The Beginning After the End – Novel Volume 6

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THE BEGINNING AFTER THE END

LIVRE 6: TRANSCENDENCE

TURTLEME

SOMMAIRE

140 Prémonitions de guerre

141 Ultimatum

142 Ce que la guerre signifie pour chacun

143 De façon inattendue

144 Les chiffres derrière l'âge

145 Alliés inestimables

146 Depuis le balcon

147 Discours et déclaration

148 Rôle

149 Première mission

150 Un simple cuisinier

151 Rumination

152 Le matin après

153 La voie de la magie

154 Un soldat normal

155 Marées changeantes

156 Pourquoi je suis ici

157 La bataille d'une Lance

158 La hauteur du sommet

159 Couverture

160 En profondeur

161 Procédure de guérison

162 Pourquoi pleures-tu ?

163 Intermission

164 De Lance à Frère

165 Vieux visage

166 Centre d'attention

167 Signification

168 La confidence de

169 Vue du ciel

170 Une nuit naine

171 De vieilles racines

172 Dans la taverne

173 Dans la taverne II

174 Faire des affaires

175 L'étreinte de la Terre Mère

176 Apparu sur

177 La première Faux

178 L'aperçu grisonnant

179 Conduite stratégique

180 Vaisseau terrestre

181 Aperçu de l'Alacryen

182 Gadgets et magie

183 Évaluation des aînés

184 Mesurer la magie

185 Aspect de l'imprévisibilité

186 Professeur invité

187 La beauté dans la magie

188 L'esprit offensif

189 Les pas du dragon

190 Dans la chambre forte

191 L'état d'esprit solitaire

192 Percentile magique

193 Manger, boire et s'amuser

194 Sceau brisé

195 L'homme derrière le voile

140

PRÉMONITIONS DE GUERRE

“C'est bon, Nico dépêche-toi !” Je chuchota, regardant par-dessus mon épaule au cas où quelqu'un passait par là.Deux garçons adolescents recroquevillés devant une porte d'entrée ne peut être que synonyme d'ennuis. “Restes sur tes gardes, Grey. J'y suis presque.” mon compagnon au cheveux sombres siffla tout en se concentrant sur la poignée de porte.

Je regardais Nico, douteux, alors qu'il fouillait pour une autre épingle qu'il avait volé à une des filles plus âgées. “Tu es sûr de pouvoir l'ouvrir ?” “Crocheter des serrures,” dit-il, serrant les dents, “est bien plus dur que ce que ce gars dans l’allée nous a fait croire.”

Soudainement, la serrure cliqueta, et nos yeux se sont illuminés. “Tu l'as fait !” Je m’exclamai en un chuchotement bruyant.

“Inclines-toi face à mes pouvoirs !” Nico tenait un épingle à cheveux colorée haut dans les airs.

Je lui donna un coup dans l'épaule et posa mon doigt sur mes lèvres. Nico fourra ses épingles de sa poche zippée et acquiesça, puis nous avions marché sur la pointe des pieds, jusqu'à l'intérieur, passant discrètement par la porte en bois.

“Tu t'es bien assuré que les propriétaires serait parti pour la journée, hein ?” Je demandais encore une fois, scannant la maison méticuleusement meublée. “J'ai observé cet endroit la semaine dernière. Ce couple s'en va toutes les semaines à cette heure-ci, et ne reviennent pas avant au moins une heure. Nous avons bien assez de temps pour attraper quelques trucs et s'en aller.” Nico répondit, cherchant déjà des objets de valeur, que nous pourrions emporter dans notre sac.

Lâchant un long soupir, Je me convaincu que c'était nécessaire.

Voler quelqu'un—peu importe leur richesse—n'était pas facile pour moi, mais j'avais entendu la conversation entre la directrice de l'orphelinat et ces personnes du gouvernement. Je n'avais discerné que quelques commentaires, mais il semblait que notre orphelinat était en danger car nous n'avions pas assez d'argent.

“Ça devrait suffire.” Nico dit en acquiesçant, regardant le butin volé dans notre sac.

Regardant par-dessus son épaule, je demandais, “Et maintenant quoi ? Comment va-t-on obtenir de l'argent contre ça ? On ne peut pas trop juste offrir ces bijoux à Directrice Wilbeck.”

“Tu as encore du chemin devant toi,” il ricana. “J'ai trouvé un gars payant en cash pour tout ce qu’on lui donne d'intéressant.”

“Et ce 'gars' est OK pour marchander avec des gamins de 12 ans ?”

“Il ne pose pas de questions, je fais de même. C'est aussi simple que ça.” Nico haussa les épaules en sortant avec moi par la porte.

En prenant la route vers l'extrémité de la ville, on s'étaient mélangés à la foule de personnes marchant sur le trottoir fissuré. Gardant nos têtes basses et notre allure rapide, nous avions viré à gauche dans une allée. Serpentant à travers les tas de déchets et les boîtes empilées d'on ne sait quoi, nous nous étions arrêtés devant une porte rouge décolorée, protégé derrière une deuxième porte métallique.

“Nous y sommes.” Nico me dit, faisant un mouvement pour le sac. Je le fis tomber de mes épaules et le lui donna, mon toqua ensuite à la porte dans un rythme étrange.

Plaquant ses cheveux noirs en arrière et gonflant son torse, il toussa un petit peu, et plissa ses yeux pour apparaître plus intimidant—enfin, aussi intimidant que peut être un maigre enfant de douze ans.

Après quelques secondes, un vieil homme longiligne dans un costard usé ouvra la porte rouge. Il nous toisa de derrière la porte métallique d'un œil scrutateur.

“Ah, l'enfant plutôt persistent, je vois que tu as ramené un ami.” Il dit, ne faisant aucun mouvement pour ouvrir la porte.

Nico toussa encore et approfondi sa voix. “J'ai ramené des objets dans lesquels tu pourrait être intéressé.” La voix inhabituellement grave de mon ami ne sonnait pas faux, étonnamment. Il ouvrit le sac à cordon dans ses mains, pour laisser le maigre homme aux yeux plissés jeter un coup d’œil aux bijoux que l'on venait de voler.

Levant un sourcil, l'homme déverrouilla la serrure de la porte, l'entrouvrant avec un grincement perçant. Il scanna les environs, puis se pencha pour examiner le contenu du sac. “Pas mauvais comme collection. Peut-être l'avez- vous dérobé à votre mère ?”

“Aucune questions, tu te souviens ?” Nico rappela, serrant le cordon pour fermer le sac. “Maintenant, pouvons-nous rentrer et parler prix ?”

Le maigre homme regarda autour une fois de plus, de la suspicion dans les yeux, mais après un moment, il nous laissa rentrer. “Fermer la porte derrière vous.”

En entrant dans la délicate boutique, une épaisse couche de fumée nous accueillit. De l'autre côté de la pièce, deux hommes, chacun une cigarette entre les doigts, crachait des nuages de fumée. Tandis que le dense nuage gris couvrait la plupart de leurs visages, je pouvais au moins distinguer leurs formes. Un des hommes était costaud—les muscles clairement affichés sous son débardeur. Le deuxième homme. L'autre homme était bien plus rond, mais avec des membres fermes épais, montrant qu'il n'était pas moins faible que le premier.

“Venez, les gosses. Dépêchons-nous d'en finir.,” le maigre homme dit en se grattant ses joues non-rasées.

Nico et moi échangèrent un regard, puis il se dirigea vers le comptoir. Je resta plus loin, observant les différents livres et gadgets rangés sur les étagères. Mon regard tomba sur un fin livre en lambeaux. Des quelques mots que je pouvais distinguer du dos du livre, cela semblait être un vieux manuel d'instructions sur le ki. Le retirant délicatement de l'étagère, je vis que la moitié de la couverture de devant avait été arrachée.

Mon premier instant a été de le reposer ; après tout, l'orphelinat avait des livres en bien meilleur état sur le développement de base de l'usage du ki.

Au contraire, mes doigts semblait agir de leur plein gré, tout en tournant les pages. À l'intérieur était des photos et diagrammes d’une personne dans différentes poses avec des flèches et d'autres lignes autour de la figure. Je voulais le ramener avec moi, et étais à moitié tenté de demander le prix, mais je me retins. Ce livre était un luxe alors qu'on allait avoir besoin d'argent pour sauver notre maison.

J'ai continué d'essayer de déchiffrer les vagues instructions, mais j'ai rapidement perdu la motivation. Mes yeux ne faisant que retourner vers les deux hommes jouant aux cartes sur la table pliant, qui ne faisait que jeter des coups d’œil à Nico alors que lui et le tenant faisaient affaire.

Heureusement, Nico finalisa sa transaction peu après et s'approcha de moi, laissant apparaître un sourire bref avant de retourner à son visage stoïque. “Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ?” il demanda, examinant le livre dans ma main. “C'est rien.” je dis, remettant le livre fin et sans couverture sur l'éétagère.

“Tu peux le prendre si tu veux,” le maigre tenant du magasin me dit, appuyant son coude sur le comptoir. “Personne ne sait comment le lire et il accumule juste la poussière, ici.”

“Vraiment ?” je demandais, mes soupçons se montrant sur mon visage.

Il révéla une dentition anormalement blanche en queqlque chose se rapprochant d'un sourire en acquiesçant.

Sans un autre mot, je fourrais rapidement le livre dans le sac et lui murmura un remerciement, Nico et moi sortirent de la boutique, et mon ami dézippa sa veste et me montra la liasse de billets froissés.

“Tu vois, je t'avais dit que tout allait s'arranger.” il rayonnait.

“Je suppose.” je répondis, toujours sceptique de toute cette entreprise. Je mesentais mal pour le couple qu'on avait volé, mais je me confortais au fait qu'on ne leur avait pas pris tant de leurs bijoux que ça. Nico m'avait expliqué que, en ne prenant que quelques biens pourrait les rendre soupçonneux, ils seraient hésitants d'appeler les autorités pour le vol. Après tout, le couple était déjà retraités depuis un bon moment, donc les policiers jugeraient juste que le couple ai oublié ou juste égarés leurs biens.

Je souffla de soulagement alors qu'on commença à se diriger vers l'orphelinat. Plus on s'éloignait de la scène de crime, mieux je me sentais.

“Juste pourquoi je devais venir, Nico ?” je demanda, esquivant les personnes tout en continuant de descendre la rue. “J'ai l'impression que tu aies tout fait.” “Hey, tu as eu un livre gratuit grâce à ça, non ?” Nico me bouscula avec son épaule. “De toute manière, c'est plus fun—”

“On est suivis.” je chuchota, le coupant. Je garda mon regard droit devant. J'avais senti deux paires d'yeux pratiquement perçant un trou dans mon dos presque aussi tôt qu'on ait quitté le magasin, mais je n'avais pas voulu arriver à cette conclusion. Mais je jeta un coup d'œil à l'in des deux gars, et je le reconnus instantanément comme l'un des fumeurs de la boutique. Ils étaient toujours derrière nous après deux virages, et je n'avais plus aucun doute.

“Par là.” Nico ordonna d'un ton discret.

Alors qu'on atteignait les périphéries de la villes, on prit à droite dans une allée, sautant par-dessuns une poubelle pour arriver de l'autre côté de la barrière fermée.

J’atterrissais avec agilité sur mes deux pieds, et Nico griffait la barrière pour s'arrêter de perdre son équilibre pour finalement rouler de l'autre côté. On courut dans cette vieille allée, qui sentait une mixture de crottes de rat et d’œufs pourris, et était assombri par les grands bâtiments de nos deux côtés. Cachés derrière un particulièrement large tas de déchets, on a attendu.

Rapidement, on entendait deux paires de pas, grandissant plus forts, alors qu'ils s'approchaient. “Les p'tits rats nous facilitent la tâche.” une voix rauque ricana.

“Une tombe convenable pour eux.” vint la graveleuse réponse.

Nico sortit sa tête pour jeter un œil. “C'est les hommes du magasin.” I l jura en rentrant rapidement sa tête derrière la pile de déchets.

“Je sais.” Je scannais déjà pour quoi que ce soit pouvant me faire office d'arme. “Ils sont soit là pour ramener l'argent du patron du magasin, soit ils vont voler ça pour eux-mêmes. ” Nico serra un peu plus l'argent dans sa veste. Soudainement, une figure sombre bondit de l'autre côté de la pile de déchets derrière laquelle on se cachait, lançant une ombre géante sur nous.

“Surprise !” le voyou au torse proéminent exclama avec un sourire sinistre. “Cours !” Je cria à Nico, le poussant.

Il ne perdit pas une seconde sur une réplique et courut dans l'étroite allée . L'homme musclé balança son énorme main, et je fis un pas en arrière hors du danger. Une rafale d'air de la force de son coup chatouilla mon nez, alors que je frappa la planche cassée, que je venais de prendre à terre, sur ses côtes.

L'homme robuste tituba, plus de surprise que de douleur. Je pris l'opportunité de foncer vers Nicp, qui se faisait poursuivre par le compagnon rond du voyou robuste. Mais avant que j'y arrive, l'homme frappa Nico au sol, lui coupant le souffle.

Nico haleta pour de l'air, et le crétin au corps de citrouille leva sa jambe au- dessus du corps de mon ami.

“Par ici, gros porc !” j'ai rugi, espérant que ma provocation le ferait se retourner. “Qu'est-ce que tu as dit ?” le voyou gronda, se tournant pour me faire face.

Je passa rapidement devant le gros voyou juste au moment où il se ruait vers moi,ses doigts boudinés griffant l'air. Il aurait plus m'attraper, mais son compagnon baraqué lui était tombé dessus par inadvertance le moment d'après, et j'entendis les deux hommes grogner derrière moi. Mon esprit tourbillonnait de moyens possibles de s'échapper de cette situation qui semblait sans espoir, et mes yeux basculaient de droite à gauche. Puis je remarqua un long clou plié, saillant du mur de briques d'un bâtiment à côté, à environ trois mètres du sol.

Maudissant tout bas, je feinta à ma droite juste avant que la brute de muscles ne m'attrape. L'éludant sans même regarder derrière moi, je sauta en l'air, espérant atteindre le clou.

Alors que mon corps s'élançait dans les airs, le monde tout autour de moi semblait se taire. C'était comme si le monde était ralenti, et je pouvais entendre les battements erratiques de mon cœur, comme si tous les autres bruits avait été étouffés.

Derrière moi, je pouvais sentir des mains agrippantes, prêtes à me tirer au sol, mais j'étais étonnamment calme.

Ma vision périphérique se stabilisa, comme si je pouvais voir tout autour de moi en une fois. Le voyou musclé aviat trébuché et s'était écrasé contre les sol juste derrière moi. Je cala un orteil dans une fissure profonde de l'une des briques inférieures comme levier. Je jailli encore plus haut, attrapant le clou rouillé. Le clou était rugueux et froid au toucher, alors que je l'arrachais entre mon index et mon majeur. Je l'avais. Ce n'était pas vraiment une arme, mais c'était déjà quelque chose. Alors que je libérais ce clou d'une brique fissurée, je me poussa du mur avec mon pied pour accélérer vers le gros voyou, qui avait évité de trébucher que de très peu et qui n'était à quelques secondes de m'attraper. Je vis son expression changer de surprise à une concentration effrayante. Son épaule droite remua, et je réalisa clairement qu'il allait intercepter mon attaque d'une façon ou d'une autre.

J'ai alors utiliser ma main libre pour dévier son bras droit qui arquait vers moi. Au même instant, j’enfonçai le clou dans ma main directement dans son œil. Je sentis la sensation du fer perçant à travers un doux tissu, voyant son visage changer de concentration à surprise, puis de se tordre d'agonie.

Suite à son hurlement perçant, le monde reprit son cours habituel. J'atterris sans grâce dans une pile de vieilles boîtes tandis que mon adversaire se griffait frénétiquement le visage, trop peureux d'approcher le clou enfoncé dans son œil gauche.

“Bouge-toi.” je dépêcha, tirant un Nico étourdi sur ses pieds. Je regarda derrière une dernière fois et vu le voyou baraqué accourir au secours de son ami. Nous nous sommes précipités hors de l'allée et nous avions couru, couru pour nos vies.

À court de souffle et transpirant de chaque pore de notre corps, je m'écroula proche de Nico derrière une épicerie juste à l'extérieur de la ville.

On s'est penché contre le mur, trop fatigués pour s'occuper de combien d'alcooliques ou de SDFs auraient vomis ou urinés ici. Nico arracha sa veste et souleva son t-shirt pour se rafraîchir.

“Pour ça, c'est pour ça que tu es venu,” il haleta, claquant ma cuisse. “Oh mec, tu aurais dû te voir, Grey ! Tu volais comme ces rois combattant dans des duels !”

Je secoua la tête, toujours en essayant de reprendre mon souffle. “Je ne sais pas ce que j'ai fait. Tout a juste commencé à bouger vraiment au ralenti.”

“Je savais que tu l'avais en toi. Souviens-toi le jour où Pavia avait fait tomber toute cette vaisselle à côté de toi ?”

“Ouais, pourquoi ?”

“Tu les as attrapés. Tu as chopé trois assiettes et deux bols, Grey !” Nico s'exclama. “Et tu ne faisais même pas attention.”

“J'avoue, c'était un rattrapage impressionnant, mais ça n'as rien à voir avec un combat.” j'argumentai, m'appuyant un peu plus contre le mur.

“Tu finiras par t'en rendre compte.” il répondit, semblant trop exténué pour se disputer. “Maintenant allons-y, je ne veux pas terminer avec des corvées supplémentaires pour être rentré à près le coucher du soleil.”

Nous sommes arrivés à la maison à deux étages servant d'orphelinat juste un peu avant le dîner—assez de temps pour se laver et être à temps pour ne pas sembler suspect. Nico ouvra lentement la porte de derrière, grimaçant au grincement de la vieille charnière. Laissant les lumières éteintes, on traversa le couloir sombre sur la pointe des pieds, mais juste avant d'atteindre nos chambres, la voix claire de la directrice de l'orphelinat résonna du salon. “Grey, Nico. Pouvez-vous venir par ici un instant ?” elle dit d'une voix discrète mais d'une sévérité effrayante.

Nico et moi échangèrent un regard, la peur évidente sur nos deux visages. Nico lança rapidement sa veste est son sac à cordon dans sa chambre avant de refermer la porte. “Tu penses qu'elle sait déjà ?” je chuchota.

“Je dirais normalement que c'est impossible, mais là, c'est de la Sorcière qu'on parle.” Nico répondit, son attitude habituellement confiante emplie de crainte.

On arriva dans le salon très éclairé, nos vêtements et visages sales, ainsi que nos cheveux ébouriffés.

Assis sur le divan, sa posture parfaitement droite, était notre directrice Wilbeck, la vieille femme qu'on appelait tous la Sorcière. Debout près d'elle se tenait une fille environ du même age avec une chevelure d'un brun poussiéreux tombant au niveau de ses épaules et un teint crémeux.

Elle portait une robe luxueuse rouge que même l'argent que nous venions d'obtenir n'aurait pu financer.

La directrice nous regarda, un sourcil levé, mais ne questionna pas notre état. Nous approchions prudemment, et lorsque la fin aux cheveux bruns leva son regard pour rencontrer le mien, je trembla à ses yeux froids et dépourvus d'émotions.

“Grey. Nico.” La directrice fit approcher la fille gentillement. “Je voulais vous faire rencontrer à tous les deux Cecilia. Vous trois avez le même age, donc j'espère que vous pourriez la faire visiter et devenir amis.”

ARTHUR LEYWIN

Mes yeux se sont ouverts comme si je venais de cligner des yeux, mais j'avais l'impression d'avoir dormi pendant des jours. Je me suis assis dans mon lit, un mélange de sentiments pesant sur mes épaules.

Pourquoi ce souvenir me revenait-il après si longtemps ? Mes entrailles se tordaient de culpabilité à la pensée de Nico et Cecilia.

Tout va bien ? demanda Sylvie depuis le pied de mon lit, où elle était recroquevillée dans sa forme miniature.

"Oui, je vais bien", ai-je menti en passant mes doigts dans mes cheveux. Ils étaient maintenant longs et en désordre, dépassant mon menton.

Le rêve était si réel. J'avais l'impression d'être de retour sur Terre, de revivre ma vie antérieure.

Je suis restée allongée, étourdie et incapable de sortir du lit, jusqu'à ce que quelqu'un frappe à ma porte.

"Entrez", ai-je répondu, m'attendant à ce que ce soit mes parents ou ma soeur. Au lieu de cela, l'homme qui est entré semblait avoir une vingtaine d'années, habillé de vêtements noirs sous la fine armure de cuir utilisée par les éclaireurs. Il a incliné la tête dans un salut respectueux avant de transmettre son message.

"Monsieur, le lieu de la rencontre avec le messager alacryen a été décidé. Le Commandant Virion m'a demandé de vous demander de vous préparer à rencontrer le messager avec lui et le Seigneur Aldir."

"Compris. Je serai dehors dans dix minutes", ai-je répondu en balançant mes jambes sur le bord du lit.

"Dois-je envoyer une servante pour vous aider à vous préparer ?" a-t-il demandé.

J'ai secoué la tête. "Pas besoin."

"Très bien." L'homme est parti après un autre salut, refermant la porte derrière lui.

Je me suis rapidement lavée et j'ai attaché mes cheveux en arrière au sommet de ma tête, laissant ma frange tomber juste devant mon front. Je m'habillai d'une fine tunique blanche garnie d'or pour compléter le manteau sombre que je portais par-dessus. Correctement vêtu, avec mes cheveux soigneusement tirés en arrière, j'avais l'air d'un noble très fringant. Mon rêve était encore frais dans ma mémoire, et il avait apporté avec lui un flot de souvenirs de cette vie. Même les vêtements étaient très différents. Les pantalons de ce monde étaient incroyablement serrés, en comparaison - mais je devais admettre qu'ils offraient une grande mobilité et une grande liberté lors des combats.

"Une apparence élégante pour quelqu'un qui s'apprête à faire la guerre", a remarqué Virion lorsque je me suis approché de lui et d'Aldir.

"Merci." J'ai fait un clin d'œil, en lissant ma manche. Les vêtements d'Aldir brillaient pratiquement avec tout l'or et les pierres précieuses qui les décoraient, mais Virion portait une simple robe noire, car il était toujours en deuil après le meurtre de la directrice Cynthia.

Cela ne faisait que quelques jours, mais Virion semblait avoir vieilli d'un siècle.

D'après la signature de la pointe en métal noir trouvée dans la poitrine de Cynthia, il était évident que l'assassinat avait été commis par quelqu'un qui possédait les pouvoirs du clan Vritra. Il était peu probable qu'un membre du clan ait commis l'attaque - cela aurait mis en péril l'accord de non-asura pendant la guerre - mais cela ne signifiait pas qu'un de leurs descendants n'aurait pas pu le faire.

La question qui me rongeait l'esprit - et celle de Virion - était de savoir comment ils l'avaient fait.

Selon les gardes et l'infirmière qui s'occupait d'elle, personne n'avait vu quelqu'un sortir ou entrer à l'étage où était logée la directrice Goodsky. La porte, qui avait été fermée et verrouillée, n'avait pas non plus été trafiquée.

Tout restait un mystère, sauf un fait : d'une manière ou d'une autre, le clan Vritra était impliqué.

"Les navires sont à environ un jour de nos côtes, Arthur. Es-tu prêt à rencontrer ce représentant ?" demanda Virion.

"Je le suis. Mais es-tu prêt ?" J'ai répondu, sincèrement inquiet. "Tu ne vas pas tuer le messager, n'est-ce pas ?"

Avec un léger sourire, le grand-père de Tessia a secoué la tête.

Aldir s'est dirigé vers la porte de téléportation lumineuse. "Bien. Alors partons."

141

ULTIMATUM

Des scènes de souvenirs que je pensais avoir oublié défilaient dans ma tête à chaque clignement des yeux, me hantant en pleine journée tandis que nous nous préparions à faire notre chemin jusqu'à l'endroit où nous allions rencontrer le messager.

Tout va bien Arthur ? L'inquiétude de Sylvie toucha mon esprit.

Je vais bien, Sylv. Autre le fait que tu m'appelles par mon prénom maintenant, ai-je répondu en grattant ses petites oreilles.

Grand-père a dit qu'il était important que je respecte la dignité des dragons. Mon lien tenait son petit museau bien haut, marchant à côté de moi alors que nous sortions de la porte de téléportation qu'Aldir avait conjuré. Elle nous avait amenés dans une petite clairière sur une colline juste au-dessus d'une ville de pêcheurs isolée appelée Slore, à plus d'une douzaine de kilomètres au sud d'Etistin.

Et bien, je ne peux pas dire que tu n'étais pas plus mignonne lorsque tu avais l'habitude de m'appeler “ Papa “. Répondis-je, un sourire narquois aux lèvres.

Ne t'inquiète pas. Je te vois toujours comme mon papa ! Elle a frotté son côté contre ma jambe pendant que nous marchions, comme pour me réconforter. La brise humide occasionnelle portait avec elle une forte odeur de la mer, et je me sentais collant malgré l'air glacial.

"Je ne me sens toujours pas à l'aise d'avoir cette réunion sans aucun renfort," dit Virion avec méfiance.

"Si ce messager a l'audace d'agir contre nous, j'aurai tout à fait le droit d'intervenir ", assura Aldir au commandant, un coin de sa bouche se redressant dans un léger sourire. Deux de ses yeux étaient fermés, mais le troisième - un seul, d'un violet éclatant - regardait le chemin devant lui, toujours attentif.

"Si l'on considère tout ce que les Vritra ont fait - élever des demi-sang asura, transformer nos bêtes de mana en mutants, et maintenant les vaisseaux - je ne peux imaginer depuis combien de temps Agrona a planifié cela. Malgré l'ampleur de la préparation, je ne peux m'empêcher de penser que cette guerre n'est qu'une sorte de jeu pour lui. Les choix qu'il a faits, les risques qu'il a pris..." Le commandant Virion s'interrompt et secoua la tête.

"Si Agrona était facile à prévoir, il ne serait jamais allé aussi loin", reconnaît Aldir à contrecœur. "Puisque, comme tous les autres asuras résidant dans ce monde, il lui est interdit de participer directement à la guerre, il a trouvé des moyens de contourner cette interdiction en étant la main toute puissante qui déplace les pièces d'échecs - du moins pour son camp."

"Et qui est la main toute-puissante qui déplace les pièces pour notre camp ?" demanda Virion en levant les sourcils.

"Vous êtes celui qui mène cette guerre, n'est-ce pas ?" rétorqua Aldir. Virion haussa les épaules. "C'est ce que je me dis la nuit."

"Très bien", j'ai interrompu. "C'est le lieu de rendez-vous ?"

"Bien sûr que non", dit Virion avec un soupir las, en attachant ses longs cheveux blancs.

"C'est le plus loin que je puisse nous emmener. D'ici, nous voyagerons vers notre vraie destination", a précisé Aldir. "C'est au milieu de l'océan." "Montre le chemin", j'ai dit.

Les pieds d'Aldir se sont lentement élevés du sol tandis qu'une aura laiteuse les entourait, lui et Virion. Après un moment, l'aura a soulevé Virion dans les airs aussi. Les lèvres de Virion se sont refermées et il s'est légèrement recroquevillé sur lui-même, comme un chat que l'on attrape par la peau des pattes.

Alors qu'ils prenaient de la vitesse, s'élevant rapidement au-dessus des nuages, Sylvie se précipitait vers le bord de la falaise.

Saute ! Sylvie a gazouillé, puis a sauté.

Sans hésiter, j'ai suivi mon lien. Alors que je me propulsais vers le haut et

sur le bord abrupt, j'ai pris un moment pour admirer la vue à vol d'oiseau de la ville animée juste en dessous de moi.

Au moment où je commençais à tomber, la silhouette massive de Sylvie est apparue en bas, me soulevant d'un claquement de ses puissantes ailes. J'ai caressé la base de son long cou noir alors que nous filions à travers les nuages. Sylvie, tu as pris du poids ? J'ai plaisanté.

Cette blague commence à dater, tu sais, a grommelé Sylvie.

Pas pour moi. J'ai poussé un cri rafraîchissant à pleins poumons, qui a été balayé par le vent violent qui s'abattait sur nous alors que nous prenions de la vitesse.

J'ai repéré les petites silhouettes d'Aldir et de Virion devant nous. Sylvie les a rattrapés, mais est restée à quelques dizaines de mètres derrière Aldir alors que nous surfions sur le sommet des nuages. Aussi loin dans le ciel, le seul bruit était le sifflement aigu de l'air autour de nous, rendant le voyage paisible malgré le but de notre voyage.

Alors que je regardais, étourdi, le bleu et le blanc de notre environnement, mon esprit s'est remémoré ce jour à Epheotus après avoir terminé ma formation. Le brusque roi des asuras avait voulu me voir avant mon retour sur Dicathen. C'était la deuxième rencontre que j'avais eue avec le Seigneur Indrath, et aussi le moment où j'ai réalisé qui était Myre.

La vieille asura, qui m'avait guéri et appris à lire les sorts en utilisant le Realmheart, était assise à côté du Seigneur Indrath au visage de pierre, un sourire amusé sur son visage maintenant jeune.

Je suis resté là, sans voix, la bouche entrouverte, jusqu'à ce que le Seigneur Indrath me fasse signe d'avancer en disant simplement : " Je suis sûr que tu te souviens de ma femme, Myre ".

Inutile de dire que la réunion ne s'est pas déroulée comme je l'avais prévu. D'une part, le Seigneur Indrath avait été beaucoup moins critique cette fois-ci par rapport à la première fois que nous nous étions rencontrés ; il avait même

- à peine - reconnu mon amélioration, bien qu'il ait ajouté que sans l'aide de Myre, j'aurais été une cause perdue. Avant de partir, le Seigneur Indrath m'a donné un conseil. Bizarrement, il avait activé sa capacité d'éther, gelant le temps pour toutes les personnes présentes - même sa femme - sauf pour nous deux. J'ai fixé le roi des asuras d'un regard vide alors que Myre, Sylvie, et les gardes restaient statiques, et il m'avait laissé un message cryptique :

“Il est plus sage de fermer ton cœur à la princesse elfe.”

C'est tout ce qu'il avait dit avant de retirer ses pouvoirs et de demander aux gardes de nous escorter, Sylvie et moi, jusqu'à Windsom et Wren, qui nous attendaient dehors.

Nous sommes presque arrivés, a annoncé Sylvie, me ramenant au présent. Aldir et Virion s'étaient arrêtés au-dessus des nuages, attendant qu'on les rattrape. "Je suis sûr que je n'ai pas besoin de te le dire mais je vais le faire quand même. Personne ne sait ce que les Vritra savent réellement, il serait donc sage de garder ta vraie force cachée pendant cette rencontre." La voix d'Aldir me chatouillait inconfortablement l'oreille, comme s'il chuchotait juste à côté de moi.

"Et Sylvie ?" J'ai crié par-dessus le bruit des ailes de dragon de l'asura battant l'air.

"Dame Sylvie devra se retransformer en sa forme miniature," répondit Aldir. "Je vais te porter en bas, Arthur."

Je vais faire profil bas pour le moment, mais je ne vais pas rester caché pendant la guerre. Si je veux te protéger, je le ferai avec toi sur mon dos, déclara Sylvie en prenant sa forme de renard blanc.

J'ai commencé à tomber en chute libre mais Aldir a plongé sous Sylvie et moi, nous enveloppant de la même aura qui enveloppait Virion.

Nous sommes descendus sous la couche de nuages en dessous de nous, plongeant à travers la couverture blanche, l'humidité de l'air humidifiant nos vêtements, jusqu'à ce que nous apercevions l'océan scintillant qui ondulait doucement dans toutes les directions.

Malgré la vue phénoménale de cette étendue d'eau sans fin, mon regard s'est instantanément concentré sur les taches sombres qui jonchaient l'océan à ma droite. À quelques dizaines de kilomètres au nord, je pouvais voir la flotte de navires alacryens se diriger vers le rivage près de la ville d'Etistin, la capitale de Sapin.

Regarde là. a fait remarquer Sylvie. Flottant sur l'eau en dessous, il y avait une plateforme noire de la taille d'une petite maison.

Alors que nous descendions, quelques instants derrière Virion et Aldir, j'ai pu distinguer deux petites silhouettes. De loin, ils se confondaient avec la plateforme sur laquelle ils se tenaient.

Un frisson a parcouru ma colonne vertébrale. Tous les poils de mon corps se hérissaient, et je sentais mon cœur battre plus vite à mesure que nous nous rapprochions de la plate-forme. "Ils sont là", ai-je dit à haute voix à personne en particulier. "Mais je ne pense pas que ce soit des messagers ordinaires." Nous avons atterri en douceur sur la plate-forme et nous nous sommes dirigés tous les trois vers le centre, Sylvie me suivant. Mes mâchoires se sont serrées à la vue des deux prétendus messagers. A leur teint gris pâle et à leurs yeux rouges, je savais qu'ils faisaient partie du clan Vritra.

"Bienvenue dans notre humble demeure", ricana le plus grand des deux, ses bras maigres écartés.

Virion a rétréci ses yeux. "Nous avons supposé que nous allions rencontrer un messager. Ce rôle semble être indigne de vous deux."

"Je suis flatté, mais pour l'instant nous sommes de simples messagers", répondit-il avec un sourire exagéré. Son compagnon resta silencieux.

En examinant les deux Vritra, malgré leur ascendance et leur sang, ils ne pouvaient pas être plus différents. Celui qui se trouvait à ma gauche était à peine plus grand que moi et avait une posture droite comme un bâton. Il avait des yeux profonds sous des paupières lourdes, ce qui donnait un charme mystérieux à son visage sévère. Avec ses cheveux noirs cendrés soigneusement coupés et son armure noire ajustée sous une somptueuse cape violette, le Vritra aurait eu l'air de sortir des rêves de toutes les femmes s'il n'avait pas eu une paire de cornes qui dépassaient juste au-dessus de ses oreilles.

L'autre Vritra - celui qui avait parlé - mesurait plus d'un mètre quatre-vingt, nous surplombant tous malgré sa posture voûtée. Ses bras longs et fins pendaient à ses côtés comme s'ils étaient sortis de leurs orbites. Ce Vritra ne portait pas d'armure, mais son corps était entièrement enveloppé d'épais bandages sombres sous un manteau noir délabré qui pendait de ses épaules. Une frange de cheveux en désordre dépassait de sa capuche en lambeaux, accentuant son apparence particulière.

C'était la première fois que je me retrouvais face à face avec un Vritra, et j'ai été surpris de voir à quel point les cornes du Vritra à la cape violette étaient plus petites que celles de celui qui avait attaqué Sylvia dans la grotte pendant mon enfance. Mais je n'ai pas pu sentir le niveau de l'un ou l'autre de ces messagers, ce qui pourrait signifier qu'ils cachaient volontairement leurs auras, ou simplement qu'ils étaient beaucoup plus forts que moi.

"Je suis Cylrit et voici Uto. C'est un honneur de vous rencontrer, Aldir. Nous, les serviteurs, avons beaucoup entendu parler des fameux asuras d'Epheotus." Le regard de Cylrit s'est fixé sur celui d'Aldir comme si Virion et moi n'existions pas, mais ce n'était pas par respect. "J'espère que tu respecteras le pacte et que tu resteras non-combattant ?"

J'ai été surpris par la désinvolture avec laquelle il a mentionné qu'il était un serviteur. Cela signifiait qu'il était l'une des figures de proue de cette guerre qui était autorisée à se battre - juste en dessous des Quatre faux.

"Oui, en supposant que votre côté fera de même ?" répondit Aldir, son regard aussi perçant que celui de Cylrit.

"C'est dommage. Je voulais essayer de combattre un asura, mais je suppose que je vais devoir me contenter de massacrer quelques milliers d'entre vous, les êtres inférieurs ", cracha Uto en me fixant. Le maigre Vritra a fait un pas vers moi, penchant son cou vers le bas avec un ricanement. "Je comprends pourquoi M. Un Oeil et Grand-Père Elfe sont ici, mais je ne m'attendais pas à ce que l'enfant prodige, Arthur Leywin, nous honore de sa présence."

Je ne savais pas trop comment le Vritra avait entendu parler de moi, mais j'ai gardé mon calme. "Je pourrais dire la même chose pour vous. Que nous vaut le plaisir de voir les serviteurs se montrer ici ?"

"Comme l'a dit Cylrit, nous sommes ici en tant que messagers. Nous ne voulions pas vous donner l'occasion de capturer et torturer un messager innocent pour obtenir des informations. Parce que c'est ce que je ferais." Les yeux rouges bridés d'Uto ont scruté les miens, cherchant des signes de peur ou de colère.

Au lieu de cela, j'ai répondu à sa provocation par un sourire nonchalant. "Je suis impatient de te trouver sur le champ de bataille."

Il a répondu avec un regard meurtrier, ses lèvres s'écartant en un rictus malicieux. "Pourquoi attendre ? C'est dans la chair des enfants que j'aime le plus trancher."

"Uto ! Assez," Cylrit l'a réprimandé.

"Quoi ?" Uto a haussé les épaules innocemment. "M. Un Oeil ici présent ne peut pas nous toucher de toute façon."

"Je ne voudrais pas non plus toucher de sales lessurans", répondit calmement Aldir, en soutenant le regard du maigre Vritra. "Maintenant, puisque nous ne sommes pas venus ici pour échanger des frivolités, continuez votre message et disparaissez de ma vue." Au léger mouvement des sourcils d'Uto, j'ai compris qu'il était contrarié que sa tentative de provoquer Aldir se soit retournée contre lui. Cependant, avant qu'il n'ait eu l'occasion de répondre, Cylrit a tendu un bras pour le retenir.

"Le message que Sa Majesté m'a chargé de délivrer aux chefs de Dicathen est simplement le suivant : Livrez les familles régnantes et la clémence sera accordée à ceux qui la méritent. Continuez à résister et notre armée éradiquera tous les habitants de ce continent sans distinction ", récita Cylrit, ne regardant toujours qu'Aldir.

"Tu appelles ça des conditions ?" Virion a éclaté. "C'est un ultimatum unilatéral !" Uto s'est penché pour être au niveau des yeux de Virion. "Sois reconnaissant d'avoir le choix. Ne vous inquiétez pas. Si tu choisis la première option, je promets d'être très doux en te tranchant la tête."

Cylrit fusilla son compagnon du regard. "Nous n'avons pas été envoyés ici pour provoquer un combat, Uto."

" Cela n'a jamais été mon intention, juste un avertissement amical sur la bataille à venir ", répondit le maigre Vritra, mais il se tourna ensuite vers Virion avec un sourire pervers. "J'espère vous rencontrer à nouveau, Roi des Elfes. Vous et votre petite-fille. Je m'assurerai de m'amuser pleinement pendant que vous regarderez." Ignorant l'avertissement d'Aldir, j'ai fait un pas en avant, prêt à dégainer l'épée dans mon anneau dimensionnel, mais Virion a bougé le premier.

En un éclair, son poing rencontra la mâchoire d'Uto. Le grand-père de Tessia avait activé sa seconde phase, un linceul noir recouvrant tout son corps et sa tête, mais je pouvais encore voir la rage dans ses yeux.

La tête d'Uto s'est immédiatement retournée sous le coup, le soulevant du sol et faisant tomber la capuche qui lui couvrait la tête.

"Ça a chatouillé", grogna le Vritra en faisant craquer son cou. Le nez d'Uto dépassait d'un angle bizarre, mais mes yeux étaient rivés sur ses cornes.

Ce n'était pas la forme ou la taille de ses cornes qui m'a étonné.

Non, c'était le troue sur sa corne gauche. Le trou que la Lance, Alea, avait creusée lors de la bataille qui lui avait coûté la vie.

142

CE QUE LA GUERRE SIGNIFIE POUR CHACUN

Les images obsédantes du corps sanglant d'Alea, ses membres brutalement coupés et son noyau détruit, inondaient mon esprit tandis que je fixais la marque dans la corne gauche d'Uto. Toute forme d'inhibition qui m'avait empêché de tuer le Vritra disparut alors que j'avançais vers lui.

"C'était toi ?" J'ai demandé, ma voix dégoulinant de malice.

L'inquiétude de Sylvie s'est infiltrée dans ma tête par derrière, mais c'était inutile.

À chaque pas en avant, le contrôle de soi qui m'avait permis de rester neutre pendant cette rencontre s'effaçait. Le mana jaillit de mon corps comme une tempête, choquant le Vritra et arrachant Virion à son indignation.

"Es-tu celui qui a tué Alea ?" J'ai fait un pas de plus.

"C'était quoi ça, chiot ?" Uto a claqué, les sourcils froncés d'impatience.

"La Lance dans le donjon qui a eu tous ses membres coupés avant de mourir," ai-je clarifié, ma voix glacée. "C'était toi ?"

"Ahh," dit le Vritra, ses lèvres se retroussant vers le haut.

Rien qu'au ton de sa voix, je connaissais déjà la réponse. Se moquer de Virion et utiliser sa petite-fille comme moyen de pression était une chose, mais le fait qu'il soit le responsable de l'horrible torture et de la mort d'Alea donnait maintenant de la gravité à ses menaces.

Il devait mourir.

"Cette jolie petite elfe ? Et si c'était moi, morveux ?" Uto a craché.

J'ai ouvert la bouche pour répondre, mais Aldir ne m'a laissé aucune chance d'agir sur ma

mon impulsion. Il s'est placé devant moi avec un regard sévère. "C'est ce qu'il veut que tu fasses. Ne le laisse pas te provoquer."

J'ai laissé échapper une profonde inspiration. Bien sûr, je savais qu'Uto nous provoquait exprès - toute personne ayant la moitié d'un cerveau pouvait le voir. Quant à savoir si c'était avec préméditation ou parce qu'il était juste impulsif... J'avais le sentiment que c'était les deux.

En ravalant le goût amer dans ma bouche, j'ai ignoré Uto. Faisant face à Cylrit, j'ai demandé, "Y avait-il quelque chose d'autre qui devait être discuté ? Ou est-ce que cette menace prévisible était tout ce que tu es venu dire ?" "Vous aurez deux jours pour vous décider", a répondu Cylrit sans ménagement. "Si les familles royales de Dicathen ne se sont pas rendues d'ici là, nous considérerons cela comme votre réponse."

Je me suis retourné vers Virion, qui s'était enfin ressaisi.

"Nous allons nous retirer." Les mots de Virion étaient coupés alors qu'il lançait un regard furieux au Vritra, mais il lissa les plis de sa robe avec désinvolture.

Alors que je me tournais pour partir avec Virion et Aldir, la voix d'Uto a retenti.

"Tu aurais dû l'entendre crier", a-t-il dit en riant. "Ça m'a presque donné envie de ne pas la tuer - de la garder en vie pour pouvoir continuer à la faire crier, tu vois ?"

Je pouvais sentir mon sang couler plus vite, marteler ma tête alors que je faisais un pas vers le bord de la plate-forme.

Aldir a croisé mon regard et s'est préparé à me soulever avec son aura, mais je l'ai arrêté. En envoyant de la glace, de la foudre et du mana attributaire de vent dans ma paume, j'ai levé mon bras et me suis retourné pour faire face à Uto.

Le mince rayon translucide d'éléments fusionnés perça l'étroit espace entre les deux Vritra, créant un coup de vent crépitant sur son passage. Le rayon les dépassa et entra dans l'eau, et l'océan se fendit sous la force de mon sort. Les vagues ont instantanément gelé, puis un courant électrique a brisé la glace en éclats de verre étincelants.

Je pouvais voir l'expression d'Uto se froisser, laissant lentement place à un doute et un choc. Même le visage froid de Cylrit a montré de la surprise alors que la pluie d'éclats de glace pleuvait sur nous.

"Que nous décidions ou non de poursuivre la guerre, j'espère vraiment te rencontrer à nouveau, Uto." Je lui ai tourné le dos alors que la plateforme ombragée sur laquelle nous nous trouvions était prise de convulsions.

Aldir a soulevé Virion, Sylvie et moi dans les airs, et j'ai lutté contre l'envie de me retourner. En regardant le visage de Virion, marqué par l'inquiétude et la frustration, j'ai compris qu'il réfléchissait aux paroles du Vritra.

"Tu ne considères pas vraiment leur offre, n'est-ce pas ?" J'ai demandé alors que nous nous élevions au-dessus des nuages.

"Non, mais s'ils tenaient leur parole, imagine combien de vies innocentes pourraient être sauvées", dit Virion, les plis entre ses sourcils s'épaississant.

Je me suis moqué. "C'est un grand "si" pour lequel tu sacrifierais ta vie et celle de ta famille." "Arthur a raison", a ajouté Aldir. "Tu sais ce que deviendra le monde sous le règne des Vritra. Même Epheotus ne sera pas à l'abri si Agrona est capable de peupler deux continents avec ses descendants métis. Ce ne sera qu'une question de quelques générations avant qu'ils ne frappent aussi le reste des asuras."

"Je sais", soupira Virion. "Je n'ai pas hâte de voir les protestations qui vont sans aucun doute accueillir mon choix, cependant."

"Tu vas le dire à tout le monde ?" J'ai demandé, surpris.

Le grand-père de Tess a hoché la tête solennellement. "La confiance est un serpent capricieux ; laborieusement acquise et pourtant si facilement perdue. Un chef doit avoir la confiance de son peuple, mais à quel point penses-tu qu'ils me feront confiance après avoir réalisé que j'utilise leur vie comme un jeton de jeu ?"

"Pas beaucoup", ai-je admis, toujours réticent à l'idée. Mais je ne remettrais pas en cause les décisions de Virion. En ce qui concerne le leadership, il avait beaucoup plus d'expérience que moi, même avec deux vies à mon actif.

J'aurais pu offrir une perspective différente, mais en fin de compte, j'ai fait confiance à ses choix, tout comme Aldir. Quand l'asura est arrivé sur Dicathen, tuant les Greysunders d'un seul coup dès son arrivée, j'avais supposé qu'il essaierait de contrôler Virion comme une sorte de marionnettiste en arrière-plan.

Mais Aldir s'est contenté de protéger et de conseiller Virion, sans jamais le forcer à agir. Cela en disait long sur le respect que l'Asura lui portait.

Pendant le vol de retour vers la rive ouest, Virion a utilisé un artefact de transmission mentale pour coordonner les arrangements pour l'apparition publique qui devait avoir lieu demain. D'après les bribes que j'ai réussi à saisir lorsque Virion murmurait dans l'artefact, il semblait que toutes les figures majeures de la guerre seraient présentes au discours. Les Lances, les membres royaux des trois races et d'autres familles nobles influentes devaient être rassemblés et se tenir aux côtés de Virion en signe de respect pendant qu'il ferait son discours.

Quelques heures plus tard, nous avons franchi la porte de téléportation et sommes entrés dans la salle circulaire du château. Avant de quitter la salle en briques, Virion m'a tapoté le dos.

"Repose-toi, Arthur. Le Seigneur Aldir et moi allons nous occuper du reste à partir d'ici", dit l'elfe aux cheveux blancs avec un sourire fatigué.

"Je peux aider", j'ai protesté. "Il y a beaucoup de choses à prévoir si l'annonce doit être faite demain, non ?"

"Laisse-moi m'occuper de ça", a-t-il répliqué. "Ta famille est ici, en ce moment même, et elle t'attend. Après le début de la vraie guerre, je crains que le temps que tu pourras passer avec tes proches soit limité."

" Écoute Virion ", Aldir approuva. "A en juger par ton petit cadeau d'adieu à ces lessurans, tu as préparé ton corps. Maintenant, utilise ce temps pour préparer ton esprit et ton coeur."

Fatigué et sale après le voyage, j'ai cédé et nous avons pris des chemins différents. Je me suis dirigé vers les quartiers d'habitation, qui se trouvaient aux étages supérieurs. Le château étant toujours enveloppé de nuages, il était difficile d'imaginer à quel point cette structure flottante devait être grande pour accueillir près de cent personnes tout en ayant de la place pour des équipements de luxe.

En montant les escaliers avec Sylvie qui gambadait silencieusement derrière moi, je pensais à la façon dont la vie de chacun allait changer pendant cette guerre.

Jusqu'à présent, les batailles avaient été isolées, se déroulant bien au-delà des Grandes Montagnes et n'atteignant jamais la civilisation. Il n'y avait pas eu de pertes civiles, seulement des pertes militaires. Mais une fois que les vaisseaux auraient débarqué à la frontière ouest, tout cela changerait - et pour les civils, ce serait une surprise désagréable.

Je craignais comment les habitants - les non-nobles - allaient prendre l'annonce de Virion. Au mieux, ils accepteraient la nouvelle à contrecœur ; plus probablement, des protestations éclateraient, et il était même possible que les citoyens que les soldats de Dicathen tentaient de protéger nous trahissent dans l'espoir aveugle que les forces alacryennes les laisseraient vivre s'ils coopéraient.

Je suis sorti de l'escalier du quatrième étage et je me suis dirigé vers le large couloir, chaudement éclairé par les orbes montées sur les deux murs. Des couloirs plus étroits se ramifiaient, avec des portes tous les quelques mètres environ.

"Comment penses-tu que nous allons trouver mes parents, Sylv ?" J'ai demandé, en m'engageant dans un couloir au hasard dans l'espoir de tomber sur quelqu'un qui saurait.

Chercher des signatures de mana semble exagéré ici et pourrait probablement alarmer certains mages ", a dit Sylvie. Que dirais-tu de frapper à toutes les portes jusqu'à ce que nous trouvions quelqu'un qui puisse nous renseigner ?

J'ai tourné à droite au hasard et j'ai continué à marcher jusqu'à ce qu'une vue familière attire mon attention. Une large arche menait à un jardin patio à l'extérieur du château. Je n'aurais jamais cru voir une telle terrasse ouverte sur un château volant, mais le vaste ciel orange d'un magnifique coucher de soleil, atténué par la barrière transparente qui l'entourait, illuminait la zone. Des groupes d'enfants jouaient sur la pelouse soigneusement entretenue, certains s'affrontant avec leurs amis, d'autres se poursuivant simplement.

Mais ce qui m'a fait m'arrêter, c'est l'imposant ours brun foncé qui jouait au milieu des enfants qui gambadaient. J'ai repéré une Ellie mal à l'aise juste à côté de son lien, parlant à un garçon aux cheveux blonds de son âge.

Le torse bombé, le menton haut, un faux sourire qui n'atteignait pas ses yeux... Si je ne m'y connaissais pas mieux, je dirais qu'il essayait de flirter avec ma précieuse sœur. "Tue-le, Sylv. Fais-le crier comme un castrat." J'ai fait un sourire diabolique.

Mon lien vicieux se précipitait vers ma soeur, envoyant un message mental me demandant ce qu'était un castrat, quand la bête de mana d'Ellie a attrapé le garçon blond par l'arrière de son col et l'a jeté au loin.

J'ai regardé l'ours - il s'appelait Boo - pendant une brève seconde. Je lui ai fait un signe de tête sévère mais approbateur en levant mon pouce droit.

Toujours assis à côté de ma sœur, Boo m'a répondu par un pouce levé poilu. A ce moment-là, j'ai décidé que Boo ne serait pas un si mauvais compagnon pour ma sœur après tout.

"Sylvie ?" Ellie s'est exclamée quand elle a vu le petit renard blanc courir vers elle. Elle a levé les yeux, et son visage s'est éclairé quand elle m'a vu. "Frère ?" Les enfants - tous des nobles, qui étaient venus ici par sécurité - ont tourné la tête, laissant tomber ce qu'ils étaient en train de faire. Certains des parents, assis sur les chaises du patio et discutant entre eux, se sont retournés pour me regarder également.

Je me suis dirigée vers ma sœur, sentant les yeux de tous me suivre. Ellie a pris Sylvie dans ses bras et l'a serrée très fort avant de lever les yeux vers moi. "Mon frère, tu es déjà de retour ?"

"Ouaip." J'ai souri, en jetant un coup d'œil aux spectateurs. J'ai serré ma sœur dans mes bras pour la saluer, en lui murmurant à l'oreille : "Pourquoi est-ce qu'ils me regardent tous ?".

"Il n'y a pas un seul noble à Dicathen qui ne sait pas qui est Arthur Leywin", a-t-elle ricané. "Tu devrais voir comment ces nobles me traitent."

"Alors c'était ça. Je pensais que j'avais fait quelque chose de mal à tes amis ici." J'ai eu un petit rire de soulagement. Me tournant vers Boo, qui restait assis sur ses pattes arrière, j'ai levé la main. "Content de te voir, Boo !"

La bête mana géante a répondu par un faible grognement et a reçu ma main avec une grande patte.

"Quand êtes-vous devenus si proches tous les deux ?" Ellie s'est émerveillée.

"Les hommes ayant des objectifs communs ont tendance à se lier rapidement", ai-je répondu alors que Boo et moi nous hochions une nouvelle fois la tête.

"Quoi ? Non-peu importe, ce n'est pas important", a modifié Ellie en secouant la tête. "C'est bien que tu sois là en ce moment. Tu dois les arrêter."

"Quoi ? Arrêter qui, de quoi ?" Je pouvais entendre l'inquiétude dans sa voix. Ellie m'a tiré à l'intérieur, hors du patio et loin des autres enfants et parents. Ses yeux papillonnaient nerveusement de gauche à droite.

"C'est maman et papa", a-t-elle dit solennellement. "Ils ont décidé de se joindre à la guerre."

143

DE FAÇON INNATENDUE

Laissant Sylvie avec ma soeur, je me suis dirigée vers la chambre de mes parents. J'ai longé le couloir, ma démarche s'accélérant à chaque pas, jusqu'à ce que j'arrive devant la porte portant l'inscription Famille Leywin.

J'ai pris une profonde inspiration pour me calmer. La pensée de ce qu'Ellie avait dit, que mes parents avaient vraiment l'intention de participer à la guerre, me mettait mal à l'aise. Un bruit sourd a résonné lorsque j'ai frappé à la porte en bois.

"C'est ouvert", la douce voix de ma mère a résonné de l'autre côté.

Les charnières ont grincé lorsque j'ai tourné la poignée et fait glisser la porte. Des sacs étaient ouverts sur le sol, avec des vêtements soigneusement pliés à côté. Je suis entrée, j'ai regardé autour de moi et j'ai vu mon père polir ses gantelets avec un ensemble d'armures en cotte de mailles étalé à côté de lui. Ma mère, qui s'était dirigée vers la porte pour accueillir leur visiteur, s'est arrêtée en me voyant. Elle a masqué sa surprise par un faible sourire, et mon père a baissé le regard dès qu'il a vu mon expression.

"Alors c'est vrai", ai-je marmonné, en ramassant une attelle de tibia polie à côté de mon père.

"Fils." Il a posé le gantelet et le chiffon mais est resté assis.

"Nous ne nous attendions pas à ce que tu reviennes si tôt", a ajouté ma mère en faisant un pas de plus vers moi.

" Aviez-vous l'intention de partir sans rien me dire ? ". J'ai demandé, mon regard toujours concentré sur le protège-tibia dans ma main.

"Bien sûr que non. Mais nous voulions finir de nous préparer avant ton retour." Ma mère a levé sa main, hésitant un peu avant de la poser sur mon épaule.

Un mélange de sentiments s'est accumulé en moi alors que je serrais fermement l'armure métallique - la confusion quant à la raison pour laquelle ils avaient soudainement décidé de se battre, l'irritation qu'ils n'aient même pas pris la peine de discuter de cette décision avec moi, et la colère qu'ils soient prêts à risquer leur vie alors qu'Ellie était si jeune - à peine douze ans. J'ai finalement levé mon regard de l'armure dans ma main et regardé mon père. "Je pensais que vous alliez tous les deux attendre qu'Ellie soit plus âgée avant de rejoindre la guerre."

"Le commandant Virion nous a conseillé de rester jusqu'à ce qu'Ellie soit plus âgée - ou jusqu'à ce que tu arrives", a dit mon père, le regard ferme.

"Je ne crois pas que vous ayez soudainement décidé de vous battre juste parce que je suis revenu", ai-je répondu dubitatif.

"Nous ne l'avons pas fait", a répondu ma mère, sa main serrant mon épaule plus fermement.

"Je viens de recevoir une transmission d'Helen." Mon père s'est levé, le regard inhabituellement dur alors qu'il testait ses gantelets. " Ils ont été attaqués dans un donjon alors que tout le monde partait. Ils sont restés en arrière pour gagner du temps afin que les plus jeunes soldats puissent s'échapper, mais..."

"Mais ?" ai-je répété.

Mon père, Reynolds Leywin, l'homme qui avait toujours enduré chaque épreuve avec un sourire optimiste, a levé les yeux avec un venin glacé dans le regard. "Adam ne s'en est pas sorti."

"Non." J'ai secoué la tête. "C'est impossible. J'étais là bas pas plus tard qu'hier. C'est moi qui ai nettoyé le donjon et tué le mutant qui s'y trouvait." Mon père a hoché la tête solennellement. " Apparemment, après ton départ,

alors que tout le monde se préparait à partir, une autre horde de bêtes de

mana, dirigée par un mutant, les a attaqués. Helen pense que l'étage inférieur du premier donjon était connecté à un autre

donjon."

"Le combat était un désordre - personne ne s'attendait à une bataille", a déclaré ma mère.

"Les Twin Horns et quelques autres soldats vétérans sont restés pour donner à tous les autres le temps de s'enfuir. Heureusement, le mutant n'était que de classe B, mais comme son armée était plus nombreuse et les a pris au dépourvu, il y a eu plus de morts que prévu... y compris Adam."

Un silence stérile s'est installé dans la pièce après que ma mère ait fini de parler. Je ne pouvais pas croire que quelqu'un que j'avais vu hier était mort. Puis une prise de conscience m'a fait me redresser d'un coup.

Tess était dans ce donjon !

"Qui... qui d'autre est mort ?" J'ai demandé. Malgré mon inquiétude, je ne voulais pas paraître insensible à la mort d'Adam en demandant si Tess allait bien.

"C'est tout ce que j'ai pu obtenir d'Helen. C'était une transmission d'urgence, donc le message était court. Mais elle n'a donné le nom de personne d'autre, donc je suppose que les autres qui sont morts étaient des soldats que nous ne connaissons pas", a dit mon père, en laissant échapper une lente respiration, fatiguée. "Le commandant Virion en sait probablement plus sur la situation que nous."

Helen l'aurait sûrement mentionné si quelque chose était arrivé à Tess, mais j'étais toujours mal à l'aise, c'est le moins qu'on puisse dire.

"Je suis désolé pour Adam", ai-je dit, essayant de consoler mon père. Adam n'était pas mon préféré parmi les Twin Horns - j'avais trouvé son caractère emporté et son sarcasme cynique déplaisants - mais il avait été loyal. Sous son apparence impatiente et grincheuse se cachait un camarade digne de confiance qui s'était tenu aux côtés de mes parents lorsqu'ils étaient membres du groupe.

Je voyais maintenant pourquoi l'atmosphère autour de mon père était si lourde. "Ne te méprends pas, Arthur. Nous ne faisons pas cela par culpabilité - la vie d'un soldat est toujours en danger", a dit mon père.

"Quand bien même", ai-je dit en secouant la tête.

Je savais que j'étais déraisonnable. Mon père avait parfaitement le droit de mener les batailles qu'il choisissait. Mais c'était mon propre égoïsme - vouloir garder ceux que j'aime en sécurité - qui m'a donné envie d'essayer.

Peu importe le niveau de votre noyau ou votre connaissance de la manipulation du mana. Peu importe combien vous renforcez votre corps ou combien vous vous équipez, la mort peut survenir à tout moment dans une bataille. Peu importe à quel point je suis devenu fort, je le croyais fermement. Pourtant, mon père était prêt à risquer sa vie et celle de ma mère alors que ce n'était pas seulement inutile, mais imprudent.

"Arthur, ce n'est pas sa faute", m'a consolé ma mère. "C'est moi qui veux retourner chez les Twin Horns et aider à la guerre."

"Quoi ?" J'ai lâché un mot, complètement surpris. "Tu veux aller à la guerre ?" Elle a hoché la tête. "Oui."

"M-Mais tu ne peux pas." Je me suis tourné vers mon père, certain que ma perplexité se lisait sur mon visage. "Je veux dire, papa a dit que tu évitais d'utiliser la magie parce que quelque chose est arrivé dans le passé. Pourquoi maintenant... ?"

Ma mère a jeté un regard à mon père, qui a hoché la tête d'un air solennel. "Arthur, assieds-toi."

J'ai obéi, prenant place au pied du lit pendant que ma mère rassemblait ses pensées.

"Qu'est-ce que ton père t'a dit d'autre ?" Elle m'a regardé avec culpabilité en trébuchant sur ses mots, mais je ne l'ai pas pris à cœur. Elle m'avait dit qu'elle aurait besoin de temps pour accepter les révélations sur qui j'étais ; il était clair qu'elle était encore en conflit, mais je pouvais voir qu'elle essayait. "C'était à peu près tout", ai-je dit. "Il a dit que tu me dirais le reste quand tu serais prête."

"Ce que nous ne t'avons jamais dit à propos des Twin Horns, Arthur, c'est qu'il y avait en fait un membre de plus."

Mes sourcils se sont froncés et j'ai jeté un coup d'œil à mon père, qui est resté silencieux. "Elle s'appelait Lensa. C'était une jeune augmenters talentueuse", a poursuivi ma mère. Elle m'a raconté l'histoire d'une mage très brillante et pleine d'espoir qui avait rejoint les Twin Horns peu après que mon père ait fait venir une jeune Alice de la ville de Valden.

Les yeux de ma mère se sont assombris lorsqu'elle a décrit comment elle et Lensa s'étaient immédiatement entendues, la nature effrontée et la franchise de Lensa s'accordant bien avec la timidité de ma mère. Lensa s'était bien débrouillée en tant qu'aventurière, même sans l'aide d'un groupe, et elle était déjà assez connue. Aussi, lorsqu'elle a demandé aux Twin Horns si elle pouvait se joindre à leur groupe, tout le monde a été surpris.

Ma mère a fermé les yeux et s'est arrêtée pour respirer. "Ce n'est qu'environ deux ans après son adhésion que l'accident s'est produit."

Je me suis crispé d'appréhension en imaginant quel genre d'accident avait eu lieu, mais ma mère a souri faiblement. "Ce n'est pas une calamité dramatique qui nous a frappés ; la vie de tout le monde n'est pas aussi excitante que la tienne."

Embarrassée, j'ai ri de manière inconfortable et me suis gratté la joue.

"Nous avons été négligents et sommes tombés dans une embuscade tendue par une meute de stingers. Aucun d'entre nous n'avait subi de blessures majeures et je n'y ai pas prêté attention. J'ai soigné les blessures superficielles de chacun." Ma mère a pincé les lèvres pour ne pas pleurer. "Le problème quand on est un émetteur, c'est que tout le monde s'attend à ce que tu saches comment guérir toutes les blessures - que ta magie est une formule unique, alors que ce n'est pas vraiment le cas."

Mon père a posé une main consolatrice sur le dos de ma mère qui frissonnait. "Je ne le savais pas non plus, à l'époque ; cela ne faisait pas si longtemps que je m'étais éveillé et je ne m'étais jamais complètement entraîné aux différents

aspects de la guérison. Je ne pensais pas en avoir besoin." Essuyant ses

larmes, elle a levé vers moi des yeux rouges. "J'ai refermé les blessures de tout le monde, mais le venin des queues des stingers avait infecté la chair en dessous. Tous les autres, y compris ton père, ont pu être soignés à temps, avant que le venin ne fasse de graves dégâts, mais la blessure de Lensa était proche de son noyau de mana, et, bien que j'aie refermé ses blessures, le venin s'est répandu."

J'ai pris une grande inspiration. "Alors…"

"Oui. Son noyau de mana a été infecté au point qu'elle ne pouvait plus pratiquer la manipulation du mana. J'ai volé à mon amie et coéquipière la seule vraie joie dans sa vie."

" Au moins, elle a survécu ", ai-je dit en essayant de la réconforter, mais elle a secoué la tête. "Elle est partie seule dans un donjon et n'en est jamais ressortie", a dit ma mère. "Elle avait toujours dit qu'elle voulait mourir glorieusement au combat, mais elle est allée dans un donjon à haut risque en sachant qu'elle ne pouvait pas utiliser la magie. Elle voulait se faire tuer. Et tu sais ce qui est le plus drôle ?" Ma mère a levé les yeux, essayant d'empêcher les larmes de couler alors qu'elle riait amèrement. "Si je n'avais pas refermé la plaie, le médecin aurait pu extraire le poison facilement. Elle aurait probablement été en bonne santé si je ne l'avais pas guérie."

J'ai ouvert la bouche, espérant que des mots se formeraient, mais aucun ne l'a fait. Mon père est resté silencieux lui aussi, sa main caressant toujours doucement le dos de ma mère.

Après quelques minutes, ma mère s'est calmée. "Depuis, j'ai peur d'utiliser correctement la magie pour autre chose que des blessures mineures. Lorsque nous avons été attaqués sur notre chemin vers Xyrus, j'ai à peine pu me résoudre à soigner ton père. Mais après que tu nous aies parlé de ton... secret et que tu sois parti t'entraîner, alors que nous étions terrés dans cette grotte, l'aînée Rinia m'a aidé. Je doute que la mort d'Adam soit un signe, mais après tout ce que les Twin Horns ont fait pour ton père et moi, je pense qu'il est temps pour nous d'être là pour eux."

La résolution dans les yeux de ma mère montrait clairement qu'elle ne disait pas ça pour obtenir mon approbation.

"Mais ce n'est pas la seule raison", a dit mon père à voix basse. "Maintenant que tu es de retour, ça me tue de penser que tu vas faire la guerre alors que nous sommes ici, en sécurité, à nous tourner les pouces et à attendre de bonnes nouvelles."

"Mais s'il arrive quelque chose à l'un de vous deux ? Qu'arrivera-t-il à Ellie ?" J'ai argumenté, toujours mal à l'aise à l'idée qu'ils aillent au combat.

"Vous pourriez..." J'ai coupé la parole, incapable de finir cette pensée à voix haute.

"Il en va de même pour toi, Arthur. Peu importe ta force, la mort vient rarement d'une simple faiblesse, elle se faufile quand ta garde est baissée. Je protégerai ta mère, et tu peux parier que notre but dans cette guerre sera de nous en sortir en un seul morceau et de revenir vers toi et ta soeur, mais tu dois faire de même." Mon père a fait une pause pendant une seconde alors que son regard se durcissait. "Nous ne t'avons peut-être pas élevé comme nous le pensions, avec tes souvenirs de vies antérieures et tout le reste, mais tu peux être sûr qu'Ellie te voit comme son frère aimant, alors ne sois pas trop pressé de te sacrifier pour un vague 'plus grand bien'. Tu dois sortir de cette guerre sain et sauf. Même si nous perdons cette guerre, il y aura toujours une chance de se battre. On ne perd vraiment que lorsqu'on meurt, parce qu'il n'y a pas de seconde chance après ça."

Je n'ai pas pu m'empêcher de rire doucement. "Eh bien..."

"Tu sais ce que je veux dire !", a lancé mon père, provoquant un léger sourire de ma mère.

À ce moment-là, un coup précipité a attiré notre attention sur la porte. Après avoir échangé des regards avec mes parents, j'ai dit : "C'est ouvert."

La porte en bois s'est ouverte pour révéler Virion, toujours dans la robe noire qu'il avait portée lors de notre rencontre avec les Vritra. "Mon garçon, tu as entendu ?"

"Commandant Virion !" Mes parents se sont levés de leurs sièges.

"Je vous en prie. Virion, c'est suffisant pour les parents d'Arthur", a-t-il répondu d'un geste rapide de la main.

"L'attaque ?" J'ai deviné, à en juger par son expression perturbée.

"Bien, tu l'as fait alors." Virion a hoché la tête. "Et tu l'as dit à tes parents ?" "Mes parents sont ceux qui me l'ont dit."

Les sourcils de Virion se sont levés en signe de légère surprise, mais il a simplement secoué la tête en regardant mes parents. "Alors vous avez dû apprendre ce qui est arrivé à votre ex-membre de groupe."

Mon père a répondu par un hochement de tête solennel.

"Vous avez mes plus sincères condoléances", dit sombrement le commandant. "Certains des soldats qui étaient là-bas viennent d'arriver au château. Je suis venu chercher Arthur, mais je suis certain qu'au moins le chef des Twin Horns est ici. Voulez-vous venir avec nous ?"

J'ai envoyé à Sylvie un message rapide lui disant que nous serions à l'étage inférieur et qu'elle devait rester avec Ellie, et nous nous sommes tous les quatre précipités vers la salle de téléportation.

Les imposantes portes en fer qui protégeaient la salle de téléportation avaient été laissées ouvertes. Des soldats, épuisés par la bataille, sortaient en titubant de la porte lumineuse au centre de la pièce. Certains avaient encore leurs armes dégainées et ensanglantées.

Des gardes s'alignaient le long des murs au cas où d'autres que des soldats dicathens passeraient le portail, et des servantes et des infirmières attendaient avec des bandages, des flacons d'antiseptiques et de pommades pour soigner les soldats gravement blessés qui étaient conduits ou transportés sur des civières.

J'ai repéré Helen en premier et j'ai fait signe à mes parents d'aller dans sa direction. Inutile de dire que le chef des Twin Horns était dans un état lamentable. Son plastron en métal était fissuré, et seul un fragment de son épaulière était encore attaché à elle. L'armure de cuir qui protégeait le reste de son corps était couverte d'entailles, bordée de sang séché, mais son expression n'était pas celle de la lassitude ou de la douleur. Il y avait une tempête furieuse dans ses yeux alors qu'elle descendait la plate-forme, son arc brisé toujours en main.

"Helen !" a crié mon père. Mes parents se sont immédiatement précipités vers Helen. Son expression s'est adoucie à la vue de mes parents, et elle leur a rendu leur étreinte.

J'ai laissé Virion, qui attendait toujours anxieusement que Tess traverse le portail, et je me suis dirigé vers Helen.

"Je suis heureux que tu sois saine et sauve", lui ai-je dit en la serrant doucement dans mes bras. "Je suis désolé pour ce qui est arrivé à Adam... Si seulement j'étais resté en bas avec toi…"

"Ne fais pas ça", Helen m'a arrêté. "Il n'y a rien de bon à penser comme ça. Ce qui est arrivé, est arrivé. La meilleure chose à faire est de se concentrer sur la façon dont nous allons faire payer ces foutus Alacryens et leurs animaux mutants."

"Ce sur quoi tu dois te concentrer pour l'instant, c'est sur ton repos", a dit ma mère. "Viens, nous allons demander à une infirmière de t'examiner."

Helen a insisté sur le fait qu'elle allait bien, mais elle a laissé ma mère la guider hors de la salle du portail, en suivant la trace des soldats blessés qui se dirigeaient vers l'aile médicale, mon père les suivant de près.

Je me demandais quand ils allaient parler à Helen de leur projet de rejoindre les Twin Horns, mais je suis resté près de la plateforme de téléportation, attendant le retour de Tess.

Les soldats qui s'étaient échappés avaient réussi à atteindre l'une des portes de téléportation cachées dans la Clairière des Bêtes, mais ils n'avaient pas eu le temps de faire un comptage. Il était possible que la horde de bêtes de mana puisse encore leur tendre une embuscade à l'extérieur du donjon. Chaque minute qui passait sans que Tess ne se montre me rendait encore plus inquiet. Cela ne devait pas faire plus de quelques minutes, mais j'ai eu l'impression que cela faisait une éternité que je regardais les visages inconnus sortir en titubant de la porte de téléportation. Finalement, un visage familier a surgi du portail - c'était le garçon nommé Stannard.

Il avait quelques éraflures sur sa tunique et son pantalon, et son visage était barbouillé de terre, mais il n'y avait pas de sang sur lui. J'ai pris ça comme un signe positif.

Je n'ai pas hésité, je me suis précipité vers lui et l'ai écarté dès qu'il a franchi le portail.

"Whoa ! Qu'est-ce que..."

"Où est Tessia ? Elle était avec toi ?" Je l'ai bombardé de questions, en serrant fortement son bras.

"Arthur Leywin ?" Un pincement au cœur a traversé son visage. "Aïe. Ta prise est un peu serrée." Je l'ai immédiatement lâché, mon regard dardant de Stannard à la porte de téléportation, au cas où Tess en sortirait.

"Désolé, Stannard. J'ai entendu parler de l'embuscade dans le donjon. Où est le reste de ton équipe ?" J'ai demandé avec impatience, forcé d'élever la voix par- dessus le bruit croissant des soldats gémissant, des ordres criés et des conversations précipitées alors que les amis et les camarades se retrouvaient dans le chaos.

"Ils auraient dû être derrière moi", a-t-il répondu en regardant en arrière. "C'était trop fou. Nous devions continuer à courir au cas où ils nous poursuivraient."

Stannard frissonnait et ses genoux se dérobaient. Je l'ai laissé s'appuyer contre moi et je l'ai aidé à aller sur le côté de la pièce, où il pouvait s'asseoir et s'appuyer contre le

mur.

En regardant l'état de chacun, j'ai réalisé qu'Helen avait clairement sous-estimé la gravité de l'embuscade. En jetant un coup d'oeil par-dessus la foule de soldats, j'ai repéré le reste des coéquipiers de Tess.

La fille nommée Caria portait Darvus, le garçon contre lequel je m'étais battue, sur son dos, malgré ses propres blessures multiples. Ses pieds traînaient sur le sol à cause de leur différence de taille. Ses cheveux bruns bouclés étaient emmêlés et maculés de sang aux extrémités, et son armure de cuir était en lambeaux au-delà de toute réparation.

Me précipitant vers eux, j'ai soulevé l'augmenteur inconscient du dos de Caria et l'ai porté moi-même, ce qui a semblé la surprendre. Elle m'a remercié, l'air épuisé, tandis que je la guidais vers Stannard.

Quand j'ai posé Darvus, il s'est réveillé avec un gémissement douloureux. Il a essayé de se concentrer sur moi sous ses cheveux sauvages, et dès qu'il a réalisé qui il fixait, ses yeux vitreux se sont rétrécis. "Toi... à cause de ta technique sanglante, je n'ai pas pu rassembler de mana pour me battre !".

Malgré sa colère, sa voix est sortie rauque et faible. "Je suis désolé. Je le suis vraiment."

Darvus s'est effondré contre le mur avant de retomber inconscient, rejoignant Stannard endormi.

J'ai pris un pichet d'eau à une servante qui passait et l'ai donné à Caria. Elle a immédiatement porté la cruche en verre à ses lèvres, faisant couler l'eau sur son front en avalant maladroitement tout le contenu avant de me rendre le récipient vide. Elle s'est effondrée à côté de Darvus, visiblement épuisée. "Caria." J'ai doucement secoué son épaule pour l'empêcher de s'endormir. "J'ai besoin de savoir ce qui est arrivé à Tessia."

Les yeux de Caria étaient déjà à moitié fermés. Elle semblait sur le point de parler quand, au lieu de cela, ses lèvres se sont courbées en un sourire et elle a pointé derrière moi sans rien dire.

Confus, j'ai regardé par-dessus mon épaule. Sortant en titubant du portail, sale, les vêtements en lambeaux, les cheveux en désordre, l'armure cabossée et fissurée, mais vivante et en un seul morceau, c'était Tessia.

144

LES CHIFFRES DERRIÈRE L'ÂGE

TESSIA ERALITH

J'ai traversé la porte de téléportation et suis monté sur une plateforme, fatigué et frustré. J'aurais pu aider là-bas, mais ils ne m'ont pas laissé faire. Les soldats qui étaient restés pour se battre avaient tous dit la même chose : je devais partir, ma sécurité était la priorité.

À quoi bon s'entraîner si durement si tout le monde me traite comme une sculpture de verre ?

J'ai pris une grande inspiration, espérant expulser la frustration, mais tout ce que cela a fait, c'est me rappeler à quel point j'avais soif. J'ai regardé autour de la foule de soldats, de gardes et d'infirmières pour trouver quelqu'un avec l'eau dont j'avais besoin pour étancher ma gorge desséchée. Puis j'ai aperçu mes coéquipiers.

Stannard et Darvus étaient endormis contre le mur. Caria était assise, parlant à quelqu'un, puis elle m'a montré du doigt. L'homme à qui elle parlait a tourné la tête.

Ma poitrine s'est serrée quand il s'est levé de sa position accroupie. Ses sourcils froncés et le regard acéré avec lequel il considérait son environnement se sont instantanément détendus lorsqu'il m'a regardé fixement.

C'était Art.

Je l'ai fixé sans réfléchir alors qu'il s'avançait vers moi. La première fois que je l'avais vu, deux ans plus tard, il était couvert de sang et de crasse et ressemblait à un monstre. Cependant, l'Art qui s'approchait de moi ressemblait maintenant à une une personne complètement différente.

Vêtu d'une tunique blanche tranchante, luxueusement garnie d'or, et d'un long manteau noir qui semblait l'envelopper de mystère,

il dégageait une sorte d'aura grandiose qui dépréciait toutes les familles royales de Dicathen. Ses longs cheveux étaient attachés, accentuant les lignes acérées de sa mâchoire. Sa frange auburn tombait en désordre sur son front et devant ses yeux azur, qui se plissaient avec son sourire à couper le souffle.

Il était presque sur moi avant que je ne sorte de mon étourdissement. Il y avait des soldats et des gardes à proximité et je devais garder mon calme. Cela faisait à peine un jour que je n'avais pas vu Art, et à en juger par son comportement à ce moment-là, j'étais sûr qu'il n'aimait pas les réunions émotionnelles en public.

Avec une toux rauque, j'ai essayé de me redresser, de me gonfler pour avoir autant d'assurance et de dignité que possible, malgré mon apparence négligée. Je lui ai tendu la main pour qu'il la serre, en gardant une expression stoïque. "C'est bon de te revoir si vite, Arth-"

Mais mon geste a été ignoré. Sa main puissante s'est glissée sous mon bras, atterrissant fermement dans mon dos et me tirant vers lui. J'ai trébuché en avant à cause de la force soudaine et mon visage s'est pressé contre sa tunique fine, me baignant dans sa chaleur.

Je suis resté immobile dans son étreinte. J'avais été approchée, poursuivie et courtisée par presque tous les hommes assez courageux pour regarder au-delà de ma lignée, et les seules choses que j'avais jamais ressenties pour eux étaient de la pitié et de l'agacement. Mais maintenant, mon corps était comme s'il avait été gelé et fondu en même temps.

Je ne saurais dire si la pièce s'est tue ou si mon ouïe a disparu, mais mes autres sens ont été submergés. Dans le havre de sécurité que constituaient ses bras robustes, un léger parfum de chêne et une brise océanique vivifiante m'emplissaient le nez tandis que je le sentais enfouir son visage dans mon cou.

Mes membres sont restés figés, mais mon estomac vide s'est agité de façon incontrôlée lorsque le bras d'Art s'est resserré un tout petit peu plus.

Art a finalement parlé. "Je suis content que tu ailles bien." Son souffle chaud a soufflé contre mon cou, me donnant des frissons dans le dos. Mes bras ont tressailli, voulant instinctivement de le serrer dans mes bras, mais les regards perçants de tout le monde autour de nous m'ont fait arrêter.

"Bien sûr que je vais bien", ai-je dit, rassemblant tant bien que mal la force de le repousser malgré toutes les fibres de mon corps qui me poussaient à le rapprocher. Je pouvais sentir le sang remonter le long de mon cou jusqu'au sommet de ma tête alors que je fixais Art, son visage à quelques centimètres du mien.

Je pouvais voir ses yeux bouger, tracer chaque trait de mon visage tandis qu'il m'étudiait. Prenant une profonde inspiration, comme si on lui avait enlevé un grand poids, il m'a regardé avec un sourire doux. "Viens. Je vais te conduire à ton grand-père."

J'avais l'impression de nager dans une sorte de liquide épais et visqueux dans ma tête. Le monde autour de moi se confondait avec des conversations étouffées et des ombres de personnes que je n'arrivais pas à distinguer. Mon corps semblait se déplacer tout seul, agissant et répondant à l'instinct, tandis que mon esprit se repassait en boucle mon arrivée au château. Maintenant que je m'en souvenais, je commençais à analyser chaque action et inaction de la scène, essayant de donner un sens à chaque chose qu'Art avait faite

-la fermeté et la tendresse de son étreinte, le désespoir et le soulagement qui s'étaient échappés de lui lorsque ses yeux s'étaient fixés sur les miens.

Je me suis repassé la scène encore et encore dans ma tête, pinaillant sur chaque petit détail. Cependant, la conclusion à laquelle j'arrivais à chaque fois était la même. Je détestais la façon dont il était posé à chaque fois que nous nous rencontrions. Et, après tout ce temps, je détestais à quel point je me sentais encore faible et impuissante face à lui.

Je n'ai pas pu voir beaucoup Art après nos premières retrouvailles au château. Dès que mon grand-père m'a libérée de son étreinte, j'ai été emportée et escortée dans ma chambre par une équipe d'infirmières. Après avoir vérifié que mes coéquipiers avaient été soignés, je me suis glissé avec précaution dans mon lit, me réconfortant dans le fait que ma chambre meublée simplement était exactement comme je l'avais laissée.

Pendant que les infirmières enlevaient mon armure et m'essuyaient avec des serviettes parfumées, je sentais mon corps s'enfoncer de plus en plus dans les draps jusqu'à ce que le monde se transforme en obscurité.

"Tu devrais lui dire, Virion." La voix familière d'Art m'a tiré de ma torpeur. En me frottant les yeux, j'ai louché sur le soleil matinal qui dépassait à peine la couche de nuages en dessous de nous.

J'ai pris une seconde pour évaluer la situation, puis une pensée effrayante m'a frappé. J'ai immédiatement jeté un coup d'œil sous mes couvertures, en poussant un soupir de soulagement de me trouver habillé.

"Elle va finir par le découvrir. Tu ne peux pas lui cacher quelque chose comme ça, c'est impossible." La voix étouffée de Art venait de l'autre côté de la porte. Il parlait à voix basse mais ses mots résonnaient clairement dans mes oreilles.

"Ce n'est pas grave si elle l'apprend plus tard, mais elle n'est pas prête pour ça. Maintenant, chut ! Et si elle l'entend ?" me chuchote mon grand-père. "Elle t'écoutera si tu la respectes assez pour le lui dire. Si elle l'apprend par quelqu'un d'autre, que crois-tu qu'elle fera ?" Art a répliqué, sa voix devenant plus tranchante.

"Bon sang, mon garçon. Et si elle décide de partir ? Alors quoi ?"

"Nous le saurons après avoir entendu sa réponse. Virion, toi et moi savons de quoi ta petite-fille est capable une fois qu'elle a décidé de faire quelque chose."

"Je sais", a répondu mon grand-père. "Je ne peux pas... ces bâtards de Vritra ont assassiné Cynthia ici même dans ce château, Arthur ! Et si..."

Je n'ai pas pu entendre le reste de leur conversation à cause du bruit de mon coeur qui battait de plus en plus fort. Maître Cynthia est morte ? C'est impossible, pas vrai ?

Maître Cynthia a toujours été de loin supérieure à tous ceux que je connaissais en termes de capacités magiques. Son expertise en matière de manipulation du mana était comparable, voire supérieure, à celle de mon grand-père. Elle m'avait tout appris, du contrôle de base à l'exécution avancée de sorts en combattant à l'épée.

Il est impossible qu'elle ait pu être tuée par ces brutes de Vritra. J'ai essayé de m'en convaincre, mais mes mains tremblaient en serrant ma couverture.

Je me suis assise dans le lit, essuyant une larme égarée qui avait réussi à s'échapper, et j'ai attendu qu'ils entrent.

Je répondis immédiatement lorsqu'ils frappèrent à la porte. Vêtu simplement d'une tunique grise et d'un pantalon noir, les cheveux attachés en un nœud, Art est entré le premier. Il était suivi de mon grand-père, qui portait la même robe noire que celle qu'il portait hier.

Après un regard vers moi, Art a soupiré et a fermé les yeux. "Qu'est-ce que tu as entendu ?"

"Assez", ai-je répondu sans ambages.

Mon grand-père a fait un pas en avant, le visage froncé par l'inquiétude. " Petite... " Je l'ai interrompu et j'ai dit : " Conduis-moi à elle, s'il te plaît ", tout en me glissant hors du lit pour trouver quelque chose à mettre sur ma chemise de nuit.

Je suis restée silencieuse pendant que nous descendions les escaliers de pierre, le seul son provenant de l'écho de nos pas. Mon grand-père ouvrait la marche et Art me suivait de près.

Mon grand-père me regardait sans cesse, mais il n'a rien dit jusqu'à ce que nous atteignions l'étage le plus bas, où se trouvaient les cachots et les cellules.

"Pourquoi Maître Cynthia est-elle enfermée dans un endroit aussi sale et dégradant ?" J'ai demandé. "Ces pièces sont pour les meurtriers et les traîtres."

"Nous n'avons pas de cimetière dans ce château, Tessia. Nous la gardons ici jusqu'à ce que les circonstances nous permettent de lui donner une sépulture en toute sécurité", répondit patiemment mon grand-père. "Et le donjon est vide depuis le début de la guerre, depuis que nous avons déplacé tous les prisonniers vers des donjons plus éloignés sur le terrain."

Alors que le reste du château était bien entretenu, le niveau du donjon semblait conçu à dessein pour repousser ceux qui pourraient y être détenus. Une faible lumière, fournie par une poignée d'artefacts fixés aux murs le long du couloir principal,

révélait des champignons poussant entre les blocs de pierre et d'épais filets de sangles poussiéreuses drapés au plafond. Des odeurs fétides et de moisi se mêlaient à l'odeur presque toxique de la pourriture et des déchets et, malgré les paroles de mon grand-père, je me suis dit que ce n'était pas un lieu de repos approprié pour un conjurer aussi renommé. Au moins, elle n'était pas entourée par les cris et les gémissements des prisonniers-

seul un silence creux subsistait.

Au bout du couloir, il y avait une seule porte métallique avec un soldat qui montait la garde.

"Ouvrez la porte", a ordonné mon grand-père.

Le garde en armure a hoché la tête, son expression cachée sous son casque, il a fait un pas sur le côté et a tourné la poignée rouillée sans se retourner. La porte métallique a crissé contre le sol irrégulier. Un cercueil de pierre sans défaut reposait au centre de la cellule vide, avec un petit tas de fleurs sur le dessus. "Seules quelques personnes sont au courant de sa mort", a expliqué mon grand-père en s'approchant et en posant doucement une main sur le dessus du cercueil en pierre.

"Elle mérite une cérémonie publique. Tous ses étudiants, les professeurs qui ont enseigné à Xyrus... elle ne mérite pas d'être ici", ai-je marmonné.

Mon grand-père a hoché la tête. "Je sais..."

"Alors pourquoi ?" J'ai dit durement. "Pourquoi mon maître est-il en train de pourrir dans un coin de cet immonde donjon ? Pour tout ce qu'elle a fait pour ce continent, elle mérite un cercueil en diamant et des funérailles dans tout le pays ! Elle... elle mérite tout sauf... ça."

"Tessia..." Grand-père a posé sa main doucement sur mon dos, espérant peut- être calmer ma colère.

"Comment as-tu pu me cacher ça, grand-père ? Si je ne t'avais pas entendu à travers la porte, quand l'aurais-je découvert ? Après la guerre ?" Je me suis moqué, repoussant sa main alors que les larmes brouillaient ma vision. "Y a- t-il autre chose que tu me caches ? Malgré tout ce que j'ai fait pour te montrer que j'étais mature, tu me traites encore comme une enfant..."

"C'est parce que tu es un enfant", a dit Art.

"Quoi ?" J'ai hurlé, mon visage devenant rouge de colère. "Comment peux-tu, tu devrais savoir mieux que quiconque ce que je ressens, mais tu me traites d'enfant ? Toi, entre tous ?"

Le visage d'Arthur s'est transformé en un masque dur alors que je soufflais de frustration.

L'œil sévère avec lequel il me regardait remettait en question mon souvenir de l'accolade affectueuse d'hier.

"Peut-être que je dis cela parce que je vous connais si bien, toi et Grand-père Virion. Ce que tu fais en ce moment - te mettre inutilement en danger juste pour prouver quelque chose - n'est pas mieux qu'un enfant qui fait une crise de colère", poursuivit Art.

"Arthur", a coupé mon grand-père. "Assez."

"Comment oses-tu ?" Je me suis emporté, les larmes coulant sur mes joues.

"Si tu prenais une minute pour réfléchir à toute cette situation, tu comprendrais pourquoi ton grand-père a dû garder le secret. Que crois-tu qu'il se passerait s'il annonçait que quelqu'un a été tué par notre ennemi dans ce qui est censé être l'endroit le plus sûr du continent ?" Art a dit, son regard implacable.

"Eh bien, je suis désolé que tout le monde ne soit pas aussi intelligent que toi !". J'ai rétorqué. Le regard d'Art s'est adouci. "Tu n'as que dix-sept ans, Tess..."

"Et tu n'as que seize ans. Pourtant, grand-père, maître Aldir et même maître Cynthia ne t'ont jamais traité comme un enfant, même si tu es plus jeune que moi ", ai-je argumenté.

"S'ils me considèrent comme un adulte, c'est quelque chose qu'ils ont fini par comprendre d'eux-mêmes. Je n'ai pas délibérément essayé de le prouver", a-t- il répondu.

"En quoi est-ce juste ?" J'ai étouffé un sanglot. "Tu peux faire ce que tu veux parce que tu es assez bon, mais peu importe ce que j'essaie ou ce que j'accomplis, je serai toujours une demoiselle qui a besoin de protection !"

"Ce n'est pas ça, Tessia. Ton grand-père et moi…"

"Quoi ?" Je l'ai interrompu, le visage engourdi par la colère. "Tu veux tellement m'enfermer et m'isoler de tout ce qui est potentiellement dangereux ou angoissant que tu ne peux même pas me dire que mon propre maître a été tué ? Ou c'est parce que..."

"Parce que si nous te le disions, la première chose que tu essaierais de faire serait de trouver le Vritra qui a tué Cynthia afin de te venger, et de te faire tuer !" Arthur a explosé.

C'était la première fois que je l'entendais élever la voix à ce point. Cela a stupéfié non seulement moi et grand-père, mais même le garde qui se tenait dehors.

" Tu... tu ne le sais pas ", ai-je nié.

"Je ne le fais pas ?" Arthur a insisté. "Parce que je sais pertinemment que si tu agis de la sorte, ce n'est pas parce que Virion ne t'a pas dit que le Directeur Goodsky était mort. Tu n'es pas en colère contre lui, tu es en colère contre toi-même d'avoir quitté ton maître pour aller prouver à tout le monde combien tu serais fort et utile à la guerre."

"Ce n'est pas à propos de..." Mais je n'ai pas pu finir ma phrase. Je me suis effondré, tombant à genoux et sanglotant de façon incontrôlable.

"Arthur ! Je pense que tu en as assez dit", a grogné mon grand-père. "Garde. Escorte-le dehors."

Je n'ai pas levé les yeux quand Art est parti. Je ne savais pas quelle expression il avait sur le visage, ni s'il était désolé. C'était trop.

"Tessia. Prenons un peu de temps ensemble pour rendre hommage à Cynthia. Je suis sûr qu'au lieu d'avoir des millions de personnes à une cérémonie, elle aurait préféré avoir les quelques personnes qu'elle chérissait vraiment qui la pleurent."

J'ai fait un signe de tête tremblant et j'ai murmuré, "Merci". Nous nous sommes tous deux tournés vers le cercueil de pierre lisse dans lequel reposait mon maître. Des vagues d'émotion ont continué à se balancer et à tourner en moi.

Grand-père s'est agenouillé à côté de moi, caressant doucement mon dos tremblant. "Après ça, je te dirai tout."

145

DES ALLIÉS INESTIMABLES

''Je comprends ton problème, Grey, mais je ne suis pas sûre d'être la bonne personne pour t'aider avec ça,'' la directrice dit. ''Peu importe à quel ton centre de ki peut être inférieur comparé à la plupart des enfants de ton age, tu restes un enfant avec bien assez de temps pour que cela change. Par contre, et je dis ça comme un conseil de vie en général, si tu te trouve à manquer de ressources, économises ce que tu as pour quand tu en auras le plus besoin.''

J'ai médité sur sa solution cryptique pour mon centre de ki.

''Merci, directrice Wilbeck.'' Je souris avant de me diriger vers la porte. ''Oh, et Grey ?'' la directrice appela de derrière son bureau.

Je m'arrêta, faisant dépasser ma tête de la porte. ''Oui ?'' ''Comment Cecilia se porte avec toi et Nico ?''

''Et bien…'' je fis une pause. ''À part ces petits accidents, je dirais qu'on arrive lentement à la faire s'ouvrir à nous.''

''Elle ne vous a pas encore dit un seul mot, c'est ça ?'' directrice Wilbeck soupira. ''Nope. Pas un seul.''

''Très bien. J'espère vraiment que vous allez continuer d'essayer de casser sa coquille, ceci dit. Si qui que ce soit peut le faire, c'est bien vous deux.''

Je retourna dans son bureau. ''Directrice ?'' ''Hmm ?''

''Pourquoi nous poussez-vous autant à devenir amis avec Cecilia ?'' je demanda. Les lèvres de la directrice se contractèrent en un doux sourire alors qu'elle se levait de sa chaise. ''Ça , mon enfant, est une histoire que j'espère elle vous racontera elle-même.''

''Je veux dire, elle semble assez normale, mais tout le monde est effrayé d'elle à cause de ces accidents, même si ç n'arrive que de temps en temps.'' Je me gratta la tête. ''Pas que moi ou Nico ont peur d'elle ou quoi que ce soit mais… vous savez. Quelques enfants ont été envoyés à l'infirmerie à cause d'elle, donc je pensais qu'il serait mieux qu'on en sache plus pour pouvoir l'aider.''

Marchant atour de son bureau, directrice Wilbeck ébouriffa mes cheveux. ''Ton job, n'est pas de l'aider; c'est d'être son ami. Laisse moi prendre le soin de l'aider.''

''Oui, Mère.'' je salua.

Les doux yeux, tournés vers le bas, de la directrice s'écarquillèrent de surprise à mes mots. ''C'est Directrice Olivia ou Directrice Wilbeck pour toi Grey.'' Sa voix était ferme mais ces yeux la trahissaient.

Je ne voulais pas m'en aller. Je voulais rester dans son bureau et l'aider à abattre cette pile de papiers qui semblait ne jamais diminuer, mais je savais qu'elle ne m'y autoriserait pas. Comme un disque rayé, elle me disait toujours que c'était son travail, pas le mien.

Je quitta le petit bureau en traînant des pieds, et je traversa péniblement le hall vers ma chambre.

J'ai souvent imaginé ma vie de si j'étais le fils de la directrice Wilbeck. Sa voix sévère, mais aimante me réprimandant chaque fois que je m'attirais des ennuis. J'aurais fait ce j'aurais pu pour l'aider à la maison : faire la vaisselle, sortir les poubelles, passer la tondeuse. Et quand elle serait rentrée, j'aurais massé ses épaules, qu'elles semblaient toujours frotter.

Nico m'avait dit que c'était bizarre pour moi de vouloir faire autant pour elle, disant que c'était plus le boulot d'une fille de gâter la mère, mais je n'étais pas d'accord. Si j'avais une mère comme Directrice Wilbeck, j'aurais fait en sorte de la dorloter. Je l'aurais aidé à se teinter ces mèches blanches de sa chevelure brune, et une fois que j'aurais été assez vieux, j'aurais obtenu beaucoup d'argent et lui aurais acheté des vêtements chers, même une voiture et une maison.

