait perdu son cœur pour sa fille dès qu'elle avait tenu le corps doux qui s'était glissé dans ses bras. Dana pouvait presque sentir sa faim se rassasier rien qu'en regardant sa fille et elle prenait des précautions supplémentaires chaque fois qu'elle tenait son bébé. Elle avait l'impression que son corps tendre allait fondre dans ses bras. De temps en temps, elle versait des larmes pour sa mère qui était décédée sans avoir eu à tenir son adorable petite-fille dans ses bras. Dana savait que sa mère aurait senti l'aura aveuglante qui entourait sa petite-fille si seulement elle était encore en vie.

Mais tout avait changé le jour où Dana confia sa fille à une nounou. C'était la première fois que le bébé n'était pas sous sa garde, car Dana était enrhumée. Elle était loin de se douter que ce serait le dernier jour où elle verrait sa précieuse fille - le bébé qu'on lui avait rendu après trois jours de disparition n'était pas sa vraie fille.

« Jin. Mon bébé. Viens, viens voir maman » Les larmes commencèrent à couler des yeux de Dana. Tout lui semblait si surréaliste qu'elle avait l'impression de rêver. Craignant que tout cela ne soit que son imagination, Dana tendit désespérément les mains vers Eugène, son corps faible soutenu par son fils sous peine de s'effondrer à genoux.

Eugène ne put s'empêcher d'être abasourdie par la réaction hystérique de Dana. La dame était vraiment dramatique, même pour une mère qui voyait sa fille pour la première fois depuis trois ans. C'était un changement d'attitude si radical pour quelqu'un qui arrangeait des fleurs avec tant de dignité il y avait encore quelques instants.

Mais elle ne pouvait pas ignorer le regard désespéré qui était dirigé vers elle. Elle sentait qu'elle devait aider la mère de Jin à se ressaisir. Hésitant, Eugène s'approcha d'elle et lui prit la main.

« Jin ! Ma fille » Dana pressa fortement sa main contre celle d'Eugène, comme si elle ne la lâcherait plus jamais. « Viens vers moi. Laisse-moi te prendre dans mes bras. Appelle-moi maman, veux-tu ? »

C'était si piteux de voir une si belle dame sangloter en prononçant ces mots. Au début, Eugène avait l'intention de faire une faveur à cette dame qui semblait si désespérée.

D'ailleurs, les faveurs n'étaient pas si difficiles à obtenir après tout. Cependant, elle finit par fermer sa bouche, bien que le mot 'mère' soit resté sur le bout de sa langue.

La fille de la dame n'était pas elle, pensa Eugène avec remords. La vraie Jin avait disparu, et elle n'était qu'une imposteuse

Un fort sentiment de culpabilité pesait sur son esprit. Eugène avait l'impression qu'elle commettrait un crime irréversible en appelant la dame 'mère'. Elle ne pouvait pas se résoudre à tromper Dana. Se sentant brûlante derrière les yeux, elle chassa rapidement les larmes en détournant les yeux.

Cependant, sa main était toujours fermement accrochée à celle de Dana, qui tremblait.

Comme sa sœur semblait hésiter à secouer la main de sa mère, Arthur s'interposa et secoua sa mère par le bras. Une fois que l'étreinte autour de sa main se relâcha, Eugène retira rapidement sa main et fit un pas en arrière. Elle enfouit alors son visage en s'appuyant sur Kasser qui lui étreint les épaules.

« Jin ! » cria Dana avec un regard désespéré en tendant la main. Elle sentait littéralement son cœur se déchirer en morceaux après avoir été évitée par sa propre fille qu'elle avait enfin retrouvée.

« Mère ! » cria Arthur en tenant sa mère qui lui échappait. Dana perdit connaissance après avoir entendu la voix de son fils s'évanouir dans son esprit.

Dana ouvrit les yeux en sursaut lorsqu'elle sentit la chaleur d'un linge humide lui effleurer le front. Surpris par son réveil soudain, Patrick recula sa main.

Elle fixa son regard sur le visage de Patrick. Mais elle fut bientôt submergée par l'émotion lorsqu'elle vit le visage inquiet de son mari qui s'occupait d'elle.

« J'ai fait un rêve, mon chéri »

Dana se mit à pleurer en parlant. Lorsqu'elle ferma les yeux, des larmes chaudes coulèrent le long de la queue de ses yeux fermés, mouillant ses tempes.

« Quel rêve ? »

« Jin... J'ai vu notre fille »

Regardant le visage en larmes de Dana, Patrick lui demanda avec une expression ambiguë.

« Dana, si tu ne confonds pas rêve et réalité... Es-tu en train de dire que tu as rêvé de Jin après l'avoir rencontrée il n'y a pas longtemps ? »

Dana cessa de sangloter en ouvrant les yeux. Elle regarda Patrick avec des yeux beaucoup plus clairs qu'auparavant. Patrick dut s'accrocher à Dana qui essayait de se lever du lit tout d'un coup.

« Ralentissez. Doucement »

Dana continua à tirer sur sa chemise alors qu'elle se redressait lentement avec l'aide de son mari. « Jin, il faut que je la voie tout de suite. Où est-elle ? »

« Calme-toi, ma chérie »

« Où est-elle ? Jin. Ma fille. Je dois voir ma fille. Appelez-la tout de suite, maintenant ! »

« D'accord. Mais tu dois d'abord te calmer. Ne pensez-vous pas que Jin sera surprise de vous voir dans un tel état ? »

« Ah » Sa poigne serrée autour du bras de son mari retomba impuissante lorsque l'expression perplexe de Jin lui traversa l'esprit. Dana ressentit une profonde douleur dans son cœur lorsqu'elle se souvint de la façon dont Jin avait tenu sa main avec réticence et s'était finalement éloigné, détournant son regard d'elle.