Peut-être était là la différence entre quelqu'un qui avait connu ses parents, comme Nico, et quelqu'un comme moi. Je n'avais pas un seul souvenir d'à quoi mes parents ressemblaient. Nico haïssait les siens ; juste la mention de son nom de famille, Sever, le mettait hors de lui. Mais je n'en avais même pas. Pour moi, il y avait un confort étrange de m'imaginer en tant que Grey Wilbeck, fils d'Olivia Wilbeck.

Le craquement aigu du plancher sous mon pied m'arracha de ma fantaisie, et je lâcha un long soupir de défaite. Je m'agenouilla sur le vieux plancher mal aligné et le remit à sa place. Testant le sol avec mon pied, j'acquiesça, satisfait du silence de la planche.

Un groupe d'enfants arrivèrent en courant par le hall, se suivant les uns les autres. ''Grey ! Ça sera toi le loup !'' une petite fille nommée Theda rigola en courant vers moi, les bras écartés.

''Ah ouais ?'' Je lui tira la langue. ''Je parie que tu n'y arriveras pas !''

Theda accepta le challenge et accéléra. Aussitôt que j'étais à sa portée, elle attrapa au niveau de ma taille, espérant attraper mon haut, mais j'ai facilement tourné hors de portée.

Je ris victorieusement. ''Tu vas devoir faire mieux que ç-'' J'esquiva à ma droite, juste à temps pour éviter la main d'Odo.

Le reste des enfants avec qui Theda jouait venait de nous rejoindre, décidant qu'ils étaient tous ''le loup'' dans cette partie impromptu.

Les garçons et filles foncèrent sur moi, bras grand ouverts pour couvrir plus de terrain, mais j'ai facilement évité, comme si je dansais autour d'eux. Ils s'agitaient désespérément et essayaient d'utiliser chaque partie de leur corps dans l'espoir de me toucher, mais c'était inutile.

Finalment, Theda et ses amis ont été malins et on commencé à m'encercler, se rapprochant lentement de moi en gloussant d'excitation. Une fois qu'ils étaient assez près, ils sont devenus impatients et ils me sautèrent dessus.

Mais juste alors qu'ils allaient me toucher, j'ai sauté en l'air, rattrapant la chaîne cassée qui supportait le vieux chandelier, avant qu'il soit vendu. Utilisant l'élan de mon saut, je me balançai avec la chaîne, serrant assez fort pour ne pas glisse. Theda, Odo, et leurs amis butèrent entre eux, surpris d'avoir loupé leur cible.

Me lançant de la vieille chaîne, j'atterris un mètre plus loin et planta mes mains sur mes hanches, riant victorieusement. ''Vous êtes tous cinq ans trop jeune pour vaincre le grand Grey !''

''Pas juste.'' Odo grogna, frottant sa tête.

''Ouais ! T'es trop rapide.'' Theda affirma, se tirant hors du tas d'enfants.

''Chut. Seulement des faiblards se plaindraient après une défaite,'' je dis, d'une voix plus grave. ''Maintenant j'y vais ! Mes pouvoirs héroïques sont requis autre part.''

Je courus alors que les enfants ricanaient entre eux.

''Le fier Grey est arrivé !'' j’annonçais, ouvrant la porte de ma chambre. ''Oui, oui. Ferme la porte tant que tu y es.'' Nico répondit, ne se tournant même pas pour me regarder. Il trafiquait avec quelque chose sur son lit encombré.

''Les enfants sont plus amusant que toi,'' je dis, et claqua de la langue. ''Bon, tu fais quoi ?''

Nico tenait haut sa main droite, couverte dans un gant noir flou. Il avait un sourire fier sur le visage.

''Tu aimes tricoter maintenant ?'' je demanda avec un sourire narquois, m'approchant du gant. Nico étira sa main gantée m'attrapant l'avant-bras. Une soudaine vague de douleur, comme une crampe musculaire intense, irradiaient mon bras de la poignée de Nico. Mon colocataire relâcha immédiatement, mais il avait un air suffisant collé au visage. ''Ne jamais sous-estimer le pouvoir de la couture.''

''C'est quoi ce bordel ?'' Mon regard bascula de son gant à mon bras engourdi, puis de retour sur le gant.

''Stylé, hein?'' Nico fixait avec contentement sa main gantée. ''Après la course- poursuite avec ces voyous, je cherchais un moyen de me défendre au cas où quelque chose de similaire arriverait de nouveau. Et après avoir compilé les notes d'un livre assez intéressant que j'ai trouvé, sur les matériaux conducteurs de ki, j'ai été capable de fabriquer ce gant.''

''Comment ça marche ? Pourquoi ai-je eu une crampe au bras quand tu m'as attrapé ?'' je demanda, mes doigts voulant saisir la nouvelle création de Nico. ''C'est assez cool, en fait,'' Nico dit, écartant ma main. ''Il y a ces microfibre sur la palme des gants qui peuvent conduire le ki jusqu'à un certain degré. Les microfibres s'allongent en réaction à mon ki et atteignent les muscles quand j'attrape quelqu'un. Il y a une petite pierre conductrice à l'intérieur du gant qui exploite le ki que j'émets, et transmets aux microfibres allant au muscle de mon ennemi. Dans mon cas, c'était ton bras.''

''C'est plutôt cool, mais pourquoi n'apprends pas-tu juste à te battre comme moi ?'' ''De un, tu n'as jamais appris à te battre. Et j'ai besoin de jouets comme

ceci car, pas comme quelqu'un,'' - ses yeux se posèrent sur moi - ''Je n'ai pas les réflexes de carnivores primitifs. Si je devais les évaluer, mes réflexes se situeraient quelque part entre un paresseux et une tortue.''

Je gloussa à la comparaison. ''D'accord, le gant a l'air utile et tout, mais il semble que ça ne fera que te gagner un peu de temps.'' Je pointa, étendant ma main crispée.

''Yep. Et l'autre défaut c'est que les microfibres sont chères, et ne tiennent pas très longtemps.'' Nico dit en enlevant le gant noir. ''J'ai dépensé un peu de l'argent qu'on a tiré des bijoux pour acheter les matériaux..''

Je regarda les piles de livres amassés de son côté de la chambre. ''Je suis sûr que tu trouveras un moyen pour le contourner. Comment as-tu donné le reste de l'argent à la directrice ?''

''Ah ! Je l'ai donné à un gars que je connais. Il l'a donné à Directrice Wilbeck en tant que ‘généreux don’ en retour d'un pourcentage pour son service.''

Je grogna. ''Combien d'argent a finalement terminé pour l'orphelinat ? Avec tes livres et matériaux, plus donner sa part au ‘gars que tu connais,’ je doute que seulement la moitié soit parvenue à la directrice.''

''Je n'avais pas d'autre choix. Jamais Olivia ne prendrait de l'argent de notre part. Elle commencerait juste à nous bombarder de questions.''

''C'est directrice Wilbeck'' je corrigea, tapotant la tête de mon ami. ''De toute façon, j'ai eu quelques livres que tu pourrais utiliser aussi. Regarde ça !'' Nico s'exclama, utilisant son pouce pour m'indiquer la petite pile de livres derrière lui. ''Oh !'' Je pouvais sentir mes yeux s'illuminer en m'approchant des livres. ''Très bien. Ce magnime gentleman te pardonne.''

''C'est magnanime,'' Nico dit, secouant la tête.

Ne trouvant rien à contredire d'intelligent, je décida de laisser tomber. Juste après, la chambre commença a trembler.

Je grogna. ''Ne me dis pas-''

''Yep, Cecilia encore. Elle a un autre accident.'' Nico dit.

On resta dans nos lits alors que les vagues de tremblement sans rythme continuèrent.

''C'est plus long que d'habitude cette fois.'' Je nota. Nico se leva et mis son gant. ''Allons voir ça.''

''C'est dangereux ! Tu te souviens de ce qui est arrivé au dernier volontaire qui a essayé de la contenir ?''

''Oui. Il n'a même pas pu s'approcher d'elle. C'était plus un ours qu'un homme d'ailleurs.'' Nico secoua sa tête au souvenir douloureux. ''Je ne peux juste pas supporter attendre comme ça avant qu'elle s'évanouisses. Je ne peux même pas imaginer à quel point ça doit lui faire mal.''

Je me leva en soupirant, résigné, prêt à le rejoindre; puis une pensée me frappa. ''Tu l'aimes, c'est ça ?''

''Pas moyen ! Je ne connais même pas cette fille.''

Je ne répondis pas, mais je ne pouvais pas empêcher le sourire se dessinant sur mon visage.

Les sourcils de Nico tremblèrent. ''Oui bon, je pense juste qu’elle est assez jolie. C'est tout !'' ''Mhmm.'' J'esquivais la claque de mon ami.

Des morceaux de plâtre tombèrent du plafond dans le couloir alors que l'orphelinat entier tremblait.

Sur notre chemin jusqu'à la chambre de Cecilia, je remarqua Theda et Odo cachés sous la table avec quelques enfants faisant partie des plus jeunes.

Virant à gauche à la fin du couloir, Nico et moi s'arrêtèrent devant une porte métallique, isolée de toute les autres chambres de la maison géante. Directrice Wilbeck était déjà là, avec quelques-uns des volontaires aidant à nettoyer et entretenir l'orphelinat. Le tremblement s'était intensifié. Un des volontaires, Randall – un homme gentil et imposant dans la fleur de l'âge, qui aidait avec le jardin – se préparait à entrer alors qu'un autre travailleur essayait d'ouvrir la lourde.

Mais avec l'intensité de cet épisode, il n'y avait aucun moyen Randall pouvait atteindre Cecilia. Piquant le gant de la main de Nico, Je partis pour la porte.

''Qu-Grey!'' Nico appela.

Avant que qui que ce soit ait la chance de réagir, je passa devant Randall jusque dans la chambre au moment où la porte s'ouvrit. Une fois à l'intérieur, je bondis sur le côté, esquivant d'un cheveu la force qui envoya Randall s'écraser contre le mur du corridor.

J'avais entendu parler de la particularité de Cecilia, mais partir à l'assaut tête baissée rendait les histoires ressembler à des contes pour enfants.

Me concentrant, je couru vers le centre de la large chambre où Cecilia convulsait. Un regard de panique traversa son visage quand elle me vit. La mystérieuse fille Directrice Wilbeck avait amenée était une irrégularité parmi les utilisateurs de ki. Même le plus capable des pratiquants pourrait, au mieux, produire une petite vague d'énergie avec son ki, mais le centre de ki de Cecilia était si vaste qu'elle était capable d'envoyer des torrents de ki.

Mais elle n'était pas capable de le contrôler, et de ce que j'avais entendu les autres dire, ces explosions de ki était causé par même la plus petite perturbation de ces émotions. Tandis que beacoup d'utilisateurs de ki considéreraient ce pouvoir comme un don du ciel, pour une adolescente comme elle, je ne pouvais le voir que comme une malédiction.

Me précipitant seulement par instinct, j'esquivais maladroitement les souffles de ki tirés vers moi. Un coup et je tomberais inconscient, dans le meilleur des cas.

De la sueur froide coulait de mon visage alors que je jouais au loup avec une force presque invisible qui avait le pouvoir de me briser les os comme un bâton. Je sentis une légère brise et fit une roulade instinctivement à ma gauche, esquivant de peu un autre souffle de ki. Un bruit sourd retentit sur le mur derrière moi où le ki avait frappé.

J’avançai ma main portant le gant, espérant que je sois capable d'atteindre Cecilia, mais mes instincts s'affolèrent encore une fois et j'ai sauté maladroitement encore une fois, à ma droite. Un autre bruit faisant écho derrière moi.

''Tu ne peux pas !'' Cecilia dit la mâchoire crispée. ''Tu vas être b-blessé.''

Elle était allongée sur son lit, qui avait été démoli ; rembourrage d’oreiller et mousse de matelas dispersés sur le sol. Je commençais à ramper vers elle, roulant immédiatement quand je sentis une autre vague de ki. Cette fois par contre, le bord du souffle avait frôlé mon bras droit.

J'ai alors retenu mon cri et me força à ramper plus vite, ignorant mon bras lancinant. Atteignant désespérément avec ma main gauche, j'envoya tout le ki que je pouvais réunir dans le gant que Nico avait fabriqué et prié pour que mon idée fonctionne.

Je plaça ma paume juste au-dessus de l'estomac de Cecilia, où son centre de ki se situait. Expulsant tout mon ki, je sentis le gant de Nico palpiter.

Cecilia lâcha un cri de douleur étouffé, ses yeux en amandes s'écarquillant, puis se refermant alors qu'elle tombait inconsciente. Des mèches de ses cheveux blonds retombèrent sur son visage et ses joues rougies commençèrent à retourner à leur originale couleur crémeuse.

J'ai essayé de me lever, mais mon corps refusa d'écouter. J'avais surmené mon ki.

Pitoyable, je pensa, avant de rejoindre Cecilia dans sa torpeur.

ARTHUR LEYWIN

"Monsieur ! S'il vous plaît, réveillez-vous !" Une voix inconnue m'a réveillé en sursaut, me tirant des souvenirs indésirables de mes rêves.

Ma vision s'est concentrée et j'ai pu distinguer la forme d'une femme, dont les traits étaient assombris par la lumière derrière elle. "Monsieur ! Je vous en supplie. S'il vous plaît, nous avons besoin de vous laver et de vous préparer pour le discours du Commandant Virion !" La servante me secoua doucement le bras, mais je me détournai d'elle, encore à moitié endormi.

"Pousse-toi de là. Je vais le réveiller ", grogna une voix familière, et un fort craquement résonna dans sa direction.

Je me suis immédiatement levé d'un bond, attrapant le projectile de foudre dans ma main.

"Bairon. C'est un déplaisir de te revoir", dis-je sèchement. J'étais encore d'une humeur massacrante suite à ma dispute avec Tessia hier.

"Je vois que tu as appris de nouveaux tours", a répondu Bairon, la main toujours tendue.

Cela faisait plus de deux ans que je n'avais pas vu la Lance blonde. Il n'avait pas beaucoup changé, sauf qu'il avait coupé ses cheveux courts et que la mine renfrognée de son visage était encore plus sévère.

"Tu ne sais pas que c'est déshonorant d'attaquer quelqu'un par derrière ?" J'ai demandé, en sautant de mon lit.

"Eh bien, nous sommes en guerre", a-t-il haussé les épaules, puis il s'est retourné pour sortir par la porte. "Maintenant, va te changer. Le reste des Lances est déjà à la porte de téléportation."

J'ai regardé Bairon, dont j'avais tué le frère, sortir de ma chambre. Lui et moi aurions toujours nos différends, mais je comprenais ce qu'il voulait dire quand il disait que nous étions en guerre : nous étions tous deux inestimables.

La servante s'est timidement approchée de moi. "Monsieur, s'il vous plaît. Je déteste continuer à vous harceler mais..."

"C'est bon, Rosa. Je viens juste d'obtenir le consentement direct du Commandant Virion pour accélérer le processus," interrompit une autre servante, beaucoup plus corpulente, en entrant à grands pas, tirant un grand chariot recouvert d'un drap.

La servante nommée Rosa a jeté un coup d'œil entre sa collègue et moi. "Tu es sûre, Milda ? Je ne pense pas que nous devrions faire quoi que ce soit pour offenser..." Milda a levé un doigt charnu pour faire taire son associée. Elle se tourna alors vers moi avec un regard sévère tout en commençant à remonter les manches de son chemisier. "Maintenant, monsieur, si vous n'êtes pas d'humeur ou si vous n'êtes pas capable de vous laver, je serai plus qu'heureuse d'entrer dans la douche avec vous et de vous laver."

Par inadvertance, j'ai fait un pas en arrière horrifié. "Non, non. Je suis tout à fait d'humeur à me laver."

"Très bien", a-t-elle dit. "Après vous êtes lavé, veuillez revêtir cette armure que le seigneur Aldir a préparée pour le discours d'aujourd'hui."

Milda a retiré de façon spectaculaire le drap du chariot qu'elle avait apporté, révélant un mannequin habillé d'une superbe armure, que je porterai bientôt.

146

DEPUIS LE BALCON

"J'ai l'air ridicule ", grommelai-je en me rapprochant du miroir pour me regarder.

L'armure plaquée était tape-à-l'œil et d'une conception inefficace. Ma poitrine et mes épaules étaient protégées par des pauldrons d'argent et un gorget qui atteignait mon menton, ne permettant qu'un mouvement minimal de mon cou. Encore plus restrictif, mes hanches et mes cuisses étaient gardées par des tassets qui m'interdisaient de lever les jambes. Les détails subtils de mes gantelets et de mes grèves étaient assortis à ceux du plastron, et une cape rouge flamboyant tombait jusqu'à l'arrière de mes genoux, couvrant la grande épée décorative attachée au bas de mon dos.

"Vous êtes impressionnant, monsieur", dit la timide servante en commençant à attacher mes cheveux.

"Quiconque peut se battre avec compétence tout en portant ce piège mortel mérite mon respect", ai-je répondu en essayant de lever mes bras au-dessus de mes épaules.

Au moins, tu auras l'air impressionnant pour la foule, a fait remarquer Sylvie depuis mon lit, encore à moitié endormie.

La ferme ! Tu as de la chance que je ne te fasse pas porter d'armure, lui ai-je répondu.

Mes écailles sont mon armure. Sylvie a arqué son dos, s'étirant comme un chat en sautant agilement du lit.

"Voilà ! C'est fait", annonça la servante en plaçant soigneusement une bande dorée pour attacher mes cheveux. "Ton armure n'est pas seulement majestueuse à regarder, je vois qu'elle a aussi des runes protectrices gravées dessus."

"Je comprends l'armure, mais dois-je porter cette épée ? J'en ai une à moi, et elle est plutôt jolie en plus."

J'ai pris Dawn's Ballad dans mon anneau dimensionnel. La timide servante a touché ses courts cheveux bruns, et ses yeux se sont détournés sans ménagement. "C'est... c'est très joli, monsieur, mais..."

"C'est trop fin ! Ça ne vous donne pas l'air puissant !" a coupé la servante à l'allure d'ours, en fixant fermement mes pauldrons avec ses mains charnues. "Parfait. Vous êtes prêt à partir !"

Je contemplai mon épée à lame sarcelle, forgée de main de maître par un asura excentrique, et la glissai dans son fourreau. Puis, avec une profonde inspiration, je l'ai remis dans mon anneau dimensionnel.

Alors que je sortais de la pièce d'un pas raide, Sylvie, toujours réticente à parler à voix haute à moins que nous ne soyons complètement seuls, a gazouillé dans ma tête. Je parie que ta nouvelle armure va vraiment impressionner la foule.

J'espère rester sur la touche pendant tout ce discours. Je sais que Virion voulait que tous les acteurs principaux soient présents aujourd'hui pour remonter le moral, mais je pense que les Lances suffisent pour cela, J'ai répondu alors que nous avancions dans le couloir vide.

Les résidents et la plupart des travailleurs à l'intérieur du château avaient été autorisés à rentrer plus tôt ce matin afin de pouvoir trouver une place dans la foule. Je n'avais pas eu l'occasion de voir ma famille aujourd'hui, mais ils avaient laissé un message à la timide servante disant qu'ils avaient hâte de me voir sur le balcon.

Je n'arrive pas à croire que Virion ait décidé de tenir le discours à Etistin. N'est-ce pas là que les vaisseaux alacryens se dirigent ? Sylvie semblait préoccupée depuis sa place, blottie contre mon épaule.

Je pense que ça a du sens. C'est un peu un joker, mais si c'est bien fait - et je suis sûr que c'est ce que vise Virion - la foule verra notre force comme beaucoup plus imposante de près que leurs vaisseaux de loin.

Je suppose.

Même descendre les escaliers était une tâche difficile dans cette armure encombrante, et j'étais de plus en plus tenté de sauter au milieu de l'escalier en spirale, sans se soucier de qui pourrait se trouver en bas.

Le tintement aigu de mes grèves métalliques sur le chemin de pierre résonnait dans l'étroit couloir, alertant les deux gardes postés à l'entrée de la chambre de téléportation de mon approche. Lorsque j'ai atteint les portes de fer familières, chaque garde m'a accueilli avec un salut courtois avant de commencer à déverrouiller l'imposante entrée de la pièce circulaire.

"Tout le monde attend à l'intérieur", a annoncé le garde augmenters. Puis il a fait glisser la porte métallique, révélant les figures centrales de cette guerre.

C'était un spectacle impressionnant. Bairon Wykes, Varay Aurae, et Aya Grephin, les trois Lances restantes, étaient vêtus d'une armure blanche décorée tout aussi voyante que la mienne. Plus près de la porte de téléportation, Virion s'était débarrassé de sa robe de deuil noire et l'avait remplacée par une somptueuse tunique olive qui lui descendait jusqu'aux genoux par-dessus un pantalon blanc en soie. Les ornements de la tunique indiquaient clairement qu'il était un noble ; elle était ornée de broderies dorées assorties à la ceinture dorée qui entourait sa taille. Un anneau de bronze était posé juste au-dessus de ses sourcils, et ses cheveux tombaient librement sur ses épaules en un rideau blanc.

À côté du commandant, le sommet de l'autorité dans cette guerre, se tenaient son fils et sa belle-fille, Alduin et Merial Eralith, les parents de Tessia.

Alduin portait une tunique argentée de conception et de décoration similaires à celle de son père, tandis que Merial portait une élégante robe argentée manifestement destinée à être assortie à la tenue de son mari.

"Regardez qui a finalement décidé de se montrer", dit Virion avec un signe de tête approbateur en regardant ma tenue.

"Commandant Virion." J'ai incliné la tête respectueusement, puis je me suis tourné vers les parents de Tess. "Roi Alduin, Reine Merial. Cela faisait longtemps."

"En effet", sourit Alduin en se frottant le menton tout en me regardant d'un œil scrutateur. Merial n'a répondu que par un faible hochement de tête.

Je me suis ensuite tourné vers Blaine et Priscilla Glayder, les anciens roi et reine de Sapin.

"Roi Blaine et Reine Priscilla. Cela faisait encore plus longtemps", ai-je dit avec un sourire poli, m'inclinant autant que mon armure le permettait.

Blaine avait vieilli depuis la dernière fois que je l'avais vu. De nouvelles mèches de gris bordaient sa crinière de cheveux bordeaux. Sa tunique noire soyeuse, sous de grands pauldrons en bronze qui couvraient ses épaules et son col, lui donnait une aura intimidante. Sa femme, Priscilla, en revanche, avait choisi de porter une robe noire flottante, lourdement brodée de délicates fleurs argentées dans un fil métallique qui scintillait à la lumière. Ses cheveux noirs qui scintillaient dans une nuance de bleu étaient attachés, exposant son cou, qui semblait presque blanc pur en contraste avec sa tenue sombre.

Les deux rois et reines n'auraient pas pu sembler plus différents l'un de l'autre, mais chacun d'eux portait un air de dignité qui, je le savais, ne pouvait qu'étourdir la foule qui les attendait.

"Tu as grandi", m'a fait remarquer Merial, ses yeux aigus semblant me transpercer plutôt que de me regarder.

"Grandir vient avec l'âge", ai-je répondu.

"Bien sûr que oui," grogna Blaine. "Et tu vas continuer à grandir, pas seulement en taille mais aussi en force, ce qui est ce dont j'ai besoin de la part d'un de mes meilleurs soldats."

J'ai jeté un coup d'œil à Bairon et Varay, les Lances de Blaine, et j'ai secoué la tête. "Quelles que soient mes racines ou ma race, avec une guerre de cette ampleur, j'aimerais me considérer comme un soldat de ce continent."

"C'est finalement un plaisir de vous rencontrer, Arthur." Un vieux nain qui se tenait aux côtés de Virion et des deux rois et reines s'est avancé, se plaçant entre Blaine et moi en nous tendant la main.

Bien qu'il ne soit arrivé qu'à hauteur de mon sternum, il se tenait droit, les épaules carrées, ce qui le faisait paraître plus grand qu'il ne l'était en réalité. Une cicatrice courait sur le côté gauche de son visage, traversant son œil gauche fermé et descendant jusqu'à sa mâchoire. Cependant, l'œil qui était ouvert dégageait une certaine douceur, démentant son apparence robuste.

J'ai accepté sa grande main, remarquant la texture de ses mains, semblable à du papier de verre.

"Je m'excuse de mon ignorance, mais je ne pense pas avoir eu le plaisir de vous rencontrer."

"Non, nous ne nous sommes pas rencontrés", a-t-il gloussé. "Mais j'ai entendu beaucoup de choses sur vous dans les lettres qu'Elijah a envoyées. Je suis Rahdeas."

Mes yeux se sont élargis en reconnaissance. "Vous êtes..."

"Oui. J'ai été le gardien d'Elijah depuis qu'il est nourrisson." Il m'a regardé avec un sourire solennel qui a envoyé une douleur aiguë dans ma poitrine.

"Je suis désolé de ne pas avoir pu arriver à temps pour l'aider", ai-je dit en baissant le regard. Rahdeas a secoué la tête. "Ce n'est pas de ta faute. Cet enfant a toujours été un aimant à problèmes."

Prenant sa main dans les miennes, je l'ai regardé droit dans les yeux. "S'il est encore en vie, je te le ramènerai. Je vous en donne ma parole."

"Merci", a-t-il chuchoté, en lâchant mes mains, qui semblaient si fragiles à présent.

Virion a parlé dans le silence. "Rahdeas est le nouveau représentant des nains. Nous passerons devant en premier", a-t-il dit. "Le gardien de la porte recevra ma transmission et vous fera signe de passer au moment opportun." Ils franchirent tous les six la porte, et la salle de téléportation devint silencieuse. J'ai fait une note mentale pour passer un peu plus de temps avec Rahdeas. J'étais curieux de savoir comment était le jeune Elijah et de connaître l'homme qui l'avait élevé.

J'ai senti une légère tape sur mon épaule - ou plutôt, j'ai entendu une légère tape sur ma plaque d'épaule. En me retournant, je me suis retrouvé face à face avec la Lance elfique qu'ils appelaient Phantasm.

"Nous nous sommes déjà vus, mais je ne t'ai jamais fait le plaisir de me présenter". Elle a souri de façon timide, en plaçant ses cheveux noirs ondulés derrière son oreille et en me tendant la main pour que je l'accepte. "Mon nom est Aya Grephin." Il y avait quelque chose d'étrange dans sa voix - un timbre séduisant d'une légère douceur, prononcé à un volume qui vous donnait envie de vous pencher plus près pour entendre ce qu'elle avait à dire. Tout, de l'allure de sa voix à la façon dont elle se comportait la rendait irrésistible.

Chaque mouvement qu'elle faisait avec ses mains et ses doigts attirait mon regard sur eux, mais cela ne semblait pas naturel. Je sentais la magie dans sa voix.

"Eh bien", ai-je dit avec un sourire, en prenant un peu de recul. "C'est un plaisir d'être formellement présentée, Aya Grephin." Je savais qu'elle attendait un baiser sur le dos de sa main, mais je l'ai saisie et l'ai serrée à la place.

"J'espère que nous pourrons nous entendre", a-t-elle dit, son sourire inébranlable alors qu'elle reprenait sa main. Alors que je la regardais faire demi-tour et retourner à sa place initiale, les hanches balancées, je commençais à me sentir mal à l'aise.

Outre sa séduction évidente, je savais que la Lance restante n'était pas une blague, rien qu'en la côtoyant. J'avais vu par moi-même que Varay était plus fort que Bairon, mais je n'avais pas encore vu Aya combattre. D'après ce qu'on m'avait dit, elle était censée être l'une des Lances les plus mortelles. Maintenant, après avoir été près d'elle et l'avoir vue me fixer, il était clair que ces affirmations n'étaient pas sans fondement.

Varay, qui m'avait silencieusement étudié, a finalement parlé. "Je vois que ton entraînement s'est bien passé. Tu viens de passer du stade d'argent sombre à celui d'argent-uni."

Contrairement à Aya, Varay se tenait d'une manière très réservée et digne. J'ai remarqué qu'elle avait coupé ses longs cheveux blancs - ils lui arrivaient juste derrière la nuque. Sa frange était épinglée sur le côté, révélant une cicatrice juste au-dessus de son front droit, suffisamment petite pour être manquée si l'on ne regarde pas attentivement. Ses yeux marron foncé étaient vifs et ses sourcils semblaient être perpétuellement froncés alors qu'elle continuait de m'observer.

Sylvie s'est courbée, montrant ses petits crocs à la Lance. C'est bon, Sylv. C'est une alliée, tu te souviens ?

"J'ai encore un long chemin à parcourir si je veux accéder à la scène blanche", ai-je dit à Varay, en détournant mes yeux de son regard intense. "Pas aussi longtemps que tu le penses", a répondu la Lance aux cheveux blancs. "Qu'est-ce que vous…"

"Gardien de la porte ! Combien de temps allons-nous encore attendre ?" Bairon l'interrompit, tapant avec impatience son pied en armure sur le sol.

Le vieux garde-barrière tressaillit. "Général Bairon, le commandant Virion n'a pas...

-Ah ! Je viens juste de recevoir un message de sa part. Veuillez entrer !" Bairon se dirigea le premier vers la porte de téléportation, apparemment désireux de se libérer de l'enceinte de la chambre ou de la compagnie des autres Lances. Je comprenais ce qu'il ressentait.

Eh bien, c'était inconfortable, a pensé Sylvie.

Ne m'en parle pas. J'ai fait signe à Aya et Varay de passer devant moi. L'elfe aux formes arrondies m'a fait un clin d'oeil en passant devant, tandis que l'expression de Varay restait de marbre.

Lorsque j'ai franchi le portail de téléportation, la scène autour de moi s'est brouillée. À l'arrivée, j'ai craqué devant la différence soudaine de niveau sonore. Des acclamations ont éclaté en bas, et le sol a tremblé sous nos pieds. Nous étions arrivés dans une grande salle rectangulaire qui donnait sur un balcon spacieux où Virion et les rois et reines se tenaient debout, saluant la foule. Ils n'étaient pas seuls - à côté des adultes se trouvaient Tess, Curtis et Kathyln, qui saluaient tous l'immense foule que je pouvais voir même de là où je me trouvais. "S'il vous plaît, généraux, soyez prêts à y aller au signal du commandant Virion", ordonna une fine servante en arrangeant les cheveux d'Aya, qui avaient été rejetés en arrière par le vent glacial de l'océan. "Généraux ?" J'ai regardé la servante avec confusion.

"Arthur, Dame Sylvie, je vois que vous êtes enfin là", m'a dit une voix familière derrière moi.

En regardant par-dessus mon épaule, j'ai repéré Aldir. Il était assis devant un service à thé, une tasse à la main tandis que son troisième œil me fixait.

"Je vois que tu restes dans l'ombre ", ai-je salué l'asura alors que Sylvie hochait la tête.

"C'est mon travail", a-t-il dit en levant sa tasse dans un toast solitaire.

"Eh bien, tu peux me dire quel est mon rôle en ce moment ? Parce que je ne suis pas une Lance, ce qui signifie que je ne suis pas un général."

"Patience. Il suffit d'attendre cinq secondes", dit-il en se versant une autre tasse dans le pot.

Les acclamations s'étaient calmées à présent lorsque Virion a commencé à parler. "Beaucoup d'entre vous ont voyagé loin pour être ici, et cela me remplit de fierté. Comme vous l'avez sûrement remarqué, à mes côtés se tiennent vos chefs, ceux-là mêmes qui ont protégé ce continent et ceux qui nous protégeront à l'avenir." Une autre vague d'acclamations a éclaté alors que Rahdeas, la famille Glayder et la famille Eralith ont salué une fois de plus. "Cependant, alors que ce sont les héros que vous voyez dans la lumière, il y a des héros dans l'ombre qui risquent constamment leur vie pour se battre pour ce continent. J'aimerais que vous m'aidiez tous à accueillir les Lances de Dicathen !"

Varay, Aya et Bairon ont marché jusqu'au bord du balcon, la tête haute et les épaules droites. Virion et les familles royales se sont tournés pour les saluer. Une ovation encore plus forte a éclaté lorsque les trois Lances sont apparues. L'ensemble chaotique de cris et d'acclamations se transforma bientôt en un chant collectif de plus en plus fort : "Lances, Lances, Lances."

Après quelques instants de chant, Virion a levé la main, faisant immédiatement taire les centaines de milliers, voire les millions de personnes.

"Tout le monde ! Nous sommes en temps de guerre," dit Virion sévèrement après un moment de silence. "Je sais que la moitié des Lances sont absentes, et ce n'est pas par erreur. Certains sont au milieu d'une mission et n'ont pas pu venir."

J'échangeai un regard avec Aldir devant le mensonge de Virion, mais je ne fis aucune remarque. Je savais ce que la révélation qu'une des Lances avait déjà été tuée ferait à la foule.

Virion continua. "Les Lances ont constamment versé du sang et des larmes pour garder Dicathen en sécurité, mais en ces temps incertains, nous ne pouvons plus compter uniquement sur les forts. Nous devons nous battre ensemble afin de garder nos foyers en sécurité.

Lors de l'inauguration des Lances il y a presque quatre ans, nous avons fait la promesse que le titre de Lance ne serait pas limité par la naissance ou le statut, mais pourrait seulement être gagné par le travail acharné, le talent et la force. Aujourd'hui est l'aube d'une nouvelle ère, et avec cette nouvelle ère viennent de nouveaux héros. Un tel héros a été découvert et est ici avec nous aujourd'hui. S'il vous plaît, accueillez avec moi, notre nouvelle Lance : Arthur Leywin !"

147

DISCOURS ET DÉCLARATION

Virion, Rahdeas, les Lances et les deux familles royales se sont tous tournés vers moi alors que je me dirigeais vers le bord du balcon. Les applaudissements ont atteint un crescendo assourdissant à mon apparition. Virion m'attendait tout au bout.

Les expressions de Bairon et Varay étaient impitoyables alors qu'ils me laissaient passer, mais les lèvres d'Aya se sont courbées en un sourire timide et elle a fait un signe de tête approbateur.

Tess m'a jeté un regard acéré - j'ai supposé qu'elle était encore contrariée par la dispute d'hier - tandis que les yeux de Kathyln se plissaient dans un rare sourire. Son frère, Curtis, a salué tandis que ses parents et les autres personnages centraux du balcon se sont joints aux applaudissements de la foule.

Je suis sorti à l'air libre. Le soleil du matin brillait de tous ses feux, recouvrant le monde d'en bas d'une couverture de lumière. Lorsque mes yeux se sont adaptés, j'ai été émerveillé par la vue.

Les gens rassemblés là - humains, elfes et nains - s'étendaient aussi loin que je pouvais voir, comme s'ils touchaient l'horizon. Ils se serraient les uns contre les autres, dans l'espoir de s'approcher un tant soit peu des chefs de leur continent. L'excitation, le respect et la jubilation dans l'air pouvaient être ressentis jusqu'ici.

"Quoi ?" dit Virion en souriant chaleureusement. "Tu n'as jamais été acclamé par une foule de plus d'un million de personnes ?"

J'ai simplement secoué la tête et souri, me rappelant combien de fois j'avais vécu cela dans ma vie antérieure. "C'était ton idée ?"

"Pourquoi ? Tu es en colère ?" Virion s'est tourné vers la foule, me poussant en avant pour que les gens en bas puissent avoir une meilleure vue de moi. "Si c'était quelqu'un d'autre que toi derrière tout ça, je le serais."

"Bien. Maintenant, continue à sourire et à leur faire signe. Ils peuvent te voir sur une projection à grande échelle derrière nous."

Jetant un rapide coup d'œil à l'énorme écran derrière moi, j'ai pensé à Emily Watsken, qui m'avait révélé un jour en classe que c'était elle qui avait conçu cet artefact. J'ai levé un bras et salué la foule, Sylvie faisant de même sur mon épaule.

Les acclamations tonitruantes se sont lentement transformées en un bourdonnement d'excitation alors que tout le monde se retirait de la balustrade du balcon, sauf Virion et moi. "Maintenant", dit-il après avoir retiré l'artefact amplificateur de voix fixé à son col. " Tu n'aurais pas un discours prêt à être prononcé sur la guerre à venir, par hasard ? "

"Tu te moques de moi, n'est-ce pas ?" J'ai lutté pour maintenir un sourire calme.

" Je veux que ce soit toi qui présente l'annonce ", a dit Virion, la voix inébranlable tandis qu'il me tendait l'artefact.

"Virion. Je ne peux pas." Ma voix a faibli alors que je regardais les gens en bas, attendant avec excitation que quelqu'un prenne la parole. "Je n'étais même pas préparé à ce qu'on me propose un poste de Lance, et encore moins à faire un discours en tant que tel."

"Je ne voulais pas que tu te prépares. Ce sont tes concitoyens, Arthur. Tu as grandi parmi eux et ils t'écouteront avec beaucoup plus d'ouverture et d'empathie que si un noble nourri à la cuillère parlait."

"C'est seulement si je fais un discours bien pensé", ai-je argumenté. Je me suis tourné pour serrer la main de Virion, une tentative pour retarder l'inévitable. "Je te fais confiance. Parle avec ton coeur." Virion s'est reculé alors que les acclamations se transformaient en un silence anxieux.

Même les personnes les plus proches de la foule n'étaient pas plus grandes que l'ongle de mon pouce d'où je me tenais, mais j'ai quand même pu repérer mes parents parmi eux, et ma sœur, qui était montée sur la grande épaule de Boo.

Je n'étais absolument pas préparée, mais mon appréhension a diminué lorsque j'ai croisé le regard de ma mère.

Même avec ma vision augmentée, j'étais à peine capable de distinguer le doux sourire sur son visage, mais c'était suffisant.

Je savais ce que je devais dire.

J'ai pris une grande inspiration, je me suis tenu au bord du balcon du château et j'ai allumé l'artefact amplificateur de voix.

Un fort bourdonnement a retenti, me disant que l'artefact était maintenant en marche. J'ai fait un pas de plus pour m'appuyer sur la rambarde du balcon et j'ai attendu patiemment que la nouvelle vague d'applaudissements se calme. "Malgré mon âge", ai-je commencé, "j'ai lu d'innombrables livres sur l'histoire et l'économie de ce continent. Pourtant, aucun de ces livres n'explique ce qui fait qu'un citoyen aime son pays. Certains historiens ont émis l'hypothèse que c'est simplement parce qu'ils y sont nés qu'ils ont un penchant naturel pour leur patrie. Un auteur du nom de Jespik Lempter affirme qu'il existe un effet de retombée complexe qui commence avec les chefs qui sont en mesure de subvenir aux besoins de leur peuple, et se poursuit avec les parents qui sont en mesure de nourrir leurs enfants. Tant que ce flux de sécurité des moyens de subsistance est maintenu, affirme-t-il, la loyauté naturelle envers le pays fournisseur est maintenue.

Je vous dis cela parce que je ne suis pas d'accord avec les deux affirmations. J'ai choisi de croire que la loyauté n'est pas une décision calculée par les citoyens, et qu'elle ne devrait pas être diminuée par l'hypothèse selon laquelle la loyauté est déterminée uniquement par le hasard de notre naissance. La loyauté envers son pays naît du respect mutuel entre les dirigeants d'un pays et son peuple, du soutien d'amis, de voisins et d'étrangers, de la promesse de se protéger mutuellement et de progresser ensemble. Il est peut-être présomptueux d'essayer de définir ce terme, car nous portons chacun dans notre cœur notre propre définition, tout comme nous faisons preuve de loyauté envers notre pays à notre manière.

Mais une chose est sûre : La loyauté est toujours plus facile quand les temps sont faciles. Il est facile d'encourager son roi quand ses enfants sont bien nourris et que son pays est prospère. C'est facile de se rallier à une armée quand on sait qu'elle va gagner. Mais il est peu probable que cette guerre soit facile.

Votre loyauté envers ce pays, à ce continent tout entier, sera mise à l'épreuve. Il y aura des moments où vous serez confrontés à un choix entre mourir avec votre peuple ou espérer vivre avec vos ennemis." L'atmosphère parmi la foule s'est assombrie alors que ma voix est devenue un murmure, mais j'ai continué.

"Le fait que je sois ici en ce moment témoigne du choix que je ferai quand ce moment viendra pour moi - et ce n'est pas à cause de mon titre de Lance. Ma loyauté n'a pas été achetée, mais elle n'a pas non plus été donnée gratuitement. Ma loyauté envers ce continent, et envers tous ceux qui s'y trouvent, a été nourrie pendant mon enfance à la campagne, puis en tant qu'aventurier, étudiant, et enfin professeur. Maintenant, elle sera prouvée en tant que Lance.

Bien sûr, Dicathen et ses chefs ont leurs défauts, mais ce que personne ne peut dire, c'est qu'ils n'ont pas essayé. L'union des trois royaumes pour former le Conseil aurait été impensable il y a seulement quelques générations, mais les chefs des trois races ont mis de côté leur fierté et leurs différends pour s'unir, partager leurs ressources les uns avec les autres, afin d'améliorer la vie de tous ceux qui vivent ici. Bien que la discrimination puisse encore exister, cette terre où nous vivons appartient à tous.

Juste au-delà de cette ville se trouve une armée - plus d'une centaine de navires qui s'approchent de nos côtes. On nous a donné l'option soit de donner la vie de toutes les familles royales qui ont servi ce continent en échange de la prise de notre terre par notre ennemi sans combat, soit de poursuivre cette guerre à une échelle plus grande, beaucoup plus dévastatrice.

Le commandant Virion était prêt à sacrifier sa propre vie pour protéger ce continent - pour vous protéger - mais j'ai dit que ce n'était pas à lui de le faire. Cela ne concerne pas seulement sa vie et celle de sa famille, mais la vie de tout le monde ici."

Je me suis retourné et j'ai fait signe à Virion et à tous les autres de s'avancer. "Je préfère me battre et risquer de mourir pour la vie que j'ai appris à aimer ici plutôt que de trahir mes frères dans l'espoir d'une promesse que nos ennemis - des ennemis qui ont déjà séparé des familles - pourraient ou non tenir.

Mais je n'ose pas parler au nom de tous les habitants de ce continent. La seule chose que je peux dire en toute confiance est que, si on lui en donne la chance, chacun d'entre nous ici

se battra jusqu'à son dernier souffle pour protéger Dicathen de ceux qui osent nous envahir."

C'était le silence total pendant ce qui semblait être des heures jusqu'à ce qu'une seule voix brise le silence.

"Longue vie à Dicathen !"

Cette seule proclamation a déclenché une éruption. Comme si la foule avait chorégraphié ses acclamations, un chant tonitruant a commencé, faisant trembler le sol et le château dans lequel nous nous trouvions.

"Longue vie à Dicathen. Longue vie à Dicathen. Longue vie à Dicathen !"

J'ai éteint l'artefact amplificateur de voix et j'ai pris une grande respiration de soulagement. Sylvie a sauté de mon épaule et, alors que la joie atteignait son paroxysme, mon lien s'est transformé de sa forme de renard nacré en celle d'un dragon tout-puissant.

Lorsqu'elle a déployé ses ailes, j'ai réalisé une fois de plus à quel point elle avait grandi au fil des ans. L'envergure de ses ailes dépassait la largeur du balcon, et des coups de vent s'abattaient sur la foule à chaque battement de ses ailes noires.

Bien que je sois surpris qu'elle se dévoile maintenant, et sans me prévenir, j'ai joué le jeu. J'ai dégainé l'épée géante que j'avais sur le dos et l'ai brandie en l'air, au moment où mon lien faisait face au ciel et laissait échapper un rugissement de tonnerre qui couvrait tous les autres bruits, résonnant sur les pierres autour de nous et sur la foule rassemblée, inspirant peur et crainte à tous ceux qui l'entendaient.

La théâtralité de Sylvie a immédiatement intensifié les chants de la foule, et une acclamation encore plus forte a éclaté à notre puissante démonstration.

Je me suis retourné pour voir les yeux écarquillés qui me fixaient après cette tournure des événements.

"Je pensais que tu n'avais rien préparé", a dit Virion en levant un sourcil.

J'ai haussé les épaules en réponse alors que Sylvie reprenait sa forme de renard et sautait sur mon épaule. "J'ai improvisé."

J'ai bien fait, hein ? a gazouillé Sylvie dans mon esprit.

Tu as fait passer le message, frimeuse, ai-je répondu en ébouriffant la fourrure de la petite tête de mon lien.

Curtis s'est approché de moi, rayonnant d'excitation. "Le dernier passage était génial. Je veux dire, j'ai entendu dire que Sylvie était un dragon par les élèves qui étaient à l'école quand nous avons été attaqués, mais...".

Le prince a jeté un regard nostalgique entre Sylvie et moi, puis il s'est avancé pour saluer la masse captivée qui hurlait nos noms.

Après avoir reçu les acclamations de la foule pendant plusieurs minutes, nous sommes retournés dans le château. Alors que je me retirais lentement, j'ai vu Tess s'éloigner à grands pas, se dirigeant vers la porte de téléportation d'où nous étions venus, sans un mot pour aucun d'entre nous.

"Je suppose que Tessia est toujours en colère contre moi ?" J'ai demandé à Virion, qui marchait à mes côtés.

"Fâchée, frustrée, agacée, offensée - je ne sais pas trop, mais je sais que quoi qu'elle ressente à ton égard, ce n'est pas bon ", a-t-il dit en retenant un petit rire. "Maintenant, je suis sûr que tu as des choses à régler avec ta famille, mais j'ai besoin que tu reviennes au château dès que tu auras terminé."

"Je reviendrai dès que mes parents seront partis, mais je ne sais toujours pas s'il vaut mieux garder ma soeur ici ou la faire partir avec mes parents." ai-je dit.

"Il y a pas mal de mères et d'enfants qui vont être au château. Certaines d'entre elles sont même enseignantes dans des académies de magie, donc il pourrait être bénéfique pour elle de rester, mais seulement si elle est d'accord pour être séparée de toi et de tes parents", a-t-il noté.

"Oui, tu as raison. Je vais essayer de la convaincre."

Virion acquiesça en fouillant dans la poche intérieure de sa robe. "Il y a une dernière chose à laquelle tu dois penser."

Il a retiré sa main et l'a ouverte devant moi pour révéler une pièce noire de la taille de sa paume.

La pièce scintillait au moindre mouvement, attirant mon attention sur les gravures complexes qui y étaient gravées. "C'est l'un des artefacts qui m'ont été transmis. Je les avais donnés tous les deux à mon fils lorsque j'ai démissionné du trône, mais après la mort d'Alea, il m'a rendu celui-ci, en disant que je devais choisir la prochaine Lance."

Je suis resté là en silence pendant un moment, hypnotisé par la pièce ovale qui semblait palpiter dans la main de Virion. "Donc c'est l'artefact qu'Alea avait ?"

"Oui. Le fait de le lier à ton sang et au mien le déclenchera, te donnant le coup de pouce qui a permis à toutes les autres Lances de passer au stade blanc. Je sais que tu n'es pas un elfe, mais je serais honoré si tu pouvais servir comme Lance sous mes ordres."

Mes mains tressaillirent, tentées d'accepter ce cadeau qui me donnerait une meilleure chance de combattre les Quatre faux et leurs serviteurs.

Mais je secouai la tête avec un haussement d'épaules résigné. " Je me battrai pour toi même sans ce lien, mais je ne peux pas l'accepter. Je le regretterai peut-être, mais il ne me semble pas juste de tricher pour accéder au stade blanc. J'y arriverai par mes propres moyens."

"Bon choix", la voix familière et rauque d'un certain asura a résonné derrière moi.

J'ai regardé par-dessus mon épaule pour voir l'asura aux yeux violets s'avancer, les bras derrière le dos.

"Seigneur Aldir." Virion s'est incliné sèchement, sa paume toujours ouverte pour que l'asura puisse la voir. Aldir a pris la pièce de sa main et l'a étudié. "Bien que cet artefact puisse te donner un formidable coup de pouce en termes de force, il inhibe aussi grandement ton potentiel de croissance." L'asura lança la pièce à Virion tout en continuant à parler. "Normalement, je recommanderais à tous les inférieurs de saisir l'occasion de l'utiliser, surtout en ces temps dangereux, mais Arthur, tu es un cas différent. Ton talent mis à part, le sang de dragon de Dame Sylvie coule dans tes veines et la puissante volonté de sa mère se trouve dans ton noyau de mana. Cela peut être un désavantage pendant la guerre, mais je te suggère de ne pas le prendre."

"Merci de m'avoir prévenu", ai-je répondu. En jetant un coup d'œil autour de moi, j'ai vu que si Blaine et Priscilla Glayder étaient restés ici, Curtis et Kathyln étaient partis, ainsi que Tess et ses parents.

"Vous rentrez aussi au château maintenant ?" J'ai demandé à Virion. Virion a hoché la tête solennellement. "Il y a beaucoup de choses à préparer. Blaine et Priscilla, avec l'aide de leurs Lances, vont préparer la ville pendant ce temps. Nous ne saurons pas exactement où ils atterriront ou à quel point ils seront dispersés, mais il est vital que nous protégions cette ville. Heureusement, les vaisseaux sont encore à quelques jours d'ici."

"Je comprends. Je vous rejoindrai dès que j'aurai tout réglé ici." Virion et Aldir se préparèrent à franchir le portail de téléportation, mais l'asura aux cheveux blancs se retourna alors, croisant mon regard de son unique œil violet. "Arthur, es-tu prêt pour cette guerre ?"

"Non", ai-je répondu honnêtement, "mais je n'ai pas l'intention de perdre contre ces satanés Vritra". Aldir a souri. "Bien. C'est ce que j'aime entendre."

148

RÔLE

Virion et Aldir sont retournés au château, tandis que je suis resté pour accompagner ma mère et mon père. Ils insistaient pour rejoindre les Twin Horns et participer à la guerre. Pendant que nous faisions nos adieux, j'ai essayé de les dissuader d'aller près de la côte ouest où les combats seraient les plus violents, mais ils étaient inflexibles.

Aussi frustré que je l'étais, je ne pouvais pas leur en vouloir. Pour moi, il y avait peut-être un certain détachement malgré le fait d'avoir grandi ici, puisque je me souvenais de ma vie antérieure. Je considérais Dicathen comme ma maison, car c'était là que se trouvait ma famille, ce qui a été un facteur important dans ma décision de me battre contre les Vritra. Mais pour eux, cette terre était vraiment leur maison. La protéger n'était que naturel.

Après leur départ, j'ai enlevé la dernière partie de mon armure, puis je me suis enfoncé dans mon siège et j'ai respiré profondément. "Bon sang", ai-je maudit en me frottant les tempes. "Se disputer avec eux n'était pas la meilleure façon de se séparer", a dit Sylvie en s'allongeant, reposant sa tête sur ses pattes sur la table à thé polie.

"Merci de m'avoir éclairée." J'ai roulé les yeux. "Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas écouté mes conseils. Je n'ai rien dit de mal."

"En gros, tu leur as dit de partir dans une région éloignée et de rester cachés", a-t-elle répondu.

"Ce ne sont pas les mots que j'ai utilisés", ai-je rétorqué en retirant mes bottes. "Mais c'est ce que tu voulais dire."

"Je veux juste qu'ils restent en sécurité", ai-je murmuré, lui concédant son point de vue.

Sylvie a sauté de la table à thé sur l'accoudoir de ma chaise. "Si tes parents étaient inquiets pour leur propre sécurité, ils ne se seraient pas engagés dans la guerre."

"Eh bien, je suis plus préoccupée par la sécurité de ma famille que par cette guerre. Je suis reconnaissant qu'ils laissent au moins Ellie derrière eux, mais ça ne veut pas dire qu'ils doivent partir au péril de leur vie."

Mon lien a hoché la tête. "Je sais."

"J'espère juste qu'ils savent que je m'inquiète pour eux en tant que leur fils, pas en tant que..." J'ai laissé ma voix s'éteindre et j'ai poussé un nouveau soupir. "Ça va être difficile pour eux de faire la part des choses, maintenant qu'ils savent", dit doucement Sylvie en posant une patte réconfortante sur mon bras. Je me suis enfoncé dans mon siège et j'ai regardé mon lien pendant un moment. "Quand as-tu découvert ce que j'étais, au fait ?"

"Je pense que je l'ai toujours su, mais je n'ai jamais pu trouver le terme pour le décrire. Nous partageons nos pensées, après tout."

"Toutes les pensées ?" J'ai demandé, abasourdi. "Mhmm."

"Mais tu ne répondais que lorsque je te parlais directement. Et je n'entends pas tes pensées à moins que tu ne parles directement à mon esprit."

"Pour moi, parler à ton esprit, c'est un peu comme parler à voix haute. J'ai appris à cacher certaines de mes pensées, mais je ne peux pas en dire autant pour toi", a-t-elle gloussé.

Mes yeux se sont agrandis, horrifiés. "Cela signifie que..."

"Est-ce que je suis au courant de ta constante agitation émotionnelle quand il s'agit de Tessia ? Ouaip," elle a souri.

Je gémis.

"Ne t'inquiète pas. J'ai écouté toutes tes pensées fugitives depuis que je suis né. Je n'ai commencé à comprendre qu'un peu plus tard, mais je m'y suis habituée au fil des ans.

années," dit-elle d'un air consolateur, ses dents pointues apparaissant toujours dans son sourire.

"Eh bien, je ne me suis habituée à rien du tout", ai-je grommelé.

Le sourire de Sylvie s'est effacé alors qu'elle me fixait de ses yeux jaune vif. "Nous allons bientôt nous battre. Grand-père m'a dit pendant l'entraînement que, même si je suis loin d'atteindre le niveau d'un véritable asura, son sang coule toujours en moi.

Cela signifie que, même si je peux me battre à tes côtés dans cette guerre, je ne suis pas invincible. Le meilleur moyen de rester en vie est de compter les uns sur les autres."

"Bien sûr", ai-je dit, un peu confus. Comment en est-on arrivé là ?

"Je dis cela parce qu'il y a des choses que je t'ai cachées - des choses que je n'ai découvertes que récemment, et j'ai l'impression que tu es le seul à qui je peux confier ma vie", a-t-elle dit, lisant dans mon esprit.

"Sylv, tu sais que tu peux me faire confiance pour tout ce que tu veux. Je t'ai élevée depuis ta naissance, après tout."

"Merci." Mon lien a sauté de l'accoudoir sur mon siège et a posé sa tête sur mes genoux.

Il y a eu un moment de silence pendant que je réfléchissais à ce qu'elle avait dit. Je savais qu'elle pouvait lire dans mes pensées mais, comme elle l'a dit, cela n'avait pas vraiment d'importance. Aussi curieux que je sois, je n'ai pas pris la peine de lui demander quelles étaient ces " choses " qu'elle avait découvertes ; elle me l'aurait déjà dit si elle l'avait voulu. Ce qui m'inquiétait, c'était le fait que c'était la première fois qu'elle exprimait une quelconque crainte pour sa vie. Malgré nos nombreuses rencontres avec des situations dangereuses, elle était toujours restée forte et sans peur, mais maintenant, je pouvais sentir son appréhension face à cette guerre.

J'ai doucement caressé la tête douce de Sylvie. "Comment es-tu devenue si intelligente ? On dirait que depuis que tu es revenue d'Epheotus, tu as grandi à une vitesse remarquable. Et ne me parle pas de ton ego grandissant."

"Tu es juste contrarié parce que tu reçois des conseils de vie d'un renard plus jeune que toi. Et j'ai toujours appris vite - pourquoi penses-tu que je suis toujours resté au dessus de ta tête ?"

"Donc tu apprenais en observant notre environnement ?" J'ai demandé. "Ouaip. Ça aide que tu saches beaucoup de choses et que j'aie libre accès à tes pensées", confirma-t-elle en se blottissant plus près de ma jambe.

Je pouvais voir qu'elle était fatiguée ; même si j'avais un millier de questions sur son soudain changement de comportement, je savais que je devais attendre.

J'ai observé mon lien qui dormait profondément, sa respiration étant régulière. Elle n'avait pas vraiment changé. Il y avait toujours un sentiment d'immaturité dans sa voix malgré le changement dans sa façon de parler. On aurait dit qu'elle se forçait à devenir plus mature. Je n'étais pas sûr de ce que le Seigneur Indrath lui avait inculqué pendant son entraînement, mais une chose était sûre, elle avait pris conscience qu'elle était une asura.

Alors que la respiration de Sylvie devenait plus lente et plus rythmée, j'ai appuyé ma tête en arrière sur la chaise, fixant le plafond de ma chambre pendant que j'organisais mes pensées.

Virion et les autres ne le savaient pas, mais Windsom m'avait raconté comment étaient Agrona et son clan. Lui et le reste des Vritra avaient fait des expériences sur ce que les asuras appelaient les "races inférieures" avant même de s'échapper vers Alacrya. D'après ce que j'ai entendu, les premiers mages qui sont apparus au Mur n'avaient rien de spécial, mais il est probable qu'ils n'étaient que de la chair à canon destinée à semer le chaos et à diviser nos forces avec les bêtes de mana qu'ils contrôlent.

Si ce que Windsom a dit est vrai, alors la horde de navires approchant de nos côtes contient des mages dont le sang asura coule dans leurs veines. Et ils ont eu des siècles pour explorer ce lien. Je ne pouvais qu'imaginer à quel point ils avaient progressé depuis et ce qu'ils feraient au peuple de Dicathen si les Vritra gagnaient ce siège. Cet endroit pourrait devenir un vivier de soldats, qu'Agrona utiliserait pour conquérir Epheotus.

"Arthur."

La voix rauque de baryton m'a tiré de mes pensées. " Il n'y a pas une sorte d'étiquette à propos de frapper quand on entre dans la chambre de quelqu'un, ou au moins d'utiliser la porte ?"

"Le ton de ta réponse me dit que les choses ne se sont pas bien passées avec les affaires dont tu devais t'occuper", dit Aldir en prenant calmement place sur le canapé en face de moi.

"Pourquoi es-tu ici ? Je pensais que tu serais avec le Conseil", ai-je dit, ignorant son commentaire.

"Il y a quelque chose dont j'ai besoin de ta part," répondit Aldir, son regard perçant dirigé vers moi.

Je l'ai fixé en retour, inébranlable. "Et qu'est-ce que c'est ?"

Il y eut un silence tendu, puis Aldir soupira. "Ton aide", a-t-il admis. "Le Seigneur Indrath m'a dit de me fier à ton jugement tout au long de cette guerre, et après ton discours tout à l'heure, je crois comprendre pourquoi."

"Que voulait-il dire par 'compter sur mon jugement' ?" J'ai demandé. Sylvie s'est réveillée lorsque je me suis assis, mais elle s'est rendormie presque immédiatement.

"Le Seigneur Indrath a réalisé que ta contribution à cette guerre ne devait pas se limiter à être une épée. Bien qu'il y ait des moments où tu seras nécessaire sur le terrain, t'envoyer à chaque bataille ne fera que te fatiguer. Quand tu ne seras pas absolument nécessaire, tu seras à mes côtés au Conseil, élaborant des stratégies avec nous et nous donnant ton avis."

"Si je comprends bien, tu veux qu'un gamin de seize ans prenne des décisions vitales au sein du Conseil ?" Je me suis moqué.

"Mis à part le fait que tu n'es qu'un mineur, tu n'es pas un enfant normal. Ne pense pas que cet œil n'est qu'une jolie décoration. Je savais qu'il y avait quelque chose de différent chez toi la première fois que nous nous sommes rencontrés, mais ce n'est que par les mots du Seigneur Indrath que j'ai réalisé à quel point."

"Y a-t-il quelque chose que je reçois en retour pour vous avoir aidé ?" J'ai demandé, en posant ma tête sur ma main.

L'œil d'Aldir s'est rétréci. "Je suis venu de bonne foi pour demander ton aide, mais il est bénéfique pour nous deux que tu coopères. Perdre cette guerre signifie mourir, être réduit en esclavage, ou pire. Pas seulement pour toi, mais pour tes proches aussi."

"Tu aurais pu au moins me jeter un os", ai-je dit en souriant devant son sérieux. "Oui, je vais t'aider, mais je ne suis pas sûr que le Conseil soit prêt à écouter mes conseils. Virion pourrait écouter, mais tous les autres..."

"Laisse-moi m'occuper de ça", a répondu Aldir. "De plus, tu ne seras pas seulement en réunion. J'ai aussi d'autres projets pour toi."

"Quand tu dis 'autres plans' comme ça, ça sonne un peu sinistre."

"Comme je l'ai dit, tu es une puissance dans cette guerre - peut-être plus que les Lances, dans quelques années. Je ne gâcherais certainement pas tes capacités en ne faisant rien d'autre que de t'asseoir et d'écouter ces inférieurs - je veux dire le Conseil - se chamailler entre eux."

Je secouai la tête avec un rire impuissant. "Cela doit être frustrant pour toi, d'être ici et de ne pas pouvoir aider malgré la quantité de main-d'œuvre que tu pourrais fournir à toi seul."

"Mon heure viendra. Si nous nous défendons contre ce siège avec succès, alors, avec l'aide de l'armée Dicathen, nos asuras pourront s'occuper d'Agrona et de sa force affaiblie."

"Il semble que cette guerre soit loin d'être terminée", ai-je dit, effleurant distraitement le dos de Sylvie du bout des doigts, puisant du réconfort dans sa forme endormie. "Oui, mais ce combat sera le début d'une nouvelle ère. Si Dicathen gagne et se bat aux côtés des asuras, Agrona et son clan de traîtres et de bâtards tomberont, et nous aurons tous accès à un nouveau continent." Aldir avait l'air plein d'espoir, presque excité, malgré son calme habituel. "Tu as perdu quelqu'un à cause d'Agrona, n'est-ce pas ?" J'ai demandé, en voyant l'expression sur le visage de l'asura.

"Beaucoup d'entre nous ont perdu des êtres chers dans cette bataille - non, on pourrait plutôt parler d'un massacre ", a répondu Aldir, le sourcil sous son troisième œil se contractant. "Eh bien, tu as entendu ce que j'ai dit à Virion ; je n'ai pas l'intention de perdre cette guerre, mais si tu veux me demander de l'aide, tu dois avoir confiance dans les conseils que je donne."

Riant par le nez, il a répondu, "Jamais dans toutes mes années, je n'aurais imaginé qu'un inférieur me parlerait comme ça."

" Et bien, ces mineurs mènent vos batailles pour vous, alors ayez au moins la décence de les appeler par les noms de leur race", ai-je répondu.

" Tu en demandes beaucoup, Arthur Leywin, mais très bien. " L'asura aux cheveux blancs s'est levé, lissant les plis de sa robe ivoire. "Il est grand temps que je redescende à la salle de réunion. Cela m'inquiète chaque fois que je laisse ces moins que rien seuls trop longtemps. Nous t'attendons sous peu." "Bien sûr, je descends bientôt, mais je suis curieux de quelque chose."

"Qu'est-ce que c'est ?" répondit l'asura en regardant en arrière par-dessus son épaule.

"Les deux Lances restantes qui n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui. Je sais que tu as dit il y a deux ans qu'elles travaillaient sous tes ordres, mais... tu ne les as pas tués ou quoi que ce soit d'autre, n'est-ce pas ?"

Aldir secoua la tête. "Même moi, je ne serais pas assez téméraire pour tuer une Lance sur un coup de tête. Alors que les envoyés politiques peuvent être remplacés, le pouvoir d'une Lance peut prendre des années à se développer, même s'ils ont une compatibilité particulièrement élevée avec l'artefact. J'avais prévu d'aborder le sujet lors de la réunion, mais puisque tu l'as mentionné, j'aimerais avoir ton avis sur la question."

J'ai hoché la tête avec impatience tandis que l'asura me révélait son plan pour les deux Lances manquantes. Puis une idée m'a frappé. J'ai laissé échapper un rire sournois et j'ai souri méchamment à Aldir. "Pas mal, mais j'ai une meilleure idée."

149

PREMIÈRE MISSION

Un nuage de brouillard givré se formait à chaque respiration tandis que je me dirigeais vers le campement animé. Sous une falaise près du rivage, les soldats avaient monté leurs tentes et allumé des feux derrière une formation rocheuse de plus de six mètres de haut. La douce lumière des feux vacillants et les traînées de fumée étaient visibles de loin, mais l'imposante barricade de rochers servait de défense naturelle contre toute personne venant de l'eau.

Je pouvais à peine distinguer quelques gardiens postés au sommet de la falaise surplombant le camp, mais la brume dense qui entourait toute la plage les dissimulait.

Enroulant ma cape de laine autour de moi, je me suis enveloppé d'une autre couche de mana pour éloigner les vents violents de l'hiver.

On y est presque, j'ai informé Sylvie, qui était profondément enfouie dans mes vêtements.

Mon lien a sorti la tête, a laissé échapper un grognement aigre et s'est immédiatement caché dans ma cape.

Pour un être aussi puissant que toi, tu es bien faible face au froid, Je l'ai taquiné, en poursuivant notre randonnée.

Ce n'est pas toi qui as dû voler dans ce satané vent. J'ai l'impression que mes ailes sont trouées, même sous cette forme, se plaignit-elle. Et je ne suis pas faible face au froid, je le déteste tout simplement.

J'ai doucement ricané et j'ai accéléré le rythme. Depuis que nous avions refusé toute sorte de

trêve avec Alacrya, Aldir ne pouvait pas risquer de rompre l'accord des asuras en créant des portes de téléportation. Cela signifiait que je devais compter sur Sylvie pour les transports longue distance, partout où les portes de téléportation n'existaient pas. Je l'avais fait se transformer à environ un kilomètre de notre déstination, afin de ne pas attirer l'attention.

A la demande de Virion, je resterais avec cette division et les aiderais dans le cas peu probable où des vaisseaux alacryens seraient envoyés aussi loin sur la côte. Cependant, à son insu, j'avais ajouté un autre point à son agenda.

Marchant au pied de la falaise, j'ai caché ma présence. Alors que la plupart des mages le faisaient en annulant leur mana, mon entraînement à Epheotus m'avait appris qu'un équilibre parfait entre la sortie de mana par mes canaux de mana et l'entrée de mana par mes veines de mana me permettrait de rester caché des bêtes de mana les plus alertes, tout en étant capable d'utiliser le mana.

J'ai repéré une grande tente à toit pointu près du pied de la falaise où la formation de rochers se rejoignait. Étant donné que la tente était située dans la zone la plus sûre du campement semi-circulaire et qu'elle était trois fois plus grande que toutes les autres tentes de pacotille qui l'entouraient, je ne pouvais que supposer qu'elle appartenait au capitaine.

En m'approchant de la limite du camp, j'ai ramassé quelques morceaux de bois cassés, puis je suis passé nonchalamment devant les soldats au repos.

Personne ne semblait s'en soucier ; avec ma capuche relevée et mes bras chargés de branches et de brindilles, je ressemblais probablement à n'importe quel autre jeune soldat qui espérait gagner un titre en participant à la guerre.

Certains soldats chevronnés, qui polissaient leurs armes et leurs armures à la lumière du feu, jetèrent un coup d'œil dans ma direction, tandis qu'un groupe de jeunes soldats - de toute évidence des conjurers d'origine noble, à en juger par leur équipement embelli et leurs bâtons tape-à-l'œil - se moquèrent de ma tenue ordinaire.

Ces clowns ignorants n'ont aucune idée de qui ils se moquent, Sylvie a sifflé en jetant un coup d'œil à leurs expressions. Ils seraient plus utiles comme appâts.

Doucement, je l'ai apaisée. Le Seigneur Indrath t'a appris des insultes originales.

En m'enfonçant plus profondément dans le campement, je suis passé par la cuisine. De grands feux flambaient à l'intérieur de fosses de terre formées par la magie;

elles étaient soigneusement garnies de ragoûts qui bouillonnaient de façon alléchante dans des marmites, tandis que de grands hommes taillaient des morceaux de viande.

"Dégagez les pots pour la viande en broche ! Benfir et Schren, préparez-vous à distribuer le ragoût !" Une femme de petite taille à l'expression féroce a rugi des ordres, tenant une louche à la main, plus comme une arme que comme un outil.

La femme qui tenait la louche m'a regardé par-dessus son épaule au moment où je passais. Elle me fit un signe de tête respectueux, ce qui me surprit - j'avais supposé que personne ne me reconnaîtrait si loin de la civilisation.

J'étais presque arrivé à la grande tente dans le coin le plus éloigné du camp quand le choc aigu du métal sur le métal a attiré mon attention. Laissant tomber les branches dans mes mains, j'ai inspecté un groupe de soldats qui avait formé un cercle autour de la source des sons - deux augmenters engagés dans un combat amical. Les cris aigus de leurs armes produisaient des étincelles même avec la couche de mana qui recouvrait leurs lames, et ils paraient les coups de l'autre avec une habileté évidente. "Tu t'es amélioré, Cedry", a dit le soldat aux cheveux courts. Il semblait être un peu plus petit que moi, mais ses bras semblaient presque anormalement longs. Il utilisait son cadre mince et ses membres longs et flexibles à son avantage en délivrant des coups rapides et irréguliers avec deux dagues.

" Et pourtant, tu es toujours aussi pénible à combattre, Jona ", répondit avec confiance la fille nommée Cedry en esquivant le coup de Jona. Elle était clairement désavantagée, se battant au corps à corps avec de lourds gantelets contre un adversaire qui excellait dans les frappes à longue portée, mais elle ne perdait pas.

Elle esquivait, se faufilait et parait l'attaque de Jona, et quelque chose en elle a retenu mon attention.

Ce n'est que lorsque je me suis concentré sur ses oreilles que j'ai compris ce que c'était.

C’est une demie-elfe, J'ai fait remarquer à Sylvie, qui s'était désintéressée du match et était retournée dans ma cape.

À ma remarque, mon lien a sorti sa tête. Oh ! Elle l'est. Nous n'en avons pas rencontré d'autre que ce Lucas au mauvais caractère.

Mauvais caractère est un euphémisme, j'ai ricané, le regard toujours fixé sur le combat.

Ne devrions-nous pas prévenir le capitaine de notre arrivée ? me rappela Sylvie.

Tu as raison. Je me suis laissé distraire, ai-je pensé en me détournant du duel. Tu le fais toujours quand il s'agit de ce genre de combat, me dit-elle en me taquinant.

Il y a quelque chose dans le combat rapproché qui rend un combat excitant, contrairement à la conjuration à distance, ai-je convenu en revenant sur mes pas.

Lorsque nous avons atteint la grande tente blanche, j'ai été arrêté par un garde en armure qui tenait une hallebarde. "Que faites-vous ici ?"

"Est-ce la tente du capitaine ?" J'ai demandé, ma capuche couvrant toujours la moitié de mon visage.

"J'ai dit, que faites-vous ici ?" a répété le garde, son regard implacable. Expirant profondément, j'ai tendu un médaillon.

À sa vue, les yeux étroits du garde se sont élargis sous le choc. Son regard est passé du médaillon d'or à moi, horrifié par la gaffe qu'il avait commise. "Je suis vraiment désolé, Gen..."

"Chut", ai-je marmonné avant qu'il ne puisse finir de parler. J'ai levé la main. "Je ne veux pas que ma visite fasse du bruit, alors gardons ça entre nous."

"O-oui, monsieur", dit-il en hochant furieusement la tête tandis qu'il ouvrait le rabat pour me laisser entrer.

J'ai fait un pas à l'intérieur de la spacieuse tente et une bouffée de chaleur a inondé mon corps. J'ai eu l'impression qu'une couche de glace fondait sur mon visage alors que j'enlevais ma cape. La première chose que j'ai remarqué était le faucon flamboyant niché près de l'entrée.

Je me souviens d'elle, a dit Sylvie dans ma tête en sautant à terre.

Je me suis tourné vers la femme assise derrière un petit bureau en bois, indifférente à l'intrusion.

"Professeur Glory ", l'ai-je saluée, en lui adressant un léger sourire lorsqu'elle a finalement levé les yeux, son visage s'illuminant à la vue de son ancienne élève. Mon ancienne professeure de mécanique de combat en équipe était toujours la même, avec son teint bronzé et ses cheveux bruns attachés serré derrière sa tête. Elle portait une armure légère

même à l'intérieur de la tente, et ses deux épées géantes étaient à proximité, appuyées contre un tiroir derrière elle.

"C'est bon de vous voir, Général Leywin," dit-elle en s'approchant de son bureau. "S'il vous plaît, appelez-moi Arthur", ai-je répondu, impuissant. "Alors je préférerais que tu m'appelles Vanesy", dit-elle en écartant les bras. "Après tout, je ne suis plus ton professeur."

En acceptant son étreinte, je me suis rendu compte que c'était la première fois que j'entendais le prénom du professeur Glory. Lorsqu'elle m'a libéré de son emprise, j'ai dit : "Bien. Peux-tu me faire un bref rapport de la situation ici, Vanesy ?" Vanesy a salué Sylvie d'un signe de tête poli avant d'atteindre son bureau. Après un moment de fouille, elle m'a tendu un parchemin roulé, mais a commencé à parler avant même que je puisse l'ouvrir.

"Pour l'instant, il n'y a que moi et ma division de trois mille soldats. Ma division est plus petite, mais nous avons avec nous cinquante-huit mages, dont vingt sont des conjurers et dix des augmenters à longue portée, pour compenser le nombre," déclara-t-elle.

Je hochai la tête en signe de compréhension tout en parcourant le parchemin. "Il est censé y avoir un autre capitaine avec vous, non ?"

"Le capitaine Auddyr et sa division font la marche jusqu'ici depuis la ville de Maybur. Je peux envoyer une transmission si vous le souhaitez", a-t-elle répondu.

"Ce n'est pas nécessaire. À vrai dire, je ne m'attends même pas à ce que des navires se dirigent vers le sud", ai-je admis en rendant le parchemin à Vanesy.

"J'ai entendu parler de ton grand plan pour ces bâtards d'Alacryens sur la côte," dit-elle en me regardant. "Tu penses que ça va marcher ?"

"Ça va les ralentir, et avec un peu de chance, couler quelques uns de leurs vaisseaux."

"Dommage que nous ne soyons pas là pour voir ça", a-t-elle dit avec regret. Le professeur aux yeux brillants, que j'avais côtoyé à la Crypte de la Veuve, sortit une gourde en cuir de son tiroir, retirant le bouchon avec ses dents avant d'engloutir ce que je supposais être de l'alcool.

"Vous voulez une gorgée, Général Leywin ?" Elle a fait un clin d'oeil, en tenant la gourde en l'air.

"Je suis mineure, tu sais."

Vanesy s'est moqué. "Si tu es assez vieux pour aller à la guerre, tu es assez vieux pour boire."

J'ai attrapé sa gourde et pris une gorgée. Le liquide m'a brûlé la gorge en se frayant un chemin dans mon estomac, réchauffant mes entrailles.

Est-ce bien raisonnable de s'inhiber comme ça avant une bataille ? demanda Sylvie d'un ton désapprobateur.

Détends-toi. C'est juste une gorgée, ai-je répondu.

Etouffant une toux, j'ai rendu la gourde en cuir. "C'est un sacré remontant."

"Mhmm," Vanesy a approuvée. "Bien que tu vas avoir besoin d'un peu plus que ça pour te tenir chaud là-bas. Tu ne te les gèles pas dans cette tenue ?"

J'ai baissé les yeux sur ma tenue. Même si je ne m'attendais pas à une bataille, j'étais habillé pour. Mon vêtement gris intérieur était moulant, et les manches m'arrivaient aux poignets. Bien qu'il soit assez fin et élastique pour me permettre de me déplacer librement, il était également assez solide pour résister à des bords tranchants dans une certaine mesure. La seule chose que je portais par-dessus était une simple tunique noire qui tombait librement sur mes épaules. Les manches s'arrêtaient au niveau des coudes, ce qui permettait à mes bras de bouger librement.

Je secouai la tête. " J'ai pris l'habitude de m'entourer constamment de mana pour me tenir chaud. Honnêtement, même la cape n'est là que pour l'apparence."

"Eh bien, je suis content que tu sois là. Le commandant Virion voulait que tu parles devant les soldats, pour les motiver."

"A propos de ça..." J'ai souri. "Attendons l'arrivée du capitaine Auddyr pour le faire. J'espérais m'amuser un peu dans le camp."

"Oh-oh", gémit Vanesy. "Qu'est-ce que tu prépares ?"

Je secouai la tête d'un air désapprobateur. "Est-ce une façon de parler à votre supérieur ?"

"Très bien", a-t-elle dit, en cédant. "Mais ne blesse pas mortellement un de mes soldats." "Pour quel genre de personne me prends-tu ?" J'ai répondu innocemment, remettant ma

cape en retournant vers la porte en tissu. "Y a-t-il des soldats qui pourraient me reconnaître ?" J'ai demandé, me rappelant comment le chef cuisinier s'était incliné devant moi.

"Nous sommes assez loin de toute forme de communication de masse. Je viens de recevoir une lettre par transporteur avec les dernières mises à jour, mais je n'ai rien annoncé de tout cela", a-t-elle répondu. "Avec tes cheveux ébouriffés et ces vêtements simples, tu passeras facilement pour une nouvelle recrue ramassée dans la campagne."

"Un vieux dicton dit qu'un homme sage se montre faible quand il est fort et fort quand il est faible", ai-je répondu en montrant l'armure éblouissante qu'elle portait, gravée de décorations complexes.

"C'est pour se protéger, pas pour se vanter", a-t-elle argumenté.

" Pas quand le motif de l'armure correspond à l'armure de ton lien ", l'ai-je taquiné en jetant un coup d'œil à l'armure argentée accrochée sur un support à côté de Torch.

"Tu es devenu un petit malin depuis qu'ils ont fait de toi une Lance", a-t-elle grommelé. "Oh s'il te plaît, j'étais un petit malin bien avant de devenir une Lance", ai-je répliqué.

Vanesy s'est appuyée sur son bureau et m'a regardée, comme si elle regardait au loin. "'Paraître faible quand on est fort'. J'aime ça."

"N'hésitez pas à la voler", ai-je dit en me dirigeant vers la sortie de la tente. Je ne pouvais pas lui dire que la citation venait d'un ancien général de ma vie antérieure, mais elle ne semblait pas être curieuse de son origine.

Qu'est-ce que tu voulais faire ? demanda Sylvie curieusement en se blottissant sur ma tête.

Évaluer le niveau actuel des compétences de nos soldats, bien sûr.

Le sentiment de doute de Sylvie a inondé mon esprit. Tu veux dire jouer à la bagarre avec eux ?

Juste un petit peu.

Même si je suis ton lien, je m'inquiète parfois de voir que le destin de ce continent repose si lourdement sur toi.

150

UN SIMPLE CUISINIER

En soulevant le volet de la tente, j'ai aperçu le garde posté à l'extérieur. Dès que nos regards se sont croisés, son corps géant s'est raidi en un salut."Gen..." "Souviens-toi..." J'ai dit, en faisant un clin d'oeil au garde et en pressant mon doigt sur mes lèvres. Sans attendre de réponse, j'ai repris mon chemin vers le groupe de soldats qui s'agrandissait et qui applaudissait plus fort qu'avant.

Le combat entre la demi-elfe Cedry et le bras long Jona semblait avoir pris fin, et une nouvelle paire de combattants s'affrontait maintenant sur une plateforme de terre conjurée par l'un des mages.

L'affrontement entre les deux soldats s'est transformé en un véritable événement, et le public a déplacé des troncs et des souches d'arbres pour créer des sièges. Certains des membres les plus enthousiastes de la foule faisaient des paris avec leurs camarades, allant des tranches de viande de leur prochain repas à des ressources plus précieuses comme l'alcool qu'ils avaient introduit clandestinement dans le camp à l'intérieur de poches d'eau cachées. Dans l'ensemble, il y avait une atmosphère jubilatoire dans le camp, qui ne correspondait pas aux circonstances actuelles du continent.

Me fondant dans la foule, je me suis dirigé vers l'avant de l'arène improvisée, où j'ai trouvé Cedry et Jona en train de regarder depuis le sol.

"C'était un bon combat", ai-je commenté, en prenant un siège à côté de Jona, le soldat qui manie la dague. "Qui a fini par gagner ?"

Le demi-elfe qui se battait avec des gantelets, comme mon père, m'a fait un sourire victorieux en levant la main, affichant sa victoire devant Jona.

Jona a passé une main dans ses cheveux courts et ébouriffés en signe de frustration. "Une fois, Cedry. Tu as gagné une fois."

"La première victoire d'une longue série à venir", a-t-elle ricané.

J'ai fait un signe de tête au demi-elfe en reconnaissance de son succès. "J'aurais aimé voir comment ça s'est terminé."

En riant, Jona a tendu la main. "Je m'appelle Jona, et la fille immature à côté de moi est Cedry. Je ne crois pas t'avoir déjà vu dans le coin. Tu es une nouvelle recrue ?"

"Je suppose qu'on peut dire ça." J'ai serré leurs deux mains. "Vous pouvez m'appeler Arthur."

"Eh bien, Arthur, à en juger par la façon dont les choses se passent, nous devrions pouvoir profiter de beaucoup plus de combats ce soir", a déclaré Jona, en retournant son attention sur le combat qui se déroule actuellement.

Il s'est terminé presque aussi vite qu'il avait commencé, avec un grand augmenters ressemblant à un ours qui a donné le coup de grâce à son adversaire au pied léger. Alors que le soldat vaincu sautait de la scène en soignant sa joue blessée, mon regard se tourna à nouveau vers Jona et Cedry. Les traits de Jona étaient ordinaires, avec des angles aigus et un léger nez en bec. Cedry, par contre, se distinguait un peu plus. Avec son regard radieux qui semblait plein de vie et son comportement enjoué, je ne serais pas surpris qu'elle soit populaire auprès des hommes et des femmes. Dans le court laps de temps où je m'étais assis à côté d'eux, au moins une douzaine de ses pairs étaient passés, faisant des blagues ou la félicitant pour sa victoire.

"Bouseux de la campagne ! Sors ta tête de ton cul", a claqué une voix forte et graveleuse.

Je me suis tourné vers la source de la voix pour voir l'augmenters en forme d'ours qui me fixait.

J'ai regardé autour de moi jusqu'à ce que je réalise qu'il s'adressait à moi. "Est-ce que j'ai vraiment l'air de venir de la campagne ?" J'ai demandé à Jona. "Arrête de t'en prendre aux nouvelles recrues, Herrick, et aie les couilles de t'entraîner au moins avec quelqu'un de ta propre catégorie de poids", lui a sifflé Cedry, provoquant un hurlement de rire du reste de la foule.

Je me suis levé. "Ce n'est pas grave. On ne fait que s'amuser, non ?"

"Ouais", le Herrick chauve a rapidement approuvé. "Je profite de ce moment pour montrer quelques astuces aux nouvelles recrues."

Enlevant ma cape avec Sylvie à l'intérieur, j'ai sauté sur la scène surélevée et j'ai tendu la main. "Eh bien, s'il vous plaît, donnez-moi beaucoup de conseils."

Herrick a attrapé ma main, la serrant un peu trop fort pour que ce soit un geste chaleureux. "Je vais te donner le premier mouvement."

Lâchant ma main, il a écarté les bras, un sourire suffisant collé sur son visage gras tandis qu'il jetait un regard vers un groupe de femmes assises dans le public.

Alors que le corps d'Herrick semblait un peu trop rond pour être efficace au combat, la couche de mana qui l'enveloppait me disait qu'il était un mage compétent.

Voulant voir comment il se battait, je n'ai envoyé qu'une quantité limitée de mana dans mon corps, puis je me suis avancé pour attaquer.

Alors que mon poing s'approchait de son abdomen, je pouvais voir le mana s'accumuler là où il pensait que j'allais frapper. L'augmenters géant a à peine bronché quand mon poing s'est enfoncé dans son gros ventre.

"Tu vas devoir faire plus d'efforts que ça, morveux de la campagne", a-t-il grogné quand je me suis éloigné.

J'ai serré ma main. "Si fort."

"Maintenant, laisse-moi te montrer quelques trucs." Son sourire s'est agrandi lorsqu'il a jeté un nouveau coup d'œil au groupe de femmes qui nous observaient.

Il a balancé une main géante pour me faire tomber de la plate-forme. Prenant le coup, j'ai atterri sur mes fesses de façon plutôt embarrassante, mais sans aucune blessure. "Oh mec, je n'ai même pas pu réagir."

L'irritation se lisait sur le visage de mon adversaire alors que je ne parvenais pas à quitter la plateforme. "Tu as de la chance que je me sois retenu, sinon tu serais parti en volant. Mais ces salauds d'Alacryens ne vont pas te ménager."

"Vous avez raison. Merci." J'essayais d'avoir l'air enthousiaste, comme un paysan qui faisait maintenant partie d'une armée remplie de mages de sang noble, mais ça devenait fatigant.

Le combat s'est poursuivi pendant plusieurs minutes, Herrick essayant de m'éjecter de l'arène à l'aide de ses mains charnues, tandis que je faisais semblant de subir le plein impact de son attaque, pour finalement trébucher de quelques mètres.

"Allez, Herrick. Je sais que tu vas y aller mollo avec lui, mais ne le dorlote pas toute la journée !" a crié un soldat, et ses camarades ont approuvé.

"Je ne veux juste pas blesser la brindille, vous savez ?" répondit-il, la frustration se lisant sur son visage.

Jusqu'à présent, d'après les callosités sur ses mains et la façon dont ses bras attaquaient naturellement, j'avais compris qu'il utilisait une hache lourde comme arme principale. Cependant, à part sa bonne maîtrise du renforcement corporel, il n'avait pas d'autres tours dans son sac. Décidant que mon évaluation était terminée, j'ai tenté ma chance lorsque Herrick a tendu le bras pour m'attraper.

J'ai tordu mon corps et l'ai jeté par-dessus mon épaule et hors de l'arène. L'acte entier ressemblait à une grosse gaffe. Même Herrick a été surpris de voir qu'il me regardait du sol.

"Attends, j'ai trébuché !" s'est-il écrié, regardant autour de lui désespérément en agitant les mains. "Ça ne compte pas."

La foule a éclaté de rire et s'est moquée d'Herrick qui s'en allait en piétinant et en jurant.

Même en utilisant seulement dix pour cent de mon mana, et sans utiliser de sorts élémentaires, Herrick était une blague. Mais je ne pouvais pas le dire à voix haute, bien sûr.

"On dirait que j'ai eu de la chance", ai-je dit impuissant sur la scène, en me grattant la joue.

"Je voulais battre le cul géant de Herrick, mais je suppose qu'on ne peut rien y faire." Une grande femme avec ses cheveux noirs attachés serré derrière sa tête a sauté sur la scène. "Voyons si tu as vraiment eu de la chance, blanc- bec."

"S'il vous plaît, allez-y doucement avec moi", ai-je dit d'un ton apaisant.

Mon adversaire mesurait bien plus d'un mètre quatre-vingt-dix - quelques centimètres de plus que moi - mais son cadre mince et tonique la faisait paraître encore plus grande qu'elle ne l'était en réalité. Avec son teint foncé, ses yeux vifs et étroits et ses cheveux noirs raides, elle ressemblait à une panthère prête à bondir.

"J'ai l'habitude de me battre avec un bâton, alors j'apprécierais que tu utilises aussi une arme", dit-elle alors qu'un bâton en bois apparaît de l'anneau dimensionnel qu'elle porte au doigt. Par l'anneau qu'elle venait d'utiliser et les riches couleurs de ses vêtements, il était évident qu'elle était une noble, mais ce fait semblait trivial pour elle.

"Ne tue pas le gamin, Nyphia !" s'est écrié son ami, semblant sincèrement inquiet. J'ai feint un petit rire timide. "Désolé, le forgeron répare mon épée en ce moment, mais je peux..."

"Que quelqu'un donne à ce garçon une épée à sa taille", grogna Nyphia avec impatience en étirant son cou.

Presque immédiatement, un soldat inconnu m'a jeté son épée courte, toujours dans son fourreau. Je fis soigneusement glisser la lame hors de son fourreau et la recouvris de mana pour en émousser les bords.

Contrairement à Herrick, ma nouvelle adversaire n'a pas baissé sa garde. Elle s'est mise en position basse et a tendu son bâton de bois, la pointe dirigée vers le sol, tandis que ses yeux félins me regardaient droit dans les yeux.

"Pauvre garçon, se faire marquer par Nyphia", murmura quelqu'un derrière moi.

J'ai pris position à mon tour. J'avais espéré profiter de cet événement décontracté pour me faire une idée de certains des soldats présents, mais cette fille semblait avoir d'autres plans. "Êtes-vous prête ?"

L'augmenters à la peau sombre a laissé échapper une raillerie irritée, comme si je l'avais offensée. "Etes-vous prêts ?"

J'ai hoché la tête pour montrer que je l'étais. Elle a frappé comme un éclair. Son corps est resté bas alors qu'elle s'élançait à distance de frappe, son bâton étant ramené près de son corps, ce qui lui donnait la liberté d'attaquer haut ou bas. Elle a attaqué bas, la base de son bâton sifflant dans l'air vers mon menton. Mon épée courte a sonné

contre son bâton alors que je parais le coup de côté, reculant et prenant une posture défensive.

Dès son premier coup, je pouvais dire quel genre de combattant était Nyphia. Son contrôle du mana était excellent - à un niveau différent de celui d'Herrick

- mais elle manquait d'expérience.

Ses mouvements étaient rapides mais aussi évidents. Le plus probable est qu'elle n'ait eu l'expérience du combat que contre des gardes ou d'autres professionnels qui avaient peur de la blesser, ce qui n'arrangeait pas son caractère emporté et sa confiance exagérée.

J'ai paré ou esquivé chaque fente, coup, poussée et swing qu'elle a lancé sur moi - mais juste à peine. De l'extérieur, j'avais l'impression d'être repoussé alors que j'essayais désespérément de suivre. Le tempérament de Nyphia atteignait de nouveaux sommets, s'intensifiant après chaque tentative ratée de porter un coup solide.

Avec mon pied arrière appuyé sur le bord de la plate-forme sur laquelle nous nous trouvions, j'ai utilisé l'élan de la poussée émotionnelle de Nyphia pour l'envoyer hors des limites et mettre fin au match, mais elle a gardé son équilibre avec l'aide de son bâton. En sautant vers le centre, elle a secoué la tête. "Pas cette fois. Amber, lève une cage autour de l'arène !"

"C'est juste une compétition amicale, pas un match à mort", ai-je argumenté. Elle n'était pas d'accord. "Non, c'est un entraînement pour la guerre qui se déroule juste sous notre nez. Et à la guerre, il n'y a pas de 'hors limites'." Elle a tourné la tête pour regarder par-dessus son épaule. "Amber. La cage."

Son ami, ou son laquais, a levé une porte en terre autour de l'arène avec un court chant et un coup de baguette, m'enfermant avec ce chat enragé qui se prenait pour un puissant tigre.

J'ai regardé autour de moi ; alors que certains soldats partageaient des regards inquiets, aucun d'entre eux n'a parlé. Je commençais à regretter cette idée de "se fondre dans la masse". J'étais tenté de faire exploser l'arène et de partir, mais je me suis retenu.

Grâce à l'expérience de ma vie passée, j'ai compris que les gens deviennent complaisants en présence d'un allié puissant. Ils s'attendent à être

une victoire à la cuillère depuis le confort de la ligne arrière quand quelqu'un d'aussi vénéré qu'une Lance est parmi eux. Du moins, c'était le cas dans mon ancienne vie. Je suis peut-être à l'envers ici - qui sait, peut-être qu'avoir une Lance avec eux leur donnerait la confiance et le zèle pour se battre plus fort - mais j'étais sceptique à ce sujet.

Et avec la possibilité qu'un vaisseau Alacryen, ou plusieurs, se dirige vers cette côte, je ne voulais pas prendre de risques.

"Vous marquez un point." J'ai feint un sourire, pour rester dans le personnage. "S'il vous plaît, apprenez-moi ce que vous pouvez."

Avec nos armes prêtes à l'emploi, nous avons commencé une fois de plus. Un vrai combat, surtout celui impliquant une arme tranchante, ne prenait que quelques secondes pour arriver à sa conclusion. Mais avec le mana aussi abondant qu'il l'était dans ce monde, les erreurs étant plus pardonnées que dans mon monde précédent, les combattants ne faisaient pas grand-chose pour corriger leurs défauts. Au lieu de cela, ils se sont concentrés sur le fait de rendre leurs forces encore plus fortes. Même moi, j'avais succombé à cette erreur quand je suis arrivé dans ce monde, jusqu'à ce que les asuras me battent à Epheotus.

Nyphia s'est élancé vers moi une fois de plus, cette fois-ci en feintant à gauche avant d'utiliser l'autre extrémité de son bâton dans un coup rapide et ascendant.

J'ai esquivé assez près pour détecter l'odeur de chêne provenant de son bâton poli, et j'ai riposté en le poussant vers le haut avec ma main libre. Cela l'a déséquilibrée, et j'ai terminé en glissant mon pied derrière son pied arrière et en poussant en avant.

Entre la force de mon corps assimilé et le mana ajouté, Nyphia a été projetée en arrière. La foule de soldats - qui était devenue tendue depuis la conjuration de la cage - cria sa stupéfaction devant la tournure des événements.

Me regardant d'un air mauvais alors que son visage rougissait d'embarras et de colère, Nyphia était incapable de former les mots appropriés pour s'exprimer. Puis une voix douce et rauque a résonné dans la foule. "Ça vous dérange si je me joins à la fête ?"

"Tu ne te joins à rien du tout ! J'ai juste trébuché..." Les mots de la noble à la peau sombre

se sont bloqués dans sa gorge quand elle a réalisé de qui il s'agissait. "M- Madame Astera !" Nyphia a baissé la tête en parlant. "Pardonnez-moi pour mon impolitesse."

La femme que mon adversaire appelait Madame Astera n'était autre que la cuisinière en chef qui m'avait regardé d'un signe de tête respectueux à mon arrivée. La cuisinière a sauté par-dessus la cage avec une agilité qui rendait les mouvements de Nyphia infantiles.

J'ai fait une rapide révérence, me rappelant de rester dans le personnage. "Puis-je avoir le plaisir de savoir avec qui je vais m'entraîner ?"

Madame Astera a fait une rapide révérence avec son tablier. "Juste une simple cuisinière."

151

RUMINATION

" Juste une cuisinière ? " J'ai répété. "J'ai du mal à le croire." La chef de cuisine haussa les épaules, défit son tablier et le jeta à Nyphia.

"Les titres sont simplement un embellissement collé devant votre nom pour établir une hiérarchie, donc oui, je suis Chef Astera. Enchantée de vous rencontrer."

Surpris par ses paroles de sagesse, j'ai incliné ma tête en réponse. "Et je suis Arthur. Tout le plaisir est pour moi."

"Eh bien, Arthur, donnons un spectacle à ces soldats impatients avant qu'ils ne s'énervent." Ses lèvres se sont courbées en un sourire confiant alors qu'elle tenait la louche dans sa main.

"Bien sûr. Est-ce que ce sera votre arme ?"

"Ne soyez pas stupide. Ce serait irrespectueux de se battre avec un outil utilisé pour cuisiner." Avec un rire franc, Madame Astera a fait signe à l'un des soldats à l'avant de lui donner son arme - une épée courte, comme celle que j'avais empruntée. "Maintenant, allez-y doucement avec une vieille dame comme moi."

Sur ce, elle disparut de la vue à une vitesse qu'aucun "simple cuisinier" n'aurait pu atteindre. Madame Astera a surgi dans l'air au-dessus de moi, déjà en position de s'abattre, son beau visage rayonnant d'excitation sauvage.

D'un rapide pas de côté, j'ai brandi mon épée à mon tour. Des étincelles ont dansé autour de nous lorsque le tranchant de ma lame a rencontré la sienne. Avant que l'épée de Madame Astera ne touche le sol, elle a donné un coup de pied dans la garde de mon épée pour prendre de la distance.

Avec seulement une quantité minimale de mana infusée dans mon corps et mon épée, ma main s'est engourdie en bloquant son attaque. " Une simple cuisinière ? " J'ai confirmé.

"Juste une simple cuisinière", a-t-elle répondu avec un clin d'œil, avant de se ruer sur moi une fois de plus.

Nos épées sont devenues de simples flous dans l'espace qui nous sépare, alors que Madame Astera et moi déclenchions chacun une rafale d'attaques.

Son petit corps bougeait avec une agilité coordonnée qui impressionnerait même Kordri, l'asura qui m'avait entraîné. Nous avons esquivé les frappes et les coups de l'autre avec un minimum de mouvement. Si ce n'était la sueur qui coulait sur nos visages et nos nuques, on aurait pu croire que nous avions fait exprès de manquer notre coup.

J'ai augmenté ma production de mana à vingt pour cent, mais elle semblait se retenir également, car nous étions toujours dans une impasse.

Aucun de nous n'a eu le luxe de parler - il nous a fallu toute notre concentration pour suivre les attaques de l'autre - mais nos émotions se lisaient sur nos visages. Ce n'était pas un duel de magie, juste un concours de pure maîtrise de l'épée.

Madame Astera arborait un sourire extatique sur son visage en sueur alors qu'elle poursuivait son assaut incessant, et quelque part, je me suis rendu compte que je souriais moi aussi.

Je contrais chaque coup qu'elle portait avec un autre, mais elle esquivait parfaitement jusqu'à ce que son dos soit contre la cage en terre. J'ai décidé de ne pas augmenter mon mana, mais d'utiliser le terrain à mon avantage. Plongeant sous sa taille, j'ai rapproché mon épée, en position pour la balancer vers le haut.

Elle n'avait pas d'autre choix que de bouger sur sa droite, du moins, c'est ce que je pensais.

Quand elle était à peine à une longueur de bras de moi, elle a donné un coup de pied au mur et s'est propulsée directement sur moi. J'ai rapidement pivoté sur mon pied droit, me retournant juste à temps pour que sa lame passe à côté de ma joue. Les rôles étaient inversés, c'était maintenant mon dos qui était contre le mur.

Je suis sûr qu'il y avait un dicton, quelque chose du genre : "Même une souris attaque quand elle est acculée", a dit Madame Astera, son épée levée en garde.

J'ai souri. "Eh bien, on dirait que c'est moi la souris acculée maintenant." "D'où ma prudence." Elle a souri, resserrant la prise sur son épée levée. "Maintenant, pourquoi n'arrêtez-vous pas de vous retenir, Arthur ?"

"Je pense qu'apporter de la magie au-delà de l'augmentation de base au milieu d'un duel aussi excitant serait un manque de respect pour la voie de l'épée", ai-je répondu.

"De sages paroles venant d'un si jeune homme." Elle a hoché la tête en signe d'approbation. "Alors on va passer à la vitesse supérieure ?" Une poussée de mana a soudainement jailli de mon adversaire qui a fait un pas en arrière.

Les soldats du premier rang ont grimacé sous l'effet de la soudaine et épaisse bouffée d'énergie, tandis que d'autres ont dû se pencher en avant pour ne pas basculer de leur siège.

Avec un sourire, j'ai augmenté ma production de mana à quarante pour cent. Une épaisse vague de mana a également jailli de moi, mais elle était différente de celle de Madame Astera. Alors que son mana prenait la forme d'un coup de vent aigu et chaotique, le mien se manifestait sous la forme d'une impulsion raffinée en forme de vague.

Le sourire de Madame Astera s'est effacé tandis qu'elle me regardait avec étonnement. Puis, se secouant pour sortir de son étourdissement, elle a moulé son mana en une épaisse armure autour d'elle avant de se jeter sur moi. La force de son premier pas a créé un petit cratère sous ses pieds, faisant trembler toute l'arène.

En l'espace d'un souffle, son épée était déjà à quelques centimètres de ma gorge, et la force de son coup avait envoyé une lance de vent passer devant mon cou pour créer un trou dans le mur derrière moi.

Je comprenais pourquoi Nyphia avait si peur de cette "simple cuisinière". Après l'échec de sa première frappe, elle a fait un bond en arrière et s'est repositionnée, resserrant sa position comme un serpent enroulé, prête à frapper.

Mais cette fois, c'est moi qui ai frappé.

Je me suis précipité en avant, sans faire de bruit, en passant à côté d'elle avec mon épée en plein élan. Elle a immédiatement esquivé.

N'ayant pas eu le temps de se préparer, son mouvement était bâclé, mais le fait qu'elle ait été capable de réagir à mon attaque montrait à quel point son instinct était vif.

Elle s'est élancée d'un coup sec avant de faire un nouveau bond en arrière.

Cette fois, elle

n'a pas attendu que je frappe, elle s'est élancée une fois de plus. J'ai levé mon épée, mais j'ai réalisé à mi-chemin que son coup n'était qu'une feinte alors qu'elle plongeait dans un large coup vers ma jambe ; elle voulait que je saute pour esquiver et qu'elle puisse m'attraper en plein vol.

Au lieu de cela, j'ai abaissé mon épée pour parer.

Un tintement aigu a résonné du choc de nos deux lames. Un profond frémissement est monté le long de mon bras à cause de l'impact, puis mon épée s'est brisée.

Pendant un moment, nous sommes restés là, tous les deux essoufflés et, peut- être, un peu déçus de la conclusion abrupte de notre combat. Finalement j'ai dit, "C'est ma défaite, Chef Astera."

"Non, je ne peux pas l'accepter. C'est juste que la qualité de votre épée..."

J'ai secoué la tête. "Je pense que c'est l'heure du dîner de toute façon, non ?" Je me suis dirigé vers le soldat à qui j'avais emprunté l'épée. "Je suis désolé pour ton épée. Je vais t'en donner une nouvelle."

" Quoi ? Oh, oui, bien sûr. Pas de problème..." Sa voix s'est tue alors qu'il me fixait d'un air absent. En remarquant son expression stupéfaite, j'ai réalisé à quel point le camp était devenu silencieux. J'ai regardé autour de moi pour voir que tout le monde avait la même expression que le soldat en face de moi, le seul bruit étant le craquement occasionnel du bois provenant des feux. "Vous avez entendu le garçon, bougez vos culs ou mourrez de faim pour le reste de la nuit !" Madame Astera a rugi. "Nous allons tout donner ce soir !" Sur ce, la foule silencieuse se met à applaudir, et les cuisiniers commencent à distribuer des assiettes remplies de nourriture fumante.

L'atmosphère est rapidement devenue festive lorsque Madame Astera a sorti des barils d'alcool. J'ai vu Vanesy essayer de limiter la quantité d'alcool qui circulait, mais elle a fini par céder et a pris un verre pour elle.

Je n'étais pas sûr que ce soit une bonne idée de boire alors que nous étions censés être à l'affût de tout navire ennemi égaré, mais les chances que cela se produise étaient trop minces pour empêcher les soldats de passer au moins une bonne nuit.

Avec quelques verres dans l'organisme de chacun, les soldats sont devenus plus extravertis.

Certains ont commencé à chanter tandis que d'autres les accompagnaient, utilisant une bûche creuse comme instrument de percussion de fortune. Les chansons ressemblaient à des récits mélodiques d'aventuriers sans réelle réflexion sur le rythme, mais c'était néanmoins agréable, surtout après avoir bu quelques verres.

Une Lance doit-elle succomber à la pression de ses pairs et boire autant ? Sylvie m'a réprimandé, choisissant de rester dans ma cape pour se réchauffer.

Qui dit que c'est la pression des pairs ? J'ai répondu en prenant une autre gorgée, savourant l'engourdissement chaud qui se répandait à cause de l'alcool - et du feu aussi.

"Ça te dérange si je me joins à toi ?" Madame Astera a pris place à côté de moi près de la flamme dansante, un verre de liqueur à la main. "Alors, qui est Arthur exactement ?"

"Pas du tout", ai-je répondu. J'étais reconnaissant de la présence de la chef, car les soldats curieux qui s'attardaient autour de moi ont commencé à se disperser dès qu'elle est arrivée. "Et je pensais que tu le savais déjà."

"Je savais que tu n'étais pas un garçon normal". Elle a haussé les épaules avant d'engloutir le reste de l'alcool dans son verre.

J'ai fait de même et pris une autre gorgée. "Alors puis-je te demander qui tu es ?"

"Je te l'ai dit, je suis juste une..."

"Ouais, ta réponse 'simple cuisinière' ne va pas suffire", l'ai-je interrompu. Elle a éclaté d'un rire franc qui ne correspondait pas à sa petite taille. "Bien, je vais répondre. Mais tu aurais probablement pu vous renseigner auprès de certains des soldats ici présents - beaucoup d'entre eux étaient mes élèves, après tout."

"Donc tu étais professeur ? A Xyrus ?"

"Oh s'il te plaît, je préférerais avaler des litres de sable de feu plutôt que d'enseigner dans cette école", a-t-elle rétorqué.

"Il se trouve que j'y ai été élève", ai-je répondu, faisant semblant d'être offensé.

"Alors tu sais à quel point la plupart de ces enfants sont coincés", a-t-elle répondu.

"Je ne peux rien dire contre ça." J'ai senti ma poitrine se serrer à l'évocation de certains souvenirs indésirables, mais j'ai repoussé ce sentiment.

"Après la guerre avec les elfes, j'ai décidé d'enseigner à l'Académie Lanceler", dit-elle en regardant oisivement le feu à travers son verre vide. " Tu as entendu parler de nous,

n'est-ce pas ?"

"Bien sûr", ai-je répondu, repensant au temps que j'avais passé à faire des recherches sur cette école autrefois célèbre, située dans la ville de Kalberk, près du centre de Sapin. "L'école légendaire pour tous les futurs soldats d'élite."

"Sauf qu'après la guerre, il y avait peu de demande de soldats", souffla-t-elle en embuant son verre. "Plus de nobles voulaient que leurs enfants aillent à Xyrus maintenant qu'il y a si peu de tensions entre les races."

"Je vois", ai-je murmuré. "Pourtant, cette guerre contre les Alacryens aurait dû amener pas mal de nouveaux étudiants à Lanceler. Ne le prenez pas mal, mais que faites-vous ici en tant que chef ?"

"C'est une histoire pour une autre fois", dit-elle en secouant sa tasse. "Une fois avec plus d'alcool."

J'ai levé mon verre. "Je vais accepter ton offre."

"Maintenant, parlons de ton histoire. Qu'est-ce qu'un talent comme toi fait ici, et pourquoi diable as-tu décidé d'aller à Xyrus avec ce niveau de compétence à l'épée ?"

"Parce que je pouvais me débrouiller seul avec l'épée. C'est en magie que j'avais besoin d'aide pour m'améliorer", ai-je répondu.

Ses yeux se sont agrandis et elle m'a regardé fixement. "Sans blague ?"

J'ai secoué la tête et ouvert la bouche pour continuer, mais le cliquetis de pas en armure a attiré mon attention. "Général - Je veux dire, Monsieur." Le garde qui s'était posté à l'extérieur de la tente du professeur Glory s'est couvert la bouche devant sa gaffe, les yeux écarquillés et craintifs tandis qu'il jetait des regards entre moi et Madame Astera.

Malgré la clameur autour de nous, tout le monde dans les environs semblait avoir entendu, et ils ont tourné la tête vers nous.

Le garde a continué à parler, baissant la voix dans une tentative inutile de réparer son erreur. "Le capitaine Auddyr est arrivé et le capitaine Glory est introuvable."

Je me suis retourné vers le chef de cuisine, dont les sourcils étaient froncés en signe de confusion. "Voilà mon histoire."

"Il a dit 'Général'." Madame Astera s'est tournée vers le garde. "Vous avez dit 'Général', n'est-ce pas ?"

Ne sachant que répondre, le garde m'a regardé d'un air interrogateur, mais je me suis levé, en prenant soin de ne pas réveiller mon lien endormi.

"Venez. Allons trouver votre capitaine." Je me suis retourné vers le chef, tenant mon verre vide. "A un moment avec plus d'alcool."

Son visage s'est détendu et elle a esquissé un sourire. " Ouais. "

Tandis que nous retournions vers la tente principale, je scrutais le sommet des gros rochers, espérant apercevoir la capitaine. La connaissant, je doutais qu'elle soit capable de se détendre complètement.

"Ah, la voilà", ai-je dit en plissant les yeux.

Il a fallu un moment au garde pour repérer sa silhouette ombragée. Elle était assise au sommet du rocher qui constituait le mur d'entrée du campement.

"Merci." Le garde s'est dirigé vers elle, mais je l'ai retenu.

"Laissez-moi faire. Dites au capitaine Auddyr que je le rencontrerai demain matin à la première heure."

"Mais le capitaine…"

"C'est bon", ai-je interjeté en lui tendant mon verre vide. "Il ne se passe rien, et j'ai un peu trop bu pour divertir un homme que je ne connais pas ce soir."

"Oui, Général." Avec un salut, le garde s'est dirigé vers la tente.

J'ai pris une grande inspiration qui a formé un nuage de brouillard devant moi, j'ai enveloppé mon corps dans un voile de vent et je me suis préparé à sauter. La fine couche de givre sous mes pieds a craqué lorsque j'ai quitté le sol.

Où allons-nous maintenant ? demanda Sylvie, qui semblait visiblement endormie, même à travers la transmission mentale.

Je m'assure que ma précieuse subordonnée va bien, ai-je répondu ironiquement en marchant derrière Vanesy.

Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant de tourner la tête vers l'océan gris éclairé par la lune. "Tu veux un autre verre ?"

"La vigie doit-elle boire ?" J'ai demandé, prenant un siège à côté d'elle alors que Sylvie sortait de ma cape de laine.

"C'est vous qui parlez, général, avec vos joues de la couleur des tomates mûres", a-t-elle raillé, caressant paresseusement mon lien, qui s'était pelotonné entre nous.

"Donne-moi ça." Prenant la gourde de ses mains, je pris une nouvelle gorgée du liquide ardent qui me chatouillait la gorge.

S'appuyant sur ses mains, Vanesy a levé les yeux vers le croissant de lune. "Penses-tu que nous serons capables de gagner cette guerre ?"

"Je n'en suis pas entièrement sûr, mais je ferai tout ce que je peux pour que nous le fassions", ai-je promis.

"D'une certaine manière, malgré le fait que tu ais à peine la moitié de mon âge, je trouve du réconfort dans tes mots - comme si tu allais vraiment t'en assurer." Je repensai à l'événement d'il y a trois ans qui avait toujours pesé sur mon esprit. "J'ai déjà laissé tomber beaucoup de gens. Je veux m'assurer que je ne le referai pas."

"Tu parles de ce qui s'est passé à Xyrus ?" a-t-elle demandé, les sourcils froncés.

J'ai simplement hoché la tête en guise de réponse, et j'ai regardé la vue hypnotique du large océan. "Que reste-t-il de l'Académie Xyrus maintenant ?"

Je pouvais sentir les yeux de Vanesy sur moi, mais elle est restée silencieuse. "Tessia ne se souvient pas de grand-chose", ai-je poursuivi. " Curtis et Kathyln font comme si rien ne s'était passé - comme s'ils ne voulaient pas accepter ce qui s'est passé. Que s'était-il passé exactement avant mon arrivée ? "

"Arthur. Ce qui est fait est fait. Si je te dis ça, tu ne feras que..."

"J'ai besoin de savoir, Vanesy. J'aurais dû demander bien plus tôt, mais j'ai trouvé des excuses pour ne pas le faire." Je me suis tourné et j'ai rencontré ses yeux.

Avec une profonde inspiration, mon ancien professeur a hoché la tête. "Au comité de discipline, Doradrea a été la première à être trouvée morte. Théodore a été gravement blessé et ne s'en est pas sorti, même avec l'aide des émetteurs de la guilde des aventuriers."

"Qu'en est-il de Feyrith, et de Claire...Claire Bladeheart ? Quand je suis arrivé, elle avait été poignardée... Elle a survécu ?"

Vanesy a de nouveau hoché la tête. "Feyrith Ivsaar... Je sais qu'il a été gravement blessé, mais il a été ramené chez lui sain et sauf. La famille Bladeheart, cependant, est aussi secrète qu'elle est ancienne. On m'a dit que Claire était vivante, mais quant à l'état dans lequel elle se trouvait, je n'en suis pas sûr. "

"Je vois. Au moins, elle est vivante." J'étais soulagé que le chef du comité de discipline s'en soit sorti, mais mon bref sentiment de soulagement s'est effondré lorsque Vanesy a continué, énumérant les noms des personnes que je connaissais et qui étaient maintenant disparues. Il y avait tellement de noms qu'ils semblaient se rejoindre, et même si tous les noms ne sonnaient pas clairement, le nombre de personnes qu'elle mentionnait me frappait durement. "Et ?" J'ai demandé, la voyant hésiter.

" Kai Crestless était l'un des membres radicaux que le Vritra, Draneeve, avait avec lui. Kai et le reste des laquais en robe ont disparu avec Draneeve, ainsi qu'Elijah", a-t-elle poursuivi. "Il est probablement la raison pour laquelle Curtis ne voulait pas parler de ce désastre".

"Je vois", ai-je marmonné, en reportant mon regard sur l'océan.

Pendant un long moment, aucun de nous n'a parlé. L'agitation qui régnait en dessous de nous et le faible fracas de la marée nocturne au loin étaient les seuls éléments qui remplissaient le silence alors que je repensais à mon court séjour à Xyrus. Savoir ce qui s'est passé maintenant m'a donné l'occasion de réfléchir. Je me surprenais souvent à oublier les vieux souvenirs de ma vie passée. De plus en plus, l'emprise de mon passé sur moi diminuait, me permettant de devenir la personne que je voulais être dans ce monde. Mais à cet instant, je me surprenais à souhaiter redevenir l'ancien moi - le moi froid et rationnel qui avait supprimé ses émotions en échange de n'avoir aucune vulnérabilité pouvant être utilisée contre lui.

Ce n'est pas comme si je n'avais pas deviné ce qui s'était passé, mais l'entendre confirmer le rendait soudainement très réel. Ma poitrine se tordait, comme si le sang qui circulait dans mon cœur s'était épaissi en goudron et qu'il luttait pour garder un rythme stable.

Une goutte de liquide chaud a roulé sur mon visage glacé alors que je sentais mon menton trembler comme celui d'un bébé. Grinçant des dents dans l'espoir de supprimer mes émotions indésirables, je me suis retourné pour regarder vers le camp. Je me demandais combien de personnes que je connaissais - même celles que j'avais rencontrées aujourd'hui - finiraient par mourir, sans que je puisse rien faire pour les en empêcher. Combien d'entre eux survivraient à cette guerre ?

Je me suis tourné vers Vanesy et j'ai vu ses épaules trembler alors qu'elle se cramponnait à sa gourde. Essuyant rapidement une larme, je me suis levé.

Sylvie. Fais-moi une faveur et monte la garde pour la nuit.

Bien sûr, m'a-t-elle répondu, d'un ton doux et réconfortant que j'ai rarement entendu. Mon lien reprit sa forme originelle, sortant Vanesy de sa mélancolie. D'un puissant battement d'ailes noires, Sylvie s'est élevée, à peine visible alors qu'elle se fondait dans le ciel nocturne.

"Viens." J'ai tendu la main à Vanesy. "La nuit est encore longue, et les soldats n'ont pas l'air de vouloir s'arrêter. En tant que capitaine, je pense qu'il est de ton devoir de les rejoindre au lieu de te morfondre ici."

152

LE MATIN APRÈS

J’ai soulevé mon épée d’entraînement de fortune, un morceau de bois grossièrement sculpté, enveloppé de serviettes pour le poids. Je comptais dans ma tête à chaque coup descendant avant une douce voix me sortir de ma transe. ''Grey. C'est l'heure du petit-déjeuner.''

Regardant par dessus mon épaule, je remarqua Cecilia à la porte avec une serviette fraîche pliée soigneusement dans ses bras. ''Oh, merci !''

Je me rapprocha et Cecilia me la donna. ''Je dois toujours aider à mettre la table.'' annonça-t-elle avant de s'en aller brusquement.

Je regarda Cecilia marcher par le couloir faiblement éclairé, me souvenant de l'incident d'il y a presque un an, lorsque j'ai pratiquement failli mourir en essayant de la sauver de son explosion de ki.

Malgré sa discrète façon de parler, son attitude envers tout le monde s'était définitivement améliorée.

Après m'être essuyé, je retourna aussi à l'intérieur, m'assurant de fermer la porte grillagée contre les insectes d'été bourdonnant à l'extérieur.

''Quelqu'un est apparemment en train de traverser la puberté, jugeant par la puanteur s'échappant de son corps.'' la fine figure de Nico m'approcha d’un couloir croisant le mien.

''Ta sueur commence à sentir quand tu passes par la puberté ?'' Je demanda, reniflant mon débardeur.

''Apparemment, selon un article que j'ai lu sur les hormones.'' Il haussa les épaules. Prenant une bonne bouffée de l'odeur rance pour la première fois, je grimaça. ''Cecilia l'a probablement aussi senti alors. ''

''Elle n'a pas réagi du tout?''

''Non, elle m'a juste donné une serviette et est repartie,'' je dis en m'essuyant de nouveau avec la serviette, espérant retirer un peu plus d'odeur.

''Sa détermination de coller à son personnage indifférent est forte.'' Nico acquiesça.

J'haussa les épaules. ''Je ne pense pas qu'elle essaye d'être un personnage.''

''Je suis pas du même avis, mon ami. La semaine dernière, après avoir fini de modifier le gant de choc - nom non définitif, d'ailleurs - pour le transformer en un pendentif qu'elle pourrait porter autour du cou, elle a refusé !''

Levant un sourcil, un sourire narquois au visage dirigé à mon ami. ''Oh ? Tu as donné à Cecilia un collier ?'' ''Comment tu fais pour choisir que ce tu veux entendre ? Qu'est-ce que tu vas faire quand tu seras dans une vraie école ?'' Il soupira, adoptant un air d'une grande déception. ''Et de toute façon, je penses qu'elle te préfère - avec elle te donnant une serviette et tout.''

''Et bien, j'ai sauvé sa vie, tu sais,'' je le taquina, mettant un bras autour de mon maigre ami. J'étais devenu plus grand que lui, ces derniers mois. ''Son chevalier en armure transpirante,'' il dit, pinçant son nez.

C'était devenu de plus en plus apparent, du moins pour moi, que Nico avait développé des sentiments pour Cecilia, la reine de glace de notre orphelinat. Ce n'était pas un secret que Cecilia était populaire parmi les garçons ici, mais tous ceux qui ont réunis le courage de faire quoi que ce soit s'étaient fait rejetés. Avec son particulier mélange de fierté et de peu de confiance en lui, Nico trouva d'autre moyens de se faire remarquer par Cecilia sans révéler son intérêt pour elle.

Je m'appuya plus fortement sur mon maigre ami, le faisant lutter pour nous empêcher de tomber. ''Je ne suis plus si sûr de toujours vouloir entrer à l'école.'' ''Quoi ?'' Nico se libéra finalement de mon bras. ''Pourquoi ? Tu sais que je ne suis pas sérieux quand je blague sur ton intelligence.''

''C'est pas ça,'' je gloussa. ''C'est coûteux, et Directrice Wilbeck a déjà du mal à envoyer quelques enfants à l'école.''

''Alors que prévois-tu de faire ?'' Nico demanda, les sourcils froncés en une rare expression sérieuse.

''Je ne sais pas encore. Peut-être juste aider en tant que staff à l'orphelinat quand je serais assez vieux. Je pensais même aller dans l'institution pour devenir meilleur avec le ki. Je sais qu'ils offrent une éducation gratuite et d'autres truc si tu es qualifié.''

J'ai haussé les épaules. ''Tu rigoles, hein ?'' Il fulminait, s'arrêtant au milieu du couloir. ''Je sais que tu dois beaucoup à Directrice Wilbeck et je comprends que tu veux la repayer, mais rester ici pour faire ça est idiot. Avec ton talent, tu peux faire bien plus une fois que tu auras reçu une éducation appropriée !'' ''Ce qui m'amène à pourquoi je pensais à l'institu-''

''Ce n'est pas une éducation,'' Nico interrompit. ''Ces institutions sont créés pour produire des soldats sans cervelle et de trouver de potentiels candidats pour devenir roi. J'ai lu quelques journaux sur ces endroits – comment les étudiants sont travaillés au point de quasiment mourir ; combien de candidats se font virer parce qu'ils ne sont pas assez bons.''

''Tu parles comme la directrice,'' je grommelais en recommençant à marcher. ''Parce que tu n'as aucune motivation à faire quelque chose. Bien sûr, tu aimes t'entraîner, mais tu n'as aucun but derrière ça,'' il réprimanda. ''L'école est un endroit où tu peux trouver ce que tu veux faire tout en apprenant à propos de ce monde – sans restriction ou biais, comme l'institution.''

''Et donc, l'argent est toujours un problème,'' je pointa. ''Si nous voulons aller à l'école, il faudrait que ce soit l'année prochaine.''

L'expression de Nico s'adoucit à ma conformité. ''Et bien, tant mieux pour toi, il se trouve que tu as un ami qui, lui, penses et planifies pour le futur. J'ai presque accumulé assez d'argent de nos petites 'missions' pour nous permettre d'aller à l'école – bien sûr, supposant que j’obtienne au moins une bourse partielle.''

''Attends, tu n'étais pas supposer donner l'argent à l'orphelinat ?'' ''Je l'ai fait''- Nico prit une expression innocente – ''en partie.''

Je secoua la tête en grognant. ''J'aurais dû m'en douter.'' ''Après avoir reçu une éducation appropriée, nous allons pouvoir aider Directrice Wilbeck et les enfants ici. Je te garantis que ce sera meilleur pour l'orphelinat de cette façon.'' Mon ami me tapota le dos. ''Viens. Allons dans la salle à manger avant que notre part refroidisse.''

''Pourquoi pas économiser assez d'argent pour amener Cecilia avec nous aussi ?'' Je le taquina une dernière fois en suivant Nico dans le hall.

''Tais-toi ! Je te dis, je ne ressens rien pour elle !'' il rétorqua, refusant de me regarder dans les yeux.

ARTHUR LEYWIN

J'ai ouvert les yeux à la douce lueur du soleil matinal. Même cachés derrière une couche de nuages, ses rayons semblaient en quelque sorte percer des trous dans mes rétines. La douleur dans mon crâne pulsait de façon rythmique

- un rappel constant des verres, sinon des bouteilles, d'alcool que j'avais consommés la nuit précédente.

Plissant les yeux, j'ai tenté de me lever, mais avec un gémissement maladif, je me suis immédiatement recroquevillé sous la cape de laine qui me servait de couverture. Ma bouche était sèche, collée par une épaisse salive.

Soudain, ma cape - la seule chose qui me protégeait du monde extérieur - m'a été arrachée.

"Bonjour, général", la voix familière de Vanesy résonnait d'en haut. Le timbre clair de sa voix était normalement agréable à l'oreille, mais la force de ma gueule de bois le rendait aigu et grinçant.

"En tant que votre supérieur, je vous ordonne de me remettre ma couverture et de me laisser dormir", ai-je marmonné avec irritation.

"Je ne peux pas. C'est toi qui as décidé de repousser la réunion avec le capitaine Auddyr au matin", a-t-elle dit en tirant mon corps réticent vers le haut. "Passe un peu d'eau froide sur ton visage et rejoins-nous à la tente."

Vanesy m'a tendu une petite pile de papiers attachés ensemble. "Tiens. Lis ceci avant de nous rencontrer, moi et le capitaine Auddyr", dit-elle avant de partir.

En grommelant, je me suis levé, regardant ce qui m'entourait pour la première fois

fois aujourd'hui. J'avais réussi à atteindre le sommet de la falaise surplombant le camp.

Tu n'as pas réussi à faire quoi que ce soit la nuit dernière. La voix de Sylvie résonnait dans ma tête comme un coup de pied au cerveau.

Doucement, Sylv. Ma tête me tue, je me suis plaint en apercevant mon lien sous sa forme de dragon, s'approchant depuis la forêt derrière moi. Que s'est- il passé ?

"J'ai traîné ton corps d'ivrogne jusqu'ici pour te laisser dormir, et pour t'empêcher de te ridiculiser avant même d'annoncer ta position à tout le monde", m'a-t-elle reproché d'une voix douce que je n'avais pas entendue depuis quelques jours.

"Comment s'est passée la garde hier soir ? Rien d'inhabituel ?" J'ai demandé, essayant de changer de sujet.

Elle a brillé de mille feux avant de se rétrécir sous sa forme de renard blanc nacré, puis a sauté sur mon épaule. "C'était calme. Il y avait une épaisse couche de brouillard sur toute la côte ouest, donc je n'ai pas pu trouver de navires ennemis. J'aurais voulu aller plus loin mais j'avais peur qu'ils me trouvent."

"Tu as bien fait", ai-je dit. "Maintenant, où puis-je me laver le visage ?"

"Il devrait y avoir des stations de lavage dans le campement, mais il y a un ruisseau juste un peu plus loin dans la forêt que je pense que tu préféreras", a- t-elle répondu, un filet de brouillard se formant devant son museau pendant qu'elle parlait.

"Va pour le ruisseau."

L'air frais a contribué à mon rétablissement, mais c'est la première giclée d'eau froide sur mon visage qui m'a vraiment éclairci la tête.

J'aurais aimé pouvoir laver les toxines de mon cerveau également, mais au moins j'étais pleinement fonctionnel lorsque Sylvie et moi sommes arrivés devant la tente du capitaine.

J'ai levé les yeux de la pile de papiers, que j'avais feuilletée à la hâte en sortant du ruisseau, pour voir le garde familier posté devant la tente. "Toi. Quel est ton nom ?"

"C'est Mable Esterfield, monsieur - je veux dire, général", a-t-il déclaré. Il gardait les yeux fixés droit devant lui, et sa posture était rigide.

"Quel joli nom qui ne convient pas", ai-je commenté en lui tapant sur l'épaule alors qu'il me regardait avec une expression confuse.

Je suis entré dans la tente, et j'ai été accueilli par une bouffée d'air chaud provenant du petit fourneau à côté du bureau.

À côté de Vanesy se tenait un homme paré de la tête aux pieds d'une tenue militaire trop élégante. À côté de lui, Vanesy avait l'air d'un simple fantassin, alors que, comparé à eux deux, je n'étais qu'un petit paysan.

Avec ses cheveux blonds argentés soigneusement coiffés derrière ses oreilles étroites, le capitaine Auddyr se tenait debout, le dos bien droit. Il ne semblait pas plus âgé que mon père, mais les rides qui tapissaient son visage m'indiquaient combien de temps il avait passé à se renfrogner. Ses sourcils aigus et ses yeux enfoncés dans le sol semblaient me transpercer, comme s'il regardait un fils rebelle.

"Capitaine, voici le général Arthur Leywin. Arth-General Leywin, voici le Capitaine Jarnas Auddyr, de la 2ème division." Le capitaine Auddyr et moi nous sommes regardés en même temps que nous étions présentés.

"Je suis ravi de vous rencontrer, capitaine." J'ai souri en tendant la main, en espérant avoir l'air plus présentable que je ne l'étais.

Le capitaine Auddyr m'a rendu mon geste et m'a serré la main. "Tout le plaisir est pour moi, général", a-t-il dit en grognant, puis il s'est immédiatement tourné vers Vanesy. "Capitaine Glory. Ma division a établi son camp dans les bois voisins, sur le flanc de la falaise. Il serait préférable pour nos deux divisions de faire connaissance avant de réunir nos forces." Elle m'a jeté un regard mal à l'aise avant de répondre. "Je suis d'accord. Nous avons besoin que les deux divisions se connaissent le plus rapidement possible. Général Leywin, quelle est selon vous la meilleure façon de diviser nos forces en cas d'attaque ?"

Je baissai à nouveau les yeux sur la liasse de papiers que Vanesy m'avait remis le matin même, qui détaillait les chiffres précis de chaque division, ainsi qu'un inventaire des armements et des fournitures. . J'étais en train de lire les chiffres des mages et de fantassins quand le capitaine Auddyr a pris la parole.

"Intégrer nos divisions de façon à ce que tous nos fantassins soient alignés en position de recevoir une attaque depuis la côte serait le mieux", a-t-il déclaré. Vanesy secoua la tête. "Capitaine Auddyr, le général Leywin a été chargé de superviser nos divisions, il serait donc préférable de…"

"Le général Leywin est responsable, en tant que Lance, de s'assurer que nos divisions sont prêtes en cas d'attaque, mais en tant que puissante Lance, il devrait savoir que les capitaines sont les mieux informés sur leurs propres divisions", a coupé le capitaine Auddyr alors que je continuais à lire la petite liasse de papiers.

J'ai envie de le gifler avec ma queue. Sylvie a grogné, me faisant presque rire à haute voix.

Après avoir terminé ma lecture superficielle des détails de la division du capitaine Auddyr, j'ai rendu les papiers à Vanesy. "On dirait que l'on n'a pas besoin de moi ici alors. Je vais aller manger un morceau."

"Général Leywin !" Vanesy m'a appelé de derrière moi. J'ai regardé par- dessus mon épaule. "Oui ?"

"N'y a-t-il rien que vous aimeriez ajouter ?" a-t-elle répondu, semblant mal à l'aise quant à la façon dont notre réunion avait progressé.

"Eh bien, si vous voulez mon avis, je dirais qu'allouer cent pour cent d'une force à un seul poste n'est jamais une sage décision." J'ai haussé les épaules.

Le capitaine Auddyr a froncé les sourcils en tentant de masquer son mépris. Il était évident qu'il n'avait pas l'habitude d'être défié, surtout par quelqu'un de plus jeune que lui.

"Nous sommes la dernière forme de défense sur la côte ouest, au cas où des vaisseaux alacryens errants viendraient de l'océan. D'où d'autre pourraient-ils attaquer, Général ?" siffla-t-il, soulignant mon titre comme si c'était une insulte.

"Capitaine, j'essaie d'être civilisé", ai-je dit en me retournant. "Comme vous l'avez dit, le commandant Virion m'a demandé d'être ici dans le cas improbable où le pire scénario se produirait, c'est donc dans cette optique que je me place."

J'ai fait un pas de plus vers lui, mon attitude nonchalante se dissipant. "Cependant, je vous suggère de ne pas confondre mon indifférence à l'égard de cette question spécifique avec une notion erronée que vous tenez les rênes ici. Compris ?"

Le capitaine Auddyr s'est involontairement éloigné de moi, la sueur perlant sur les côtés de son visage renfrogné. "Compris."

J'ai hoché la tête. "Bien. Je n'ai jamais eu l'intention de jouer un rôle direct dans les décisions que vous prenez, alors je vous laisse décider tous les deux."

Cependant, alors que je me préparais à partir, des hurlements lointains ont attiré mon attention. Nous avons tous les trois échangé des regards, tous confus quant à ce qui se passait.

Nous nous sommes précipités hors de la tente pour voir tous les soldats - certains ayant encore des bols de nourriture à la main - regardant en direction de la falaise d'où provenaient les cris et les hurlements. Le camp était si calme à ce moment-là qu'on avait l'impression que le temps s'était arrêté. Puis, un objet oblong a volé du bord de la falaise et a roulé vers le bas, atterrissant près de nous.

C'était une épée ensanglantée, avec un bras coupé, revêtu d'une armure, qui tenait toujours la poignée.

153

LA VOIE DE LA MAGIE

Les deux capitaines derrière moi semblaient momentanément stupéfaits tandis que nous fixions tous le bras coupé, la main serrant toujours l'épée, une mare de sang se formant sous elle. Sylvie s'est dégagée de ma cape et s'est précipitée vers les restes sanglants.

"Soldats en garde ! Préparez-vous au combat !" J'ai rugi, projetant ma voix aussi fort et distinctement que possible pour attirer l'attention de tous.

Les soldats sont sortis de leur torpeur à mes ordres. Les nouvelles recrues se sont précipitées vers leurs affaires, tâtonnant pour enfiler leur armure. Les aventuriers vétérans et les soldats expérimentés, qui portaient déjà leurs sous- armures, bouclaient adroitement leur équipement de protection tandis que les cris et les bruits de métal continuaient à résonner au-dessus de la falaise.

Les capitaines Glory et Auddyr étaient déjà vêtus d'une armure légère et avaient repris leurs esprits, tous deux un peu gênés par leur mauvaise réaction à la situation.

"Capitaine Auddyr. L'armure sur ce bras n'est pas celle d'un passant, c'est une tenue militaire. N'avez-vous pas dit que votre division était stationnée sur la falaise ?" Le camp était devenu bruyant d'activité, et j'ai dû crier.

Le capitaine au visage autrefois bourru a pâli d'horreur en étudiant une fois de plus l'armure. Il était sur le point de monter la falaise, mais je l'ai retenu par le gorget métallique qui protégeait ses épaules et sa poitrine. " Restez ici jusqu'à ce que la division soit prête. "

"Lâchez-moi ! Mes soldats sont attaqués sans leur chef !" Le capitaine Auddyr a sifflé, sans aucune trace de son ancien caractère hautain et posé.

Resserrant ma poigne, je l'ai tiré vers moi. "Capitaine. Si vous y allez seul et que vous êtes tué, vos soldats seront dans une position pire que celle dans laquelle ils sont maintenant."

J'ai observé le campement tandis que le capitaine Glory conduisait sa division en une formation organisée. La plupart des soldats étaient déjà préparés et regroupés en fonction de leur position. Plutôt qu'un grand groupe, Vanesy avait divisé ses forces en unités distinctes, chacune composée de ses propres rangs de fantassins, d'augmenters, d'archers et de mages.

En jetant un coup d'œil rapide, j'ai vu que ceux qui se trouvaient à l'avant de chaque unité étaient des fantassins - des humains et des elfes ordinaires avec des armures épaisses et de grands boucliers, puisqu'ils devaient prendre le gros de l'attaque. Sur les flancs se trouvaient des augmenters chargés de protéger les conjurers et les archers pendant qu'ils lançaient leurs flèches et leurs sorts.

Le chef - le leader d'une unité - était positionné juste derrière les fantassins, un endroit idéal pour donner des ordres et protéger également les conjurers.

Vanesy m'a regardé et m'a fait signe qu'elle était prête. Lâchant le capitaine Auddyr, je lui ai fait signe de rejoindre son collègue capitaine tandis que je me dirigeais vers l'arrière où étaient regroupés les forgerons et les cuisiniers, Sylvie derrière moi.

Alors que la division commençait à gravir la pente raide de la falaise, je me suis demandé qui pouvait bien attaquer. Nous étions près de la frontière sud de Sapin, où le royaume souterrain de Darv commençait. Au début, j'ai immédiatement pensé à une attaque de bête de mana, mais la coupure sur le bras était trop nette pour qu'il s'agisse de griffes ou de crocs. Il était possible qu'ils aient été attaqués par certains des bandits nomades dont j'avais lu l'histoire, qui voyageaient en surface le long des parties sud de Dicathen. Il pouvait aussi s'agir d'un groupe radical opposé à la guerre avec Alacrya, mais il n'y avait aucun moyen d'en être sûr - et le fait qu'un bras coupé ait dévalé la falaise m'a fait penser qu'il se passait autre chose. "Madame Astera, ça va aller ici ?" J'ai demandé quand j'ai repéré le chef

chef, qui portait maintenant une armure plaquée.

"Aucun problème ici. Le capitaine Glory a ordonné à certains augmenters de rester derrière pour nous garder, mais je suis aussi ici, tu te souviens ?" Elle m'a fait un sourire en coin.

" Tu as raison. Je vais y aller alors." J'étais sur le point de me retourner vers la falaise quand Madame Astera m'a saisi le bras.

"Arthur", dit-elle, l'air grave et sérieux. "On n'est jamais trop prudent." "J'espère que tu pratiques ce que tu prétends."

A Sylvie, j'ai dit : Tu ferais mieux de te préparer.

Est-ce que j'ai le droit de me transformer au grand jour si tôt ? a-t-elle demandé, en penchant légèrement sa tête de renard sur le côté.

Pas besoin de se retenir pour l'instant. J'ai besoin de savoir ce qui se passe là-haut, et vite.

Le petit corps de Sylvie se mit à briller et prit la forme d'un puissant dragon. Ses écailles d'obsidienne scintillaient sous le soleil du matin, faisant honte à l'océan étincelant. Ses yeux jaunes translucides me regardaient avec intelligence et une férocité animale. Les cuisiniers corpulents et les forgerons, dont les bras étaient aussi épais que mon torse, étaient bouche bée et révérencieux ; certains tombèrent même à la renverse comme des enfants apprenant à marcher.

J'ai sauté à la base du cou de mon lien et me suis accroché à une pointe. En regardant par-dessus mon épaule une fois de plus, j'ai vu l'expression stupéfaite sur le visage délicat de Madame Astera alors que les grandes ailes de Sylvie battaient pour produire un puissant coup de vent.

Sylvie a quitté le sol d'un coup de patte et a balancé ses ailes une fois de plus pour s'élever. Les vents puissants ainsi produits ont fait sursauter les unités en marche, menées par leurs chefs, avec les capitaines Glory et Auddyr en tête, mais j'étais déjà trop haut pour distinguer leurs expressions.

J'avais prévu de voler directement au-dessus de l'endroit où la division du capitaine Auddyr devait se trouver, mais au lieu de cela, Sylvie s'est élevée dans la couche de nuages au-dessus de moi. Arthur, avant de nous engager dans la bataille, tu dois savoir que je suis limitée dans ce que je peux faire pour t'aider.

Tu parles du traité des asuras ? J'ai demandé, craignant de ne pas pouvoir me battre aux côtés de mon lien.

C'est un point sur lequel Aldir m'a mis en garde, mais il n'y a pas que cela. Avec le processus d'éveil que Grand-père Indrath m'a fait subir pour mes pouvoirs d'éther, il faudra encore un certain temps avant que je sois capable de t'aider avec la magie. Jusqu'à ce que mes pouvoirs soient complètement éveillés et sous contrôle, je serai limitée à ce que je peux faire physiquement sous cette forme. Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit plus tôt.

J'ai caressé le côté du grand cou de mon lien, me reprochant de ne pas avoir tenu compte de son état. Je savais que j'avais écourté son entraînement, mais je n'avais jamais réalisé à quel point c'était un moment crucial pour elle. Non, ne le sois pas. Au moins, je le sais maintenant.

Il ne nous a pas fallu longtemps pour atteindre notre destination. Nous pouvions entendre les bruits d'une bataille, mais ce n'est que lorsque nous sommes passés sous la couche de nuages qui nous bloquait la vue que nous avons réalisé la gravité de la situation.

Cela ne peut pas être possible. Les pensées de Sylvie étaient empreintes d'incrédulité à la vue de ce qui se passait en bas, mais en tant que personne qui avait vu les surprises de la guerre, je ne pouvais voir cela que comme une erreur de calcul - une erreur plutôt grave.

En bas, dans un champ d'herbe taché de rouge et de noir par le sang et la fumée, se trouvait ce qui ne pouvait être que l'armée alacryenne.

Leurs forces, environ cinq mille, étaient actuellement engagées avec la division du capitaine Auddyr. D'ici, les soldats n'étaient pas plus gros que des insectes, mais il était facile de les distinguer. Contrairement à l'armée Dicathen, les soldats Alacryens semblaient avoir une couleur standard de rouge profond sur leur armure gris foncé.

Le dos de Sylvie a fait un bond alors qu'elle se préparait à plonger, mais je l'ai arrêtée. Non. Restons cachés ici pour l'instant.

Rester caché ? Les alliés sont en train de mourir en bas et tu veux rester cachée ? Sa colère était évidente dans ses mots, mais je savais qu'elle connaissait déjà mes intentions.

On ne peut pas s'impliquer dans chaque bataille. Pour l'instant, notre priorité est de savoir contre quoi nous nous battons.

Je gardais mon regard fermement fixé sur la scène en bas, regrettant de ne pas avoir de parchemins de transmission pour communiquer avec Virion, tout en serrant les dents contre le fait que je ne pouvais pas agir.

Comment ont-ils pu arriver jusqu'ici sans que nous le sachions ? Ils ne sont peut-être pas encore tombés sur une grande ville, mais les nains auraient dû savoir qu'une armée marchait sur leurs terres.

"Peut-être qu'ils le savaient", ai-je marmonné, en prenant note du faible chemin qu'ils avaient créé pendant leur marche. Changement de plan. Sylv, peux-tu rester caché et suivre le chemin que les Alacryens ont fait en venant ici ? Je me joindrai au combat en me fondant dans la masse comme un soldat ordinaire.

Et si tu as des problèmes ? Je serai trop loin pour t'aider. Je pouvais entendre la désapprobation dans sa voix.

La division de Vanesy va bientôt arriver et j'ai le mauvais pressentiment que, même si nous sommes plus nombreux qu'eux, la bataille sera perdue d'avance si je ne les aide pas.

Raison de plus pour que je reste et que je t'aide, a soutenu Sylvie.

Je t'en prie. Si mes soupçons sont exacts, cette guerre pourrait ne pas être aussi simple que nous contre eux. Tu es la seule ici qui puisse faire le voyage aller-retour assez rapidement. Je resterai en sécurité, Sylvie.

Très bien. Mais dès que je sens que tu es en danger, je reviens et je t'emmène, que tu sois conscient ou non, dit Sylvie avec un grognement.

Merci. J'ai tapoté mon lien avant de me laisser tomber de son dos. L'air vif de l'hiver me donnait l'impression d'être fouetté alors que je m'élançais vers le sol. Je me suis volontairement éloigné de la bataille pour ne pas attirer l'attention.

Juste avant d'atterrir dans un bouquet d'arbres, j'ai enveloppé mon corps de mana, effaçant ma présence avant de lancer un sort de vent. Malgré le fait que je me sois écrasé entre quelques branches sèches, j'ai pu, avec l'aide de la magie pour adoucir mon impact, atteindre le sol assez tranquillement.

"Les choses que je fais pour me fondre dans la masse ", ai-je marmonné en enlevant les brindilles et les feuilles cassées de mes cheveux.

Je suis resté caché dans l'épaisse touffe d'arbres jusqu'à ce que j'entende la division de Vanesy arriver.

"Tred ! Vester ! Prenez vos unités autour pour un flanc gauche. Dirk, Sasha, à droite !" La voix de Vanesy résonnait avec une précision confiante. "Tous les autres, on se regroupe avec les forces du Capitaine Auddyr et on frappe ces bâtards d'Alacryens par devant !"

Je me suis précipité vers le Capitaine Glory. Par instinct, Vanesy a fait tournoyer ses deux épées vers moi avant de réaliser qui j'étais.

"Bon sang, Arthur. Ne me fais pas peur comme ça !" elle a claqué. "Qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai vu t'envoler avec ton lien."

"Et laisser mon précieux subordonné derrière ?" J'ai souri. "Non. J'ai envoyé Sylvie sur une mission secondaire tout aussi importante."

"Eh bien, c'est sacrément rassurant de t'avoir avec nous. Si nous survivons, nous allons devoir découvrir comment une force alacryenne de cette taille a pu nous contourner."

J'ai hoché la tête. "Et si on en laissait quelques-uns en vie pour essayer de leur soutirer une réponse ?"

Les lèvres de Vanesy se sont courbées en un sourire malicieux tandis qu'elle levait ses épées longues. "C'est un bon plan."

Les soldats de Vanesy ont rugi, hommes et femmes confondus, lorsqu'ils ont atteint l'armée d'Alacryens. Je suis resté derrière pendant une minute, regardant l'acier couper la chair. Des murmures indéchiffrables provenaient des conjurers qui préparaient leurs sorts, tandis que les archers lançaient des volées de flèches derrière la protection des augmenters et des fantassins.

Mais mon attention se portait sur les soldats alacryens. Le sentiment de malaise que j'avais depuis que je les observais du ciel n'avait fait qu'empirer lorsqu'ils ont commencé à riposter.

Pour une raison absurde, je m'attendais à ce que nos ennemis soient quelque chose comme les Vritra, des monstres du mal. Cependant, en les regardant, ils n'étaient pas différents de nos soldats, sauf qu'ils étaient parés de gris foncé et de rouge. Je n'ai pris conscience de ce fait qu'en croisant le regard d'un soldat ennemi.

Les yeux du soldat se sont rétrécis alors qu'il se préparait à frapper. J'ai ramassé une épée tachée de sang sur le sol alors qu'il s'élançait vers moi. J'ai essayé de sentir le niveau de son noyau, et j'ai été surpris de constater que je n'étais pas capable de le lire.

Le soldat a étendu ses bras tandis que ses doigts se recourbaient comme des griffes. Soudain, sans même l'influx de mana pour me prévenir, des griffes gigantesques se sont manifestées autour de ses mains. Il s'est élancé avec ses griffes de mana à une vitesse féroce.

J'ai esquivé, mais j'ai vu une rangée d'arbres derrière moi s'effondrer sous la force de l'attaque de mon adversaire. Vu la vitesse à laquelle il lançait ses sorts et la puissance qu'il dégageait, je ne pouvais que supposer qu'il était au moins un augmenters de noyau jaune, peut-être même un noyau argenté.

J'ai augmenté mon épée et contre-attaqué avec un coup vers le haut, mais une barrière translucide a scintillé juste en dessous du mage, protégeant la zone sous sa poitrine où je visais.

C'est quoi ce bordel ? J'ai passé la tête par-dessus mon épaule, sentant que le sort ne venait pas de lui. À une trentaine de mètres de moi se trouvait un autre soldat, les mains tendues et les sourcils froncés en signe de concentration. Bien que je n'aie eu qu'un instant, la plupart de mon attention étant concentrée sur mon adversaire actuel, il était clair que ce deuxième soldat avait compris que j'étais conscient de sa présence.

Le panneau translucide qui avait protégé mon adversaire un instant plus tôt se déplaça et s'agrandit, formant un mur entre moi et le conjurer. Je n'avais jamais vu quelqu'un manipuler une barrière avec une telle efficacité, il était donc évident qui devait être ma priorité. Cependant, le soldat aux griffes s'était déjà remis en mouvement, me tailladant le cou, me forçant à perdre de vue son compagnon et à me défendre.

Laissant tomber l'épée récupérée, j'ai attrapé l'avant-bras de l'attaquant, évitant la griffe, et j'ai frappé avec mon pied droit. Un pilier de terre a surgi du sol comme un bélier.

Cette fois, que ce soit parce que le conjurer derrière moi ne s'attendait pas à ce sort ou parce qu'il était trop inquiet pour se protéger, aucune barrière ne s'est formée.

L'augmenters aux griffes a tenté de s'écarter, arrachant son bras de ma prise, mais le pilier a quand même touché ses côtes. J'ai été surpris par le son que mon sort a produit lors de l'impact - le son des os qui craquent sous son armure maintenant abîmée. Cet idiot n'avait-il pas augmenté son corps ?

Grinçant des dents avec une expression douloureuse, l'augmenters a ignoré sa blessure évidente et s'est précipité vers moi, ses griffes de mana étendues. Avec mes poings enveloppés d'électricité, j'ai affronté son attaque de front. Je m'attendais à ce qu'il riposte ou utilise un autre sort, mais il ne l'a pas fait. Mon poing enveloppé d'éclairs a brisé ses griffes de mana et a cassé son poignet à l'impact.

J'ai attendu avant de l'achever, ma curiosité prenant le dessus. Il ne représentait pas une réelle menace pour moi, mais quelque chose dans sa façon de se battre - comment ils se battaient - n'avait aucun sens. J'avais pensé que l'adversaire en face de moi était un augmenters expérimenté, mais son corps n'était même pas protégé par le mana. Si la griffe de mana n'avait pas absorbé une partie de l'impact, son bras aurait été complètement arraché. Le soldat augmenters avait un genou à terre, son bras gauche pendait à son côté. Une lueur d'incrédulité et de stupéfaction traversa son visage, puis il claqua la langue, tournant son regard vers le soldat lanceur de barrière.

"Oi, Shield !" il a aboyé. "Amélioration totale du corps, maintenant !"

154

UN SOLDAT NORMAL

Le chaos du combat m'entourait, le son du métal qui s'entrechoquait et des sorts qui résonnaient dans l'air. La puanteur du bois brûlé écrasait toutes les autres odeurs et un fin nuage de fumée enveloppait le champ de bataille.

Cependant, malgré le chaos, mon combat contre l'augmenters semblait confiné...

-presque isolée- comme si les soldats qui nous entouraient nous laissaient délibérément seuls. Peut-être que les gens qui se battaient à proximité étaient trop concentrés sur leurs propres batailles, mais je soupçonnais qu'il y avait une sorte d'illusion mise en place. Je ne pouvais pas vraiment le dire, mais cela m'a laissé avec plus de questions. Comment était structurée leur force d'attaque ? Pourquoi leurs soldats semblaient-ils manifester leur mana de manière si singulière ? Il est clair que leurs tactiques de combat étaient fondamentalement différentes des nôtres. Je savais que je devais en découvrir plus - beaucoup plus - sur leurs forces si nous voulions gagner cette guerre.

Le conjurers a manifesté un fin voile de mana autour du corps de l'augmenters. Bien que les blessures de mon adversaire soient restées, il n'avait plus l'air fatigué et s'est relevé avec une vigueur renouvelée.

Avec un claquement de langue, il me quitta des yeux et concentra son regard sur un point au loin. Il était évident qu'il faisait signe à quelqu'un d'autre que le conjurers qui l'avait protégé jusqu'à présent.

Avec un hochement de tête sévère, son regard s'est reporté sur moi. Le mana a enveloppé ses mains dans la même forme de griffe qu'auparavant et il s'est préparé à attaquer. Alors qu'il le faisait, un léger sifflement provenant de derrière m'a averti de l'arrivée d'un sort.

Me souvenant de mon entraînement à l'interprétation du mana avec Myre à Epheotus, j'ai été tenté d'activer Realmheart pour en finir rapidement, mais j'ai décidé de ne rien faire qui puisse attirer l'attention sur moi.

Je me suis retourné à temps pour voir une explosion de feu se diriger vers moi. Condensant un coup de vent en spirale autour de ma main comme une foreuse, j'ai dispersé le sort de feu tout en pivotant pour m'éloigner de la frappe de l'augmenters, me mettant en position défensive. Les racines couvertes de mousse à proximité ont pris feu à cause des braises éparpillées du sort du conjurer. La clairière autrefois paisible se transformait en une fosse de sang et de feu alors que de plus en plus de soldats des deux camps se vidaient de leur vie sur le sol.

Les mouvements de l'augmenters étaient plutôt concis et bien coordonnés malgré le terrain accidenté, mais des années d'entraînement contre Kordri rendaient ses attaques plus lentes. L'augmenters s'élança avec une combinaison de coups, mais ses griffes de mana ne touchaient que l'air.

Était-il seulement capable d'utiliser ces griffes de mana ?

"Il avait raison. Tu n'es pas un simple fantassin", a-t-il craché en se retournant pour se jeter sur moi une fois de plus.

"Il ?" J'ai demandé, désemparé, qui aurait pu lui donner cette information.

Il resta silencieux et s'élança vers moi, utilisant une souche d'arbre comme point d'appui pour bondir, ses griffes de mana prêtes à frapper.

Je me positionnai pour faire face à l'assaut de plein fouet, et lorsque ses griffes furent à quelques centimètres de mon visage, je retira mon propre poing et me décala sur la gauche. J'ai dirigé mon poing vers les côtes ouvertes de l'augmenteur, mais le voile de mana entourant son corps s'est condensé là où j'ai frappé.

La barrière de mana qui protégeait les côtes de mon adversaire s'est fissurée, et la force de mon coup de poing a fait tomber l'augmenters au sol. Quand il s'est relevé, son visage était déformé par la frustration et la colère, mais il semblait indemne.

J'ai regardé autour de moi pour retrouver le conjurers. Ses sourcils étaient froncés

de concentration, ses mains tremblaient. Je pouvais voir qu'il avait utilisé son pouvoir pour bloquer mon attaque à nouveau.

Pourquoi les soldats autour du conjurers - ennemis et alliés confondus - semblaient-ils l'ignorer complètement ?

Y a-t-il vraiment quelque chose comme une illusion autour de nous ?

À ce moment-là, une autre boule de feu a été lancée vers moi. Avant de la disperser - ce genre de choses n'était guère plus qu'une gêne - j'ai suivi la piste enflammée jusqu'à l'emplacement du mage ennemi. Je savais maintenant où le lanceur de feu se cachait : à quinze mètres, droit devant, positionné quelque part au sommet d'un groupe de gros rochers couverts de mousse, et largement caché par les arbres entre nous.

"Elle est là-bas, non ?" J'ai demandé avec un sourire en coin, en pointant dans sa direction.

L'augmenters est resté silencieux, apparemment pas d'humeur à échanger des remarques spirituelles. Il s'est redressé avec l'aide d'un arbre proche, le désespoir étant évident sur son visage rugueux. Gardant ses yeux fixés sur les miens, il a frappé ses mains ensemble. Ce faisant, de multiples images de lui- même sont apparues autour de moi, ce qui a dissipé mes soupçons : il s'agissait certainement d'une illusion ou d'une magie trompeuse.

Bientôt, il y avait au moins une douzaine de figures de l'augmenters, toutes dans des positions différentes, très réalistes, toutes prêtes à attaquer.

Je regardai les illusions qui se manifestaient autour de moi, m'assurant que les soldats Dicathens et Alacryens n'étaient pas conscients de ce qui se passait, et laissa échapper un rire étouffé.

"C'est drôle ?" a grogné l'augmenters, sa voix faisant écho à douze bouches individuelles.

"Je suis désolé", ai-je répondu, toujours souriant. Autour de moi, la douzaine d'augmenters identiques, tous munis de griffes de mana lumineuses, ont grogné en réponse. "Grâce à cette illusion, je peux me lâcher un peu." Enfonçant ma conscience dans mon noyau de mana, j'ai activé Realmheart. Une explosion de mana a jailli de moi, et ma vision s'est transformée en un état achromatique. J'ai ressenti une sensation de chaleur et de confort alors que le pouvoir m'envahissait ;

des runes lumineuses coulaient le long de mes bras et de mon dos, et mes longs cheveux auburn se sont transformés en lumière blanche argentée.

Les clones qui m'avaient semblé identiques il y a quelques instants dans mon état normal n'étaient plus que des amas de particules de mana blanches façonnées en forme d'homme. Une seule figure se tenait solide et réelle devant moi. J'ai noté que l'illusion n'avait pas été invoquée par le mage caché mais plutôt par le "Shield".

En fixant mon regard sur l'augmenteur, il était évident, d'après son expression, qu'il savait qu'il y avait quelque chose de terriblement accablant à mon sujet. Des perles de sueur roulaient sur son visage tandis qu'il me regardait avec une perplexité effrayante. Malgré sa méfiance, l'augmenteur, ainsi que tous ses clones, se sont précipités vers moi, leurs gantelets de mana griffus prêts à frapper.

Au même moment, le mage conjura une autre explosion de feu, plus grande cette fois, en synchronisation avec l'assaut de l'augmenteur. Augmentant ma production de mana, j'ai ignoré les illusions et dirigé un coup de poing éclair vers les griffes de mana du véritable augmenteur, brisant son sort. Saisissant sa main exposée, j'ai profité de son élan pour le rediriger vers l'explosion de feu.

J'ai pu voir les yeux de mon adversaire s'écarquiller d'horreur avant d'être frappé de plein fouet par le sort de son allié. Plusieurs couches de barrières ont tenté de protéger l'augmenters, et même si elles ont toutes été brisées par la force de l'explosion, l'augmenters a survécu.

Les clones illusoires ont vacillé avant de disparaître et j'ai tourné mon attention vers le mage, qui préparait un autre sort.

Sans rien dire, j'ai levé mon bras gauche et j'ai rassemblé du mana au bout de mes doigts.

"Shiel-Cayfer ! Protège Maylin ! ", a rugi l'augmenters, qui luttait toujours pour se relever du sol.

Le conjurers nommé Cayfer, que l'augmenters avait précédemment appelé " Shield ", a hoché furieusement la tête pendant que je finissais de préparer mon sort.

Des lianes dentelées d'électricité se sont enroulées le long de mon bras comme un serpent, se rassemblant au bout de mon index et de mon majeur.

Utilisant mon bras droit pour stabiliser ma visée, je me suis concentré sur le mage caché.

mage caché, qui était clairement visible pour moi, grâce à Realmheart. "Libération", ai-je marmonné.

Une fine balle de foudre est sortie du bout de mes deux doigts, transperçant directement les arbres qui se trouvaient entre nous.

Les couches de barrières translucides qui s'étaient formées sur la trajectoire de la balle ont instantanément volé en éclats, incapables d'empêcher mon sort de toucher l'amas de rochers que je visais.

Il n'y eut pas de cri dramatique ou de hurlement de douleur au loin, seulement le bruit sourd du corps mou du mage tombant du rocher.

"Non ! Maylin !" s'écria le lanceur de barrière en courant vers son camarade tombé, abandonnant son poste.

Alors que le mage tombait et que la concentration de Cayfer se brisait, l'illusion qui nous séparait de la grande bataille disparut. Comme si une fenêtre s'était ouverte, le monde est devenu plus clair autour de moi et le volume quasi-muet de la bataille en cours a repris de plus belle. Il n'a pas fallu longtemps pour que je sois emporté par le chaos.

J'ai relâché Realmheart mais j'ai sorti Dawn's Ballad de mon anneau dimensionnel. Je me suis tourné vers l'augmenters aux griffes de mana, mais il était parti. Il y avait beaucoup d'autres ennemis autour, cependant, et ils pouvaient tous me voir maintenant. Alors que j'étais entraîné dans la bataille proprement dite, la lame sarcelle translucide de mon épée s'arqua autour de moi, faisant couler le sang partout où elle frappait.

La bataille entre les deux camps durait depuis moins d'une heure, et pourtant le sol était jonché de cadavres et de morceaux de corps - jambes coupées, têtes arrachées et bras coupés crachant encore du sang.

L'air froid de l'hiver, rempli de la fumée des nombreux arbres enflammés par le feu des sorts, ne masquait plus la puanteur âcre du sang et de la chair brûlée, tandis que l'étroitesse de la forêt entourant la bataille amplifiait encore la cacophonie des cris.

Si l'ennemi était moins nombreux, il comptait beaucoup plus de mages que nos divisions. Les augmenters avec des armes imprégnées de mana ont transpercé nos fantassins tandis que les conjurers frappaient à distance.

De nombreux ennemis se sont précipités sur moi dans le feu de l'action, certains avec des techniques uniques comme l'augmenters à griffes de mana, comme des fouets de feu ou des armures de pierre. Il y avait un augmenters ennemi qui avait tué plusieurs de nos soldats en leur conjurant de l'eau dans la gorge jusqu'à ce qu'ils se noient.

Pourtant, rien de tout cela n'a fait de différence pour moi. Mon esprit s'est engourdi et mon corps semblait bouger de lui-même. J'ai parcouru le champ de bataille, tuant tous les ennemis qui se trouvaient sur mon chemin, quels que soient leurs pouvoirs. En quelques minutes, j'étais rouge jusqu'aux coudes avec leur sang. Mais à chaque fois qu'un homme tombait mort, un nouvel ennemi enjambait son cadavre pour me faire face.

Alors que je retirais ma lame de la poitrine ensanglantée d'un autre mort, j'ai eu une pensée : les mots étaient rarement prononcés au milieu d'une bataille. Les mots étaient inutiles ici. Au lieu de cela, les soldats poussaient des cris primitifs ou des hurlements bestiaux, ivres de la frénésie de la bataille alors qu'ils agitaient leurs armes, à peine capables de reconnaître un ami d'un ennemi. Il n'y avait rien de bon dans ce genre de guerre. Elle n'aboutit qu'à la mort. Peut-être, si les hommes se battaient avec des mots au lieu d'armes... mais quand un homme a des armes, les mots sont inutiles. Et ainsi le cycle de la mort et du meurtre continue.

J'ai jeté le corps mou et utilisé ses vêtements pour essuyer le sang de mon épée. J'avais conservé une grande partie de mon mana, mais me battre constamment pendant près d'une heure avait laissé des traces sur mon corps.

J'ai examiné les autres soldats lorsque la vue d'une personne familière a attiré mon attention. Elle venait de parer la hache de son adversaire au sol lorsque son regard s'est posé sur le mien. Ses lèvres étaient retroussées en un sourire confiant alors qu'elle se positionnait pour enfoncer son gantelet dans le visage de son adversaire.

CEDRY

Je me suis précipité en avant, glissant et me balançant hors de portée de l'Alacryen jusqu'à ce que je puisse l'atteindre. Puis j'ai enfoncé mon gantelet dans son flanc, le craquement satisfaisant de ses côtes indiquant qu'il était à terre.

"Salope", a craché l'homme aux yeux bridés en se tordant, du sang s'écoulant de ses lèvres.

Il s'est désespérément agrippé à moi pour ne pas tomber, ses mains s'agrippant aux lanières de cuir sur mes épaules et ma poitrine, les arrachant de leur place et détachant mon armure.

"C'est ton dernier mot, chien ?" J'ai dit, en lui crachant au visage. J'ai balancé mon gantelet sur sa main, lui cassant le poignet, puis j'ai mis fin à la misère de cet affreux bâtard avec un coup ferme sur la tête. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, ravi de cette victoire, alors qu'une furie intense montait en moi.

Un autre imbécile a essayé de se faufiler dans mon dos mais j'ai esquivé son épée et me suis retourné. L'Alacryen petit et barbu a levé son bouclier et s'est préparé à frapper à nouveau.

Mon cœur battait la chamade et tout semblait un peu lent, comme la nuit précédente après dix chopes de bière. J'ai balancé mon poing, augmentant mon corps et mon gantelet, et j'ai frappé directement à travers le bouclier métallique du soldat.

Le choc fut si fort qu'il me fit siffler les oreilles, mais la force de mon coup arracha le bouclier du bras du soldat. Je ne lui ai pas laissé le temps de s'en remettre, et j'ai pivoté sur ma jambe de tête pour prendre de l'élan et donner un coup de boule.

Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il tentait désespérément de lever son bras pour bloquer ma frappe, mais son bras ne se levait pas, encore engourdi par le choc de mon coup précédent. Au lieu de cela, il a essayé de parer avec son épée, mais il n'a pas pu empêcher le tranchant de ma main d'atteindre sa pomme d'Adam proéminente.

Le soldat est tombé en arrière, se tortillant, avec ses mains enroulées autour de son cou alors qu'il luttait pour respirer. Après un gargouillis désespéré, son corps est devenu mou devant moi.

J'ai laissé échapper un rugissement effrayant. Aucun homme ne peut me rabaisser ici. Seule la force est absolue sur le champ de bataille !

Mon cri a attiré l'attention d'une brute alacryenne brandissant une hache. Bien que son corps soit beaucoup plus grand que le mien, ses mouvements étaient lents. Alors qu'il se balançait, sa hache s'est mise à briller en jaune et une couche de mana s'est répandue sur son corps. En regardant les différentes affinités élémentaires du mana entourant sa hache par rapport à son corps, on aurait dit que quelqu'un d'autre avait lancé un sort pour le protéger, mais je n'ai pas eu le temps de poser des questions. Je n'ai pas eu le temps d'être surpris.

La force est absolue.

J'ai envoyé tout mon mana dans mon poing droit et j'ai tourné mon corps sur le côté pour esquiver son attaque. J'ai aperçu mon reflet lorsque le plat de sa hache s'est abattu ; un sourire euphorique, presque fou, était collé sur mon visage.

J'ai utilisé l'élan de son attaque et j'ai paré la hache jusqu'au sol. Par-dessus l'épaule de la brute, j'ai aperçu le garçon de la campagne qui avait battu tous ceux contre qui il s'était battu, même Madame Astera. Certains soldats ont dit que le gamin était une Lance. Je m'étais moqué de cette idée ridicule à l'époque, mais alors que je me tenais ici, à quelques dizaines de mètres de lui et du tas de cadavres qui l'entourait, je ne pouvais m'empêcher de me demander s'ils avaient raison.

Mes yeux ont finalement croisé les siens, mais au lieu de l'expression calme et enjouée qu'il avait arborée toute la nuit dernière, ses yeux étaient agrandis alors qu'il me marmonnait désespérément quelque chose.

Je ne pouvais pas entendre ce qu'il disait, mais ça n'avait pas d'importance, je lui demanderais plus tard. Le porteur de la hache luttait toujours pour sortir son arme du sol, quand j'ai senti une douleur fulgurante dans ma poitrine.

En un instant, toute ma force et ma fureur ont été étouffées.

Mes mains ne pouvaient plus se serrer en poings. Le sol était soudainement plus proche et j'ai réalisé que j'étais tombé à genoux. J'ai baissé les yeux vers la source de ma douleur et j'ai vu un trou béant à la place de ma poitrine.

J'ai instinctivement essayé de couvrir le trou avec mes mains, mais j'ai senti une douleur brûlante se répandre dans mes paumes. J'ai détourné mon regard de ma blessure vers un cratère brûlé sur le sol devant moi. Un sort...

J'ai perdu toute sensation dans mes jambes et je me suis effondré sur le sol. Ma dernière pensée, alors que je m'endormais et que j'avais froid, était de voir à quel point l'herbe tachée de sang semblait grande d'ici.

155

MARÉES CHANGEANTES

ARTHUR LEYWIN

J'ai grincé des dents à la vue du corps de Cedry tombant mollement sur le sol. Le manieur de hache ennemi a sorti son arme du sol et s'est préparé à l'abattre. Son ricanement arrogant dévoilait ses dents jaunes, puis j'ai vu une fine lame dépasser de son gorget.

Alors que le corps du manieur de hache s'affaissait, Jona, l'ami de Cedry, est apparu. D'un coup sec, il a retiré sa dague ensanglantée du corps de l'homme qu'il venait de poignarder, puis s'est agenouillé à côté de Cedry.

Idiot. Que fais-tu au milieu d'une bataille ?

J'étais enclin à le laisser ; c'est ce que Grey aurait fait. Mais je me suis souvenu de la nuit dernière, de la discussion que nous avions eue avant que je ne monte sur scène pour me battre, et de l'insouciance de la nuit d'alcool qui avait suivi. Je ne les connaissais guère mieux que les ennemis que j'affrontais, mais les sentiments que nous avions brièvement partagés la nuit précédente - bien qu'à moitié ivres - me tiraillaient la conscience, me poussant à l'aider.

Avec un claquement de langue agacé, je me suis précipité vers Jona, qui berçait tendrement le cadavre de Cedry dans ses bras. Un augmenters ennemi, qui retirait la pointe de sa lance de la tête d'un soldat, a aperçu Jona. Même sous le casque qui couvrait une grande partie de son visage, il était évident qu'il souriait de sa chance.

En me concentrant sur le sol juste sous ses pieds, j'ai lancé une pointe de pierre sur l'ennemi.

Le manieur de lance a évité de justesse une blessure mortelle, tombant maladroitement au sol en serrant son côté en sang.

J'ai augmenté la production de mana dans mon corps et j'ai changé de cap, me dirigeant vers le soldat blessé. Alors qu'il se tordait de douleur sur le sol, j'ai marché sur sa poitrine pour le stabiliser.

Sans pitié, j'ai enfoncé Dawn's Ballad profondément dans le plastron du lanceur et j'ai regardé la lumière s'éteindre dans ses yeux.

D'un geste fluide, j'ai fait glisser mon épée et j'ai dessiné un arc de cercle, libérant le sang de la lame, avant de m'avancer pour attraper Jona par le col de son uniforme.

"Vous devez partir d’ici", ai-je grogné en le secouant.

Il s'est retourné vers moi, les yeux inondés de larmes. " Cedry, tu vas t'en sortir ", marmonna-t-il, le regard distant tandis qu'il s'accrochait au corps de son compagnon demi-elfe comme un nourrisson.

Les sifflements aigus des flèches qui arrivaient et le faible sifflement des sorts qui approchaient ont attiré mon attention, mais avec mes deux bras occupés, je ne pouvais pas faire grand-chose. J'avais été avare en mana - pour éviter le scénario improbable où je devrais me battre contre l'un des Quatre faux ou un serviteur - mais si je voulais mettre Jona et Cedry en lieu sûr, je devais dépenser plus de mana que je ne le voulais.

La voix de Grey résonnait dans ma tête, me réprimandant, me poussant à les laisser et à conserver ma mana pour le pire des scénarios.

En jurant dans mon souffle, j'ai assommé Jona d'un coup de poing ferme dans son plexus solaire. Son corps s'est mis à trembler sous l'effet du choc que j'avais ajouté pour m'assurer qu'il serait hors d'état de nuire. Je l'ai soulevé par-dessus mon épaule et j'ai utilisé mon bras libre pour prendre le corps de la demi-elfe par la taille.

Sous mon bras, le mince cadavre de Cedry semblait peser plus lourd que celui de Jona. Je ne pouvais rien faire pour ses bras et ses cheveux blonds qui traînaient sur le sol, mais le corps inconscient de Jona semblait s'en offenser, ses bras se balançant vers elle depuis mon épaule, comme s'il essayait de la ramasser.

Ignorant le désir insidieux de les laisser retomber sur le sol, je libérai librement le mana que j'avais conservé. Un sentiment enivrant de puissance s'est précipité hors de mon noyau, se répandant dans mes membres et me remplissant d'une force renouvelée. Faisant abstraction de la clameur chaotique qui m'entourait, je me suis entièrement concentré sur le mana qui m'emplissait.

En raison de la fumée et du feu qui se propageaient rapidement, j'ai fait apparaître une barrière en spirale dans l'air et je me suis préparé à les renvoyer à la base. Une couche translucide de mana tourbillonna autour de nous tandis que le torrent de vent et de pierre commençait à prendre la forme d'une sphère.

Renforçant mon corps, je me suis élancé en avant avec la vitesse d'un étalon sauvage. Immédiatement, j'ai dû resserrer ma prise sur Jona et Cedry pour les empêcher de tomber. La barrière que j'avais conjurée restait solide malgré les flèches et les sorts qui la bombardaient, produisant des étincelles chaque fois qu'un ennemi la touchait. La barrière déviait tout ce qui venait vers nous, mais le sort dévorait constamment mes réserves de mana.

Grâce à la technique de rotation du mana que j'avais apprise de Sylvia, je pouvais me remettre d'un tel sort en un temps relativement court.

Je traversai le champ de bataille en serrant les dents pour supporter le poids de mes deux passagers, tandis que je me concentrais uniquement sur le maintien de la barrière active malgré l'intensification des attaques.

Mon corps a tremblé lorsqu'un sort particulièrement puissant a bombardé la sphère, mais j'ai tenu bon et j'ai canalisé davantage de mana dans le sort. Des cris résonnaient dans la forêt alors que les soldats ennemis ordonnaient à leurs subordonnés de m'abattre.

Au moins, avec tous leurs conjurers concentrés sur moi, Vanesy et ses soldats auront moins de mal, ai-je pensé.

Dès que je me suis éloigné de la bataille principale, j'ai libéré mon sort. Immédiatement, une flèche augmentée a effleuré ma joue, faisant couler le sang, puis s'est écrasée contre un arbre avec assez de force pour le renverser. Le corps mou de Jona s'est affaissé sur mon épaule et je me suis retourné pour voir à qui j'étais confronté, encore surpris par la force de l'attaque.

Je n'ai pas eu le temps de chercher l'archer, car deux autres flèches se dirigeaient déjà vers moi.

J'avais à peine une seconde pour réagir, mais cela suffirait. "Static Void".

Les flèches mortelles n'étaient qu'à quelques centimètres de moi lorsque j'ai libéré la première phase de ma volonté de dragon. Le monde est devenu immobile et même les bruits chaotiques de la bataille se sont tus.

En un seul mouvement, j'ai positionné mon pied droit sur une flèche et j'ai mordu le manche de l'autre flèche. Lorsque j'ai libéré Static Void, mon cou a immédiatement été secoué par la force de la flèche dans ma bouche, et la flèche sous mon pied s'est enfoncée dans le sol.

Me tournant dans la direction de mon agresseur, j'ai libéré un torrent de mana pur. Pendant un instant, le ciel de l'après-midi s'est assombri, tandis que des oiseaux terrifiés s'échappaient des arbres et se dispersaient dans le ciel, sentant l'intention malveillante que j'avais libérée.

Je suis resté là une seconde, fixant l'espace où je pensais que l'archer ennemi se trouvait, sa flèche dans ma bouche, l'avertissant - l'avertissant de ce dont j'étais capable s'il se trouvait sur mon chemin.

Ma menace tacite semblait avoir fait son effet, et plus aucune flèche ni aucun sort ne se dirigeait vers moi. Faisant demi-tour, je me suis enfoncé dans la forêt dense, me dirigeant vers le bord de la falaise d'où nous venions.

"Arthur ? Que s'est-il passé ?" a crié une voix alors que j'abaissais Cedry et Jona sur le sol à l'extrémité du campement.

J'ai levé les yeux pour voir Madame Astera, du sang sur son visage et son tablier autrefois blanc. Remarquant mon regard, elle a secoué la tête avec un léger sourire. "Ne t'inquiète pas, ce n'est pas mon sang. J'aide juste les médecins et les émetteurs à panser certains des blessés qui ont été ramenés." J'ai hoché la tête. "Je vois. Dans ce cas, s'il vous plaît, prenez soin d'elle" - je désignais Cedry

"et occupez-vous de Jona."

Sans attendre la réponse du chef cuisinier, je me suis retourné vers la falaise, prêt à repartir. Mais quelque chose a tiré sur ma botte.

"Pourquoi ? Pourquoi n'as-tu pas pu la sauver comme tu m'as sauvée ?" La voix rauque de Jona tremblait tandis qu'il resserrait sa prise autour de ma cheville.

" Je ne peux pas sauver tous les soldats d'une guerre ", ai-je répondu, incapable de lui faire face.

"Menteur. Je parie que tu aurais pu le faire si tu l'avais vraiment voulu. Tu es une Lance, non ? Je n'étais pas sûr jusqu'à ce que tu attrapes cette flèche avec ta bouche. Pendant une seconde, j'ai cru que je rêvais parce que la flèche s'est arrêtée en plein vol."

J'ai serré les dents de frustration - pas contre lui, mais contre moi-même - et j'ai libéré ma jambe de son emprise d'un coup de pied. "Comme je l'ai dit, ma priorité n'est pas de sauver tous les soldats que je croise à la guerre."

"Nous ne nous connaissons peut-être pas depuis longtemps, mais si Cedry était en vie, il n'y a aucune chance qu'elle vous considère comme 'juste un soldat', Général." Il y avait du venin dans sa voix alors qu'il soulignait mon titre.

Je me suis retourné, j'ai soulevé Jona par le col de sa chemise une fois de plus et je l'ai tiré vers moi. "Je suis désolé pour ton ami, Jona, mais sors ta tête de ton cul. Il y a des ennemis dehors, plus forts que tu ne peux l'imaginer, plus forts que tous les aventuriers que tu as vénérés, et tu veux que je dépense toute mon énergie pour sauver tout le monde ici ? Si je fais ça, qui va les arrêter ? Qui va arrêter les chefs ennemis qui peuvent raser une montagne d'un simple claquement de doigts ?"

La haine et le blâme dans les yeux de Jona ont disparu, remplacés par la culpabilité et le chagrin alors que les larmes roulaient sur ses joues. "Qu'est- ce que je vais faire ? Je lui ai promis quand nous étions petits. J'allais enfin tenir cette promesse... J'allais lui demander de m'épouser."

Ses mots m'ont fait mal à la poitrine, qui s'est nouée tandis que mon souffle devenait court et irrégulier. J'ai lutté pour rester calme alors que je fixais le visage de Jona, accablé par le chagrin.

"Je m'occuperai de lui, Arthur," chuchota Madame Astera en tirant Jona par les épaules. "Vas-y."

J'ai fait un bref signe de tête et me suis détourné de Jona. En remontant la falaise, j'avais l'esprit embrumé par les pensées de Jona et Cedry. Je les avais vus s'affronter,

les voir se chamailler, rire ensemble, mais je n'avais jamais réfléchi à leur relation.

"Merde", j'ai juré en me faufilant entre les arbres. Les bruits de la bataille s'intensifiaient, mais mes pensées étaient concentrées sur les mots d'adieu de Jona. Le léger sifflement d'une flèche m'a ramené à la réalité. J'ai filé hors de la trajectoire du projectile et j'ai conjuré plusieurs couteaux de lancer à partir de glace condensée, les lançant sur l'archer ennemi sans interruption. Le grognement douloureux de l'archer et le bruit sourd de son corps tombant de l'arbre résonnèrent derrière moi.

Quelques mètres plus loin, un éclair d'électricité a crépité vers moi. Le sort était puissant mais, à la façon dont il se ramifiait et s'affaiblissait, je pouvais dire que le lanceur était inexpérimenté dans la magie déviante. Faisant un pas de côté, j'ai rassemblé le mana au bout de mes doigts une fois de plus et j'ai libéré le sort.

Contrairement à la foudre de mon agresseur, la mienne a jailli comme une balle. Cependant, juste avant que mon sort n'atteigne sa cible, un mur de métal s'est élevé du sol, déviant l'éclair inoffensif vers le ciel où il s'est dissipé.

C'est ennuyeux. Je commençais à voir un schéma. Pour chaque augmenters ou conjurers alacryens combattant, il semblait y avoir un conjurer différent dont le seul devoir était de les protéger. L'archer de tout à l'heure ne semblait pas être un augmenters, ce qui expliquerait pourquoi il est tombé si facilement.

Comme les conjurers et augmenters ennemis n'étaient pas concentrés sur leur protection pendant le combat, leurs attaques étaient beaucoup plus implacables et brutales. Mon humeur avait tourné au vinaigre depuis que j'avais déposé Jona et Cedry au camp, et ma colère augmentait au fur et à mesure que les ennemis attaquaient.

"Bien ! Vous savez quoi ? Plus je tue d'entre vous, moins de mes soldats mourront !" J'ai craché, mon visage était un masque de menace sauvage. "Realmheart !"

Les conjurers et les augmenters qui s'étaient cachés ressortaient maintenant comme des larves alors qu'ils préparaient leurs attaques. Les particules se sont rassemblées autour d'eux, tourbillonnant et tournant en préparation, et il n'était que trop clair quel genre de sorts ils conjuraient. J'avais besoin de plus de temps pour les contrer.

Je n'ai plus pensé à économiser du mana et j'ai libéré la première phase de ma volonté de dragon. Le monde s'est figé une fois de plus et j'ai rapidement évalué les sorts nécessaires pour contrer les attaques de douze ennemis différents. " Trois explosions de feu, un barrage de roches aiguisées, des flèches augmentées, un sort de foudre, des balles d'eau condensées, et un sort pour attirer mes pieds dans le sol et m'immobiliser. C'est assez facile", ai-je murmuré. Comme je le pensais, la conjuration de la barrière pour sauver Jona avait attiré beaucoup d'attention.

Les secondes s'écoulaient dans le royaume suspendu du vide statique. Mon corps était plus lourd, mais je m'en fichais. Ce n'était rien. Dès que je fus prêt, j'ai relâché Static Void et j'ai riposté.

Immédiatement, des sorts ont explosé tout autour de moi, accompagnés d'une cacophonie de cris et de gémissements. Les soldats ennemis et alliés regardaient autour d'eux, confus par cette explosion soudaine.

En expirant, j'ai souri de satisfaction. Plutôt que d'annuler les sorts de l'ennemi en utilisant l'interprétation du mana comme Dame Myre me l'avait appris, j'avais surchargé les sorts des soldats alacryens, provoquant un retour de flamme mortel.

"Qu'en penses-tu, Jona ? Es-tu satisfait ?" J'ai râlé. "Arthur !" a appelé une voix claire derrière moi.

En regardant par-dessus mon épaule, j'ai aperçu le capitaine Glory. Elle arborait une expression endurcie et ses deux épées longues dégoulinaient de sang. Ses cheveux s'étaient détachés de leurs attaches et étaient maculés de boue et de sang séché, et son armure n'était pas en meilleur état, mais il y avait toujours un feu qui faisait rage dans ses yeux.

"Tu as une sale gueule, Vanesy."

Elle se renfrogna en simulant l'indignation. "Ce n'est pas quelque chose qu'on dit à une femme, même pendant la guerre."

"Je m'en souviendrai", ai-je dit en esquissant un sourire douloureux. "C'est toi qui as fait ça ?" a demandé Vanesy, en regardant autour d'elle. J'ai hoché la tête. "Je testais quelque chose."

"Tester quelque chose pendant une bataille ? Tu ne changeras jamais." Elle a dit, en me regardant pensivement. "Tu crois que tu peux le refaire ?" "Probablement", ai-je répondu. Soudain, les pensées de Sylvie ont afflué dans ma tête. Arthur, je reviens. Son message était accompagné d'un flot d'émotions : inquiétude, désespoir et peur.

Que s'est-il passé ? Tu as déjà trouvé quelque chose ? J'ai renvoyé le message à mon lien, ses émotions affectant les miennes.

Non, j'ai dû m'arrêter à mi-chemin... Elle est restée silencieuse un moment, mais il y avait un sinistre pressentiment qui faisait battre mon cœur plus vite jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole.

Quelqu'un se dirige vers toi. Arthur, il est... il est fort.

156

POURQUOI JE SUIS ICI

Mon cœur battait plus vite et mes mains étaient couvertes de sueur lorsque les émotions de Sylvie se répandaient en moi, mais je n'avais pas le temps de me reposer. Avec leurs conjurers et leurs archers gravement blessés, les augmenters et les soldats ennemis se sont rapidement approchés de nous.

"Il y en a qui se dirigent vers nous. Ne vas pas avoir la frousse maintenant", a plaisanté Vanesy. Son ton enjoué ne convenait pas aux cris et au fracas des armes qui résonnaient en arrière-plan.

"La frousse ? J'ai subi le poids des attaques de leurs conjureurs et de leurs archers, en essayant d'établir un schéma dans leurs attaques," ai-je répondu, au moment où un soldat alacryen nous a rejoints. J'ai dégainé Dawn's Ballad, j'ai paré une attaque sauvage et j'ai enfoncé sa lame tranchante dans le plastron d'un soldat ennemi en un seul mouvement rapide.

"C'est comme ça que tu as pu déclencher ces explosions tout à l'heure ?" demanda Vanesy alors qu'elle esquivait un coup écrasant d'un grand marteau de guerre, brandi par un combattant brutal qui faisait au moins 30 centimètres de plus qu'elle. C'était fascinant de voir mon ancien professeur se battre de près sans se retenir. Son style de combat, combiné à son utilisation unique de la terre et du feu pour conjurer le verre, produisait un éventail d'attaques scintillantes. En créant une couche de verre aiguisé autour de ses épées pour étendre sa portée, elle était capable de fendre des ennemis à plusieurs mètres de distance.

"Non, c'était autre chose." Je me suis légèrement déplacé, laissant une pointe de lance passer devant moi alors que le soldat qui chargeait derrière s'empalait sur mon épée.

"Vanesy, nous devrions mettre fin à cette bataille rapidement, ou au moins l'éloigner d'ici."

"Tu dis ça comme si on faisait"-Vanesy s'est baissé, évitant de justesse la tête d'une hache-"exprès de prolonger la bataille."

J'ai balancé Dawn's Ballad, envoyant un croissant de vent sur son attaquant. Avec un sifflement aigu, le sang a giclé du cou non protégé de l'Alacryen. Il n'a pu que gargouiller avant de s'effondrer sur le sol, les yeux écarquillés et frénétiques, ses mains appuyant sur sa blessure fatale.

Nous semblions avoir un moment de répit dans le combat, alors je me suis tourné vers Vanesy et j'ai posé une main sur son épaule. Mon ton est devenu sévère quand j'ai répondu. "J'admets que mes priorités étaient peut-être un peu différentes jusqu'à présent, mais nous n'avons plus le temps. Emmène la bataille ailleurs, n'importe où mais loin d'ici."

Son front s'est plissé. "Qu'est-ce qui se passe ?"

"Il y a quelqu'un qui arrive, quelqu'un d'aussi fort, sinon plus, que moi. Emmène tout le monde loin d'ici pour qu'ils ne soient pas pris notre affrontement."

Les sillons sur le front de Vanesy se sont creusés. "Notre ? Tu ne peux pas dire..."

J'ai hoché la tête gravement. "C'est pour ça que je suis là - au cas où quelque chose comme ça arriverait. Emmène tout le monde loin d'ici."

"Je sais que tu es fort - je n'arrive pas à imaginer à quel point tu es fort - mais bon sang, ça ne veut pas dire que tu ne peux pas utiliser l'aide de quelqu'un !".

Je suis resté silencieux, sachant avec une certitude absolue que Vanesy mourrait si elle restait pour m'aider dans la bataille à venir, mais ne voulant pas le dire à voix haute.

"Merde", a-t-elle dit dans son souffle, en surveillant le champ de bataille. Un moment plus tard, elle m'a regardé d'un air résolu. "Bien, mais tu as intérêt à revenir en vie, ou je te sortirai moi-même de l'enfer juste pour t'y renvoyer." "Je te le promets."

Vanesy a fait un pas en arrière et m'a salué tandis que Torch descendait du ciel. Le capitaine a sauté sur le faucon flamboyant et a hurlé, "Dicathens ! Retraite !"

Juste comme ça, le cours de la bataille a changé. Vanesy volait au-dessus de nos têtes, ralliant ses hommes qui n'avaient peut-être pas entendu, mais nos soldats avaient déjà commencé à reculer, se défendant du mieux qu'ils pouvaient contre nos ennemis.

Cependant, je ne pouvais pas me contenter de regarder nos soldats se retirer. Je me suis jeté dans la mêlée, retenant autant de forces de poursuite qu'un seul homme le pouvait. Mais ils étaient beaucoup trop nombreux pour que je puisse tous les arrêter.

C'est bon, je me suis dit. Les soldats alacryens n'étaient pas le vrai problème. Les divisions de Vanesy et du Capitaine Auddyr allaient devoir se débrouiller.

Alors que la bataille s'éloignait de moi, j'ai rangé Dawn's Ballad et me suis dirigé vers le bord de la clairière. En sautant sur un arbre, j'ai créé un coussin de vent sous mes pieds et je me suis dirigé vers le sud, sautant d'une branche à l'autre.

Juste après la clairière, les arbres ordonnés, régulièrement espacés et entretenus par les bûcherons de la ville voisine, devenaient plus sauvages et plus denses. De grands arbres jonchaient le sol, tombés lors de tempêtes. Le rude hiver avait enlevé une grande partie de leur écorce mais, à en juger par la fine couche de givre sur le sol intact, l'armée alacryenne n'était pas passée par ici.

Le seul bruit autour de moi était le bruissement des feuilles et le claquement occasionnel des branches par les animaux sauvages.

Sylvie. Tu es là ? A quelle distance es-tu ?

Mes tentatives répétées pour établir le contact avec mon lien n'ont rencontré que le silence. Soit elle était trop loin, ce qui ne devrait pas être le cas, soit elle m'ignorait intentionnellement.

Tu es un mignon petit garçon. Se pourrait-il que tu sois perdu ?

Je sursautai à la voix inconnue qui résonnait dans ma tête, manquant de tomber de la branche sur laquelle j'étais perché. Balayant rapidement du regard la gauche et la droite, j'ai essayé de localiser la source du son.

Je voulais bouger, mais mon corps était figé par une peur tangible. Un profond sentiment d'effroi montait comme une marée montante, lentement mais sûrement, tandis que j'examinais la zone.

Même avec une vision et une audition augmentées, je ne pouvais pas la trouver. Pourtant, je savais qu'elle était là - sa voix aiguë et grinçante me grattait encore l'intérieur des oreilles.

Es-tu, peut-être, à ma recherche ? Sa voix stridente a hurlé dans ma tête comme une lame grossière traînée contre la glace. J'ai pris une profonde inspiration, essayant de rester calme. Mon esprit savait qu'elle cherchait à m'intimider, mais mon corps ne pouvait s'empêcher d'être victime de sa tactique.

Sa voix semblait venir de tout autour de moi et, en même temps, de l'intérieur de mon corps. Mes membres se sont raidis et mon cœur a battu assez fort pour sortir de ma cage thoracique.

Luttant pour garder le contrôle, je me suis mordu la lèvre inférieure. Alors que la douleur et le goût métallique du sang se répandaient sur ma langue, me libérant de l'emprise de son intention de tuer, j'ai immédiatement activé Realmheart.

Les bruns et les blancs ternes du paysage de la fin de l'hiver se sont transformés en nuances de gris, les seules taches de couleur émanant du mana qui m'entourait.

Incapable de voir la moindre source de fluctuation de mana, je commençais à douter de ce que j'avais entendu - non, je voulais douter de ce que j'avais entendu. Mais alors un scintillement de lumière passa au coin de mon œil comme une ombre verte. Il était presque impossible de suivre le mouvement de l'ombre, mais si je gardais les yeux ouverts, je pouvais l'apercevoir.

L'ombre verte s'est arrêtée. On aurait dit qu'elle se trouvait à l'intérieur du tronc d'un arbre, à une trentaine de mètres de là.

Des yeux vifs, petit garçon. Des yeux vifs. Elle se déplaça à nouveau, habitant un arbre après l'autre, utilisant les branches comme s'il s'agissait de tunnels et laissant derrière elle des traces de mana d'un vert maladif. Mes yeux se sont tournés, essayant de suivre ses mouvements. Son rire grinçant résonnait dans l'épaisse forêt.

"On dirait que tes yeux tournent, mon cher", me taquina-t-elle, sa voix stridente étant tout aussi assourdissante à voix haute que dans ma tête.

"Suis-je ici ?" demanda-t-elle, semblant plus éloignée cette fois. "Pourquoi pas ici ?" Sa voix grinçante résonnait à ma gauche.

Elle a laissé échapper un rire enfantin. "Peut-être que je suis ici !" Sa voix semblait devenir

plus lointaine. Essayait-elle de m'éviter ?

"Je pourrais être là-bas..." railla-t-elle une fois de plus, sa voix venant de plusieurs mètres sur ma droite.

"Ou je pourrais être juste ici !" Soudain, un bras a jailli de l'intérieur de l'arbre sur lequel j'étais perché.

Je n'ai pas eu le temps de réagir que sa main a saisi mon cou, répandant une douleur fulgurante dans ma gorge. J'ai été soulevé dans les airs, retenu par mon cou, alors que la source de la voix stridente sortait de l'arbre.

J'ai agrippé son bras pâle comme un os, taché de marques décolorées, et j'ai essayé de me libérer de son emprise. Elle portait une robe noire étincelante qui mettait en valeur sa grande taille et sa maigreur maladive. Je pouvais pratiquement voir ses côtes à travers le mince morceau de tissu, qui aurait été élégant s'il avait été porté par n'importe quelle autre femme.