Elle essaya de réprimer cette vague d'émotions avec beaucoup d'efforts.

Il a raison. Je crois que j'ai été impétueuse. Elle se rendit compte que sa réponse précédente avait pu paraître frénétique aux yeux des gens.

« Depuis combien de temps suis-je comme ça ? »

« Depuis deux heures peut-être »

« Est-ce que Jin... est déjà partie ? »

« Bien sûr que non. Elle attend sans rien faire. Elle ne te quitterait pas après t'avoir vu t'évanouir sous ses yeux. Si elle était si insensible, elle ne serait pas notre fille en premier lieu »

« Ne dis pas de telles choses ! » Dana rétorque sèchement « Jin est sans aucun doute notre fille »

Patrick afficha un air penaud après avoir été critiqué par Dana. Il voulait seulement la faire marcher. Déconcerté, il était curieux de savoir ce qui avait bien pu arriver à sa femme qui, jusqu'à aujourd'hui, avait traité sa propre fille comme si elle était invisible.

Patrick se surprenait à soupirer lorsqu'il pensait à sa fille qui avait un caractère plutôt pervers. Mais d'un autre côté, il avait aussi de la peine pour elle. Il se disait que les parents devraient être d'autant plus soutenus que le problème de l'enfant était important. Ainsi, il se sentait frustré par la façon dont sa femme traitait Jin avec une indifférence excessive.

Mais un soir, il vit sa femme se tenir seule dans le hall vide, le regard fixé sur la porte de la chambre de Jin, qui était fermée dans l'obscurité. Il s'abstint de l'appeler, car il ne l'avait jamais vue aussi désemparée.

En outre, il aperçut Dana qui regardait sa fille par derrière. Elle avait l'air si triste et si angoissée qu'elle était au bord des larmes.

Même s'il ne comprenait pas la raison de sa douleur, il savait qu'elle n'avait pas vraiment le choix de ses émotions. Comme il ne voulait pas la tourmenter davantage en ajoutant à son agonie, il décida de ne pas lui reprocher la façon dont elle traitait sa fille.

Au lieu de cela, il essaya de donner à sa fille sa part d'amour et celle de sa femme.

Il y avait en effet beaucoup de questions qu'il voulait poser à sa femme concernant son changement soudain d'attitude. De toute évidence, ce n'était pas parce qu'elle s'était soudainement attachée à Jin après l'avoir retrouvée pour la première fois en trois ans.

Cependant, il savait qu'elle ne lui accorderait pas de temps pour ce genre de questions maintenant. Jamais dans ses rêves les plus fous il n'aurait imaginé qu'un jour viendrait où sa femme demanderait à voir sa fille dès qu'elle reprendrait ses esprits.

« Je vais chercher Jin »

« Attendez » Dana empêcha Patrick de se lever et fit signe à la femme de chambre «

Apportez-moi un miroir »

Dana lissa sa robe et se coiffa tout en regardant son reflet dans le miroir à main apporté par la servante. Patrick ne put s'empêcher d'éclater de rire en voyant sa femme s'affairer pour être plus présentable avant de rencontrer sa propre fille. Bien qu'il soit excité de voir le mur épais qui se dressait entre sa femme et sa fille s'effriter enfin, cela suscitait aussi de la jalousie en lui.

« Chérie. A quand remonte la dernière fois que tu t'es pomponnée devant un miroir pour moi ? » lui demanda Patrick avec une pointe d'espièglerie dans la voix. Dana arrondit les yeux tandis que la femme de chambre baisse la tête comme pour étouffer son rire.

« Comme vous l'ordonnez, madame » Patrick se retourna, toujours avec un sourire sur le visage. Dana ne put s'empêcher de sourire au dos de son mari qui se retirait. Sentant une boule dans sa gorge, elle savait qu'elle aurait perdu la tête si elle n'avait pas eu les épaules de son mari sur lesquelles s'appuyer.

Après le départ de Patrick, Dana prit quelques profondes inspirations pour calmer son cœur qui battait la chamade. Elle n'avait jamais été aussi nerveuse, même le jour où elle avait réussi à s'imposer comme chef de la famille Arse.

Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ?

Personne ne l'avait crue lorsqu'elle avait accusé la Jin qui lui était revenu dans les bras d'être une imposteuse. Et maintenant... sa fille fut échangée à nouveau pendant les trois années où elle ne l'avait pas vue. Dana ne pouvait pas se tromper en pensant qu'elle avait hérité de cette capacité de sa lignée.

Un incident quelconque avait dû déclencher le changement. Cependant, Dana n'avait jamais entendu parler d'un incident particulier impliquant sa fille au cours des trois dernières années.

Le faible bruit de l'ouverture de la porte résonna presque comme un coup de tonnerre aux oreilles de Dana. Retenant son souffle, Dana regarda son mari et sa fille entrer dans la chambre. Malgré ses efforts pour garder son calme, une vague d'émotions l'envahit dès qu'elle vit sa fille entrer.

Ps de Ciriolla: donc en se fiant a la mere de Jin, ce n'est pas vraiment sa fille qui lui fut rendu apres son enlèvement petite, mais Eugene serai sa vraie fille, donc elle n'aurait pris le corps de Jin, elle n'aurait finalement que réintégrer son propre corps qui lui avait ete volé.... Que c'est-il passé lors de cet enlevement... allez... encore des mystères...

Tome 1 – Chapitre 248 – Tu es revenue à moi

« Je devrais me ressaisir » Dana essuya rapidement ses larmes avant que ses yeux ne deviennent encore plus larmoyants. Elle se disait qu'elle ne devait pas effrayer l'enfant en faisant une autre scène comme elle l'avait fait plus tôt.

Mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir accablée de voir sa fille enveloppée d'une aura aussi resplendissante. Bien que les Anikas étaient connus pour posséder une aura unique qui les distinguaient des gens ordinaires, Dana savait que sa fille avait quelque chose de spécial par rapport aux autres Anikas.

La même aura que celle de la famille de sa mère, que sa mère et elle possédaient toutes les deux, coulait clairement dans les veines de sa fille. Malgré tout, Dana était capable de reconnaître son enfant grâce à son instinct maternel.

Eugène poussa un soupir de soulagement en vérifiant le teint de Dana, qui était assise sur le lit avec un visage apparemment calme.

Je suis contente qu'elle aille bien. Eugène était morte d'inquiétude depuis que la dame s'était évanouie devant elle. Son esprit était en désordre pendant qu'elle attendait que la dame reprenne conscience. Personne ne lui reprochait quoi que ce soit, mais Eugène ne pouvait s'empêcher d'éprouver des remords pour tout ce qui s'était passé lors de leur rencontre.

Je ferais mieux de partir après lui avoir présenté mes salutations. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir rester un instant dans la maison. Elle souffrait d'autant plus que Dana la regardait avec une grande affection dans le regard. Eugène se dit qu'elle devrait éviter de croiser la famille de Jin jusqu'au jour de son retour au royaume. Elle admit que c'était une erreur stupide de sa part de considérer la famille de Jin et Sang-je de la même façon.

Elle n'était pas assez effrontée pour prétendre être la fille de quelqu'un d’autre

« Néanmoins, .... C'est vraiment une belle dame »

Sa jeunesse autrefois épanouie avait peut-être disparu de son visage, mais il y avait quelque chose d'unique chez cette femme qui lui donnait un air significatif. L'attention des gens sera probablement plus concentrée sur la mère si la mère et la fille se tenaientt côte à côte.

Comme le disaient les gens, le chemin que l'on avait pris jusqu'à présent dans la vie se voyait forcément sur l'apparence quand on vieillissait. C'était dans cet esprit qu'Eugène

se dit qu'elle aimerait bien vieillir comme la dame qui se trouvait devant elle. Un air d'élégance froide émanait de l'apparence extérieure de la dame et elle ne paraissait pas petite malgré sa minceur.

« Jin » Dana tendit la main à Eugène avec un sourire tendre « Viens t'asseoir plus près »

[C'est moi Jin.]

Instantanément, un des souvenirs de Jin revint à l'esprit d'Eugène. La mère de Jin semblait beaucoup plus jeune dans le souvenir où Jin la fixait. Et comme dans l'autre souvenir qu'elle avait vu plus tôt, la dame n'avait pas jeté un seul regard à Jin, pas même une seule fois.

[Je suis Jin, pourquoi dites-vous que je ne le suis pas !]

[....]

[Mère...]

[Comment oses-tu !] La mère de Jin s'était retournée vers elle [Comment oses-tu m'appeler mère ?] Le regard de la dame sur Jin était si froid qu'il en faisait frémir plus d'un.

« Hein ? » Eugène était confuse face au souvenir qu'elle venait de voir. Y a-t-il des secrets sur la naissance de Jin ?

Mais la mère et la fille se ressemblaient comme deux gouttes d'eau Pendant que l'esprit d'Eugène était occupé par ce souvenir, les jambes d'Eugène bougèrent d'elles-mêmes lorsque Dana lui fit signe de s'approcher. Lorsque Dana lui dit de s'asseoir, Eugène, qui se tenait près du lit, lui obéit et s'assit sur une chaise placée à côté du lit.

Après avoir contemplé de ses yeux l'image complète de sa fille, Dana demanda une faveur à Patrick. « Mon cher. Pourriez-vous nous accorder un moment ? »

« Je promets de garder le silence pendant que vous discutez »

« S'il vous plaît. Il y a quelque chose que je dois dire à Jin seule »

« Mais s'il t'arrive encore quelque chose ? »

« Je me débrouillerai très bien. Tu n'as pas à t'inquiéter »

« Jin »

Eugène répondit en sursaut à l'appel de Patrick. « Oui ? »

« Si ta mère se pâme à nouveau, ne t'énerve pas et appelle immédiatement à l'aide. Je dirai à quelqu'un de monter la garde près de la porte »

« Oui... père »

Eugène réussit à peine à s'adresser à lui en conséquence après avoir sorti la voix de sa gorge. Patrick ne perçut aucune bizarrerie et considéra que sa fille était simplement nerveuse, comme elle l'avait toujours été en présence de sa mère.

Cependant, si la conversation s'était prolongée, il aurait certainement senti qu'il y avait quelque chose de bizarre chez sa fille. Il n'avait tout simplement pas la possibilité de profiter de la joie de retrouver sa fille, car il était trop préoccupé par la fragilité de sa femme après son effondrement.

« Arrêtez de faire des histoires et laissez-nous » Dana fit sortir tout le monde de la chambre, y compris son mari et tous les serviteurs. Finalement, seules la mère et la fille restèrent dans la chambre.

Elles restèrent toutes deux assises dans un silence gênant pendant un moment. Mais bien sûr, ce n'était qu'Eugène qui se sentait mal à l'aise après tout. Alors que Dana la regardait avec un air si joyeux, Eugène baissa son regard vers le sol, sentant que tout son corps était brûlé par le regard de Dana.