J'ai lutté pour lever mon regard assez haut pour voir son visage, mais ce qui me fixait n'était qu'un masque en céramique magistralement dessiné avec un visage de poupée. Ses cheveux noirs longs et ébouriffés étaient attachés en deux queues de cheval derrière sa tête, chacune avec un nœud à son extrémité.

"Mon Dieu, quel beau jeune garçon tu es", a-t-elle chuchoté derrière son masque, les yeux dessinés me regardant droit dans les yeux.

Comme un éclair d'électricité, un frisson a parcouru ma colonne vertébrale à ses mots, me faisant me débattre davantage. J'avais l'impression que mon cou était marqué au fer rouge, la douleur brûlante étant presque insupportable. Luttant pour garder le peu de conscience qu'il me restait, j'ai envoyé de la mana dans mes paumes.

Avec Realmheart toujours actif, je pouvais physiquement voir les taches de mana bleu se rassembler autour de mes mains, se transformant en un blanc chatoyant alors que je formais un sort. En resserrant ma prise autour de son poignet, j'ai libéré mon sort : Zéro absolu.

Elle a immédiatement lâché mon cou et a retiré son bras de mon emprise. Une fois relâché, je suis tombé de l'arbre, m'écrasant dans une bûche creuse sur le sol.

"Le petit chiot a un peu de mordant", m'a-t-elle réprimandé du haut de l'arbre. Je me suis rapidement remis sur mes pieds, ignorant la douleur brûlante qui irradie encore dans mon cou, mais la femme était déjà devant moi, me regardant à travers les petits trous des yeux de son masque. Son bras droit était décoloré et gonflé par l'endroit où je l'avais brièvement touché avec le sort.

Elle a secoué la tête. " Ce n'est pas grave. Je vais juste devoir être un peu plus stricte dans ton entraînement."

J'ai involontairement fait un pas en arrière. Elle n'avait pas l'intention de me tuer, elle me voulait simplement comme une sorte d'animal de compagnie. "Quel est ton nom, mon cher ?" chuchota-t-elle, détournant le regard en enfouissant son bras droit dans l'arbre derrière elle.

" Ma mère m'a dit de ne pas parler aux étrangers, surtout ceux qui sont aussi... étranges que vous ", ai-je répondu, grimaçant de douleur en touchant avec précaution la blessure sur mon cou. D'habitude, grâce à l'assimilation avec la volonté de Sylvia, j'aurais déjà senti mon corps guérir, mais la blessure qu'elle avait infligée était différente.

"Ne t'inquiète pas. Nous ferons connaissance bien assez tôt", répondit-elle en retirant son bras de l'arbre, les marques de mon sort semblant avoir disparu. Mais l'arbre dans lequel elle avait mis son bras avait maintenant un trou béant, comme si quelqu'un l'avait marqué à l'acide.

Elle a fait de grandes enjambées, ses jambes marquées de cicatrices s'enfonçant dans le sol comme si elle pataugeait dans l'eau. "Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de temps - j'ai des tâches à terminer. Y a-t-il une chance que tu acceptes d'être l'esclave de cette belle dame ?"

J'ai sorti Dawn's Ballad de mon anneau dimensionnel. "Désolé, je vais devoir refuser."

"Ils le font toujours." La femme osseuse a poussé un soupir dramatique en secouant la tête. "Ce n'est pas grave ; briser la volonté d'un esclave désobéissant est la moitié du plaisir".

Alors qu'elle prononçait ses derniers mots, du mana de la couleur d'une algue pourrie commença à se rassembler sous mes pieds. Immédiatement, j'ai fait un bond en arrière, juste à temps pour éviter un groupe de mains sombres qui sortaient du sol. Les bras humanoïdes de mana griffaient l'air avant de se corroder et de se ratatiner. La femme a incliné la tête mais je ne pouvais pas voir son expression à travers son masque inquiétant. Grâce au Realmheart, je pouvais sentir que ces sorts, tout comme ceux de Tessia, avaient un attribut similaire au bois, mais chaque sort que cette créature conjurait laissait une marque de corrosion.

Je fis glisser mes doigts le long de mon cou brûlant, me demandant ce que je verrais dans mon reflet. Un peu plus de mana vert sombre se rassembla autour de ma mystérieuse ennemie, mais avant qu'elle n'ait eu la chance de terminer son sort, j'envoyai une pointe de pierre jaillir du sol à côté d'elle. La lance de terre s'est dissoute au moment où elle est entrée en contact avec elle.

"Tu ne fais que prolonger l'inévitable, mon cher", roucoula-t-elle de cette voix aiguë et grinçante qui me donnait envie de m'arracher les oreilles.

Elle leva les deux bras, faisant apparaître d'autres bassins de mana sur le sol et les arbres autour de moi, que je ne pouvais voir que grâce à ma vision unique.

Ma première pensée a été que je devais conserver le mana pendant cette bataille. Puis j'ai réalisé, pour la première fois depuis longtemps, que je n'avais aucune raison de me retenir. Le plus probable était qu'il s'agissait d'un Serviteur ou d'une Faux, l'un des principaux ennemis contre lesquels j'avais passé des années à m'entraîner à combattre sur la terre des asuras.

Brisant le mur métaphorique que j'avais construit pour contrôler mon mana, je l'ai senti se déverser hors de mon noyau dans un élan.

Les runes autrefois ternes qui couraient le long de mes bras et de mon dos brillaient de mille feux, bien visibles même à travers l'épais manteau que je portais par-dessus mon maillot de corps.

Des particules de mana bleues, rouges, vertes et jaunes s'écoulaient de mon corps tandis que le mana à proximité tourbillonnait et se rassemblait, attiré vers moi comme des papillons de nuit vers une flamme.

"On dirait que j'ai trouvé quelqu'un de spécial ", s'exclama la femme en croisant ses bras levés, invoquant son sort. Des dizaines d'appendices ressemblant à des vignes ont surgi du sol et ont été projetés à partir des troncs et des branches des arbres voisins.

Mon expression est restée calme, son intention imposante ne m'affectant plus, alors que les mains de mana défigurées se tendaient vers moi avec leurs doigts filiformes. Un petit

cratère s'est formé dans le sol sous mes pieds alors que je m'élançais vers la mince sorcière, ignorant son sort.

J'esquivai et me balançai, esquivant les mains de vigne qui suivaient mes mouvements, sans jamais interrompre ma course jusqu'à la sorcière, mais celle-ci ne broncha même pas, confiante dans l'aura qui avait dissous mon sort précédent.

"Zéro absolu", ai-je chuchoté, en concentrant le sort autour de mon corps. L'effet du sort a été instantané. Les mains d'un vert sombre se figeaient dès qu'elles s'approchaient à moins de 30 cm de mon corps, transformant la zone autour de moi en un paysage cauchemardesque de statues horribles.

Mon premier réflexe a été de balancer Dawn's Ballad, mais j'avais peur que mon épée soit détruite comme la lance de pierre, alors j'ai fait un dernier pas, me plaçant juste devant elle, et j'ai voulu que l'aura de glace se transforme en un gantelet de griffes autour de ma main gauche, comme l'augmenters l'avait fait au début de ma précédente bataille. Lorsque mon sort est entré en collision avec son aura, un nuage de vapeur s'est élevé avec un sifflement, bloquant ma vision.

Il ne m'a fallu qu'une seule inspiration pour comprendre que la vapeur était toxique. Ma réaction a été immédiate, et je suis tombé à genoux en toussant alors que mes entrailles et ma peau commençaient à brûler.

Le gaz toxique qui m'entourait avait déjà fait fondre une grande partie de mes vêtements, exposant mes bras, et c'est l'évanouissement des runes dorées maintenant exposées qui m'a sorti de mon étourdissement.

Les runes, qui m'avaient été données par Sylvia, le symbole même de la façon dont tout cela avait commencé, m'ont tiré de l'emprise froide des ténèbres.

J'ai rapidement créé un petit vide pour aspirer les toxines de mes poumons brûlants. Cela m'a aidé, mais sans air à respirer et avec l'oxygène de mes poumons aspiré, il ne me restait que quelques secondes avant de m'évanouir. Aussi toxique qu'il soit, le brouillard me cachait au moins des yeux de la sorcière. Elle a probablement supposé que j'étais évanoui maintenant - ou pire

- alors j'ai utilisé cette opportunité. Repérant sa signature mana, je me suis battu pour rester conscient et j'ai attendu le bon moment.

Les secondes me parurent des heures, me rappelant le temps que j'avais passé avec ma conscience dans l'orbe d'éther, avant qu'elle ne s'approche enfin suffisamment. Alors qu'elle ne devrait pas être capable de sentir la fluctuation de mana autour de moi à cause des effets du Mirage Walk, je ne pouvais que prier pour qu'elle ne puisse pas voir la faible lueur de mon épée.

Avec la dernière partie de mon énergie, j'ai déclenché Static Void, arrêtant le temps autour de moi tandis que je bondissais sur mes pieds et la frappais avec Dawn's Ballad. Mon épée crépita en déchirant l'espace, imprégnée d'un éclair blanc étincelant qui semblait presque sacré alors que je relâchais le temps juste avant que ma lame n'entre en contact avec son visage.

La force de mon coup a dispersé le nuage d'acide qui nous couvrait tous les deux, mais même sans regarder, je savais que j'avais manqué ma cible. J'ai frissonné lorsque mon regard s'est posé sur la lame dans ma main - ou plutôt, sur ce qu'il en restait. La pointe de Dawn's Ballad, forgée par un asura, avait été corrodée à plat, et deux centimètres de la lame sarcelle avaient disparu. Puis, repérant la faible trace de sang sur ma lame, j'ai déplacé mon regard vers la sorcière.

Je ne pouvais voir que la pointe de son menton pointu. Sa tête était rejetée en arrière, une fine traînée de sang roulait sur le côté de son cou. La forêt entière semblait retenir un souffle effrayant, interrompu seulement par le bruit de son masque qui se brisait sur le sol de la forêt.

157

LA BATAILLE D’UNE LANCE

"OÙ EST MON MASQUE ?"

La sorcière s'était rendu compte que son visage était maintenant nu, et ses mains le tâtonnaient, bien qu'elle l'ait gardé tourné loin de ma ligne de vue.

"Mon masque. J'ai besoin de mon masque", répétait-elle. Elle a déchiré sa crinière noire indisciplinée, s'accrochant à ses queues de cheval et utilisant ses cheveux défaits comme un rideau pour couvrir son visage. Elle s'est agenouillée sur le sol, marmonnant en rassemblant les petits morceaux de son masque brisé.

Je respirais difficilement et m'éloignais lentement, craignant ce qu'elle pourrait faire ensuite. J'avais utilisé Static Void avec Realmheart activé et en retour, la pointe de mon épée avait disparu.

Le chaume de cheveux noirs indisciplinés qui tombait sur son visage bruissait tandis qu'elle commençait à assembler les morceaux brisés dans une tentative désespérée de les reconstituer. Puis elle s'agrippa au tas qu'elle avait si désespérément rassemblé, griffant le sol en même temps. "Mon masque !" cria-t-elle, s'agrippant aux morceaux jusqu'à ce que ses mains saignent. En regardant les particules de mana se rassembler pour former une aura vert sombre autour d'elle, je n'avais pas le temps de penser.

Les légères particules violettes d'éther se sont mises à vibrer alors que j'activais à nouveau Static Void. Ignorant les protestations de mon corps, je me suis précipité en avant pour frapper la sorcière avant que l'aura corrosive ne l'enveloppe à nouveau complètement.

Le temps s'étant arrêté, je pouvais combler l'écart sans craindre qu'elle puisse réagir, mais pour cette tentative, je ne pourrais pas utiliser le mana de l'atmosphère comme je l'avais fait auparavant, seulement les maigres réserves de mon noyau.

Des lianes blanches déchiquetées crépitaient autour de la lame sarcelle de mon épée tandis que j'avançais vers la sorcière. Cependant, mon sort était considérablement plus faible maintenant, et un sentiment de doute commençait à s'insinuer en moi.

J'ai libéré Static Void au moment où la pointe aplatie de mon épée s'enfonçait dans l'ouverture de l'aura verte, juste au-dessus de son genou gauche. La sensation familière du métal transperçant la chair était accompagnée du crépitement de l'électricité se propageant dans le corps de la sorcière. Pourtant, le sang qui s'écoulait de sa blessure n'était pas du même rouge que celui de ses mains et de son cou, mais plutôt d'un vert boueux.

L'endroit où la blessure aurait dû se trouver siffla tandis que le sang vert sombre commençait à se figer autour de Dawn's Ballad.

Lorsque la sorcière a levé le regard du sol, ses épais cheveux se sont séparés, révélant ce qu'elle avait si désespérément essayé de cacher.

J'ai tiré sur la ballade de Dawn, ne voulant rien d'autre que de battre en retraite. Ce n'était pas seulement sa peau noueuse, qui semblait plus vieille que l'écorce des arbres séculaires qui nous entouraient, ou les deux fentes étroites entre ses joues creuses. Ce n'était pas non plus ses fines lèvres de cuir, plus sombres que ses cheveux, ou ses dents dentelées et tachées de jaune.

C'était son regard à glacer le sang, irradiant d'une paire d'yeux difformes et macabres, qui m'a rempli d'un sentiment d'effroi. Contrairement à n'importe quel monstre ou bête que j'avais affronté depuis mon arrivée dans ce monde, les yeux sombres et creux, qui semblaient avoir été arrachés et repoussés au plus profond de son crâne, m'ont fait me demander si c'était le genre de démon qui avait surgi des profondeurs de l'enfer.

"Maintenant que tu m'as vu dans cet état, j'ai bien peur de ne pas pouvoir te garder comme animal de compagnie", murmura-t-elle, presque en chuchotant alors qu'elle saisissait mon épée d'une de ses mains ensanglantées.

Je grimaça involontairement quand elle a parlé. Mon esprit s'est mis à tourner tandis que j'essayais faiblement de retirer Dawn's Ballad de son emprise, essayant de comprendre ce qu'il fallait faire dans cette situation.

J'ai détourné mon regard de son regard terrifiant, et j'ai regardé avec désespoir son aura envelopper presque tout son corps.

Incapable de rassembler la force nécessaire pour déclencher à nouveau Static Void, j'ai regardé mes jambes. J'entendais encore la voix de Lady Myre qui me disait de ne pas utiliser Burst Step. En levant les yeux, j'ai vu le nuage vert sombre s'étendre lentement, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que de faibles espaces de la largeur d'une plume.

J'ai pris ma décision.

Lâchant ma précieuse épée, j'ai pris une grande inspiration, me préparant à la douleur qui allait bientôt arriver. Comme les pistons d'un moteur de mon ancien monde, le mana se propagea dans des muscles spécifiques en une succession rapide, le timing étant précis à la milliseconde près, et je fus propulsé de ma position initiale presque instantanément.

J'ai serré les dents contre la douleur abrutissante - j'avais l'impression que les os du bas de mon corps se consumaient lentement dans un feu - et j'ai planté ma main dans le faible trou de son aura. Même avec Zéro absolu autour de ma main, les effets détériorants de ses défenses se sont infiltrés dans ma chair au contact de sa peau.

La sorcière a grogné de douleur en essayant de s'éloigner, mais ma prise autour de son bras droit est restée forte.

La peau de ma main nue est rapidement devenue rouge et douloureuse, alors que de plus en plus de couches de chair commençaient à se corroder. Cependant, les effets de mon sort commençaient à se faire sentir, je savais donc qu'il fonctionnait. Son bras droit, qui tenait mon épée empalée dans sa cuisse gauche, a pris une couleur sombre et maladive. Contrairement aux engelures naturelles, qui commencent dans les doigts, son bras avait commencé à geler à partir de l'endroit où je le tenais. Les couches de peau et de tissus avaient gelé, et elle ne pouvait plus bouger son bras.

Avant que les effets du Zero Absolu ne puissent se propager à son corps, la sorcière a tranché son bras gelé avec son autre main, arrachant complètement le membre de l'épaule.

Une douleur vive et brûlante se répandit dans ma main, rappelant la blessure que j'avais subie en échange de son bras coupé. Le membre s'est brisé comme du verre lorsque je l'ai laissé tomber sur le sol.

Je ne savais pas si c'était une bonne chose ou non, mais la blessure sur ma main semblait pire qu'elle ne l'était. Presque comme si ma main gauche avait été plongée dans une cuve d'acide, du pus jaune se formait sur la chair brute de ma main, et une poussée de douleur me traversait au moindre mouvement. J'ai arraché un morceau de tissu de l'extrémité de mon manteau et l'ai enroulé doucement autour de ma main blessée, en gardant ma mâchoire serrée contre la douleur pendant tout le processus.

"Comment oses-tu ?" grogna la sorcière. Avec un feu dérangé dans ses yeux verts creux, elle arracha des morceaux de son épaisse chevelure noire pour révéler une petite souche juste au-dessus de son front.

"Je suis une Vritra ! Je vais m'assurer que tu ressentes les conséquences d'avoir fait subir à une dame une telle... disgrâce !" hurla-t-elle en arrachant d'autres de ses cheveux en bataille. "Je ferai fondre tes membres et te garderai comme un trophée ! Je te couperai la langue et te nourrirai par un tube pour que tu ne puisses que rêver de mourir !"

"Oh ? Il faudrait que tu sois au moins une Faux pour même penser à faire ça", j'ai soufflé, espérant qu'elle morde à l'hameçon.

"Une Faux ? Une Faux ? " a-t-elle hurlé en boitillant vers un arbre proche, Dawn's Ballad toujours empalée dans son genou gauche.

" Je vais effacer cette femme condescendante de la surface d'Alacrya et prendre sa place ! Juste parce qu'elle est un peu attirante et que ses grognards se pâment devant elle, elle se croit meilleure que moi ? Je vais lui montrer à quel point c'est dégradant d'être son serviteur !"

Me rappelant comment la sorcière avait guéri sa main plus tôt en la plongeant dans un arbre, j'ignorai les cris de protestation de mes jambes et me précipitai vers elle. Elle a balancé son bras restant, libérant une autre bouffée de fumée qui avait presque fait fondre mes poumons.

J'ai activé Burst Step une fois de plus, esquivant la fumée empoisonnée et réduisant l'écart entre nous en un clin d'œil.

Des filaments d'éclairs noirs se sont enroulés autour de mon bras droit. Plutôt que de tenter de percer son aura corrosive et de risquer de mutiler mon autre main, j'ai agrippé la poignée de mon épée, qui était toujours enfoncée dans sa cuisse. L'épée a agi comme un conducteur, et les branches d'électricité se sont enroulées le long de l'épée jusqu'au corps de la sorcière.

Ses membres se sont immédiatement raidis et ont été secoués par des convulsions dues au courant de foudre qui traversait son corps. Je la voyais tenter de se défendre, mais j'ai repris espoir lorsque ses yeux creux se sont éteints.

Malgré les spasmes qui secouaient sa fine carcasse, il y avait encore de la force en elle lorsque ses yeux brillants sont lentement redevenus clairs. Le visage noueux de la sorcière s'est fissuré comme de la terre sèche, tandis que des taches de peau calcinée se répandaient sur son corps.

S'il te plaît, meurs, ai-je supplié dans ma tête. Mes réserves de mana diminuant, j'avais peur d'un éventuel contrecoup.

Soudain, j'ai été arraché de la sorcière. Comme si j'avais été piqué par une marque de fer, une douleur fulgurante a irradié de mon épaule et j'ai été renvoyé sur le sol. Sans me retourner, j'ai recouvert ma main d'une aura glacée et j'ai passé la main par-dessus mon épaule pour arracher les doigts de mana qu'elle avait conjurés.

La sorcière essayait à nouveau désespérément d'atteindre un arbre proche, à quelques mètres de là, alors j'ai conjuré un mur de terre.

Malgré l'épais mur qui l'entourait, elle continuait, chancelante mais inébranlable. Malgré son apparente faiblesse, l'aura verte qui l'entourait parvenait à dissoudre facilement le mur. Je savais que je n'avais pas d'autre choix que de compter sur Burst Step une fois de plus pour l'empêcher de guérir ses blessures.

Puis une voix merveilleusement familière a résonné dans ma tête.

Arthur ! Sylvie a crié, juste au moment où j'ai vu son ombre onduler sur le sol de la forêt.

Timing parfait, répondis-je, ma voix semblant tendue même dans ma tête. Rassemblant autant de mana que mon corps le permettait sans succomber aux durs effets du contrecoup, j'ai conjuré un torrent de vent sous les pieds de la sorcière.

"Attrape !" J'ai rugi, et j'ai envoyé mon adversaire en spirale dans les airs vers mon lien.

Sylvie a immédiatement plongé pour saisir la sorcière dans ses longues griffes. Dans son état de faiblesse, l'aura de la sorcière avait peu d'effet sur le cuir dur du dragon. Les écailles blindées de Sylvie la protégèrent suffisamment longtemps pour qu'elle puisse s'élever dans le ciel.

Ils étaient tous les deux perdus dans les nuages, mais Sylvie portait toujours le Vritra plus haut.

Elle a perdu connaissance, a déclaré Sylvie, la transmission mentale semblant lointaine et étouffée.

Lâche-la ici, ai-je transmis depuis ma position sur le sol.

Je ferai un peu plus que la lâcher, a-t-elle envoyé avec un grognement.

Après avoir médité un peu plus longtemps pour un dernier sort, je me suis levé avec difficulté, mes jambes tremblantes me permettant à peine de rester debout.

Levant mon bras valide, j'ai fait converger le mana pour former la tête d'une lance. Les runes sur mes bras clignotaient et s'atténuaient mais restaient, m'aidant à utiliser autant de mana que possible dans l'atmosphère. Je pouvais sentir la température baisser alors que la lance de glace s'étendait à la taille d'un arbre.

Je condensais régulièrement la glace jusqu'à ce que la pique brute que j'avais conjurée prenne forme : une puissante lance assez grande pour être maniée par un titan. La lance changeait continuellement, se raffinant au fur et à mesure que je la condensais et la modelais avec le mana environnant.

Sentant que mes jambes commençaient à me lâcher, je souleva rapidement le sol autour de moi pour les soutenir, me plantant au sol dans une attelle de terre.

J'ai compressé et aiguisé le sort de sorte que la lance de glace, autrefois de la taille d'un arbre, n'était plus que de quelques centimètres plus haute que moi. Suspendue dans l'air, elle scintillait comme le ciel pendant la Constellation des Aurore.

Le goût du métal remplissait ma bouche tandis que le sang coulait le long de mon menton, mon corps m'avertissant de l'état misérable dans lequel je me trouvais.

Quelques instants plus tard, j'ai aperçu la sorcière. Le jadis puissant Vritra, qui avait

semblé presque intouchable, s'est effondrée comme un fragment de météorite. Sylvie avait dû la lancer, à en juger par la vitesse à laquelle elle dégringolait vers moi ; il ne fallut que quelques battements de cœur pour qu'elle soit suffisamment proche pour que je puisse calculer où elle atterrirait.

Le corps mutilé de la Vritra a plongé droit dans la pointe de ma lance, l'impact ayant la force d'une pierre de catapulte. J'ai dû utiliser toute l'énergie qu'il me restait pour maintenir la forme de la lance pendant qu'elle s'enfonçait dans le corps de la sorcière. Le support en terre s'est effondré et je me suis écroulé au sol au même instant que la sorcière a frappé la terre.

Des pierres brisées et des éclats de bois me bombardèrent tandis qu'une explosion tonitruante résonnait dans toute la forêt, faisant trembler tous les arbres des environs. J'ai perdu conscience au fur et à mesure que je tombais sur le sol, emporté par la férocité de l'impact, mon corps se frayant un chemin à travers les vieux troncs, les branches et tout ce qui se trouvait sur le sol de la forêt, jusqu'à ce que le tronc d'un grand arbre m'arrête.

Tiens bon, papa ! a crié Sylvie.

Je pensais... que c'était indigne de toi... de m'appeler... Papa, je suis parvenu à dire, ma conscience vacillant.

Elle est restée silencieuse, mais je pouvais sentir les émotions qui s'échappaient d'elle.

-le désespoir, la culpabilité, la colère, le chagrin.

Ma perception du temps n'était pas fiable, et je ne pouvais pas dire combien de temps il avait fallu à Sylvie pour arriver, mais j'ai soudain réalisé qu'elle était à mes côtés, son grand museau noir planant au-dessus de moi.

Ses yeux jaunes translucides étaient remplis de larmes alors qu'elle ouvrait lentement sa mâchoire. Elle laissa échapper un léger souffle, mais plutôt que de l'air, une brume chatoyante de couleur violette m'enveloppa.

La cacophonie des douleurs dans tout mon corps s'est rapidement atténuée à mesure que la brume apaisante s'infiltrait en moi.

"Vivum", ai-je marmonné faiblement.

Ne parle pas, gronda-t-elle en continuant à me soigner.

Tout comme ta grand-mère. J'ai esquissé un faible sourire. Pour un dragon aussi effrayant, tes pouvoirs se sont avérés plutôt... dociles.

Un léger sentiment d'amusement a jailli en elle à mon commentaire. Si tu as l'énergie pour ce genre d'humour nul, je suis sûr que tout ira bien.

Bien sûr, pour qui me prends-tu ?

Un enfant imprudent et idiot qui n'a aucun sens de l'auto-préservation, grogna-t-elle en fermant la mâchoire. Je t'ai prévenu que l'ennemi venait vers toi, mais tu as quand même décidé qu'il était nécessaire de le combattre tout seul !

Une quinte de toux me secoua le corps tandis que je caressais le museau de mon lien.

Je suis désolé. Au moins, c'est fini... c'est fini, pas vrai ?

" Vois par toi-même ", dit Sylvie à voix haute, le timbre doux et moelleux de sa voix apaisant après les cris de la sorcière.

Avec mon coude, je me suis appuyé sur la base de l'arbre que j'avais heurté, et mon lien s'est déplacé sur le côté.

A moins de quinze mètres de là se trouvait un cratère de la taille d'une maison, une fine couche de poussière encore apparente. Au centre de la grande fosse se trouvait la lance de glace enfouie à mi-chemin dans le sol. Le corps sans vie de la sorcière pendait en l'air, la lance lui ayant transpercé la poitrine.

De la vapeur s'échappait encore du corps de la sorcière, sa peau corrosive essayant de ronger la glace, mais en vain.

Elle était morte.

158

LA HAUTEUR DU SOMMET

CAPTAIN JARNAS AUDDYR

" Ulric ", murmurai-je, lui faisant signe de se déplacer sur la gauche alors que je m'accroupissais à ras de terre derrière un tronc d'arbre tombé. L'augmenters massif a silencieusement rassemblé sa petite équipe de cinq mages, et ils ont commencé à se frayer un chemin à travers les arbres denses.

"Brier." J'ai incliné la tête en direction du petit chemin à notre droite, lui faisant signe, à lui et à ses troupes, de me suivre. Brier a répondu d'un signe de tête et a dégainé ses deux dagues dentelées. L'augmenters bien bâti a rapidement traversé la forêt dense, sa démarche étant longue et assurée. Je suivais à l'arrière de la procession silencieuse, mes doigts anxieusement positionnés sur la poignée de mon artefact, prêts à frapper.

J'en étais venu à être reconnaissant envers le vent glacial qui hurlait constamment dans les arbres, déchirant les branches et dépouillant leur feuillage. Il servait à couvrir le bruit de nos pas alors que nous nous enfoncions dans la forêt.

Les clairières étaient fréquentes mais j'en éloignais mes troupes, de peur que nous ne soyons exposés à ce grand danger dont le capitaine Glory m'avait averti. J'ai réprimé l'envie de me moquer de son ridicule - croire les paroles d'un adolescent qui avait réussi à devenir une Lance ! Il avait probablement inventé l'histoire de cet ennemi puissant pour pouvoir s'échapper tout seul et éviter la bataille.

Je l'appréhenderai à vue si je le surprends en train de s'enfuir, ai-je pensé. Peut-être que le rôle que j'ai joué en repoussant les forces Alacryennes et en capturant la Lance malhonnête me vaudra une promotion bien méritée.

J'avais suivi à contrecœur le Capitaine Glory quand elle avait brusquement ordonné à ses troupes de battre en retraite. C'était une erreur de faire aveuglément confiance à son jugement.

Après que le Capitaine Glory m'ait informé de ce que cette Lance lui avait ordonné de faire, j'ai immédiatement fait faire demi-tour à mes troupes. Elle avait du culot de laisser tomber la bataille et de risquer de la faire subir aux cuisiniers et aux médecins du campement, mais je n'étais pas son subordonné. La bataille était devenue chaotique après que les troupes aient commencé à se retirer, ne laissant que mes hommes pour se battre. Cependant, profitant du fait que les Alacryens tentaient de poursuivre les troupes en retraite, il était facile pour mes soldats de soumettre un grand nombre de forces ennemies préoccupées.

Mieux encore, la capitaine Glory a reçu les conséquences de son mauvais jugement dans la bataille ; elle a subi une blessure importante au côté, ce qui m'a laissé à la tête des deux forces alliées. J'ai utilisé mon expertise en tant que commandant pour rassembler rapidement les troupes disjointes, et nous avons repris le combat - jusqu'à ce qu'une explosion retentisse juste un peu au sud du champ de bataille.

À l'improviste, les chefs ennemis ont commencé à ordonner à leurs hommes de se replier, nous offrant ainsi une victoire remarquable. Le son de mes troupes hurlant de joie m'a rempli d'un sentiment de satisfaction et m'a rappelé ce que cela signifiait d'être une figure de pouvoir.

Reprenant mes fonctions de général par intérim en charge des deux divisions, j'ai ordonné à chaque soldat valide de récupérer le corps d'un allié et de rentrer au camp. J'ai également ordonné la capture de tous les soldats alacryens trouvés en vie, afin qu'ils puissent être interrogés plus tard.

Je voulais aller directement au Conseil et les informer de ce qui s'était passé ici, mais le capitaine Glory m'en a empêché. Elle soupçonnait que l'explosion avait quelque chose à voir avec le garçon Lance et l'ennemi qu'il était censé combattre, et voulait que j'emmène quelques troupes pour voir ce qui s'était passé.

Si ce n'était pas pour la possibilité d'appréhender le garçon et de l'amener pour le punir pour s'être enfui au milieu de la bataille, et la possibilité de prendre sa place en tant que Lance, j'aurais refusé.

Peut-être que les divinités me récompenseraient enfin pour mon service envers le Roi Glayder et, maintenant, envers tout Dicathen. J'allais atteindre l'apogée du pouvoir sur ce continent.

Plus nous marchions vers le sud, plus nous devions faire attention à nos pas. Comme le soleil se couchait, la brume a commencé à s'accumuler entre les troncs épais des arbres, obscurcissant le sol même directement sous nos pieds. Plus que la possibilité d'un ennemi imaginaire, je voulais prendre le garçon au dépourvu - casser accidentellement une brindille pourrait le faire courir et compliquer la tâche.

Mes sources au château du Conseil m'ont dit qu'Arthur n'avait pas accepté l'artefact accordé à chacune des Lances pour augmenter leurs pouvoirs ; néanmoins, ce serait une erreur pour moi d'être imprudent. Aussi lâche qu'il puisse être, le garçon était toujours une Lance, après tout.

Brier, mon bras droit, s'est arrêté et m'a fait signe sans rien dire de venir. En passant devant les soldats de son unité, je suis arrivé à ce qui semblait avoir été un arbre.

En regardant la boue sombre qui s'accumulait au centre du tronc, j'ai voulu la toucher, mais Brier a repoussé ma main. Mes yeux se sont rétrécis et j'ai lancé un regard à mon subordonné, mais Brier a simplement secoué la tête, détaché un couteau de rechange de sa cuisse et l'a plongé dans la flaque.

Avec un léger sifflement, la lame du couteau s'est complètement dissoute en l'espace de quelques secondes. Déplaçant mon regard vers le reste de l'arbre, qui semblait s'être effondré assez récemment, je l'ai pointé du doigt, demandant sans rien dire à Brier s'il pensait que cet acide en était la cause.

Brier a répondu d'un signe de tête et nous avons poursuivi notre randonnée jusqu'à ce qu'un de ses hommes - une femme, en fait - nous indique quelques autres arbres présentant la même corrosion au milieu de leur tronc. Certains arbres étaient encore debout, l'acide n'ayant fait qu'un petit trou, tandis que d'autres avaient fondu jusqu'aux racines.

Un claquement sec venant d'en haut nous a immédiatement fait tourner en direction du son.

La femme a rapidement encoché une flèche sur son arc et a tiré.

La flèche a touché la source du son... une branche. Lâchant le souffle que je n'avais pas l'intention de retenir, j'ai étudié la branche qui était tombée, réalisant que certaines de ses parties avaient été corrodées par le même acide que celui des arbres. J'ai lancé un regard menaçant à l'archer, qui a immédiatement baissé la tête pour s'excuser. Incompétent. Je fis signe à tout le monde de continuer, mais restai près de l'arrière de l'équipe au cas où quelque chose devait arriver.

Bien que les vents continuaient à secouer les arbres autour de nous, la forêt était étrangement calme. Il n'y avait aucun bruit d'animaux proches, et je n'avais pas encore entendu le cri d'un seul oiseau - c'était presque comme si les habitants de la forêt avaient tous fui pour sauver leur vie.

Soudain, un cri douloureux a percé le silence. Nous nous sommes à nouveau arrêtés et tout le monde a regardé vers moi pour se guider.

D'après le timbre profond du cri, on aurait dit Ulric, mais était-ce vraiment la peine de donner notre position s'il avait déjà été attrapé ? Qu'il s'agisse de la Lance ou de l'ennemi supposé, l'élément de surprise était l'un de nos seuls avantages.

Brier, qui était un ami proche d'Ulric depuis bien avant qu'il ne rejoigne ma division en tant que chef, me fixait en fronçant les sourcils. Ses yeux semblaient me demander de le laisser partir, mais je lui ai fait signe d'attendre. J'ai séparé notre équipe de cinq personnes en deux groupes, avec Brier dans l'équipe de trois, et l'archer restant à mes côtés, puis nous nous sommes déployés et nous nous sommes lentement dirigés vers le son du cri d'Ulric.

La densité des arbres diminuait à mesure que nous approchions d'une grande clairière, avec de plus en plus de signes évidents de l'acide autour de nous. Le sol sous nos pieds s'est brusquement incliné, nous faisant presque dévaler la pente dans un brouillard mystérieux qui s'épaississait à mesure que nous nous rapprochions de la clairière. Avec l'archer qui me couvrait, et Brier et son groupe à quelques pas devant moi sur ma gauche, j'ai détaché le manche de mon artefact, Stormcrow, et j'ai imprégné du mana pour le transformer en une puissante hallebarde.

Avec l'épouvantable brume verte qui nous bloquait la vue et le sol irrégulier en dessous, j'ai réprimé la tentation de faire demi-tour, gardant mes pensées fixées sur mon objectif de devenir une Lance. J'ai levé mon bras, puis, en levant trois doigts, j'ai fait un compte à rebours silencieux.

Trois. Deux. Un.

Avec un rugissement, Brier a tailladé avec ses dagues dentelées, déchaînant un

torrent de coups de vent tranchants pour dissiper la brume potentiellement dangereuse.

Mais qu'est-ce que...

Ma volonté de me battre s'est évanouie lorsque le brouillard vert s'est dissipé. Stormcrow a failli glisser de mes doigts relâchés tandis que nous nous tenions tous debout et fixions, les mâchoires relâchées, la scène qui se déroulait à quelques mètres devant nous.

Sans le savoir, nous étions tombés sur le bord d'un énorme cratère. Au centre se trouvait une énorme et impressionnante lance qui faisait ressembler mon inestimable artefact, transmis par ma famille depuis des générations, à un cure-dent usagé. Empalé sur la lance, il y avait ce qui semblait être un démon longiligne ressemblant à un diablotin.

Le sol grésillait sous le monstre suspendu, le même acide sombre s'écoulant de son corps grotesque. Un léger sifflement provenait du brouillard vert qui s'échappait continuellement de la blessure béante, mais il était sans aucun doute mort.

La seule chose plus frappante que cette scène était peut-être la vue du dragon d'obsidienne dormant si négligemment à côté du garçon affalé contre un arbre de l'autre côté du cratère - un garçon qui ne pouvait être qu'Arthur. Si je n'avais pas vu le dragon lors de l'adoubement d'Arthur en tant que Lance, la peur qui me saisissait en ce moment aurait pu m'arracher la vie.

Pendant une seconde, j'ai cru que le garçon et son lien étaient tous deux morts pendant le combat, mais le mouvement régulier du corps du dragon me disait le contraire.

J'ai détourné mon regard du dragon noir pour voir Ulric au sol de l'autre côté du cratère. Ses troupes - moins une - étaient regroupées autour de lui, soignant les moignons de son bras et de sa jambe gauche.

Le garçon est peut-être mort au combat, ai-je pensé, plein d'espoir. J'ai évalué la situation du mieux que je pouvais à cette distance. Il était difficile de voir l'état du garçon d'ici, mais d'après la respiration irrégulière de l'imposante bête à ses côtés, on pouvait dire qu'ils avaient tous deux subi des dommages.

J'ai desserré ma prise sur Stormcrow. "Récupérez le corps du général."

Brier a fait signe à un de ses hommes d'avancer, puis Ulric, qui nous avait repérés, a agité son bras restant.

"Ne faites pas ça !" Ulric et ses troupes hurlaient - mais le subordonné de Brier avait déjà sauté dans le cratère pour se rendre de l'autre côté où se trouvait Arthur.

Alors que l'homme de Brier s'élançait vers le monstre longiligne, un tentacule sombre sortit de son corps et s'agrippa à sa cheville. Le soldat hurla de douleur, mais plutôt que de le tirer, le tentacule trancha son pied protégé par le mana, l'envoyant culbuter vers le centre du cratère. Le bras du soldat a atterri dans la flaque de boue verte - presque immédiatement, l'acide s'est frayé un chemin à travers son armure et sa chair jusqu'à ce qu'il ne reste même plus d'os.

Le soldat, hurlant toujours à l'agonie, s'est éloigné de la substance caustique, mais le tentacule s'est enroulé autour de ses jambes et a entraîné le reste de son corps dans la flaque.

Nous sommes restés là, horrifiés et silencieux, les seuls sons provenant de l'acide qui détruisait le corps du soldat et de l'archer qui vomissait derrière moi.

"Ne vous approchez pas du monstre !" Ulric a soufflé, sa voix étant rendue difficile par la douleur. "Le général a dit qu'il n'attaquera pas si vous gardez vos distances."

"Qu'est-ce qui se passe ? !" J'ai rugi, perdant mon calme. "Faites-moi un rapport !"

" Nous ne savons pas exactement, capitaine ", bafouilla l'un des soldats d'Ulric. " Nous avons senti des fluctuations de mana à proximité, alors nous avons fait des repérages dans la zone ; puis le chef Ulric et Esvin ont glissé et sont tombés dans le cratère. Le chef Ulric a pu s'en sortir, mais Esvin..."

"Ce monstre est-il encore en vie ?" J'ai demandé, en faisant un pas en arrière au cas où un autre tentacule sortirait de son corps.

"Non, il ne l'est pas."

J'ai tourné la tête vers la source de la voix rauque. Le garçon était maintenant réveillé. "Toi !" J'ai levé Stormcrow, en le pointant vers Arthur. "As-tu quelque chose à voir avec ça ?"

Les yeux durs de la Lance, dont les iris brillaient presque d'un éclat azur, se sont fixés sur moi sous sa frange auburn.

"Avec la mort de ce serviteur ? Oui." Son regard est resté dur, sa voix égale. "Avec la mort de vos soldats ? Non. Ce serait parce que les sorts de défense automatique de cette chose sont toujours actifs même après sa mort."

Je sentais mes joues brûler de gêne - le garçon me parlait comme si j'étais un imbécile. "Pourquoi ne les avez-vous pas aidés, alors - ou prévenus ?"

"Je suis désolé ; vous voulez que je mette un panneau d'avertissement ?" se moqua le garçon. "Très franchement, j'ai du mal à rester conscient, alors prévenir des mages qui ne voulaient manifestement pas être trouvés." "Général Leywin, vous étiez soupçonné d'avoir fui lors d'une bataille, mais maintenant que cette nouvelle information est apparue, nous allons demander à ce que vous veniez avec nous afin que nous puissions vous emmener au Conseil pour un interrogatoire plus approfondi", annonçai-je, effrayé à l'idée de faire ne serait-ce qu'un pas, malgré l'assurance d'Ulric.

Mais le garçon resta assis contre l'arbre. "Je me rendrai au château de mon propre chef. Pour l'instant, j'ai d'autres affaires à régler ", a-t-il répondu.

"Je crains que ce ne soit pas possible, général", ai-je dit en serrant les dents. "Les informations sur les chefs ennemis sont cruciales. Le Conseil doit être informé immédiatement."

Rassemblant mes esprits, j'ai commencé à me diriger vers le garçon - en restant hors de portée des tentacules - quand les yeux du dragon obsidien se sont ouverts, nous figeant tous sur place.

Son regard topaze scintillant m'a transpercé directement, faisant frémir mon corps par réflexe. Les yeux du dragon contenaient une férocité et une sagesse qui faisaient passer toutes les bêtes de mana que j'avais vaincues pour des poupées en peluche.

"Fais un pas de plus si tu veux perdre ta tête," gronda le dragon, montrant ses crocs.

"Il parle !" Brier a crié, reculant de peur.

Saisissant plus fermement la poignée de Stormcrow pour réprimer mon envie instinctive de reculer, j'ai répondu : " Mes excuses, puissant dragon. Nous n'avons pas l'intention de faire du mal à ton maître. Nous souhaitons simplement le ramener sain et sauf au Conseil et veiller à ce que ses blessures soient soignées."

Le dragon a soufflé de l'air par son museau, comme s'il se moquait de mes paroles. "Ma promesse tient toujours, Capitaine. Faites un pas de plus..." "Assez", a coupé Arthur en s'appuyant sur le dragon pour se lever. Il s'est approché de moi à pas lents, mais n'avait visiblement pas l'intention de s'arrêter.

Il était grand pour son âge, à peine quelques centimètres de plus que moi, mais j'avais l'impression qu'il me dominait. Inconsciemment, je me suis écarté de son chemin alors qu'il passait devant moi sans un seul mot, et se dirigeait vers le centre du cratère où le tentacule avait tué un de mes soldats.

J'ai maudit dans ma tête - pas contre lui, mais contre moi-même pour avoir été si ignorant. Ce n'est que maintenant que je commençais à réaliser l'écart entre moi et ce garçon.

Je suis resté silencieux pendant qu'il avançait prudemment sur le terrain en pente. Il arriva à portée de la vigne corrosive, qui semblait être faite d'un mystérieux mana, mais le tentacule se figea et se brisa au contact.

Le garçon s'approcha de cette flaque, capable de faire fondre même les armures et les os, et posa négligemment un pied dessus. L'acide s'est figé, le garçon a marché dessus et a tendu le bras vers le monstre. Il a sorti une épée sarcelle usée et a dit, "Sylvie, allons-y."

Le dragon d'obsidienne a battu des ailes, créant une vague de vent en dessous de lui.

Le dragon plana au-dessus de son maître et abaissa sa queue pour qu'il puisse s'y accrocher.

Monté sur la puissante bête, le garçon a rengainé son épée et m'a regardé, son regard dur et désapprobateur. "Demande au Capitaine Glory ou à quelqu'un d'autre de porter le corps du serviteur au Conseil."

Il y avait dans ses mots une pointe de douleur pour laquelle j'aurais puni n'importe qui d'autre, mais j'ai tenu ma langue. La peur toujours présente en moi, et la pression

pression écrasante qu'il dégageait en donnant ses instructions, m'ont fait perdre tout le reste de confiance que j'avais.

Il était vraiment une Lance.

J'ai rengainé mon arme et me suis mis à genoux. "Oui, Général."

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COUVERTURE

Nico, Cecilia et moi restèrent silencieux, assis autour de la table de jardin de mauvaise qualité, fixant les mots imprimés sur la feuille de papier, semblable à du tissu, dans nos mains. ''On… on est inscrits,'' j'ai finalement murmuré, sans lever les yeux de la lettre d'admission. ''Je n'arrive pas à y croire.'' ''Parles pour toi. Le seul pour qui Cecilia et moi étaient inquiet, c'était toi, Grey,'' Nico taquina, mais même lui ne pouvait dissimuler son enthousiasme. ''Je n'arrive pas à y croire non plus,'' Cecilia chuchota, sa voix tremblait. ''Whoa ! Tu pleures, Cecilia ?''

''Non. J'ai juste quelque chose dans l’œil – c'est tout.''

Je décrocha finalement mes yeux de la lettre d'admission dans ma main pour voir Cecilia se dépêcher d'essuyer ses larmes avec ses manches, ses habituelles joues crémeuses virant au rouge vif.

''Félicitations, vous trois,'' la claire voix de Directrice Wilbeck résonna de l'entrée du jardin.

''Directrice !'' Nico s'exclama, tenant fièrement sa lettre en l'air comme un trophée pour qu'elle la voit.

''Je vais avoir besoin de cadres pour afficher ces lettres,'' elle dit avec un sourire en s'approchant de nous, puis elle fit un câlin à chacun de nous.

Regardant le doux sourire sur son visage, une sensation de culpabilité frappa ma poitrine. Elle était la femme qui m'avait élevé comme son fils depuis que je me souviens, pourtant je m'en allais égoïstement dans une ville loin d'ici. ''Directrice… êtes-vous sûre que c'est ok pour nous d'y aller ? Je peux rester et aider à l'orphelinat. Ce n'est pas grand chose. Je ne suis pas bon pour étudier comme Nico et Cecilia de toute manière ; en plus, c'est coûteux et vous vous faites vieille alors-ouch !'' Je glapis, frottant mon front lancinant.

''Je t'emmènerais à l'académie même si je dois t'y traîner dans tes sous- vêtements,'' elle gronda, son doigt enroulé, prêt à me donner une autre pichenette. ''Toute ces années à élever un faiseur de troubles comme toi a finalement payé et tu veux – quoi ? Rester ici ? Pas sous mon toit.''

''C'est Nico le faiseur de troubles. Je me fais juste entraîner avec !'' Je protesta, levant mes mains pour protéger mon front de l'assaut.

''Alors je suppose que Mr. Sever mérite aussi un de ceux-là aussi,'' la directrice déclara, donnant une pichenette au front de mon meilleur ami avec la vitesse et la précision d'un soldat entraîné.

''Aïe ! Grey ! Comment ça ?'' Nico pleura, frottant vigoreusement son front. J'entendis un léger rire à mes côtés. Nico et moi tournèrent nos têtes pour voir Cecilia pour la première fois.

On la fixa tous les deux, les yeux écarquillés et mâchoires ouvertes. Même la directrice était surprise.

''Est-ce qu'elle a finalement craquée ?'' Nico chuchota, se penchant à mon oreille.

Je planta mon ami dans les côtes avec mon coude, mes yeux collés à l'étrange vue de Cecilia riant. Ma poitrine se serrait et je sentais mon visage devenir brûlant, mais seulement lorsque Cecilia remarqua que nous la fixions tous, ai- je réalisé que je rougissais, comme elle.

Je tourna rapidement et me leva pour éviter son regard, m'étirant pour aucune autre raison que pour attirer l'attention autre part que mon visage.

Directrice Wilbeck avait dû le remarquer, car elle me donna ce sourire enfantin qui la faisait sembler dix ans plus jeune.

''Je ferais bien de rentrer à l'intérieur, les enfants. L'école ne commence pas avant quelques semaines, mais faites une liste des chose dont vous allez avoir besoin pour ne rien oublier quand l'un des bénévoles vous amènera tous à la ville.'' La directrice repartit par la porte coulissante d'où elle était venue plus tôt, se tournant une dernière fois avant de rentrer.

''Et encore mes félicitations, vous trois.''

ARTHUR LEYWIN

On s'approche de la frontière.

La voix de Sylvie a résonné dans ma tête, me tirant de mon sommeil. Les nuages blancs, encore flous pour mes yeux fatigués, sont lentement revenus au premier plan lorsque j'ai cligné des yeux. J'ai jeté un coup d'œil en bas, et j'ai vu que nous venions de passer le canal de Sehz, qui traversait les villes de Carn et de Maybur et se dirigeait vers la côte ouest.

Comment te sens-tu ? J'ai demandé, en étirant mon cou et mon dos douloureux avec mes jambes qui pendaient sur le côté à la base du cou de mon lien.

Je devrais te demander la même chose. J'admets que l'utilisation de mes pouvoirs m'a épuisé plus que je ne l'aurais cru, mais tu t'es vraiment surmené, me dit Sylvie en déployant ses grandes ailes pour ralentir notre descente.

Mon gémissement a été emporté par le vent. Je sais. Il semble que j'ai encore du chemin à faire si je veux vraiment affronter une Faux.

Nous sommes tous deux jeunes, le temps est un luxe que nous avons la chance d'avoir. Nous devons juste rester prudents et ne rien faire d'irréfléchi... comme essayer d'affronter un serviteur seul.

Je promets que ça n'arrivera plus. De plus, tu as sauvé la situation à la fin,

dis-je d'un ton réconfortant en tapotant son cou écaillé.

Mon lien n'a pas répondu, réagissant plutôt par une vague de frustration et d'impuissance. Je n'ai rien dit, mais je n'avais pas besoin de le faire. Elle savait ce que je ressentais. Nous avons atterri sur une terre instable, juste au-dessus de la frontière du Royaume de Darv. Le sol de la forêt, autrefois humide, était devenu sec et dur, avec des fissures dans chaque recoin.

La route commerciale que les nains et les humains utilisaient pour échanger leurs marchandises se trouvait près du coin est de Darv, près des Grandes Montagnes, il n'y avait donc aucune route visible aussi loin vers la côte.

"Il fait toujours froid", grommelai-je alors que ma cape s'envolait dans le vent. Tu devrais avoir des écailles comme moi, plaisanta Sylvie en se baissant pour me laisser descendre.

"Je suis juste heureux d'être encore capable de rassembler assez de mana pour ne pas geler." J'ai levé ma jambe et l'ai amenée autour du cou de mon lien, mais dès que mes jambes ont touché le sol, une douleur aiguë a parcouru tout le bas de mon corps et m'a fait m'écrouler dans la terre.

Les blessures de tes jambes ne vont pas mieux. La voix de Sylvie était empreinte d'inquiétude et de culpabilité, comme si elle était la responsable de ma douleur.

Peut-être que ce serait mieux si tu continuais à me monter.

" Non ", j'ai haleté, voulant plus de mana dans mes jambes comme solution temporaire. "Si mes soupçons sont corrects, nous allons devoir faire profil bas, et nous avons déjà pris le risque d'être exposés en descendant aussi bas." Très bien. Le grand corps de Sylvie a commencé à briller alors qu'elle reprenait sa forme de renard. Plutôt que de monter sur moi comme d'habitude, elle a trotté à côté de moi.

"On dirait que la prédiction de Dame Myre était juste", ai-je dit en faisant des pas prudents. "Même après avoir été soigné avec l'art de l'éther vivum, le bas de mon corps me paraît comme lorsque j'étais un nouveau-né."

Le contrôle de grand-mère et sa connaissance de l'éther dans le chemin du vivum sont bien plus grands que les miens. Peut-être que si elle était là...

Une autre vague de culpabilité m'a envahi en provenance de mon lien alors que ses oreilles pointues s'affaissaient.

Arrête de bouder, lui dis-je en accélérant le pas alors que nous nous aventurions en territoire nain. L'avertissement de ta grand-mère était plutôt vague, mais je pense qu'avec un peu de repos, mon corps assimilé va commencer à guérir. Je devrais m'en sortir.

J'ai choisi mes mots avec soin, essayant de cacher mon manque de confiance, mais il était évident que mes émotions s'étaient répandues en elle.

L'explosion de mana dans chacun de mes muscles était si intense que j'aurais dû être reconnaissant d'être capable de marcher, mais je ne pouvais m'empêcher d'être frustré par ma faiblesse. L'utilisation du Burst Step, pas moins de trois fois, m'avait laissé avec des os brisés et des muscles déchirés, qui auraient été presque irréparables sans Sylvie.

J'ai grimacé à la simple pensée de l'expression de ma mère si elle avait vu l'état dans lequel je me trouvais... Est-ce qu'elle - ou n'importe quel émetteur - aurait été capable de me guérir ?

Ravalant ces pensées décourageantes, je scrutai la zone. Devant moi s'étendait une vaste étendue aux nuances variées de brun et de jaune. Les rares plantes éparpillées autour de moi étaient soit des branches et des arbustes cassés, transportés par le vent depuis la forêt, soit des mauvaises herbes poussant dans les fissures du sol. J'ai pris note des gros rochers éparpillés, au cas où nous aurions besoin de nous cacher ou de nous mettre à l'abri des vents violents, mais il n'y avait aucun signe d'activité.

Les plaines déchiquetées plongeaient et s'élevaient pour former des ravins. D'après les livres que j'avais lus et ce qu'Elijah m'avait dit, de nombreux ravins disséminés dans le Royaume de Darv cachaient des entrées vers les villes souterraines où les nains vivaient réellement.

J'ai pris une profonde inspiration. " Commençons. "

Atteignant les profondeurs de mon noyau de mana, où résidait la volonté de bête de Sylvia, j'ai activé Realmheart une fois de plus.

La sensation familière m'a envahi, et mon corps a immédiatement protesté. Je me jetai sur le côté et vomis la nourriture partiellement digérée que j'avais dans l'estomac. Quand tout est sorti, j'ai craché une bile sombre.

Ma poitrine se gonflait et le monde tournait autour de moi, mais heureusement, j'étais toujours capable de maintenir Realmheart, ce qui était crucial pour cette tâche.

Nous devrions peut-être revenir la prochaine fois. Avec ma lignée, je suis presque sûr que j'hériterai de Realmheart une fois que mes pouvoirs seront pleinement développés. Nous pourrons revenir à ce moment-là et nous pourrons tous les deux chercher…

J'ai secoué ma tête. Ça ne marche pas comme ça. D'ici là, les fluctuations de mana des soldats et du serviteur se seront équilibrées. La recherche doit se faire maintenant.

"Équilibrées" ?

Le mana dans l'atmosphère reviendra à son état d'origine, expliquai-je en reportant mon attention sur les particules de mana à proximité pour détecter tout signe d'anomalie.

Lorsque j'avais expérimenté cette perspective pour la première fois alors que j'étais en Realmheart, les particules m'avaient paru chaotiques, comme des grains de poussière poussés et tirés par la moindre brise, mais ce n'était pas le cas. Pendant le peu de temps que j'avais passé avec Dame Myre, elle m'avait expliqué comment le mana et l'éther se comportaient à l'état naturel.

Chaque élément du mana atmosphérique suivait son propre modèle. Le mana de l'attribut Terre restait près du sol, se déplaçant faiblement comme du sable fin roulant sur une colline. Le mana des attributs de l'eau et du vent se déplaçait de la même façon, s'écoulant en ruisseaux paresseux, mais les particules d'eau étaient beaucoup plus rares. Le mana de l'attribut feu était dispersé partout, palpitant et pulsant, presque comme s'il donnait vie à la planète.

L'éther, cependant, se comportait comme si chaque particule avait sa propre conscience. Certaines se déplaçaient aux côtés des particules de terre, tandis que d'autres se rassemblaient autour du mana associé au vent et à l'eau, les rassemblant comme des moutons. Ce qu'avait dit Dame Myre, à savoir que l'éther était le verre qui contenait le liquide, cette force semblait interagir avec le mana d'une manière particulière.

En raison du grand nombre de soldats alacryens qui s'étaient introduits dans le Royaume de Sapin, j'avais espéré qu'il y aurait des traces de fluctuation de mana, mais la tâche d'identifier des différences infimes dans le ciel infini de particules s'est avérée encore plus difficile que je ne le pensais.

Pour rendre cette tâche encore plus difficile, je devais limiter mon utilisation du mana à rien de plus que le renforcement de mon corps.

L'acte même d'absorber le mana de l'atmosphère créerait des fluctuations qui interféreraient ; je ne serais pas capable de distinguer mon utilisation du mana de celle des Alacryens.

En faisant de grandes enjambées, Sylvie et moi avons contourné une des formations rocheuses le long de la frontière entre Sapin et Darv.

Par chance, les soldats n'avaient pas réussi à cacher leur trace dans la forêt. Sylvie a pu trouver où ils s'étaient déplacés, mais dans ce désert rocheux, où le vent effaçait constamment tout signe d'activité, il me restait la lourde tâche de localiser des traces de fluctuations de mana.

Au bout d'une heure, Sylvie a fini par perdre patience.

Ne devrions-nous pas nous diriger vers la côte pour voir s'il y a des vaisseaux alacryens ? Je ne comprends pas pourquoi nous perdons du temps ici. Au contraire, tu devrais te reposer, pas errer dans ce misérable désert.

Je croyais que tu lisais dans mes pensées, dis-je en détournant la tête d'un fort vent de sable.

Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce sont surtout les émotions qui passent, et des pensées très basiques. En ce moment, je ressens un fort sentiment de suspicion venant de toi, mais à part ça...

J'ai trouvé quelque chose. J'ai failli le dire à haute voix quand je me suis arrêté brusquement. J'avais regardé le ciel pendant tout ce temps, mais je n'avais rien remarqué d'étrange jusqu'à ce que je repère une tache sombre sur le sol. Une fine couche de sable sec la recouvrait, mais il y avait indéniablement une petite flaque de terre humide.

Me mettant à genoux, j'ai frotté la terre humide entre mes doigts, juste pour m'en assurer. J'ai regardé le ciel une fois de plus et j'ai finalement repéré ce qui manquait. Il y avait une absence de mana d'attribut de l'eau à proximité de la terre humide.

Qu'est-ce qui se passe ? a dit Sylvie en regardant la terre dans ma main.

On dirait que quelqu'un a eu soif, ai-je répondu.

En examinant la zone, j'ai trouvé d'autres endroits où l'atmosphère était dépourvue de mana attributaire de l'eau. En suivant cette faible piste, nous nous sommes dirigés vers le sud-est, loin de la côte, jusqu'à ce que nous arrivions au bord d'un étroit ravin.

Allons-y. Descendons.

Nous avons soigneusement descendu la pente raide, le sifflement du vent masquant tous les autres sons. Au fond du ravin, la faible trace du mana attributaire d'eau manquant a disparu - mais cela n'avait pas d'importance.

"Merde", ai-je marmonné doucement, en regardant en bas de la falaise. "J'espérais vraiment avoir tort."

Tes soupçons... ne me dis rien... Une vague de compréhension émana de mon lien lorsqu'elle sentit le grondement du sol creux sous nos pieds.

Yup. Je ne suis encore sûr qu'à quatre-vingt pour cent, mais je soupçonne fortement que l'armée alacryenne que nous avons combattue est entrée dans Dicathen avec l'aide des nains.

160

EN PROFONDEUR

Il y aura des implications radicales si les nains sont vraiment alliés avec les Alacryens, mais indépendamment de mon intuition, je dois m'assurer que je ne suis pas trop méfiant.

Il me fallut encore une heure environ pour localiser l'une des entrées cachées du royaume souterrain des nains, et même cela ne fut possible qu'avec l'aide de Realmheart. J'ai soigneusement passé mes doigts le long du léger pli, camouflé pour ressembler à une fissure ordinaire dans la falaise abrupte.

Ta respiration est tendue, a noté Sylvie depuis l'intérieur de ma cape.

Ce n'est pas grave. J'ai juste utilisé Realmheart pendant trop longtemps, c'est tout, ai-je répondu en regardant mes bras. Sans les runes dorées gravées sur ma peau, et maintenant que ma vision était redevenue normale, j'ai réalisé à quel point mon corps était devenu pâle. Ce n'était pas le genre de pâleur crémeuse que les filles souhaitent, mais le genre de pâleur maladive qui vous fait craindre pour votre bien-être.

J'ai l'impression que je ne devrais pas avoir à te le rappeler, mais tu sais qu'il existe un concept appelé "modération", qui fait des merveilles sur le corps et l'esprit, n'est-ce pas ?

Ignorant le harcèlement de mon lien, j'ai poussé l'entrée cachée une fois de plus. Malgré le mana que j'ai ajouté pour renforcer mon corps, la porte en terre refusait toujours de bouger.

Il devrait y avoir un moyen de l'ouvrir. Il y a quelque chose qui m'échappe. J'ai continué à faire glisser mes mains, qui étaient entourées de mana d'attribut terre, sur la longueur de la porte cachée.

Peut-être qu'il faut être un nain pour avoir le droit d'entrer, pensa Sylvie. Non. Je doute fortement qu'il y ait une signature mana spécifique que seuls les nains puissent avoir, à part peut-être les déviants occasionnels,

et si l'entrée était basée sur la manipulation du mana des déviants, plus de quatre-vingt pour cent de leur population ne serait pas capable d'entrer par leurs propres portes. Non, il doit y avoir un autre moyen... je crois que je l'ai trouvé !

Je me suis rapidement agenouillé, envoyant Sylvie dégringoler de ma cape à cause de ce mouvement soudain.

Tu n'as peut-être pas besoin d'être un nain, mais c'est un nain qui a construit cet endroit, alors je dois agir comme si j'en étais un. J'ai passé mes mains sur la paroi rocheuse une fois de plus, repoussant les arbustes qui couvraient une grande partie de la moitié inférieure de la porte cachée.

Ah, la hauteur ! s'exclama-t-elle, sa voix excitée résonnant dans ma tête alors qu'elle grimpait sur mon épaule.

Après plusieurs minutes de recherche de la poignée - ou du bouton, du levier, etc, pour ouvrir le mécanisme de la serrure, je l'ai finalement trouvé. À environ un mètre et demi du sol, près du rebord de la porte, ma main gauche s'est enfoncée dans la falaise. Au début, j'ai eu l'impression d'avoir touché accidentellement une sorte de sève ou une substance semblable à de la colle, mais lorsque j'ai augmenté le débit de mana dans ma main, la viscosité de la paroi a changé.

En jouant avec le mécanisme unique de cette porte, j'ai réalisé qu'il ne s'agissait pas de la quantité de mana d'attributs terrestres que vous mettiez dans votre main, mais du schéma précis des niveaux de mana que vous invoquiez en insérant votre main plus profondément dans la serrure cachée. Je devais trouver la bonne combinaison de niveaux de production de mana pour réussir à déverrouiller cette entrée.

Chaque fois que je me trompais de niveau de production et que j'essayais d'enfoncer ma main plus profondément dans le trou de la serrure, la terre entourant ma main devenait plus visqueuse, poussant ma main hors de la serrure.

"Merde", j'ai juré dans mon souffle après la vingtième tentative ratée. A moitié tenté d'ouvrir la porte, j'ai pris une profonde inspiration et j'ai relâché Realmheart une fois de plus.

Immédiatement, une douleur fulgurante a envahi mon corps et mes membres. J'ai plié et suis tombé à genoux en toussant intensément. Cette fois, je n'ai pas seulement vomi de la nourriture et de la bile, mais aussi du sang.

Une vague de détresse et d'inquiétude s'est abattue sur Sylvie.

Je te jure, si tu reparles de modération...

Finissons-en avec cette mission. Ensuite, tu pourras te reposer, a-t-elle répondu.

Avec un faible hochement de tête, j'ai essayé de mettre du poids sur mes jambes et de me redresser, mais je me suis retrouvé à plat sur le dos. Avec le peu de mana que j'avais dépensé pour maintenir Realmheart, j'ai annulé le mana que j'avais concentré dans mes jambes pour l'utiliser pour déverrouiller l'entrée.

Je pouvais sentir les émotions de mon lien une fois de plus alors qu'elle me regardait. Restant silencieuse, Sylvie m'a aidé à me mettre en position assise, utilisant sa tête pour me pousser vers le haut.

J'avais l'impression d'avaler des aiguilles en respirant, mais j'étais reconnaissant de pouvoir à nouveau activer Realmheart. Sans perdre de temps, je me suis concentré sur la zone où se trouvait le trou de serrure, ma main l'atteignant à peine avec l'aide de Sylvie. Utilisant le dernier peu de mana que j'avais économisé, j'ai envoyé du mana d'attribut terre dans ma main. Immédiatement, j'ai pu voir les fluctuations des particules de mana se rassembler autour du trou de serrure caché. Quand j'ai envoyé la bonne quantité de mana dans ma main, les particules se sont illuminées et dispersées. J'ai pu introduire ma main plus loin dans le trou sans craindre de devoir recommencer.

Je parie que vous, les dragons, n'avez jamais pensé à utiliser Realmheart pour des choses comme ça, ai-je dit en grimaçant alors que ma main s'enfonçait dans le mur, maintenant jusqu'à mon avant-bras.

Des choses comme déverrouiller une porte ? Non, ce serait indigne de nous,

grogna-t-elle.

Les situations demandent une adaptation, mon petit dragon à fourrure, rétorquai-je en tirant sur la poignée enfouie dans le mécanisme de verrouillage de la porte cachée.

Avec un clic satisfaisant, le mur de terre a grondé avant de s'ouvrir.

Sylvie était toujours en train de soutenir mon corps brisé ; je me suis retourné et lui ai adressé un fier clin d'oeil.

Je suis gênée à l'idée de t'appeler "papa". Même sous sa forme de petit renard poilu, il y avait un sentiment palpable de moquerie quand elle a roulé des yeux.

Hé, c'est toi qui a éclos pour moi. Retirant Realmheart, j'ai essuyé la traînée de sang qui coulait du coin de ma bouche et le long de mon menton, puis j'ai réalloué mon minuscule mana dans mes jambes une fois de plus.

Travailler avec un pourcentage à un chiffre de mon mana me permettait à peine d'utiliser mes jambes mutilées - même se tenir debout était une tâche ardue.

Utilisant le mur comme support, je me suis levé et n'ai pas perdu de temps pour me diriger vers l'étroit couloir. Le passage faisait environ 1,5 mètre de large et le plafond raclait le sommet de ma tête même lorsque je me courbais ; cela ressemblait plus à un tunnel grossier qu'à un véritable couloir. Heureusement, il y avait des bougies qui jetaient une faible lumière à l'intérieur de petits renfoncements creusés de chaque côté des murs. Sans avoir besoin d'utiliser le mana pour autre chose que renforcer mes jambes, j'ai pu profiter de ce bref temps d'arrêt pour utiliser la rotation du mana afin de reconstituer mon noyau vide.

Je pouvais sentir la chaleur des bougies, mais après m'être aventuré à travers les vents durs et sablonneux, je l'ai accueillie de bon cœur. Je suis resté sur le côté gauche du couloir, en partie pour être un peu caché et aussi parce que j'avais désespérément besoin de soutien. Je me suis appuyé contre le mur dentelé en descendant la petite pente. Pendant ce temps, Sylvie trottait prudemment quelques pas devant, vérifiant et testant tout ce qui était suspect pour s'assurer qu'il n'y avait pas de pièges cachés.

C'est vraiment une bonne idée ? Tu n'es pas en état de te battre si nous rencontrons un ennemi. Je suis limité à ce que je peux faire dans cette forme et même si nous voyons que les nains sont alliés aux Alacryens, que pouvons- nous faire ? Mon lien me bombardait de questions alors que nous avancions lentement dans le couloir.

Ce n'est pas une bonne idée, mais nous devons le faire, répondis-je sérieusement. Tu as raison, je ne peux pas me battre, et il n'y a pas beaucoup d'endroits où se cacher si nous tombons sur quelqu'un, mais nous ne pouvons pas perdre de temps à récupérer. Si j'ai raison, même si je ne peux pas rassembler de preuves, je sais qu'au moins Virion et Aldir m'écouteront.

D'accord, mais notre arrangement tient toujours. Dès qu'on a des ennuis, je casse ces murs et on s'en va.

Bien sûr, j'ai accepté. Nous avons avancé dans le couloir faiblement éclairé jusqu'à ce que quelque chose de luminescent - qui n'était pas une bougie - apparaisse au loin. En échangeant des regards, mon lien et moi avons fait notre chemin vers la lumière.

Le tunnel s'est légèrement incurvé à mesure que nous nous rapprochions de la lumière immobile, et mes oreilles ont pu capter des échos lointains de sons. Les sons s'amplifiaient à mesure que nous avancions dans le tunnel, mais il se passait trop de choses en même temps pour que je puisse distinguer des sons spécifiques. Il y avait des conversations, des échos, des bruits de pas multiples et aigus, ainsi que des bruits de métal. Finalement, après quelques minutes de titubation, la sortie du tunnel se trouvait juste devant moi.

Dos au mur, je me dirigeai vers la sortie en prenant soin de ne pas lancer accidentellement des cailloux ou de ne pas faire de bruit qui pourrait alerter les gardes qui se trouvaient au coin du tunnel. Ne sentant aucun signe d'activité à l'extérieur du tunnel, Sylvie et moi nous sommes rapidement déplacés vers le bord de la sortie, où un rideau d'ombre nous cachait des regards indiscrets.

Nous sommes restés bouche bée devant l'ampleur de ce que nous avions découvert. Le couloir s'ouvrait sur une énorme caverne avec un plafond en dôme si parfait que, pendant une seconde, j'ai douté que nous soyons encore sous terre. Plutôt que des bougies, des torches massives bordaient les murs, révélant la taille réelle de la caverne et les personnes qui s'y trouvaient.

J'ai laissé échapper une série de malédictions dans ma tête en regardant vers le bas. Au centre du sol de la caverne - à environ deux étages - se trouvait une énorme porte de téléportation entourée de nains, et des troupes alacryennes s'échappaient régulièrement de la porte chatoyante.

Avant que je puisse voir de plus près ce qui se passait, le bruit de pas m'a fait faire demi-tour. L'énorme caverne ressemblait à une ruche, avec des dizaines de tunnels parsemant uniformément le mur. Des escaliers taillés dans la pierre bordaient les murs, chacun menant à un tunnel différent, et à l'approche du tunnel par lequel Sylvie et moi étions arrivés, se trouvait un peloton de soldats alacryens.

Je vais nous faire sortir d'ici, a déclaré mon lien, son corps commençant déjà à briller.

Pas encore ! En me concentrant sur l'entrée d'un autre tunnel à quelques mètres de là, j'ai réussi à déloger quelques rochers. J'ai immédiatement entendu les mouvements du peloton qui tournait autour, armes et armures s'entrechoquant.

Saisissant l'occasion, j'ai pris mon lien et l'ai serré contre ma poitrine. En m'aplatissant autant que possible contre l'angle de l'entrée et du mur, j'ai rassemblé une plus grande partie du mana que j'avais accumulé en venant ici et j'ai fait en sorte qu'un rideau de roche du mur nous entoure.

"C'est juste un rocher instable. Allons-y", a grogné le soldat qui dirigeait le peloton.

Retiens ta respiration, ai-je ordonné à Sylvie en activant Mirage Walk. Coaliser le mana atmosphérique autour de nous pour cacher notre présence était une technique que je n'avais pas eu besoin d'utiliser depuis mon retour à Dicathen, mais dans cette situation - où les mages ennemis marchaient à quelques centimètres de nous - je ne voulais prendre aucun risque.

A l'intérieur du cercueil de terre, j'étais entouré d'une obscurité totale. Je pouvais entendre les pas synchronisés des soldats qui passaient devant nous, leurs pas délibérés résonnant contre les murs du tunnel. Ils étaient si proches que je pouvais entendre la conversation feutrée des soldats.

"Quand penses-tu que nous rentrerons à la maison ?" murmurait une voix.

"Pourquoi ? Ta famille te manque déjà ?" se moqua une voix rauque. " Concentre-toi juste sur le fait d'accumuler quelques réussites à travers cette guerre. Ton sang te sera reconnaissant si tu peux enfin te permettre de les faire sortir de cette petite hutte que tu appelles maison."

"Grand Vritra, fermez-la derrière", a hurlé une voix bourrue. "Fermez vos gueules et marchez ou toute votre équipe va être de garde cette nuit."

J'étais fasciné par leur conversation. Leur façon de parler était similaire à la nôtre, mais certains termes comme "sang" et "Grand Vritra", je devais les deviner en fonction du contexte. Cela m'a fait réfléchir : comment deux continents différents qui n'ont eu qui n'avaient pratiquement aucun contact entre eux peuvent-ils avoir des langues si étrangement similaires ?

Grand-père m'a dit que c'était dû à l'intervention des asuras, a ajouté mon lien, sa voix étant tendue même dans ma tête.

Les asuras envoient souvent des représentants pour aider secrètement à faire progresser Alacrya et Dicathen lorsque cela est nécessaire. Il disait qu'ils prenaient la forme d'un être inférieur, bien qu'exceptionnellement intelligent, et les aidaient à progresser à travers les siècles.

Un peu comme la façon dont les asuras nous ont accordé les artefacts à l'époque ? J'ai demandé.

Ouaip. Sauf qu'apparemment, on l'avait fait bien avant. Les artefacts étaient supposés être un changement drastique, quelque chose que les asuras ont choisi de faire pour empêcher les inférieurs de s'éteindre.

Je vois, j'ai réfléchi. C'était effrayant de penser que les génies de mon ancien monde avaient peut-être été des divinités envoyées d'en haut pour nous aider à survivre et à progresser.

Au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient, l'inconfort de notre situation se transformait en agonie. Nous ne prenions que des respirations superficielles et inaudibles, et même alors, je pouvais sentir l'oxygène dans notre cercueil de pierre conjurée diminuer, car il n'y avait aucune fissure pour fournir de l'air respirable. Il est rapidement devenu presque insupportable d'étouffer et d'avoir chaud, ce qui a renforcé la sensation de suffocation. J'ai essayé de me concentrer uniquement sur le maintien de Mirage Walk pour nous cacher de toute personne ayant un sens aigu du mana, mais j'ai presque perdu mon emprise sur le sort quand un bruit sourd a secoué la crevasse dans laquelle nous étions enfermés.

"Qu'est-ce que vous faites ?" chuchota un soldat avec impatience.

La crevasse de terre a tremblé une fois de plus quand quelque chose a frappé le mur que j'avais conjuré.

Je suis prête à me battre. Reste derrière moi, me dit mon lien, sa voix devenant un grognement féroce dans mon esprit.

Ne bouge pas, j'ai claqué des doigts, essayant d'empêcher mon cœur d'éclater hors de ma cage thoracique.

"Cette extrémité de l'entrée était différente de l'autre côté," répondit un autre soldat, hésitant. "Et ça sonnait un peu creux quand je l'ai touché."

Il y eut une brève pause et je craignais qu'ils ne poussent plus loin leurs investigations, mais, à mon grand soulagement, son camarade se contenta de se moquer.

"Miséricordieux Vritra. Je sais que tu es écolo mais ne retiens pas les autres juste parce que tu vois quelque chose de bizarre. Nous sommes sur un autre continent."

J'ai poussé un soupir de reconnaissance alors que les pas de la marche reprenaient, diminuant lentement alors qu'ils remontaient le tunnel par lequel nous étions descendus.

Après m'être assuré que les soldats étaient tous passés et que personne d'autre n'allait venir, j'ai ouvert un petit trou pour observer les environs. Ce n'est qu'après quelques minutes que j'ai annulé mon sort.

Nous avons obtenu ce que nous étions venus chercher. Maintenant, retournons dire à Virion que tu vas pouvoir te reposer et guérir de tes blessures, a plaidé Sylvie.

Oui, allons-y, j'ai acquiescé. Même avec les techniques de guérison uniques de Sylvie utilisant l'éther, mes jambes étaient sur le point de s'effondrer, et le seul repos que j'avais eu était lorsque je m'étais brièvement évanoui sur son dos en venant ici.

J'étais déjà en train de réfléchir à la meilleure façon d'annoncer cette nouvelle cruciale à Virion et Aldir, et de penser aux précautions que je devrais prendre au cas où les choses tourneraient mal et où je devrais me battre contre les deux lances naines. Me préparant à partir, j'ai jeté un coup d'œil à la caverne au plafond en forme de dôme, quand soudain les soldats alacryens se sont tous agenouillés, face à la porte de teleportation.

Après avoir affronté deux serviteurs et même en avoir vaincu un, je pensais être prêt à affronter une faux. Même si je soupçonnais les nains de trahir Dicathen, j'étais convaincu que nous pourrions gagner cette guerre. Mais quand cette sombre silhouette cornue a franchi la porte, j'ai été secoué jusque dans mon noyau de mana. Ici, à peine debout, je me sentais comme un moucheron face à un ouragan. J'ai ressenti du désespoir.

161

PROCÉDURE DE GUÉRISON

En franchissant la porte, la silhouette mystérieuse a jeté une pression suffocante dans toute la caverne. Même Sylvie, qui était si impatiente de partir, est restée figée en regardant, impuissante, ce qui se passait en bas.

Cette aura oppressante venait d'une fille qui ne semblait pas plus âgée que Tessia. Elle possédait des traits élégants - des yeux sombres et une fine silhouette sous une robe noire de minuit bordée de fourrure - et pourtant, même au milieu d'une foule de nains, elle semblait petite et menue. Mais ce sont surtout ses cornes qui la distinguaient.

Les cornes que j'avais vues sur tous les autres Vritra jusqu'à présent avaient l'air menaçantes - comme si elles faisaient partie de la bête - mais les deux pointes qui dépassaient des tempes de la créature et qui revenaient vers le sommet de son crâne dégageaient un sentiment de prestige et de royauté, comme un diadème posé délicatement sur sa tête. Contrairement aux cornes noires et sombres que j'avais vues jusqu'à présent, les cornes d'obsidienne de cette Vritra brillaient comme des pierres précieuses, contrastant fortement avec sa crinière couleur perle, qui s'écoulait en arrière sur des épaules étroites.

La Vritra observait indifféremment son environnement, et j'ai pu jeter un rapide coup d'œil à son visage avant de me retirer derrière l'entrée du tunnel, craignant que la Vritra ne soit capable de me sentir même si Mirage Walk était activé. Il y avait quelque chose de beau à propos d'elle. Terrible, mais beau.

Après quelques secondes, j'ai trouvé le courage de baisser les yeux une fois de plus.

"Dame Seris ?" Un soldat alacryen confus, à la poitrine en tonneau, la salue, mais reste en génuflexion devant la foule de nains agenouillés.

"Où est Cylrit ?" demanda froidement la femelle Vritra, faisant face à l'un des nombreux soldats alacryens entourant la porte et les nains agenouillés.

La femme soldat que Lady Seris avait reconnue s'est immédiatement levée. "Le commandant Cylrit est actuellement stationné près de la côte nord de Sapin, il vous attend avant de commencer son attaque, Lady Seris."

"Très bien. Partons." Sa voix douce se répandait comme une brise froide, me donnant des frissons dans le dos malgré la distance qui nous séparait.

"Oui, Dame Seris !" La femme soldat a salué, ordonnant à ses troupes de suivre la délicate Vritra.

Alors qu'elle passait devant le soldat qui avait d'abord crié son nom avec surprise, il prit la parole. "Pardonnez mon impolitesse, Dame Seris, mais qu'en est-il de la nouvelle Faux ? On m'a demandé de l'amener au commandant Uto."

Il y a eu un moment de silence, alors que tout le monde dans les environs jetait des regards anxieux entre Dame Seris et le grand soldat. Elle l'a regardé d'un air froid et sans émotion avant de prendre la parole. "Il n'est pas prêt. Melzri et Viessa travaillent encore sur lui."

"Je vois", répondit le soldat, ses épaules se détendant visiblement. "Je m'excuse de vous avoir fait perdre votre temps."

Par son discours, il était évident qu'elle était elle-même une Faux, mais une partie de moi ne voulait pas le croire - qu'un tel être, comparable même à un asura, était un adversaire que je devrais finalement affronter. Sans compter qu'il semblait que le nombre de Faux dont nous devions nous inquiéter avait augmenté.

Un autre Faux ? a fait écho Sylvie, la voix remplie d'inquiétude.

Allez, partons d'ici. Maintenant qu'une Faux était entré en guerre, je devais faire remonter cette information au château rapidement.

J'ai jeté un dernier coup d'œil rapide à la Faux nommé Seris - juste au moment où elle regardait elle aussi par-dessus son épaule.

Pendant une fraction de seconde, son regard est passé par le tunnel où nous étions cachés

et nos yeux se sont croisés.

Son regard a fini par me dépasser, mais à ce moment précis, ses yeux froids s'étaient fixés sur moi avec la concentration d'un prédateur.

Il n'y avait aucun doute là-dessus : Elle savait que j'étais ici.

Mon corps s'est raidi comme si chaque once de sang s'était figée. Mes mains sont devenues moites et les battements de mon cœur se sont accélérés au point que je craignais que toute la caverne ne l'entende tonner dans ma poitrine. Pourtant, elle a fait demi-tour et a continué à monter les escaliers, affichant la même attitude sèche qu'auparavant - sans surprise et sans souci.

Qu'est-ce qu'il y a ?

Je suis resté immobile, ayant peur de bouger. Ce n'est qu'après que la faux ait quitté la caverne que j'ai relâché mon souffle. Je pense qu'elle m'a vu.

Sentant mon appréhension, Sylvie savait que je ne plaisantais pas, ce qui la rendait d'autant plus inquiète. Maintenant, on peut partir ? Ou veux-tu attendre que le reste de l'armée d'Alacrya sache que nous sommes ici ?

Ouais. Allons-y, ai-je pensé avec ironie.

En sortant du tunnel, nous avons été accueillis par l'omniprésent vent du désert. Sylvie et moi avions convenu de ne pas voler jusqu'à ce que nous ayons atteint la forêt à la frontière de Sapin et Darv. Cependant, après un kilomètre de marche prudente, j'avais succombé à une crise de frissons. L'utilisation constante de Mirage Walk, au cas où des soldats alacryens auraient senti mes fluctuations de mana, avait épuisé mes maigres réserves. En utilisant le reste du mana pour renforcer mes jambes, je n'avais plus que ma cape pour me protéger des vents tranchants et ensablés.

Ça fait longtemps que je n'ai pas eu aussi froid. J'ai serré la mâchoire pour empêcher mes dents de claquer. Appuyant mon dos contre un rocher pour m'abriter temporairement du vent, j'ai serré ma cape autour de moi.

Encore un peu. Nous sommes presque arrivés. Dois-je utiliser l'éther une fois de plus ? demanda mon lien en me regardant dans mon état pitoyable.

Non. Je peux à peine garder la rotation du mana active dans cet état. Utiliser l'éther pourrait alerter les soldats, ou pire, la Faux.

Ok. Elle s'est pressée contre ma jambe pour faire ce qu'elle pouvait pour me tenir un peu plus chaud, et nous sommes restés immobiles pendant un bref moment jusqu'à ce que le vent se calme un peu.

Après avoir marché péniblement vers la forêt, zigzaguant d'un rocher à l'autre au cas où il y aurait des soldats alacryens cachés par la faible lumière du croissant de lune, j'ai presque fondu en larmes en voyant les silhouettes ombragées des arbres au loin.

Lorsque nous sommes entrés dans la forêt, le vent s'est considérablement calmé, et en quelques minutes seulement - bien que la température soit la même - mon corps a lentement commencé à dégeler.

Reposons-nous un peu ici, dit Sylvie en désignant de son museau un rondin creux tout proche.

Nous devrions... retourner au château, ai-je répondu, mes paupières s'alourdissant à chaque mot.

Mon lien m'a poussé vers le rondin. Nous devons mettre un peu plus de distance entre nous et les soldats qui nous attendent. Juste une heure de sieste. À ce rythme, tu vas geler sans mana pour te protéger pendant le vol.

Ses paroles avaient un pouvoir réconfortant qui semblait drainer le peu d'énergie qu'il me restait. Soudain envahi par une vague de fatigue, j'ai trébuché dans la bûche creuse. Ma conscience s'est lentement évanouie dans l'obscurité, et la dernière chose que j'ai vue, c'est Sylvie déposant une bouchée de feuilles sur moi pour me réchauffer.

Malgré mon état de faiblesse, le sommeil profond m'a échappé. J'étais toujours tendu à l'idée d'être en danger avec si peu de force pour me protéger et la tournure récente des événements, et mon esprit faisait des heures supplémentaires pour rester au moins à moitié conscient.

Après environ une heure de repos, Sylvie et moi sommes sortis du confort de notre couverture de feuilles et sommes partis. Je n'avais plus besoin d'utiliser le mana pour renforcer mes jambes lorsque je chevauchais Sylvie, et j'étais donc capable de me protéger des vents dominants.

À part les bourrasques de vent, le voyage retour au château fut silencieux.

La conversation était presque inexistante entre nous, car nous étions tous deux perdus dans nos propres pensées.

Maintenant que nous savions que les nains aidaient les forces alacryennes, cette guerre était devenue exponentiellement plus compliquée. Ce n'était plus aussi simple que nous contre eux maintenant.

Il était toujours possible qu'une seule faction de nains aide notre ennemi, mais si Rahdeas - le tuteur d'Elijah, et maintenant chef des nains - avait quelque chose à voir avec cela, alors cela signifiait que nous avions potentiellement deux Lances en moins.

En supposant le pire, le seul point positif dans tout cela était que Rahdeas agissait toujours comme s'il était de notre côté. Cela signifie soit qu'il avait plus à gagner en étant un agent double, soit qu'il n'était pas assez confiant pour défier ouvertement le reste du Conseil.

Nous sommes arrivés, a annoncé Sylvie.

En levant les yeux, je pouvais voir le château, flottant au milieu des couches de nuages. Tout autour de la grande structure, de tous les côtés, se trouvaient des soldats montés sur des bêtes de mana volantes. Le soleil brillait directement au-dessus, projetant des ombres sur la mer de nuages sous le château et les gardes volants. C'était un spectacle impressionnant - pour quiconque n'avait jamais visité le château, la mâchoire en serait sûrement tombée - mais moi, je ne pensais qu'à rentrer à l'intérieur et à hiberner sur la première surface confortable que je trouverais.

La plupart des gens sont entrés par des portes de téléportation, alors quand nous nous sommes approchés, les gardes se sont immédiatement rassemblés entre nous et le château. Les armes brillaient de mille feux, prêtes à l'emploi, tandis que les liens que les soldats chevauchaient se préparaient également au combat. Cependant, une fois que nous avons été suffisamment proches pour que les soldats sachent qui nous étions, ils ont formé deux lignes, créant un chemin aérien pour que Sylvie et moi puissions suivre dans l'entrée.

"Général Leywin !" Les gardes ont salué à l'unisson du haut de leurs bêtes volantes. Nous nous sommes dirigés vers le chemin, et les doubles portes - qui dépassaient même Sylvie - se sont lentement ouvertes en grinçant juste devant nous.

Il était évident que le capitaine Auddyr était déjà arrivé, puisqu'une équipe de médecins et d'émetteurs m'attendait dans la chambre d'atterrissage, ayant reçu l'ordre d'y rester jusqu'à mon retour.

Certains d'entre eux jouaient tranquillement aux cartes, mais dès que les grandes portes doubles se sont ouvertes, ils ont tous laissé tomber ce qu'ils faisaient et se sont immédiatement préparés à me soigner.

L'endroit s'est rapidement transformé en un tourbillon d'activité, des bruits indéchiffrables bombardant mes oreilles de tous les coins de la grande pièce. Le temps que Sylvie atterrisse, les médecins avaient déjà apporté un engin semblable à un brancard.

"Je vais bien", j'ai croassé, ma voix étant à peine audible. "Laissez-moi d'abord parler à Virion." "Attachez-le et ne le laissez pas marcher", gronda Sylvie, faisant sursauter tout le monde dans la pièce, y compris moi. Mon lien s'est toujours abstenu de parler à quelqu'un d'autre que moi, et même là, elle préférait communiquer par télépathie.

Décontenancé par ses ordres soudains, je me suis conformé aux souhaits de Sylvie et me suis laissé porter sur la civière, tandis que les médecins et les émetteurs commençaient à m'examiner. Mon lien s'est transformé en sa forme de renard et a trotté à mes côtés pendant qu'ils me transportaient de la chambre d'atterrissage à une installation médicale appropriée.

Il n'a pas fallu longtemps aux médecins pour déterminer où se trouvaient mes blessures ; en fait, j'ai entendu l'un des médecins suggérer qu'il serait probablement plus facile d'énumérer les parties de mon corps qui n'étaient pas endommagées.

C'était toujours rassurant.

Venant d'un endroit et d'une époque plus avancés technologiquement, j'avais toujours méprisé le domaine médical dans ce monde - mais il s'est avéré que je l'avais sous-estimé. Ce que ce monde ne pouvait pas réaliser par la technologie, ils le compensaient par la magie. Des équipes de mages déviants, tous spécialistes du domaine médical, m'attendaient alors qu'on me poussait dans une grande pièce carrée aux plafonds voûtés.

Au fur et à mesure que le temps passait, je pouvais sentir mes blessures et mes privations me rattraper. L'adrénaline qui m'avait permis de rester en forme diminuait, et j'avais l'impression que mes membres s'étaient transformés en poids de plomb. J'ai lutté pour rester éveillé alors que les médecins et les émetteurs sondaient soigneusement mon corps.

Après une autre série d'examens préliminaires, un vieux mage est entré dans la pièce. Le mage épais à la mâchoire carrée s'est présenté comme Mendul, et a dit qu'il était un déviant capable d'utiliser le mana pour ajuster et affiner sa vision afin de pouvoir percevoir les couches individuelles du corps de n'importe quel être vivant. Que ce soit le système squelettique, musculaire ou même nerveux, il était capable de tout voir.

Mendul a scanné mon corps, utilisant un stylo à encre pour dessiner directement sur ma peau à des dizaines d'endroits pendant qu'il prenait des notes, tandis que je focalisais tous mes efforts pour rester conscient.

"Où est le Commandant Virion ?" J'ai demandé après que Mendul ait fini de marquer mon corps comme une sorte de carte.

"Mes excuses, Général Arthur. Le Commandant Virion est actuellement absent du château", a dit un homme mince, d'âge moyen, habillé d'une robe vert pâle.

A en juger par la façon dont il coordonnait les actions des médecins, des émetteurs et des autres déviants présents dans la pièce, j'ai supposé qu'il était à la tête de l'équipe médicale. Alors que j'aurais normalement été un peu plus courtois envers l'homme chargé de me soigner, un ton d'impatience s'est glissé lorsque j'ai parlé. "Il est parti ? Où ? Quand sera-t-il de retour ?"

" Il ne l'a pas dit ", répondit l'homme en s'excusant. "Je l'ai vu partir avec le capitaine Auddyr et le capitaine Glory, ainsi que le général Aya."

Je m'enfonçai davantage dans le lit surélevé où ils m'avaient installé, en prenant soin de ne pas garder les yeux fermés trop longtemps de peur de sombrer dans le sommeil. Si Virion était parti avec Auddyr et Vanesy, et qu'il avait pris une Lance avec lui, il était fort probable qu'ils retournaient dans la forêt près de la frontière sud de Sapin, là où j'avais vaincu le serviteur.

Le sentiment d'effroi que j'avais ressenti en regardant la Faux Vritra me traversait, donnant la chair de poule sur ma peau exposée. Ils pourraient tomber sur le peloton Alacryen qui marchait vers le nord. Pire, cette Faux pourrait essayer de trouver le serviteur que j'ai tué.

Je ne suis pas trop inquiet pour la Faux, puisqu'elle semblait se diriger dans une autre direction, mais tu as raison pour le peloton, répondit mon lien.

Tu devrais peut-être aller les prévenir.

Et te laisser seul ici ? Après avoir découvert que les nains sont alliés aux Vritra ? Ton cerveau ne fonctionne plus ?

J'ai jeté un rapide coup d'œil dans la pièce. Il y avait des elfes et des nains qui travaillaient aux côtés des médecins humains, tous occupés à préparer des outils et des médicaments.

Merde, j'ai pensé, sachant qu'elle avait raison. Bien. Je suppose que nous ne pouvons que prier pour leur sécurité.

Virion a une Lance avec lui, après tout. N'essaie pas de tout gérer seul. Ils se débrouilleront sans toi, m'a-t-elle réconfortée. Je serai là, pour m'assurer que ces médecins ne font rien de suspect. Repose-toi et concentre-toi sur ta guérison.

"Et pour Aldir ?" J'ai demandé au médecin en chef avec espoir.

"Encore une fois, je suis désolé." Il a baissé la tête. "Seul le Commandant Virion sait où se trouve le Seigneur Aldir. Moi-même, je ne l'ai vu qu'une fois, très brièvement."

J'ai poussé un soupir de frustration alors que la dernière once de force me quittait. "C'est bon. Alors quel est le plan ici ? Avez-vous été en mesure d'établir un diagnostic pour mes blessures ?"

Le médecin en chef se tourna vers Mendul, qui s'avança et baissa les yeux sur ses notes avant de parler. "Général Arthur, vos blessures sont uniques de par leur complexité. Pour être franc, c'est seulement grâce à votre corps assimilé et au niveau de votre noyau de mana que vous êtes même capable de rester conscient. Malgré cela, je ne peux m'empêcher de dire que je suis surpris de vous voir si vivant, tout bien considéré, bien sûr."

J'ai réussi à détourner mon regard pour regarder Sylvie, qui était assise sur le sol à côté de mon lit. Je dois te remercier pour ça.

De rien, a-t-elle répondu sèchement. Bien que je craigne d'avoir à refaire ça à l'avenir.

J'ai adressé un faible sourire à mon lien avant de me tourner vers Mendul. "Alors, quel sera le traitement ?"

Le déviant s'est déplacé de façon inconfortable en caressant sa courte barbe.

"Les blessures de vos jambes et du bas du corps ont guéri, mais pas parfaitement. Pour que vous puissiez marcher sans l'utilisation du mana, nous allons devoir, très précisément, briser vos os et déchirer vos tissus par très petits incréments, puis les guider pour qu'ils guérissent correctement." Ouvrant mes yeux fatigués, j'ai croisé le regard de l'infirmier en chef, qui attendait en silence de nouvelles instructions. Que ce soit parce que j'étais si désespéré de retrouver la santé ou parce que j'avais subi d'innombrables opérations chirurgicales après des batailles pendant mon temps de roi dans mon monde précédent, mon esprit était en paix.

J'ai donné à Sylvie un dernier regard significatif avant de fermer les yeux. Dans ces circonstances - n'importe qui dans cette pièce pouvait potentiellement me faire du mal - j'étais reconnaissant de l'avoir à mes côtés. "Allez-y."

"Oui, Général Arthur !" Le médecin mince a hoché vigoureusement la tête. "Soyez assuré qu'en apprenant la nouvelle de votre état par le Capitaine Auddyr, le Commandant Virion n'a pas ménagé ses efforts pour rassembler les mages d'élite des trois races afin de vous rendre toutes vos forces."

"Je suis entre vos mains." À mes mots murmurés, les mages et les médecins de la pièce se sont immédiatement inclinés.

"Seldia, à vous de jouer", a aboyé Mendul.

Une jeune femme elfe s'est approchée de moi, me faisant un doux sourire. Elle a tendu la main, appuyant sur mon front d'un doigt. "Excusez-moi pour cette intrusion."

Alors qu'elle fermait les yeux, une onde apaisante a irradié du bout de son doigt dans ma tête et dans le reste de mon corps. Mes yeux se sont fermés alors qu'une douce couverture d'obscurité m'enveloppait.

162

POURQUOI TU PLEURES ?

"Où va-t-on ensuite, Nico?" J'ai demandé, en balançant joyeusement les sacs en plastique remplis de fournitures scolaires à mes côtés.

"Nous devons encore récupérer nos uniformes, non ?" Cecilia a répondu, en berçant un manuel scolaire dans ses bras comme si c'était un bébé.