« Jin, mon enfant. Nous ne nous sommes pas vus depuis si longtemps, n'est-ce pas ? »

« Oui... » Eugène sentit des sueurs froides lui couler dans le dos. Elle ne s'attendait pas à une telle situation lorsqu'elle était entrée dans la chambre, Patrick lui ayant seulement demandé de venir pour donner un bref aperçu à Dana. Elle se sentait en crise car ce n'était qu'une question de temps avant que ses mensonges ne soient révélés.

Toutes les leçons qu'elle avait reçues de Charlotte au cours de son voyage dans la ville sainte avaient été effacées de son esprit. Elle avait littéralement oublié comment Jin aurait parlé ou quelle expression elle aurait adoptée dans ce genre de situation.

« Cela me rappelle le passé. Ce que je vais vous raconter est peut-être une longue histoire, mais voulez-vous entendre ce que j'ai à dire ? »

« Oui »

Après avoir fermé les yeux un instant, Dana les rouvrit et fixa le vide. Puis son regard retomba sur Jin. Dana avait le cœur brisé de voir sa fille se sentir si mal à l'aise en sa présence.

« Cela fait déjà vingt ans. Et tout cela s'est passé alors que tu n'avais que trois ans » Dana raconta la tragédie de ce jour-là avec une voix sereine, comment elle avait pleuré à chaudes larmes pendant trois jours et trois nuits après l'enlèvement de sa petite fille.

En écoutant Dana parler des événements survenus vingt ans auparavant, Eugène se remémora sa vie d'il y a vingt ans.

Je ne savais pas que Jin avait vécu des moments aussi difficiles. Tout comme moi.

Si l'on partait du principe que les unités de temps étaient les mêmes dans les deux univers, il semblait que la vie de Jin et d'Eugène avait été en danger lorsqu'elles avaient respectivement trois et neuf ans. Cependant, les incidents qu'elles avaient vécues n'avaient jamais été les mêmes, car Eugène avait été impliqué dans un accident plutôt que dans un enlèvement.

La pièce unique du quartier pauvre à flanc de colline où Eugène avait vécu avec sa famille à l'âge de neuf ans était si vieille et délabrée que des fissures étaient visibles sur tous les murs et le sol de la maison, car elle n'avait jamais été correctement réparée.

L'empoisonnement au monoxyde de carbone était assez courant dans un tel quartier et se produisait de temps à autre.

Au cours de l'hiver de cette année-là, la famille d'Eugène avait également été victime de l'accident. Le gaz issu de la combustion des briquettes de charbon s'étant échappé par la fissure de la pierre du sol de la maison, toute la famille avait été emmenée à l'hôpital car elle avait perdu connaissance pendant son sommeil. Eugène avait failli mourir de l'accident et se trouvait dans un état critique. Elle tomba dans le coma pendant trois jours.

« Ma petite fille n'a été retrouvée qu'au bout de trois jours. Mais j'ai tout de suite su que ce n'était pas ma fille quand je l'ai serrée dans mes bras »

Jusque-là, Eugène écoutait comme si un adulte lui racontait de vieilles histoires. Mais elle leva immédiatement les yeux du sol, choquée par le commentaire de Dana.

[Comment oses-tu m'appeler mère ?]

La dame devant elle ne ressemblait pas du tout à la dame aux yeux froids et brillants qu'elle avait vue dans les souvenirs de Jin. Bientôt, Eugène eut un sentiment d'inquiétude en voyant Dana la regarder avec beaucoup d'affection dans les yeux.

« Il y a quelque chose de spécial dans le sang qui coule du côté de ma mère » Dana expliqua qu'elle était douée du pouvoir de discerner les auras uniques de chaque personne.

« J'ai donc clairement senti qu'il y avait quelqu'un d'autre dans le corps de mon bébé.

Mais je n'ai jamais su comment l'éloigner ni comment ramener ma fille. Je n'ai rien pu faire d'autre que de regarder cette chose prétendre être ma fille pendant vingt ans... »

Dana finit par s'étouffer en prononçant ses mots, car elle était trop agitée par ses émotions. Eugène, quant à elle, fut confuse en voyant Dana reprendre son souffle.

Aucune des paroles de la dame n'avait de sens pour elle. Qui était la fille de la dame et qui ne l'était pas ?

« Jin, ma douce »

Il y avait maintenant des larmes dans les yeux de Dana et Eugène tressaillit lorsqu'elle lui prit la main. Étrangement, Eugène ressentit une douleur au cœur en regardant le visage en larmes de Dana.

« Je t'ai reconnue dès que je t'ai vue. Je ne peux pas croire que tu sois ici. Tu es enfin revenue à moi »

Tome 1 – Chapitre 249 – Le prince et le pauvre

Les larmes qui s'accumulaient dans les yeux de Dana finirent par couler sur son visage, laissant des traces humides le long de ses joues. En voyant la dame pleurer, Eugène ne pouvait s'empêcher d'être stupéfait, car la beauté de la dame semblait incapable de s'altérer. C'était comme si elle assistait à la performance exceptionnelle d'une actrice remarquable, tant l'histoire lui paraissait farfelue.

Mais l'expression de Dana avait tout l'air d'être authentique, car elle semblait vraiment déborder de joie. C'était sans aucun doute le visage ravi d'un parent qui se rend compte que son enfant, que l'on a longtemps cru mort, était en fait vivant. D'ailleurs, l'histoire était tout à fait logique, même si elle dépassait l'imagination d'Eugène.

Eugène connaissait des contes tels que « Le Prince et le Pauvre » où un imposteur se faisait passer pour le personnage principal et lui volait la place qui lui revenait. Ce qui rendait ces contes intéressants, c'était la partie où l'imposteur s'efforçait d'échapper aux soupçons, ainsi que le sentiment de culpabilité qui s'ensuivait à la fin.

Tous ces contes avaient des similitudes dans la façon dont leur histoire se terminait, car l'imposteur ne parvenait jamais à remplacer le personnage principal, malgré tous ses efforts. De plus, l'histoire se terminera de manière tragique si l'imposteur finissait par être trop ambitieux, alors qu'elle se terminera par le retour de chacun à sa place légitime si l'imposteur réfléchissait à son comportement et apprend sa leçon.

Mais quelles sont les chances que le personnage principal se révèle être un imposteur ?

Eugène n'arrivait pas à croire qu'un miracle aussi incroyable puisse lui arriver. Ses soupçons grandissent à mesure que l'histoire de Dana semblait trop belle pour être vraie. C'était presque comme un scénario bien écrit.

D'innombrables pensées lui traversèrent l'esprit en cet instant fugace. La dame avait-elle découvert qu'elle n'était pas Jin après tout ? Quand l'avait-elle découvert et qui d'autre le savait ? Et si tout cela était un complot de Sang-je ? Est-il possible qu'il essayait seulement de voir comment elle réagirait en utilisant la mère de Jin comme appât ?

Eugène regarda Dana, le visage figé par la tension.

Agit naturellement et sourit. Essaie de ne pas éveiller les soupçons.

Mais elle avait beau se mettre en garde, les muscles de son visage ne lui obéissaient pas.

C'était comme s'ils avaient été durcis par du plâtre. Alors qu'elle se disait qu'elle devait

garder son sang-froid pour bien comprendre la situation, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir influencée par la simple possibilité.

C'était vraiment incroyable, mais pourtant elle voulait y croire. Ce serait magnifique si tout ce qu'elle croyait appartenir à Jin lui revenait de droit.

Eugène se ressaisit de ces pensées et s'arma de nouveau de courage. Elle savait bien, grâce à ses nombreuses expériences, que de grandes attentes peuvent mener à de grandes déceptions. Pour Eugène, la vie était supportable si l'on ne souhaitait qu'une chose : vivre au jour le jour sans rien anticiper dans l'avenir.

Cette conviction n'avait pas changé, même après s'être réveillée du jour au lendemain dans un autre monde. Eugène passait ses journées avec la seule résolution de vivre un jour de plus. Pas une seule fois dans sa vie, elle n'avait senti disparaître de son cœur le lourd fardeau que l'on pourrait définir comme un sentiment de culpabilité ou de malaise.

« Y a-t-il quelque chose dont vous vous souvenez ? »

Eugène secoua la tête d'un côté à l'autre pour trouver une réponse, sans dire un mot car elle avait peur que sa voix ne soit rauque. Elle déplaça son regard vers la main de Dana qui se tenait fermement autour de la sienne. La main de la dame était si claire et délicate que les veines étaient visibles, tandis que sa paume était douce au toucher. La propriétaire d'une main aussi fragile, qui ne montrait aucun signe de rugosité due à un travail acharné, prétendait être sa mère.

« Eh bien, tu n'avais que trois ans... Il est donc évident que tu ne te souviens de rien »

Quand j'avais trois ans...

Peu de gens se souviennent de leur enfance, à moins d'être dotés d'une mémoire photographique. Mais c'était pire pour Eugène, car elle n'avait aucun souvenir de son enfance.

Dans sa vie antérieure, elle avait neuf ans lorsque l'accident lui arriva. Après avoir failli mourir d'un empoisonnement au monoxyde de carbone, elle s’était étonnamment réveillée sans se souvenir de quoi que ce soit de ses neuf dernières années de vie. Même le souvenir de ce qui s'était passé dans les six mois qui suivirent l'accident lui restait vague, comme s'il s'agissait d'une mare d'eau trouble.

Les frères d'Eugène s’étaient beaucoup moqués d'elle à propos de l'accident.

[Cette gamine. Tu te souviens que nous pensions tous qu'elle était devenue attardée après avoir été empoisonnée par le gaz ?]

[Bien sûr, je m'en souviens. Elle bafouillait comme une idiote et avait même oublié de lire.]

[Elle se comporte peut-être aujourd'hui comme une je-sais-tout prétentieuse, mais on ne peut pas nier qu'elle n'a appris à lire qu'à l'âge de neuf ans.]

Les frères d'Eugène ricanaient en plaisantant sur son passé douloureux. Elle avait l'habitude de pleurer chaque fois qu'ils faisaient cela, mais après avoir réalisé que cela ne faisait que les encourager, elle apprit à ne pas y répondre du tout.

Mais d'après ce que ses frères avaient dit, il semblait qu'Eugène était devenue idiote lorsqu'elle avait enfin repris conscience quelques jours après l'accident. Elle ne comprenait pas ce que les gens lui disaient, car elle bredouillait des mots incompréhensibles. Elle perdit également sa capacité à lire. Pire encore, elle ne reconnaissait même pas sa propre famille.

Il semblait évident qu'Eugène avait subi de graves séquelles à la suite de l'accident.

Cependant, ses parents n'avaient ni l'argent ni le temps d'investir dans la guérison de leur fille. Ce n'était pas sa famille qui sauva Eugène, mais un professeur de son école primaire.