"Cela ne fait pas encore deux heures que nous nous sommes fait mesurer. Nous en ferons notre dernier arrêt", a répondu Nico. Il baissa les yeux sur son petit bloc-notes. "Nous devons acheter des sacs à dos et des calculatrices." Tous les trois, nous nous sommes promenés nonchalamment sur le trottoir de la ville. Les rues étaient vieilles et tortueuses, avec des pavés qui vacillaient et se déplaçaient sous le poids des piétons qui passaient. Des bâtiments ternes nous surplombaient, se fondant dans le ciel gris et sombre. Une récente averse avait remplacé la puanteur habituelle de la région par une odeur fraîche et terreuse, tandis que des flaques d'eau s'étaient accumulées dans les creux et les nids de poule des rues négligées.

Arcastead n'était en aucun cas une ville agréable ou attrayante. Pourtant, à cet instant, tout ce qui m'entourait était au moins supportable. Des sans-abri cachés derrière les poubelles des ruelles aux soldats renfrognés menaçant d'arrêter tout passant qui les croiserait accidentellement, les vues habituelles - et tout ce qui concerne cet endroit que je détestais tant - semblaient d'une certaine manière charmantes.

Le soleil était déjà tombé lorsque nous avons fini d'acheter toutes les fournitures dont nous avions besoin pour commencer notre nouvelle vie d'étudiants. Alors que nous nous dirigions vers la périphérie d'Arcastead, les soldats en patrouille et les lampadaires se faisaient plus rares, nous gardant sur le qui-vive. Nico et moi connaissions assez bien la région pour échapper à tout voleur ou kidnappeur potentiel, mais avoir Cecilia avec nous rendait la marche de retour à l'orphelinat encore plus tendue.

"Es-tu excitée d'aller à l'école, Cecilia ?" Nico a demandé tranquillement, espérant combler le silence tendu.

Ses sourcils se sont froncés en réfléchissant, mais elle a finalement hoché la tête, avec un sourire qui était devenu plus fréquent ces derniers temps. "Je suis nerveuse et effrayée, mais oui."

J'étais sur le point d'ajouter quelque chose quand un léger bruissement a attiré mon attention. Faisant semblant de fouiller dans le sac plastique de fournitures scolaires, j'ai jeté un coup d'oeil derrière nous et j'ai vu une ombre se faufiler dans une ruelle.

"D'accord, Grey ?" Nico m'a donné un coup de coude sur le bras. "Huh ?" J'ai levé les yeux vers lui.

"Bon sang, ne t'éloigne pas de nous", a réprimandé Nico. "Je sais que nous avons traversé cette zone des centaines de fois, mais c'est quand même dangereux de rêvasser comme ça."

En me grattant l'arrière de la tête, j'ai souri d'un air penaud. "C'est ma faute." "Et j'étais juste en train de dire à Cecilia que nous serons là au cas où quelque chose lui arriverait," dit Nico.

Marchant de l'autre côté de Nico, Cecilia a gloussé, et j'ai entendu un autre bruit faible.

Un frisson a parcouru ma colonne vertébrale. Je pouvais sentir mon cœur battre contre ma cage thoracique comme s'il essayait de se libérer. Tout à coup, j'étais trop conscient de ma respiration - la même respiration superficielle et irrégulière que j'avais entendue si souvent dans les films lorsque le personnage principal avait peur.

J'avais peur. Je ne savais pas de quoi, mais mon instinct me disait de courir, de sortir d'ici.

Du coin de l'œil, j'ai vu quelque chose bouger - rapidement, juste un scintillement dans la lumière vacillante de la rue - et une fois encore, le monde a semblé ralentir autour de moi.

Je me suis jeté sur le côté, faisant tomber Nico et Cecilia dans la rue crasseuse.

"Cours !" J'ai rugi en entendant le clic d'un autre projectile chargé depuis les ombres.

Bien que surpris et confus, Nico a été en mesure de rassembler ses esprits. Abandonnant ses sacs, il a tiré notre ami désorienté dans la ruelle voisine.

J'ai eu l'impression que quelqu'un d'autre prenait le contrôle de mon corps alors que je me suis baissé instinctivement pour ramasser le manuel de Cecilia. J'ai levé l'épais livre relié jusqu'à ma poitrine, juste au moment où la force du projectile m'a fait reculer en titubant.

J'ai jeté un rapide coup d'œil vers le bas et j'ai vu un objet ressemblant à une seringue incrusté dans le manuel. La fléchette contenait un liquide clair qui a rapidement suinté dans les pages du livre.

Ce n'était pas une balle. J'en étais sûr. Puis un souvenir de mon voyage au zoo avec la directrice Wilbeck m'est revenu en mémoire. C'était une de ces aiguilles qu'on tire sur les animaux pour les endormir.

Retirant l'aiguille du manuel, j'ai suivi Nico et Cecilia dans l'étroite ruelle. Une voix bourrue a aboyé des ordres derrière moi. "Poursuivez-les ! Je me fiche de ce que vous faites avec les garçons, gardez juste la fille en vie." "Continuez à courir !" Ma voix résonnait sur les murs de pierre usés tandis que je courais, me glissant sous les échelles de secours rouillées et sautant par-dessus les poubelles.

Il ne m'a pas fallu longtemps pour rattraper mes amis, ce qui signifie que les escrocs derrière nous allaient bientôt nous rejoindre.

Nico n'avait rien, mais des traces de sang coulaient le long de ses jambes et de ses bras à cause des éraflures et des griffures qu'il avait reçues en courant. J'ai renversé des poubelles en métal et des boîtes abandonnées, jetant tout ce qui était dur à ma portée sur les poursuivants dans une tentative désespérée de les ralentir.

"Ils... vont... nous rattraper", a sifflé Nico. Il était à bout de souffle.

"Pourquoi nous poursuivent-ils ?" Cecilia haletait. Elle déployait toute son énergie et sa concentration pour ne pas trébucher sur quelque chose.

Je secouai la tête. En dehors de ce que l'homme avait dit, je n'en avais aucune idée. "Nico, tu as toujours ce gant sur toi ?"

"Je devrais - attendez, tu n'es pas sérieux -"

"Tu peux penser à un autre moyen ?" J'ai dit, en le coupant, ma voix était empreinte d'impatience.

Au signal de Nico, nous avons tourné à gauche dans une ruelle étroite. Les pas de nos poursuivants devenaient de plus en plus forts à mesure qu'ils nous rattrapaient.

A contrecœur, Nico a fouillé dans les poches de sa veste. Après avoir trouvé le gant, il a tendu la main pour me le donner, mais Cecilia l'a arraché de sa main.

"Cecilia ?" Nico s'est exclamé.

"Je vais le faire", balbutia Cecilia en enfilant le gant noir duveteux. Abasourdi par le courage soudain de la fille, j'ai failli trébucher sur une pile de vêtements jetés.

"C'est trop dangereux. Et tu ne peux toujours pas contrôler ton ki !"

"Nous avons entendu ce que cet homme a crié tout à l'heure", a soufflé Cecilia. "Ils ne sont pas autorisés à me tuer, n'est-ce pas ?"

J'ai regardé Nico pour avoir de l'aide, mais il ne pouvait pas non plus trouver d'argument.

En jurant dans mon souffle, j'ai resserré ma prise autour de la seringue dans ma main. "Bien. Nico, tu as un plan ?"

Les yeux de mon ami se sont rétrécis comme ils le font toujours quand il réfléchit. "On tourne à droite là-bas", a-t-il ordonné doucement.

J'ai regardé par-dessus mon épaule ; deux poursuivants habillés en noir étaient à moins de six mètres de nous.

Nous avons tourné brusquement dans une large ruelle derrière un vieux restaurant. Je m'attendais à ce que nous continuions à courir, mais Nico m'a tiré par la manche. "Cecilia, tombe sur le ventre comme si tu venais de trébucher sur quelque chose. Grey, avec moi", a sifflé Nico, me traînant derrière un groupe de poubelles en métal.

Mon coeur battait comme un tambour, si fort que j'avais peur que nos poursuivants puissent

l'entendre.

Il n'a fallu que quelques secondes pour que les deux hommes en noir s'arrêtent au coin de la rue.

Celui de droite a parlé dans son poignet. "Monsieur, nous avons la fille dans notre ligne de mire."

"La fille a trébuché et on dirait que les garçons l'ont abandonnée. Permission de procéder ?" dit l'autre homme.

Contrairement aux escrocs qui avaient essayé d'agresser Nico et moi il y a quelques mois, ces deux-là étaient manifestement des professionnels. Ils ont prudemment avancé vers Cecilia, mais à notre grande surprise, notre amie timide et silencieuse a commencé à brailler.

"Les gars ! Ne me laissez pas," elle a crié comme elle a commencé à ramper loin. "S'il vous plaît !" L'homme à droite s'est moqué et a secoué la tête. Il a marché en avant et a marché sur la jambe de Cecilia.

J'ai grincé des dents alors que Cecilia criait de douleur, mais, pour une fois, Nico semblait encore plus en colère que moi. Ses yeux étaient féroces d'une manière qui me faisait même craindre.

L'homme qui avait demandé la permission d'avancer restait à quelques mètres, tandis que l'autre poursuivant se baissait et tirait Cecilia par le dos de son manteau.

Il a levé son autre poignet et a parlé dans l'appareil de communication. "Nous l'avons."

Cecilia a profité de l'occasion. Elle s'est retournée et a posé sa main gantée sur le visage de son poursuivant.

Un cri strident s'est échappé de sa gorge. Comme les autres fois où elle avait perdu le contrôle, une explosion de ki a jailli d'elle. Cependant, une partie de son ki avait coulé le long de son bras jusqu'à sa main. Un courant d'électricité a jailli du gant noir, éclairant la ruelle miteuse.

Le poursuivant qui avait agrippé Cecilia n'était même pas capable de crier. Son corps a eu des spasmes et une flaque d'eau s'est formée sur le sol entre les jambes de l'homme tandis que Cecilia se libérait de son emprise.

Nico a serré mon bras et nous nous sommes précipités dans l'action. Nico a plongé vers le

jambes du poursuivant indemne tandis que je suis allé vers son sternum. J'avais pensé que l'éclair de lumière l'aurait suffisamment désorienté pour que nous puissions mettre fin au combat rapidement, mais il s'était remis à temps pour réagir à notre attaque.

S'écartant de la portée de Nico, il a repoussé mon ami d'un coup de pied et a ramené son bras droit vers moi. J'ai fait un pas en arrière pour éviter le coup, puis je me suis rapproché pour frapper sa gorge exposée, mais il a baissé la tête. Sa main gauche s'est dirigée vers mon cou à une vitesse effrayante.

Je me suis étouffé quand la main froide de l'homme a saisi ma gorge et m'a soulevé du sol.

"Tu as du potentiel, gamin", a-t-il ricané, me rapprochant de son visage. "Quel gâchis que tu doives mourir ici."

À cette distance - moins d'une longueur de bras - j'ai pu voir le visage de l'homme pour la première fois. Son nez et sa bouche étaient couverts par un masque, mais cela n'avait pas d'importance : Son œil gauche cicatrisé était marron, et l'œil droit vert. Je l'aurais reconnu n'importe où.

Ma vision s'assombrissait et je pouvais sentir la force quitter mon corps, mais malgré la situation, je ne paniquais pas.

Priant tout être supérieur qui pourrait m'aider, j'ai enfoncé la pointe de la seringue dans le cou de l'homme.

"Qu'est-ce que..." il a haleté, me lâchant alors qu'il tombait sur le sol.

N'ayant pas de temps à perdre, je me suis empressé de réveiller Nico, inconscient, et d'aider Cecilia à se relever.

"Nous l'avons fait", a chuchoté Cecilia en s'appuyant sur moi pour la soutenir. Ses jambes tremblaient - pas à cause du froid, mais de la peur - et ses joues étaient couvertes de larmes.

"Bon travail, vous deux," Nico marmonné faiblement, mettant l'autre bras de Cecilia sur son épaule pour le soutien.

"Ouais, nous l'avons fait." J'ai hoché la tête. "Maintenant, allez. Nous devons sortir d'ici avant que d'autres ne se montrent."

"Vous feriez mieux de nous tuer et de vous enfuir loin, morveux."

Je me suis retourné pour voir le gars aux yeux bruns et verts se tortiller sur le sol.

"Vous n'avez nulle part où aller", a-t-il marmonné, la voix brouillée par les effets de la drogue. "Je m'en suis assuré."

"Allons-y, Grey", a insisté Nico, serrant son bras autour de Cecilia pour la maintenir stable.

Aucun de nous n'a parlé alors que nous retournions à l'orphelinat. Même les rues étaient silencieuses, à l'exception des sirènes qui hurlaient au loin. C'était comme si nous ne voulions pas accepter ce qui nous était arrivé - que nous avions presque été tués sans raison. Je voulais regarder en avant. Je voulais plutôt penser au fait que nous allions bientôt aller à l'école dans une nouvelle ville. Nous devrions acheter de nouvelles fournitures, mais c'était bien. Tout irait bien une fois qu'on serait à l'orphelinat et que la directrice Wilbeck nous aurait fait sortir d'Arcastead.

Cecilia était capable de marcher toute seule après quelques pâtés de maisons - une grande amélioration par rapport à ses crises de ki antérieurs, qui l'assommaient pendant des heures. "Merci pour ton aide", murmura Cecilia, rompant le silence en remettant timidement le gant noir - ou ce qu'il en restait - à Nico. Le gant de choc que mon ami avait fabriqué avait été réduit à une touffe de laine à cause de la surcharge de ki de Cecilia. "Désolé pour ton gant."

"Ne t'inquiète pas pour ça." Nico a fourré les restes du gant dans sa veste en lambeaux et m'a regardé avec un sourire. "Au moins, j'ai pu voir de quoi il était capable, grâce à toi. Grey n'a pas été utile du tout."

" Moque-toi de moi tant que tu veux, c'est moi qui vous ai sauvés aujourd'hui ", j'ai jubilé en tirant la langue à Nico.

A ma surprise, Nico a répondu sérieusement. "Tu as raison. Je n'ai pas été d'une grande aide dans ce combat."

"Hey, je plaisantais", ai-je dit, un sentiment de culpabilité sonnant dans ma poitrine.

"Nico, c'est seulement grâce à ton gant que nous avons pu leur échapper," Cecilia l'a consolé.

"Ouais !" J'ai rapidement acquiescé, en marchant devant eux. "Et je parie que tu peux apprendre à fabriquer beaucoup plus, et mieux, d'outils et d'armes après être allé à l'école !".

L'expression maussade de Nico s'est éclaircie à nos paroles. Il sortit les restes du gant de choc et le serra fort, une nouvelle ferveur dans les yeux.

"Nous devons d'abord nous procurer de nouvelles fournitures. La directrice Wilbeck va péter un câble !" Le visage de Cecilia se déforma en une imitation fidèle du froncement de sourcils sérieux de la directrice. "Elle pourrait même nous obliger à retourner les chercher demain matin !" Ils ont tous les deux éclaté de rire derrière moi, et je les ai laissés profiter de leur moment. Les nuits d'été étaient généralement chaudes, mais je trouvais que la chaleur était différente ce soir. L'air était sec et il y avait une odeur de fumée qui ne faisait que s'intensifier... Pourquoi ?

J'ai tourné au coin de la rue où se trouvait notre orphelinat et j'ai trouvé ma réponse.

Derrière moi, Nico et Cecilia se rapprochaient, mais leurs pas semblaient résonner et leurs voix étaient étouffées, comme si elles venaient de très loin. Soudain, les mots de l'homme aux yeux bruns et verts ont résonné dans ma tête : "Tu n'as nulle part où aller."

Je me suis arrêté net, le regard fixé sur la vue de l'orphelinat en train de brûler. Des voitures de police, des camions de pompiers et des ambulances étaient regroupés devant notre maison.

Et puis je l'ai vue.

Elle était portée sur une civière. Un ambulancier venait de la recouvrir d'une bâche, couvrant son visage, mais je l'ai vue. J'ai vu la directrice Wilbeck.

J'ai couru, laissant Nico et Cecilia derrière moi. J'ai évité les policiers qui sécurisaient le périmètre et j'ai repoussé les ambulanciers.

Les gens criaient autour de moi mais je ne pouvais pas entendre ce qu'ils disaient. Tout ce que je pouvais entendre était mon sang qui battait dans mes oreilles.

J'ai arraché la bâche qui recouvrait la directrice Wilbeck. Du sang, beaucoup de sang.

Ses yeux étaient fermés. Pourquoi sont-ils fermés ?

Je l'ai secouée. Elle avait besoin de se réveiller.

Nico, Cecilia, et moi avions été attaqués par des gens méchants, mais nous nous étions échappés. Tout était censé être okay maintenant.

Je l'ai secoué trop fort. Son bras est tombé mollement sur le bord de la civière. Ses yeux étaient toujours fermés.

Les mains s'agrippaient à moi, les mots tombaient comme des feuilles mortes autour de moi, mais ils étaient perdus derrière les mots de l'homme, qui brûlaient comme une barre de fer contre mon crâne.

"Vous n'avez nulle part où aller."

ARTHUR LEYWIN

"Arthur !"

Mes yeux se sont ouverts ; des larmes coulaient sur mon visage.

Tout était encore flou, mais je pouvais dire que j'étais dans ma chambre, à l'intérieur du château. Mes respirations étaient toujours courtes et irrégulières, et ma main gauche tenait quelque chose de doux et de chaud.

"Arthur", la voix familière et apaisante m'appelait à nouveau.

J'ai tourné la tête, en chassant les larmes qui se formaient encore dans mes yeux.

À côté de moi, tenant ma main, se trouvait Tessia. Ses yeux étaient rouges et mouillés de larmes également.

"Tessia ?" Ma voix est sortie sèche et rauque. "Pourquoi est-ce que tu pleures ?"

"Idiot." Elle a étouffé un rire, souriant alors que les larmes coulaient sur ses joues. "Je pourrais te demander la même chose."

163

INTERMISSION

Mon regard s'est attardé sur Tess. Elle souriait - et même riait - de soulagement et de gêne en essuyant ses larmes.

C'était la première fois que je voyais mon amie d'enfance depuis la cérémonie où j'avais reçu le titre de Lance, mais cela faisait encore plus longtemps que nous ne nous étions pas parlé.

La princesse elfe avait changé depuis. Il y avait une légère cicatrice juste à la base de ses cheveux, au-dessus de son oreille droite ; elle aurait pu passer inaperçue si elle n'avait pas attaché ses cheveux. Des cicatrices de combat étaient visibles sur tous ses bras, et un bandage frais était enroulé autour de son avant-bras gauche.

"Tu es blessée", ai-je noté, en traçant doucement avec mes doigts la ligne de sang qui s'infiltrait à travers son bandage.

Remarquant mon expression inquiète, elle a attrapé ma main cicatrisée, la prenant tendrement à deux mains. "Oh, s'il te plaît. J'ai eu plus de blessures en essayant de cuisiner qu'en me battant réellement."

J'ai ri, heureux qu'elle soit là, qu'elle me parle, qu'elle s'accroche à moi. Malgré les callosités sur ses paumes et ses doigts, sa main était douce et chaude comparée à la mienne.

Secouant la tête, Tessia a dit : "As-tu la moindre idée de la peur que j'ai eue lorsque mon capitaine m'a annoncé la nouvelle ?".

"Ton capitaine ? Ça veut dire que tu as été promue chef ?" J'ai demandé, en fixant l'expression stupéfaite de la princesse.

"Tu es incroyable. Tu penses immédiatement à savoir si j'ai été promu ? Tu as failli mourir, Arthur !"

"Je suis simplement heureux que tu ailles bien", ai-je répondu.

Tess a pris une profonde inspiration résignée, et a appuyé sa tête sur mon bras. "Je n'ai même pas la force d'argumenter avec toi."

J'ai senti ses mains serrer les miennes, et le geste était si chaleureux et réconfortant que j'ai failli fondre en larmes à nouveau. Le temps a semblé ralentir pendant un bref instant, et nous sommes restés là, silencieux, contemplatifs et ensemble.

"Tu as pris des mesures si minutieuses pour t'assurer que tout le monde serait en sécurité que je n'ai même pas pensé au danger que cette guerre pouvait représenter pour toi." Tess a relevé la tête, me fixant de ses yeux turquoise brillants. "Te voir comme ça - dans un lit, plein de blessures - c'était un rappel froid que tu n'es qu'un humain et pas un mage guerrier indestructible." J'ai renâclé. "C'est comme ça que tu me vois la plupart du temps ? Une figure indestructible ?"

"Avec la maturité émotionnelle d'un enfant en bas âge", a-t-elle terminé avec juste un soupçon de sourire.

"Est-ce une façon de parler à un général ?" J'ai grondé, essayant de garder un visage sérieux alors qu'elle s'efforçait de faire de même.

"Mes excuses, général Arthur", a-t-elle répondu, le rire dans la voix.

Un coup à la porte a interrompu notre plaisanterie, mais elle s'est ouverte avant que Tessia ou moi ne répondions. Virion est entré dans la pièce d'un pas assuré, accompagné de son fils Alduin Eralith. Ils étaient suivis par la femme d'Alduin, Merial. Alduin et Merial ne sont pas restés longtemps - ils ont dû partir à cause de problèmes dans une des cités elfiques du nord - mais j'ai trouvé très gentil de leur part de prendre le temps de me rendre visite. "Que s'est-il passé ?" J'ai demandé à Virion une fois qu'ils sont partis.

"Nous allons y venir, Arthur. D'abord, je dois m'assurer que l'on s'occupe bien de la nouvelle Lance de Dicathen. Je suis heureux que Tessia soit venue te tenir compagnie," dit le commandant, une lueur d'espoir dans les yeux.

Un grognement provenant de la porte ouverte a attiré toute notre attention sur ma sœur, Eleanor, qui venait d'arriver avec Sylvie et Boo, son ours de deux mètres de haut, qui grognait de plaisir en mâchant négligemment un morceau de viande.

Virion s'est éclairci la gorge. "Je vais te laisser un moment avec ta famille. Mais quand tu auras fini, je pense qu'il est préférable que nous discutions de ce qui s'est passé." Avec un clin d'œil à Tessia, et un signe de tête respectueux à ma sœur, Virion a quitté la pièce.

Ta sœur a attendu patiemment que tu te réveilles, m'a dit Sylvie alors qu'Eleanor la portait dans la chambre.

Cela ne faisait pas si longtemps que j'avais vu Ellie, mais j'avais l'impression de n'avoir jamais remarqué à quel point elle avait grandi. Je ne pouvais plus l'appeler ma petite soeur.

"Viens ici, Ellie", ai-je dit doucement.

La lèvre inférieure de ma petite sœur a tremblé et les larmes ont commencé à couler sur son visage. Lâchant Sylvie, elle s'est précipitée dans mes bras, manquant de me couper le souffle.

"J'étais si inquiète !" dit-elle avec colère, sa voix se brisant en sanglots. "Que se serait-il passé si tu étais mort ?"

"Je vais bien, El", ai-je dit de manière apaisante, mais son visage est resté enfoui dans ma poitrine. J'ai levé la main pour caresser ses cheveux bruns, et j'ai remarqué que les blessures que j'avais reçues de la sorcière serviteur étaient toujours là. Mon expression s'est assombrie à la vue de l'horrible cicatrice rouge qui s'étendait sur toute ma main gauche jusqu'au poignet, comme si la peau avait été brûlée. La blessure s'était beaucoup atténuée grâce aux capacités de vivum de Sylvie - la cicatrice semblait déjà avoir quelques années - mais ma main entière avait pris une teinte rose maladive.

Boo m'a regardé d'un œil méfiant en rongeant son os, mais il m'a permis de continuer à embrasser son maître.

Sylvie a sauté sur mon lit et s'est pelotonnée à côté de moi. Elle n'a rien dit, mais une vague de soulagement l'a envahie.

En frottant les larmes de ses yeux, le regard d'Ellie s'est posé sur ma main cicatrisée. "Comment as-tu pu te laisser blesser comme ça ?"

"Les cicatrices s'estompent", ai-je dit avec un faible sourire, espérant écarter ses inquiétudes. L'apparence physique n'avait jamais eu une grande importance pour moi, mais c'était quand même un peu angoissant de voir à quel point mes blessures avaient laissé des traces.

J'ai pris mon courage à deux mains, puis je suis sorti du lit avec précaution, en m'assurant d'abord que mes jambes étaient capables de me porter.

Me tenir debout sur mes deux jambes sans l'aide du mana était une bénédiction que j'avais toujours considérée comme acquise. J'ai fait des pas lents et réguliers vers le miroir sous le regard inquiet de Tessia, Ellie et Sylvie. Boo a regardé avec désintérêt.

J'ai pris une profonde inspiration, puis j'ai levé les yeux pour étudier mon reflet. Même sans enlever ma robe, j'ai pu voir immédiatement les dégâts que la bataille contre le serviteur avait causés à mon corps. Mon regard s'est immédiatement porté sur mon cou. Les mêmes cicatrices rouges qui couvraient ma main et mon poignet avaient été marquées au fer rouge sur ma gorge.

Détachant la bande autour de ma taille, je me suis glissé hors de ma robe pour ne porter que mes sous-vêtements.

Wow, je suis dans un sale état.

Tu aurais pu être bien plus mal en point, a ajouté Sylvie, sans sa brusquerie habituelle.

Des cicatrices plus ou moins longues jonchaient mon corps tonique, comme les éclats et les fissures d'une statue ancienne usée par le temps et les forces de la nature. D'autres cicatrices rouges étaient visibles sur mon épaule et une partie de mon dos. Les cicatrices qui allaient de ma taille à mes genoux étaient particulièrement horribles - comme si quelqu'un avait déchiré mes jambes morceau par morceau et les avait recousues grossièrement.

" Considère que c'est une aubaine que tu aies pu te rétablir même dans l'état où tu es maintenant ", dit une voix claire, me tirant de mes pensées.

En jetant un coup d'oeil vers la porte, j'ai vu l'asura à trois yeux, Aldir, entrant dans ma chambre. Il était suivi par Virion, qui a tranquillement pris place sur le canapé en cuir.

"Maître", l'a salué Tess en se levant de son siège. Les joues de mon amie d'enfance étaient rougies alors qu'elle se positionnait maladroitement loin de moi.

Réalisant que c'était probablement mon manque de vêtements qui la mettait mal à l'aise, je me suis glissé dans ma robe avant de saluer l'asura. "Aldir." "Arthur Leywin." Il a hoché la tête avant de saluer Sylvie. "Dame Sylvie." "Ce que tu viens de dire. Que voulais-tu dire ?" J'ai demandé, prenant un siège à côté de Virion.

S'asseyant en face de nous à côté de Tess, il a désigné une bague sur un doigt de sa main gauche. "Te souviens-tu de la perle d'élixir que Windsom t'a donnée il y a quelques années ? Celle que tu n'as jamais utilisée ?"

J'ai regardé dans mon anneau dimensionnel, mais je n'ai pas trouvé la perle dorée que j'avais gardée pour m'aider à passer au stade du noyau blanc. "Que lui est-il arrivé ?"

"C'est ce qui a donné à ton corps la force de se rétablir dans l'état dans lequel tu es maintenant", a dit l'asura avec franchise. Il a redressé sa robe lavande profonde. "Même avec une équipe d'inférieurs spécialisés dans le mana médical, ainsi que Dame Sylvie utilisant ses arts de l'éther - bien qu'inexpérimentée - il a fallu les pleins effets du puissant élixir pour te guérir."

"Je suppose que Windsom et toi n'êtes pas autorisés à me donner un autre élixir, n'est-ce pas ?" J'ai demandé.

Aldir a secoué la tête. "Puisque la guerre a commencé, nous ne pouvons pas risquer que le traité soit rompu."

"Merde", ai-je dit en appuyant ma tête sur le canapé.

"Désolé de te frapper alors que tu es à terre, mais j'ai pensé que tu voudrais peut-être encore ceci", a ajouté Virion en prenant Dawn's Ballad dans son anneau dimensionnel. "J'ai pu récupérer ton épée sur le cadavre du serviteur." Mon coeur s'est effondré quand il m'a tendu l'épée autrefois étonnante. La lame sarcelle translucide de Dawn's Ballad s'était émoussée, et sa pointe avait fondu sous l'effet des capacités corrosives du serviteur, rompant l'équilibre délicat de l'épée.

Après l'avoir rangée dans son fourreau, que je transportais à l'intérieur de mon anneau, j'ai regardé la paume de ma main droite, où Wren avait incrusté une pierre précieuse. Il s'agissait d'une pierre qu'il avait lui-même raffinée, appelée acclorite, et elle était censée se transformer en une arme spéciale.

Ce serait le moment idéal pour une nouvelle arme, ai-je pensé à ma main. Arthur, la voix de Sylvie a retenti. J'ai raconté à Aldir une partie de ce qui s'est passé, mais je pense qu'il serait préférable que tu en parles en détail avec lui et Virion.

C'est vrai.

Me levant lentement de mon siège, je me suis dirigé vers ma petite sœur, qui était restée silencieuse tout ce temps. "Ellie. Tu peux m'attendre dehors pendant que je parle de certains trucs ?"

Levant un sourcil sceptique, elle a répondu : "Seulement si tu promets de ne pas partir sans au moins dire au revoir".

En regardant dans ses yeux, j'ai promis.

"Bien." Elle s'est levée de son siège et s'est dirigée vers la porte avant de regarder en arrière par-dessus son épaule avec une expression fière. "Je veux te montrer ce sur quoi j'ai travaillé."

"Oh ?" J'ai levé un sourcil. J'ai supposé qu'il y avait un sort qu'elle avait pratiqué. "Je ne peux pas attendre !"

Ma sœur a fermé la porte derrière elle et Boo, et les seules personnes restées dans ma chambre étaient le Commandant Virion, Aldir, Sylvie et Tessia.

"Je vais vous raconter ce qui s'est passé depuis la bataille contre le serviteur." " Attends. Convoquons une réunion officielle avec le reste du Conseil", a interrompu Virion en se levant.

"Non. Je veux que ce soit uniquement pour vos oreilles. Ce que vous choisirez de faire avec cette information ne dépend que de vous."

Tess a levé une main timide. "Dois-je partir ?"

"C'est bon." Je secouai la tête. "Avant de commencer, cependant, je veux savoir une chose."

"Et qu'est-ce que c'est ?" Aldir répondit, prenant note que mon regard était dirigé vers lui.

"Qui a le contrôle sur les deux Lances naines, Mica Earthborn et Alfred Warned, toi ou Rahdeas ?"

L'unique œil violet de l'asura, qui était ouvert, se rétrécit en pensée alors qu'il continuait à me fixer. " Je contrôle toujours ces deux Lances. Pourquoi demandes-tu cela ?"

Il m'a fallu plus de temps que prévu pour les informer des événements qui s'étaient produits après mon combat avec le serviteur.

Comme prévu, Virion et Tessia étaient abasourdis par la trahison évidente des nains. L'expression d'Aldir est restée ferme ; s'il était surpris, il a parfaitement réussi à le cacher.

Malgré sa surprise initiale, Virion se reprit rapidement. " Si les nains sont alliés à l'armée Alacryenne, il sera beaucoup plus difficile d'empêcher les batailles d'atteindre les villes civiles. As-tu pu discerner s'il s'agissait juste d'une faction distincte de nains ou si c'était plus étendu que ça ?".

" Je ne peux pas le dire avec certitude tant que je n'ai pas obtenu de réponses de Rahdeas ", ai-je dit en serrant les dents, regrettant les circonstances impliquant l'ancien gardien d'Elijah.

"La nouvelle de l'apparition d'une Faux est troublante", a ajouté Aldir. "Si elle a l'intention de faire des ravages avec son serviteur à ses côtés, ainsi qu'une division entière de troupes, alors ce n'est pas quelque chose qu'une ou deux Lances peuvent faire, même avec une armée pour les soutenir."

"C'est pourquoi j'ai besoin de savoir où se trouve l'allégeance des Lances naines", ai-je répondu. "Une bataille à grande échelle est proche, et je ne veux pas d'obstacles imprévus."

164

DE LANCE À FRÈRE

Laissant Sylvie se reposer dans ma chambre, je m'aventurai dans les salles lumineuses du château, regardant mes pieds en faisant des pas prudents. C'était la première fois que je remarquais les motifs vibrants de l'épaisse moquette des salles résidentielles supérieures. C'était une chose amusante à noter ; j'avais toujours été si pressé, à la poursuite de mes objectifs, que je n'avais jamais regardé autour de moi pour apprécier les plaisirs subtils qui m'entouraient.

Il ne m'a pas fallu longtemps pour trouver Ellie. Elle était assise près d'une grande fenêtre, regardant la mer de nuages et peignant oisivement ses doigts dans l'épaisse fourrure de son lien. Boo a ouvert un œil, sentant ma présence, mais est retourné à sa sieste quand il a vu que c'était moi.

"Puis-je me joindre à toi ?" J'ai demandé.

"Tu n'as pas besoin de demander." Elle a souri faiblement, jetant un regard en arrière vers moi avant de retourner son regard vers le ciel une fois de plus.

Je me suis assis à côté d'elle sur le sol, admirant les nuages ondulants, ainsi que le scintillement et la brillance des rayons de soleil au-dessus. Je pouvais voir la pointe d'une montagne au loin, mais à part cela, seulement une étendue infinie de blanc et de bleu.

"Est-ce qu'ils te manquent ?" Ellie a parlé d'une voix douce. "Maman et Papa ?"

"Pas autant que je le devrais", ai-je admis. "Je m'inquiète pour eux - je sais qu'ils sont en sécurité là-bas, mais il s'est passé tellement de choses."

Il y a eu un moment de silence, et ma sœur a simplement continué à caresser l'ours.

l'ours.

"Tu sais, il y a beaucoup de gens - adultes et enfants - qui viennent me dire que j'ai de la chance d'avoir un frère comme toi.

Ceux qui ne sont pas jaloux de moi sont jaloux de toi - que tu sois un Lance, que tu sois si talentueux en magie et en combat, et que tu aies la reconnaissance de tous les chefs de ce continent. Certains disent même que tu pourrais devenir l'un des prochains chefs quand tu seras plus âgé ", se moqua- t-elle. "Mais c'est drôle. Je ne te l'ai jamais dit, mais il fut un temps où je te détestais. J'avais l'impression que c'était à cause de toi que ma vie était comme ça maintenant. Je te reprochais que maman et papa se sentaient obligés d'aider à la guerre aussi, et je te reprochais le fait que je ne pouvais pas avoir une vie normale à l'école avec des salles de classe et une bande de copains."

Ma sœur détournait le regard, son corps était tourné vers Boo, mais je pouvais voir que la main qui courait sur sa fourrure de cours tremblait, et ses épaules frémissaient.

"Ellie..."

"Mais ce qui est drôle, c'est que je ne te blâme plus. Comment puis-je te blâmer alors que ta vie est pire que la mienne ? La plupart des souvenirs que j'ai de toi étaient ceux où tu entrais et sortais de la maison couvert de blessures, avec des histoires incroyables sur la façon dont tu avais affronté tel ou tel monstre. C'était vraiment amusant et incroyable à entendre à l'époque - je pensais que tu étais tellement cool et fort - mais je le sais mieux maintenant. Les choses auxquelles tu as dû renoncer pour arriver là où tu es aujourd'hui..."

Ma sœur s'est empressée d'essuyer son visage sur ses manches et s'est retournée vers moi avec des yeux rouges et un large sourire forcé.

J'ai tendu le bras vers elle, mais elle a attrapé ma main et l'a serrée avant de se lever. "Ouf ! Maintenant que j'ai dit ce que j'avais sur le cœur, viens. Je veux te montrer quelque chose."

"C'est quoi tout ça ?" J'ai demandé lorsque nous avons atteint la terrasse extérieure du château. Mon regard a balayé les douzaines de planches de bois suspendues à diverses branches d'arbres.

Il y avait quelques flèches qui dépassaient des planches, mais la plupart étaient sur le sol et les troncs d'arbres autour.

"Ce sur quoi j'ai travaillé", a proclamé fièrement ma sœur, tandis que son lien s'enroulait sur le sol à côté d'elle avec un bâillement distrait. Ellie semblait anormalement joyeuse après notre conversation près de la fenêtre, comme si elle essayait d'oublier tout ça.

Essayant de ne pas trop m'attarder sur le comportement incohérent de ma sœur, je l'ai regardée ramasser un arc court à l'aspect particulier, appuyé contre un pilier, puis récupérer une flèche égarée dont la pointe était enfouie dans l'herbe.

Levant l'arc flexible de façon à ce que la flèche encochée soit à la hauteur des yeux, elle a retenu sa respiration encore tremblante et a pris un moment pour viser avant de lâcher la corde.

La fine flèche a sifflé en fendant l'air, s'incurvant très légèrement autour d'une planche et frappant une autre cible en bois derrière elle.

Je l'ai applaudie, sincèrement impressionné, mais elle a levé une main et secoué la tête. "Maintenant, regardes ça."

Levant son arc une fois de plus, elle a marmonné un bref chant. Le bout de son doigt directeur, sur la main qui tenait l'arc, a commencé à émettre une douce lueur. Quand ma soeur a lentement tiré sur la corde, le mana a pris la forme d'une fine flèche lumineuse.

Je suis resté silencieux, à moitié concentré, à moitié surpris, alors qu'Ellie tirait la flèche de mana sur une planche cible à proximité. La flèche a émis un doux bourdonnement, plutôt qu'un sifflement aigu, alors qu'elle s'approchait précipitamment de sa cible - mais avant d'atteindre la planche, la flèche s'est dissipée.

Les épaules de ma soeur se sont affaissées en signe de déception. "Je jure que j'ai été capable d'atteindre la cible il y a quelques jours."

"C'était incroyable !" Je me suis exclamé.

"J'ai échoué, pourtant", a-t-elle répondu, déçue.

"Tu as à peine douze ans, Ellie ! La plupart des enfants de ton âge peuvent à peine conjurer une boule de mana, et encore moins en lancer une aussi loin", ai-je dit, ma voix étant encore remplie d'enthousiasme.

Ma sœur est restée silencieuse pendant un moment, fixant distraitement son arc.

"N'es-tu pas contente que ton cher frère soit impressionné, après tout ce temps d'entraînement ?

J'ai jeté un coup d'œil par-dessus mon épaule pour voir un duo plutôt étrange marcher sur la terrasse : Emily Watsken et Helen Shard.

"Surpris, Général ?" dit Helen, un sourcil levé.

S'il était logique qu'Emily entre et sorte du château puisqu'elle était apprentie sous les ordres de Gideon, la voir avec Helen - chef des Twin Horns et actuelle chef d'un grand peloton de soldats - avait de quoi faire tourner la tête.

Cependant, en considérant l'arc particulier dans la main d'Ellie et sa soudaine compétence au tir à l'arc, j'ai rapidement fait le rapprochement.

"Je ne vais pas le nier", ai-je répondu avec un sourire.

Emily avait remarqué mes blessures. "On dirait que tu as beaucoup souffert." "Autant que n'importe quel autre soldat", ai-je répondu en haussant les épaules.

Après qu'Ellie et moi ayons salué correctement les deux amis, nous nous sommes tous assis autour de la table du patio pour discuter. Nous avons discuté de la façon dont ma sœur avait du mal à manipuler le mana, malgré le fait qu'elle se soit éveillée à un âge précoce.

"Tu as du mal ?" J'ai demandé à ma sœur. "Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? J'aurais pu t'aider."

"Tu es général maintenant, et même avant, tu étais toujours occupé. Je ne voulais pas t'embêter avec ça. En plus, papa et maman m'ont aidé avant de devoir partir."

Ma sœur a essayé de paraître joyeuse, mais le léger ton maussade dans sa voix - surtout après notre conversation de tout à l'heure - m'a fait mal à la poitrine.

"Je suis passée la voir un jour après avoir terminé la visite d'un donjon et elle m'a demandé de l'aide", a ajouté Helen pour tenter de détendre l'atmosphère. "Je ne suis pas une conjurer donc je ne pouvais pas vraiment l'aider, alors j'ai demandé à l'artificier, Gideon, de faire quelques tests sur elle.

Il a mis en gage ce qu'il a appelé "une corvée" sur Emily ici présente, et c'est alors que nous avons découvert le petit cadeau de votre sœur."

"Je n'appellerais pas ça un cadeau", dit Eleanor, soudainement timide. "Quel cadeau ?" J'ai demandé, ma curiosité grandissant.

"Je pense que ce sera plus facile pour toi de le montrer à ton frère impatient, Ellie", encouragea Helen.

"Ok," elle a accepté. Levant sa main, elle s'est concentrée sur le centre de sa paume jusqu'à ce qu'un faible orbe de mana se manifeste. Il n'y avait aucun attribut, mais l'orbe sphérique de mana pur a lentement commencé à changer de forme jusqu'à ce qu'il se transforme en une étoile à sept branches.

"Tu vois, après avoir évalué Eleanor " - Emily a souligné son rôle en se penchant en avant - "J'ai réalisé qu'elle avait un réel talent pour modeler le mana en formes détaillées. Normalement, que tu puisses transformer une boule de feu en cube de feu n'a pas vraiment d'importance - mais si tu es capable de conjurer la forme exacte d'une flèche avec une pointe de flèche particulière, alors tu peux potentiellement avoir un arsenal infini de flèches que les ennemis ne seront pas capables de prévoir."

"Eh bien, la solution de la flèche était mon idée", a déclaré le chef des Twin Horns.

"C'est une technique intelligente, c'est sûr", ai-je dit, heureux qu'Ellie ait trouvé un moyen de s'entraîner et de s'occuper l'esprit pendant que mère, père et moi étions tous partis à la guerre.

"Ils ont tous deux été d'une grande aide ! Helen a été très stricte mais utile pour m'apprendre le tir à l'arc, et Emily m'a fabriqué cet arc pour m'entraîner."

"C'est moi qui suis gentille avec toi", a répondu Helen en regardant Ellie avec une expression chaleureuse. Elle s'est tournée vers moi. "J'ai été dans et hors du château donc elle a appris toute seule, mais sa croissance est en fait assez effrayante. C'est comme si ces dons étaient présents dans la famille Leywin." Se raclant la gorge pour attirer notre attention, l'artificier aux taches de rousseur ajusta ses lunettes, puis expliqua le mécanisme de l'arc qu'elle avait personnalisé pour ma sœur.

"L'arc est encore en phase de test, et il requiert une certaine finesse, mais comme Helen l'a dit, ta soeur s'y habitue très vite."

"J'ai encore un long chemin à parcourir", a rétorqué Ellie.

En regardant attentivement maintenant, j'ai remarqué des cloques fraîches sur ses doigts et ses paumes - preuve de ses efforts.

"Merci à vous deux d'avoir aidé ma sœur comme ça." Je me suis tourné vers ma petite sœur, en lui ébouriffant les cheveux. "Et je suis désolé de ne pas avoir été là pour toi."

"Comme je l'ai dit, je ne te blâme pas. Tu fais juste ce que tu as à faire." Ellie a haussé les épaules. "En plus, Helen m'a dit que maman et papa sont loin des batailles, donc je ne m'inquiète pas trop pour eux, mais je suis juste reconnaissante quand tu reviens en un seul morceau."

Mon cœur se serra une fois de plus de culpabilité, et je compris pourquoi elle disait qu'elle m'avait reproché la participation de nos parents à la guerre. C'était pour cela qu'ils étaient partis - ils ne voulaient pas rester en sécurité, à attendre et à prier pour ne pas entendre la nouvelle de ma mort.

" Je suis désolé de toujours t'inquiéter ", ai-je dit doucement, incapable de faire autre chose que de m'excuser.

Le regard d'Ellie s'est posé sur les cicatrices autour de ma gorge, mais elle n'a rien dit - et d'une certaine manière, cela m'a fait encore plus mal.

Ma petite sœur avait en effet grandi beaucoup plus vite que je ne l'aurais voulu. Son innocence enfantine et son égoïsme avaient disparu.

"Qu'est-ce que tu fais au château si tôt de toute façon, Helen ?" a dit ma sœur, changeant de sujet.

"Ah, oui ! Les chefs et leurs supérieurs ont été appelés au château pour une grande fête ce soir", a-t-elle répondu. "La raison de cet événement était censée être secrète, mais elle a déjà été divulguée - apparemment, un serviteur a été vaincu !"

"Vraiment ?" Les yeux d'Emily se sont illuminés. "Tu penses que c'était une Lance ?"

"Rien n'est confirmé, mais c'est probablement le scénario le plus probable. Tout ce que je sais, c'est que le Commandant Virion lui-même a pris une petite équipe pour récupérer le corps.” répondit Helen.

"Les choses s'améliorent alors." Ma soeur s'est redressée. "Je suis heureuse." En jetant un coup d'oeil d'Helen à Emily, puis à ma soeur, j'ai d'abord pensé qu'elles me taquinaient. Mais après quelques minutes d'écoute, j'ai réalisé qu'elles étaient sérieusement en train de faire des commérages. Ne savent-elles vraiment pas qui a tué le serviteur ?

Mais après y avoir réfléchi, je n'étais pas trop surpris. Je suis arrivé au château plusieurs jours après que le corps du serviteur ait été retrouvé. Une équipe de médecins m'attendait, mais je doute que quelqu'un ait su comment j'avais été blessé.

"Attends, donc cette fête a lieu ce soir ?" J'ai demandé, en ramenant la conversation sur son chemin initial.

"Oui. Ce n'est pas pour ça que tu es de retour au château, aussi ?" Helen a répondu en haussant les sourcils.

Ma sœur a répondu à ma place. "Mon frère est revenu parce qu'il a été blessé."

"Quoi ? Comment ? Où ? Est-ce que tu vas bien ?" Emily m'a bombardé de questions.

"J'ai juste été négligent. Ce n'est rien de grave." J'étais tenté de leur dire la vérité - surtout à ma sœur - mais je supposais que Virion avait une raison de garder le secret.

"C'était un gros problème !" Ma sœur m'a pincé le côté. "Tu es resté inconscient plus d'un jour, et tu as encore ces cicatrices."

Grimaçant alors qu'elle tordait encore plus ma peau, je me suis excusé une fois de plus auprès de ma sœur, lui assurant que je ne referais pas la même " erreur ". La conversation est passée à d'autres sujets, mais pendant le reste de notre petite réunion de l'après-midi, Helen m'a regardé d'un air dubitatif.

En rentrant dans ma chambre, j'ai été accueillie par mon lien. Comment s'est passé le temps passé avec ta sœur ?

"Ellie a grandi maintenant", ai-je dit, laissant une pointe d'amertume s'infiltrer dans mes mots.

Tu dis ça comme si c'était une mauvaise chose, a répondu Sylvie.

"J'aimerais juste qu'elle n'ait pas à l'être. En tant que grand frère, il est douloureux de voir la sagesse et la maturité qui découlent de circonstances difficiles.

Mais j'ai pu au moins rattraper le temps perdu avec elle et en apprendre un peu plus sur ce qui se passe dans sa vie. Tu savais qu'elle apprend le tir à l'arc avec Helen ? Elle et Emily ont même inventé un nouvel entraînement pour Ellie, une combinaison de conjuration et de tir à l'arc !".

Sylvie laissa échapper de petites bouffées d'air par ses narines, et il me fallut un moment pour réaliser qu'elle riait. Je ne t'ai pas vu aussi enthousiaste depuis longtemps.

"Ce n'est pas vrai", ai-je réfuté.

Oh ? Sylvie a relevé la tête, me regardant depuis le lit. Dis-le à tes lèvres qui sourient.

"Chut", ai-je dit en la congédiant. Malgré les mots lourds de ma sœur, il avait été agréable de passer du temps avec elle. "Comment te sens-tu ?" Léthargique, lourde, endormie et faible, a envoyé Sylvie en se mettant en boule.

C'est comme si j'étais encore une fois un bébé.

"Eh bien, il y a apparemment un grand événement qui se passe plus tard ce soir. Tu te sens prête à le faire ?" J'ai demandé.

Je passe mon tour, a-t-elle répondu, la voix faible. Mais garde-moi un peu de nourriture.

Prenant un siège sur le canapé, j'ai fermé mes propres yeux lourds. "Je vais demander aux femmes de chambre d'en apporter."

Assure-toi que ce soit de la viande.

"Dors bien."

Avec le doux ronronnement de Sylvie qui rendait la pièce froide et silencieuse un peu plus accueillante, j'ai pris le temps de mettre de l'ordre dans mes idées. Dans mon anneau dimensionnel, j'ai sorti Dawn's Ballad et l'ai posé délicatement sur la table à thé en face de moi.

Un gémissement involontaire m'échappa en regardant le piètre état de mon arme. Cette épée était à mes côtés depuis près de cinq ans.

Je n'avais pas eu besoin de la polir, de l'aiguiser ou même de la nettoyer, et elle avait été capable de résister à presque tout. Dawn's Ballad était vraiment un atout précieux.

En étudiant l'épée, j'ai décidé que, même endommagée, elle était meilleure que toute autre épée que je pourrais rencontrer.

L'asura excentrique, Wren, m'avait implanté une arme, mais je n'avais aucune idée si ou quand elle se manifesterait. Il serait imprudent de compter sur sa présence lors de la bataille à venir.

Mes pensées se sont ensuite tournées vers mon récent voyage à Darv. J'avais besoin de savoir si Rahdeas était le chef de cette trahison, et si c'était le cas, de décider ce que je devais faire. Même si le parent adoptif d'Eljiah ne contrôlait pas les deux Lances naines, selon Alduin et Merial, il bénéficiait toujours d'un grand soutien de la part des citoyens nains. Le mécontentement général des nains à l'égard des humains, en particulier de la famille Glayder, est profond, donc si nous devions le tuer, cela signifierait un soulèvement de masse.

Me tirant de mes pensées, j'ai remarqué que la pièce était devenue sombre. Je ne pouvais pas dire combien de temps s'était écoulé, mais il est clair que l'événement ne tarderait pas à se produire.

"Arthur ? Tu es là ? Nous entrons !" Dans un grand fracas, la porte de ma chambre s'est ouverte et une foule de servantes et de gardes est entrée, avec Virion à l'arrière.

Je n'ai pas eu le temps de me préparer ni même de réagir. Les gardes poussaient déjà les meubles de côté pour faire de la place au centre de la pièce, tandis qu'une horde de servantes commençait à me déshabiller.

Ce qui me dérangeait le plus, c'était que j'étais habitué à être jeté dans des situations comme celle-ci. Dois-je appeler ça l'effet Virion ?

Virion s'est avancé, déjà élégamment vêtu d'une robe noire. Ses ornements argentés mettaient en valeur ses cheveux argentés, qui étaient soigneusement attachés derrière lui. "Maintenant, tu es probablement surpris par..."

"-Nope," je l'ai coupé. "Qu'est-ce que tu prépares cette fois, vieil homme ?"

Quelques servantes ont sursauté à ma réponse grossière, mais Virion leur a simplement fait signe de continuer. "Je vois que faire irruption dans ta chambre et te faire déshabiller brusquement par une équipe de servantes ne te met pas d'humeur très agréable. Je ne t'en en veux pas. J'ai pris la liberté d'organiser cet événement comme une sorte de piège - inoffensif - pour notre cher Rahdeas, et toi, mon futur petit-fils, tu as le rôle principal."

165

VIEUX VISAGE

TESSIA ERALITH

La personne qui se tenait devant moi, la tête légèrement inclinée pour me regarder, portait une robe noire chatoyante richement décorée. Le tissu soyeux remontait juste au-dessus de la base de son cou, avec de subtils volants ajoutant une touche féminine. Les manches couvraient la longueur de ses bras avec les mêmes délicats volants aux extrémités, tandis que la robe tombait sur le côté le plus court, arrivant juste avant ses genoux.

Des mèches de cheveux couleur bronze tombaient sur un côté en spirales parfaitement arrangées qui contrastaient fortement avec la couleur sombre de sa tenue.

Après avoir porté une armure et avoir été couverte de crasse pendant les derniers mois, je ne pouvais pas croire que la personne dans le miroir était moi.

"Tu es magnifique." Le regard de ma mère est passé de moi à mon reflet avec un sourire chaleureux sur son visage. En la regardant alors qu'elle s'asseyait correctement sur une chaise à côté de moi, cependant, je ne pouvais m'empêcher de perdre confiance, même dans ma nouvelle robe.

Même si je savais qu'elle était beaucoup plus jeune que mon père, ma mère devait avoir passé la fleur de l'âge. Pourtant, ses cheveux argentés brillants étaient toujours aussi luxuriants, ses yeux bleus toujours aussi radieux et sa peau toujours aussi jeune et souple. Elle et mon père avaient déjà fini de se préparer pour l'événement, et en contraste avec ma robe sombre, ma mère portait une belle robe rose poussiéreuse qui coulait doucement, soulignant sa taille fine et le gonflement de ses hanches, tout en gardant une élégance réservée.

Je m'étudiais, tournant à gauche et à droite pour pouvoir voir tous les angles, tandis qu'une équipe de servantes hochait la tête en signe de contentement tranquille. "Je ne suis pas si sûre de cela. La robe est un peu terne, n'est-ce pas ? Peut-être que je devrais porter quelque chose d'un peu plus brillant ?" "Je pense que le noir te donne l'air mature", a-t-elle répondu. "Qu'en pensez- vous, les filles ?"

"Je suis d'accord," répondit rapidement la femme de chambre. "Cette robe a été fabriquée par un célèbre tisserand de soie de la ville de Kalberk, qui l'a conçue spécialement pour vous, Dame Tessia. Le laçage et les volants ajoutent une touche ludique tandis que la forme générale et la couleur de la robe donnent une apparence très-excusez mon langage-sensuelle."

"Sensuelle ?" J'ai réfléchi, en me tournant de gauche à droite une fois de plus. "Laylack, le créateur, pense que le vêtement en lui-même ne doit pas être beau. Il pense plutôt que le vêtement doit faire ressortir et accentuer la beauté de celle qui le porte", ajouta une jeune femme de chambre. "Je pense que cette robe fait un excellent travail à cet égard. Si je ne connaissais pas mieux, je penserais que vos cheveux et vos yeux brillent en contraste avec la robe." "Oh s'il vous plaît. Vous avez dit la même chose la première fois que j'ai essayé mon armure ! Je ne peux faire confiance à aucune d'entre vous", ai-je argumenté, mais je n'ai pas pu empêcher le sourire de se dessiner sur mon visage boudeur. Une vague de rires emplit la pièce tandis que les servantes s'empressaient de mettre la touche finale.

En sortant de ma chambre, j'ai aperçu Stannard, Darvus et Caria qui discutaient entre eux.

"Votre Majesté." Tous trois se sont raidis à la vue de ma mère avant de la saluer à l'unisson.

" M. Berwick, M. Clarell et Mme Rede ", répondit ma mère avec un doux sourire puis me regarda avant de se tourner vers les escaliers menant à l'étage supérieur du château, où se déroulait l'événement. "Tessia, je te verrai là-haut. J'ai des affaires à régler avec ton père et les autres membres du Conseil."

Ma mère a été escortée vers la cage d'escalier, à travers la foule qui se rassemblait, et hors de vue.

Je suis resté dans le couloir avec deux gardes du château, et mes trois amis et membres de l'équipe, qui avaient attendu en silence le départ de ma mère et de ses servantes. Puis ils se sont retournés vers moi avec des sourires effrontés.

"Tu as l'air en forme, princesse." Darvus, vêtu d'un élégant costume noir, m'a donné un coup de coude alors que nous nous dirigions sans hâte vers les escaliers. Sa crinière habituellement indisciplinée était lissée avec de l'huile, et la coupe structurée du costume mettait en valeur sa carrure.

"Tu es grossier, Darvus", a dit Caria en levant les yeux au ciel et en se tournant vers moi. "Mais il ne ment pas. Tu es magnifique."

Il était évident que ma petite amie avait fait beaucoup d'efforts pour l'occasion, et cela avait porté ses fruits. Complétant son apparence jeune et ses cheveux bouclés, sa robe verte à volants descendait jusqu'à mi-cuisse - une longueur qui aurait été mal vue par la génération plus âgée si elle ne portait pas de collants en dessous.

"Merci, mais je n'avais pas réalisé à quel point je serais mal à l'aise dans cet accoutrement."

"Au moins tu es belle dans ton accoutrement", s'est plaint Stannard derrière nous. "Je ressemble à un oiseau d'ornement."

Le reste d'entre nous a ri alors que Standard faisait voltiger ses robes bleues comme si elles étaient des ailes. Plutôt qu'un costume ajusté comme Darvus, Stannard avait choisi de porter une robe de conjurer plus luxueuse, qui semblait être plus décorative que fonctionnelle.

" Quoi qu'il en soit ", ai-je dit en me retournant vers Caria, qui marchait à côté de moi. "Tu es plutôt charmante toi aussi. Est-ce que tu essaies de séduire l'un des garçons nobles présents à l'événement ?"

Le visage de Caria rougit immédiatement, mais elle s'efforça de rester calme en répondant. "S'il te plaît ! La plupart des jeunes nobles présents sont probablement les héritiers de leur famille, ce qui signifie une chose : ils sont super prétentieux ! Sérieusement, ils se cachent en sécurité ici dans le château pour protéger leur lignée tout en sirotant du vin."

"Mon frère aîné se trouve être l'un de ces héritiers dont tu parles," dit Darvus. "Et tu as tout à fait raison à son sujet."

"Alors aidez Stannard à trouver une jolie femme pour s'installer après la guerre", j'ai dit.

"Oui, s'il vous plaît." Il a hoché la tête avec ferveur. "J'aimerais beaucoup ça." "Hé ! Pourquoi tu ne m'aides pas ?" Darvus s'est plaint.

"Chut !" Caria s'est approchée et a giflé le bras de son ami d'enfance. "Pourquoi la princesse d'Elenoir présenterait-elle à quelqu'un un morceau de muscle aussi grossier ?"

" Excuse-moi ? " Darvus a serré son coeur comme s'il avait été poignardé. "Après vous avoir si gentiment invités tous les deux, c'est comme ça qu'on me remercie ?"

"Tessia nous aurait invités même si tu ne l'avais pas fait", rétorqua Stannard. "Peu importe ! J'y vais juste pour entendre la grande annonce et manger de la bonne nourriture," dit Caria.

"Je suis aussi curieux de savoir ce que va être l'annonce", ai-je dit.

"Ton grand-père ne te l'a même pas dit ? Ça doit être énorme", a dit Darvus, en haussant les sourcils.

Lorsque nous avons atteint la cage d'escalier, le trafic était au point mort en raison de la quantité de personnes essayant de monter, mais avec notre badinage inutile et nos discussions sur les missions récentes, le temps a semblé passer rapidement.

Contrairement à d'autres événements organisés par le Conseil, celui-ci était également ouvert aux personnes extérieures au château, si bien que le grand escalier en spirale était rempli de nobles. Peu habitués à être entassés dans des espaces aussi restreints, beaucoup exprimaient bruyamment leurs plaintes. Certains profitaient de l'occasion pour se vanter auprès de leurs pairs

- à un volume non négligeable - des vastes étendues de terres et de richesses de leur famille, dans l'espoir d'impressionner les prétendants potentiels à proximité. Bien que j'aie remarqué quelques regards dans ma direction, peu de nobles ont eu l'audace d'essayer de m'approcher. Ceux qui l'ont fait ont été facilement effrayés par mes gardes.

Il était clair que Caria et Stannard étaient mal à l'aise, au milieu de tant de nobles.

Alors que Caria avait eu une certaine exposition, puisque sa famille avait servi la famille de Darvus pendant des générations, Stannard venait d'un milieu plus humble.

" Je suis déjà fatigué ", marmonna-t-il alors qu'il était poussé et tiré par la foule.

" Tu penses que c'est mauvais ici, imagine à quel point c'est bondé aux étages inférieurs, plus près de la porte de téléportation ", le consola Darvus.

Caria acquiesça. "Ouais, j'ai entendu dire qu'il y a beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur, puisque c'est la première fois depuis le début de la guerre que le château est ouvert à d'autres personnes que les résidents."

Alors que nous avancions lentement vers le dernier étage, je jetais de temps en temps un coup d'œil autour de moi, dans l'espoir d'apercevoir Arthur. Il y avait de fortes chances qu'il soit encore en train de se reposer ou qu'il arrive plus tard, mais mes yeux semblaient inconsciemment chercher une tête aux longs cheveux auburn.

Comme si elle lisait dans mes pensées, Caria a demandé : "Au fait, où est ton bel amoureux ?"

"Ce n'est pas mon amoureux !" J'ai dit un peu trop fort, faisant tourner les têtes autour de nous. "Et il s'est blessé récemment donc je pense qu'il se repose... probablement."

"Monsieur Lance s'est blessé ?" Darvus s'est moqué de moi. "Je suppose qu'il n'est pas aussi fort qu'on le dit."

"Et pourtant, tu t'es quand même fait botter le cul", a dit Stannard innocemment.

"Tais-toi !" a rétorqué mon ami costaud, puis, jetant un regard à Caria, a dit : "Et il n'est pas si beau que ça. Avec ses cheveux longs, je parie que beaucoup de gens le prennent pour une fille."

"Aww, quelqu'un est jaloux ?" Caria a souri. "J'ai entendu dire qu'après l'apparition d'Arthur au donjon, pas mal de filles ont eu le béguin pour lui." "On dirait que notre princesse doit maintenant repousser la concurrence ainsi que les Alacryens et les bêtes de mana mutantes", taquina Stannard.

"Les gars, vous savez que je peux tous vous rétrograder maintenant, n'est-ce pas ?" Je les ai menacés en retour.

Après une demi-heure d'efforts dans la cage d'escalier, nous avons finalement atteint le dernier étage du château. La vue a été accueillie par un souffle collectif de stupéfaction. Comme la terrasse de l'étage résidentiel, le sommet du château était enveloppé d'une barrière transparente en forme de dôme, de sorte que l'ensemble de la manifestation semblait se dérouler en plein air.

Le soleil commençait tout juste à se coucher, et le château tout entier était entouré d'une étendue sans fin de magenta serein et d'orange brûlant. Des orbes de lumière flottaient au-dessus de nous à l'intérieur du dôme, projetant une douce lueur. Des centaines de nobles étaient présents - des elfes, des humains et des nains, tous habillés avec soin - et un orchestre jouait une variété de flûtes et d'instruments à cordes pour combler les trous de conversation. En montant au dernier étage, j'ai eu l'impression d'être transporté dans un monde féerique et envoûtant.

Darvus a laissé échapper un long sifflement d'appréciation, tandis que le regard de Stannard passait d'un endroit à l'autre avec émerveillement. "C'est magnifique", a soufflé Caria.

"Ugh, j'ai repéré ma famille", gémit Darvus. "Caria, viens. Allons les saluer maintenant, qu'on en finisse."

Alors que Caria se faisait entraîner contre son gré par son amie, j'ai repéré Emily. Vêtue d'une robe jaune vif qui semblait avoir quelques taches, elle se servait un verre près de la scène vide. L'apprentie artisane ne semblait pas se soucier des regards de dédain et de dégoût des nobles à proximité et elle a terminé sa boisson d'un trait.

"Emily !" Stannard a crié avant que j'aie eu la chance de l'appeler. "Ah ! Petit Stannard ! Princesse !" Emily a salué en agitant son verre vide.

J'ai éclaté de rire en la voyant courir maladroitement en tenant sa robe, sans se soucier de son apparence extérieure.

Emily respirait lourdement lorsqu'elle nous a rejoints. "Enfin, des gens que je connais !"

"Je ne m'attendais pas à te voir ici", ai-je dit après l'avoir saluée d'une accolade.

"A ton avis, qui était responsable de la mise en place de tous ces artefacts lumineux ?" Elle a roulé les yeux.

" Tu as fait tout ça ? " s'exclama Stannard.

"Eh bien, ce n'était certainement pas mon maître insouciant et paresseux", a-t- elle marmonné avec aigreur.

"C'est comme ça que tu as eu ces taches ?" J'ai gloussé.

Emily a baissé les yeux et a sursauté. "Oh non ! Je n'avais même pas remarqué

! Ça devait être

quand j'ai ajouté plus de fluide conducteur de mana."

"Hé, Emily. Ce n'est pas ton maître là-bas ?" Stannard désigna les tables où, ô surprise, le maître artificier, Gideon, était en train de mordre dans une grosse cuisse d'oiseau et de siroter un verre de vin.

"Maudit vieux schnock", marmonna Emily avant de le rejoindre à grands pas. "Maître Gideon !"

Au cri d'Emily, le vieil artificier s'est étouffé avec sa nourriture. Stannard et moi l'avons suivie en baissant la tête d'embarras.

"Espèce de vieux schnock ! Après avoir repoussé tout le travail sur moi parce que vous ne vous sentiez pas bien, vous venez ici pour boire et manger ?" Emily s'est emportée en arrachant le morceau de viande rongé dont Gideon essayait de reprendre une bouchée. "Devez-vous élever la voix ainsi, cher apprenti ? Je me tiens juste en face de toi", grommela Gideon, prenant une gorgée de son verre avant de reconnaître notre existence. "Princesse Tessia, Stannard. Heureux de voir que vous êtes tous deux encore en vie. C'est toujours une bonne chose."

"Cela fait un moment", ai-je répondu, tandis que Stannard s'inclinait respectueusement.

Emily a poussé un soupir de défaite en rendant la nourriture de son maître. "D'habitude, vous n'aimez pas ce genre d'événements. Qu'est-ce qui vous amène ici, à part la nourriture et l'alcool gratuits ?"

"Ton grand-père m'a confié une tâche plutôt intéressante" - il m'a regardé.

-"alors je tue le temps en attendant. De plus, j'ai l'occasion de voir la seule personne sur ce continent qui, j'ose le dire, est plus intelligente que moi."

"Il y a quelqu'un de plus intelligent que vous, Maître Gideon ?" demanda Stannard, sincèrement surpris.

Pendant ce temps, Emily s'est penchée, les yeux brillants de curiosité. "Quelle est cette tâche ?"

" Le petit amoureux de la princesse, Arthur. " Gideon a dit avec émerveillement. "Mon garçon, ce que je donnerais pour pouvoir extraire tous les secrets de la tête de ce garçon."

" Quelle. Est. La. Tâche ?" Emily pinça le bras de son maître.

"C'est un secret", dit Gideon d'un ton moqueur, puis la gifla avant de se frotter le bras.

Le vieil artificier excentrique s'éloigna en suivant un maître d'hôtel qui tenait une assiette de petits fours, et Emily poursuivit son maître pour essayer d'obtenir plus d'informations.

Donc tu vas être ici. Un léger sourire a traversé mes lèvres.

"Comment est-ce possible ?" Stannard se murmurait à lui-même. "Il est impossible qu'Arthur soit plus intelligent que Maître Gédéon."

" Si je n'avais pas connu Arthur depuis que nous sommes tous deux enfants, je ne croirais probablement pas non plus Gideon ", l'ai-je consolé.

Alors que je suivais Emily et son mentor, mon regard a dérivé vers une foule qui se rassemblait près du sommet de la cage d'escalier où nous étions entrés. J'ai reconnu la tête qui sortait de la foule. Avec ses cheveux noirs toujours séparés par le milieu et ses yeux vifs adoucis par d'épaisses lunettes, c'était indéniablement le directeur de la salle de guilde de Xyrus, Kaspian Bladeheart.

"Tessia ?" Stannard a dit, me sortant de mon étourdissement. "Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Je demandais juste si tu voulais essayer de chercher Darvus et Caria." Ses yeux bleus pâles se sont déplacés entre moi et l'endroit où je regardais.

" Vas-y, " ai-je dit, marchant déjà vers la petite foule. "Je vous retrouverai plus tard."

Poussant de côté les personnes rassemblées là, je me suis dirigé vers l'homme familier. Puis mes yeux se sont posés sur la fille.

Elle avait à peu près mon âge, et lui et plusieurs gardes la protégeaient de la foule.

"Claire !" J'ai hurlé.

L'ancienne chef du comité de discipline, dont la famille Bladeheart avait caché l'état et l'endroit où elle se trouvait, se tenait au centre où les nobles s'étaient rassemblés.

"Princesse Tessia", Kaspian Bladeheart, l'oncle de Claire, m'a saluée. "Ça fait un moment", ai-je répondu.

"Mon oncle, c'est étouffant ici. Laisse-moi prendre l'air avec la princesse Tessia", a dit Claire.

Le directeur du hall de la guilde, habituellement sans expression, a froncé les sourcils.

en signe d'inquiétude. "Mais..."

"Tout ira bien." Elle a offert un doux sourire à son oncle avant de me tirer à travers la foule.

Je suis resté silencieux tandis que nous nous dirigions vers le bord du toit du château, où un petit escalier menait à une terrasse surplombant le ciel.

Aucun de nous n'a parlé pendant un moment ; nous nous sommes simplement appuyés contre la balustrade. Le sifflement du vent contre la barrière qui nous entourait étouffait le pot-pourri de bruits entourant le grand événement.

"Tu es superbe", ai-je finalement dit.

Je ne mentais pas. Claire était une étudiante de la classe supérieure et, comme beaucoup d'autres étudiants de Xyrus, je l'admirais - toujours brillante et n'ayant jamais peur de relever les défis. En la voyant ce soir, vêtue d'une robe ivoire et d'un fin châle drapé sur ses épaules, il semblait qu'un air doux et calme avait remplacé son aura habituellement vive et animée. Mais ce n'était pas seulement cela. Je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose me semblait différent chez elle.

" J'apprécie. " Elle a souri faiblement. "Et je pense que tu as probablement entendu assez de fois à quel point tu es belle ce soir."

"Surtout de la part de mes amis et de ma famille", ai-je dit, baissant les yeux sur ma robe et souhaitant un instant que ce soit une armure à la place. "Leurs paroles sont plus obligatoires qu'autre chose."

J'ai ravalé toutes les questions que je voulais poser, comme tant de nobles qui s'étaient rassemblés autour d'elle, choisissant plutôt de laisser le silence s'installer. "J'ai entendu dire que tu dirigeais une équipe sur le terrain", a-t- elle dit.

"Oui. Bien que ce soit assez récent."

"Je suis jalouse", a-t-elle poursuivi. "Tu as dû devenir beaucoup plus forte." "Oh non, j'ai encore beaucoup à apprendre", ai-je répondu. "Je n'ai pas encore complètement contrôlé ma volonté de bête, et mes conjurations à longue portée sont un désastre depuis que je me suis concentré sur l'amélioration de ma maîtrise de l'épée."

"Je vois", a-t-elle acquiescé.

"Je ne pense pas te l'avoir déjà dit, mais les techniques des Bladeheart ont joué un grand rôle dans la formation de mon maniement de l'épée", ai-je poursuivi. "En parlant de ça..." Remarquant mon hésitation, elle a secoué la tête. "Je m'entraîne encore à l'épée de temps en temps, mais pas autant qu'avant."

" Tes blessures sont-elles toujours... ? "

Elle a secoué la tête. "Mes blessures dues à Xyrus sont en grande partie guéries."

"C'est génial !" J'ai dit, un peu trop fort. "Tu vas participer à la guerre, alors ?" "Non", a-t-elle répondu sans hésiter.

"Oh." J'ai été surpris par la réponse de Claire. Elle avait toujours eu un sens aigu de la justice, ce qui expliquait en grande partie pourquoi elle avait été choisie comme chef du comité disciplinaire. "Ta famille n'approuve pas à cause de... ce qui s'est passé à l'école ?"

"Ce n'est pas ça." Elle a regardé au-dessus de sa tête les étoiles qui nous entouraient.

"Je peux te demander pourquoi ?" J'ai insisté. "Si ta famille est d'accord et que tes blessures sont guéries..."

"Mes blessures physiques ont guéri", a-t-elle interrompu en me fixant du regard.

Me prenant au dépourvu, elle a commencé à enlever les bretelles de sa robe. Elle s'est retournée pour me tourner le dos, puis a baissé sa robe pour révéler la grande cicatrice au bas de son dos.

Elle avait d'autres cicatrices de blessures passées, mais aucune d'entre elles n'était comparable à la grande défiguration près de sa colonne vertébrale. Puis, en soulevant sa robe, elle s'est retournée vers moi, l'expression dure. "Mais la seule chose que les émetteurs et les médecins n'ont pas pu réparer, c'est mon noyau de mana."

Ma main s'est approchée de ma bouche et j'ai haleté par inadvertance. Je réalisais maintenant ce qui était différent chez elle. La chose sur laquelle je n'arrivais pas à mettre le doigt. "Alors..."

Elle a hoché la tête, son visage masqué par une expression qui me disait qu'elle avait accepté cela depuis longtemps. "Je ne peux plus utiliser la magie."

166

CENTRE D'ATTENTION

Même si j'ai passé une grande partie de ma vie à apprendre à me comporter correctement - ce qu'il faut dire et comment le dire dans diverses situations - je n'arrivais toujours pas à trouver les mots appropriés pour répondre à Claire. Comment oserais-je lui dire "ça va aller" après m'être plaint de mon manque de progrès dans la partie de sa vie qu'elle ne pourra jamais récupérer, et encore moins améliorer ?

À ma grande surprise, Claire a poussé un léger rire.

"Je suis désolée, c'est juste ton expression", a-t-elle expliqué, remarquant ma confusion. "Si je ne te connaissais pas mieux, je penserais que tu as avalé un insecte ou quelque chose comme ça. Ne t'inquiète pas. Je me suis fait à l'idée."

"Mais quand même..." J'ai marmonné.

"Ce n'est rien", dit Claire avec dédain, en secouant la tête. "J'ai dit à mon oncle que je comptais donner un coup de main à l'institution de l'épée Bladeheart. Je pense que former de nouveaux soldats peut être ma façon d'aider dans cette guerre."

Je n'ai pas répondu, je n'ai pas pu. C'était elle qui avait failli mourir et qui était maintenant incapable de pratiquer la magie, et pourtant elle essayait de remonter le moral des troupes alors que je me tenais là, découragé.

"Claire !" Une voix claire a soudainement retenti derrière nous.

Nous nous sommes tous deux retournés pour voir le fils aîné de la famille Glayder en haut des marches, sa sœur se tenant à côté de lui. Les yeux du Prince Curtis étaient fixés sur

Claire, ses sourcils aigus froncés par l'inquiétude et la frustration. La princesse Kathyln est enveloppée dans une robe blanche chatoyante ; bien qu'elle soit connue pour son manque d'expression, ses yeux étaient rouges et pleins de larmes, ses mains pâles et délicates étaient serrées contre ses côtés.

Avant même que Claire ait pu dire un mot, les deux se sont précipités et ont embrassé leur ancien chef.

"C'est bon de vous voir tous les deux, aussi", souffla Claire, luttant pour respirer.

Le prince Curtis l'a relâchée, son expression étant toujours un mélange d'inquiétude et de colère. " Tu sais à quel point nous étions tous inquiets ? Ta présence ici signifie que tu vas bien, n'est-ce pas ?"

"Que s'est-il passé ?" demande Kathyln.

J'ai pris un siège et j'ai écouté les trois se retrouver. Claire a dit à Curtis et Kathyln la même chose qu'elle m'avait dite. J'ai regardé leurs visages s'assombrir, et j'ai imaginé que je devais avoir une apparence très similaire à celle qu'ils avaient maintenant.

Comme je l'avais fait, Curtis s'est figé, incapable de formuler une réponse lorsque Claire a révélé son incapacité à manipuler le mana. Mais à ma grande surprise, Kathyln a pris la parole. "Tu es très forte", a-t-elle dit, puis elle a levé son regard larmoyant et a fixé les yeux sur son ancien chef. "Je pense que le fait d'être capable de surmonter un obstacle aussi important et d'aller de l'avant avec le sourire en dit beaucoup plus sur toi que la couleur d'un noyau de mana ne le pourrait jamais."

Touchée par ses mots puissants. Je changeai mon regard et vis que Claire s'était raidie à la réponse de la princesse. Des larmes ont commencé à couler sur ses joues.

Semblant surprise par sa propre réaction, Claire s'est empressée d'essuyer ses larmes avec ses paumes, mais elles refusaient d'arrêter de couler. "C'est embarrassant. Je n'arrive pas à croire que je pleure."

Ma poitrine palpitait, la regardant pleurer tandis que la princesse Kathyln l'embrassait à nouveau. Curtis s'est tourné vers moi et a incliné la tête, mais il est resté silencieux.

Les reniflements de Claire se sont vite transformés en gloussements alors qu'elle riait de son propre état. "Regardez-moi. J'étais à peine présentable avant, et maintenant je suis un désordre pleurnichard et morveux !"

"Pour qui essayes-tu d'être présentable ?" Je l'ai taquiné, suscitant un rire de la part de des trois. Juste comme ça, la glace avait fondu.

"Princesse Tessia," sourit Curtis, hochant poliment la tête lorsque je me suis approché à nouveau. "Je m'excuse de ne pas vous avoir salué tout de suite." "Princesse Tessia", Kathyln a fait écho, en inclinant la tête.

"Pas de problème." J'ai souri en retour. "Et nous devrions être en mesure d'être un peu plus à l'aise les uns avec les autres, étant donné que nous étions autrefois des camarades de classe. N'est-ce pas, Curtis, Kathyln ?"

" Tu as raison ", sourit Curtis. "Et oui, ça fait un moment, Tessia."

"C'est sympa de te revoir", dit Kathyln, avec un sourire si faible que je l'ai presque pris pour un tic.

Nous avons fini par nous installer tous les trois autour d'une table de patio à proximité. Je n'étais pas particulièrement proche d'eux, mais nous avons rapidement tissé des liens avec notre ami commun, Arthur.

Ils avaient tous beaucoup à dire sur lui et nous avons rapidement partagé des rires et des histoires sur ses exploits.

"Il a toujours l'air si posé et mature", a dit Claire. "Et puis je le vois faire des choses bizarres, comme se battre avec son lien pour la viande dans son assiette à la cafétéria."

" Ne m'en parle pas. Je le connais depuis plus de dix ans et je n'arrive toujours pas à savoir ce qu'il pense", ai-je dit, mon esprit revenant à notre dispute dans le donjon.

"Comment était Arthur quand il était plus jeune ?" a demandé Kathyln.

J'ai dû réfléchir un moment avant de répondre. "Je me souviens qu'il était beaucoup plus froid. Il gardait ses distances avec tout le monde. Même lorsque nous riions ensemble et que nous nous taquinions, il semblait toujours faire preuve d'une certaine retenue. Bien sûr, je n'en avais aucune idée à l'époque, mais en regardant en arrière maintenant, Arthur a parcouru un long chemin en tant que personne décente."

"Il y a eu des moments où j'étais vraiment jaloux de lui, cependant", a admis Curtis, l'air légèrement embarrassé.

"Je peux certainement voir comment la plupart des jeunes hommes seraient jaloux de lui quand il s'agit de magie et de combat, mais il est plutôt absent dans d'autres domaines", ai-je répondu.

"Et de quels aspects s'agit-il ?" Claire a fait un sourire sournois. "Peut-être la connaissance du cœur féminin ?"

"Je n'avais rien de précis en tête !" J'ai détourné le regard, espérant que le ciel du soir masquerait mes joues brûlantes.

Claire a tourné la tête vers la princesse silencieuse. "Ta plus redoutable rivale en amour ne peut même pas admettre ses sentiments, Kathyln."

"Quoi ? Rivale en amour ?" Curtis s'est exclamé, se tournant également vers sa sœur. "Qui ? Arthur ?"

Le visage pâle de la princesse a pris une telle teinte de rouge vif que j'ai craint qu'elle ne s'évanouisse. "Non ! Je veux dire, ça n'a pas d'importance. Je pense qu'Arthur convient bien mieux à la princesse Tessia."

"Ça ne suffira pas !" Claire a continué à me taquiner. "Tu ne peux pas abandonner sans te battre."

Curtis s'est jeté à l'eau, sermonnant sa sœur sur le fait qu'elle était trop jeune pour sortir avec quelqu'un, tandis que Kathyln niait tout ce que Claire disait et me lançait des regards rapides et incertains.

J'ai souri, mais j'ai aussi regardé la princesse assise en face de moi. De grands yeux sombres aux cils longs et épais, sur un visage si petit qu'on pourrait le couvrir d'une main. Un teint laiteux et un corps si petit et délicat que même moi j'avais envie de la protéger. Outre le fait qu'elle était une conjurer déviante extrêmement douée, elle n'avait aucun défaut.

Je me demande si Arthur préfère le type mignon et réservé.

"Tessia ?"

Je suis sortie de mes pensées au son de la voix de Curtis. "Ah, désolé. Je pensais à autre chose."

"C'est pas grave. J'étais juste curieuse de savoir où était Arthur. Je ne l'ai vu nulle part."

"Je l'ai vu ce matin", ai-je répondu. "Il était toujours en convalescence donc je ne pensais pas

qu'il ne pourrait pas venir à l'événement, mais il s'avère qu'il sera là." "Arthur a été blessé ?" a lâché Kathyln, surprenant son frère et Claire.

J'ai hoché la tête. "Il va bien maintenant. On suppose que c'était une sorte de gaffe de sa part, mais j'ai l'impression qu'ils ne me disent pas tout."

"Arthur n'est pas du genre à faire une gaffe pendant un combat", a noté Curtis. "Je me demande ce qui s'est passé."

"Vous savez..." dit Claire, soudainement mélancolique, "J'ai vraiment réussi à accepter ma blessure, mais s'il y a une chose que je regrette, c'est de ne pas avoir pu me battre aux côtés d'Arthur pendant cette guerre."

"Je suis curieux de savoir comment il serait, moi aussi. S'il ressemble un tant soit peu à ce qu'il était lors de l'incident à Xyrus, je sais que ça en vaudrait la peine," dit Curtis.

Je repensais au jour où les soldats et moi avions trouvé Arthur au sommet de la montagne de cadavres. Ces souvenirs me donnaient encore des frissons. C'était une partie d'Arthur que je n'aurais pas hésité à ne plus jamais voir.

Nous avons continué notre conversation jusqu'à ce qu'il devienne évident, par l'augmentation drastique du niveau de bruit, que quelque chose se passait.

"Je pense qu'il est temps de retourner dans la salle principale", a suggéré Claire en se levant. Nous avons commencé à la suivre dans les escaliers, mais elle s'est soudainement arrêtée.

"Qu'est-ce qui ne va pas ?" J'ai appelé. Elle se tenait rigidement en haut de l'escalier, mais mon inquiétude avait déjà trouvé une réponse lorsque nous l'avons rejointe.

Portant une élégante armure - composée uniquement d'un pauldron et de grèves en mithril - se trouvait la Lance, Varay Aurae, autrement connue sous le nom de Zero.

"Maître." Kathyln s'est immédiatement inclinée. "Général Varay", ai-je dit en guise de salut.

"Bonsoir." Elle a hoché la tête, ses yeux bruns pointus allant de Kathyln à son frère et revenant vers moi. "Je suis ici pour vous escorter tous les trois pendant l'événement de ce soir. Bien sûr, Mlle Bladeheart est la bienvenue parmi vous."

"Claire. Est-ce que tu vas bien ?" J'ai demandé, en la secouant doucement. Faisant un pas en arrière, elle s'est tournée vers moi avec un sourire en coin. "O-Ouais. C'est juste que, comme je ne peux plus utiliser le mana, l'aura du

général Varay, même supprimée, m'a paralysée pendant une seconde.

Je vais bien maintenant", s'est-elle empressée d'ajouter, voyant les expressions inquiètes sur nos visages.

Nous sommes retournés à l'intérieur, mais mes pensées allaient à Claire et à toutes les choses que nous avions toujours considérées comme acquises, des choses qu'elle était maintenant incapable de faire.

"Même dans un endroit comme celui-ci, ils se distinguent", a murmuré une voix à quelques mètres de là, me tirant de mes pensées.

"Tu dois vraiment les évaluer selon des critères complètement différents", a murmuré une autre voix, cette fois plus proche. "Et moi qui pensais que les filles de Kalberk étaient jolies."

"Tu aimes ces dames bien élevées ?" répondit son ami. "J'ai entendu dire que les filles de Blackbend sont plus 'volontaires', si tu vois ce que je veux dire." Son ami a caché un ricanement derrière un poing ganté, mais il s'est immédiatement figé lorsqu'il a réalisé que mes yeux étaient braqués sur lui. J'ai réprimé l'envie de les réprimander ; dans le passé, je l'aurais probablement fait - et à un volume que tout le monde pouvait entendre - mais ce n'était pas quelque chose de nouveau, et ça ne valait pas la peine de faire une scène. D'ailleurs, mon regard était suffisant pour le faire taire pour le moment.

Inutile de dire que, marchant aux côtés du Général Varay avec Curtis, Kathyln, et le mystérieux enfant Bladeheart qui, jusqu'à présent, n'avait pas été vu depuis l'incident de Xyrus, j'ai tourné les têtes à gauche et à droite. En regardant autour de moi, j'ai pu voir des hommes de familles nobles donner un coup de coude à leurs compagnons, essayant d'être discrets - de la même façon que les filles essayaient d'être discrètes pendant qu'elles reluquaient Curtis.

Lui et Darvus portaient des styles vestimentaires très similaires, mais les deux ne pouvaient pas avoir l'air plus différents. Alors que Darvus - avec ses cheveux gominés et sa tenue ornée d'un peu trop d'or - ressemblait plus à un voyou surhabillé qu'à un noble, il ne faisait aucun doute pour personne ici que Curtis était de la royauté.

En traversant le hall rempli de nobles qui nous regardaient fixement, j'étais reconnaissante d'avoir le général Varay à nos côtés. Même les nobles les plus audacieux n'osaient pas faire un pas dans notre direction avec une Lance à nos côtés.

Claire s'est penchée vers moi. "Comment faites-vous pour vous habituer à toute cette attention ? C'est absolument angoissant."

J'ai souri et chuchoté en retour, "Ne trébuche pas sur tes propres pieds." "Super." Elle a baissé les yeux. "Maintenant, je fais attention à ma démarche."

En arrivant près de l'avant de la scène, j'ai aperçu mes parents, ainsi que le reste du Conseil, assis contre le mur. Soudain, la salle entière s'est assombrie. Des halètements de surprise et des murmures de confusion ont éclaté. Bien que je ne sois pas capable d'améliorer ma vision comme les augmenters, l'assimilation avec le gardien du bois ancien avait grandement amélioré mes sens, au point que je pouvais voir les membres du Conseil s'échanger des regards perplexes.

La plupart des gens semblaient supposer que cela faisait partie de l'événement. Le bruit à l'intérieur de la salle s'est lentement atténué jusqu'à ce que l'on entende seulement le doux bruissement des vêtements.

Des bruits de pas ont résonné sur la scène en bois, créant encore plus de suspense parmi les invités. Puis un artefact lumineux, flottant au-dessus de la scène, s'est activé pour révéler mon grand-père, désormais debout dans une colonne de lumière.

"Merci à tous d'avoir attendu !" Sa voix tranchante sonnait avec autorité, suscitant les applaudissements des nobles, mais je ne pouvais que gémir d'embarras.

Tout le monde semblait aimer les effets théâtraux, mais je les trouvais de mauvais goût. Mon grand-père, la plus haute autorité de Dicathen pendant cette guerre, s'était certainement habillé pour le rôle, avec une riche robe bordeaux embellie de garnitures en or et de bijoux noirs étincelants. Même ses cheveux semblaient briller comme des perles - probablement grâce à l'éclairage - et il se tenait droit, les mains jointes derrière lui.

Après que les applaudissements se soient tus, mon grand-père a pris la parole. "Tout d'abord, laissez-moi m'excuser auprès de tout le monde ici. Je sais que peu de choses ont été dites sur le but de cet événement. Cela a été fait intentionnellement - pas pour la sécurité, et certainement pas pour la sûreté. Non, cela a été fait dans le but de surprendre chaque personne présente aujourd'hui."

Les têtes se tournèrent alors que les nobles se regardaient les uns les autres avec confusion, ne sachant pas s'ils avaient bien entendu.

"Oui, vous avez tous bien entendu", a-t-il gloussé. "Une bonne nouvelle - sous la forme d'une surprise - est quelque chose dont nous avons tous besoin en ces temps difficiles." Des murmures d'accord ont résonné autour de nous. "Donc, puisque je vous ai fait attendre assez longtemps, permettez-moi de vous présenter notre première étape vers la victoire dans cette guerre ! Nous sommes réunis aujourd'hui pour féliciter la personne responsable de l'éradication d'un pouvoir central du camp ennemi - un serviteur !" Mon grand-père a fait un pas sur le côté alors qu'un vrombissement se faisait entendre en bas. La scène s'est divisée en deux et une figure effroyable, enfermée dans une tombe de glace, est apparue.

Les nobles les plus proches de la scène ont tous fait quelques pas en arrière, certains des plus faibles ont même trébuché.

Tombant dans la stupeur en regardant le Vritra, j'ai senti quelqu'un me tirer le bras. En me retournant, j'ai vu Claire qui parvenait à peine à rester debout, le visage d'un blanc mortel. "Claire ?"

Je me suis empressé d'attraper mon amie par la taille pour la maintenir debout. "Tu veux aller plus loin ?"

"Non." Elle a secoué la tête. "Je dois être capable d'endurer au moins tout ça." Cela m'a fait mal de la voir si désemparée - surtout parce que c'était quelqu'un que j'avais autrefois admiré - mais je l'ai laissée faire et je me suis retourné vers la scène. Si elle était capable d'émaner une telle aura nocive même après sa mort, je ne pouvais qu'imaginer à quel point elle devait être forte de son vivant.

Alors que je regardais avec émerveillement et horreur ce spectacle, une pensée m'a frappé.

Le Vritra avait été encastré dans la glace, à tel point que je sentais son froid d'ici. J'ai instinctivement regardé le Général Varay, mais elle semblait aussi stupéfaite que tout le monde dans la pièce.

Et son regard n'était pas fixé sur le monstre défiguré.

J'ai jeté un coup d'oeil à la scène et j'ai vu une autre personne venant de l'arrière, cachée dans l'ombre derrière la colonne de lumière qui éclairait le serviteur retenue dans la glace.

J'aurais dû m'attendre à quelque chose comme ça, après toutes ces années, mais ce n'était pas le cas. J'étais aussi stupéfait que le Général Varay, et que tout le monde dans cette salle, quand Arthur est apparu aux yeux de tous.

167

SIGNIFICATION

Tout le monde dans la salle a retenu son souffle quand Arthur est apparu, et a attendu en silence qu'il parle.

Il se tenait debout sans rien dire et regardait la galerie extérieure du haut de la scène. Chaque personne présente semblait fascinée par l'image de son héros qui se tenait devant elle, baigné de lumière, posant de façon spectaculaire à côté du bloc de glace.

J'avais vu Arthur quelques heures auparavant, et j'étais stupéfait de voir à quel point il était différent maintenant. Ses longs cheveux auburn étaient attachés de façon relâchée en un nœud. Au lieu de la tenue formelle habituelle des humains, il portait une robe décorative soyeuse comme nous, les elfes. Cependant, contrairement à nos vêtements traditionnels, les manches amples de sa robe dépassaient à peine ses coudes, et les parties visibles de ses bras étaient couvertes par des gants fins et ajustés. Pour compléter cet ensemble raffiné, une riche fourrure, blanche comme la neige, était portée en bandoulière.

Il n'y avait pas si longtemps qu'il était apparu à la face du monde, paré d'une armure extravagante qui avait ébloui tous ceux qui étaient venus le voir. Maintenant, en le voyant là-haut, debout dans la colonne de lumière dans son élégant costume, il ne semblait pas seulement éblouissant. Il dégageait une atmosphère d'un autre monde que je n'avais ressentie qu'en présence de Maître Aldir.

J'étais distrait par sa transformation, et ce n'est que lorsqu'Arthur a tourné la tête, regardant profondément le serviteur Vritra enfermé dans la glace, que j'ai réalisé que les brûlures rouges qui avaient marqué son cou n'étaient plus visibles.

Il s'est retourné pour nous faire face avant de parler, d'une voix basse et posée.

"Exposer un cadavre comme une sorte de trophée ou de souvenir pour que les masses puissent le contempler est quelque chose que je désapprouve profondément, mais ceux d'entre vous qui participent à cet événement ce soir ne font pas partie des masses. Chaque noble ici présent sait que les travailleurs, les civils et les habitants de vos terres attendent impatiemment des nouvelles concernant cette guerre - jusqu'à présent, de vagues hypothèses et des théories sans fondement étaient les seules choses que vous pouviez leur donner."

Arthur a fait une pause, mais la foule est restée silencieuse, attendant patiemment qu'il reprenne la parole. "Né dans un milieu modeste, j'ai pu me hisser là où je suis aujourd'hui grâce à ma famille - ainsi qu'aux amis que j'ai rencontrés en cours de route. Je suis maintenant une Lance, et la plus jeune en plus, mais je ne suis pas la plus forte. Les Lances, dont certaines se battent en ce moment même, sont bien plus puissantes que moi. Pourtant, j'ai été capable de vaincre un serviteur, l'une des plus grandes puissances de l'armée d'Alacrya."

Arthur fit une nouvelle pause, et des murmures excités commencèrent à résonner dans la foule. Je me suis rendu compte que sa façon de parler était intentionnelle. Il avait un an de moins que moi, et avec son passé, on ne lui avait ni appris ni préparé des choses comme les discours ou les complexités des apparitions publiques, pourtant il utilisait chaque souffle, mot, pause et geste pour prendre parfaitement le contrôle de la foule.

"Comme vous pouvez le constater, je n'ai subi aucune blessure lors de mon combat contre cette force soi-disant puissante, et je suis en assez bonne santé pour bavarder ainsi au milieu d'une foule de nobles", dit-il avec un sourire, suscitant les rires de tous ceux qui m'entourent.

Posant l'une de ses mains gantées sur le tombeau de glace, il dirigea son regard vers l'endroit où le Conseil était assis. "Ce n'est pas seulement mon offrande au Conseil, qui m'a accordé ce rôle, mais c'est aussi un cadeau que j'espère que vous pourrez tous ramener chez vous et partager avec votre peuple - de manière imagée, bien sûr."

Des acclamations et des rires ont éclaté après qu'Arthur se soit incliné, signalant la fin de son discours. Les artefacts lumineux se sont rallumés quand Arthur a quitté la scène et que mon grand-père a pris sa place. "N'hésitez pas à aller voir de plus près le Vritra, et j'espère que vous apprécierez le reste de la soirée." Sur ce, quelques gardes ont remplacé mon grand-père sur la scène, et la foule s'est mise à bavarder et à se déplacer dans tous les sens.

Le Conseil est arrivé le premier. Bien qu'ils aient essayé de cacher leur étonnement, il était évident à leurs expressions que c'était la première fois que l'un d'entre eux voyait le cadavre. Je regardais mes parents, ainsi que les anciens Glayders, étudier la tombe gelée. Seul l'aîné des nains, Rahdeas, gardait ses distances, son expression subtilement tendue.

"Princesse Tessia, voulez-vous que je vous accompagne jusqu'au cadavre ?" demanda le général Varay, une rare pointe d'anticipation dans son regard acéré.

Je ne voulais pas décevoir la Lance, alors Curtis, Kathyln, Claire et moi l'avons suivie vers la scène où les nobles commençaient déjà à entourer la Vritra gelée.

En arrivant devant, j'ai regardé les soldats qui montaient la garde et j'ai examiné le cadavre dans la glace. Il m'était difficile de regarder le Vritra trop longtemps. En termes d'attributs physiques, il-elle avait l'air humain, mais regarder les deux cavités creuses où auraient dû se trouver ses yeux me remplissait d'une peur qui ne pouvait être bloquée par le mana.