Cette institutrice, à qui Eugène devait la vie, était une enseignante fraîchement nommée, à la fois jeune et enthousiaste. Elle avait une grande affection pour sa première classe d'élèves. Alors que l'absence d'Eugène se prolongeait, elle alla rendre visite à son élève chez elle et fut choquée à la fois par l'environnement dans lequel elle vivait et par l'indifférence totale de sa famille.

Depuis lors, l'institutrice vint tous les matins chercher Eugène pour l'école et la raccompagna à la fin des cours, jusqu'à ce que l'enfant soit capable de se débrouiller seule. Entre-temps, elle apprit également des mots à Eugène en partant de zéro.

Mais pour être honnête, Eugène ne se souvenait pas très bien du jour où l'institutrice était venue lui rendre visite pour la première fois. Son premier souvenir d'enfance remontait à un jour où elle était en classe.

Elle se souvenait de la fierté qu'elle avait ressentie en lisant lentement, un par un, les mots inscrits au tableau tout en les notant dans son cahier. Elle débordait littéralement de joie, comme si elle venait de faire une grande découverte. Chaque fois qu'elle se souvenait de ce jour, elle avait l'impression de pouvoir comprendre les sentiments des oiseaux qui voient le monde pour la première fois après avoir lutté pour sortir de l'œuf.

Son professeur répéta plusieurs fois à Eugène qu'elle n'était pas idiote et qu'elle était simplement en train de se rétablir. Bientôt, elle commença à faire des progrès visibles dans sa guérison, jour après jour. À la fin de l'année, elle récupéra complètement ses capacités de lecture et d'écriture, au point de ne plus avoir aucune difficulté à lire et à écrire.

Ce ne fut que plus tard, lorsqu'Eugène atteint l'âge adulte, qu'elle surprit la conversation de ses parents et découvrit que ces derniers avaient examiné toutes sortes d'aides financières accordées par le gouvernement aux personnes handicapées et qu'ils avaient été assez déçus de constater qu'Eugène se portait très bien.

Ce fut peut-être à ce moment-là qu'elle commença à prendre ses distances avec sa famille.

Alors qu'elle remontait le vague souvenir de son passé pour la première fois depuis longtemps, quelque chose que ses frères lui avaient dit un jour lui revint soudain à l'esprit.

Elle se souvint que ses frères lui avaient dit qu'elle était devenue une personne totalement différente depuis l'accident.

[Mais il y a quelque chose de différent chez elle depuis qu'elle a survécu à l'accident]

[Je le pense aussi. Elle avait l'habitude d'être si méchante et sournoise. Hé, vous voyez cette cicatrice sur mon front ? C'est toi qui l'as faite.]

« Tu as... grandi si joliment »

Eugène, qui était si profondément perdue dans ses propres pensées, leva les yeux en sursaut lorsqu'elle entendit la voix.

Dana avait le cœur brisé malgré sa joie d'avoir enfin retrouvé sa fille, car le fait qu'elle n'avait pas été là pour voir sa fille grandir et devenir une belle femme la bouleversait profondément. Les gens pourraient se demander ce qu'elle voulait dire par là après toutes ces années passées sous le même toit, mais Dana n'avait jamais vraiment vu sa fille dans la maison.

Elle ne pouvait s'empêcher de sentir ses entrailles se retourner chaque fois qu'elle voyait l'aura sombre et vile qui entourait le corps de sa fille, si bien qu'elle évitait de la regarder en fin de compte.

Mais lorsqu'elle rencontrait Jin par hasard, elle la trouvait détestable, arborant un regard pitoyable comme pour susciter sa compassion. Mais comme il s'agissait indéniablement de sa fille, Dana ne pouvait s'empêcher de sentir son cœur s'affaiblir de temps à autre.

Comme Dana n'avait nulle part où diriger son angoisse et son ressentiment, elle confia l'entreprise à son fils plus tôt qu'elle ne l'aurait dû, car elle sentait qu'elle avait besoin d'une pause.

« Y a-t-il quelque chose que tu veuilles me dire ? »

Dana savait qu'elle ne devait pas la presser, car la confusion se lisait clairement sur le visage de sa fille. Elle avait l'air d'avoir besoin d'un peu de temps pour réfléchir.

Cependant, Dana n'arrivait pas à lâcher la main qu'elle tenait maintenant. Il lui avait fallu tant d'années pour tenir cette main. Elle n'aurait jamais cru qu'elle tiendrait à nouveau la main de sa fille.

« Je suis vraiment désolée » Eugène réussit à peine à prononcer les mots.

« A propos de quoi ? »

« Je ne peux pas... me souvenir. Je n'ai aucun souvenir car il y a eu un accident »

« Un accident ? » demanda Dana, choquée « Tu as été blessée ? Tu vas bien ? »

Dana examina Eugène de haut en bas, l'air dévasté et inquiet. Eugène se retrouva muette lorsque Dana lui caressa tendrement le dos de la main. Pendant ce temps, dans son esprit, elle essayait de mettre son histoire au clair pour qu'elle soit cohérente avec ce qu'elle avait dit à Sang-je. Quelques-unes des petites phrases qu'elle avait réussi à inventer lui restaient en travers de la gorge.

« Je suis vraiment désolée » Eugène marmonnait comme si elle était un jouet cassé qui ne cessait de répéter les quelques lignes qu'elle pouvait dire.

« Il n'y a absolument rien dont tu doives t'excuser. Nous pouvons toujours nous créer de nouveaux souvenirs. Et je ne pourrais pas être plus reconnaissant du seul fait que tu sois assise ici, juste là où je peux te toucher »

La voix de Dana était on ne peut plus consolante, comme si elle réconfortait un enfant effrayé. Il n'y avait aucune prétention dans les yeux d'une mère aimante qui voue un amour inconditionnel à son enfant. Un tel spectacle contrastait nettement avec celui de Sang-je, qui se fichait éperdument de son accident et de ses souvenirs perdus, puisqu'il se contentait de lui demander avec insistance si elle avait réussi à récupérer sa Ramita.