J'ai regardé Varay qui fixait intensément tous les angles du Vritra, ses mains se déplaçant le long de la tombe de glace tandis que Claire étudiait le cadavre avec lassitude. Soudainement, je me suis souvenu.

"Claire." J'ai doucement tiré sur sa manche. "Attends ici ! Laisse-moi aller chercher Arthur !"

"Quoi ? Tessia, non..."

Ignorant Claire, je me suis rapidement dirigée vers l'arrière de la scène, derrière les rideaux.

"Cette zone est interdite..." La gardienne postée derrière la scène a reculé de quelques pas en me reconnaissant. "Princesse Tessia ?"

J'ai souri, inventant rapidement une excuse. "Mon grand-père m'attend."

Le regard de la garde s'est dirigé vers l'escalier étroit à côté d'elle. "Le général Arthur et le commandant Virion m'ont ordonné de ne laisser personne descendre ces escaliers, pas même le reste du Conseil", a-t-elle répondu avec hésitation.

"Je sais. Ils m'ont dit de ne pas dire non plus au Conseil que je suis ici", ai-je menti. "Maintenant, s'il te plaît, ils m'attendent."

Elle a hésité un moment de plus, puis s'est écartée d'un signe de tête, me faisant signe de descendre.

Je ne l'ai pas remerciée, ça aurait été suspect. J'ai juste fait un signe de tête en retour et j'ai descendu l'escalier.

Il était assez large pour une seule personne à la fois, et semblait descendre en spirale sans fin. L'escalier était si long et répétitif qu'il aurait semblé être une illusion sans les légères nuances dans le design de chacun des artefacts lumineux.

J'ai calmé mes pas avec la magie du vent alors que je descendais les escaliers. Je savais que ce que je faisais était mal, même s'il n'y avait qu'Arthur et mon grand-père.

-mais j'étais trop curieuse de savoir quelles étaient ces affaires importantes et pourquoi ils devaient les garder secrètes, même pour le Conseil.

Une fois que j'ai été assez proche pour entendre de faibles voix murmurer derrière des portes fermées, j'ai retiré ma magie. Grand-père et Arthur étaient tous deux étrangement sensibles aux fluctuations du mana, donc si je voulais écouter aux portes, je devais me fier à mon ouïe. Grâce à l'amélioration de mes sens après l'assimilation de ma volonté de bête, j'ai été capable de comprendre ce qu'ils disaient. D'après ce que j'ai entendu, l'artificier Gideon était également présent.

"Ne te force pas, morveux", a grogné mon grand-père.

"Je vais bien. Je n'ai pas eu besoin d'utiliser la magie, donc c'est juste de la fatigue physique plus qu'autre chose," répondit Arthur. Sa voix était faible, comparé à la façon dont il avait parlé sur scène. "Cette pâte est plutôt étouffante cependant."

"Il vaut mieux ne pas toucher ton cou, ou ça s'estompera plus vite", murmura Gideon. " Tu ne voudrais pas que tes cicatrices se voient pendant la fête ". "D'accord", répondit Arthur, la voix tendue comme une corde d'arc. "Je dois

quand même retourner là-bas."

"Bien sûr que tu dois y retourner. Tu es la star de l'événement", a répondu Grand-père. "Ton discours a été assez convaincant, alors il ne sera peut-être pas nécessaire que tu restes jusqu'à la fin".

"Bien. Gideon, comment s'est passé l'enregistrement ?" demanda Arthur. "C'était un tracas d'essayer de capturer les images aux moments exacts que tu as spécifiés. Il y a encore un peu de retard entre le moment où j'appuie sur le

déclencheur et celui où l'image est - attendez, laissez-moi prendre note de

cela afin que je puisse le corriger."

"Concentre-toi, Gideon", a dit Arthur, d'une voix impatiente.

"Je sais que tu viens d'avoir tes jambes déchirées et reconstituées de force, mais ce n'est pas une excuse pour être grincheux avec moi", grommela Gideon. "Quoi qu'il en soit, j'ai pu capturer les images du visage de Rahdeas quand Virion a annoncé le Vritra, puis quand Arthur est apparu, et quand Arthur a dit qu'il n'avait pas été blessé," fit remarquer Gideon.

" Laisse-moi voir ça ", a dit mon grand-père. "Que regarde Rahdeas sur cette photo ?"

"Pas quoi, qui", a répondu Arthur. "Il regarde le général Varay, qui était dans la foule. J'ai suggéré au père de Tessia que la Lance s'occupe des enfants royaux."

"Donc Rahdeas pensait que le Général Varay était celui qui avait tué le Vritra

?" Gideon a demandé.

"Attends. C'est pour ça que tu as congelé le corps du serviteur ? Pour lui faire croire que c'était Varay ?" Mon grand-père avait l'air surpris.

" Je voulais qu'il pense qu'il avait fallu la Lance la plus puissante pour tuer l'une des forces les plus puissantes de l'armée alacryenne avant qu'il ne soit révélé que je l'avais tuée ", expliqua Arthur.

"Tu as toujours quelques tours dans tes manches, n'est-ce pas ?" a dit mon grand-père, une touche de fierté dans la voix.

"Regarde le visage de Rahdeas quand il a vu pour la première fois le Vritra surgir encastré dans la glace.

Il est surpris et regarde immédiatement vers Varay", a souligné l'artificier. "Puis regardez cette image, après qu'Arthur soit apparu, et ensuite quand Arthur a annoncé que lui, le plus faible des Lances, avait botté le cul du serviteur sans même subir une blessure."

"Choc et colère", a noté mon grand-père. "La plupart des gens seraient surpris et de plus en plus heureux d'apprendre que la plus faible des Lances est plus forte que l'une des supposées grandes puissances alacryennes."

"Cela ne prouve toujours pas que Rahdeas aide activement les Alacryens, mais cela nous donne une bonne idée de sa position sur tout cela", ajouta Arthur. "Nous en serons sûrs lors de la prochaine bataille quand..."

La voix d'Arthur s'est éteinte. Je ne pouvais plus entendre aucun d'entre eux. Le Seigneur Rahdeas aide les Alacryens ?

J'avais besoin d'en savoir plus. Que prévoyait Arthur pour cette prochaine bataille ?

J'ai descendu quelques marches de plus pour me rapprocher, mais je ne les entendais toujours pas. Bon sang. Je savais que c'était risqué, mais j'ai décidé de tenter ma chance, en espérant que l'état de faiblesse d'Arthur me permettrait d'utiliser un tout petit peu de magie. Cependant, avant que je puisse le faire, une poussée de mana a éclaté devant moi, et j'ai couvert mon visage avec mes bras par instinct.

"Donc, nous avions une petite souris qui se cachait derrière notre porte." Mon estomac s'est enfoncé quand j'ai réalisé que la voix d'Arthur était maintenant à quelques centimètres de moi.

"Surprise", ai-je dit faiblement.

ARTHUR LEYWIN

J'ai beaucoup apprécié l'expression de surprise sur le visage de Tessia quand elle a réalisé qu'elle avait été prise. Virion, juste derrière moi, a grommelé un juron dans son souffle lorsqu'il a réalisé que c'était sa propre petite-fille qui avait écouté aux portes.

"Tu sais, les garçons n'aiment pas les filles qui fouinent comme ça", plaisanta Gideon.

Tess a jeté un coup d'œil sur moi avant de détourner le regard. "Je ne fouinais pas. Je suis revenue ici pour chercher Arthur et le garde m'a laissé entrer assez facilement."

"Oui, je suis sûr que le garde l'a fait", a répondu Virion, puis a jeté une barrière autour de nous quatre. "Maintenant, qu'as-tu entendu ?"

"Assez," répondit-elle, son expression devenant sérieuse. "Est-ce que le Seigneur Rahdeas est vraiment..."

"Nous n'en sommes pas encore sûrs", ai-je ajouté. "Il est trop tôt pour faire des suppositions ou agir sur la base des informations que nous avons recueillies jusqu'à présent."

Son regard s'est baissé. "Je vois."

"Y a-t-il autre chose que nous devons revoir, Virion ?" J'ai regardé le vieil elfe par-dessus mon épaule.

"Je pense que nous avons assez secoué Rahdeas pour aujourd'hui. Bon travail, morveux," répondit Virion d'un signe de tête.

Je me suis retourné vers Tess. "Alors voudrais-tu m'accompagner pour le reste de la soirée ?"

Elle fut d'abord décontenancée, puis son visage s'illumina d'un sourire éclatant. "Bien sûr !" Nous sommes remontés dans les escaliers, où nous avons été accueillis par une musique et des rires animés, ainsi que par le tintement fréquent des verres.

"L'ambiance est devenue festive", ai-je noté.

Tessia a négligemment passé son bras par-dessous le mien. "Si je ne fais pas ça, tous les nobles à portée de vue vont essayer de m'inviter à danser ou à boire un verre avec eux", a-t-elle expliqué en regardant ailleurs.

"Tous les nobles, hein ?" Je l'ai taquiné. "Mon amie d'enfance timide est devenu très sûr d'elle."

Elle a resserré sa prise sur mon bras, le pinçant alors qu'elle saluait les nobles voisins qui la saluaient.

Incapable d'exprimer ma douleur devant tant d'yeux, je me suis penché vers elle, lui arrachant les doigts de mon bras en murmurant : "Toujours la même Tessia, qui a recours à la violence, je vois."

"C'est parce que seule la violence semble fonctionner sur quelqu'un d'aussi lent que vous,

Général," répondit-elle avec un sourire feint.

Alors que nous marchions dans la grande salle ouverte du groupe, j'ai été salué à gauche

et à droite par des nobles de toutes les villes de Dicathen. Malgré ses bouffonneries enfantines, Tess a été d'une grande aide tout au long de la soirée. Elle m'a indiqué les invités notables que je devais saluer et avec lesquels je devais partager un verre, et d'autres qui se contenteraient d'un simple salut sincère.

Bien que j'aie eu l'expérience de ce genre d'événements dans ma vie antérieure, je ne connaissais que très peu la politique des trois royaumes. Tess, en revanche, savait exactement qui était important, et connaissait leurs différentes personnalités. En menant subtilement les conversations et en les gardant brèves, tout en s'assurant de n'offenser personne, Tess a rendu ma nuit beaucoup plus facile.

Le seul inconvénient à l'avoir à mes côtés était peut-être le regard occasionnel et le pincement qu'elle me lançait chaque fois qu'elle me surprenait à rendre un sourire aux nombreuses dames qui me saluaient.

Elle semblait penser que je ne devais faire preuve de courtoisie qu'envers les membres de la société qui ne faisaient pas partie de mes fréquentations potentielles.

"Frère !" Ellie a appelé de la foule.

En regardant autour de moi, je l'ai aperçue : elle agitait le bras avec enthousiasme au milieu d'un groupe d'amis. Même d'ici, je pouvais voir le collier scintillant qu'elle portait, incrusté du noyau rose d'un phoenix wyrm que j'avais obtenu pour elle et mère. J'ai salué en retour, et je me suis dirigé vers eux. Quand j'ai atteint le groupe, ma sœur a, de façon inattendue, enroulé ses bras autour de ma taille.

"Ellie ?" J'ai dit, étonné.

"C'est vraiment ton frère !" balbutia une fille à nattes en robe bouffante en tirant sur la manche d'Ellie.

"Les filles, j'aimerais vous présenter mon frère Arthur et la princesse Tessia", annonça Ellie en gonflant sa poitrine et en entourant mon bras libre.

"C'est un honneur, Général Arthur ! Princesse Tessia !" a dit une fille aux cheveux bouclés dans une robe blanche trop embellie.

"Vous étiez si cool là-haut, général Arthur", s'exclama une autre fille, en se rapprochant de nous. "C'est vrai que vous n'avez pas été blessé du tout quand vous avez battu le serviteur ?"

En regardant les regards pétillants de ces petites filles, je me suis soudain senti gêné.

"Aussi joli et fragile qu'il puisse paraître, c'est en fait l'un des mages les plus forts de tout Dicathen", a répondu Tess à ma place.

"Tu as de la chance de l'avoir comme frère", a déclaré jalousement une petite fille aux cheveux bouclés et à la robe à froufrous. "Mon frère aîné n'a pas pu entrer à Xyrus, alors il va dans une académie sans nom à Carn, et mon père a envoyé mon deuxième frère se battre pendant la guerre après qu'il ait causé des problèmes avec la fille d'un autre noble."

J'ai regardé en silence ma sœur qui reprenait ses bavardages avec ses amies. C'était un soulagement de la voir rire et sourire, au lieu de verser des larmes à cause de mes blessures et de l'éloignement de nos parents.

Après avoir donné un autre câlin à ma sœur, Tess et moi nous sommes éloignées de son groupe. "C'est drôle comme ma sœur trouve toujours le besoin de me présenter à tous ceux qu'elle connaît ", ai-je dit en souriant. "Même lors de la fête de son septième anniversaire au manoir Helstea, elle l'a dit à toutes ses amies."

"Elle veut juste exhiber son grand frère", a ricané Tess en s'accrochant légèrement à mon bras. "Même les filles de son âge aiment bavarder et se vanter de ce qu'elles ont, et pour Ellie, son seul et unique frère est une grande source de fierté."

"Eh bien, je suis juste contente qu'elle semble être entourée de filles."

"Je suis sûre que ta sœur est plutôt populaire auprès des garçons", a taquiné Tessia.

Je me suis figée, jetant un coup d'œil à ma sœur et à ses amies, juste à temps pour voir un petit groupe de garçons nobles s'approcher d'elles.

Tess a tiré sur mon bras. "Viens maintenant ; ne sois pas autoritaire."

Mes yeux se sont dirigés vers le fond de la salle, où un grand ours brun rongeait un os épais. Comme s'il avait senti mon regard, Boo m'a fixé avec des yeux intelligents. J'ai secoué la tête, pointant vers Ellie et son groupe.

Boo s'est retourné, et après avoir remarqué le groupe de garçons, a hoché la tête une fois. J'ai hoché la tête en retour.

Il savait ce qui devait être fait.

"Qu'est-ce que tu fais ?" Tess a demandé alors que je faisais demi-tour et que je continuais à avancer dans la pièce.

Derrière moi, j'ai entendu un fort grognement et les cris effrayés de petits garçons. "Rien."

Après avoir salué quelques nobles supplémentaires, je me suis excusé et j'ai trouvé une chaise, où je me suis affalé pour me reposer. Mes jambes étaient sur le point de trembler, mais j'étais quand même satisfait de la façon dont elles avaient guéri.

Tess semblait chercher quelqu'un, étirant son cou en se mettant sur la pointe des pieds pour voir par-dessus les gens autour de nous.

"Attends ici", a-t-elle lâché, avant de s'enfuir dans la foule. Au bout d'un moment, je l'ai vue revenir avec le général Varay à ses côtés, un air abattu sur le visage.

"Général", l'ai-je salué en me levant de mon siège.

"Général", m'a-t-elle répondu sèchement, ses yeux m'examinant.

"Je suis vraiment désolée, Arthur," s'est excusée Tess. "Le Général Varay a dit qu'elle était partie. Elle ne voulait pas te voir."

"De quoi parle-tu ?" J'ai répondu. "Qui ne voulait pas me voir ?"

Tess a poussé un profond soupir. "Claire Bladeheart. Elle était ici aujourd'hui."

168

LA CONFIDENCE DE

ARTHUR LEYWIN

"De combien de troupes avez-vous besoin ?" demanda le roi Blaine alors que nous étudiions la carte détaillée étalée sur la table ronde.

"Trois-non-deux divisions devraient suffire", ai-je répondu.

"Général Arthur, c'est sur la côte ouest que nous devons affecter la plupart de nos forces", a rétorqué Rahdeas en plaçant son doigt près d'Etistin et de Telmore. "Envoyer près de vingt mille soldats au nord rendra cette région trop vulnérable".

"Je dois être d'accord avec l'aîné Rahdeas," ajouta le roi Alduin. "Il y a plusieurs batailles près de la côte qui se déroulent depuis des jours. Retirer ne serait-ce qu'une seule division ferait pencher la balance en faveur de l'ennemi."

La reine Priscilla a enroulé le parchemin de transmission qu'elle lisait. "Nous sommes toujours en train d'évacuer les civils de Telmore et d'Etistin. Si les forces sur la côte sont retirées, nos troupes seront repoussées et les batailles se déplaceront vers les villes."

"Commandant, nous pouvons peut-être envoyer certaines des troupes elfes stationnées près de la cité d'Asyphin vers le bord de la frontière. Deux divisions semblent faisables", a conseillé la reine Merial, les sourcils froncés en signe d'inquiétude.

Assis en face de moi, Virion a tourné son regard vers les Lances, toutes debout derrière leurs détenteurs d'artefacts respectifs. "Généraux ? Qu'en pensez-vous ?"

"Les vagues soupçons du général Arthur, fondés sur les vagues preuves de ce qu'il pense avoir "vu", ne justifient pas le sacrifice d'une ou deux villes." Le général Bairon a presque craché les mots.

"Le ton méchant de Bairon mis à part, il marque un point," dit Mica, la femme naine de Lance, qui ne semblait pas plus âgée que ma sœur. "Déplacer autant de troupes sur quelques centaines de kilomètres prendra du temps, même avec l'aide des portes de téléportation".

"Général Aya ? Général Varay ? Général Olfred ?" demanda Virion. "Etes- vous tous d'accord ?"

Le Général Olfred, le plus ancien des Lances, acquiesce. "C'est un trop grand risque."

"Désolé, Général," chuchota la Lance elfe à côté de moi avant de prendre la parole. "Je suis d'accord, ce n'est pas sage."

Nous avons tous regardé Varay, qui était le seul Lance ici que je n'étais pas sûr de pouvoir vaincre.

"Si l'affirmation du Général Arthur est vraie, le bon choix serait d'envoyer deux divisions, si ce n'est plus, au nord ", a répondu sèchement le Lance.

C'était surprenant d'avoir le soutien du Général Varay, mais cela jouait contre moi dans ce cas. Cependant, Virion a profité de ses paroles pour introduire l'idée que je désirais vraiment suivre.

"Le Général Varay a raison de dire que, si ce que le Général Arthur affirme est vrai, des troupes doivent être envoyées. Après tout, il n'y a eu qu'une seule observation d'un serviteur depuis le début de la guerre - si un serviteur et une Faux mènent cette prochaine attaque, les dommages seraient catastrophiques sans mesures appropriées."

Tout le monde a acquiescé.

"Par conséquent," Virion a fait une pause, ses yeux passant d'une Lance à l'autre, "Je propose que nous envoyions deux Lances avec le Général Arthur pour enquêter pour savoir si oui ou non il y aura une attaque majeure menée par un serviteur et une Faux au nord."

Le reste du conseil a échangé des regards, chacun d'entre eux attendant que quelqu'un vienne avec un contre argument.

"Commandant." Le roi Blaine a pris la parole. "Les Lances sont les figures centrales des divisions qui se battent en ce moment. Si elles sont absentes trop longtemps, le moral va baisser. Et si un serviteur ou une Faux se montre dans la bataille…"

"Roi Glayder," Virion a interrompu, son regard perçant a transpercé le roi humain. "Pourquoi pensez-vous que les Lances se sont abstenues de participer à la plupart des batailles jusqu'à présent ?"

Le roi aux cheveux rouges est resté silencieux.

"C'est très simple. Cela n'en vaut pas la peine," continua Virion. "Les sorts destructeurs à grande échelle lancés par n'importe laquelle de nos lances tueraient non seulement l'armée de l'ennemi, mais aussi la nôtre. Même si nous devions tous battre en retraite, c'est notre terre natale. Les terres seront détruites et rendues inhabitables. Même si les Lances retenaient leur pouvoir et se battaient avec les soldats sur le terrain, épée en main, il y aurait toujours des pertes et des morts, sans compter le risque d'attirer les serviteurs ou les Faux des Alacryens.

"Gardez toujours à l'esprit, lorsque vous vous battez, que nos citoyens doivent vivre sur cette terre. Le but est de gagner cette guerre, mais nous devons aussi préserver autant que possible notre civilisation." Le regard autoritaire de Virion passa d'un souverain à l'autre, dirigeant cette leçon vers toutes les personnes présentes dans la pièce. "Ceci étant dit, si nous pouvons éviter une bataille à grande échelle, avec des Scythes et des serviteurs combattant dans l'autre camp, en envoyant simplement deux Lances, alors je dirais que c'est un petit prix à payer. Nos troupes peuvent tenir quelques jours sans que leurs chefs ne leur tiennent la main."

Bien que la réticence du Conseil était évidente sur leurs visages, ils ont lentement hoché la tête en signe d'accord.

Virion a serré ses mains l'une contre l'autre avec un sourire. "Bien. Maintenant, quelles sont les deux Lances qui accompagneront Arthur dans cette enquête au nord ?"

Une main fine se leva de l'autre côté de la table. "Le Seigneur Aldir est le détenteur de l'artefact de mes deux Lances. Bien qu'il ne soit pas ici, je pense qu'il est prudent de supposer que je peux me porter volontaire pour les envoyer avec Arthur."

J'ai résisté à l'envie de sourire. Tout se passait comme je l'avais prévu.

Virion a également joué la carte de la discrétion, comme s'il réfléchissait à la décision de Rahdeas.

"En effet ! Puisque le Seigneur Aldir n'est pas présent, je pense qu'il est plus raisonnable de placer les Lances naines sous le commandement de l'Ancien Rahdeas," appuya le Roi Blaine.

"Les batailles se déroulent à Sapin, donc je suis d'accord pour dire qu'envoyer le général Olfred et le général Mica serait l'option idéale," ajouta la reine Merial.

Virion acquiesça lentement, comme s'il était presque réticent. "Très bien. Le Général Olfred et le Général Mica, temporairement sous le commandement de l'Ancien Rahdeas, se dirigeront vers le nord avec le Général Arthur pour enquêter sur la possibilité qu'un serviteur et une Faux préparent une attaque." Les deux Lances naines se sont inclinées respectueusement, tout comme moi.

"C'est une mission de reconnaissance, mais je laisse la situation à votre meilleur jugement. La priorité est de ne pas alerter nos ennemis, surtout si un serviteur ou une Faux est présent. Si les circonstances permettent une réelle chance d'éviter une bataille à grande échelle, vous pouvez engager le combat. Rappelez-vous, notre priorité est de garder la bataille loin des civils," ajouta Virion. "Préparez-vous à partir demain au lever du soleil. Le reste des Lances, rompez."

En traversant le hall sombre à l'extérieur de la salle de réunion, j'ai pris une profonde inspiration et l'ai relâchée lentement, sentant la tension se libérer de ma poitrine. J'avais toujours détesté les réunions de ce genre - tendues et pleines de manières détournées de dire non ou d'inventer des raisons de ne pas agir à moins d'être certain d'en tirer un avantage personnel. Alors que le Conseil semblait présenter au public un front uni de chefs des trois races, leurs idéaux profondément enracinés et leur égoïsme envers leurs propres royaumes étaient immédiatement visibles lorsque vous entriez dans une réunion du Conseil. L'exécution des Greysunders par Aldir pour leur trahison avait inspiré une certaine crainte aux autres familles royales, mais le roi Glayder, en particulier, était devenu plus audacieux depuis que la guerre avait commencé pour de bon. Seule la force du leadership de Virion permettait de trouver un consensus lors des réunions du Conseil.

Bien que Virion et moi ayons atteint le résultat souhaité, ce n'était que le commencement. Je me suis gratté le cou ; la pâte dissimulatrice de Gideon me démangeait énormément, mais je ne pouvais pas l'enlever avant d'être seul. Malgré l'inconfort, j'avais quelque peu apprécié le reste de la soirée. Mais une chose pesait lourdement sur mon esprit : Claire avait été à la fête.

Elle m'avait vu, mais n'avait pas voulu que je la voie. Je ne l'avais pas vue depuis Xyrus ; le dernier souvenir que j'avais d'elle était la vision de son empalement. J'ai essayé de trouver des raisons pour lesquelles elle m'évitait, mais le bruit de pas derrière moi m'a ramené à la réalité.

"On dirait qu'on va partir en mission ensemble !", m'a dit une voix haut perchée à plusieurs pas derrière moi.

"Général Mica, général Olfred", les ai-je salués poliment en me tournant vers eux.

"Appelez-moi Mica." Le nain enfantin a souri, tandis que le général Olfred a simplement hoché la tête en signe de reconnaissance.

" Je préférerais préserver les formalités ", ai-je dit, refusant gentiment. "Vous êtes mes aînés en tant que Lances, après tout."

"Au moins, le garçon a des manières, malgré sa maigre éducation", a dit le général Olfred en haussant les sourcils.

Mec, on va vraiment s'entendre.

La seule véritable impression que j'ai eue du général Olfred remonte à l'époque où j'ai été emmené au château flottant après l'incident de l'Académie de Xyrus. A l'époque, il m'avait sauvé du frère de Lucas, le Général Bairon. Cependant, il n'avait fait que suivre les ordres.

"Bien, si vous voulez bien m'excuser. Je devrais me reposer un peu pour le long voyage de demain." Je me suis légèrement incliné avant de me retourner vers l'escalier principal.

En montant vers les étages résidentiels, j'ai sondé l'esprit de Sylvie pour voir si elle était réveillée. Voyant que mon lien était profondément endormi, j'ai fait un petit détour.

Lorsque j'ai atteint la chambre au bout du couloir, j'ai frappé à l'épaisse porte en bois.

"J'arrive", m'a dit la voix de Tessia.

La porte s'est ouverte sans un seul grincement, et Tess se tenait de l'autre côté. Elle était habillée d'un vêtement de nuit, mais ses cheveux étaient encore dégoulinants d'eau.

"Tu es en re-Arthur ?" Tess a haleté. "Que fais-tu ici ?" "Désolé." J'ai souri. " Tu attendais quelqu'un ? "

"Oui, Caria était censée venir. Arthur, qu'est-ce qui ne va pas ?", a-t-elle demandé, remarquant mon regard vide.

"Rien. Tu as juste l'air très différente de quand tu étais à l'événement." Tess a enroulé une serviette autour de sa tête en me regardant de travers. "Wow !

Merci de me le faire remarquer !"

Réalisant mon erreur, j'ai rapidement secoué la tête. "Non, je le disais dans le bon sens. Tu ressembles plus à la Tessia avec laquelle j'ai passé trois ans à l'époque."

"Tu dois travailler sur tes compétences en matière de flatterie", a-t-elle dit, le ton plat. "Attends, non, en fait. Ne les travaille pas."

J'ai ri d'un air gêné. " Tu veux faire une petite promenade avec moi ? "

Elle a enfilé une fine robe de chambre par-dessus son vêtement de nuit, et m'a accompagné dans le hall vers le balcon où ma sœur avait installé ses planches cibles. Nous n'avons pas parlé pendant que nous marchions côte à côte. Nos bras n'étaient pas liés comme ils l'avaient été lors de l'événement, mais cela semblait plus intime.

Nous avons atteint la terrasse herbeuse entourée d'arbres, mais nous avons continué à marcher jusqu'à ce que nous soyons tout au bord. Assis contre le tronc épais d'un arbre voisin, j'ai regardé le ciel nocturne. Les nuages en dessous de nous bougeaient lentement, faiblement éclairés par la grande lune au-dessus de nos têtes.

"Les étoiles sont magnifiques", ai-je dit avec admiration. Venant d'un monde où les villes très éclairées masquaient les étoiles, être capable de voir un spectacle aussi serein était une bénédiction que j'avais appris à apprécier. "C'est lors de nuits calmes comme celle-ci que je me demande si une guerre se déroule vraiment en dessous de nous", dit doucement Tess.

"Je viens parfois ici et j'imagine que les nuages en dessous de nous sont l'océan, et que je flotte sans but sur un bateau. Puéril, non ?"

"Je pense que tu as le droit d'être un peu enfantine parfois", ai-je dit. "Tu es à la tête d'une unité entière maintenant. Tu es responsable de la vie des gens que tu diriges. Ce ne sera jamais un fardeau facile à porter, quelle que soit l'expérience que tu acquiers."

" Tu dis ça comme si tu en avais été un ", répondit-elle en rapprochant ses genoux de sa poitrine. "Tu es techniquement un général, mais les Lances ne dirigent pas vraiment des soldats."

" Tu as raison, et à cet égard, j'ai la vie beaucoup plus facile. Le principal devoir d'une Lance est de vaincre à elle seule un ennemi adverse de son propre calibre." Je me suis tourné vers mon ami d'enfance. "Ce qui m'amène à la raison pour laquelle je voulais te voir."

"Est-ce que ça a un rapport avec ce dont tu parlais avec Grand-père et Gideon

?"

"C'était si évident ?"

"Tu n'es pas du genre à faire quelque chose d'aussi sentimental que ça sans raison", a-t-elle fait remarquer. "Tu dois soit partir pour une longue période, soit refaire quelque chose de dangereux, soit les deux."

"Suis-je à ce point un livre ouvert ?" J'ai demandé, en détournant le regard des étoiles et en regardant dans ses yeux pétillants.

"Tu es plus comme un chapitre ouvert." Tess a souri. "Il y a des parties qui sont si évidentes, mais il y a des moments où j'ai l'impression de ne pas te connaître du tout."

"Par exemple ?"

Elle secoue la tête. "Eh bien, pour une chose, je veux savoir comment tu es un tel expert dans tout ce que tu choisis de faire. Quel est ton secret ?"

"Mon secret ?"

"La magie, le combat, l'art, les discours... même l'espionnage et la stratégie militaire", énuméra-t-elle. "Je sais que se plaindre de l'injustice de la situation ne servira à rien. Je suis juste curieuse."

J'ai tenu ma langue. La tentation de tout révéler sur ma vie passée avait grandi à chaque fois que je voyais Tess, mais ce n'était pas le moment. "J'ai juste lu beaucoup de livres quand j'étais plus jeune."

"Je ne sais pas à quoi je m'attendais." Son expression était pleine de doute et de déception, mais elle ne m'a pas interrogé davantage.

"Tess, tu n'as pas besoin d'être si pressée de devenir plus forte. Tu t'en sors bien," je l'ai réconfortée.

"C'est juste frustrant." Elle a dit avec lassitude. "Frustrant ?"

"Je fais de mon mieux pour te rattraper. Mon noyau de mana n'est qu'à un demi-pas du tien, je suis un dompteur de bêtes tout comme toi, et j'ai étudié avec certains des meilleurs professeurs du continent, ainsi qu'avec un asura, tout comme toi. Pourtant, j'ai l'impression que plus je me rapproche de toi, plus tu m'échappes."

"Tess..."

"Promets-moi juste que tu reviendras sain et sauf." Elle a doucement passé son doigt sur mon cou, là où ma cicatrice s'était installée. En utilisant un simple sort d'eau, elle a desserré et décollé le bandage que j'avais appliqué pour cacher la marque disgracieuse. "Je me fiche du nombre de cicatrices que tu auras à ton retour, du moment que tu respires et que tu es en un seul morceau."

Je pouvais sentir mon visage commencer à brûler à ses mots. J'ai essayé de trouver quelque chose pour nous distraire tous les deux, puis j'ai repensé à notre dispute devant la tombe de Cynthia Goodsky. A l'époque et maintenant, elle s'était énervée pour la même chose.

"Pourquoi est-ce si important pour toi de me rattraper, Tess ?"

Pendant un moment, le monde autour de nous était silencieux alors qu'elle fixait le ciel nocturne. "Parce que c'est seulement à ce moment-là que j'aurai la confiance nécessaire pour te dire que je t'aime à nouveau."

Avant que je puisse même traiter ses mots, Tess se tourna vers moi. Son expression s'est adoucie et elle m'a offert un sourire si authentiquement doux, et avec juste un soupçon de timidité, qu'une chaleur soudaine m'a envahi.

169

VUE DU CIEL

OLFRED WAREND

Je n'ai pas été surpris lorsque l'Ancien Rahdeas est venu me rendre visite, me disant qu'il avait ramené un petit garçon humain. Je connaissais sa gentillesse ; j'avais moi-même bénéficié de sa bonne volonté, après tout.

Il m'avait emmené loin des rues cruelles des cavernes supérieures, me donnant nourriture et abri dans sa propre maison. Me traitant comme si j'étais de son sang, il m'a appris à lire et à écrire et, après avoir découvert mon penchant naturel pour la magie, m'a même enseigné les bases de la manipulation du mana.

Mais même à ce moment-là, j'étais prudent. Grandir sans maison ni famille m'a appris à me méfier de tout le monde. Il y avait toujours la pensée tenace que peut-être cet homme ne faisait que m'éduquer pour me vendre un jour. Cependant, ce n'était pas le cas.

Les années passèrent heureusement et mes soupçons s'étaient depuis longtemps évaporés - j'en étais venu à me considérer comme son fils. Après avoir été diplômé comme l'un des meilleurs conjurers de l'Institut Earthborn, situé dans la capitale de Vildoral, j'avais été sélectionné pour devenir un garde de la famille royale.

Les Greysunders étaient avides et méprisaient toute leur race, toujours mécontents de la façon dont ils étaient perçus - inférieurs aux humains et aux elfes. Mais j'ai servi le roi et la reine fidèlement et avec le plus grand respect ; c'est ce que Rahdeas m'a appris.

Après des décennies de service dévoué à la famille royale, j'ai entendu parler du choix des deux prochaines Lances, et il est vite apparu que j'avais été choisi comme l'un des candidats. Au début, j'avais prévu d'abandonner le tournoi privé ; si j'avais voulu que ma vie soit liée à quelqu'un, ce n'était personne d'autre que Rahdeas.

Rahdeas avait respecté ma décision - jusqu'au jour où il a ramené à la maison le garçon qu'il a appelé Elijah. Sans me donner de détails sur la façon dont il avait rencontré un nourrisson humain, Rahdeas m'a encouragé à devenir une Lance et à représenter le peuple nain en tant que général, à forger le lien d'âme avec la famille royale et à la servir fidèlement. J'ai argumenté, disant que je ne souhaitais pas lier ma vie de manière irrévocable aux Greysunders, mais Rahdeas m'a assuré avec la plus grande confiance que ce ne serait que temporaire - que je serais lié à lui à la fin.

J'avais appris pendant mon temps en tant que garde de la famille royale que les Greysunders étaient au pouvoir depuis la création de Darv, mais Rahdeas a réussi à garantir leur chute.

Il était l'homme que je respectais comme un père et un sauveur. Même si je désobéissais au roi, je ne désobéirais jamais à Rahdeas.

Une autre décennie passa. Le garçon humain grandit sous la protection de Rahdeas, et pour la première fois dans l'histoire, les Lances furent adoubées en public.

Rahdeas était gentil, mais c'était un homme qui, malgré son amour pour son peuple, gardait ses pensées pour lui. Il ne m'a jamais dit ce qu'il voulait dire quand il disait que mon lien d'âme avec les Greysunders n'était pas permanent, ou pourquoi il gardait notre lien secret pour le garçon. Il n'a jamais expliqué qui exactement lui avait dit que ce garçon était censé être le sauveur des nains.

"Tu es bien silencieux, Olfred", dit Rahdeas de l'autre côté de la grande pièce circulaire, me tirant de ma contemplation du passé pour me ramener dans le présent. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Rien, mon seigneur." J'ai détourné mon regard de la fenêtre pour faire face à l'homme qui m'a élevé.

"Olfred, je t'ai dit de m'appeler Rahdeas quand nous sommes seuls", gronda- t-il gentiment.

"Maintenant, prends un siège et bois un verre avec ce vieil homme."

"Je suis devenu vieux moi aussi." Je me suis assis en face de lui et j'ai accepté le gobelet qu'il m'a tendu.

"La vue sur la lune est magnifique, n'est-ce pas ?" dit-il en prenant une gorgée de son gobelet, qui semblait minuscule dans sa grande main.

"Elle l'est", j'ai acquiescé.

"Quelle idée fausse et ignorante des humains et des elfes - ils pensent que juste parce que nous vivons sous terre, nous préférons les grottes aux bâtiments. Avec les coups de vent insupportables qui s'abattent constamment sur Darv, n'ont-ils jamais pensé que nous ne construisions pas de hautes tours et de bâtiments parce que nous ne le pouvions pas ?".

J'ai hoché la tête, regardant par la fenêtre en buvant une gorgée. "L'ignorance conduit à de fausses hypothèses et interprétations."

"Très vrai. Mais nous vivons des temps de changement." Rahdeas traça oisivement la cicatrice qui traversait son œil gauche. "Le temps est venu, mon enfant."

Passant par-dessus la table, Rahdeas a doucement attrapé mon poignet, puis a serré ma main dans la sienne. "Y a-t-il des doutes ou des hésitations qui assombrissent ton esprit ?" "Aucun... Père." Ce mot m'était étranger. Je ne l'avais jamais prononcé à haute voix, bien que j'aie toujours pensé à lui de cette façon. Mais je savais que je le regretterais si je ne le disais pas avant que mon temps ne soit écoulé.

Les coins des yeux de Rahdeas se sont plissés en un doux sourire tandis qu'il tenait fermement ma main. "Bien, bien. Mon seul regret est que tu ne seras pas là pour voir le triomphe de notre peuple. Si seulement tu avais été lié à moi plutôt qu'à cet asura."

J'ai secoué la tête. "Il y a des choses que nous ne pouvons pas changer. Mais il y a une chose que je veux que vous sachiez."

"Qu'est-ce que c'est ?"

"Je connais vos ambitions pour notre peuple, mais ce n'est pas pour cela que je fais cela. C'est notre peuple qui m'a méprisé et battu quand j'étais dans la rue. Je veux juste que vous sachiez que la raison pour laquelle je peux faire tout cela, sans hésitation, est que c'est ce que vous désirez."

Fermant son œil, Rahdeas hocha lentement la tête. "Bon enfant. Très bien."

ARTHUR LEYWIN

Je me suis assis au bord de mon lit, enlevant l'épingle qui retenait mes cheveux. Mon lien a émis un léger grognement de remerciement avant de s'endormir, me laissant à la paix silencieuse de la nuit.

La voix de Tess a résonné dans ma tête, ses mots étant en conflit avec mes priorités. "Pour te dire que je t'aime à nouveau", me suis-je répété doucement. Il n'y avait que quelques choses que je voulais vraiment dans cette vie. Pas la gloire, le pouvoir ou la richesse ; j'avais tout cela et bien plus encore dans ma vie précédente. Ce que je voulais - la raison pour laquelle je faisais cette guerre - était quelque chose que je n'avais pas pu faire en tant que Grey : simplement vieillir avec ceux que j'aimais. Pour cela, j'étais prêt à affronter n'importe quel ennemi, asuras ou non.

Mais j'avais du mal à lutter contre la tentation de tout envoyer balader. Il y avait des moments où je voulais simplement m'échapper à la lisière de la Clairière des Bêtes avec Tess et ma famille.

L'égoïsme m'a fait remettre en question chacun de mes mouvements.

Ce n'est pas ta guerre, Arthur.

Tes jambes sont presque paralysées et tu as des cicatrices sur tout le corps ; n'en as-tu pas fait assez ?

Tu te bats à nouveau pour ton peuple. Tu l'as fait dans ta dernière vie, et regarde où ça t'a mené.

J'ai compris pourquoi je repoussais constamment Tess, lui donnant des excuses ou des réponses détournées pour une autre date.

J'avais peur.

J'avais peur que si je la laissais accéder à ma vie, mon égoïsme devienne incontrôlable.

-que je rejetterais Dicathen pour sauver ceux que j'aimais vraiment.

Le temps s'écoulait tandis que j'étais perdue dans mes pensées et, avant même que je m'en rende compte, le soleil levant, encore caché par les nuages, avait peint l'horizon d'un orange vibrant.

Enlevant la tenue luxueuse que j'avais portée à l'événement la nuit dernière, je me suis glissé dans une chemise et un gilet confortables. J'ai rentré les extrémités de mon pantalon dans mes bottes avant de draper une épaisse cape sur mes épaules. "Il est temps d'y aller, Sylv." Les yeux jaunes et brillants de Sylvie se sont ouverts. En sautant du lit, elle est venue se placer à côté de moi, me regardant pendant que j'appliquais soigneusement la pâte spéciale pour cacher la grande cicatrice sur mon cou. "Je suis pret."

Avant de descendre, je me suis arrêté dans la chambre de ma sœur et j'ai frappé à sa porte. "Ellie, c'est ton frère."

La porte a glissé, révélant ma sœur en plein bâillement, les cheveux crépus d'un côté et plats de l'autre. Derrière elle, allongé sur son ventre à côté du lit, se trouvait Boo. Il nous a regardé d'un œil avant de se rendormir. "Mon frère ? Qu'est-ce qui se passe ?

Elle s'est arrêtée au milieu de sa phrase, fixant mes vêtements. "Tu repars ? Déjà ?"

J'ai forcé un sourire qui n'a pas atteint mes yeux. "Je serai bientôt de retour." J'ai attiré ma sœur dans mes bras.

"Tu n'as pas besoin de revenir bientôt, reviens juste en vie." Elle m'a serré fort avant de se retirer, puis s'est agenouillée et a serré Sylvie dans ses bras. Ma sœur a fait un grand sourire, mais des larmes avaient déjà commencé à perler au coin de ses yeux.

J'ai ébouriffé son nid de cheveux bruns cendrés. "Je te le promets."

J'ai descendu les escaliers avec Sylvie, et nous avons été accueillis par une Mica enjouée et un Olfred au visage sévère à l'avant du couloir menant à la salle de téléportation.

Le nain âgé et bourru, qui m'arrivait aux épaules malgré sa posture droite comme un bâton, s'est immédiatement détourné de moi pour se diriger vers le couloir.

" Nous allons voyager en volant plutôt que de passer par les portes ", a-t-il dit par-dessus son épaule.

Le général Mica, quant à lui, se promenait tranquillement à mes côtés. À voir le sourire sur son petit visage crémeux, on aurait pu croire qu'elle se rendait à un pique-nique.

"Mica est ravie de partir enfin en mission avec vous", a-t-elle déclaré alors que nous suivions le général Olfred. "Les autres Lances parlent de vous, mais pas en bien."

"Vous parlez toujours de vous à la troisième personne ?" J'ai demandé.

"La plupart du temps ; pourquoi ? Est-ce que ça te fait craquer pour Mica ?" Elle a fait un clin d'oeil. "Mica ressemble peut-être à ça, mais Mica est un peu trop vieille pour toi."

"Quel dommage", ai-je dit, incapable d'empêcher le sarcasme de s'infiltrer dans ma voix.

"Dépêchons-nous", a aboyé le général Olfred alors que les soldats qui montaient la garde devant la salle de débarquement faisaient pivoter les portes. "Le temps passé pour ce voyage signifie du temps passé loin des batailles déjà en cours."

Les artificiers et les ouvriers à l'intérieur ont laissé tomber ce qu'ils faisaient et nous ont salués à notre arrivée. Une personne, cependant, s'est avancée vers nous avec un sourire innocent.

"Ancien Rahdeas", le Général Olfred l'a salué, s'inclinant profondément tandis que Mica et moi avons simplement baissé la tête.

"Lances." Le sourire de Rahdeas s'approfondit, la cicatrice qui traversait son œil gauche se recourbant. "Excusez mon intrusion, je voulais simplement tous vous envoyez en personne."

"C'est un honneur," répondit le Général Olfred.

Rahdeas s'est dirigé vers moi, me fixant en silence. Quand il m'a souri, je n'ai pu m'empêcher de souhaiter que cette personne ne soit pas un traître - que je l'ai soupçonné à tort.

Je regrettais encore le fait de ne pas avoir été capable de protéger Elijah. L'idée d'inculper et, si mes soupçons s'avéraient vrais, de tuer l'homme qui avait élevé mon ami comme son propre fils me laissait un goût amer dans la bouche.

Rahdeas a posé une grande main sur mon bras. " Tu dois être fatigué de ta précédente bataille. Par les asuras, espérons que tes soupçons s'avèrent faux pour que tu puisses te dépêcher de rentrer et te reposer correctement. "

Alors que son expression et son geste semblaient authentiques, les mots de Rahdeas semblaient soigneusement choisis.

Néanmoins, j'ai répondu avec un sourire. "Oui, espérons-le."

Peut-être que je suis trop méfiant envers lui, j'ai pensé. Il était le gardien d'Elijah, après tout.

Même si c'est le cas, tu ne devrais pas en tenir compte dans tes soupçons, a conseillé Sylvie.

Rahdeas relâcha mon bras, puis fit un dernier signe de tête significatif à ses Lances avant de s'écarter de notre chemin.

Olfred a ouvert la voie vers le portail situé de l'autre côté de la grande salle. "Nous sommes prêts à partir. Ne volez pas sous les nuages."

"Ton lien sera-t-il assez rapide pour suivre Mica et Olfred ?" demanda Mica. L'orgueilleuse Sylvie, avec un grognement méprisant, choisit ce moment pour se transformer en un dragon grandeur nature. Les planchers du château ont tremblé et les ouvriers autour de nous ont instinctivement reculé, bien qu'ils aient déjà vu mon lien auparavant.

"Je vais me débrouiller", gronda-t-elle alors que sa longue queue me balayait et me plaçait à la base de son cou.

Le mur devant nous, abaissé par un mécanisme de pont-levis, se penchait vers l'extérieur du château pour créer un grand quai aérien.

J'ai failli être éjecté par les vents hurlants qui ont immédiatement secoué le grand corps de Sylvie. Le toit et les multiples terrasses étaient protégés par une barrière transparente de mana, mais nous avons été frappés de plein fouet par les vents à une altitude de plus de six mille mètres.

Nos voix étaient perdues dans le vent, et le général Olfred s'est contenté de nous indiquer la direction à prendre. Puis lui et Mica se sont envolés dans les nuages.

Je ne me lasserai jamais de cette vue, J'ai pensé, en regardant dehors alors que le soleil du matin devenait plus proéminent, jetant une lueur éthérée sur les nuages.

Je suis d'accord. Sylvie a pris une grande inspiration avant de déployer ses ailes. Elle a laissé le vent emporter son corps hors du quai, et nous avons suivi de près les autres, sans savoir quelle serait l'issue de ce voyage.

170

UNE NUIT NAINE

J'ai passé la totalité du premier jour sur le dos de Sylvie. Sans un mot à l'une ou l'autre des Lances naines, nous avons voyagé jusqu'à ce que la nuit tombe et que mes jambes, déjà mises à rude épreuve par les heures passées à m'agripper à la base du cou de mon lien, ne puissent plus supporter l'effort de chevaucher sur des écailles, même avec la protection de tissus épais et de mana.

Donc, à cause de mes limites, nous nous sommes arrêtés pour la nuit et avons fait un camp près de la base des Grandes Montagnes, à quelques kilomètres au nord de Valden.

"S'il vous plaît, servez-vous." J'ai tendu une brochette de poisson grillé aux généraux Mica et Olfred.

Le Lance nain enfantin a accepté avec joie le poisson d'eau douce carbonisé, croquant les arêtes comme si elles n'existaient pas, mais la Lance plus âgé a simplement secoué la tête.

"Si vous avez assez d'énergie pour cuisiner, nous devrions peut-être bientôt partir", a-t-il dit, ignorant ma courtoisie. Ses yeux restaient fixés sur un livre qu'il avait apporté. "Ne faites pas attention à lui", dit Mica, la bouche encore pleine de poisson. "Le vieil homme ne mange pas de nourriture donnée par quelqu'un en qui il n'a pas entièrement confiance."

J'ai hoché la tête, en jetant à Sylvie le poisson que j'avais grillé pour le général Olfred. Elle a mordu et le poisson noirci a disparu dans sa gueule. Mon lien est resté sous sa forme draconique originelle, recroquevillé au bord de notre petit camp. Avec ses écailles noires, Sylvie semblait presque disparaître malgré sa grande taille. La seule partie visible était ses yeux topaze brillants, qui semblaient planer dans l'obscurité.

Ces petits morceaux ne font que se coincer entre mes dents, grommela Sylvie dans ma tête.

Je sais, mais tu devras t'en contenter pour l'instant. D'ailleurs, tu peux facilement passer des semaines sans manger, lui répondis-je en me servant d'une brochette de poisson. La peau carbonisée du poisson portait une douceur fumée provenant du feu, remplissant ma bouche de saveur malgré le manque d'assaisonnement.

Oui, mais je mange pour la saveur plutôt que pour les nutriments, a-t-elle rétorqué.

Tu peux peut-être trouver des bêtes de mana plus au nord. Nous sommes encore trop proches de Valden.

Le reste du repas fut silencieux, à l'exception du doux bruit du ruisseau voisin, où j'avais pêché le poisson, et du craquement occasionnel d'une brindille dans le feu.

Olfred n'a pas dit un mot après avoir rejeté mon poisson. Il s'est appuyé sur le dossier en terre qu'il avait érigé, restant presque aussi immobile qu'une statue pendant qu'il lisait son livre à reliure de cuir. La seule fois où il a détourné les yeux de son livre, c'est lorsque le général Mica s'est mis à fredonner en peignant ses cheveux courts et bouclés.

J'ai failli recracher une bouchée de mon poisson en voyant l'expression de dégoût sur le visage âgé d'Olfred qui regardait Mica, toujours en train de fredonner la mélodie désaccordée. Heureusement, le général Mica a été assez calme pendant le reste de la nuit, ce qui m'a donné le temps de raffiner mon noyau de mana.

Bien qu'ayant atteint le stade du noyau d'argent, je ne me sentais pas à la hauteur des autres Lances. Avec Dawn's Ballad endommagé et mes jambes affaiblies, j'avais l'impression d'avoir régressé, même après l'entraînement à Epheotus. J'étais certain d'une chose : je ne pouvais pas me permettre d'utiliser Burst Step à nouveau si je voulais conserver la capacité de marcher. Après une heure à collecter du mana dans l'atmosphère, à le raffiner dans mon noyau et à répéter le processus, j'ai senti le regard de quelqu'un sur moi. J'ai ouvert un œil pour voir Mica à quelques centimètres de moi, me fixant intensément. Même Olfred avait fermé son livre pour observer.

"C'est la première fois que Mica ressent quelque chose comme ça", a chuchoté Mica. "Qu'est-ce qui ne va pas ?" J'ai demandé, en regardant d'une Lance à l'autre.

"Votre processus de raffinement", a répondu Olfred, les yeux plissés par la pensée. "Habituellement, ce n'est pas très apparent quand quelqu'un raffine son noyau..."

"Mais quand vous le faites, c'est comme si le corps de Mica était attiré vers vous !" Mica a coupé avec enthousiasme.

"Personne n'a jamais mentionné cela", ai-je répondu. "C'est peut-être parce que je suis un quadri-élémentaire ?"

Mica s'est exclamée. "Quadri ?"

"C'est donc comme ça que vous êtes devenu une Lance à un si jeune âge. J'ai entendu que le Conseil en avait discuté une fois, mais je ne pensais pas que c'était vraiment le cas," chuchota Olfred comme s'il se parlait à lui-même. "Comment c'est d'être capable d'utiliser autant d'éléments ?" demanda Mica en se penchant encore plus près, ses grands yeux étincelants.

Attention à ce que tu révèles, m'a conseillé Sylvie, derrière moi, sans bouger. Elle semblait encore endormie.

Je sais, ai-je répondu. "Il y a encore des éléments que j'ai du mal à appréhender, comme la gravité, mais pour l'essentiel, il faut beaucoup s'entraîner et toujours réfléchir au sort et à l'élément à utiliser dans des conditions spécifiques."

"Exact, exact." Mica hocha la tête avec ferveur. "Connaître autant de sorts est inutile si on ne sait pas quand les utiliser".

"Il doit y avoir des éléments avec lesquels vous êtes plus à l'aise", a dit Olfred.

J'ai hoché la tête. "Il y en a."

"Hé, est ce que Mica peut vous apprendre à manipuler la gravité ?"

Je me suis reculé pour éviter l'odeur de poisson grillé dans l'haleine de Mica. "Je pense que c'est plus une question pratique qu'autre chose. Il y a des moments où je peux l'utiliser, mais ce n'est pas quelque chose dans lequel j'ai confiance."

"C'est très facile, tu sais", insista Mica en tendant la main. "Il suffit d'imaginer que le monde monte ou descend. Puis tu le prends dans ta main et tu le lâches !"

Incapable de comprendre l'explication incompréhensible de Mica, j'ai reporté mon regard sur Olfred.

Le vieux nain roula des yeux. "Vous auriez plus de facilité à apprendre d'un caillou. Mlle Earthborn est issue d'une longue lignée de célèbres conjurers nains, mais même parmi eux, elle est considérée comme un génie. Elle a appris la magie par intuition - elle ne connaît même pas les concepts rudimentaires de la manipulation du mana."

" Earthborn ? " J'ai répété. "Où ai-je déjà entendu ce nom ?"

"Ses ancêtres ont fondé l'Institut Earthborn", a-t-il répondu simplement, en retournant à son livre.

J'ai fixé la Lance enfantine d'un air hébété. Je savais que toutes les Lances avaient des forces distinctes, mais il ne m'était jamais venu à l'esprit que ce mage apparemment farfelu serait issu d'une famille aussi influente. L'histoire des nains n'était pas beaucoup enseignée ou même écrite à Sapin, mais l'Institut Earthborn se distinguait toujours comme l'une des principales raisons pour lesquelles les nains étaient à égalité avec le royaume de Sapin, malgré leur population et leur territoire plus petits. Même après que l'Académie Xyrus ait commencé à accepter différentes races, de nombreux nobles nains ont choisi d'envoyer leurs enfants à Earthborn pour leurs disciplines plus spécifiques et leurs domaines d'études adaptés aux nains. "Mica est incroyable en plus d'être belle, non ?" La petite naine a gonflé sa poitrine.

Le général Olfred se moqua, le visage caché derrière son livre. "Encore ça ? J'applaudis votre confiance en vous, mais si vous êtes si belle, comment se fait-il que vous n'ayez aucune expérience des relations amoureuses, alors que vous approchez de la cinquantaine..."

Il n'a pas pu finir sa phrase - il a dû se défendre contre une hache de guerre massive qui semblait être apparue de nulle part. Le sol sous le vieux général s'est fendu sous l'effet de la force exercée par le général Mica.

Avec un sourire innocent qui semblait contenir un démon féroce à l'intérieur, Mica abattit son arme une fois de plus. "Mon vieux grincheux d'Olfred s'emballe un peu trop vite. Sachez que si je n'ai pas encore investi dans un homme, c'est que mes goûts ne vont pas vers les nains standards."

Je me suis rapproché de Sylvie, ne voulant pas prendre part à cette dispute.

Je pense que je l'aimais plus quand elle parlait d'elle à la troisième personne.

a admis Sylvie.

Je suis tout à fait d'accord.

Olfred, qui avait instantanément érigé un bouclier de terre solidifiée au- dessus de lui pour se protéger de l'arme de son compagnon, se moqua. "Je t'en prie. La seule raison pour laquelle vous n'avez pas été bannie est votre passé. Peut-être trouverez-vous un humain avec un goût unique pour les petites filles qui vous fera tomber à la renverse." La force de gravité augmentait autour de nous, et j'avais du mal à respirer sans l'aide du mana pour renforcer mon corps. Le feu s'était éteint, le bois qui brûlait il y a quelques instants réduit en cendres.

Je les regardais fixement, abasourdi à la vue de deux Lances - l'incarnation de la puissance dans tout Dicathen - se battant comme des enfants.

Ne voulant pas m'impliquer, mais ne sachant pas non plus jusqu'où ces deux- là allaient aller dans leur bagarre, j'ai dit : "Nous allons attirer l'attention si vous continuez comme ça."

M'ignorant, le Général Mica a balancé sa hache géante une fois de plus, mais au lieu de fendre le golem de pierre que le Général Olfred avait conjuré, sa hache l'a anéanti, le transformant en cailloux. "Je ne te vois pas avec une amoureuse dans tes bras, Oldfred !"

"Le fait que vous ayez pu devenir une Lance malgré vos pitreries ne cesse de me surprendre", grogna Olfred en érigeant un autre golem, cette fois-ci beaucoup plus grand.

Ayant l'impression d'être un formateur d'académie qui sépare deux recrues surexcitées, j'ai ramassé des particules d'eau dans les arbres voisins et j'ai arrosé les nains jusqu'à ce qu'ils soient trempés.

Ils ont tourné la tête vers moi, les yeux brillants.

"Vous avez fini ou vous voulez raser une montagne pendant que vous y êtes ?"

Mica a fait claquer sa langue. "C'est la faute d'Oldfred, il a élevé l'âge d'une femme."

"Ceux qui sont nés en sirotant du lait dans des gobelets d'argent ont besoin d'être éduqués sur leur ignorance", a marmonné Olfred.

Luttant contre l'envie de rouler des yeux, je les ai regardés se retirer chacun dans leur coin du camp. D'un seul coup de son petit pied, le Général Mica a érigé un chalet à partir du sol. Presque assez grande pour accueillir Sylvie, la maison en pierre avait même des murs texturés et était équipée d'une cheminée qui a rapidement commencé à cracher de la fumée.

Le général Olfred, quant à lui, a choisi de construire sa tanière sur le flanc de la falaise, à quelques mètres de notre camp. Le flanc de la falaise en terre devant lui s'est mis à briller d'un rouge profond et a commencé à fondre pour former un bassin de roche en fusion. Une grande zone s'est creusée presque immédiatement, et j'ai pu apercevoir le mobilier de pierre détaillé à l'intérieur avant que la Lance ne referme l'entrée béante sans même se retourner.

"Très discret", ai-je marmonné, impuissant. Puis j'ai fait demi-tour et me suis glissé sous l'une des ailes noires de Sylvie, l'utilisant comme une tente de fortune.

Tu serais peut-être plus à l'aise en conjurant une tente, suggéra Sylvie.

Je me sentirai plus en sécurité ici, au cas où ils décideraient de faire quelque chose pendant que je dors, ai-je répondu faiblement.

J'ai dérivé dans et hors de la conscience tandis que des scènes de ma vie passée défilaient dans mon esprit, entrecoupant les moments paisibles du sommeil. Des souvenirs que je voulais oublier refaisaient surface comme des vers un jour de pluie.

Après la nuit du meurtre de la directrice Wilbeck, mes objectifs avaient changé. Bien que Nico et Cecilia aient essayé de me convaincre d'aller à l'école, je n'avais pas l'intention d'essayer d'être un garçon normal comme le voulait le directeur. Je me détestais d'avoir été incapable de la protéger, elle, la femme qui m'avait élevé comme une mère alors que tous les autres adultes m'avaient considéré comme une peste ou un fardeau.

Elle m'avait accueilli, ne voulant rien en retour, sauf mon bonheur...

-et pendant un moment, j'ai cru l'avoir trouvé.

Pendant cette courte période de ma vie, avec Nico et Cecilia à mes côtés à l'orphelinat et la directrice Wilbeck pour veiller sur nous et nous gronder, j'étais aussi heureux que n'importe quel enfant normal.

Elle n'avait pas de péchés, elle n'avait rien fait de mal. La directrice était le genre de personne à donner son propre repas à un sans-abri dans la rue, mais la vie l'avait récompensée de sa gentillesse par une mort horrible et sanglante. L'orphelinat a été laissé à la charge d'un autre directeur ; après quelques mois, les autres enfants ont continué leur vie comme si de rien n'était.

Pas moi, cependant. J'étais devenu obsédé par l'idée de découvrir qui avait envoyé ces tueurs après moi, Nico et Cecilia, qui avait tué la directrice Wilbeck. Les mots de Nico résonnaient clairement. "Que vas-tu faire une fois que tu les auras trouvés ? Tu vas les éliminer tout seul ? Avec tes capacités ?" C'est là que j'ai compris que je devais devenir plus fort. Retirant ma candidature à l'école, je me suis inscrit dans l'un des instituts militaires, où l'on formait les candidats à l'armée.

Nico et Cecilia ont essayé de m'en dissuader. Ils m'ont encouragé à donner une chance à l'école de me libérer de mon obsession. En y repensant, je regrette de ne pas les avoir écoutés. Ma vie aurait été beaucoup moins douloureuse et solitaire si je l'avais fait.

Mais ce que je regrette encore plus que d'avoir rejeté leurs conseils, c'est de les avoir laissés me suivre à l'institut de formation. Je le leur avais déconseillé à l'époque, mais si j'avais essayé plus fort - en les éloignant encore plus de moi - peut-être que ma vie aurait été la seule à en souffrir.

Arthur. Nous devrions partir avant que le soleil ne se lève. La voix de mon lien sonnait doucement, mais je me suis quand même réveillé en sursaut.

Tu faisais encore des cauchemars de ta vie passée, a-t-elle déclaré.

Tu le savais ? J'ai demandé, en me redressant.

Oui. Bien qu'ils arrivent par flashs, je suis capable de les distinguer. Tu sembles en avoir de plus en plus souvent, répondit-elle, inquiète.

Je suis sûr que ce n'est rien, répondis-je en me glissant hors de l'aile de Sylvie.

J'espère bien que c'est le cas, dit-elle dubitative.

J'ai répondu par un sourire, mettant fin à notre conversation mentale.

"Nous allons essayer d'atteindre la côte nord d'ici la fin de la journée", a annoncé Olfred. Il était en train de détruire les abris de pierre que lui et Mica avaient conjurés, tandis que Mica couvrait notre camp au cas où des aventuriers ou des chasseurs s'approcheraient trop près.

Mes soupçons quant à l'implication des deux Lances dans la trahison de Dicathen s'étaient atténués après leur comportement de la nuit dernière, mais je restais prudent. Conjurant une petite rafale de vent, j'ai aidé les deux Lances à couvrir leurs traces, et nous avons repris notre route.

171

VIEILLES RACINES

Une brume de magenta et d'orange s'étendait à l'horizon, donnant vie à l'océan tranquille au loin. Sylvie et moi avons plongé vers le bord des Grandes Montagnes. Les silhouettes assombries de Mica et d'Olfred projetaient des ombres sur nous alors qu'elles lévitaient au-dessus de nous, se préparant à m'attraper lorsque Sylvie se transformerait en renard.

Nous étions encore à plusieurs kilomètres de la côte nord, mais nous ne pouvions pas risquer de voler plus près. Dans le pire des cas, une Faux pourrait être capable de sentir des fluctuations de mana même à cette distance.

Sylvie s'est accrochée à moi dès qu'elle a rétréci. Au même moment, j'ai tendu la main, saisissant la main tendue de Mica. Nous sommes descendus lentement, assez près de l'imposante chaîne de montagnes pour éviter toute attention indésirable. Bien que j'aurais été capable d'atterrir seul assez facilement, même de cette hauteur, j'aurais probablement aplati les arbres à proximité et peut-être même créé un cratère sur le sol à cause de la force que j'aurais dû utiliser pour m'arrêter. Même si j'étais réticent à l'admettre, il était beaucoup plus simple de compter sur la Lance pour me faire descendre. "C'est une sacrée cicatrice que vous avez sur la main", a remarqué Mica, sa voix à peine audible à cause du vent.

"C'est une vieille blessure." J'ai esquissé un sourire. J'avais fait en sorte de cacher la cicatrice sur ma gorge avec le bandage dissimulateur, mais la cicatrice sur ma main gauche ne préoccupait guère les gens qui ne me connaissaient pas bien.

La petite Lance acquiesça, sa prise autour de mon bras se resserrant malgré ses doigts d'apparence délicate.

Nous avons atterri au pied des Grandes Montagnes, sur un champ d'herbe sèche et de rochers. Les vents glacials sifflaient autour de nous.

"Le mana doit être réduit au minimum à partir de maintenant", a dit Olfred en scrutant les environs à la recherche de personnes proches.

J'ai hoché la tête en signe d'accord. Avec Mirage Walk, j'étais capable d'utiliser la mana sans risque de détection, mais c'était une information qu'il valait mieux garder pour moi.

"Je suppose que vous avez un plan pour retrouver le serviteur et la Faux en question ?" demanda la Lance bourrue.

" En quelque sorte. " J'ai sorti le masque blanc que j'avais obtenu lorsque je suis devenu aventurier, et le manteau noir fait de la fourrure d'un renard cauchemardesque. Je l'avais porté avec le masque, car il avait la subtile capacité de détourner l'attention de celui qui le portait. Après avoir mis le manteau par-dessus mes vêtements, j'ai sorti une épaisse cape de mon anneau dimensionnel, je l'ai laissée tomber sur le sol et je l'ai piétinée. Une fois qu'elle a été complètement souillée par la saleté et la crasse, je l'ai ramassée et l'ai jetée sur mes épaules.

Olfred a étudié mon manteau noir d'un regard curieux. "Un effet intriguant. Etiez-vous autrefois un assassin ou un voleur ?"

" Non ", ai-je ricané en baissant les yeux sur ma tenue. "Je ne voulais pas me faire remarquer." Avec un hochement de tête dédaigneux, il sortit sa propre somptueuse cape en riche fourrure de bête mana. Mica a commencé à faire de même, mais je lui ai fait signe d'attendre.

Sans dire un mot, j'ai pris une deuxième cape dans mon anneau et je me suis dirigé vers Mica. Je l'ai laissé tomber sur le sol, j'ai marché dessus également, tachant la cape brune de saleté et d'herbe, puis je l'ai tendue à la petite Lance. "Portez ça à la place."

" Vous l'avez laissé tomber et vous avez marché dessus ! " Mica s'exclama, sidéré.

"Oui, c'est un peu le but. Nous allons tous les deux être les esclaves d'Olfred," dis-je en désignant ma propre cape sale.

"Pourquoi Mica ne peut-elle pas être le maître ?" s'exclama-t-elle en tenant ma cape de rechange entre deux doigts.

"Parce que vous avez l'apparence d'une collégienne", ai-je répondu sans détour avec un sourire innocent. Olfred a poussé un petit rire en serrant sa cape de fourrure autour de son cou.

Jetant des regards furieux à son compagnon, Mica a remis à contrecœur sa somptueuse cape dans son anneau et a enfilé la cape sale que je lui avais donnée.

"Désolé. C'est une mesure de sécurité", ai-je dit. En me baissant, j'ai plongé mon doigt dans une tache de boue.

"Non, s'il vous plaît", a supplié Mica, protégeant son visage avec le capuchon de sa cape.

"Nous sommes des esclaves qui avons parcouru une bonne distance. Il est normal que nous soyons sales, et c'est un bon moyen de passer inaperçus." Sans attendre son consentement, j'ai retiré sa capuche et étalé la terre humide sur son visage avant de faire de même pour moi.

Je baissai la tête et ébouriffai mes longs cheveux jusqu'à ce qu'ils soient ébouriffés et couvrent la majeure partie de mon visage. Après avoir remonté le capuchon de ma cape, j'ai tendu mon masque blanc à Olfred. " Portez ceci avec votre cape - si quelqu'un demande, c'est pour cacher une horrible cicatrice ".

Olfred a hoché la tête et a accepté le masque. Alors qu'il le glissait sur son visage et qu'il relevait sa capuche, je ne pouvais m'empêcher de penser à l'époque où j'étais un aventurier sous le nom de Note.

La bande bleue qui descendait jusqu'au trou de l'œil droit du masque s'était estompée avec les années, mais Olfred était à peu près aussi grand que moi lorsque j'étais aventurier. Le voir avec le masque et la cape m'a vraiment rappelé des souvenirs.

"Il me va bien," dit Olfred, sa voix étant plus grave, un effet du masque. "Oh ? Il a aussi cette sorte de fonction."

"Mica veut rentrer à la maison", bouda la petite naine, son visage juvénile couvert de boue séchée. Ses cheveux courts dépassaient en boucles désordonnées sous le capuchon de sa cape sale et en lambeaux.

Comment est mon déguisement ? ai-je demandé à mon lien, en me tournant vers elle.

Il faudra faire avec, même si ça m'inquiète de penser à ce qui pourrait arriver si quelqu'un regardait de trop près. Sa petite tête féline a hoché la tête en signe d'approbation.

Pourquoi est-ce que ça ressemble plus à une insulte qu'à un compliment ? C'est un peu des deux, dit-elle, son rire taquin emplissant mon esprit alors qu'elle sautait dans ma cape ; elle devait être cachée des regards puisque je me faisais passer pour un esclave.

"Vous êtes sûr que personne ne nous suspectera ?" La voix grave d'Olfred a grondé derrière le masque.

" Personne ne va chercher des Lances, et il y a pas mal d'aventuriers qui aiment utiliser des masques ", ai-je répondu, traînant à côté de Mica derrière notre maître temporaire. "De plus, un vieux dicton dit que le meilleur endroit pour se cacher est à la vue de tous. Qui va soupçonner un noble et ses deux esclaves qui ont été attaqués par des bandits sur leur chemin vers le nord pour échapper aux batailles ?"

"Bien que vous marquiez un point, je n'ai jamais entendu un tel dicton. Peut- être n'est-il utilisé que par les humains ?" demanda Olfred.

"Quelque chose comme ça", ai-je répondu, me rappelant maintenant que je l'avais appris dans ma vie précédente.

Nous avons marché pendant des heures, en silence. J'utilisais constamment Mirage Walk pour renforcer mes jambes avec du mana tout en cachant les fluctuations, satisfait que même Mica et Olfred ne soient pas capables de le remarquer.

Dans ma tête, Sylvie et moi avons revu le plan que Virion et moi avions mis au point. En supposant qu'Olfred et Mica soient des traîtres, je ne savais pas ce qu'ils comptaient me faire. Dans le pire des cas, ils me tueraient dès qu'ils en auraient l'occasion, mais il était aussi possible qu'ils m'emmènent chez les Vritra. Quoi qu'il en soit, les deux nains ne m'attaqueraient pas aussi impudemment en présence de Sylvie. Même s'ils parvenaient à nous maîtriser, le combat serait difficile et attirerait l'attention même dans les régions les plus reculées. Si j'étais eux, je nous conduirais au serviteur ou à la Faux afin de nous capturer ou de nous éliminer rapidement.

Pour être sûr que les Lances, en supposant qu'il s'agisse de traîtres, nous mènent à leurs renforts, je n'avais qu'à faire exprès de ne pas trouver l'ennemi.

Avec Realmheart, je pouvais utiliser les fluctuations de mana visibles pour trouver la base de Vritra. Après quelques jours à les mener dans la mauvaise direction, soit ils abandonnaient et voulaient faire demi-tour - ce qui prouvait que mes soupçons étaient faux - soit ils me donnaient des suggestions ou des indices pour nous mener, Sylvie et moi, à notre perte.

Ton plan repose sur beaucoup d'hypothèses , a noté mon lien en remuant dans la poche de ma cape. Et s'ils t'emmènent de force chez les Vritra ?

Je doute fort qu'ils veuillent révéler leur position. On ne peut pas faire mieux que d'avoir un membre du conseil comme espion. C'est pourquoi on peut supposer qu'ils essaieront d'éviter toute suspicion jusqu'à ce qu'ils soient sûrs de pouvoir se débarrasser de nous sans attirer l'attention.

Donc nous allons juste nous enfuir si on a l'impression qu'ils essaient de nous mener à eux ? demanda Sylvie, d'un ton dubitatif.

Le meilleur scénario est que nous trouvions l'emplacement de la base des Vritra et que nous rentrions sans combattre Olfred et Mica, répondis-je en suivant de près le noble masqué qui se faisait passer pour mon maître. Mais juste au cas où, Virion a envoyé une autre Lance derrière nous.

Sylvie n'a pas répondu, mais une vague de surprise a inondé mon esprit.

Tu ne peux pas du tout la sentir, n'est-ce pas ?

Non, je ne peux pas, admit-elle. C'est la Lance des elfes ?

Mm-hm. On lui a donné le nom de code 'Phantasm' à cause de sa capacité à tromper et à se cacher de ses adversaires.

Un assassin, nota Sylvie.

Nous continuions tous les deux à converser mentalement, faisant passer le temps plus rapidement alors que nous marchions à travers les plaines accidentées.

En chemin, j'activais brièvement Realmheart, essayant de capter toute fluctuation de mana autour de nous. Je devais faire attention à ce que les deux Lances ne voient pas mes yeux passer du bleu au lavande clair, mais ma capuche et ma longue frange m'aidaient à le cacher.

Au fur et à mesure que nous poursuivions notre voyage vers le nord-ouest, les arbres devenaient plus abondants et les plaines se transformaient lentement en hectares de forêts. J'utilisais la Rotation du mana, la compétence que j'avais apprise de Sylvia, pour reconstituer constamment ma réserve de mana, et Mirage Walk pour dissimuler les fluctuations de mana autour de moi causées par mon utilisation de la magie. Par conséquent, le temps que je passais à marcher était devenu une sorte d'entraînement. " Nous avons réussi ", fit remarquer Mica alors que nous atteignions enfin la route principale. Le chemin de terre était assez large pour accueillir deux chariots avec un grand espace entre eux, et bien qu'il y ait des traces de roues d'utilisation, il ne semblait pas y avoir de chariots en vue.

"Où allons-nous maintenant, mon garçon ?" La voix grave d'Olfred résonnait. "Nous suivons la route jusqu'à la ville la plus proche", ai-je répondu.

"Encore de la marche ?" Mica a gémi en signe de protestation. "La ville la plus proche n'est pas très loin", l'ai-je réconfortée.

Mica et moi avons gardé la tête basse en suivant Olfred sur le bord du chemin. Au bout d'un moment, j'ai entendu le faible claquement des sabots et des roues en bois. Les autres Lances ont réagi moins d'une seconde plus tard, captant également le son. Nous nous sommes arrêtés tous les trois et avons attendu que le carrosse apparaisse dans notre champ de vision. Tirée par deux chevaux bruns, dont l'un était tacheté près du museau, la voiture en bois était conduite par un homme âgé en tenue de voyage verte et brune. Un jeune homme, qui ne semblait pas beaucoup plus âgé que moi, chevauchait à côté de lui.

Alors qu'ils s'approchaient, il était évident que les chevaux étaient mal nourris. Leur cage thoracique était clairement prononcée, tandis que leur pelage et leur crinière avaient perdu tout leur éclat.

Olfred a agité les bras en direction de la voiture qui s'approchait. "Bonjour à vous !"

En tirant rapidement sur les rênes, le conducteur a fait s'arrêter les chevaux et la voiture dans la poussière.

" Vous êtes perdu ? " aboya l'homme le plus âgé, ses yeux scrutant l'habit d'Olfred, tandis que le plus jeune nous regardait, Mica et moi, avec méfiance. "Mes esclaves et moi étions en route vers le nord quand notre carrosse a été attaqué par des bandits", a expliqué Olfred, la voix stable alors qu'il racontait son histoire dramatique. "Ils ont égorgé mes chevaux et ont essayé de nous voler. Heureusement, mes esclaves ont pu repousser les bandits."

"Ces deux jeunes gens ? Les yeux de l'homme plus âgé se sont rétrécis. Olfred a secoué la tête. "Non, non. Des esclaves différents, mais malheureusement ils n'ont pas tenu longtemps après le combat. Infection des plaies."

"Mmm. Et le masque ?" demanda le conducteur en levant les sourcils. Lui et le plus jeune homme ont tous deux saisi les poignées des poignards rengainés à leurs tailles. Par leurs mains maladroitement placées, il semblait que leurs armes étaient surtout destinées à l'intimidation.

"Mon père a insisté pour que je cache mon identité en ces temps dangereux," répondit Olfred avec un faible rire. Il leva les mains en signe de soumission, ayant lui aussi remarqué les armes.

"Des temps dangereux en effet, comme vous l'avez déjà expérimenté." L'homme plus âgé a relâché sa prise sur l'arme. "Les esclaves de combat sont difficiles à trouver et encore plus difficiles à se procurer depuis le début de la guerre. Dommage pour votre perte."

"Une grande perte", Olfred a acquiescé.

"Eh bien, les temps sont durs pour nous tous. Je ne suis pas sûr que mes chevaux puissent supporter le poids de plus de personnes." Le vieil homme a passé ses doigts dans sa barbe hirsute et a toussé.

"Naturellement, vous serez dédommagé", répondit calmement Olfred. Il fouilla dans son manteau de fourrure et en sortit deux pièces d'argent.

Le jeune homme tendit la main et saisit les pièces d'argent, les faisant tourner lentement dans la lumière pour en examiner la qualité avant de faire un signe de tête au conducteur.

"Montez alors", dit l'homme plus âgé en faisant signe à Olfred. "Mais vos esclaves devront marcher."

"Bien sûr", dit Olfred sans hésiter.

J'ai entrevu l'expression dévastée de Mica avant qu'elle ne baisse à nouveau la tête. Sans dire un mot, je l'ai tirée en arrière et j'ai attendu que le chariot se remette en marche, puis je l'ai suivi avec elle.

"Mica va tuer ce vieil homme", murmura Mica, le visage caché sous sa capuche.

"Supporte-le encore un peu. La prochaine ville n'est qu'à une heure d'ici." "Vous êtes familier avec cette campagne ?" demanda Mica.

"Bien sûr", ai-je dit doucement. "C'est là que se trouve ma ville natale, après tout."

172

DANS LA TAVERNE

Les flammes vacillantes des lampadaires brillaient au loin, un spectacle pour les yeux après des heures de marche ininterrompue. C'était la première fois que je revenais à Ashber, la petite ville où je suis né, depuis plus de dix ans. "Mica est prête pour une bonne chope de bière fraîche", chuchota le général en léchant ses lèvres sèches et craquelées.

J'ai hoché la tête sans rien dire, gardant mon rythme vif pour suivre la vitesse de la voiture que nous suivions.

"Juste par curiosité, monsieur, combien d'esclaves possédez-vous ?" demanda le plus jeune des hommes, ses yeux étroits se déplaçant entre Olfred et moi. "Je n'ai jamais compté", répondit Olfred en haussant les épaules. "Nous en avons beaucoup à la maison, certains m'appartiennent et d'autres appartiennent à ma famille."

"Wow." Le jeune homme a soupiré. "Si vous en avez tant, pourquoi ne pas nous laisser ces deux-là... Aïe !"

L'homme plus âgé s'était penché en arrière sur son siège et avait donné une claque sur la tête du garçon. "Tu as la tête creuse ? Qui, dans son bon sens, donnerait ses esclaves ?"

Le garçon se frotta la tête et soigna ses cheveux blonds sales. "Je ne faisais que demander, vieil homme. Bon sang !"

"Désolé pour mon garçon. J'ai dû l'élever seul après que sa mère se soit enfuie, et les bonnes manières n'ont pas toujours été une priorité dans la liste des choses à lui apprendre."

" Je ne vous en veux pas ", dit Olfred, qui prend visiblement plaisir à jouer son rôle de maître. "En d'autres circonstances, j'aurais pu envisager de vous les confier une fois arrivé à destination, mais ces deux-là offrent au moins un peu de sécurité en ces temps chaotiques."

Le garçon a fait claquer sa langue. "Pas de chance."

Quelque chose dans ces deux hommes ne me convenait pas. Outre le fait qu'il n'y avait pas d'autres voitures sur la route, même si près de la ville, il n'y avait pas non plus de bagages dans leur voiture. Leurs seules armes semblaient être les couteaux attachés à leur taille, qui leur offraient à peine une protection.

Ils avaient semblé relativement méfiants au premier contact, mais ils s'étaient ouverts trop facilement, comme s'ils attendaient une raison de nous faire confiance. J'étais sur mes gardes, mais nous étions presque à Ashber et rien ne semblait anormal.

"Eh bien, nous y sommes", annonça le conducteur barbu en tirant sur les rênes pour arrêter la voiture. "Nous traversons cette ville, il serait préférable que vous marchiez à partir d'ici."

"Vous allez voyager de nuit ?" Olfred a demandé, le scepticisme laçant sa voix.

"Nous sommes pressés de rejoindre un petit avant-poste à environ une heure de route", répondit le garçon aux cheveux blonds en riant, relâchant le loquet à l'arrière pour laisser Olfred sortir.

"Eh bien, quoi qu'il en soit, merci pour le trajet." Olfred a remis une autre pièce d'argent au garçon avant de descendre du carrosse.

Le conducteur a fait un signe à Olfred avant de faire claquer les rênes. Avec un grognement agacé, les deux chevaux se sont mis à trotter, entraînant le carrosse sur un chemin de terre plus étroit qui bifurquait sur la gauche.

"Ils ont besoin de travailler sur leurs compétences d'acteur", a dit Olfred, secouant la tête alors que nous commencions à marcher.

"Donc ce n'était pas seulement moi", ai-je répondu.

"Peu importe. Tant qu'il y a de l'alcool et un lit douillet, Mica sera heureuse." Alors que nous nous dirigions vers la ville, j'ai été troublé de constater que les rues étaient vides

Une chose dont je me souvenais à propos d'Ashber était qu'elle était très animée pour une si petite ville. Les aventuriers étaient rares aussi loin au nord, mais la petite rivière qui coulait près de la ville faisait de la région un endroit idéal pour les cultures.

Après la mort de Lensa, mon père avait amené ma mère dans cette ville isolée et avait pris un emploi ici, gardant les agriculteurs et leurs cultures contre les loups fréquents et les bêtes de mana errantes qui venaient des Grandes Montagnes. Avec les fermiers qui se levaient tôt pour s'occuper de leurs cultures, et les après-midis passés à vendre dans les rues du marché ou à fréquenter les marchands, la nuit était le moment où tout le monde trouvait le temps de se détendre et de s'amuser.

Mon père rentrait souvent à la maison en trébuchant sur ses propres pieds après avoir bu la nuit avec les fermiers locaux. Je m'attendais à des changements à la suite de la guerre, mais je ne m'attendais pas à ce qu'Ashber soit une ville fantôme.

Les quelques lampadaires disséminés un peu partout étaient allumés, mais il n'y avait aucun signe de personnes vaquant à leurs occupations quotidiennes. J'ai senti quelqu'un dans la ruelle, ses traits étaient cachés par les ombres, mais après un moment, la personne a détalé, ses pas non rythmés devenant plus faibles jusqu'à ce que nous n'entendions plus d'autres sons que notre propre respiration.

Nous nous sommes regardés les uns les autres, mais sommes restés silencieux. En regardant autour de moi, j'ai vu que la plupart des bâtiments étaient soit vides, soit barricadés. Des planches de bois étaient clouées sur les fenêtres, tandis que des chaînes retenaient l'entrée d'un magasin. J'ai activé Realmheart pour détecter les fluctuations du mana, sans trop m'y attendre, mais j'ai immédiatement pu voir les distorsions du mana atmosphérique dans toute la ville. Il y avait eu des mages ici récemment.

"Je sens des gens éparpillés, mais il semble y avoir un rassemblement d'une quarantaine de personnes à quelques rues de là", grogne Olfred.

"Mica en a détecté quarante-trois ", a marmonné la petite Lance à côté de moi. "Je pensais que nous étions d'accord pour ne pas utiliser la magie", ai-je dit avec irritation. "Et s'il y a des mages Alacryens ou des Vritra à proximité qui le détectent ?"

"Le mana n'était pas nécessaire pour les sentir," répondit Olfred de façon énigmatique.

Quoi ? J'ai failli dire tout haut. S'ils étaient capables de sentir les gens avec cette précision, tout mon plan pourrait être compromis.

"C'est bien," ai-je menti. "On dirait que nous allons pouvoir trouver la cachette des Alacryens plus tôt que prévu."

"Ça va probablement prendre encore un peu de temps. Mica ne peut sentir les gens que sur une courte distance, et même là, c'est un peu flou. C'est la même chose pour Olfred," explique Mica.

"Vous parlez tous les deux trop pour des esclaves ", grogna Olfred, avant de baisser la voix à un chuchotement. "Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas utiliser la magie que nos ennemis sont liés par le même handicap.

Supposez que nos voix seront toujours entendues."

Je savais que personne n'était dans les parages - du moins personne qui manipule le mana - et Olfred devrait en faire autant. Je me doutais qu'il voulait juste que Mica arrête de parler de leurs limites, mais le vieux nain n'avait pas tort. J'ai hoché la tête et j'ai suivi Olfred de quelques pas, Mica laissant mijoter sa frustration à côté de moi.

Lorsque nous avons tourné au coin de la rue, après avoir passé un bâtiment particulièrement grand et usé, j'ai su exactement où se trouvait le " rassemblement " dont Olfred et Mica avaient parlé.

Des nuages de fumée s'échappaient de la cheminée de ce qui semblait être une taverne. La grande cabane avait un toit tordu avec des tuiles manquantes, mais de tous les autres édifices et masures en lambeaux des environs, c'était le seul endroit avec de la lumière venant de l'intérieur.

Nous nous sommes approchés sans hésiter, poussés par l'idée d'un bon repas bien assaisonné et d'un lit douillet.

Je sens l'odeur de la viande grillée, a dit Sylvie lorsque nous nous sommes rapprochés, remuant avec impatience dans ma cape.

Olfred s'est arrêté sur le seuil de la porte, et nous avons tous les trois échangé un regard avant qu'il n'ouvre la porte en bois ébréchée. J'ai respiré avec avidité l'odeur âcre de l'alcool, de la fumée et d'une variété d'aliments et d'épices indiscernables.

La clameur d'une douzaine de conversations, toutes essayant de s'écraser les unes les autres, résonnait dans la grande taverne, accompagnée du bruit des verres qui s'entrechoquent et des paumes de mains qui claquent.

Les personnes - principalement des hommes - qui étaient assises aux tables les plus proches de la porte se sont toutes tournées vers nous. Certains avaient les joues rougies, d'autres affichaient des grimaces irritées.

"Est-ce que nous attendons d'être assis ?" demanda Olfred.

" Vous êtes responsables de trouver votre propre siège dans des établissements comme celui-ci ", ai-je dit en rabattant ma capuche pour couvrir davantage mon visage.

J'ai attrapé le poignet de Mica et suivi Olfred qui se faufilait entre les clients et les tables. Il était impossible de ne pas remarquer les regards sur notre passage. Un homme costaud aux longs cheveux emmêlés s'est volontairement penché en arrière, dans l'espoir de heurter l'un d'entre nous et d'en faire une excuse pour déclencher une agitation.

"Ne vous inquiétez pas. Il n'y a que quarante-deux personnes", a dit Mica. Elle a montré du doigt un molosse à crocs qui se tenait à côté de son propriétaire à la poitrine en tonneau, de la bave s'écoulant de son museau plat. J'ai levé un sourcil. "Quoi ?"

"Quarante-deux personnes, pas quarante-trois comme Mica l'a dit plus tôt. Mica a pris cette bête de mana pour deux personnes", a-t-elle expliqué. "Ah, je vois", ai-je répondu.

Se faufilant dans le labyrinthe de personnes, j'ai écouté les bribes de conversation qui pourraient atténuer mes soupçons sur cet endroit. J'ai pu capter une partie du dialogue d'une table au milieu de la clameur : "... nous avons pu pêcher quelques poissons ce soir."

Alors que l'homme tonique, auquel il manquait plusieurs dents, aurait pu simplement parler d'attraper des truites pour le dîner, les regards suspicieux des personnes à sa table m'ont dit que leur conversation n'était pas si innocente.

Finalement, nous nous sommes assis autour d'une table bancale dans le coin le plus éloigné de la taverne, à côté des toilettes. Une odeur nauséabonde - causée par l'absence de plomberie adéquate - m'assaillit le nez, et toute trace de l'appétit que j'avais accumulé disparut.

"Qu'est-ce que ce sera pour vous ce soir ?" a demandé la barmaid, tirant nonchalamment sur sa robe sale pour exposer davantage ses seins. Elle s'est penchée sur la table à côté d'Olfred, l'invitant ouvertement à se régaler les yeux sur son décolleté, tandis qu'elle-même scrutait sa fine cape. Mica et moi n'existions apparemment pas pour elle. Elle se balançait coquettement à côté d'Olfred, attendant qu'il passe sa commande.

"Trois chopes de bière fraîche et le ragoût que vous avez ce soir, ainsi que du pain", dit Olfred, peu impressionné par ses tentatives de séduction.

"Tout de suite", roucoula-t-elle en faisant courir un doigt le long de son bras. Je ne savais pas si elle tentait à nouveau de le séduire ou si elle évaluait la qualité de sa cape, mais je savais qu'elle n'était pas la seule à avoir remarqué la valeur potentielle d'Olfred.

"Ugh. Quel est l'intérêt de montrer ces gros morceaux de toute façon ?" a marmonné Mica, dégoûté.

"Pour une fois, nous sommes d'accord sur quelque chose", dit Olfred en hochant la tête. "Une femme doit avoir une carrure ferme et musclée, et la peau rugueuse qui va avec."

J'ai choisi de rester en dehors de la conversation, et de scruter la pièce sous le couvert de ma capuche. Avec Realmheart activé une fois de plus, je pouvais dire que la magie avait été utilisée, et il n'y a pas si longtemps.

Une aura de mana déformée entourait une table particulièrement grande le long du mur opposé. Un homme d'âge moyen, en robe, ne semblait pas à sa place parmi les autres. Contrairement à ses compagnons, il était soigneusement soigné, et ses yeux de fouine clignaient de façon lubrique sur les serveuses peu vêtues de chaque côté de lui, qui se relayaient pour lui donner des fruits et de la bière. Avec ses bras maigres, ses joues creuses et sa calvitie, je doutais que les serveurs s'attachent à lui à cause de sa belle apparence.

Vu la façon dont il parlait fort et hautainement, et la façon dont ses pairs riaient et hochaient la tête à tout ce qui sortait de sa bouche, il n'y avait aucun doute que l'homme aux yeux de perle était important - peut-être même qu'il contrôlait la situation. D'après la façon dont les particules se sont rassemblées autour de lui, il semblait avoir conjuré une couche de mana pour se renforcer et se protéger.

Et il n'était pas le seul. Avec juste un regard rapide, j'ai repéré quelques augmenters qui expulsaient une fine couche de mana sur leur peau pour se protéger. Cependant, la densité et la pureté du mana englobant leurs corps étaient à un niveau bien inférieur à celui des soldats alacryens que j'avais affrontés près de la côte sud-ouest. Si je devais deviner, il s'agissait soit de mercenaires, soit d'aventuriers de rang inférieur. L'homme mince, ses bras entourant actuellement deux barmaids peu vêtues, était d'un niveau bien plus élevé que les autres.

Mais ce n'était pas ce qui me dérangeait. Ce n'était pas non plus le subtil air d'hostilité dans la taverne ou le nombre suspect de mages présents. Je connaissais cet homme. Quelque chose dans son regard perverti et son visage tordu faisait remonter des émotions amères, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.

Qu'est-ce qui se passe ? a demandé Sylvie, remarquant mon inquiétude. Sylvie, jette un coup d'oeil à la table à ma gauche de l'autre côté de la taverne. Est-ce que tu reconnais quelqu'un ?

Mon lien a remué à l'intérieur de ma cape, puis son petit museau est apparu. Ses yeux intelligents ont balayé la pièce, se concentrant sur la zone que j'avais indiquée. Puis un sentiment flagrant de dégoût s'est échappé d'elle. C'est cette canaille qui a essayé d'utiliser le roi pour prendre possession de moi par la force lors de la vente aux enchères d'Helstea. Je crois que son nom était quelque chose comme...

Pendant qu'elle parlait, l'homme s'est levé et s'est dirigé vers le bar en boitillant, en mettant un minimum de poids sur sa jambe gauche et en utilisant un bâton en bois pour garder son équilibre.

Dès que je me suis rendu compte de sa blessure, son nom a immédiatement envahi mon esprit, ainsi que le reste de mes souvenirs de lui.

C'est Sebastian.

173

DANS LA TAVERNE II

"Qu'est-ce qui ne va pas ?" Mica a chuchoté, se penchant près de moi et inclinant sa tête vers le bas pour que seule la moitié inférieure de son visage soit visible. "Est-ce que tu reconnais quelqu'un ?"

Secouant la tête, je me suis retourné vers ma table. "Personne d'important." Une autre barmaid - celle-là beaucoup moins affectueuse - est arrivée avec notre commande. Elle a placé les trois chopes de bière devant Olfred, ainsi qu'un seul bol de soupe. Un morceau de pain était négligemment immergé dans le liquide gluant.

"Apportez deux autres bols, s'il vous plaît", a dit Olfred en faisant glisser deux chopes sur la table pour moi et Mica.

"Il y a une échoppe un peu plus loin pour nourrir vos esclaves", dit-elle avec un dégoût évident.

Ignorant son attitude, Olfred s'est contenté de remuer le ragoût à l'orange avec le morceau de pain. "Le voyage a été long. Je vais les faire manger ici ce soir."

Je n'ai pas prêté attention à sa réaction, mais elle est partie sans rien dire. Mon esprit était concentré sur la chope de bière froide qui pétillait devant moi. J'ai pressé le bord frais de la chope sur mes lèvres sèches, savourant la légère chaleur qui descendait dans mon œsophage lorsque le liquide gazeux atteignit mon estomac.

Bon sang, ça fait du bien.

Mica a presque entièrement fini sa tasse en une seule gorgée. Elle frissonna en laissant échapper un soupir béat. "Même cette bière bon marché a un goût divin pour Mica en ce moment."

J'ai levé ma tasse pour en boire une autre gorgée. Mais du coin de l'oeil, j'ai vu la même barmaid chuchoter à l'un des hommes assis à la table de Sebastian. Elle pointait un doigt vers nous.

"On dirait que nous allons avoir des invités", ai-je marmonné aux autres Lances en posant mon verre. Sylvie s'est enfoncée plus profondément dans ma cape, et j'ai tiré la capuche un peu plus loin sur mon visage, juste au cas où.

Quelques instants plus tard, un grand homme à la barbe hirsute s'est approché de notre table. Il était accompagné d'une petite femme corpulente à l'expression condescendante et aux vêtements tout aussi révélateurs que ceux des barmaids, si ce n'est plus.

L'homme barbu nous a regardés, Mica et moi, en levant les sourcils et en nous dévisageant. Je me suis levé sans un mot, tirant Mica de son siège également, et suis allé me placer derrière Olfred pendant que les nouveaux arrivants prenaient nos chaises.

La femme, voyant les deux chopes à moitié vides, a renâclé. " Vous ne devriez vraiment pas gâter vos esclaves comme ça. Ça leur fait croire qu'ils ont des droits."

"La façon dont je traite mes esclaves ne vous regarde pas", répondit sèchement Olfred en glissant un autre morceau de pain sous son masque. "Maintenant, que puis-je faire pour vous deux ? J'espère que vous pourrez garder les choses succinctes."

" Succinctes ? " se moqua l'homme. Le dossier en bois grinça en signe de protestation lorsqu'il se pencha en arrière sur le siège, mais il tint bon. " Des mots fantaisistes que vous avez là. Vous devriez être prudent par ici, surtout si vous venez du sud."

Je pouvais les voir essayer de jauger Olfred. Mica pouvait passer pour un enfant humain mais j'avais peur qu'ils réalisent qu'Olfred n'était pas humain. "Merci pour le conseil", a répondu Olfred en les regardant dans les yeux. "Nous voulions vous accueillir chaleureusement ", a dit la femme en s'appuyant sur ses coudes.

"Nous sommes venus après avoir vu la façon dont vous traitez vos esclaves", poursuit son compagnon en nous lançant un regard appuyé à Mica et à moi. "Nous avons toute une écurie d'esclaves à vendre qui, je pense, pourrait vous intéresser."

Ma mâchoire s'est serrée à ses mots. J'imaginais une pièce remplie d'enfants et d'adultes, à peine vêtus et nourris, gardés uniquement comme des marchandises.