Eugène jeta un long regard interrogateur à Dana. Bien qu'elle soit observée avec curiosité, Dana se contenta de sourire, l'air totalement épanoui.

A ce moment-là, Eugène fut convaincu que cette dame ne lui voulait aucun mal. La tension qui régnait dans son corps se dissipa alors avec un grand soulagement. Son esprit rigide se remit à fonctionner.

Eugène ferma les yeux pour atténuer le vertige tandis que les pensées se bousculaient en elle. Du trou qui émergeait dans le mur d'une impasse, à la vue du désert qui s'offrait à elle au réveil, en passant par l'horizon de son rêve lucide, ses pensées personnelles, ainsi que les fragments de souvenirs de Jin, avaient défilé dans son esprit presque à l'infini...

Tome 1 – Chapitre 250 – Maman est là

[Je pense que je m'adapte peut-être trop vite à ma vie dans ce monde. Est-ce normal ?]

[Ramita est-il un pouvoir de l'âme ou du corps ?]

[Bien sûr, c'est le pouvoir de l'âme]

[Fais de moi une vraie Jin Anika. S'il te plaît.]

[Votre Sainteté, je récupérerai ma Ramita à tout prix.]

[Comment osez-vous m'appeler mère.]

[J'ai clairement senti qu'il y avait quelqu'un d'autre dans le corps de ma fille]

Des morceaux épars furent assemblés, formant une image. Même s'il manquait des morceaux ici et là, c'était suffisant pour qu'Eugène eut une idée approximative de sa forme finale.

Eugène était abasourdi et choquée par la prise de conscience. Après tout, elle n'était pas l'imposteuse ! Au contraire, ce monde était celui auquel elle aurait dû appartenir en premier lieu.

« Jin, mon bébé »

Eugène sentit ses cils frémir involontairement. La voix était si chaleureuse qu'elle avait l'impression d'être enlacée. Bien qu'elle n'avait pas le moindre souvenir avant l'âge de neuf ans, il y avait cette voix qui était restée à jamais dans sa tête. Elle était si chaleureuse qu'elle en pleurait.

[Jin, mon bébé.]

Eugène avait toujours pensé que cette voix était celle de sa mère. Elle pensait que c'était sa mère qui lui avait chuchoté ces mots quand elle était toute petite, en la serrant contre sa poitrine et en la regardant de haut avec des yeux pleins d'amour maternel. Le simple fait de l'imaginer la rendait heureuse.

La seule croyance qu'elle avait été aimée par ses parents était la seule force qui lui permettait de continuer à vivre.

Elle pensait que sa mère était seulement épuisée par le poids de la vie et qu'elle l'appellerait à nouveau en disant 'Jin, mon bébé' si la vie s'améliorait pour elles. Et si ce jour arrivait, elle voulait se jeter dans les bras de sa mère comme lorsqu'elle était enfant.

C'était la raison pour laquelle Eugène était si réticente à abandonner sa famille. Elle ne pouvait pas les quitter, même si elle avait été déçue un nombre incalculable de fois.

Ah, ça explique tout…tout

Eugène ouvrit à nouveau les yeux. Instantanément, tout devint clair pour elle lorsqu'elle voyait Dana, qui la regardait avec tant de chaleur dans les yeux. Dana devait être à l'origine de la voix dont Eugène se souvenait encore aujourd'hui dans sa tête.

« Maman... » Elle réussit à peine à prononcer le mot, sa voix étant limitée par la boule dans sa gorge, tandis que son nez et ses yeux se piquaient de larmes.

« Maman... » Bientôt, les années de chagrin remontèrent en elle. Son cœur débordait à la fois de joie et de ressentiment. Il lui semblait soudain si injuste d'avoir passé toutes ses années d'enfance seule, alors qu'elle avait le plus besoin de l'amour de ses parents.

Eugène finit par éclater en sanglots, submergée par sa vague d'émotions. Sa vision étant brouillée par les larmes, elle les essuya rapidement du revers de la main car elle ne voulait pas manquer le moindre changement dans l'expression de Dana. Elle avait besoin d'une preuve pour clarifier qu'elle ne rêvait pas après tout.

« Oui, ma chérie » Avec ses deux mains, Dana resserra son emprise sur la main d'Eugène alors que des larmes coulaient sans cesse de ses yeux.

« Maman »

« Oui. Maman est là »

« J'étais si seule et si effrayée. Pourquoi n'es-tu pas venue me chercher ? »

Bien que ses mots étaient étouffés par ses sanglots, Dana savait exactement ce que sa fille voulait dire « Je suis vraiment désolée. Maman avait tort. Ma douce fille, tu as dû beaucoup souffrir. Viens. Laisse maman te serrer dans ses bras, veux-tu ? »

Eugène se leva et se jeta dans les bras largement ouverts de Dana. Il y avait quelque chose de nostalgique dans le parfum qui émanait de ce corps doux et chaud. C'était le parfum de sa mère.

Dana passa légèrement la main sur le dos d'Eugène, qui pleurait à chaudes larmes comme un bébé, et caressa doucement les cheveux de sa fille.

« Ma petite fille... Regarde comme tu as grandi. Maman est désolée. Maman est tellement désolée » dit Dana, la voix trouée par les larmes.