"Je vais devoir refuser poliment", a répondu presque immédiatement la vieille Lance. "Ne dites pas ça." La femme corpulente a glissé sur le bord de son siège pour se rapprocher d'Olfred. "Nous avons une belle sélection de femmes et de filles si vous ne cherchez pas un esclave plus pratique."

"Nous avons même des nains et des elfes", ajouta le grand homme, ses lèvres fendues se recourbant en un sourire lubrique.

Il y a eu un moment de silence avant qu'Olfred ne réponde. "Je croyais que l'esclavage interracial était interdit depuis la formation du Conseil ?"

"C'est pour ça que ça te coûtera un bras et une jambe si tu veux en acheter un". L'homme éclata d'un rire rauque à ce qu'il considérait comme une blague.

Si la Lance était en colère, il l'a bien caché. Mica, d'un autre côté, a remué à côté de moi. J'étais capable de sentir la minuscule quantité de mana qui s'échappait d'elle, mais même cette petite quantité était suffisante pour me remplir de malaise. Peu de temps après l'union des trois races, les chefs des trois camps avaient fait un effort collectif pour abolir l'esclavage. Cependant, se débarrasser de l'esclavage d'un seul coup aurait non seulement provoqué le mécontentement des propriétaires d'esclaves, mais aurait aussi gravement perturbé l'économie en éliminant une grande partie de la main-d'œuvre des royaumes. Afin de remédier à cette situation, le Conseil a travaillé avec diligence pour adopter une approche progressive : récompenser les propriétaires qui libèrent leurs esclaves, et taxer lourdement ceux qui les gardent.

Si l'esclavage existait dans les trois royaumes, il y avait toujours eu une forte demande à Sapin pour les esclaves nains et surtout elfes. C'est du moins ce que m'avait dit Vincent Helstea, le propriétaire de l'hôtel des ventes Helstea. Olfred repoussa doucement le bol de ragoût. "Tout bien réfléchi, je suis peut- être un peu curieux de ce que vous avez à offrir."

La femme se rapprocha un peu plus, son visage se déformant en quelque chose qu'elle considérait probablement comme coquet. "Je savais que vous seriez intéressé. Je vais faire savoir à notre patron

"J'aimerais d'abord m'installer dans une auberge quelque part dans les environs", a dit Olfred. "Notre voyage a été quelque peu difficile."

La femme a croisé le regard de son compagnon, puis a hoché la tête. D'un signe de tête, il agita un bras géant en direction d'un vieil homme légèrement voûté qui était en train de nettoyer ses lunettes avec une serviette. "Une chambre pour le monsieur et ses deux esclaves !"

La femme n'a pas laissé à Olfred l'occasion d'objecter, le conduisant vers la porte de derrière avec son compagnon barbu juste derrière. Cette fois, les hommes et les femmes assis sur notre chemin ont déplacé leurs chaises, dégageant un chemin tandis que leurs regards nous perçaient.

Avant de suivre l'aîné voûté dans le hall arrière, je me suis retournée une fois de plus vers Sebastian. Il souriait dans notre direction, et une barmaid lui chuchotait quelque chose à l'oreille.

Une fois que nous nous sommes enfoncés dans le couloir à peine éclairé, la plupart des bruits de la taverne se sont tus. Mica et moi suivions Olfred en silence tandis que la Lance masquée répondait aux bavardages de la femme corpulente.

"Voici votre chambre, monsieur. Ça fera deux argents." Le vieil homme a tendu une paume vide ; son autre main tenait une clé rouillée.

Deux argents ? Pour une chambre miteuse ici à Ashber ? Je ne pouvais pas le croire. Deux argents était un prix raisonnable pour un terrain ici.

Je ne me suis jamais intéressée à la monnaie de ce continent, mais même pour moi, cela semble ridicule, a répondu Sylvie incrédule.

Néanmoins, Olfred joua son rôle de noble naïf et fatigué et sortit deux pièces scintillantes de l'intérieur de sa cape.

Sans même un remerciement, le vieil homme a déposé la clé dans la main d'Olfred et est retourné en titubant à la taverne. La femme, quant à elle, semblait encore plus flirter après qu'Olfred ait sorti les pièces, allant jusqu'à serrer le bras d'Olfred avant de repartir avec son compagnon.

"On se retrouve à la taverne dans une heure." Elle a fait un clin d'oeil à Olfred avant de partir.

Une fois la porte fermée derrière nous, j'ai frappé mon poing contre le mur. Comme mon poing n'était pas recouvert de mana, une douleur secouante a parcouru mon bras, mais même celle-ci était la bienvenue. Le fait que je ne pouvais rien faire pour ces esclaves et pour ma ville... je méritais le pire.

Refoulant la colère bouillonnante que je sentais dans mes tripes, je scrutai la pièce, qui n'était pas plus grande que la salle de bain de mon ancienne maison ici à Ashber. Il y avait un lit et une commode serrés dedans ; même en tenant compte de la petite taille de Mica, elle et moi devions dormir assis.

Mica a retiré sa capuche, puis a sauté sur le lit, enfouissant son visage dans l'oreiller avant de crier de frustration.

" Vous avez bien fait de vous tenir à l'écart de ces deux-là ", l'ai-je félicitée, en retirant également ma cape. "Cette femme, surtout."

Enlevant son masque, Olfred répondit : "Son apparence charmante ne compense pas le fait qu'elle ait capturé l'un des miens."

Je clignai des yeux, n'arrivant toujours pas à m'habituer aux goûts des nains. "Sans cette fichue mission, Mica aurait rasé toute cette taverne !" Mica a crié, sa voix étouffée par l'oreiller.

"Je pensais la même chose," répondit Olfred. "Nos circonstances, cependant, nous obligent à être discrets."

Je me suis tourné vers l'aîné des Lance. " Peu importe que nous décidions d'agir, notre mission est prioritaire. Ce n'est pas un problème d'aller avec eux pour voir ces esclaves, cependant - en fait, cela nous donne une meilleure couverture pour observer les alentours."

Olfred a répondu par un signe de tête en détachant sa cape et en la jetant sur la commode en bois.

Je me suis assis au pied du lit. Sylvie râlait à côté de moi.

Quelque chose te tracasse ?

Je ne comprends pas pourquoi il y a une forte demande d'esclaves de races différentes. Est-ce parce que les humains se sentent coupables d'avoir réduit l'un des leurs en esclavage ? demanda mon lien.

Non. De façon assez répugnante, beaucoup de familles nobles ont pratiquées le métissage avec leurs esclaves nains ou elfes pour que leurs enfants aient un meilleur et plus large éventail de potentiel en tant que mage. Lucas Wykes était un produit de cette pratique.

Sylvie n'a pas répondu, mais à travers notre lien, je pouvais sentir sa colère se déverser ; je ne lui en voulais pas. La première fois que j'ai lu des livres sur les elfes, j'ai pensé qu'ils étaient une race mystique avec une grande affinité pour la magie. Cette croyance avait été renforcée par le fait que mon séjour à Elenoir s'était principalement déroulé avec la famille royale. En repensant à la fois où j'avais sauvé Tessia des marchands d'esclaves, j'aurais dû deviner qu'ils ciblaient soit les enfants, soit les adultes plus faibles et sans méfiance.

Le Conseil a interdit l'esclavage interracial il y a quelques années, mais il semble qu'il existe toujours.

Et la forêt qui entoure le royaume des elfes ? N'est-elle pas censée dissuader la plupart des êtres autres que les elfes et les animaux locaux ?

Oui. C'est pourquoi les esclaves elfes sont si rares. Les marchands ne doivent pas seulement être d'habiles combattants, ils doivent avoir des chiens capables de les guider à travers la forêt d'Elshire.

Le mépris s'est échappé de mon lien. Pour aller jusqu'à de telles extrémités... Je venais d'un foyer modeste ; mes parents n'auraient jamais pu s'offrir un esclave, même s'ils en avaient voulu un. Je n'avais pas été exposé à la

pratique de l'esclavage quand j'étais jeune, ce qui explique peut-être pourquoi

j'étais devenu si sensible à ce sujet. Le fait que cela se produise dans ma ville natale faisait plus que m'irriter.

"Si nous ne pouvons pas régler ça directement, Mica va informer le Conseil de ce qui se passe ici", dit brusquement la petite Lance en se redressant sur le lit.

J'ai hoché la tête, sans prendre la peine de me retourner pour faire face au nain. "C'est un bon plan."

L'auberge avait une salle de bain au bout du couloir, et quand Olfred a quitté la chambre pour l'utiliser, un homme inconnu avec une petite dague attachée à sa taille l'a escorté.

Olfred a dit que l'homme était assez gentil, mais il était évident qu'un endroit comme celui-ci n'offrait pas de service de conciergerie. Nous étions en fait retenus prisonniers ici.

Une heure est passée en un clin d'oeil. Nous avons décidé qu'il valait mieux que Mica reste derrière au cas où elle ne serait pas capable de contrôler son tempérament. Malgré ses nombreuses plaintes, la Lance, qui avait l'air d'une enfant, s'est endormie comme une masse dès que sa tête a touché sa cape roulée, qu'elle utilisait comme oreiller de fortune.

Olfred et moi avons enfilé nos déguisements une fois de plus avant d'ouvrir notre porte. Nous savions que des gens attendaient juste à l'extérieur, alors nous sommes restés décontractés.

"Vous vous êtes bien reposés ?" a demandé la femme corpulente, la voix un peu plus traînante que la première fois que nous lui avons parlé.

À en juger par les joues rouges de son compagnon, ils avaient bu en nous attendant.

"Venez ! Suivez-nous, par ici. Notre chef veut vous rencontrer", dit la femme en se rapprochant d'Olfred.

Je suis resté silencieux et j'ai suivi mon "maître".

Puis l'homme barbu a parlé. "Ta plus petite esclave ne se joint pas à nous ?" "Elle n'a pas l'habitude de voyager sur de si longues distances," répondit Olfred, "alors j'ai décidé de la laisser dormir dans la chambre."

Les lèvres de l'homme barbu se sont retroussées en un sourire narquois.

"Ah ! Mais je parie qu'elle est habituée à d'autres choses," dit-il en donnant un coup de coude à Olfred.

J'ai roulé les yeux. Ce singe n'a-t-il aucun sens de la décence ?

La clameur sourde de la taverne s'amplifiait à mesure que nous approchions de l'entrée. L'établissement était toujours occupé, mais la table la plus proche de nous était libre, et une seule personne y était assise.

Sebastian.

"Les voilà, Chef", a dit la femme. L'intonation dans sa voix avait disparu. Chef ? J'ai failli le répéter à haute voix, et j'ai levé les yeux pour mieux voir le conjurer chauve.

Je n'avais aucune rancune envers Sebastian. Même à l'époque, alors que je n'étais encore qu'un petit garçon dans ce monde, je l'avais considéré comme avide et sans vergogne, mais insignifiant. Le désir enfantin qu'il avait pour mon lien, et le fait qu'il ait utilisé le roi pour essayer de me "contraindre" à l'abandonner - m'avait ennuyé, mais je n'aurais jamais pensé qu'il serait ici.

Même s'il avait été puni à l'époque pour ses actions à la salle des ventes, je doute que cela ait été autre chose qu'un avertissement. C'était un noble, il ne devrait pas s'intéresser à une ville isolée comme Ashber.

"Vous pouvez partir." Il les a congédiés d'un geste de la main. Les yeux de fouine de Sebastian m'ont inspecté et je pouvais le sentir sonder mon niveau de noyau de mana. Il ne pouvait rien sentir, bien sûr. Même si je n'étais pas encore au stade du noyau blanc, j'étais à un niveau suffisamment élevé pour que ses sens ne puissent pas détecter de traces de mon mana. Son regard est passé de mon sternum à mon visage, mais en voyant mes cheveux ébouriffés et ma peau tachée de crasse, il s'est concentré sur Olfred.

"C'est un plaisir", a dit Sebastian avec un large sourire, apparemment innocent. "Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans ma ville."

174

FAIRE DES AFFAIRES

"Enchanté de vous rencontrer", dit Olfred avec toute la courtoisie dont il était capable. "Mon nom est Cladence, de la Maison..."

Sebastian a levé la main, interrompant la Lance masquée. "Je vous arrête tout de suite. Les noms de maison ne sont pas nécessaires dans des circonstances comme celle-ci. Je vous appellerai simplement Cladence, et vous pouvez m'appeler Sebastian."

"Très bien", répondit Olfred. "Sebastian."

"Bien." Le conjureur aux yeux de fouine a hoché la tête en signe d'approbation. "Maintenant. Avant de passer aux choses sérieuses..." Sebastian a marmonné un chant et a agité son bras ostensiblement. Après quelques instants, un linceul translucide nous couvrit, atténuant le bruit de la taverne. Une démonstration évidente mais pas très impressionnante de la magie du vent. Malgré tout, j'ai joué mon rôle d'esclave naïf et j'ai haleté d'étonnement.

Le regard du conjurer passa de moi à Olfred, mais voyant que son invité masqué ne montrait aucun signe d'étonnement face à cette démonstration, le fantôme d'un froncement de sourcils franchit les lèvres de Sebastian.

"C'est un peu chahuteur ici, et les gens présents ne sont pas les mieux élevés," dit-il en se penchant vers l'une des chopes remplies de bière au centre de la table. "Veuillez excuser le comportement de mes subordonnés. Vous déranger comme ça alors que vous vous étiez enfin installé pour vous reposer

- je vais devoir les réprimander."

Olfred s'est avancé, sa grande main a saisi la poignée de la chope fermement. "Ce n'est pas un problème. Merci pour votre hospitalité ici à l'auberge." "L'hospitalité ?" Le conjurer chauve regarda la Lance masquée avec incrédulité. "Vous et moi savons que cet endroit n'est fait que pour les porcs de boue."

Olfred gloussa, le son creux et sans humour derrière le masque, avant de prendre une gorgée de sa chope.

Il était évident que Sebastian fixait la tête d'Olfred, essayant de voir à quoi ressemblait son visage sous le masque.

"Il y a un problème ?" dit le nain quand il le remarqua.

Sebastian haussa les épaules avec nonchalance en buvant une gorgée de sa propre chope. "Je suis juste curieux de connaître l'histoire derrière votre masque. J'ai vu des aventuriers en porter de temps en temps, mais jamais des nobles."

Olfred s'est gratté la tête. "Est-ce si évident que je suis un noble ?"

"Eh bien, il faut en être un pour en connaître un", a dit fièrement Sebastian. "Je m'en doutais," Olfred a hoché la tête. "Avec votre apparence soignée et vos prouesses magiques, vous ne semblez pas à votre place ici non plus."

Comparé aux hommes désagréables, dont la plupart étaient vêtus de haillons, Sebastian se distinguait vraiment dans son doublet et ses bas richement teints. Les yeux de Sebastian scintillèrent de plaisir à la flatterie d'Olfred. "En effet. Je me serais offensé si vous m'aviez pris pour un de ces diablotins."

Olfred a tapé sa chope sur la table. "Je serais un imbécile si je le faisais." Leur conversation se poursuivit dans cette voie, et il semblait que les deux hommes s'étaient vraiment entendus. Je n'étais pas sûr si Olfred était un très bon acteur ou s'il trouvait Sebastian aimable, mais après quelques autres chopes de bière, Sebastian était rouge et avait le hoquet. C'est à ce moment-là que sa vraie personnalité est apparue. "Alors... quel genre de fille cherchez- vous ?" Sebastian a demandé, les yeux vitreux.

"Qu'est-ce qui vous fait penser que je suis à la recherche d'une fille ?" Olfred a répondu, une main pratiquement collée à une chope d'alcool.

Le conjurer chauve a gloussé comme un ivrogne en pointant un doigt sur la Lance masqué.

"Je vous en prie. Mes subordonnés m'ont raconté comment vous vous êtes pratiquement illuminé quand ils ont mentionné que j'avais des elfes et des nains en stock."

Olfred s'est arrêté un instant, et j'ai presque eu peur que la Lance ne dise quelque chose qu'il ne devrait pas.

"Et si je le suis ?" Olfred a répondu, sa voix profonde sortant mal. Sebastian a levé les deux mains en signe d'apaisement. "Je ne juge pas. Quel est l'intérêt d'avoir de l'argent et du pouvoir si vous ne pouvez pas vous offrir ce que vous voulez ?".

"Exactement !" Olfred a fait claquer sa chope sur la table en bois. "C'est à cause de toutes ces satanées femmes nobles qui me regardent de haut." Où va-t-il avec ça ?

Se penchant en avant sur la table, Olfred désigna son masque. "Vous voulez savoir la vraie raison pour laquelle je porte ce masque étouffant ? C'est parce que j'ai des cicatrices sur tout le visage suite à un incendie de maison".

"Oh, vraiment ?" demanda Sebastian, intrigué.

"Et le pire, c'est que c'est arrivé quand j'étais encore adolescent. Les blessures à mes jambes ont retardé ma croissance, donc non seulement mon visage est défiguré, mais maintenant je suis plus petit d'une tête que même mon propre esclave !" Olfred m'a fait un doigt d'honneur alors que je restais là, perplexe. Bien que je connaisse la véritable identité d'Olfred, sa performance était si authentique que je me suis demandé si cet incident avait vraiment eu lieu.

Il est très crédible, commenta Sylvie, qui entendait leur conversation. C'est moi qui te le dis.

" Ne m'en parlez pas ! " Sebastian termina une autre chope de bière et la posa, puis essuya la mousse de ses lèvres. "Lorsque je servais la famille royale, les femmes se précipitaient sur l'occasion de se mettre au lit avec moi. Mais une fois que j'ai été relevé de mes fonctions, ces mêmes traînées m'ont traité comme une sorte d'insecte !"

"Vous avez servi la famille royale ?" Olfred s'exclama. "Pourquoi avez-vous pris votre retraite ?" Sebastian a grincé des dents, ses jointures devenant blanches alors qu'il saisissait la chope. "A cause de ce maudit morveux." "Morveux ? Quel morveux ?" demanda Olfred.

Le mage aux yeux de fouine jeta sa chope sur le sol, où elle se brisa sous l'impact. Cela attira les regards méfiants des tables voisines. Le bruit de la taverne devenait de plus en plus fort ; dans son état d'ébriété, Sebastian n'était pas capable de maintenir le sort d'atténuation du bruit.

"Je suis un conjurer à double attribut, presque au stade orange uni, et pourtant le seul respect que je peux obtenir est de la part de ces sales primitifs !" s'exclama-t-il, en agitant le bras dans la taverne vers les hommes à l'air vil et les quelques femmes - qui n'avaient pas l'air mieux.

Olfred leva son verre en l'air. "Ces serpents superficiels et misérables ! Qu'ils se froissent et s'affaissent comme les déchets qu'ils sont !"

Sebastian a ricané gaiement en se moquant du toast de la Lance. "J'ai su que j'avais trouvé un homme bon quand je t'ai vu franchir ces portes. Maintenant, allons te chercher des jouets tout neufs pour t'amuser !"

Les deux hommes sortirent de la taverne en titubant. Sebastian était à peine capable de marcher à cause de son boitement - un souvenir de la jambe cassée que je lui avais donnée quand j'étais encore enfant.

"Hé, toi. Viens par ici." Il a fait un geste vers moi en s'appuyant contre le mur de la taverne.

J'ai obéi en silence et me suis dirigée vers le conjureur ivre. Il a passé son bras autour de mon épaule, s'appuyant lourdement contre moi. "Ça ne te dérange pas que j'utilise ton esclave comme bâton de marche, n'est-ce pas, Cladence ?"

"Bien sûr que non. C'est à ça que servent les esclaves", a répondu Olfred. J'ai ravalé l'envie grandissante de casser l'autre jambe de Sebastian.

Cet homme met vraiment ma patience à l'épreuve, dit Sylvie avec une colère frémissante qui correspondait à la mienne.

Nous sommes sortis tous les trois de la taverne, la femme corpulente et l'homme barbu nous suivant de près. Je devais pratiquement porter le maigre conjurer, dont la jambe boiteuse traînait sur le sol.

"Vous savez... il m'a fallu des mois pour être capable de tolérer cet avant- poste de pacotille, mais mon ancienne position ne me manque pas", a dit Sebastian alors que nous descendions les rues sombres d'Ashber. "Les gens d'ici font plus que me respecter, ils me craignent. Je suis un dieu pour eux."

Il a tapoté ma joue avec condescendance, jetant un coup d'œil dans ma capuche et fixant mon visage. "Tu as vu ma magie tout à l'heure, non ? Je peux te tuer en claquant des doigts."

Endure-le, Arthur. Juste pour le moment.

Comme je ne répondais pas, Sebastian m'a frappé le visage quelques fois de plus, chaque gifle devenant un peu plus forte. "Tu es sourd, ou tu me manques de respect à cause de ma jambe ?"

"Ne faites pas attention à lui", dit Olfred en posant une main sur l'épaule de Sebastian. "Le garçon ne peut pas parler."

"Bah ! Cladence, à quoi bon garder des marchandises endommagées comme lui ?" cracha le conjurer chauve. "Et si je vous faisais une faveur en vous l'achetant ? J'ai quelques messieurs qui ont un faible pour les garçons comme lui."

"C'est tentant !" répondit la Lance en trébuchant sur ses propres jambes. "Mais il n'est pas à moi. C'est celui de mon père, et la dernière fois que j'ai mis en gage une de ses affaires, il m'a coupé mon argent de poche pendant un mois entier."

"J-je vois ?" Sebastian a eu un hoquet. "C'est le genre de choses qui ne me manquent pas. L'argent de la famille, c'est bien, mais ce n'est pas vraiment le vôtre. Ma fortune est à moi. Cent pour cent à moi !"

Olfred a hoché la tête. "Vraiment enviable."

Nous avons voyagé vers l'autre bout de la ville, à travers des rues sans nom jonchées de taudis usés et de ruelles remplies de tas d'ordures. Tout au long du chemin, le conjurer ivre trébuchait un nombre incalculable de fois sur les fissures et les nids de poule qui remplissaient les rues négligées, et à chaque fois, il lâchait un flot d'insultes à mon égard.

"Tu devrais remercier le ciel de ne pas être mon esclave. Quelque chose en toi me fait chier", a-t-il craché. Il m'a fixé avec des yeux brillants, ignorant que s'il avait été sobre et s'était donné la peine de regarder attentivement, il aurait pu reconnaître qui j'étais.

Je sentais monter en moi une violente fureur, mais ce n'était pas la mienne. Sylvie, toujours cachée dans les profondeurs de ma cape, était sur le point d'exploser lorsque nous sommes enfin arrivés.

Devant nous se trouvait un large bâtiment d'un étage en pierre massive. À première vue, la structure semblait faire plus de 60 mètres de large et plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Deux gardes étaient assis paresseusement contre le mur à côté de l'entrée principale.

J'étais sûr qu'aucun bâtiment de cette taille n'avait existé à Ashber lorsque j'y vivais, ce qui soulevait des questions : Sebastian l'avait-il fait construire ? Et s'il l'avait fait, combien d'esclaves avait-il capturés pour avoir besoin d'une si grande prison ?

Les gardes se sont levés d'un bond, saluant maladroitement et de façon désynchronisée. "Monsieur !" Leurs regards papillonnaient de suspicion entre moi, leur chef qui s'appuyait lourdement contre moi, et Olfred masqué. L'un des gardes était déjà en train de saisir la poignée de l'épée grossière en forme de machette qui était attachée à son dos.

"Ouvrez ces satanées portes, idiots inutiles !" Sebastian a aboyé. "Nous avons un client."

"Oui, monsieur !" ont-ils répondu - de manière synchrone, cette fois - avant d'ouvrir les portes métalliques coulissantes.

Je suppose que nous allons bientôt découvrir combien d'esclaves il détient ici, ai-je pensé, et j'ai traîné Sebastian à travers l'entrée avec Olfred juste à côté de moi.

L'odeur m'a frappé en premier. Une concoction d'odeurs nauséabondes était amplifiée par l'air humide, collant à cause du manque de ventilation adéquate. Même Olfred a reculé visiblement devant la puanteur, mais Sebastian s'est contenté d'agiter les mains devant son nez. Il n'y avait pas grand-chose de visible à part les lumières vacillantes et la trappe sur le sol à quelques mètres sur notre droite.

Quelque chose ne tourne pas rond, prévient Sylvie.

Je le sens aussi - mais en même temps, si tu penses à l'endroit où nous sommes, ce serait bizarre que ça paraisse normal, ai-je répondu en faisant un pas de plus. Ma poitrine s'est resserrée et les poils de ma peau se sont hérissés, mais j'ai ignoré les protestations de mon corps. Si je voulais revenir et sauver les personnes détenues ici, je devais en connaître la disposition et savoir approximativement combien étaient emprisonnés.

"Quelqu'un est encore mort ici ?" dit Sebastian avec colère.

Un homme maigre et teigneux portant un uniforme composé d'une salopette et d'un tablier sale est arrivé en courant d'une des allées mal éclairées.

"Monsieur ! Je m'excuse pour l'odeur. Je ne faisais que nettoyer."

Sebastian s'est finalement éloigné de moi, se tenant debout avec l'aide de la canne en bois que la femme corpulente avait portée pour lui. "Que s'est-il passé ?"

Le conjurer se mit à boiter dans l'allée centrale, vérifiant chacune des cellules de la prison. C'était étrange de voir à quel point cet endroit était silencieux. Il n'y avait pas de gémissements de chagrin ou d'appels à l'aide. J'ai étudié chacun des esclaves alors que je suivais Sebastian et Olfred. Chacun était vêtu de haillons, blotti dans le coin le plus éloigné de sa cellule. Quand ils nous regardaient, j'avais des frissons à cause de leurs yeux sombres et vides.

Ne regarde pas, ai-je envoyé à Sylvie alors qu'elle sortait de ma cape.

C'est si grave que ça, a répondu Sylvie, plus comme une affirmation que comme une question.

J'ai serré les dents. Ils sont traités pire que du bétail.

"C'était une des femmes enceintes", a répondu le nettoyeur en posant la serpillière qu'il tenait avant de suivre son patron. "Elle est morte en accouchant."

"Le bébé. Il a survécu ?" demanda Sebastian, imperturbable.

"Nous devrons attendre encore quelques jours pour en être sûrs, mais il semble en bonne santé pour l'instant. C'est une fille."

Sebastian a hoché la tête en signe d'approbation. "Excellent. Un nouveau-né vaudra plus que cette clocharde de toute façon."

Alors que le conjurer boitait lentement dans les allées, j'ai remarqué les différentes réactions de chacun des esclaves. Quelques-uns frissonnaient de façon incontrôlable au passage de Sebastian, d'autres lançaient des regards méchants, d'autres encore lançaient des regards distants et creux.

"Les nains et les elfes sont retenus plus bas, mais" - Sebastian s'est retourné pour faire face à Olfred, un sourire lubrique sur son visage mince et pâteux - "vois-tu quelqu'un sur qui tu meurs d'envie de mettre la main ?".

Olfred a levé une main. "En fait..."

Avant même que je puisse réagir, la terre sous Sebastian a commencé à l'envelopper, couvrant ses pieds et remontant le long de ses jambes.

"Huh ?" Sebastian s'est mis à hurler en essayant de se dégager de la terre qui montait. J'ai tourné la tête vers Olfred. "Qu'est-ce que tu fais ?"

La Lance est restée silencieuse alors qu'il continuait son sort. C'était lent, mais il le faisait exprès. Je pouvais voir le conjurer écarquiller les yeux de peur et de confusion.

"Qu'est-ce que vous faites, bande d'idiots ? Attrapez-les !" Le conjurer prépara sa canne en bois pour tirer sur Olfred, mais au lieu d'un sort, il lâcha un cri d'agonie strident. La terre qui avait consumé ses jambes, et qui continuait à remonter le long de son corps, commença à prendre une couleur rouge sombre. Un léger grésillement a été entendu au milieu de ses cris, et l'odeur de la chair brûlée a atteint mon nez.

Le sort qu'Olfred avait lancé sur Sebastian n'était pas seulement destiné à le piéger, mais aussi à le torturer lentement.

"Olfred !" J'ai appelé, mais en vain. Le concierge s'était éloigné le plus possible de Sebastian ; j'entendais les pas des deux subordonnés derrière nous.

" Merde ", sifflai-je, me retournant juste à temps pour attraper le bras de l'homme costaud avant que sa dague ne frappe Olfred dans le dos. Je doute que cette faible tentative lui aurait fait du mal, mais néanmoins, ces deux-là étaient des problèmes. "Hors de mon chemin !" a craché la brute en balançant son autre bras.

Sans hésiter, j'ai donné un coup de poing dans le bras de l'homme. Un claquement sec a retenti et sa main est tombée mollement à côté de lui. L'homme barbu a hurlé de douleur, lâchant sa dague pour soutenir son bras cassé.

J'ai attrapé la dague rouillée en tombant, et j'ai balayé ma jambe juste sous les genoux de la femme corpulente. Elle s'est effondrée sur le sol, et avant qu'elle ne puisse se relever, j'ai enfoncé la dague de son compagnon dans sa main, l'embrochant au sol.

J'ai regardé par-dessus mon épaule pour voir comment Sebastian s'en était sorti contre Olfred, mais tout ce que j'ai vu, c'est une statue de lave en fusion sous la forme du mince conjureur. Il était mort, enfermé dans une tombe de magma durci.

"C'est quoi ce bordel !" J'ai aggripé l'épaule d'Olfred. "Même si tu voulais le tuer, tu aurais pu le faire sans utiliser de magie déviante. Qu'est-ce que tu vas faire si les Vritra sentent ce qui s'est passé ici ?"

" Tes inquiétudes sont vaines ", dit calmement Olfred en retirant son masque. Confus, j'ai activé Realmheart. Je voulais voir la quantité de fluctuation de mana que le sort de la Lance avait causé, et si nous pouvions rester cachés malgré cet échec.

Mais ce que j'ai vu m'a déconcerté encore plus. Des particules de mana se déplaçaient de façon erratique autour du cadavre de Sebastian, mais il y avait aussi des fluctuations de mana tout autour de nous. Soit un sort de grande envergure avait été utilisé, soit une bataille avait récemment eu lieu ici.

Je me suis retourné, la vue tremblante et les mains moites. Mon instinct m'avait déjà alerté de ce qui se passait avant même que je ne voie le Vritra familier s'approcher de moi.

175

L'ÉTREINTE DE LA TERRE MÈRE

La silhouette marchait d'un pas assuré, ses bras maigres étaient enveloppés de bandages noirs et pendaient le long de son corps. Il était légèrement voûté, ce qui le faisait paraître un peu plus petit qu'il ne l'était en réalité, mais il mesurait tout de même plus de deux mètres. Avant même qu'il ne s'approche suffisamment pour que je puisse distinguer son visage, je savais déjà qui il était.

Comment pourrais-je oublier le serviteur qui avait tué la Lance que j'avais remplacée ? "Uto", ai-je dit calmement, malgré la tempête qui faisait rage en moi.

Ses lèvres sombres se sont fendues en un sourire sinistre. "Bonjour, jeune prodige."

"Serviteur Uto." Olfred l'a salué avec une inclinaison anormalement raide. J'ai retenu l'envie de cracher au visage d'Olfred. Malgré la tournure des événements, j'étais en fait soulagé qu'Uto soit le serviteur qui était venu. Contrairement à Cylrit ou tout autre Vritra, ses motivations étaient évidentes. Uto a ignoré la Lance naine et s'est approché de moi les bras tendus. " Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis excité de t'avoir ici. "

"Vraiment ?" J'ai haussé les épaules, jouant le jeu. "En fait, je m'attendais à un serviteur différent."

Du coin de l'œil, j'ai pu voir Olfred réagir.

"Oh ?" Uto a baissé la tête pour que son regard soit au niveau du mien, si près que nous nous touchions pratiquement. "Tu sembles en savoir plus que je ne le pensais."

Avec Realmheart encore actif, je pouvais clairement voir son aura, le brillant nimbus de pouvoir crépitant et éclatant chaotiquement comme sa vraie nature. Mais même sans son aura, je pouvais sentir la pression dans l'air autour de lui - une tension palpable qui pressait l'air de mes poumons.

Les deux humains, me rappela Sylvie de l'intérieur de ma cape.

Les subordonnés de Sebastian, maintenant pétrifié, semblaient eux-mêmes figés dans la pierre et fixaient Uto avec des yeux écarquillés. Ils ne savaient pas qui il était, mais ils pouvaient sentir la puissance de l'être en face d'eux. "Allons nous battre ailleurs", ai-je dit simplement, en tournant mon regard vers le Vritra.

Uto a incliné sa tête. " Se battre ? Pourquoi penses-tu qu'un moins que rien comme toi est digne de mon temps ?"

"Parce que tu es là", ai-je répondu, perdant ma patience. "Si tout ce que tu voulais faire était de me tuer ou de me capturer, je suis sûr qu'Olfred et quelques-uns de tes soldats auraient suffi".

Le serviteur n'a pas répondu. Il m'a simplement regardé, l'air... pas amusé. Soudainement, il a éclaté de rire. "Je comprends pourquoi tant d'entre vous s'efforcent de cacher leurs motivations. Pour des moments comme celui-ci, où vous devriez être surpris." Puis il a fait un geste dédaigneux. " Montre le chemin. "

"Serviteur Uto !" Olfred s'est emporté. "Les instructions du Seigneur Rahdeas étaient de le traiter proprement, pour minimiser les chances de..."

La Lance a poussé un cri nasal de douleur avant même qu'il ait pu finir sa phrase. Une pointe noire avait jailli du sol sous Olfred, lui embrochant le nez. "Tu crois que j'en ai quelque chose à faire de ce que ton traître de maître pense être le meilleur plan d'action ?" Uto a craché, puis s'est retourné et s'est dirigé vers la porte.

Avant de le suivre, j'ai examiné les deux malfrats, allongés sur le sol. Ils étaient inconscients mais respiraient encore. Je me suis dirigé vers l'entrée d'où je venais, vérifiant autant d'esclaves que possible. La présence de la Vritra avait eu raison de leurs faibles constitutions. La plupart d'entre eux étaient inconscients ; ceux qui étaient conscients n'étaient probablement pas en meilleurs états que ceux qui ne l'étaient pas.

Arrivé à la porte, je me suis retourné et j'ai jeté un dernier regard à Olfred, qui avait érigé un pilier de pierre sous ses pieds pour se soulever suffisamment pour libérer son nez de la pointe noire.

Malgré mes soupçons, j'avais passé ce court voyage à espérer qu'ils n'étaient pas exacts. Maintenant que je savais qu'ils l'étaient, il était difficile de comprendre les émotions qui se manifestaient en moi. Je n'avais jamais été doué pour cela dans ma vie précédente, et je pensais m'être un peu amélioré dans cette vie, mais apparemment pas assez.

J'ai cassé une des trois perles qu'Aya m'avait données, l'activant avant de la jeter dans la grande trappe près de l'entrée. Olfred a écarquillé les yeux en voyant cela, il savait exactement ce que cela signifiait.

OLFRED WAREND

J'ai juré, me reprochant la tournure des événements. Penser qu'elle serait à proximité. Je n'ai plus le temps.

En frottant mon nez perforé - qui avait déjà commencé à guérir - je suis descendu dans le sol. La terre a obéi, se séparant sous moi et formant un chemin vers le sol sous le bâtiment, qui servait de couverture.

Je me suis laissé tomber dans le sous-sol, et plusieurs des soldats présents ont poussé des cris de surprise.

Le niveau souterrain que j'avais créé était vaste, bien plus grand que la structure de la prison au-dessus. Ici, des milliers de soldats pouvaient se reposer en se tenant prêts à intervenir. "Évacuez les lieux immédiatement", ai-je ordonné, ma voix résonnant sur les murs de la grande pièce.

Un mélange de réponses. Certains des soldats d'Alacryan se sont regardés les uns les autres, tandis que d'autres ont carrément ignoré mon ordre. Eux et moi nous battions pour la même cause, mais parce que j'étais né sur ce continent, ils me voyaient comme un traître inapte à les diriger malgré ma puissance et mon expérience supérieures.

J'ai répété mon ordre, cette fois-ci en faisant trembler la terre autour de nous. Nous n'avions pas le temps.

Les soldats ont commencé à se diriger lentement vers les escaliers menant à la surface. J'ai essayé d'aider en érigeant quelques escaliers de plus, mais quand les artefacts de lumière suspendus aux murs ont commencé à éclater un par un, j'ai su que c'était trop tard.

J'ai juré et érigé une douzaine de chevaliers de magma autour de moi, mais la chambre s'est assombrie jusqu'à devenir presque noire.

Les cris de confusion des soldats rebondissaient sur les murs qui avaient servi de protection et de cachette. Maintenant, je craignais que ces hommes soient dans une prison.

Je me suis enveloppé dans une barrière protectrice de mana et j'ai envoyé des impulsions à travers la chambre souterraine dans l'espoir de la localiser. "Sors, Aya", ai-je appelé, espérant la raisonner. "Un autre Vritra - une faux - va bientôt arriver. Si tu fuis maintenant, je peux t'assurer que tu en sortiras vivante." Je n'éprouvais aucun remords pour le sort de ces soldats étrangers ; ils faisaient partie d'un plan plus vaste et le temps était compté. Si Aya s'échappait et parvenait à informer l'asura-Aldir de ma trahison, il lui serait facile de me tuer, simplement en invoquant l'artefact qui me liait. À ce stade, cependant, je pensais que je pourrais préférer cela à ce qu'Aya pourrait faire ici.

"Si attentionné."

Son murmure a effleuré mon oreille, comme si elle était juste à côté de moi. Mon chevalier de magma a rapidement frappé avec son épée. Un arc de lave brûlante a été lancé dans la direction du chuchotement d'Aya, mais s'est seulement écrasé dans le mur lointain. La lave s'est dispersée en étincelles brillantes à l'impact, éclairant la pièce sombre pendant juste une seconde. Et c'est là que je l'ai remarqué.

De la brume.

Toute la pièce souterraine était submergée par une épaisse couche de brume tourbillonnante qui semblait presque avoir sa propre volonté. Et dans cette brume, le chaos s'est installé.

Des éclairs sporadiques de sorts illuminaient la vaste chambre tandis que les soldats ripostaient face à l'intrus, mais même ceux-ci se faisaient plus rares à mesure qu'Aya se mettait au travail. "Je dois te remercier d'avoir piégé autant d'Alacryens en un seul endroit", a-t-elle chuchoté à nouveau, cette fois à côté de mon autre oreille. "Cela rend mon travail beaucoup plus simple."

"Assez avec tes tours et tes illusions !" J'ai rugi. "Sors et affronte-moi en face à face ! N'as-tu pas honte en tant que Lance ?"

"Honte ?" La voix d'Aya a résonné à l'unisson depuis au moins douze endroits différents à la fois. "C'est une question de bon sens, mon cher. Pourquoi voudrais-je me débarasser de l'un des rares avantages que j'ai ?"

Il y avait une légèreté dans ses paroles qui passait pour de l'arrogance dans cette situation. Elle était toujours comme ça - pas une once de sérieux dans sa façade omniprésente.

"Tu ne me laisses pas le choix", ai-je répondu en serrant les dents. "Éliminer une Lance compensera au moins mon erreur."

J'ai écrasé ma paume sur le sol, créant des gouffres partout sur le sol et les murs de la pièce. La température à l'intérieur de mon nouveau domaine augmenta drastiquement tandis que du magma incandescent se déversait des gouffres, remplissant l'étendue souterraine d'une lumière rouge ardente.

La brume s'évaporait lentement, et mes sens s'aiguisaient. Le sort d'Aya fonctionnait de la même manière que la brume dans la forêt d'Elshire, mais il lui servait également de point d'ancrage pour se déplacer librement et presque instantanément.

Malgré les quantités croissantes de mana de feu et de terre qui m'entouraient, la situation ne semblait pas bonne. Mon premier réflexe était de m'échapper dans un espace ouvert où je pourrais au moins éviter la brume, mais cela signifiait abandonner le millier de soldats piégés ici. J'ai été tenté de faire remonter toute la chambre souterraine à la surface, mais cela aurait détruit le bâtiment au-dessus de nous. Je ne voulais pas verser le sang de nains innocents si je le pouvais.

J'ai scanné mon environnement. La plupart de la pièce était obscurcie par la brume, mais la terre m'a permis de savoir combien de personnes étaient sur pied et combien étaient mortes ou invalides. En ce court laps de temps, plus d'un quart était déjà tombé.

Je maudis une fois de plus, mais je le regretta immédiatement lorsqu'un rire aérien retentit à côté de moi.

"La forteresse mentale imprenable d'Olfred Warend s'effrite-t-elle lentement ?" Aya a chuchoté, derrière moi cette fois.

J'ai vu un groupe de soldats en position défensive, tirant des sorts, et j'ai vu qu'ils commençaient à tomber au sol, serrant leur cou.

Je ne pourrai protéger personne à ce rythme, ai-je pensé, juste avant qu'une ruée de wyrms cornus n'apparaisse soudainement autour de moi.

J'ai ignoré les illusions. A la place, j'ai voulu que trois des failles sur le sol entrent en éruption. Trois explosions de lave en fusion ont fusionné en une collision ardente là où j'avais senti la fluctuation de mana d'Aya.

Mon sort a frappé.

"Comme prévu. Je ne peux pas baisser ma garde contre toi", a chuchoté Aya en apparaissant à la vue de tous. Elle tenait son bras brûlé.

Pendant ce temps, des cris d'horreur et de choc résonnaient dans la pièce, de la part des soldats qui n'étaient pas capables de distinguer la réalité de ses illusions.

"Tes illusions sont toujours aussi sadiques, Aya", ai-je craché avec dégoût. "Ta sale habitude de torturer tes victimes est la raison pour laquelle tu es toujours exclue, même parmi ton propre peuple."

"J'ai vu la jolie statue que tu as faite là-haut", a répondu Aya, en disparaissant de la vue. "Si tu veux mon avis, je préfère de loin qu'on aspire l'air de mes poumons plutôt que d'être lentement brûlé à mort dans une tombe en fusion." "Cette saleté l'a mérité." J'ai érigé un autre chevalier de magma à l'endroit de sa voix. "Je lui ai donné le même destin que ceux qu'il a choisi d'asservir pour de l'argent."

"Est-ce la même logique qui t'a conduit à trahir Dicathen ?" Son ton était tranchant, ce qui était rare pour Aya.

"Vous, les elfes, n'avez jamais compris les difficultés que notre peuple traverse. Même après votre guerre contre les humains, les nains sont toujours traités comme des êtres de classe inférieure. Juste parce que notre peuple préfère aiguiser ses capacités magiques pour créer plutôt que détruire, nous sommes rabaissés et exploités. Je fais confiance à la décision du Seigneur Rahdeas de prendre les armes avec les Vritra et l'armée d'Alacrya."

"Tu crois que les Vritra se soucieraient de Rahdeas et de ton peuple ? Les Vritra et tous les autres asuras nous traitent d'inférieurs parce que nous ne sommes rien pour eux !" Elle a sifflé, montrant plus d'émotion que je n'en avais jamais vu de sa part.

"Tu as lu le rapport qu'on nous a donné, n'est-ce pas ? Comment les Vritra ont expérimenté sur les Alacryens afin d'améliorer leur armée pour combattre les autres clans d'asuras. Ils veulent faire la même chose ici, avec vous, avec notre peuple. Les nains, les humains et les elfes !"

Maintenant !

J'ai siphonné autant de mana que je le pouvais, créant une explosion dévastatrice de feu et de pierre autour de moi.

La brume illusoire se dissipa, révélant la Lance elfique.

Elle a incliné la tête. "As-tu renoncé à protéger les Alacryens ?"

"Ceux qui restent sont morts. Les autres se sont échappés par les tunnels que j'ai créés pendant que tu étais occupé à me faire la leçon ", ai-je répondu.

Aya portait toujours son masque d'apathie, mais je pouvais voir au léger mouvement de son front qu'elle avait fait une erreur de calcul.

Sans hésiter, je me suis précipité vers elle. Aya a répliqué en s'élançant en arrière et en lançant des croissants d'air comprimé sur moi. Cependant, je n'avais plus à me soucier de protéger les autres, ce qui me permettait d'utiliser pleinement mon pouvoir.

Des plaques de lave provenant du sol et des murs ont commencé à graviter autour de moi, m'enveloppant pour former une armure de protection en fusion. Les lames d'air compressées ébréchaient mon armure magique, mais de nouvelles plaques de roche en fusion comblaient les trous.

Les chevaliers de magma que j'avais invoqué se sont tous élancés vers la Lance elfique, leurs armes en feu, mais Aya était trop rapide. Même sans la brume enveloppant ses mouvements, elle était facilement capable de déjouer les golems et de les réduire en cailloux avec sa contre-attaque.

Le temps semblait ralentir pendant que nous nous battions. Je ne pouvais pas rivaliser avec sa vitesse, mais elle ne pouvait pas surmonter mes défenses.

"Il semble que nous soyons dans une impasse," ai-je dit en régénérant mon armure pour réparer une autre fissure.

Il y avait des zones de peau à vif sur les membres d'Aya où mon magma avait réussi à brûler son aura défensive, mais elle était encore relativement indemne.

"Eh bien, si ce duel se poursuit pendant encore une heure ou deux, tu pourrais bien avoir le dessus," dit-elle avec un sourire joyeux qui n'atteignait pas tout à fait ses yeux.

"Comme je l'ai déjà dit, un autre Vritra va bientôt arriver. Il n'est pas trop tard pour que tu t'enfuies."

Elle répondit en lançant un barrage de lames d'air dans toutes les directions. Ignorant les dommages de mon armure - qui était déjà en train de se réparer - j'ai façonné le magma dans mon bras gauche en une lance dentelée.

J'ai frappé Aya, conjurant simultanément des pics de lave du sol sous elle et du mur derrière elle.

Pendant un moment, j'ai cru que mon attaque avait réussi, mais son corps s'est transformé en une sorte de nuage d'air.

Maudits soient ses illusions.

Le combat a continué, mais il semblait qu'Aya n'avait pas l'intention de me battre. Ses attaques sont devenues moins confiantes. Elle semblait perdre du mana, mais mon instinct me poussait à rester prudent. Elle préparait quelque chose.

J'ai volontairement baissé ma garde, espérant qu'elle se rapproche de moi. Elle a mordu à l'hameçon et a surgi juste au-dessus de moi avec un tourbillon d'air concentré en une pointe de lance autour de son bras. Elle a frappé la couronne de mon casque, le brisant et perçant presque mon crâne également.

Réagissant instantanément, le magma qui me protégeait s'est enroulé autour du bras d'Aya, la maintenant en place. Les yeux de l'elfe s'élargirent d'horreur quand je la transperçai avec une main infusée de mana.

Aya a essayé de parler, mais elle n'a pu que balbutier des halètements tandis que je tordais mon bras ensanglanté en elle pour m'assurer qu'elle ne survivrait pas. "Tu es forte et pleine de ressources, Aya, mais la patience n'a jamais été ton point fort. Si ça peut te consoler, je n'ai jamais souhaité qu'on en arrive là." J'ai tiré sur mon bras mais il ne bougeait pas.

Puis je l'ai vu - de fines mèches de mana, semblables à des cheveux, sur toute mon armure.

J'ai immédiatement essayé de couper les brins de mana, mais mes attaques les ont traversés.

"Tu as raison", a chuchoté la voix d'Aya à côté de moi - et cette fois, c'était vraiment elle. " J'ai beaucoup de ressources. "

Elle m'avait parlé une fois d'un sort qu'elle avait mis au point, mais penser qu'elle était capable de faire ça... !

Les brins de mana ont brillé et j'ai senti l'air dans mes poumons se convulser. Je respirais encore uniquement parce qu'elle le voulait. Je réalisais maintenant que pendant tout notre combat, elle avait soigneusement attendu son heure, attendant ce moment.

"Surpris ?" a-t-elle dit. "J'avais besoin que le vigilant Olfred affaiblisse ses défenses, et tu ne le ferais que si tu pensais avoir le dessus. Ça a aussi aidé que ton énorme costume de pierre garde tes sens émoussés."

Les minces brins de mana, qui étaient reliés au bout de ses doigts, ont brillé une fois de plus et une douleur aiguë a transpercé ma poitrine.

Plutôt que de me tuer, elle a continué à parler, se réjouissant de sa victoire. "Je sais que tu es fasciné par ma magie, Olfred. Tu l'as toujours été. Même maintenant, tu veux savoir comment j'ai fait ça, n'est-ce pas ? Quelle que soit la race, chaque corps a une protection naturelle contre la magie étrangère.

C'est pourquoi les mages de l'eau ne peuvent pas simplement drainer les fluides corporels d'une personne, pourquoi les mages de la terre ne peuvent pas manipuler le fer dans le sang de quelqu'un."

"Tout mage qualifié sait cela, mais établir un lien pour manipuler directement le corps de quelqu'un en utilisant le mana... comment ?".

" C'est pourquoi les mages de l'air ne peuvent pas aspirer le souffle de vos poumons ", dit-elle, ignorant ma question. "A moins que..." Elle s'est arrêtée, laissant le mot suspendu dans l'air comme une guillotine.

Mes poumons ont tremblé et j'ai pris une grande inspiration, persuadé que c'était la dernière. Malgré ma force, cette sensation que ma respiration soit autorisée par quelqu'un d'autre n'était rien de moins que terrifiant.

J'ai levé les mains en signe de soumission et je me suis lentement tourné vers Aya. Ses yeux habituellement doux étaient aiguisés - la façon dont elle regardait ses ennemis. "Je sais, rien qu'à ton regard, que mon destin est scellé.

Il serait déraisonnable de ma part de te demander d'avoir pitié de Lord Rahdeas, mais s'il te plaît, épargne Mica. Elle n'a rien à voir avec ça. J'ai dû la droguer de peur qu'elle ne trouve son chemin jusqu'ici."

Les sourcils d'Aya se sont légèrement froncés avant qu'elle ne réponde. "Je le garderai à l'esprit, mais ce n'est pas à moi de décider."

J'ai répondu d'un signe de tête. C'était la meilleure réponse que je pouvais espérer obtenir. "Malgré nos désaccords, ce fut un honneur de travailler avec toi."

J'ai cru voir une once de remords dans ces yeux froids, mais je savais que je ne pourrais jamais le confirmer. Mon souffle m'a quitté comme s'il était arraché de mes poumons, et ma vision s'est assombrie lorsque j'ai senti la poigne froide de la Terre Mère me ramener dans son étreinte.

176

APPARU

ARTHUR LEYWIN

Je pouvais voir un aperçu du soleil levant derrière les Grandes Montagnes. Il projetait de longues ombres sur la clairière, une plaine herbeuse parsemée de gros rochers et d'éclats de bois.

Cet endroit semblait avoir fait partie de la forêt environnante il y a longtemps, avant qu'une avalanche ne frappe. La neige persistait encore, se cachant par plaques dans l'ombre des débris et des arbres tombés.

Uto se tenait à une douzaine de mètres de là, balançant ses bras comme s'il faisait un étirement matinal.

Arthur. La voix de Sylvie était remplie de malaise.

Je sais, ai-je répondu en enlevant ma cape de laine. Je peux déjà sentir la différence entre lui et l'autre serviteur que nous avons combattu.

" Sais-tu ce qui motive le plus un ennemi ? " a demandé Uto, en étirant son long et fin cou.

Je n'ai pas répondu. Au lieu de cela, j'ai pris Dawn's Ballad de mon anneau dimensionnel et l'ai retiré de son fourreau.

" Tu ne sais pas ? J'ai découvert que c'est l'ennemi qui cherche à se venger qui riposte avec le plus... d'enthousiasme", a-t-il répondu nonchalamment.

Une lueur éthérée enveloppait la lame sarcelle de mon épée malgré le manque de lumière autour de nous. Voir les restes déchiquetés de la pointe cassée me faisait encore mal au cœur, mais je savais que même dans cet état, Dawn's Ballad était la meilleure arme que je pouvais espérer pour le moment.

J'ai levé mon regard pour le poser sur celui d'Uto avant de répondre. "Tu penses que c'est un combat pour la vengeance ?"

"Ce n'est pas le cas ?" Il a haussé les épaules, se rapprochant d'un pas en tapant sur sa corne ébréchée. " Tu étais plutôt énervé quand tu as appris que j'étais le responsable de la mort de cette elfe. "

"Je l'ai rencontrée alors qu'elle était mourante", ai-je répondu en faisant également un pas en avant. "Donc la vengeance ne serait pas tout à fait ma motivation. Je te considère simplement comme quelqu'un dont il faut se débarrasser."

Uto a froncé les sourcils. "Eh bien, c'est décevant. J'étais là, tellement enthousiaste à l'idée que tu allais utiliser chaque once de ton être pour te venger de ton camarade, de ton compagnon, ou peut-être même de ton amant

- oublie ça, tu es un peu trop jeune pour elle, à moins qu'elle ne soit dans ce genre de...".

Le serviteur maigre marmonnait dans sa fantaisie, puis il a brusquement frappé ses mains ensemble. "Aha ! Grand-père elfe ! Sa précieuse petite-fille a à peu près ton âge, n'est-ce pas ? Vu ta proximité avec cette famille, il serait plus logique qu'elle te plaise que l'elfe Lan..."

La lame de givre en forme de faucille que j'avais lancée sur le serviteur maigre s'est dissipée lorsqu'elle a touché une pointe noire qui s'est manifestée sur le sol devant lui. Les piques métalliques se sont figées à l'impact, mais sont restées entières.

"Tu vois ? C'est le genre de rage et d'impatience que j'attendais." Il a fait claquer ses doigts, comme pour regretter. "J'aurais dû tuer la princesse elfe, ou peut-être un membre de ta famille, plutôt que d'attendre que tu te montres ici."

"Tu as fini ?" J'ai demandé en serrant les dents, en tenant mon épée dans une position offensive.

Uto a simplement haussé les épaules. "Tu devrais aussi faire sortir ton petit lien. Tu vas avoir besoin de toute l'aide que tu peux avoir."

"Sors, Sylvie", ai-je dit à voix haute, en gardant mon regard fixé sur le serviteur. Elle a sauté hors de ma cape, l'air aussi féroce et intrépide que je ne l'avais jamais vu.

Je pouvais sentir sa détermination dans mon esprit, me fortifiant contre le sentiment rampant de malheur imminent qui me tenaillait les tripes. "C'est une honte que les circonstances entourant cette bataille ne soient pas aussi favorables qu'elles ne l'étaient à l'origine, chiot.

Ce souffle élémentaire que tu m'as tiré dessus lors de notre première rencontre a laissé une impression significative, tu vois. Cela m'a fait penser que je t'avais blessé profondément, personnellement." Uto a laissé échapper une profonde respiration exagérée. "Peu importe. Voyons si tu peux me divertir pendant au moins quelques minutes."

Uto a fait un pas en avant, mais contrairement à la démarche décontractée qu'il avait utilisée auparavant, l'espace autour de lui s'est soudainement déformé. Sa présence est devenue presque palpable dans l'air, et chaque pas a envoyé des ondulations de vibrations dans le sol.

J'ai immédiatement déclenché Realmheart, et Sylvie a pris sa forme draconique.

"Une wyvern ?" demanda Uto en inclinant la tête.

Avec les pouvoirs de Sylvie scellés depuis sa naissance par sa mère, elle semblait être une bête de mana très puissante, mais pas plus que cela. J'étais resté prudent depuis le début de la guerre, mais c'était un soulagement de voir que même un serviteur ne pouvait rien dire.

"Pourquoi ? Ça te fait peur ?" J'ai insisté.

Il a répondu par un ricanement malicieux, puis a nonchalamment fait un geste de la main droite. Avec Realmheart qui amplifiait mon affinité avec le mana ambiant qui nous entourait, j'ai senti la perturbation devant moi avant de pouvoir voir quoi que ce soit. Sylvie et moi nous sommes précipités dans des directions opposées juste à temps pour esquiver le barrage de pointes noires qui s'était instantanément manifesté sous nos pieds.

Le sol sur lequel nous nous trouvions ressemblait maintenant au dos d'un gros porc-épic en colère. Chacune des pointes de 2 mètres brillait de menace. "Brandis ton arme, chiot !" Uto a craché, tirant un grand harpon noir du centre de sa paume.

J'ai ramené Dawn's Ballad près de mon côté, pointant la pointe brisée de l'arme vers Uto. Les runes qui brillaient sur mon bras brûlaient d'une chaleur réconfortante tandis que je commençais à fusionner le mana qui m'entourait.

La lame de mon épée scintillait d'une multitude de couleurs alors que je

j'ai infusé de la glace, du feu, des éclairs et du vent. Aucune autre arme que Dawn's Ballad n'aurait pu résister à une telle quantité de mana.

C'est parti ! Avec Sylvie à mes côtés, j'ai chargé.

Je tenais mon épée basse tandis que je courais vers le serviteur. Le sol sous mon arme était fendu par son aura passante, mais ruiner la nature était le dernier de mes soucis.

Avec un sourire maniaque, Uto a chargé à son tour, son bras harpon en arrière, comme un serpent prêt à s'élancer.

En un instant, ma lame a rencontré la sienne, créant une vague sphérique par le choc de l'impact. Les éléments infusés dans Dawn's Ballad ont surgi, mais Uto a tenu bon sans effort.

Il m'a fait un clin d'oeil, nos armes étant toujours entrelacées. "Pas mal."

Baisse-toi, a dit Sylvie.

J'ai immédiatement obéi, et mon lien s'est élancé avec sa longue queue, le frappant en plein dans le côté dès que je me suis laissé tomber au sol.

Uto s'est envolé et a percuté un rocher qui s'est brisé sous l'impact. Le voile de débris ne s'était pas encore dissipé lorsque j'ai donné un coup avec Dawn's Ballad. Un croissant polychrome de mana s'est détaché de ma lame, tranchant le nuage de poussière sur son passage.

La terre a violemment tremblé lorsque l'onde de choc a creusé une tranchée dans le sol avant d'exploser à travers plusieurs arbres, qui sont tombés en une série d'éclats autour d'Uto.

Il est toujours en vie, me dit Sylvie. Elle était déjà prête pour sa prochaine attaque.

Je me suis baissé, accumulant plus de mana autour de mon corps en cas d'attaque surprise, mais plutôt qu'une riposte, un rire a résonné dans le creux du sol. De nouveau, j'ai vu les fluctuations vacillantes du mana autour de moi. De fines pointes étaient conjurées à partir de l'air tandis que de grands piliers de métal noir sortaient de l'ombre sous les nombreux rochers et rondins tombés.

J'ai paré les fines pointes, chacune d'entre elles envoyant une force secouante dans mes bras. Pendant ce temps, Sylvie a repoussé les épais piliers qui avaient surgi des ombres les plus sombres. Ses écailles épaisses ont réussi à résister à la plupart des attaques, mais le volume et l'intensité du barrage soudain d'Uto nous a laissé toutes deux blessées et en sang.

Ne nous guéris pas, ai-je ordonné lorsque Sylvie a rassemblé le mana dans son souffle. Pas encore, en tout cas.

Heureusement, les piques n'étaient pas empoisonnées, mais c'était presque injuste que le serviteur ait pu les conjurer à partir de rien.

Même les mages de terre avancés devaient façonner la terre autour d'eux avant de les lancer. Uto semblait être capable de manifester ses attaques où il voulait.

"Je m'attendais à mieux, chiot", soupira théâtralement Uto en sortant du creux de terre que j'avais créé avec ma dernière attaque.

Couvre moi, j'ai envoyé à Sylvie, siphonnant plus de mana hors de mon noyau de mana et dans mon corps. Je pouvais voir mes longs cheveux devenir blancs alors que je tombais plus profondément dans Realmheart Physique. Les runes sont devenues plus complexes et je pouvais sentir la marque dans mon dos. Le mana qui m'entourait semblait désireux d'obéir à mes pensées. Il virevoltait autour de moi, se transformant en sorts qui auraient normalement demandé une immense concentration.

Dawn's Ballad était enveloppé d'une aura argentée de givre, et mon poing gauche crépitait de vrilles d'éclairs noirs.

Les sourcils d'Uto étaient froncés, mais il n'avait pas le temps de réfléchir car j'arrivais, déchaînant un torrent d'attaques. Mon épée cristalline n'était plus qu'un flou, ne laissant que des traces d'argent sur son passage. J'enchaînais les coups de poing, les coudes, les genoux et les coups de pied comme Kordri me l'avait appris au cours de nos années d'entraînement. À chaque fois que je lançais Dawn's Ballad, il ripostait instantanément avec une pointe noire, qui gelait et se brisait à l'impact. Sylvie, quant à elle, restait juste derrière, ses membres étant recouverts d'écailles et de griffes, tandis qu'elle tailladait et arrachait l'interminable barrage de pointes noires conjurées par Uto. Bientôt, la zone autour de nous est devenue une ruine de décombres gelés et de pointes de métal noir coupées.

Ce n'est pas bon, Arthur. Les attaques d'Uto semblent devenir plus rapides et plus fortes au fur et à mesure que nous nous battons, grogna Sylvie.

Mes yeux restaient fixés sur le serviteur, qui n'avait pas encore reçu la moindre blessure.

Chaque fois que j'étais sur le point de porter une attaque, une plaque de métal noir se formait autour de la zone, le protégeant.

Je vais devoir monter d'un cran.

Les épaisses vrilles d'éclairs noirs qui s'enroulaient autour de mon bras se sont retirées à mon signal. J'intériorisai la magie de la foudre, accélérant mon temps de réaction en renforçant mes neurones avec de l'énergie crépitante.

Le monde entier a semblé ralentir. Mes sens étaient exacerbés - à un degré presque accablant. Les couleurs semblaient exploser, et les minuscules particules de mana visibles à travers Realmheart prenaient vie.

J'ai balancé la Ballade de l'Aurore une fois de plus et j'ai facilement plongé sous la frappe d'Uto. Au moment où ma lame allait toucher le côté exposé d'Uto, je l'ai vu.

La magie noire du serviteur, qui semblait instantanée en temps normal, se rassemblait rapidement à l'endroit où mon attaque était sur le point de frapper. J'ai instantanément redirigé mon coup vers le haut, juste en dessous de son bras.

Je pouvais voir l'effroyable mana bouger, réagissant à ma nouvelle attaque. Mais il n'est pas arrivé à temps. J'ai feint une autre attaque, puis j'ai enfoncé mon poing dans son sternum à la place.

Le serviteur a plié sous le coup. Il a fait un pas en arrière pour se redresser, et une fine traînée de liquide trop sombre pour être du sang a coulé sur le côté de sa bouche.

J'ai été surpris que mon attaque ait vraiment fonctionné. J'ai fait une pause avant de m'élancer vers l'avant avec un autre coup.

C'est dans les ombres, Sylv ! J'ai crié intérieurement. Ces piques noires ne peuvent se manifester que dans les zones d'ombre. C'est pourquoi ses sorts sont toujours plus puissants lorsqu'ils proviennent de l'ombre.

La main d'Uto s'est troublée. Elle s'est troublée. Malgré le fait d'être dans Realmheart et d'avoir Thunderclap Impulse augmentant mes sens, je ne pouvais pas voir clairement sa frappe. Son poing m'a frappé comme un train. Même avec la densité du mana qui protégeait mon corps, je me suis senti vaciller dans et hors de ma conscience. Le temps de me ressaisir, j'étais à six mètres de là, le dos contre le tronc d'un arbre brisé.

Sylvie tenait Uto à distance, le sang de ses blessures fraîches recouvrant ses écailles noires. Depuis que ses capacités avaient été scellées, elle n'était pas plus capable de suivre Uto que moi, même avec ses défenses supérieures.

Je me suis levé, réfléchissant si je devais utiliser Burst Step une fois de plus pour déjouer les plans d'Uto. Le ton tranchant de Sylvie a coupé court à mes pensées. Tu seras estropié pour le reste de ta vie si tu utilises Burst Step à nouveau !

C'est mieux que de mourir ici, n'est-ce pas ? J'ai répondu, avec de la frustration dans la voix.

Il y a d'autres options à explorer avant d'utiliser ça ! siffla-t-elle en tordant son grand corps pour éviter l'attaque d'Uto. Elle repoussa le serviteur avec son aile avant de se lancer directement sur moi. Prépare-toi !

Comprenant qu'elle n'allait pas s'arrêter, j'ai bondi et me suis accroché à la base de son cou juste avant qu'elle ne décolle du sol. Presque instantanément, nous avons parcouru 30 mètres, et avons continué à voler plus haut.

Quel est ton plan ?

Comme tu l'as dit, c'est l'ombre. Il est capable de manifester ces pics métalliques d'où il veut tant qu'il y a de l'ombre, expliqua-t-elle alors que nous nous élevions assez haut pour que la montagne ne bloque pas le soleil.

J'ai grimacé à cause des rayons lumineux, mais j'ai immédiatement compris ce que Sylvie voulait dire.

Nous nous battions dans une ombre géante !

Exactement. C'est ainsi qu'il a pu conjurer ses attaques d'où il voulait. Si nous le combattons ici, il sera beaucoup plus limité dans ses attaques.

Je me suis fermement dressé sur le dos de Sylvie. Elle et moi n'avions jamais combattu ensemble comme cela. Dans mon monde précédent, j'avais dû passer des heures à m'entraîner pour combattre à cheval, et j'imaginais que cela devait être plus facile que de se tenir en équilibre à des centaines de mètres du sol sur un dragon volant.

J'ai à peine eu le temps de trouver mon équilibre qu'Uto est apparu à quelques mètres au-dessus de nous, une lance noire à la main.

Sa lance de magie de l'ombre, qui avait auparavant brillé comme du métal, semblait terne maintenant qu'il devait compter sur l'ombre que son corps projetait comme ancre pour ses sorts.

En prenant garde de ne pas blesser Sylvie, je me suis poussé de son dos et j'ai enveloppé mon corps dans un tourbillon sphérique.

Activant une fois de plus Thunderclap Impulse, j'ai foncé droit sur la lance du serviteur. Sylvie avait raison : sans les ombres, ses attaques ne venaient pas de toutes les directions, mais seulement des parties de son corps opposées au soleil. Des pointes noires jaillissaient de son corps, mais elles étaient loin d'être aussi denses et imposantes.

"Tu es plutôt intelligent, chiot. Je suis content que tu aies trouvé ma faiblesse," dit Uto, sa voix étouffée par le vent.

C'était gênant de se battre dans les airs. Tout comme Uto était limité par le manque d'ombre, j'étais limité par le fait que je ne pouvais pas voler. Sylvie a manœuvré autour de moi, faisant office de plate-forme pour que je puisse sauter.

Essaie de ne pas rester trop près au cas où Uto tenterait d'utiliser l'ombre que ton corps projette, J'ai envoyé à Sylvie alors que je me précipitais pour une nouvelle attaque.

Avec les effets de Thunderclap Impulse encore améliorés par Realmheart, je pensais que nous serions capables de gagner. Des traînées d'ichor s'échappaient des blessures superficielles que j'avais réussi à infliger à Uto, mais son expression me troublait.

Son visage, qui avait été l'image d'une joie maniaque, s'était adouci en une expression... d'ennui.

"Même avec ce handicap, tu n'as pas été capable de porter un seul coup important", a-t-il dit, la voix sombre. "C'est décevant."

"Désolé, mais je ne me bats pas contre toi pour t'impressionner", ai-je craché en me retournant. La pointe fracturée de Dawn's Ballad s'est enfoncée dans la poitrine d'Uto. J'ai laissé le mana coalisé dans la lame se déverser, et le corps entier d'Uto a été englouti dans le gel, le feu, d'éclairs et de vent.

J'ai gardé ma prise sur mon épée alors que je sentais que nous commencions à tomber tous les deux. Pendant un moment, j'ai pensé que je l'avais fait. Je pensais l'avoir tué.

Puis j'ai vu un tourbillon noir se manifester à l'endroit où mon épée était enfoncée dans son corps. Mon attaque avait réussi à détruire la plupart des bandages dont il s'était enveloppé, pour laisser apparaître ce qui ressemblait à des piercings.

Il avait des petits clous de métal sur tout le torse et les membres, et, à ma grande frayeur, chacun de ces piercings métalliques projetait sa propre petite ombre sur tout son corps.

La corne d'Uto brillait d'une lumière noire violacée tandis que l'ombre de ses innombrables piercings se répandait entièrement autour de son corps.

J'ai essayé de retirer Dawn's Ballad de la poitrine d'Uto, mais peu importe la quantité de mana que j'ai imprégnée dans mon corps, je n'étais pas assez fort pour l'arracher.

"Si tu as été capable de remarquer ma faiblesse dans le court laps de temps où nous avons joué, ne penses-tu pas que je I'ai découvert il y a longtemps ?" Sa voix était étouffée par le masque noir qui recouvrait toute sa tête et son visage, à l'exception de ses cornes.

"Sylvie !" J'ai dit tout haut, en lâchant la Dawn's Ballad.

Mon lien s'est immédiatement repositionné pour m'attraper, mais une pointe noire a soudainement jailli du corps d'Uto.

J'ai drainé plus de mana de mon noyau, manifestant un gantelet de glace autour de ma main droite pour frapper le projectile noir. Je savais que si je l'esquivais, l'attaque toucherait Sylvie, alors je l'ai frappé à la place, redirigeant l'attaque avec succès.

Ou je pensais l'avoir fait.

Uto a pointé un doigt vers moi, comme pour me prévenir de quelque chose. Je ne pouvais pas voir son expression derrière son masque d'ombre, mais je jure que je pouvais sentir son ricanement haineux. Un instant plus tard, j'ai senti la piqûre de quelque chose contre ma peau - quelque chose qui venait d'en dessous de moi.

Avec l'attribut interne de la foudre, l'art du mana améliore mes réactions, puisant dans le mystérieux éther qui m'entoure, j'ai activé la première phase de ma volonté de dragon.

Aevum, le contrôle du temps. Avec une petite maîtrise de cette puissante capacité, j'ai été capable d'arrêter brièvement le temps autour de moi. Dame Myre avait dit que l'éther ne pouvait pas être manipulé, mais seulement influencé - mais dans mon cas, j'avais l'impression de simplement profiter de l'influence que Sylvia avait eue sur l'aevum. Les couleurs se sont inversées et les particules violettes d'éther autour de moi ont violemment tremblé. Uto, Sylvie, et même la pointe noire presque logée dans mon dos...

-tout s'est arrêté brusquement. La dernière attaque d'Uto n'étant plus en mouvement, j'ai pu tourner sur moi-même et éviter l'impact de plein fouet.

Libération de la Distorsion - ce que j'ai choisi d'appeler la phase 1 - ressemblait beaucoup à l'expiration de mon souffle après avoir été sous l'eau jusqu'au bord de la noyade. J'ai à peine réussi à rassembler mes esprits lorsque la pointe noire est passée devant moi, désorienté après l'avoir évité de justesse. Mon corps s'est jeté vers le bas, mais au moment où j'ai atterri sur le dos de Sylvie, Uto a réagi. Il a traversé le ciel comme un éclair noir et a frappé Sylvie et moi simultanément, nous projetant dans une spirale descendante.

Alors que nous dégringolions vers le sol comme une comète, j'ai de nouveau perdu connaissance. Mon corps entier n'était qu'un paquet d'agonie ; je ne pouvais pas discerner exactement quelle partie de moi était cassée.

Sans même avoir le luxe de crier à cause de la douleur, j'ai désespérément essayé de me protéger et de protéger mon lien en utilisant la magie.

Reviens à ta forme de renard ! J'ai crié, mais au lieu d'obéir, Sylvie s'est mise en boule, me couvrant de ses pattes, de son cou, de son torse et de ses ailes. Je pouvais sentir la chaleur de son ventre alors qu'elle me serrait plus fort.

Tu n'as pas assez de mana pour supporter l'impact. Au moins, mon corps pourra bloquer une partie du choc.

Idiote, j'ai répondu. Même dans mes pensées, j'avais l'air faible.

Je me suis préparé pour l'impact, mais il n'est jamais venu - ou plutôt, je ne l'ai jamais senti. Quand j'ai repris conscience, j'étais au centre d'un cratère, encore plus épuisé.

Sylv ? J'ai essayé de me lever, mais mon corps a refusé d'écouter.

Sylvie ? j'ai envoyé un appel une fois de plus. Aucune réponse.

Un faible gémissement s'est échappé de ma bouche et je me suis retourné. Le corps de Sylvie était toujours sous moi, mais ses membres étaient écartés et il y avait des pointes noires partout sous nos pieds, certaines cassées, d'autres dépassant de son corps.

"Non." J'ai secoué mon lien. "Sylvie. Réveille-toi." Je l'ai secoué plus fort.

"Ce n'est pas drôle, Sylvie !" J'ai roulé hors de son corps, me griffant sur un pic à proximité.

"Sylvie, je t'en prie !" Ma vision a changé et je sentais que mon coeur essayait d'exploser dans ma poitrine.

Une vague de panique m'a envahi, m'engourdissant face à la douleur. J'ai rampé désespérément, essayant de déloger sa patte d'une grande pointe noire. Je serrais les dents, retenant mes sanglots tout en essayant de trouver un moyen d'aider mon lien. " "L'éther ", ai-je murmuré à bout de souffle en plaçant mes mains contre son corps. Ce n'était pas gagné, mais je devais essayer.

J'ai activé Realmheart une fois de plus. Chaque partie de mon corps hurlait de douleur à cause du contrecoup, mais j'ai tenu bon. Avec les particules de mana et d'éther visibles, j'ai désespérément essayé de guider les particules violettes dans le corps de Sylvie. "S'il te plaît", j'ai supplié.

Les particules violettes d'éther autour de Sylvie ont commencé à frémir, comme si elles répondaient à mon appel à l'aide désespéré. Lentement, elles ont tourbillonné et se sont infiltrées dans ses écailles. Je ne savais pas ce qui allait se passer. Puisque Sylvie était capable de me guérir grâce à l'éther, j'ai pensé qu'elle pourrait peut-être l'utiliser pour se guérir aussi.

Incapable de garder Realmheart actif plus longtemps, je suis tombé à genoux, pressant mon visage contre la base du cou de Sylvie.

"Tu vas t'en sortir", ai-je soufflé. "Tu vas aller mieux."

Plusieurs pointes noires avaient transpercé le corps et les membres de Sylvie, mais je n'avais pas la force de les arracher. J'ai essayé de frapper la pointe noire qui avait empalé son côté, en espérant qu'elle se détache du sol.

Je l'ai frappé. J'ai frappé à nouveau. Je l'ai frappé jusqu'à ce que je ne puisse plus condenser le mana et que mes articulations saignent.

"Ton lien va survivre", a dit une voix féminine de quelque part à proximité. Elle semblait calme et mature.

Aya ?

Désespéré et plein d'espoir, je me suis retourné et j'ai levé les yeux, mais ce n'était pas elle. C'était une fille, mais ce n'était pas Aya.

Loin de là.

C'était la fille que j'avais vue à la caverne de Darv.

La Faux. Sauf que ... dans sa main il y avait Uto. Et il semblait mort.

177

LA PREMIÈRE FAUX

Je la fixais en silence.

Je transpirais à grosses gouttes et j'avais des palpitations dans la tête. Ma langue ressemblait à un chiffon qu'on aurait essoré. Mon corps ressentait la peur, mais mon esprit était perdu dans un tissu de pensées. Je pouvais sentir les engrenages tourner tandis que mon cerveau essayait de trouver un scénario qui donnerait un sens à cette tournure des événements. La conclusion à laquelle il est arrivé, cependant...

Il n'y avait pas d'issue.

N'ayant plus de mana dans mon noyau, mon corps étant sur le point de s'effondrer à cause du contrecoup, et mon lien étant neutralisé, j'ai fait la seule chose que je pouvais faire. J'ai attendu.

La femme se tenait près du bord du cratère que le corps de Sylvie avait creusé. Elle était fondamentalement différente des serviteurs que j'avais vus jusqu'à présent.

Ses cheveux étaient longs et reflétaient le soleil comme une améthyste liquide. Contrairement à la sorcière, à Uto ou à Cylrit, dont le teint était d'un gris maladif, la peau de cette femme avait la qualité de l'albâtre poli. Ses yeux étaient aussi perçants que les longues cornes noires qui s'élevaient en spirale sur son crâne comme celles d'un impala.

En dehors de son apparence physique remarquable, ce qui m'a le plus frappé, c'est son aura - ou plutôt, son absence d'aura.

Ce n'était pas comme lorsque j'avais appris à cacher ma présence. Au contraire, l'aura de la faux semblait être là, mais contrôlée - contenue comme une bombe dévastatrice

prête à exploser. La seule fois où j'ai ressenti cela, c'est quand j'ai rencontré Le seigneur Indrath.

Le grand-père de Sylvie - le chef actuel des asuras - avait la même présence suffocante ; tout le monde se méfiait du moment où il pourrait exploser.

J'ai dégluti lourdement, ce qui était le plus grand mouvement que j'avais fait depuis que j'avais pris conscience de l'arrivée de la faux.

Mais elle est restée immobile. C'était un bon signe. Si elle voulait me tuer, elle aurait déjà pu le faire. Je voulais demander pourquoi elle tenait Uto, mort ou inconscient, par les cheveux, mais je n'en avais pas le courage.

J'étais à peu près certain que ni Sylvie ni moi n'avions fait de dégâts sérieux à Uto ; cela signifiait soit qu'il avait dépassé ses limites avec sa dernière attaque, soit que cette faux avait quelque chose à voir avec son état actuel. Les deux options semblaient peu probables.

Sans bouger, j'ai continué à utiliser la rotation du mana pour regagner passivement du mana. Mon corps brûlait et mon noyau me faisait mal à cause du contrecoup, mais je tenais bon. Peu importe la quantité de mana que je gagnais, je ne pouvais rien faire de toute façon ; je ne pouvais pas m'échapper avec Sylvie dans cet état et il était hors de question que je la laisse derrière moi. Je me suis dit qu'il serait peut-être utile de lutter contre cette Faux, mais cette idée a été rapidement rejetée par toutes les autres fibres de mon être.

Je suis donc resté exactement dans la même position, fixant la Faux aux cheveux violets. Des dizaines de scénarios possibles ont traversé mes pensées, mais elle a alors fait quelque chose que je n'aurais jamais pu prévoir. De sa main libre, la faux a arraché les cornes d'Uto une à une, comme si elle cueillait des fleurs. Sans parler, elle les a jetées sur moi avec désinvolture. J'ai réagi instinctivement, comme si c'était des bombes - et pour ce que j'en savais, c'était possible. Je me suis mis en boule, protégeant mes organes vitaux. Je me suis placé entre les cornes coupées et mon lien dans le faible espoir de pouvoir protéger mon dragon de deux tonnes, mais rien ne s'est produit. Les deux cornes noires s'entrechoquèrent en roulant sur le flanc du cratère avant de s'arrêter de manière décevante à mes pieds.

J'ai regardé les cornes sur le sol avec précaution, puis j'ai croisé le regard de la faux. Son comportement n'avait aucun sens ; d'après ce que j'avais compris, les cornes des Vritra étaient une partie importante d'eux-mêmes. Pourquoi aurait-elle fait ça à son allié ?

Alors que je pensais que ses actions ne pouvaient pas être plus imprévisibles, la Faux a soulevé Uto par les cheveux et a percé son corps avec une fine lame de ce qui semblait être du mana pur. La lame violette mortelle a traversé le sternum d'Uto, mais il n'a pas réagi du tout. Etait-il vraiment...

Que ce soit parce que j'étais épuisé - physiquement et mentalement - ou parce que la Faux mettait en place une sorte de stratagème, je n'arrivais pas à comprendre le sens de ses actions. À ce stade, j'étais juste choqué qu'elle ait été capable de percer si facilement le noyau d'Uto.

Les noyaux de mana et de bête étaient des parties du corps denses et hypersensibles ; plus le niveau de l'utilisateur était élevé, plus ils étaient résistants. Être capable de percer le noyau d'Uto sans lui causer une agonie complète signifiait que cette faux avait fait quelque chose de plus que simplement l'assommer.

La Faux a jeté Uto comme une poupée de chiffon dans le cratère, vers Sylvie et moi.

"C'était une bataille difficile, mais vous avez réussi à vaincre Uto. Vous avez pu le garder en vie, mais par mesure de sécurité, vous avez percé son noyau pour vous assurer qu'il ne pourra pas utiliser de mana. Vous avez fait cela afin de pouvoir le ramener pour l'interroger", a dit la Faux, comme si elle lisait un script.

Ma première réaction a été de demander ce qui se passait, mais cette Faux semblait être le genre de personne qui méprisait les questions inutiles qui lui faisaient perdre son temps. D'après ses actions, il semblait qu'elle n'était pas d'accord avec cette guerre ou qu'elle avait son propre agenda. Je pouvais travailler avec l'une ou l'autre option, tant que cela signifiait que je n'allais pas mourir aujourd'hui.

J'ai posé une question différente à la place.

"Serait-ce trop de demander votre nom ?" J'ai marmonné, ma voix me trahissant malgré la confiance que j'essayais de projeter.

Elle a légèrement haussé l'un de ses sourcils, mais c'est le seul changement d'expression extérieure qu'elle a montré.

Après une légère pause, elle a répondu, la voix plate, "Seris Vritra".

En me soulevant du sol, j'ai réussi à m'asseoir, appuyant mon dos contre le corps de Sylvie. J'avais l'impression que mon propre corps pesait autant que celui de Sylvie, mais je faisais de mon mieux pour paraître équilibré.

"Merci, Seris Vritra. Je n'oublierai pas cette gentillesse." J'ai incliné ma tête respectueusement. Il n'était pas clair si cette Faux était une ennemie ou une alliée. Elle ne semblait être ni l'un ni l'autre, mais quoi qu'il en soit, elle avait sauvé ma vie et celle de Sylvie. Pour cela, le moins que je puisse faire est de la remercier, quelle que soit sa race ou sa position dans cette guerre.

Seris a esquissé un léger sourire. "Un garçon particulier."

La faux s'est retournée, se préparant à partir. Puis, par-dessus son épaule, elle dit : " Pour notre bien à tous les deux, deviens plus fort - vite. Les cornes d'Uto seront une ressource inestimable pour toi si tu parviens à extraire le mana qui y est stocké."

Les yeux écarquillés, je pris avec précaution les deux cornes de la taille d'un poing et les garda dans mon anneau. Quand j'ai levé les yeux, Seris avait disparu.

Je ne savais pas si c'était parce que Uto était inconscient ou parce que Seris avait détruit son noyau, mais le lit de pointes noires dont Sylvie avait utilisé son propre corps pour me protéger s'était effondré. Les blessures de Sylvie se refermaient déjà, et sa respiration devenait plus détendue. Je pensais que les mages du noyau blanc guérissaient rapidement, mais la guérison de Sylvie était réellement visible.

N'ayant plus peur que mon lien ne meure ici, j'ai porté mon attention sur le serviteur inconscient et en sang. Dawn's Ballad perçait toujours sa poitrine, mais elle glissa facilement lorsque j'ai tiré dessus. Mon épée avait à peine laissé une égratignure sur Uto, mais l'attaque apparemment nonchalante de Seris avait facilement transpercé son corps et son noyau.

"On dirait que j'ai encore du chemin à parcourir avant d'essayer d'affronter un autre serviteur, sans parler d'une Faux", ai-je marmonné pour moi-même. Je détestais l'admettre, mais, avec l'apparition de Seris, j'avais complètement perdu la volonté de me battre.

Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi impuissant. Ce n'était pas un bon sentiment, et cette fois-ci, ce n'était pas différent.

Quand j'ai rassemblé assez de mana, j'ai essayé d'utiliser la magie, mais mon noyau s'est mis à brûler, me plongeant dans une crise d'agonie. Le mana brûlait alors que je le canalisais à travers mon corps, mais j'ai finalement été en mesure d'enfermer le corps d'Uto dans la glace.

Bien que j'ai failli mourir il y a quelques instants, un sentiment de calme m'a entouré. Il y avait des choses que j'aurais dû faire en ce moment - aider Aya si son combat n'était pas déjà terminé, informer Mica de la trahison d'Olfred - mais là, je ne pouvais pas. Dans mon état de faiblesse, je ne pouvais pas les aider même si je le voulais, alors j'ai cédé aux demandes de mon corps et me suis reposé.

Je me suis lourdement appuyé contre le corps de Sylvie, sa respiration rythmée étant presque thérapeutique. D'habitude, je ne me laisse jamais aller à des rêveries ou à des fantasmes nostalgiques, mais là, j'avais l'impression de le mériter. Laissant mes pensées dériver, je me suis permis d'imaginer ma vie après la guerre. Je me suis laissé aller à des pensées heureuses, même si elles ne se réaliseraient pas forcément.

Des pensées de moi, adulte - peut-être même portant une barbe - avec une famille à moi. Le visage de Tess a surgi dans mon esprit, et j'ai immédiatement ressenti le besoin d'abandonner ma rêverie. Mais je méritais cette petite pause fantasmatique.

J'ai donc laissé les scènes se poursuivre. Tess semblait plus âgée, plus mûre, mais toujours d'une beauté éblouissante. Elle souriait avec éclat à ce que je venais de dire, ses joues se colorant d'une légère teinte rouge. Elle a glissé une mèche de cheveux derrière son oreille avant de me lancer un regard coquet. Elle a fait un seul pas vers moi, et soudain nous étions poitrine contre poitrine. Tess s'est soulevée sur ses orteils et a fermé les yeux. Son rougissement s'est accentué et ses longs cils ont frémi.

Alors qu'elle se préparait à m'embrasser, Tessia a été soudainement arrachée de mes bras. J'étais entouré par l'obscurité, mais je pouvais vaguement distinguer la silhouette qui se tenait devant moi, à quelques mètres de moi.

C'était moi. L'ancien moi.

Qu'est-ce qui te fait penser que tu peux avoir ce bonheur, que tu le mérites ? L'ancien moi a parlé, sa voix résonnant dans le vide.

Après ce que tu leur as fait, tu penses que tu peux juste oublier et passer à autre chose ? Ils sont morts à cause de tes choix. Ils ont payé le prix de ton égoïsme.

Que tu sois le Roi Grey ou Arthur Leywin, tu ne peux exister que seul. Que tu sois le Roi Grey ou Arthur...

... Grey ou Arthur... Arthur...

"Arthur !"

Je me suis réveillé en sursaut. En face de moi se trouvait Aya.

Son expression s'est immédiatement détendue et une lueur de soulagement a brillé dans ses yeux. "Tu ne te réveillais pas, peu importe la force avec laquelle je te secouais. Je commençais à craindre que quelque chose ne soit arrivé pendant le combat."

"Je suis juste un peu fatigué." J'ai rassemblé un sourire pour la rassurer. Aya a hoché la tête. "Je suis content que tu ailles bien."

En regardant la Lance elfe, j'ai vu qu'elle était beaucoup plus pâle que d'habitude, mais elle n'avait pas de blessures visibles. "Comment ça s'est passé de ton côté ?"

L'expression d'Aya s'est assombrie. " Quelques soldats alacryens ont pu s'échapper. Quant au traître, je l'ai exécuté."

Traître. Exécuter. J'ai réfléchi au choix des mots de l'elfe. Elle prenait ses distances par rapport au fait qu'elle avait tué un ancien camarade. Je ne pouvais pas lui en vouloir ; la mort d'Olfred m'a laissé un goût amer dans la bouche aussi, mais Aya avait travaillé à ses côtés plus longtemps que moi. "Et pour Mica ?" J'ai demandé.

Aya secoua la tête. "Je suis venue ici juste après avoir terminé mon travail à la base cachée des Alacryens. J'ai pensé que tu pourrais avoir besoin de mon aide, mais je vois que ce n'était pas nécessaire."

Pendant un bref instant, j'ai pensé à parler à la Lance de Seris et de la façon dont elle m'avait aidé, mais j'ai choisi de ne pas le faire.

Il n'y avait pas de raison particulière derrière cela ; je voulais simplement en savoir plus sur Seris avant de dire quoi que ce soit. "Ce fut une bataille difficile, mais avec l'aide de Sylvie, j'ai pu le vaincre."

Il y eut un éclair de doute dans les yeux d'Aya, mais elle se reprit immédiatement avec un hochement de tête sec. "Je suis heureuse que vous vous en soyez sortis indemnes tous les deux. Nous avons gagné."

"Merci", ai-je dit en caressant le corps de Sylvie. "On n'a pas l'impression d'avoir gagné. Nous avons réussi à faire tomber un serviteur, mais au prix d'un membre du Conseil et d'une Lance, peut-être même deux."

"Je pense qu'on peut se contenter d'une seule Lance", a répondu Aya en regardant fixement Uto, dont j'avais laissé le corps gelé en position verticale. "Donc Mica n'en faisait pas partie ?"

Aya a secoué la tête. "Elle doit encore être interrogée, mais j'en doute fortement." J'ai reposé ma tête contre le corps de Sylvie, reconnaissant pour cette petite nouvelle, au moins. Je pouvais à nouveau sentir mon lien dans mes pensées - un mélange des émotions qu'elle ressentait dans ses rêves. "Avec l'arrestation de Rahdeas et l'interrogatoire de Mica, ainsi que l'interrogatoire de ce serviteur, ça va être mouvementé quand on rentrera au château", ai-je dit, plus à moi-même qu'à Aya.

"Ça le sera certainement, alors repose-toi ici tant que tu peux."

J'ai souri faiblement à Aya, pensant que j'avais trop de choses en tête pour me détendre : que penser des actions de Seris, comment utiliser les cornes pour devenir plus fort, comment expliquer les cauchemars récurrents sur ma vie passée. Mais dans la bataille entre mon corps et mon esprit, mon corps l'a emporté, et j'ai succombé à l'attrait irrésistible du sommeil.

178

L’APERÇU GRISONNANT

" SUIVANT ! Cadet Grey, pas de nom de famille. Veuillez monter sur la plate-forme", dit le chercheur de l'autre côté de la vitre. Il portait une blouse de laboratoire immaculée, et ses yeux mi-clos ne quittaient pas son presse- papiers. "Veuillez placer votre main dominante sur le globe et attendre de nouvelles instructions."

J'ai fait ce qu'on m'a demandé, en élargissant mes épaules et en gonflant ma poitrine, comme si ma posture allait m'aider à réussir ce test.

"Maintenant, Cadet Grey, le globe est un capteur qui va mesurer votre niveau de ki. Veuillez imbiber le capteur de ki jusqu'à ce qu'on vous donne le signal d'arrêter."

Prenant une profonde inspiration, j'ai siphonné le ki de mon sternum et l'ai laissé couler le long de mon bras droit dans la sphère de verre. Mon ki ressemblait à des gouttelettes d'encre dans l'eau alors qu'il tourbillonnait et se dilatait dans le capteur qui le mesurait. J'ai vu les chercheurs prendre des notes avec un air déçu.

Une minute à peine s'était écoulée et je transpirais déjà abondamment, ma main tremblant au sommet du globe.

"Vous pouvez arrêter", a dit le même chercheur dans l'interphone, sa voix étant encore moins impressionnante qu'auparavant. "Veuillez vous rendre sur le terrain d'entraînement pour la dernière partie de votre évaluation."

Je suis sorti par la même porte que celle par laquelle j'étais entré, jetant un coup d'œil en arrière alors que les chercheurs discutaient de mon score derrière leur vitre. Celui qui m'avait donné les instructions secouait la tête.

En marchant dans le couloir lumineux, je me suis arrêté à l'arrière d'une file de cadets qui attendaient leur tour pour le test final.

"Hé... vous savez quel sera le dernier test ?" a demandé le jeune homme corpulent qui se trouvait devant moi dans la file. Il semblait nerveux.

"Nous avons passé les tests pour mesurer notre acuité mentale, notre force physique et notre ki. Par simple processus d'élimination, ce dernier ne peut être que ça."

Les yeux de l'adolescent musclé se sont illuminés en réalisant et il a fait un sourire suffisant. "Oh...ça ! Haha ! Je suis bon à ça."

J'ai laissé échapper un petit rire en voyant le changement d'attitude du simplet. C'était la même chose pour moi, j'étais aussi bon à ça.

La file d'attente s'est remise en marche et nous sommes entrés dans un grand auditorium avec un plafond d'au moins 30 mètres de haut. Il y avait déjà un bon nombre de cadets rassemblés dans des endroits désignés, avec un instructeur dirigeant chaque groupe. J'ai scanné la zone dans l'espoir de trouver Nico ou Cecilia, mais je ne pouvais pas voir l'un d'eux.

Un autre instructeur se tenait à l'avant de notre ligne, guidant chacun des nouveaux cadets vers un groupe différent. Il a pointé vers sa droite, vers une foule de cadets nerveux près du coin le plus éloigné, et le garçon volumineux devant moi s'est dirigé avec confiance vers le groupe qui lui avait été assigné. "Cadet Grey, sans nom de famille", a lu l'instructeur.

J'ai réprimé l'envie de me renfrogner à chaque fois qu'un membre du corps enseignant a souligné le fait que je n'avais pas de nom de famille. Pourquoi cela avait-il de l'importance ici ?

"Dirigez-vous vers le groupe 4C, à mi-chemin dans le coin le plus à gauche de l'auditorium. Le sol est marqué pour votre confort", a dit l'instructeur en indiquant la direction appropriée.

Je lui ai fait un bref signe de tête et me suis dirigé vers mon groupe, qui était composé d'une douzaine de jeunes hommes et femmes de toutes tailles et corpulences. Une petite fille qui semblait avoir à peu près mon âge se tenait avec assurance, les bras croisés. Elle laissait volontairement échapper des traces de son ki pour que tout le monde autour d'elle puisse le sentir. Un garçon musclé aux cheveux bien coupés avec un sourire arrogant, se tenait debout, se plaçant à l'avant du groupe.

A en juger par la crête épinglée sur sa poche de poitrine, il venait d'une famille de militaires. Nul doute qu'il avait été élevé pour devenir un membre éminent de l'armée, peut-être même un prétendant au poste de roi.

Au milieu du groupe se trouvait notre instructeur, un homme corpulent qui semblait avoir la quarantaine, sa moustache étant mieux soignée que ses cheveux clairsemés.

"Cadet Grey ?" a demandé l'instructeur en haussant les sourcils et en lisant sur son bloc-notes.

"Oui, monsieur." J'ai hoché la tête respectueusement. Inutile d'être brusque avec l'homme chargé de déterminer mon statut au sein de cette académie militaire.

"Ok ! On dirait que tout le monde est là alors", a-t-il dit en rangeant son presse-papiers sous son aisselle et en joignant les mains. "Bonjour à tous. Vous pouvez tous vous référer à moi en tant qu'instructeur Gredge. Avant que nous commencions, j'aimerais dire quelques mots." Les cadets de notre groupe se sont déplacés en cercle autour de lui pour que tout le monde puisse le voir.

"Comme beaucoup d'entre vous l'ont deviné, cette dernière partie de l'examen d'entrée sera le combat pratique. J'ai ici les résultats du niveau de ki de chacun dans ce groupe, et bien que je ne divulguerai le niveau de personne, je vous dirai maintenant qu'ils sont tous différents. Le combat pratique signifie que vous n'aurez pas toujours le luxe de pouvoir combattre quelqu'un ayant le même niveau de ki que vous. Parfois, vous aurez la chance d'affronter un adversaire qui peut à peine renforcer son poing."

Quelques cadets de notre groupe ont ricané à ce propos.

"D'autres fois, vous vous retrouverez dans des situations où votre adversaire dispose d'une réserve de ki beaucoup plus importante que la vôtre", poursuit l'instructeur en brandissant une nouvelle fois son presse-papiers. "Quoi qu'il en soit, vous serez jugés sur votre capacité à vous adapter en conséquence et, surtout, à l'emporter."