Après avoir embrassé la tête et le visage d'Eugène, elle la serra fort dans ses bras et vérifia que le visage de sa fille était à nouveau visible. Elles pleurèrent et rirent en même temps. La mère et la fille partagèrent leur chaleur en se serrant l'une contre l'autre.

**********************

Tout le manoir fut mis sens dessus dessous lorsque Dana tomba en pâmoison. Sur l'ordre d'Arthur, un messager fut immédiatement envoyé pour informer Patrick et Enoch. Le médecin de famille arriva peu après qu'Arthur eut allongé sa mère dans son lit.

Eugène et Kasser ne pouvaient rien faire dans une telle confusion. Comme il était hors de question de partir sans voir Dana réveillée, ils attendirent tranquillement sur un canapé du salon.

Patrick et Enoch ne tardèrent pas à rentrer. Patrick reçut à demi-mot les salutations de sa fille et de son gendre avant d'entrer en trombe dans la chambre. Enoch, lui aussi, était occupé à interroger Arthur sur les circonstances antérieures, au point de ne pas accorder beaucoup d'attention à sa sœur.

Une fois que l'agitation se fut apparemment calmée, Enoch salua sa sœur comme il se devait. Après quelques tentatives pour engager la conversation, il abandonna finalement, Eugène ne répondant que par des réponses brèves, comme une simple formalité. Enoch essaya d'être compréhensif envers sa sœur, car il considérait qu'elle se remettait encore du choc d'avoir vu sa mère s'effondrer sous ses yeux. Un silence gênant s'installa dans le salon où Eugène, Kasser, Enoch et Arthur étaient réunis sur le canapé.

Après deux heures d'attente, Patrick sortit de la porte et leur assura que Dana avait repris connaissance. Il dit à Eugène que Dana la cherchait et disparut derrière la porte avec Eugène cette fois. Mais lorsqu'il revint, il était seul.

« Où est-elle ? » Kasser rompit le silence pour la première fois après être resté assis sans un mot pendant toute l'attente.

« On dirait qu'elles ont besoin d'un peu d'intimité. Il doit s'agir d'une sorte de conversation secrète entre la mère et la fille, car on m'a demandé de partir moi aussi »

« Vous voulez dire... qu'elle est seule avec Lady Arse en ce moment ? »

« Mes gardes montent la garde près de la porte, je suis sûr qu'elles s'en sortiront »

Enoch ne pouvait s'empêcher de se sentir étrange en écoutant la conversation entre son père et le roi du désert. La façon dont le roi interrogeait son père ne donnait pas l'impression qu'il demandait seulement où se trouvait sa femme - il semblait anxieux à l'idée de laisser Jin seul avec Dana. Ce qui était étrange, car il n'était pas raisonnable pour lui de penser que cette maison, où Jin était née et avait grandi, n'était pas sûre pour elle.

Suis-je en train de surinterpréter la situation ?

Cependant, Enoch fut témoin de quelques scènes intéressantes pendant les deux heures où il était assis en face de sa sœur et de son mari.

Chaque fois que le Roi du Désert pressait la main de Jin pour prendre de ses nouvelles, Jin se tournait vers lui et lui adressait un léger sourire en retour. C'était un moment si

fugace que personne n'aurait pu le remarquer si l'on n'y avait pas prêté attention. Mais Enoch était certain d'avoir senti le lien spécial qui les unissait tous les deux.

Enoch fut très surpris, car il n'avait jamais pensé que leur mariage était basé sur l'amour. Il pensait plutôt qu'il y avait des raisons complexes derrière leur mariage.

Enon jeta un coup d'œil furtif au Roi du Désert pour mieux l'observer. Il en conclut que le Roi du Désert était effectivement un homme semblable à une pierre. Son visage n'avait aucune expression, comme celui de son frère Arthur, mais en pire.

Peut-être était-ce dû à sa supposition, mais il lui sembla que le Roi du Désert, malgré son apparence calme, s'agitait de plus en plus à mesure que les secondes s'écoulaient.

Et Enoch avait effectivement raison. Kasser était vraiment sur le bord de son siège, réprimant l'envie d'entrer en trombe pour voir si Eugène allait bien. Il ne pensait qu'à la façon dont elle l'avait imploré de l'aider si elle faisait une erreur et se demandait si elle avait besoin de lui maintenant.

Sa femme s'était montrée anxieuse sur le chemin du manoir d'Arse, bien qu'il s'agisse de l'endroit où elle avait grandi. Il n'était pas difficile de deviner qu'elle ne se sentait pas à l'aise dans cet endroit.

À bien y penser, il y avait quelque chose d'inhabituel dans la réaction de sa mère lorsqu'elle avait vu Eugène, avant qu'elle ne finisse par se pâmer devant eux. Il se demanda s'il n'y avait pas un secret de famille qu'il ne connaissait pas.

J'aurais dû emmener Kid avec nous.

Au bout d'une trentaine de minutes, Kasser rompit à nouveau le silence « On dirait que la conversation dure plus longtemps que prévu »

« Elles doivent avoir beaucoup de choses à rattraper après s'être rencontrés pour la première fois depuis longtemps » Patrick répondit d'un ton léger. La conversation se tarit à nouveau et le silence se prolongea. Ce ne fut qu'au bout d'un certain temps que Patrick se rendit compte de son erreur.

« J'ai commis un grand manque de courtoisie après avoir invité un hôte aussi important »

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Chapitre 201 à 250
Attention Contenue obsène
Attention, La série : "Living as the Villainess Queen (Novel) Chapitres 201 à 250" contient beaucoup de violence, de sang ou de contenu à caractère sexuel pouvant ne pas être approprié aux mineurs.
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