Nous avons échangé des regards entre nous.

Puis un adolescent maigrelet, qui semblait avoir quelques années de plus que moi, a levé le bras et a pris la parole. "Les rumeurs sont-elles vraies- que les cadets peuvent mourir pendant ce test ?"

L'instructeur Gredge a gratté sa barbe. "Hautement improbable. Les armes sont émoussées et adoucies. De plus, je surveillerai attentivement les combats et j'interviendrai si nécessaire."

Quelques cadets du groupe étaient encore anxieux malgré l'assurance de l'instructeur. Je ne pouvais pas les blâmer. La différence de niveau de ki faisait une énorme différence de force et d'agilité - suffisamment pour que même une arme adoucie puisse être mortelle.

L'instructeur s'est éclairci la gorge pour attirer notre attention. "Comme vous le savez tous, l'examen d'entrée est important pour déterminer et assurer l'avenir d'un cadet dans cette académie. Ceux qui réussissent bien ici seront bien soutenus par l'académie et recevront des ressources pour approfondir leurs compétences, tandis que ceux qui réussissent mal seront négligés et finalement expulsés. C'est injuste, mais c'est aussi le chemin de la vie. Je vous demanderais bien si vous avez des questions, mais nous n'avons pas beaucoup de temps, alors commençons." Notre instructeur rondouillard a fait un signe de la main pour que certains cadets s'écartent de son chemin. Il a ensuite sorti une clé de sa poche et l'a insérée dans le mur. C'est alors que j'ai remarqué les légères jointures dans le sol.

"Comme il s'agit d'un examen et non d'un cours, nous ne vous ferons pas de compte rendu sur ces matchs. Vous pouvez choisir de spéculer entre vous.", a-t-il dit. En même temps qu'il parlait, le mur s'ouvrit pour révéler un support d'armes, et en même temps, des vitres d'un matériau semblable à du verre s'élevèrent des fines jointures dans le sol. En quelques secondes, une zone d'environ dix mètres de côté était entourée par les murs transparents, qui s'élevaient à plus de trois mètres de haut.

"Le premier combat opposera le cadet Janice Creskit au cadet Twain Burr. Sélectionnez l'arme de votre choix et entrez dans l'arène." L'instructeur Gredge a fait un geste vers la porte et les vitres se sont ouvertes.

La jeune fille de petite taille qui avait fait étalage de son ki a choisi une lance émoussée, tandis que l'adolescent maigre qui venait de demander à l'instructeur s'il était possible de mourir a soigneusement choisi un bouclier et une épée. Ils ont suivi l'instructeur dans l'espace clos, les vitres se refermant derrière eux.

"Les coups portés seront ignorés ; je déterminerai si le combat doit s'arrêter ou non. En attendant, battez-vous à votre guise." Notre instructeur s'est placé entre Janice et l'anxieux Twain. "Commencez !"

Twain fit un bond en arrière et se mit immédiatement en position défensive, tenant son bouclier en fibre de verre en l'air tout en gardant son épée émoussée près de son corps.

Janice, de son côté, s'est élancée vers son adversaire. Un bruit sourd a résonné lorsque sa lance a heurté le bouclier de Twain, mais elle n'a pas cédé. Sans se soucier de sa propre sécurité, elle lâcha une série de coups sauvages, repoussant Twain à chaque fois.

La petite fille s'élançait comme un chat, rapide et agile, mais trop téméraire. Bien que ses sourcils froncés montraient son incertitude, Twain semblait avoir compris sa faiblesse et synchronisa son prochain blocage pour parer la lance de Janice.

Elle tituba d'un pas, mais c'était tout ce dont Twain avait besoin. Il a rapidement balancé son épée, la frappant directement à l'épaule. Je m'attendais à ce qu'elle se torde de douleur, ou du moins qu'elle recule devant le coup direct, mais une couche translucide de ki a repoussé le pire du coup.

Avec un sourire suffisant sur le visage, Janice a repoussé l'épée de Twain avec sa main et l'a taclé avec la même épaule qui avait reçu le coup. Twain s'est plié. Janice a poursuivi en balayant les jambes de Twain avec son arme, le faisant tomber de ses pieds, littéralement.

L'adolescent maigrelet est tombé au sol et Janice a levé sa lance. Mais avant qu'elle ne puisse abattre l'arme sur le visage de Twain, l'instructeur Gredge l'a saisie et l'a interceptée.

"Match terminé. Les deux cadets retournent dans le groupe", a-t-il dit sans cérémonie, en lâchant la lance.

Il y a eu un moment de silence pendant que notre instructeur notait quelques choses sur son presse-papiers pendant que Twain et Janice sortaient de l'arène.

"Cadet Grey et cadet Vlair de la maison Ambrose. Sélectionnez l'arme de votre choix et entrez dans l'arène."

Des murmures ont parcouru notre groupe au nom d'"Ambrose".

Le beau garçon musclé - qui semblait aussi avoir mon âge - s'est approché de Janice.

"Puis-je utiliser la lance ?" a-t-il demandé en tendant la main.

La fille, qui venait de se battre comme un chat sauvage, s'est soudainement apprivoisée en lui tendant la lance émoussée. "Bien sûr."

J'ai choisi une épée de la moitié de la largeur de celle que Twain avait utilisée, puis je suis entré dans l'espace clos.

"C'est tout, Cadet Grey ?" Vlair a demandé en levant les sourcils. "Le type d'épée que tu as choisi est généralement associé à une armature ou à une autre épée."

J'ai secoué la tête. "Je suis bien comme ça."

"Comme vous voulez", dit Vlair en haussant les épaules.

"Commencez." L'instructeur Gredge a fait signe d'un geste de son presse- papiers.

Contrairement à Janice, Vlair a pris une position beaucoup plus neutre avec sa lance. Je ne connaissais pas trop les formes de cette arme particulière, mais rien que par instinct, je savais qu'il était bien mieux entraîné que Janice.

J'ai resserré la prise sur mon épée mais j'ai gardé la lame basse. Les yeux de Vlair se sont rétrécis, presque comme s'il était insulté par le fait que je n'avais pas pris une position correcte.

Mon adversaire a fait le premier pas, s'élançant en avant. Son arme est devenue floue, mais je savais déjà où elle allait arriver. J'ai esquivé son premier coup avec un léger mouvement de la tête, et j'ai esquivé le coup rapide qui a suivi.

Le match se poursuivait, Vlair étant incapable de porter le moindre coup. Je savais qu'un seul coup serait probablement la fin pour moi dans ce duel, mais je devais garder mon ki limité pour le moment où je pourrais réellement attaquer. Pendant ce temps, Vlair avait une aura de ki constante qui enveloppait son corps et son arme, ce qui était impressionnant. Les cadets précédents avaient été capables de se protéger avec le ki dans une certaine mesure.

-Janice plus que Twain, mais la capacité de Vlair à étendre son ki à son arme était le fruit du talent et du travail, surtout à notre âge.

Sa lance émoussée passa à côté de ma joue avec une précision exercée, mais je laissai mon corps faire son travail. Ses mouvements étaient flous et il semblait utiliser une technique qui pliait et courbait sa lance pour une plus large gamme d'attaques, mais il était toujours lent, du moins pour moi. Il n'avait pas la férocité effrayante que possédaient les attaquants qui avaient tenté d'enlever Cecilia.

Je m'étais habitué à cette sensation au fil des ans, mais c'était toujours étrange la façon dont mon corps se déplaçait en même temps que mes pensées. Je me réjouissais de ce talent, car il me permettait d'égaliser les chances, compte tenu du peu de ki dont je disposais.

Le cadet Ambrose continuait d'attaquer, et sa combinaison précise d'attaques s'est rapidement chargée d'émotion. La frustration et l'impatience ont pris le dessus, émoussant ses attaques et laissant son corps plus ouvert. J'ai profité de ce fait et j'y suis allé. Renforçant la plante de mon pied avec du ki, j'ai redirigé sa lance vers le haut, de sorte que ses côtes soient exposées sur son côté droit, et j'ai foncé.

J'ai balancé mon épée, le frappant proprement juste sous l'aisselle. Vlair a vacillé avec l'impact, mais je pouvais dire par la sensation que ça n'avait pas fait grand chose. La riche couche de ki l'a protégé.

"Assez. Le combat est terminé", a déclaré l'instructeur Gredge.

"Quoi ? Ça m'a à peine chatouillé ! Je peux encore me battre," répliqua Vlair, de la colère dans les yeux.

"Il n'y a pas de victoire dans ces matchs, Cadet Ambrose. J'en ai vu assez de votre part à tous les deux, c'est pourquoi je mets fin à ce match ", dit notre instructeur, l'agacement étant évident dans son ton.

Vlair m'a lancé un regard. "Je ne suis pas d'accord pour dire que vous en avez vu assez. Le gamin a juste porté un coup chanceux."

L'instructeur Gredge a secoué la tête. Le "coup de chance" a été donné après que vous n'ayez pas réussi à porter un seul coup pendant exactement une minute et huit secondes. Maintenant, avant que je ne vous enlève encore plus de points, veuillez sortir de l'arène pour que les autres cadets puissent avoir leur tour."

Vlair m'a fixé, ainsi que notre instructeur, d'un regard noir, mais il est sorti après avoir jeté sa lance sur le sol.

Les examens se sont déroulés rapidement après cela, nous laissant le temps de nous reposer et de manger pendant que le tableau des résultats était téléchargé.

"Cette place est prise ? Bien sûr que non", a demandé une voix familière qui a répondu

de derrière moi. Nico m'a donné un coup de coude avant de s'asseoir en face de moi. Il portait un plateau avec le même repas que celui que j'avais reçu et que j'étais en train de manger. Cecilia le suivait de près et m'a adressé un sourire avant de s'asseoir à côté de Nico.

J'ai ignoré la petite taquinerie de Nico, avalant mes légumes à la vapeur avant de demander : "Comment se sont passés tes tests ? L'amulette a fonctionné ?" Cecilia a levé sa main droite pour me montrer le petit pin de la taille d'une pièce de monnaie au centre de sa paume. "Ça a marché comme un charme. À en juger par la réaction des testeurs, j'étais probablement quelque part entre la moyenne et pas vraiment au-dessus de la moyenne."

"J'aurais dû l'appeler le distributeur de ki pas vraiment supérieur à la moyenne", a ricané Nico en pointant sa fourchette sur moi. "Je t'avais dit que ça marcherait."

Je respectais la résilience et la capacité d'adaptation de Nico. Il avait sans aucun doute été affecté par la mort de la directrice Wilbeck, mais il ne s'est pas laissé abattre longtemps.

Il a rebondi et nous a poussés, surtout moi, à continuer à travailler pour atteindre un objectif. Je savais qu'il plaisantait souvent pour cacher ses émotions, mais je pensais que son esprit était très utile à notre groupe.

J'ai hoché la tête. "Je suis content que ce soit le cas... même si je pense toujours qu'il aurait été préférable que vous alliez tous les deux dans une école normale. Il n'est pas trop tard, je crois..."

"Et je t'ai dit qu'on restait ensemble", a coupé Nico. Ses yeux ont vacillé d'intensité pendant un moment, puis il s'est détendu. "De plus, cet endroit dispose d'un centre de recherche et de plusieurs ateliers à la disposition des étudiants du département d'ingénierie."

"Nico a raison", a ajouté Cecilia en tripotant sa nourriture sans vraiment manger. "Nous avons tous des choses que nous pouvons apprendre en étant ici."

"Bien, mais nous devons être prudents." J'ai baissé la voix et me suis rapproché de mes amis. "Nous ne savons pas exactement quel groupe ou organisation était après Cecilia."

"Tu t'inquiètes trop," dit Nico avec dédain. "Le nouveau réducteur de ki que j'ai construit devrait durer assez longtemps pour que je puisse chercher quelques pièces ici et en faire un plus stable."

Nous parlions en mangeant, mais nos yeux revenaient sans cesse sur la grande horloge au-dessus de la cuisine. Ce n'était pas seulement nous - tout le monde était impatient de l'annonce.

Nico a repoussé son plateau de nourriture. "Eh bien, je ne peux plus manger de cette merde de rat. Tu veux juste aller au tableau maintenant ?"

"Bien sûr", j'ai dit. "Nous pourrions être en mesure d'obtenir une meilleure place."

Nous sommes sortis de la salle et sommes retournés dehors. Le soleil brillait au-dessus de nos têtes, mais avec seulement des bâtiments et des arbres et arbustes artificiels autour de nous, l'académie semblait étouffante.

"Les cadets ingénieurs sont aussi séparés en divisions ?" J'ai demandé à Nico alors que nous marchions.

Mon ami a balancé sa tête d'un côté à l'autre. "Oui et non. Nous - les cadets les plus intellectuels - devons toujours utiliser le ki pour créer des outils et des gadgets, donc ils donnent la priorité à ceux qui ont une grande réserve de ki, mais ce n'est pas aussi lourd que pour les cadets martiaux. Je serai placé soit en première division, qui est la voie rapide, soit en deuxième division."

"J'aimerais que ce soit aussi simple pour nous", a dit Cecilia. "Pourquoi les cadets martiaux ont des divisions qui vont jusqu'à cinq ?"

Nico a haussé les épaules. "Le chemin de la vie. En tout cas, j'espère que vous serez tous les deux dans la même division, sinon dans la même classe. Comme ça, Grey, tu pourras emmerder tous les garçons qui s'approcheront trop près de Cecilia."

Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire à cela. Nico l'a dit légèrement mais je peux dire qu'il était embarrassé par ses mots. Même après toutes ces années, Nico n'avait toujours rien dit de ses sentiments pour Cecilia.

Lorsque nous sommes arrivés dans la grande cour où le tableau serait mis à jour, il y avait déjà une grande foule de cadets qui essayaient de se rapprocher le plus possible du tableau.

"On dirait que tout le monde ici a eu la même idée que nous", a marmonné Cecilia.

"Pas d'autre choix que de passer à travers", a dit Nico en me poussant en avant. "Ouvrez la voie, cadet !"

Après plusieurs minutes à se faufiler entre des centaines de cadets, nous sommes arrivés assez près du tableau pour pouvoir lire les grands mots chargés sur l'écran.

"Nico, ta lèvre inférieure saigne !" Cecilia s'est exclamée. "Tu as été touché ?"

"Hélas, je n'en suis pas sorti indemne, j'ai pris un coude perdu au visage pour te protéger !". dit Nico de façon dramatique.

Je secouai la tête. "Nico se mordille la lèvre quand il est nerveux, frustré, concentré, ou tout ça à la fois. Il a probablement mordu trop fort."

Nico a fait claquer sa langue. "Petit malin".

Juste à ce moment-là, l'écran a clignoté et s'est allumé. Des mots - noms et numéros - sont apparus sur l'écran en rangées. Les cadets derrière nous nous ont poussés en avant alors qu'ils essayaient tous de s'approcher le plus possible pour trouver leurs noms.

J'ai trouvé celui de Nico assez facilement. Il avait été placé en division 1, classe 1, le niveau le plus élevé. J'ai ensuite vu le nom de Vlair Ambrose ; il était en division un, classe cinq de la liste des cadets martiaux, ce qui signifie qu'il avait à peine atteint la première division. Le nom de Cecilia est apparu ensuite, et son cri de joie contenu m'a dit qu'elle avait aussi trouvé son nom.

J'ai regardé vers le bas, à la recherche de mon nom, mais plus mon champ de vision descendait, plus mon cœur se serrait. Plus les noms apparaissaient bas, plus leur division et leur classe étaient basses. Le nom de Cecilia était apparu assez tôt, puisqu'elle avait été placée dans la division deux, classe quatre. Au moment où j'ai trouvé mon nom, j'ai su que mon objectif d'exceller à l'académie et de devenir assez fort pour trouver et faire tomber les personnes qui ont tué le directeur Wilbeck allait être beaucoup plus difficile que je ne le pensais.

J'ai marmonné mon nom et ma division, en le répétant encore et encore, juste au cas où j'aurais mal lu. "Grey. Division quatre, classe un."

ARTHUR LEYWIN

Mes yeux se sont ouverts et j'ai vu le plafond familier de ma chambre dans le château flottant. J'étais reconnaissante de ne pas avoir vécu un autre cauchemar, mais le rêve avait quand même laissé un goût incroyablement amer dans ma bouche.

"C'est l'heure de se lever, Syl-" je me suis rattrapé, me rappelant que mon lien était dans le service médical du château.

La journée d'hier ressemblait plus à un rêve qu'à celui que je venais de faire. Heureusement, nous n'avions eu besoin que de nous rendre dans la grande ville la plus proche qui disposait d'une porte de téléportation.

Plusieurs soldats ont dû aider à transporter Sylvie du site de notre bataille jusqu'à la porte et à travers celle-ci, mais elle est revenue saine et sauve et a été soignée.

Ils ne m'avaient pas du tout laissé voir Mica - elle avait été mise en détention pour être interrogée. Varay et Bairon étaient partis rencontrer la Lance naine au cas où elle déciderait de se défendre, mais elle était revenue de son plein gré. Lorsque je suis revenu au château vers midi, Rahdeas avait déjà été placé dans une des cellules, pour être interrogé plus tard, ainsi qu'Uto.

En regardant dehors pendant que je me tenais sous la douche, j'ai réalisé qu'il était tôt le matin, ce qui signifiait que j'avais dormi toute la journée d'hier, et toute la nuit. Je me sentais encore léthargique et chaud à cause du contrecoup, mais dormir pendant plus de dix-huit heures semblait avoir fait des merveilles pour moi.

En sortant de la douche, j'ai entendu des bruits de pas dans le couloir. Ils se sont arrêtés devant ma chambre, et je n'ai même pas laissé à la personne la chance de frapper avant d'appeler, "Qui est-ce ?".

Une voix inconnue, celle d'une femme, a retenti de l'autre côté de la porte. "Général Arthur. On m'a demandé de vous aider à vous préparer et de vous escorter jusqu'à la salle de réunion."

En regardant les cicatrices qui couvraient mon corps dégoulinant, je me suis soudain sentie mal à l'aise à l'idée que quelqu'un puisse les voir. Les cicatrices que le serviteur sorcier avait laissées sur mon cou et ma main gauche étaient les pires, mais ce n'étaient que deux des nombreuses cicatrices qui jonchaient mon corps.

Le mana et la volonté de bête a énormément aidé mon taux de guérison, mais cela signifiait seulement que les cicatrices se formaient plus rapidement pour sceller les blessures ; cela ne rendait pas ma peau neuve et nacrée.

"J'ai presque fini ; attendez ici une minute ", ai-je dit, en enfilant à la hâte un pantalon et une tunique avec un col haut, et en couvrant mes mains de gants fins.

Il n'était plus nécessaire de cacher mes cicatrices, puisque les traîtres avaient été capturés, mais je me sentais mieux en le faisant.

Je me suis assuré que Dawn's Ballad était en sécurité dans mon anneau dimensionnel, ainsi que les cornes coupées d'Uto, puis j'ai préparé mon esprit aux interminables réunions stratégiques et à l'interrogatoires à venir.

179

CONDUITE STRATÉGIQUE

La secrétaire elfe, impeccablement vêtue, m'a accompagné jusqu'à la salle de réunion. Notre courte marche a été marquée par un silence gênant.

Je voulais m'arrêter dans la chambre de ma sœur, mais l'elfe a insisté pour que la réunion soit prioritaire. Mes yeux dérivaient dans les couloirs pendant que nous marchions et je me retrouvais à chercher n'importe quel visage familier - mais surtout Tess. Probablement à cause de cette maudite scène que j'avais imaginée - nous nous serrant l'un contre l'autre, sur le point de nous embrasser.

Lorsque j'ai demandé, la secrétaire m'a informé - à ma déception et à mon inquiétude

-que Tessia et son équipe étaient retournés à leur poste dans la Clairière des Bêtes. "Quand sont-ils partis ?" J'ai demandé.

"Hier au lever du soleil, général Arthur", a-t-elle répondu de manière presque robotique, au moment où nous atteignions l'entrée de la salle de réunion.

Les gardes de chaque côté de l'entrée avaient fait glisser les portes en bois en nous voyant approcher, puis s'étaient immédiatement écartés, frappant la hampe de leurs lances sur le sol en signe de salut. "Général."

J'ai congédié la secrétaire et je suis entré dans la salle circulaire, croisant le regard des membres du Conseil et des autres Lances.

Il n'a pas fallu longtemps pour que la réunion commence une fois que nous nous sommes tous rassemblés - à l'exception d'Aldir, notre ambassadeur des asuras disparu. Cependant, avec Rahdeas et Olfred qui ne font plus partie du Conseil, la salle de réunion, autrefois exiguë, semblait étrangement spacieuse. Nous avions à peine pris place que le Roi Glayder a déclenché sa colère.

Frappant du poing contre la table circulaire, le roi costaud a rugi : "A quoi bon que le Seigneur Aldir prenne le contrôle de l'artefact s'il allait juste s'enfuir vers on ne sait où ?"

"Ce n'est pas le moment de s'énerver à propos de quelque chose que nous ne pouvons pas changer", grogne Alduin avec irritation.

"Il a raison," approuve Priscilla Glayder. "Il y a des choses plus urgentes dont nous devons discuter si nous voulons nous remettre de ce revers".

Blaine regarda sa femme avec incrédulité, mais la reine ignora le regard de son mari.

Merial, qui était assise à côté de son mari, a finalement détourné les yeux de la pile de parchemin qu'elle parcourait et a pris la parole. "J'ai recueilli et lu plusieurs récits de ce qui s'est passé, y compris celui d'Aya. Mais je pense que c'est mieux si nous commençons par le récit des événements d'Arthur."

"Je suis d'accord," dit Virion, en tournant ses yeux fatigués vers moi. L'homme était vieux depuis aussi longtemps que je le connaissais, mais ces dernières années avaient vraiment fait des ravages sur son corps et son mental. En témoignent les cernes profondes sous ses yeux et la façon dont son visage s'est déformé en un perpétuel froncement de sourcils.

Les cheveux roux de Blaine étaient pratiquement en feu tandis qu'il s'adossait à son siège, mijotant comme une flamme impatiente de recevoir le combustible qui lui permettrait de libérer sa colère une fois de plus.

"Bien sûr", ai-je dit en posant mes bras sur la table. Normalement, les Lances se tenaient derrière leur détenteur d'artefact respectif, mais compte tenu du fait qu'il y avait des sièges supplémentaires disponibles et que la position debout était déjà éprouvante pour mon corps fatigué, j'ai été autorisé à m'asseoir.

Récapituler les événements depuis le jour où Olfred, Mica et moi sommes partis en mission n'a pas pris beaucoup de temps. Les membres du Conseil m'arrêtaient quand ils avaient besoin d'une clarification ou de plus de détails, mais sinon ils me laissaient parler.

Mis à part le détail que ce n'était pas moi qui avait vaincu Uto, mais plutôt son allié, j'ai dit au Conseil tout ce que je savais. A la fin de mon histoire, Virion a hoché la tête d'un air pensif.

"Comment se fait-il qu'Arthur n'ait pas encore atteint le stade du noyau blanc, mais qu'il ait été capable de vaincre non pas un mais deux serviteurs, alors qu'une autre Lance a été tuée si facilement ?" demanda Blaine, la suspicion dans la voix.

Les yeux de Virion se sont rétrécis. "Pourquoi êtes-vous si sceptique envers le Général Arthur ?"

"J'aimerais simplement savoir comment il est sorti victorieux dans les deux cas. Peut-être qu'avec cette connaissance, nous pourrons mieux préparer le reste des Lances pour les futures batailles contre les serviteurs et les Faux," dit Blaine en haussant les épaules, mais l'hostilité dans sa voix était claire.

Priscilla a posé une main apaisante sur le bras de son mari, essayant d'intervenir.

"Mon cher..."

"Le Roi Blaine marque un point," je l'ai coupé. "Le premier serviteur que j'ai combattu n'était pas aussi fort que Uto, le serviteur que nous avons maintenant emprisonné. Même dans ce cas, je suis reparti avec une épée forgée par un asura cassée et ces cicatrices."

La surprise était présente sur tous les visages, à l'exception de celui de Virion, lorsque j'ai retiré le gant de ma main gauche et baissé ma tunique pour exposer mon cou, mais personne n'a dit un mot.

J'ai continué. "Uto, quant à lui, aurait pu me tuer - et tuer Sylvie - à vue, mais ce n'était pas ce qu'il cherchait. Sa seule motivation semblait être le plaisir de se battre. Quand il s'est avéré que je ne représentais pas une grande menace, il a baissé sa garde pour essayer de me provoquer dans un accès de rage. Sylvie et moi avons pu profiter de son imprudence pour détruire ses cornes."

La voix claire de Varay Aurae a résonné derrière Priscilla. "Comment saviez- vous que détruire les cornes du Vritra aurait un quelconque effet sur sa capacité à se battre ?".

J'ai secoué la tête. "Je ne le savais pas. Je doute que même les asuras le savaient, sinon ils nous l'auraient dit. Mais je me suis souvenu de la défunte Lance, Alea, qui disait à quel point Uto avait été furieux quand elle avait arraché un fragment de sa corne."

Ce n'était pas le mensonge le mieux pensé, mais mentionner Alea semblait convaincre même Blaine et Bairon, qui m'avaient tous deux étudié d'un œil critique tout au long de mon histoire. C'était mal de tromper tout le monde, surtout Virion.

Mais je ne faisais confiance à personne d'autre à ce stade, et je savais que dire la vérité à Virion maintenant - sans aucune idée de l'objectif de Seris - ne ferait qu'alourdir le fardeau du commandant.

Le pouvoir du serviteur a semblé diminuer de manière significative après que nous ayons détruit ses cornes" - j'ai souligné le mot "détruit" - "et nous avons réussi, de justesse, à le maîtriser. Après avoir capturé Uto, la seule chose dont je me souviens est que le Général Aya m'a réveillé."

"Merci", dit Virion après une brève pause. "Reine Priscilla, voulez-vous passer en revue le prochain ordre du jour ?"

Avec un hochement de tête, la reine a parlé. "Le facteur le plus crucial dans cette guerre à l'heure actuelle est notre alliance avec les nains. Avec Rahdeas emprisonné et détenu pour interrogatoire, nous n'avons personne pour diriger efficacement les nains. De plus, après la reconnaissance du général Arthur à Darv, il est évident qu'une ou plusieurs factions d'entre eux aident délibérément l'armée alacryenne."

"Et si nous envoyons des forces de Sapin à Darv pour superviser les nains ?" suggéra Alduin.

Le roi Blaine, qui s'était depuis calmé, secoua la tête. "Une présence militaire humaine ne ferait qu'effrayer davantage les nains - les convaincre que nous voulons les contrôler. Les choses deviendront encore plus incontrôlables si nous nous imposons."

Une idée a germé dans mon esprit, mais le reste des Lances restait relativement silencieux et je n'étais pas sûr d'avoir l'autorité nécessaire pour intervenir. Peut-être, pensais-je, que les trois Lances présentes n'étaient tout simplement pas au fait des tactiques militaires et politiques à grande échelle, étant donné leur concentration sur le combat. J'ai décidé de tenter ma chance et j'ai commencé par une question. "La capture de Rahdeas a-t-elle été rendue publique ?"

Le roi Blaine a levé un sourcil. "Non, ce n'est pas le cas. L'une des raisons pour lesquelles nous avons convoqué cette réunion est de discuter de la façon de gérer le traître et le fait que nous avons perdu une Lance et que nous ne pouvons pas la remplacer depuis que notre ambassadeur asura est parti en vacances".

"Alors pourquoi ne pas utiliser ça à notre avantage ?" J'ai suggéré, en espérant que quelqu'un comprenne.

Heureusement, Virion l'a fait. Son visage s'est éclairé comme il le faisait lorsque Tessia et moi n'étions que des enfants. "Génial ! Arthur, rappelle-moi de ne jamais faire la guerre contre toi."

Virion n'a pas eu à s'expliquer longtemps avant que tout le monde dans la pièce ne comprenne et commence à offrir des idées pour actualiser mon idée. Les gens ici étaient intelligents après tout.

En gros, le Conseil continuerait comme si Rahdeas n'avait jamais été capturé. Ils devraient faire en sorte que Rahdeas révèle comment il communique avec son peuple, mais ils seraient alors en mesure d'envoyer des ordres comme s'ils venaient de Rahdeas lui-même.

"Nous ne pourrions pas faire de changements radicaux tout de suite - comme les faire s'opposer immédiatement aux Alacryens, puisque Rahdeas voulait tellement les aider - mais nous pouvons au moins obtenir des informations en nous faisant passer pour lui ", dit Merial avec enthousiasme. L'atmosphère dans la pièce est devenue un peu plus légère, l'espoir renaissant lentement.

Le point suivant à l'ordre du jour était de discuter de la façon de procéder à l'interrogatoire du général Mica et à celui d'Uto.

"Je conduirai l'interrogatoire du général Mica, tandis que le général Aya s'occupera du Vritra que nous avons emprisonné," annonça Virion. "Cependant, l'interrogatoire de Rahdeas devrait avoir la priorité à ce stade, pour s'assurer de l'allégeance des nains. Quelqu'un pense le contraire ?"

Le reste d'entre nous a secoué la tête. Nous étions tous d'accord : il était crucial de contrôler Darv pour gagner cette guerre.

"Bien," continua Virion. "Alors nous allons reporter les détails concernant l'interrogatoire du Général Mica et du serviteur à notre prochaine réunion."

Le Conseil a continué, couvrant plusieurs autres points à l'ordre du jour. Puis Merial, qui organisait les piles de parchemin sur la table, a sorti le prochain document dont il fallait discuter.

Son regard se porta sur moi et elle hésita une seconde, puis le tendit à son beau-père.

Les lèvres de Virion étaient serrées dans une ligne sinistre pendant qu'il lisait le rapport, mais quand il a terminé, il y avait un regard de soulagement sur son visage quand il a passé le parchemin à Merial. "Le prochain ordre du jour est la route d'approvisionnement. Il y a eu une autre attaque sur l'un de nos chariots transportant des fournitures vers le Mur. Heureusement, le chariot était assez proche de Blackbend pour que les renforts puissent arriver à temps."

"Des morts ?" Demande Priscilla.

"Trois morts et quatre blessés, tous des marchands employés par le groupe Helstea", lut Merial à haute voix. "Et le général Arthur ?" Elle me regarda, marquant une pause. "Vous devez savoir que les Twin Horns étaient impliqués. Aucun d'entre eux n'a été blessé - en fait, votre mère a contribué à la protection du carrosse."

La seule chose que j'ai pu faire à ce moment-là, c'est hocher la tête d'un air las. J'avais le sentiment d'avoir évité la mort de justesse, et les trois morts que Merial avait mentionnées semblaient maintenant beaucoup plus réelles. Cela aurait pu être mes parents, et je n'aurais rien pu y faire.

"Maudits soient ces nains", murmura le roi Blaine avec colère. "Comme si les Alacryens n'étaient pas assez emmerdants ! Maintenant, à cause d'eux, nos ennemis ont accès à un réseau souterrain qui mène on ne sait jusqu'où à la frontière sud de mon royaume."

La conversation se poursuivit, mais je me perdis dans mes pensées pendant un moment, leurs voix étouffées par mon propre dialogue interne.

J'avais un millier de questions, mais elles étaient toutes personnelles. Mes parents et moi nous étions séparés en des termes peu glorieux. Mon égoïsme à vouloir les cacher en sécurité dans le château n'avait pas aidé à réparer notre relation, qui était encore en train de se remettre de ma décision de révéler mon secret.

Ils m'avaient dit qu'ils voulaient aider pendant la guerre, mais l'idée qu'ils soient réellement en danger n'avait jamais refait surface jusqu'à maintenant.

J'ai ressenti une tentation croissante de quitter cette pièce et de descendre à la surface pour voir mes parents, mais je savais qu'ils désapprouveraient le fait que j'abandonne mes fonctions pour aller les voir.

"Arthur ?" dit une voix inquiète.

Sortant de mon étourdissement, je me suis retourné vers le commandant. "Désolé, je vais bien. Continuez, s'il vous plaît."

Le Conseil discutait des meilleurs moyens d'optimiser les voies d'approvisionnement entre Blackbend, une ville importante près du sud-est de Sapin, et le Mur.

"Pourquoi pas une route souterraine ?" Le Roi Alduin a suggéré, en pointant vers le centre de la carte qu'ils avaient déroulée.

Le roi Blaine secoua la tête, se penchant en avant et indiquant la zone juste en dessous de Blackbend. "La ville est trop proche du Royaume de Darv. Nos cartes du sous-sol nain ne sont pas assez précises pour que nous sachions dans quoi nous nous enfoncerions. C'est trop dangereux d'essayer avant d'avoir sécurisé notre alliance avec eux."

"A quoi ressemble Blackbend ?" J'ai demandé, en regardant de près la carte. "Son économie est centrée sur les cultivateurs de pommes de terre des villages voisins et les aventuriers en raison de sa proximité avec la Clairière des Bêtes. La ville est actuellement responsable de notre approvisionnement en rations ainsi que de la fabrication d'armes - principalement des flèches - pour les soldats.

-C'est pourquoi il est crucial qu'il y ait un moyen de transport sécurisé vers le Mur," répondit sérieusement la Reine Priscilla.

"Le terrain qui l'entoure est principalement constitué de terres agricoles plates, ce qui fait qu'il est difficile pour les chariots transportant des provisions de passer inaperçus", a ajouté Bairon, prenant la parole pour la première fois dans cette réunion.

"Merci", leur ai-je dit. Les informations de la reine étaient intéressantes, mais elles m'ont aussi fait réaliser que ma question était vague. La réponse de Bairon était ce que j'avais besoin de savoir.

Pendant que le Conseil discutait d'autres idées pour mieux sécuriser la route d'approvisionnement, mon esprit a dérivé vers des moyens que les gens de ce monde ne pourraient pas envisager. En repensant au vaisseau que j'avais aidé Gideon à concevoir il y a quelques années, j'ai regardé la carte.

Malheureusement, il n'y avait pas de rivière près du Mur ou de Blackbend, mais j'avais une idée.

" Roi Blaine ", ai-je dit, interrompant leur discussion. "Combien de nains avez-vous qui sont adeptes de la manipulation du métal et qui peuvent nous aider ?"

"Il existe de nombreux mages du métal - ou façonneurs de métal, comme ils se nomment eux-mêmes

-parmi les nains, mais ceux qui sont assez dignes de confiance pour une grande tâche..." Le roi s'est arrêté pour réfléchir pendant une seconde. "Une poignée, peut-être."

La reine Priscilla acquiesça.

Je me suis tourné vers le père de Tess. "Roi Alduin, combien d'elfes adeptes de la magie de la nature pouvez-vous réunir ?"

Le roi elfe regarda sa femme en frottant son menton bien rasé.

Merial commença à regarder dans une autre pile de papiers, puis Aya prit la parole. "Quatre, actuellement en attente. Les autres sont en mission."

"De quoi s'agit-il ?" demanda Virion.

"Je vous en reparlerai une fois que j'aurai réglé la logistique de cette idée avec Gideon," dis-je distraitement, les rouages de mon esprit travaillant furieusement. Le plan sur lequel je travaillais devait permettre d'accélérer le processus de transport des fournitures et d'assurer la sécurité des passagers et des travailleurs, à savoir mes parents et les Twin Horns.

La réunion s'est terminée peu après. J'étais impatient de quitter la pièce étouffante, mais Virion a levé la main. "Avant que nous ne partions, je voulais aborder quelque chose."

Tous les regards se sont tournés vers lui. Curieux, je suis resté silencieux et j'ai attendu qu'il continue.

"En temps de guerre, il est impossible de reconnaître chaque acte accompli. Cependant, tuer non pas un, mais deux serviteurs" - le regard des commandants est passé de moi à Aya - "ainsi que l'élimination d'un dangereux traître et la perturbation d'un plan qui aurait pu potentiellement tuer des milliers de civils... Je pense que cela mérite une récompense en quelque sorte."

"Merci, Commandant Virion," dit poliment Aya. "Mais ce que j'ai fait était pour

nous aider à gagner cette guerre, pas pour une récompense personnelle." Virion acquiesce. "Général Arthur ? Et vous ?"

J'avais appris de ma vie passée que, dans des situations comme celle-ci, il valait mieux écarter la récompense. J'étais tenté de simplement le remercier pour sa gentillesse, mais c'était l'occasion parfaite d'aborder quelque chose qui me pesait sur l'esprit depuis ma bataille contre Uto.

"En fait, il y a quelque chose que je voudrais - plutôt, quelques choses", ai-je dit innocemment.

Les deux rois et reines m'ont regardé avec surprise, mais Virion a simplement ri. "Très bien, je vous écoute !"

——————————

Je me suis dirigé vers la chambre d'Ellie pour que nous puissions rendre visite à Sylvie ensemble, me sentant beaucoup plus léger - heureux, même.

Virion avait été stupéfait au début quand j'avais dit que je voulais éviter de partir en mission dans un avenir proche. Je ne l'ai pas blâmé ; nous venions de perdre une Lance, peut-être deux. Le fait que je dise que je voulais faire une pause aurait un impact énorme sur notre équipe. Mais j'avais besoin de temps pour m'entraîner, et avec la progression de la guerre au rythme actuel, je n'aurais pas beaucoup de chance par la suite. Une fois que j'ai expliqué cela, Virion a accepté... en partie.

"Deux mois, c'est le maximum que je puisse offrir - et même là, je ne peux pas promettre que vous ne serez pas envoyé en mission si quelque chose de majeur se produit," avait-il dit à contrecœur.

"Quelque chose de majeur" semblait un peu ambigu, mais c'était juste. "De plus, si vous ne partez pas en mission, je m'attends à ce que vous participiez aux réunions du Conseil, avait-il ajouté. "Si le passé est une

indication, je sais que votre présence et vos réflexions seront utiles."

C'était un peu plus difficile à avaler. Parmi les quelques choses que je redoutais - aujourd'hui et dans ma vie antérieure - il y avait les réunions comme celle d'aujourd'hui. Cependant, j'avais besoin de temps pour étudier et absorber ces cornes que la Faux avait qualifiées de " ressource inestimable ".

"Mais comment comptez-vous vous entraîner ici, au château ?" avait demandé Alduin.

" Cela fait partie de ce dont j'ai besoin ensuite comme récompense ", avais-je répondu en levant quatre doigts. "J'ai besoin de quatre conjurers, chacun avec une affinité élémentaire différente."

"Quatre ?" a répété Virion. Les membres du Conseil étaient visiblement confus, mais je savais, à la lueur dans les yeux des Lances, qu'ils avaient compris ce que j'avais prévu.

——————————

Les couloirs étaient vides, donc ma marche vers la chambre d'Ellie n'a pas été interrompue. J'ai pensé à la façon de saluer ma petite soeur. Je savais que c'était dur pour elle de nous attendre, moi et nos parents, sans savoir quand nous reviendrions. Alors, en frère attentionné que j'étais, quand j'ai atteint la grande porte en bois qui avait été refaite pour s'adapter à son lien, j'ai frappé et j'ai hurlé d'une voix stridente et haletante, "Ellie... c'est le fantôme de ton frère. Je suis venu te hanter !"

Je n'avais pas besoin d'être un génie pour déduire que ma soeur était loin d'être amusée quand elle a froidement marmonné de l'autre côté de la porte, "Boo, attaque". Mais ce n'est qu'après que l'ours de trois cents kilos ait foncé sur moi que j'ai réalisé que le sens de l'humour de ma soeur ressemblait peut- être plus à celui de notre mère.

Le corps de Boo s'est écrasé contre moi, m'envoyant voler à l'autre bout du couloir.

Impressionné par le fait que les murs ne se soient pas effondrés sous l'impact, j'ai repoussé l'énorme bête de mana et l'ai tenu à bout de bras.

"Content de te voir aussi, mon pote", ai-je dit, évitant la flaque de bave qui se formait sous lui.

La bête a grogné, projetant un mélange de salive et d'écume sur mon visage. "Un fantôme ? Vraiment, mon frère ?" a grommelé ma sœur, les bras croisés en signe de colère.

J'ai écarté Boo et essuyé mon visage dégoulinant avec une manche. "Je ne peux pas dire que je ne l'ai pas mérité".

Il n'a pas fallu longtemps pour que l'air sévère d'Ellie s'adoucisse. Elle s'est approchée et m'a entouré de ses bras. "Bon retour, mon frère."

J'ai tapoté doucement la tête de ma soeur, et je pouvais sentir la tension dans mon corps se relâcher pour la première fois depuis mon retour au château. "C'est bon d'être de retour."

180

VAISSEAU TERRESTRE

Une flèche de lumière traversa les arbres, se courbant très légèrement avant d'atteindre sa cible, un poteau en bois pas plus grand que ma tête. Il y a eu un bruit sourd satisfaisant lorsque la flèche de mana s'est logée au centre du poteau, créant un trou à travers celui-ci avant de se dissiper.

"Beau tir !" Je me suis exclamé en applaudissant.

Ma sœur a fait une révérence en réponse et ses lèvres se sont courbées en un sourire satisfait. "Je sais !" dit-elle d'un ton hautain.

Descendant de l'endroit où elle se tenait sur Boo, son lien titanesque reposant paresseusement sur son ventre, Ellie a sauté vers Sylvie et moi. Ma soeur a pris mon lien. "Qu'en as-tu pensé, Sylvie ? Tu es impressionnée ?"

"Très impressionnée", a-t-elle répondu à voix haute, sa voix douce étant empreinte de fatigue. "Sylvie est encore en convalescence, Ellie", l'ai-je grondé.

Ma sœur a reposé le renard blanc sur le coussin où il s'était installé. "Désolé, Sylvie."

Cela ne faisait que deux jours que nous étions rentrés au château. Sylvie n'avait repris conscience qu'hier, mais elle se rétablissait à une vitesse remarquable. Pendant que Virion et le reste du conseil rassemblaient les quatre conjurers qui allaient rester avec moi pendant les deux prochains mois, je passais du temps avec ma sœur.

Je ne disais pas à Ellie que nos parents et les Twin Horns avaient été attaqués. Une partie de moi savait qu'elle méritait de le savoir, mais je voulais aussi qu'elle reste ignorante le plus longtemps possible. Un souhait égoïste de la part d'un frère égoïste.

"Alors, peux-tu tirer aussi précisément pendant que Boo est en mouvement ?" J'ai demandé avec un sourire, mon regard se tournant vers la bête de mana qui somnolait encore sur son ventre.

Ellie a boudé mon coup de gueule. "Ugh, pas encore. Helen m'a fait croire que c'était facile quand elle m'a montré, mais je n'ai pas été capable d'envoyer une seule flèche décente quand Boo est en mouvement. Ça n'aide pas que l'empoté court comme s'il essayait délibérément de me jeter hors de son dos." La créature ressemblant à un ours a laissé échapper un grognement pour nier. "C'est ce que tu fais !" a répondu ma soeur, qui s'est penchée pour ramasser son arc.

Mon regard s'est posé sur sa main alors qu'elle saisissait l'arme. Des callosités couvraient ses doigts, et des zébrures fraîchement formées remplissaient les quelques endroits de sa main qui n'étaient pas déjà durcis par le surmenage. "Combien de temps passes-tu à t'entraîner, El ?" J'ai demandé.

Ma sœur a réfléchi une seconde avant de répondre. "Je ne fais pas vraiment le compte, mais le soleil se couche quand je m'entraîne, donc peut-être six ou sept heures ?". Mes yeux se sont agrandis. "Tous les jours ?"

Ellie a simplement haussé les épaules. "Je suppose que oui." "Et pour étudier, ou jouer avec tes amis ?"

"Les cours au château ne sont qu'une fois par semaine, et je peux finir les supports d'étude qu'ils me donnent en une journée", a-t-elle répondu. Ellie a hésité, puis a continué. "Et pour ce qui est des amis, sache que je suis très populaire".

"Vraiment ?" J'ai dit en levant les sourcils.

Cédant sous mon regard implacable, elle a éclaté : "Ce n'est pas ma faute si je ne m'intéresse absolument pas aux choses dont elles parlent. Comment peut- on parler sans arrêt de garçons et de vêtements pendant des heures ?".

"Je suis sûr qu'il y a quelques enfants de ton âge qui s'intéressent à la magie", ai-je lancé en essayant de ne pas rire.

Comprenant que notre conversation n'était pas prête de s'arrêter, ma sœur a tiré une chaise et s'est assise. "Eh bien, il y en avait quelques-uns, mais quand ils se sont éveillés, leurs parents ont déménagé hors du château, ou ont simplement envoyé les enfants dans une des grandes villes pour les mettre en pension dans une école de magie."

Peu d'enfants auraient eu les relations que ma sœur avait pour recevoir l'enseignement d'un mage dans ce château. Et il était compréhensible que les parents veuillent encore que leurs enfants apprennent à utiliser leur noyau nouvellement formé, même avec le danger potentiel de la guerre.

J'ai regardé ma sœur alors qu'elle tripotait la corde de son arc, puis j'ai demandé avec précaution : "Tu voulais aussi aller dans une académie de magie ?".

"Bien sûr", a-t-elle répondu sans hésiter, "mais je sais que toi, maman et papa vous inquiéteriez tous."

J'ai grimacé en entendant les mots de ma sœur. Elle n'avait que douze ans, mais ses paroles reflétaient une maturité que je n'étais pas tout à fait sûr de vouloir qu'elle ait. De par ma propre expérience, je savais ce que c'était que de grandir trop vite. C'était un autre de mes souhaits égoïstes que ma sœur puisse rester la petite fille innocente qui ne se préoccupait que de ce qu'elle allait porter à la fête d'anniversaire de son amie.

Faisant abstraction de mes pensées, je lui ai adressé un léger sourire. "Je parlerai à maman et papa quand j'en aurai l'occasion et je leur demanderai s'ils veulent t'envoyer à l'école." Les yeux d'Ellie se sont agrandis. "Vraiment ?"

"En supposant qu'ils te donnent le feu vert, je voudrai quand même envoyer un garde avec toi pour te protéger au cas où quelque chose arriverait. Je sais que ça peut être un peu étouffant d'avoir quelqu'un avec toi à tout moment, alors j'essaierai de trouver quelqu'un avec qui tu seras à l'aise, mais..."

Ma soeur est arrivée en courant et a jeté ses bras autour de moi dans une étreinte ferme. "Merci, mon frère."

"Ne te fais pas trop d'illusions", ai-je répondu, ma voix s'échappant comme un sifflement alors qu'elle me serrait.

"Trop tard !", a-t-elle gloussé, me relâchant avant de ramasser son arc. "Je vais devoir m'entraîner davantage si je veux battre ces nobles prétentieux".

J'ai continué mon rôle de spectateur enthousiaste, savourant le ciel clair et le doux parfum de la rosée du matin sur le champ d'herbe. Ellie a continué à tirer des flèches de mana sur des cibles lointaines avec une précision étonnante.

Il lui faudra du temps avant d'être aussi à l'aise avec l'arc qu'Helen Shard, mais elle avait sa propre force que le chef des Twin Horns ne pouvait espérer reproduire.

Ellie n'avait pas encore développé d'affinité avec un élément, elle était donc limitée au tir de mana pur. C'était dommage que je ne puisse pas faire grand- chose pour l'aider à développer une affinité - cela dépendait surtout de ses propres intuitions - mais c'était passionnant de la voir grandir et se développer.

Tes pensées donnent l'impression que tu souhaites avoir ta propre progéniture.

La voix de Sylvie s'immisçant soudainement dans ma tête me fit sursauter. "Une progéniture ?" J'ai dit tout haut, faisant sursauter ma sœur.

La flèche de mana d'Ellie s'est envolée vers le ciel, se dissipant avant de toucher la barrière du château. "Quoi ?"

" Rien ", ai-je souri, jetant un regard furtif à mon lien lorsque ma sœur s'est détournée.

Sylvie s'est déplacée sur son coussin, me regardant avec une expression d'amusement sur son visage rusé et vulpin.

Rendors-toi, j'ai envoyé, en grognant dans ma tête.

J'ai continué à observer les mouvements apparemment répétitifs d'Ellie - murmurer, tirer son arc tandis qu'une flèche translucide se formait entre ses deux doigts, stabiliser sa visée, puis tirer.

Elle sautait le processus de chant pour les types de flèches qu'elle connaissait mieux, mais parfois elle devait décrire le type de flèche qu'elle voulait pour pouvoir façonner le mana avec précision. À la trentième flèche qu'elle a tirée, je me suis demandé comment Boo pouvait dormir si facilement avec Ellie sur son dos.

"Général Arthur ?" une voix m'a appelé de derrière moi.

Mes yeux se sont ouverts et je me suis retourné pour voir une elfe d'âge moyen tenant un presse-papiers.

Elle était vêtue d'une tenue blanche qui ressemblait étrangement à une blouse de laboratoire de mon ancien monde. Ce qui a vraiment attiré mon attention, cependant, c'est la couleur de ses yeux - ou plutôt, les couleurs. Un anneau rose vif entourait chacune de ses pupilles, puis se transformait en un bleu vif sur le bord extérieur de ses iris. Remarquant mon regard fixe, elle s'est inclinée, pensant peut-être que je m'attendais à une salutation formelle.

L'elfe se redressa, se tenant comme si son dos était collé à une planche de bois, et annonça : " L'artificier Gideon est arrivé au château et vous attend." "Tu t'en vas ?" demanda ma soeur, en mettant son arc en bandoulière.

"Oui, j'ai des choses à discuter avec le vieil homme", ai-je répondu.

Je me suis dirigé derrière l'elfe peu ordinaire, puis je me suis retourné et j'ai dit à ma sœur : "Je ne pourrai probablement pas dîner avec toi, alors ne m'attends pas.”

Elle a hoché la tête. "Compris. Dis bonjour à Emily pour moi si tu as l'occasion de la voir."

"Je le ferai."

Je vais rester ici avec Eleanor, dit Sylvie en se réveillant. Bien sûr. Je te tiendrai au courant à mon retour, Sylv.

Je suivais silencieusement la secrétaire elfe qui ouvrait la voie d'un pas assuré. "Y a-t-il un nom par lequel je peux m'adresser à vous ?" J'ai demandé.

L'elfe s'est arrêtée brusquement, s'inclinant si profondément que ses cheveux blonds, fermement attachés en queue de cheval, se sont retournés sur sa tête. " Pardonnez-moi de ne pas me présenter. Mon nom est Alanis Emeria. J'ai été personnellement assignée par le Commandant Virion pour être votre assistante."

Je baissai la tête en réponse à son salut. "Eh bien, Alanis, je suis ravie de vous rencontrer, mais j'ai du mal à croire que vous êtes une simple assistante, vu la quantité de mana que vous avez dissimulée."

The elf blinked, her multicolored eyes shining, but otherwise looked unfazed. "Comme attendu d'une Lance. Permettez-moi de clarifier. J'ai été assigné par le Commandant Virion pour être votre assistant pendant que vous suivez votre formation ici. Je souhaitais vous rencontrer le plus tôt possible."

Je n'ai pas bien compris en quoi consistait son rôle en tant qu'assistante pendant la formation, mais avant que je n'aie eu l'occasion de demander, j'ai aperçu la silhouette familière de Gideon qui courait vers nous.

"Je suis venu dès que j'ai eu des nouvelles du Commandant Virion ! ", souffla- t-il, excité, sa voix résonnant alors qu'il courait vers moi dans le hall étroit. Il était en sueur. "Quelle sorte d'idée ingénieuse as-tu dans ton crâne divin ?"

Le vieil artificier a à peine réussi à attendre que nous atteignions l'une des salles vides utilisées pour les réunions des nobles ou des chefs militaires. "Vas-y, mon garçon !" Gideon a jailli dès qu'Alanis a fermé la porte derrière nous. "Et l'elfe a le droit d'entendre ça ?"

Mon assistante elfe a jeté un regard désapprobateur à Gideon pour son approche trop décontractée, mais n'a rien dit.

Le vieil artificier s'agitait dans son siège, comme un enfant excité qui attend un cadeau. En le regardant de plus près, il était difficile d'imaginer que je connaissais ce vieux grand-père depuis presque dix ans. Les rides entre ses sourcils et autour de sa bouche s'étaient creusées durant cette période, sans doute à cause du temps qu'il passait à froncer les sourcils ou à se renfrogner de frustration. "Tout le monde le saura tôt ou tard, et elle est apparemment mon assistante personnelle, à partir d'aujourd'hui, donc il vaut mieux qu'elle soit informée, non ?". J'ai demandé, en me tournant vers Alanis.

"Une partie de mon travail consiste à alléger les autres fardeaux pendant que vous vous concentrez sur l'entraînement, alors oui, il serait utile que je sois informée ", a-t-elle dit, ses yeux roses et bleus semblant changer de couleur. "Plus d'entraînement ? Comment peut-on s'entraîner davantage après avoir été personnellement formé par des dieux ? Les Asuras, je veux dire," se demanda-t-il en frottant son menton poilu.

"Il y a toujours de la place pour plus d'entaînement", ai-je dit, écartant cette pensée. "Mais pour en revenir au sujet, quel est l'état actuel des mines où nous avons extrait la source de carburant pour nos vaisseaux ?"

Les yeux de Gideon se sont illuminés. "Oh, les mines de combustium ? Il y a cinq sites majeurs toujours en cours de forage."

J'ai levé un sourcil. "Combustium ?"

"J'ai inventé le nom moi-même", a souri l'artificier. " Tu m'as dit que j'avais besoin d'un minéral aux caractéristiques définies capable d'alimenter le moteur à vapeur que nous avons conçu - je crois que tu l'as appelé charbon ? Quoi qu'il en soit, de tous les minéraux actuellement connus, qui ne sont pas nombreux, un seul produit la quantité d'énergie nécessaire pour alimenter efficacement un navire entier. Ses caractéristiques sont un peu différentes de celles du "charbon" que tu as mentionné, alors j'ai décidé de lui donner un autre nom. Bref, ce truc est incroyable. Cinq kilos de combustium peuvent alimenter un vaisseau entier sur une dizaine de kilomètres à pleine vitesse !" "C'est génial à entendre", ai-je dit, coupant la parole à Gideon. Craignant qu'il ne poursuive sur cette lancée, je suis allé droit au but. "Ce que j'ai prévu, c'est d'utiliser la coa-combustium pour un autre mode de transport, plus précisément un vaisseau qui sera utilisé pour voyager sur terre."

"Un vaisseau terrestre ?"

J'ai hoché la tête. "Sauf que je pensais l'appeler un train."

"'Train' ?" Gideon a fait écho avec incrédulité. "De quel cul de pauvre bête de mana as-tu tiré un nom pareil ?"

"Tu veux les plans ou pas ?" Je me suis moqué.

Gideon a levé les bras en signe d'apaisement. "C'est parti pour le train."

Le vieil artificier installa rapidement un petit espace de travail, déversant pratiquement un laboratoire entier hors de l'anneau dimensionnel qu'il portait au pouce. Une fois qu'il était prêt, j'ai commencé à le guider dans la conception. Bien que Gideon ait rapidement compris comment le train fonctionnerait, il a fallu quelques heures pour lui expliquer les détails du fonctionnement des rails et des arrêts. Je n'ai pas réalisé combien de temps s'était écoulé jusqu'à ce que mon estomac se torde soudainement et grogne de faim.

" Je pense avoir couvert tout ce dont tu as besoin pour commencer ", ai-je dit en balayant les dessins et les caractéristiques sur le grand parchemin que nous avions accroché au mur arrière de la salle de réunion.

"Ça va tout changer", a marmonné Gideon, plus pour lui-même que pour Alanis ou moi.

"Les rivières vont nous donner du fil à retordre si nous voulons relier Blackbend à Kalberk ou Eksire, mais avec quelques mages de l'eau et de la terre..."

" Concentrons-nous sur le chemin de fer reliant Blackbend au Mur ", l'ai-je interrompu. "Bien sûr, la création de chemins de fer vers d'autres grandes villes sera importante, mais nous devons d'abord créer une route sécurisée pour les approvisionnements en direction des Grandes Montagnes si nous voulons que nos troupes là-bas survivent."

"Bien sûr, mais ceci..." Gideon s'est arrêté une seconde en scrutant la grande carte de Dicathen que nous avions déroulée sur la table. "Nous serons capables de former de nouvelles grandes villes avec ça."

Je respectais Gideon pour sa vision sans limite, mais c'était frustrant de devoir le garder sur la bonne voie. Cependant, sa dernière déclaration a piqué ma curiosité.

"Que veux-tu dire par former de nouvelles grandes villes ?" J'ai demandé, en regardant la carte.

À ma grande surprise, Alanis, qui avait gardé le silence jusqu'à présent, a pris la parole. " Je pense que ce que l'Artificier Gideon veut dire, c'est que, jusqu'à présent, l'emplacement des villes des trois royaumes était déterminé par l'endroit où nous avions trouvé ou déterré des portes de téléportation. Si cette idée se concrétise, un mode de transport sécurisé qui peut transporter des fournitures et des biens en masse en plus des personnes - même s'il est loin d'être aussi rapide que les portes, il nous permettra de construire des villes importantes à n'importe quel endroit."

"Je n'aurais pas pu mieux dire moi-même", dit Gideon d'un ton approbateur. Me sentant raide, j'ai étiré mes bras et mon dos. "Heureux de voir mes idées changer le cours de l'histoire."

"Bon sang, dire une chose pareille avec autant de désinvolture à un artificier de renom... Je devrais simplement rendre ma robe brune et me trouver un nouveau passe-temps." Gideon grommela, impuissant. "J'ai toujours eu un don pour la pêche."

"Tu ne peux pas prendre ta retraite tout de suite", ai-je souri en me dirigeant vers la porte. "Tu es chargé de présenter cette idée au Conseil lors de leur prochaine réunion."

"Moi ? Même si j'aime être sous les feux des projecteurs, pourquoi me laisser m'attribuer le mérite de tout ça ?" Gideon a demandé.

" Il sera plus facile d'obtenir le soutien du Conseil si l'idée vient d'un " artificier de renom ". Nous aurons besoin de leur aide si tu veux obtenir une équipe de conjurers compétents, ainsi que des marchands ou des aventuriers connaissant bien la région, pour nous aider à tracer la meilleure route entre Blackbend et le Mur ", ai-je répondu, en cochant mentalement certaines des choses dont nous aurions besoin. "De toute façon, je suis affamé. Je vais voir ce que je peux trouver dans la cafétéria."

"Je peux demander au chef de préparer un repas équilibré et de le livrer dans votre chambre", suggéra Alanis.

J'ai fait un signe de la main en signe de rejet. "C'est bon. Pas besoin de déranger le chef juste pour moi."

"Attendez ! Dans combien de temps retournes-tu sur le terrain ?" a demandé Gideon.

Je l'ai regardé par-dessus mon épaule. "Je reste pour quelques mois. Je serai surtout dans l'espace d'entraînement, mais je passerai voir comment tu vas, si c'est ce que tu demandes."

Le vieil artificier s'est moqué, roulant des yeux. "Je suis honoré, mais ce n'est pas ce que je demande. Emily a travaillé sur certaines choses qui doivent être testées."

" Tu demandes à un général d'être ton mannequin de test ? " J'ai demandé, toujours en souriant.

"Détends-toi, ô Grand Maître. Je te promets qu'ils te seront également utiles. Je les ai examinés moi-même - même si je n'aime pas l'admettre, si l'artefact fonctionne, cela changera la façon dont les conjurers et les augmenters s'entraînent."

J'ai déplacé mon regard vers Alanis, qui montrait aussi un certain degré de curiosité. "Eh bien, tu devras convaincre mon assistante de formation."

Le vieil artificier a ri de façon bourrue alors que je franchissais les portes. Derrière moi, je pouvais l'entendre marmonner à lui-même : "Le gamin a fait du chemin."

181

APERÇU ALACRYEN

Avec mon estomac rempli de restes et Alanis, mon assistante de formation, renvoyée pour la nuit, j'ai récupéré Sylvie chez Ellie et suis retourné dans ma chambre. "Tu es prête ?" J'ai demandé à mon lien, qui avait attendu sur le lit pendant que je prenais une douche.

"Qu'est-ce qui t'excite tant ?" répondit-elle en s'agitant sous sa forme de renard.

Il n'avait pas été facile de ne pas penser au "butin" que j'avais obtenu en combattant Uto, mais j'avais voulu surprendre Sylvie. Je m'étais distrait en pensant à des nombres et des pensées aléatoires sur le chemin du retour pour l'embrouiller.

Après m'être assuré que la porte était verrouillée et avoir activé les sorts de perception de terre et de vent, j'ai finalement retiré les deux cornes d'obsidienne de mon anneau.

Les yeux aiguisés de mon lien se sont agrandis en regardant les cristaux noirs qui avaient été incrustés dans le crâne du serviteur. "Ne me dis pas que..." "Ouaip", j'ai dit avec enthousiasme. "Ce sont les cornes d'Uto."

"Pourquoi ?" a-t-elle demandé, confuse.

Réalisant qu'elle n'avait jamais entendu l'histoire complète, j'ai résumé tout ce qui s'était passé après qu'elle ait été assommée en me sauvant de la dernière attaque d'Uto.

Lorsque j'eus terminé mon histoire, le visage vulpin de Sylvie était tordu par un mélange d'émotions.

"C'est effrayant de penser à quel point nous aurions pu être tués facilement", a-t-elle dit après une longue pause.

J'ai hoché la tête. "Je n'ai rien pu faire quand Seris s'est montrée. Mais si elle ne l'avait pas fait, je ne suis pas sûr que nous aurions été en mesure de vaincre Uto."

" On dirait que plus nous devenons forts, plus nos ennemis le sont aussi ", soupira-t-elle. Son regard est revenu sur les deux cornes sur le lit. "Donc ces cornes sont censées contenir de grandes quantités de mana que tu peux extraire ? Est-il vraiment prudent de faire confiance à la Faux ?" "Considérant que les asuras n'ont plus le droit de nous aider selon le traité, et que Seris aurait pu me tuer sur place si elle l'avait voulu, je ne pense pas que ce soit un trop grand risque."

Sylvie a réfléchi un moment, et a tripoté les cornes. Chacune d'entre elles était de la taille de sa tête. "Eh bien... si elles t'aident à entrer dans le stade du noyau blanc, ça nous aidera certainement."

J'ai ramassé une des cornes. "Cela me suffira. Tu extrais l'autre."

Mon lien a ouvert la bouche, prêt à argumenter, mais je lui ai coupé la parole. "Tu as dit que tu étais toujours en train de subir le processus d'éveil sur lequel le Seigneur Indrath a insisté. Je sais que tu as constamment extrait du mana ambiant, c'est pourquoi tu dors plus. Je suis sûr que l'extraction de mana de la corne d'Uto va aider à accélérer ce processus."

"Pour être honnête, je n'ai pas essayé de hâter le processus d'éveil," répondit Sylvie. "J'ai peur que, lorsque je m'éveillerai en tant qu'asura complet, je ne sois plus en mesure de t'aider."

"Tu as failli mourir dans ce dernier combat, Sylvie", ai-je dit en posant ma main sur sa petite tête. "De plus, ta mère a lancé un sort assez puissant avant ta naissance pour te dissimuler. C'est pourquoi, même sous ta forme draconique, personne n'était capable de dire que tu étais un asura."

"Grand-père l'a mentionné, mais comme je deviens plus forte, il sera plus difficile de cacher ce que je suis ", a répondu Sylvie avec amertume.

Une vague de chagrin a inondé mon esprit, et je pouvais sentir les bribes de l'histoire que le Seigneur Indrath avait racontée à Sylvie au sujet de sa mère. "Je ne sais pas exactement ce qui va se passer quand tu seras assez forte pour t'éveiller, mais nous surmonterons cet obstacle une fois que nous y serons", l'ai-je réconfortée.

"Nous le faisons toujours", a-t-elle répondu avec un sourire.

Tenant avec précaution la corne noire dans mes mains, j'ai regardé Sylvie. "Alors... on commence maintenant ?"

Sylvie a posé une patte sur la corne en face d'elle. "Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas."

Après m'être repositionné plus confortablement, j'ai pris une profonde inspiration. J'ai commencé lentement, sondant les entrailles de la corne avec un fil de mon mana.

Avec les élixirs, le contenu d'un récipient se distribuait au contact du mana purifié d'un mage. Avec les cornes, cependant, il n'y avait aucune réaction notable, même après avoir cherché plus profondément.

Les minutes passaient, mais je n'ai trouvé aucun signe de ce qui était stocké dans les cornes d'Uto. Je commençais à envisager la possibilité que le mana ait pu se disperser lorsque les cornes ont été séparées de la tête du serviteur, quand soudain une force indescriptible a tiré sur mon esprit.

Contrairement à n'importe quel élixir - ou n'importe quoi d'autre, d'ailleurs - que j'avais utilisé dans le passé, celui-ci semblait aspirer ma conscience.

J'ai senti une poussée de panique quand j'ai réalisé que je m'étais évanoui. Littéralement. Un linceul d'ombre s'est répandu, obscurcissant ma vision et tous mes autres sens, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que l'obscurité.

Calme-toi, Arthur. Tu es toujours en sécurité dans ta chambre.

Mais cela ne m'a pas aidé du tout. Le fait que mon esprit ait été contraint à un certain état et qu'il soit vulnérable me faisait peur. En venant dans ce monde, je suis né avec un nouveau corps - de nouvelles caractéristiques physiques auxquelles j'ai mis des années à m'adapter - mais mon esprit était resté le même dans mes deux vies. Mon cerveau - du moins, les parties responsables de mes souvenirs et de ma personnalité - avait été le mien tout au long de mes années en tant que Grey et Arthur.

En ce moment, cependant, ma conscience était complètement à la merci d'une force quelconque qui m'avait entraîné dans... peu importe où j'étais.

J'étais entouré par l'obscurité, mais ce n'était pas le noir complet. Les ombres qui m'entouraient se déformaient et s'agitaient, comme les différentes nuances d'une encre sombre. C'était un sentiment surréaliste - percevoir quelque chose sans corps. D'une certaine manière, je pouvais sentir la force autour de moi, se glissant dans l'obscurité, mais je n'avais pas de forme physique.

Après ce qui m'a semblé être des heures de flottement insensé dans la mer d'obscurité, la force qui m'entourait a lentement commencé à se déplacer. C'était différent des mouvements erratiques et chaotiques qu'elle avait fait jusqu'à présent ; les ombres semblaient être tirées. Le voile d'obsidienne se souleva lentement, et ce qu'il révéla n'était pas la vue de ma propre chambre à laquelle je m'attendais.

Non. Je me tenais devant un homme inconnu, à l'intérieur d'une cathédrale extravagante avec un plafond voûté, de magnifiques vitraux et d'interminables rangées de bancs remplis d'observateurs rayonnant pratiquement de révérence. L'homme, qui ne semblait pas plus âgé que mon père, portait une robe de cérémonie et s'agenouillait devant moi en signe de respect.

" Parle, " j'ai claqué impatiemment-mais la voix qui est sortie n'était pas la mienne. C'était celle d'Uto. Même le mot que j'avais prononcé n'était pas mon propre choix.

"Moi, Karnal de Sang Vale, mage de niveau sept, je me présente humblement devant vous pour vous demander conseil ", déclara l'homme, le regard baissé de sorte que je ne pouvais voir que la couronne de ses courts cheveux bruns cendrés.

Un sentiment d'agacement monta en moi, mais fut remplacé par de la résignation.

La voix qui avait remplacé la mienne parlait avec une courtoisie contenue. "Vale... Bien que ta lignée soit mince de sang Vritra, tes ancêtres nous ont bien servis. Enlève ta robe."

Karnal s'est incliné plus profondément en signe de gratitude avant de se glisser hors de sa robe de cérémonie noire. Il s'est ensuite retourné pour me montrer son dos. Il y avait une gravure le long de sa colonne vertébrale - cela semblait être trois empreintes séparées.

Une silhouette mince, debout sur le côté, le visage recouvert d'un capuchon lâche, a fait un pas vers moi et a lu à haute voix dans un livre : "Une marque à l'éveil et deux crêtes : une pour un acte de bravoure et une autre pour la maîtrise de la marque initiale".

Sans formalité, j'ai hoché la tête et lui ai dit de s'habiller.

Toujours à genoux, dos à moi, Karnal a remis sa robe avant de se tourner vers moi. Son regard était toujours baissé, ce qui semblait "m'ennuyer". J'étais conscient des pensées de la personne que j'habitais ; elles s'infiltraient en moi, révélant ses sentiments intérieurs. Il semblait vaguement impressionné par le fait que l'inférieur devant moi avait réussi à débloquer une crête en maîtrisant la marque qui lui avait été donnée, mais le fait que les deux crêtes étaient de la magie défensive atténuait " mon " humeur.

"Pour votre loyauté envers la nation de Vechor et votre excellence lors de la dernière bataille contre la nation de Sehz-Clar, Moi-Uto, serviteur de Kiros Vritra, vous accorde l'entrée dans la Voûte d'Obsidienne pour avoir la chance de gagner un emblème."

La foule qui s'était rassemblée pour assister à ce spectacle banal éclata en applaudissements et en acclamations. L'homme agenouillé devant moi s'est permis de verser une seule larme avant de se lever et de rencontrer enfin mon regard. Il a levé son poing droit sur son cœur et tenu sa paume gauche sur son sternum dans un salut traditionnel. "Pour la gloire de Vechor et d'Alacrya. Pour le Vritra !"

"Pour la gloire de Vechor et d'Alacrya. Pour le Vritra !" le public derrière lui a rugi à l'unisson.

La scène s'est déformée, et je me suis retrouvé assis sur mon lit. Une substance ombrale, semblable à un brouillard, s'échappait de la corne que je tenais et était aspirée au centre de ma paume droite, là où Wren Kain avait incrusté l'acclorite.

J'ai rapidement lâché la corne, en éloignant ma main le plus possible. J'ai pris un moment pour inspecter mon noyau de mana ; à mon grand désarroi, il n'y avait aucun signe que mon noyau se soit amélioré, même partiellement. "Merde", ai-je grommelé. Je voulais que le mana de la corne d'Uto soit absorbé par mon noyau, mais au lieu de cela, il a été siphonné dans l'acclorite.

Comme Wren Kain l'avait prévenu, la gemme était capable de se modifier, selon

des changements dans mon corps, mes actions et même mes pensées. L'acclorite se nourrissait constamment du mana à l'intérieur de moi, modelant constamment sa forme finale - donc dire que l'introduction du mana d'Uto dans la gemme me rendait mal à l'aise était un euphémisme.

Ce qui est fait est fait. Je n'aimais pas l'idée que ma future arme ressemble aux pouvoirs d'Uto, mais à ce stade, tout ce qui pouvait accélérer le processus était utile.

En me tournant vers Sylvie, je ne fus pas surpris de la voir absorber le contenu de la corne, et contrairement à moi, elle semblait avoir du mal à absorber le mana étranger. Ce qui m'a surpris, c'est le fait que le soleil se levait déjà.

J'avais passé toute la nuit à revivre un des souvenirs d'Uto - ce qui m'a conduit à la question : Qu'est-ce que ce souvenir signifie ?

L'événement réel se produisant dans le souvenir n'était pas très cryptique, mais il y avait eu tellement de termes inconnus utilisés que je me suis senti dépassé.

Pour avoir entendu le mot " sang " dans la caverne de Darv, je savais qu'il s'agissait très probablement de leur terme pour désigner la famille, mais d'autres mots, comme marque, crête et emblème, me passaient au-dessus. Je savais ce qu'ils signifiaient dans le contexte de mon propre monde, mais ils les avaient utilisés comme s'ils signifiaient quelque chose d'entièrement différent. Ces marques ou ces crêtes - peu importe ce qu'elles étaient - étaient apparemment soit gagnées, soit débloquées. Ou était-ce seulement le cas pour la personne agenouillée ?

Mais quand Uto a déclaré que la personne - Karnal - aurait la chance de gagner un "emblème", tout le monde a semblé être en extase. Ignorant le nom sinistre de la Voûte Obsidienne - qui ressemblait franchement à l'antre maléfique d'un sorcier de conte de fées où il gardait ses trésors volés - l'homme lui-même avait clairement été fier. Cela signifiait que même la chance de gagner un emblème était une grande affaire.

Une autre série de questions qui m'est venue à l'esprit concernait la mention de Vechor, une nation vraisemblablement en guerre avec Sehz-Clar, une autre nation.

D'après le salut, je pouvais extrapoler que la nation de Vechor faisait partie d'Alacrya.

Et en supposant que les asuras avaient raison de dire qu'Epheotus, Alacrya et Dicathen étaient les trois seuls continents de ce monde, cela voudrait dire que Sehz-Clar était une autre nation d'Alacrya.

Pourquoi deux nations du même continent avec lesquelles nous sommes en guerre se battraient-elles entre elles ? Peut-être que les nations avaient juré allégeance pendant cette guerre ? Ou bien existait-il une armée internationale distincte, s'entraînant ensemble afin de dissiper toute inimitié entre les membres des différentes nations ?

Je secouai la tête, essayant physiquement de me débarrasser du flot incessant de questions et de pensées qui envahissaient mon esprit.

Ce souvenir m'avait rendu curieux. J'ai fait une note mentale pour en apprendre davantage à ce sujet, peut-être même de la bouche d'Uto lui-même. Le Conseil avait ordonné à nos forces de capturer des prisonniers lorsque cela était possible afin de les interroger, mais dans la plupart des cas, le prisonnier s'était suicidé ou était trop bas dans la chaîne de commandement pour savoir quoi que ce soit d'utile. C'était la première fois que nous avions une source potentielle d'informations réelles entre nos mains - mais le connaissant, il nous ferait travailler pour les obtenir.

Je commençais à tomber dans un autre fossé sans fond de questions. Heureusement, à ce moment-là, une série de coups parfaitement cadencés a été frappée à ma porte. On aurait plutôt dit que quelqu'un enfonçait un clou dans la porte.

"Général Arthur. C'est Alanis Emeria. Je suis ici pour vous escorter jusqu'aux terrains d'entraînement pour rencontrer les quatre assistants d'entraînement que vous avez demandés", a-t-elle dit d'une voix claire et sèche.

"J'arrive", ai-je répondu, en gloussant pour moi-même. Il n'y a pas que son discours, même ses coups sont robotisés.

Sans me laver, j'ai enfilé une tenue plus ajustée, adaptée au combat, puis j'ai suivi mon assistante de formation personnelle jusqu'au terrain d'entraînement à l'étage inférieur. Je me suis demandé si je devais emmener Sylvie avec moi, mais j'ai décidé qu'il valait mieux ne pas la déranger.

En descendant, on a croisé Emily Watsken, ou plutôt elle nous a croisés. "Vraiment désolée !" a-t-elle soufflé. La plupart de son visage était caché derrière une grande boîte, qu'elle essayait de porter toute seule.

"Tiens, laisse-moi prendre ça." J'ai pris la boîte de ses bras, surpris par son poids. "Merci... oh, Arth-General Arthur ! Timing parfait !" L'artificier était pratiquement à bout de souffle, mais un large sourire a traversé son visage quand elle a reconnu qui elle avait presque piétiné.

Emily se tourna vers Alanis, ajustant ses lunettes. "Et vous devez être Alanis. C'est un plaisir de vous rencontrer."

"De même", répondit l'elfe, mais ses manières ne l'indiquaient nullement. "Je suppose que vous êtes Emily Watsken. J'ai été informée que nous allions collaborer dans nos efforts pour aider dans l'entraînement du Général Arthur."

A en juger par le pli entre les sourcils d'Emily, elle semblait avoir assimilé le flot de paroles d'Alanis, mais finalement elle hocha la tête. "Oui ! Et comme vous le verrez bientôt, je pense que votre magie particulière et l'ensemble des artefacts que j'ai fabriqués fonctionneront bien ensemble."

"Je suis content que vous vous entendiez bien, mais allons dans la salle d'entraînement. J'ai l'impression que cette boîte prend du poids", ai-je plaisanté en déplaçant la grande boîte dans mes bras.

"Oh ! Désolé, et merci de l'avoir porté. J'ai cru que mes bras allaient tomber", dit Emily en se précipitant dans le couloir vers l'entrée de la salle, qui se trouvait juste devant. "Allez, tout le monde attend !"

182

GADGETS ET MAGIE

Je ne savais pas ce que je devais attendre de mes partenaires d'entraînement. Ma demande avait été faite à la dernière minute, alors quelque part dans ma tête, j'avais pensé qu'il s'agirait simplement de soldats du château.

Il y avait pas mal de conjurers et d'augmenters qui étaient assignés ici, par précaution pour assurer la sécurité des résidents du château. J'avais remarqué très tôt que beaucoup d'entre eux étaient très compétents, donc n'importe lequel d'entre eux aurait été un choix raisonnable pour un partenaire d'entraînement.

Mais la présence de trois anciens, chacun d'entre eux étant manifestement puissant, sur le terrain d'entraînement, aux côtés de Kathyln et d'un Virion à l'air suffisant, m'a pris par surprise.

"Ah, vous êtes là !" Virion s'est levé d'un bond, m'a pris la boîte des mains et l'a posée sur le sol avant de me guider vers le groupe. "Je veux que tu rencontres tout le monde."

J'ai regardé par-dessus mon épaule pour voir Emily me faire un signe d'au revoir comme une mère envoyant son fils sur un champ de bataille.

"Je sais que vous vous connaissez déjà tous les deux", dit Virion en faisant signe à Kathyln. "Mais pour la forme, voici la princesse Kathyln de la maison royale Glayder. Voici sa tutrice, Hester Flamesworth."

Une femme âgée, les cheveux gris tirés en arrière en un chignon, inclina la tête en signe de salutation.

"Flamesworth ?" J'ai laissé échapper un mot, surpris.

"Ah, vous connaissez donc ma famille ", a dit la femme, une pointe de fierté dans la voix.

"Oui. Assez familière, en fait", ai-je répondu. Le nom de famille avait attiré mon attention, mais j'ai écarté les questions qui me trottaient dans la tête pour me concentrer sur la princesse.

"C'est une agréable surprise de te voir, Kathyln, mais que fais-tu ici ?" J'ai demandé.

"La princesse Kathyln est une conjurer d'affinité de glace accomplie, maintenant au stade du noyau jaune foncé," répondit Hester. "Le commandant Virion m'a demandé de vous aider dans votre formation, Général Arthur, mais mon travail principal est de garder la princesse en sécurité à tout moment. En étant ici ensemble, nous pouvons atteindre les deux objectifs à la fois."

J'ai jeté un coup d'œil à Kathyln, qui a confirmé d'un signe de tête. "Pas grand-chose d'autre à faire à part mon entraînement occasionnel avec Maître Varay, alors je suis là pour aider."

"La princesse et un chevalier. Un couple classique", dit un nain bourru assis sur un pilier de pierre surélevé. Il gratta son grand nez bulbeux, qui dépassait d'un épais buisson de barbe blanche couvrant la moitié inférieure de son visage. Il était grand par rapport à la plupart des nains que j'avais vus, mais cela pouvait être une illusion causée par son siège surélevé. Une chose était sûre, cependant : son corps semblait être entièrement composé de muscles. Des bulbes épais et striés de chair durcie couvraient ses bras et sa poitrine, et j'ai grimacé lorsqu'il a saisi ma main avec sa grosse callosité.

"C'est un plaisir de vous rencontrer, jeune général. Je m'appelle Buhndemog Lonuid, mais la plupart des gens m'appellent Buhnd", a-t-il dit, sa poigne étant implacable. Je ne savais pas si c'était pour me jauger ou pour affirmer sa domination sur une Lance jeune et potentiellement arrogante, mais en tout cas, je lui rendis la pareille en lui serrant fermement la main.

L'assimilation que j'avais subie dans mon enfance après avoir hérité de la volonté de dragon de Sylvia signifiait que j'étais plus fort que je n'en avais l'air. Si l'on ajoute à cela le fait que j'ai vécu pratiquement toute ma vie avec une épée à la main.

cela signifiait que je pouvais tenir tête à cette boule de muscle barbu.

Sa moustache s'est plissée dans ce qui aurait pu être un sourire, et il a lâché prise. "Pas mal. Pas mal."

"Attention, Buhnd. Le gamin n'est pas devenu une Lance juste avec un joli visage," dit Virion. "Arthur, cette tête musclée est un de mes amis proches depuis plusieurs années.

Il ressemble peut-être à ça, mais c'est un génie en matière de magie d'affinité terrestre. Je te garantis que tu vas apprendre beaucoup de choses."

"Qu'est-ce qui ne va pas avec mon apparence ?" Buhnd a craqué. "Je te ferais savoir que je suis un homme à femmes chez moi."

"Personne n'a dit que quelque chose n'allait pas avec ton apparence," dit Virion avec dédain. "Arrête d'être si sensible."

J'ai regardé les deux se chamailler, en tenant ma langue malgré toutes les questions que je me posais.

Rien qu'à l'épaisse aura argentée qu'il émettait, presque visible à l'œil nu, il était clair que Buhnd était un individu puissant. S'il était si proche de Virion, je me demandais pourquoi il n'avait pas été choisi comme représentant nain, à la place de Rahdeas.

Compte tenu des récents événements, il était évident que Virion avait présenté Buhnd comme un ami pour atténuer les soupçons que je pouvais avoir à son égard. Mais le simple fait que ce soit un nain que je n'avais jamais vu auparavant m'a mis sur les nerfs.

Je suppose que cela fait de moi un raciste. J'ai pensé, préoccupé par mes propres préjugés. Les races dans ce monde étaient beaucoup moins discrètes que dans mon ancien monde, mais je ne m'étais jamais considéré comme un homme capable de discriminer en fonction de l'apparence extérieure d'une personne ou de son lieu de naissance. Cependant, le fait d'avoir vu une grande faction de nains coopérer avec nos ennemis, et d'avoir été personnellement trahi par un puissant nain, a mis à rude épreuve mon esprit d'équité.

Mon attention fut brusquement attirée par la seule personne qui ne m'avait pas encore été présentée lorsqu'elle poussa un bâillement bruyant et hargneux.

Comme si le bâillement avait été son signal, Virion a parlé. "Arthur, voici Camus Selaridon. C'est un..."

"Le garçon n'a pas besoin d'en savoir plus que mon nom. Je suis ici pour m'entraîner avec lui. Toute autre information n'est pas pertinente", a dit Camus en le coupant.

J'ai été choqué de voir Virion se faire engueuler. Il était le chef de toute l'armée de ce continent, après tout. Voyant l'expression imperturbable de Virion, j'ai tenu ma langue, mais j'ai pris note de demander au commandant qui était exactement Camus une fois que nous serions seuls.

Supposant que le mystérieux aîné ne serait pas impressionné par une salutation ostentatoire, j'ai simplement baissé la tête et me suis présenté en l'observant de plus près. De longs cheveux blonds argentés tombaient sur ses épaules en mèches ébouriffées, couvrant son front et ses yeux. De longues oreilles pointues dépassaient de ses cheveux, indiquant qu'il était d'origine elfique. Contrairement à la plupart des elfes que j'avais rencontrés, il ne prenait pas soin de son apparence extérieure - ou, à en juger par la puanteur qui émanait de lui, de son hygiène.

"Eh bien !" Virion a rompu le silence. "Je suis sûr que vous allez tous bien faire connaissance au cours des prochaines semaines. Et même si j'aimerais rester et observer, j'ai le plaisir de passer mon temps à examiner des montagnes de paperasse !"

Avec un soupir de fatigue, notre commandant a quitté la salle d'entraînement, les épaules un peu plus affaissées qu'auparavant.

Le départ de Virion a été suivi d'un moment de silence, que j'ai mis à profit pour inspecter la salle d'entraînement.

L'endroit n'avait rien d'extravagant - juste un grand champ de terre battue d'un peu moins de cinquante mètres de long et pas plus de trente mètres de large, entouré de murs et d'un plafond en métal renforcé par l'homme. Il y avait un petit étang dans le coin extrême gauche de la pièce, mais à part cela et la porte sur le mur opposé, il n'y avait rien. C'était juste un grand espace ouvert pour s'entraîner.

Emily nous faisait un signe enthousiaste du bras, et j'ai tourné mon attention vers elle.

"J'ai fini de m'installer, en grande partie. Il y a un tas de choses que je veux passer en revue avant que tu ne commences ton entraînement," dit-elle en essuyant la sueur de son front.

En regardant l'équipement qui avait été créé à partir de la boîte en bois géante que j'avais transportée à l'intérieur, j'ai été surpris de voir à quel point il me semblait familier. C'était un panneau métallique de la longueur de mon bras, parsemé de jauges et de boutons. Il ressemblait à une sorte de centre de contrôle antique sur un vaisseau de mon monde précédent, à l'exception des cristaux de chaque côté. L'un était grand et clair, tandis que l'autre, plus petit, était teinté de bleu.

Un faisceau de câbles reliait le panneau au mur de la salle d'entraînement, et plus précisément à un grand disque fixé au mur. Je n'y avais pas prêté beaucoup d'attention lorsque j'avais regardé auparavant, mais les disques métalliques ne semblaient pas faire partie du design. Ils semblaient être encastrés dans le mur et étaient espacés de façon régulière.

"Ah ! Encore une chose", s'exclama Emily en plongeant pratiquement la tête la première dans la boîte. Elle en sortit ce qui ressemblait à des pièces d'armure en cuir, mais les différentes parties étaient reliées par le même type de fils que ceux qui reliaient le panneau au mur. Au centre de ce qui semblait être le plastron se trouvait un cristal bleu, identique à celui qui se trouvait à l'extrémité droite du panneau métallique.

Emily a soulevé l'armure de cuir dans ses bras et s'est dirigée vers moi. "Mlle Emeria, si vous voulez bien m'aider à mettre ça au général Arthur."

"Bien sûr." Alanis a hoché la tête, et je me suis retrouvée habillée d'un accoutrement à l'allure plutôt ridicule.

"L'armure" ressemblait plus à un récepteur sensoriel qu'à un vêtement de protection. Je devrais porter les gants, le plastron, les bandes pour les bras et les jambes, et les chaussures tout au long de l'entraînement.

"Parfait. Tu es superbe !" Emily a dit d'un air approbateur, en ajustant le plastron de sorte que le cristal bleu qui y était incrusté se trouvait directement au-dessus de mon sternum, où se trouvait mon noyau de mana.

" Merci ", répondis-je maladroitement, pas du tout convaincue. L'armure semblait

volumineuse, mais elle était suffisamment souple et flexible pour que je n'aie pas trop peur qu'elle gêne mes mouvements.

Kathyln et les trois anciens regardaient en silence, fascinés par la vue de cet équipement inhabituel, jusqu'à ce que Buhnd prenne enfin la parole. "Alors, quel est le but de tous ces jouets ?"

Emily a déplacé ses lunettes et a parlé. "Je ne veux rien gâcher, mais je pense qu'une petite mise au point s'impose. Le Général Arthur est une anomalie sur notre continent - étant le seul mage quadri-élémentaire connu et bien qu'il excelle dans la plupart des aspects de la manipulation du mana, il a été porté à mon attention qu'il a commencé à plafonner en termes d'utilisation de la magie élémentaire."

"Qu'en est-il de son entraînement avec les asuras ?" Kathyln a demandé. "C'était principalement une formation technique pour le combat rapproché des augmenters," ai-je répondu. "J'ai appris quelques techniques, mais Emily a raison, je me suis beaucoup appuyé sur la magie de glace et de foudre ces derniers temps. J'espère qu'en m'entraînant avec vous tous, j'arriverai à mieux utiliser tous les éléments que je suis capable de contrôler."

"Je vois, je vois." Buhnd caressa oisivement sa barbe, puis frissonna. "Ouais, rien que de penser à utiliser un autre élément me donne mal à la tête. Être un quadri-élémentaire en plus de pouvoir utiliser la glace et la foudre... ugh." "Les capacités mentales du Général Arthur ne sont pas aussi limitées que les vôtres, alors je suis sûre qu'il apprendra", ajouta Hester en souriant innocemment.

Buhnd tourna la tête. "Qu'est-ce que tu as dit, grand-mère ? Mes capacités mentales sont totalement illimitées !"

La mage du feu a juste secoué la tête.

"Allons, allons." Emily a transporté le panneau métallique et l'a posé doucement sur le sol près de nous. "Au lieu de vous disputer, j'apprécierais que chacun d'entre vous place ses mains ici, et infuse un peu de son mana dans le cristal clair pour alimenter l'appareil." Elle a désigné l'extrémité gauche du panneau métallique.

Hester et Buhnd se sont regardés, essayant clairement de décider lequel d'entre eux irait en premier. Alors Camus s'est approché et a placé sa paume sur le cristal clair.

"Comme ça, hein ?" Soudain, un vaste tourbillon s'est détaché de son corps et a tourbillonné autour de lui pour le protéger.

Emily a poussé un cri de surprise et est tombée sur le dos à cause de la force soudaine. Le reste d'entre nous a pu s'accrocher et nous avons vu le tourbillon se condenser dans la main de Camus sur le cristal. Le joyau autrefois transparent s'est éclairé d'une nuance de gris, et un instant plus tard, le panneau entier s'est mis à bourdonner de vie. Les jauges ont oscillé de façon erratique avant de se mettre en place.

"Frimeur", grommela Buhnd.

J'étais intensément concentré sur le panneau. Lorsque la pièce a soudainement bourdonné de toutes parts, j'ai instinctivement élevé une couche de mana autour de mon corps.

"C'est juste l'appareil qui s'allume", nous a rapidement assuré Emily. D'après la façon dont les autres mages avaient tous pris des positions défensives, il semblait qu'ils étaient tout aussi surpris que moi.

"Je suis la suivante", a dit Hester, s'avançant calmement.

Après avoir posé sa main sur le cristal, elle a murmuré un seul mot. "Brûle." Un brasier ardent a jailli de son corps, et sa robe rouge semblait être entièrement faite de feu. Le sol autour d'elle a été brûlé, mais, à mon grand étonnement, il n'y a pas eu de chaleur lorsque l'une des vrilles de flamme s'est jetée sur moi. Ce qui avait semblé être une démonstration de force effrontée s'est avéré être une démonstration de son contrôle sur son élément.

Le panneau métallique a bourdonné une fois de plus, cette fois-ci un peu moins rapidement. Ce n'est peut-être que mon imagination, mais je jure avoir entendu Hester claquer la langue.

"A mon tour !" déclara Buhnd, en étirant ses doigts avant de poser soigneusement sa main sur le cristal, qui avait retrouvé sa transparence.

Il y eut un temps de silence, puis le sol sous nos pieds se mit à trembler. Des cailloux et des rochers flottaient au-dessus du sol tandis qu'une aura de topaze brillante entourait le nain barbu.

"Euh, aînés, j'aime l'enthousiasme et tout, mais ... ce n'était pas censé être un concours", murmura faiblement Emily, sa voix aussi instable que le sol qui tremblait.

"Pour un vrai homme, tout est un concours." Buhnd a souri. Alors qu'il parlait, la terre se fendit, des fissures se répandant à partir de ses pieds tandis que l'aura jaune se rassemblait dans sa main.

Le panneau trembla et fit son bruit familier, puis le cristal absorba et transféra le mana que Buhnd avait fourni.

Le nain musclé s'éloigna avec un grognement satisfait, et Emily commença à inspecter son appareil pour voir si l'un des anciens l'avait endommagé. "Princesse Kathyln," elle a appelé. "Si vous le voulez bien. Je pense qu'un peu plus sera suffisant."

La princesse acquiesça, plaçant une mèche de cheveux noirs derrière son oreille avant d'envoyer elle aussi une vague de mana. En regardant l'expression tendue sur le visage de Kathyln, je savais trop bien qu'elle n'avait pas l'intention de reculer devant le défi inexprimé entre les aînés.

La température baissa sensiblement et une brume de givre tourbillonna autour de la princesse. Certains des rochers près d'elle étaient déjà gelés lorsque le givre commença à prendre la forme de ce qui ressemblait à des serpents translucides. Les serpents de givre se glissèrent dans l'air autour d'elle avant de s'enrouler le long de son bras et de disparaître dans le cristal sous sa paume.

L'appareil d'Emily bourdonnait d'ardeur, et un mélange de couleurs tourbillonnait dans le cristal clair.

L'artificier tourna quelques boutons et bascula quelques interrupteurs, puis fit tourner le cristal maintenant coloré jusqu'à ce qu'un clic retentisse.

"Je vais l'allumer maintenant", annonça Emily, sans se soucier de cacher son impatience.

Elle a appuyé sur le cristal jusqu'à ce qu'il soit complètement à l'intérieur du panneau. Je pouvais presque voir le mana voyager depuis l'appareil à travers les fils épais et dans les tiges sur le mur. Tout le monde a regardé les fils de mana multicolores se propager d'une tige à l'autre, de façon exponentielle, jusqu'à ce que les fils relient les tiges métalliques les unes aux autres avec un motif en forme de nid d'abeille.

"Mais qu'est-ce que..." Buhnd a soufflé, étirant son cou en regardant les murs et le plafond de la pièce.

"Les mêmes capteurs sont enfouis dans le sol", dit fièrement Emily. "Maintenant, avant que je ne vous explique tout cela, Général Arthur, je crois que Mlle Emeria a quelque chose à faire."

Je me suis tourné vers mon assistante de formation. "Alanis ?"

Elle a posé le presse-papiers qu'elle tenait et s'est approchée de moi. "Ce ne sera pas long, Général Arthur. S'il vous plaît, donnez moi votre main." Curieux, j'ai enlevé le gant, le laissant pendre par son fil. Alanis a délicatement enroulé ses deux mains autour des miennes et a commencé à chanter en fermant les yeux.

Quand elle eut terminé, ses yeux s'ouvrirent brusquement. Ses yeux avaient sûrement été roses et bleus, mais quand elle me regardait maintenant, ils étaient devenus argentés et brillants. Une faible aura émeraude pulsait autour d'elle et commençait à se répandre pour me couvrir également.

"S'il vous plaît, restez immobile pendant un moment, Général Arthur," dit- elle, sa voix semblant faire écho. Les yeux argentés d'Alanis allaient de gauche à droite, de haut en bas. Elle m'a étudié attentivement jusqu'à ce que son aura verte s'estompe et que ses yeux argentés reprennent leur couleur normale.

"Les scans sont terminés", a annoncé Alanis, puis elle a récupéré son bloc- notes et s'est mise à griffonner furieusement.

"Qu'est-ce que c'était ?" J'ai demandé. La main que l'elfe avait tenue a picoté. Alanis a levé les yeux de son bloc-notes et a ouvert la bouche pour parler, mais Emily l'a rapidement écartée avec un petit rire. "Nous te raconterons tout plus tard. Pour l'instant, pourquoi ne pas commencer par l'entraînement ?"

"La dame a parlé !" Buhnd approuva, en balançant ses bras. "Mes membres commençaient à se calcifier à force de rester immobile si longtemps."

Hester roula les yeux. " Je ne pense guère que ce soit possible, mais je suis d'accord avec le nain. La Princesse Kathyln m'a beaucoup parlé de vous, Général Arthur, et

Je suis assez curieuse de voir si vous êtes à la hauteur de ses louanges." "Ce n'est pas ça", dit rapidement Kathyln en repoussant son tuteur.

En souriant, je l'ai suivie, ainsi que les trois aînés, jusqu'au centre de la pièce. Ils se sont éloignés d'environ dix mètres les uns des autres, m'entourant. La princesse s'est positionnée près de l'étang dans le coin arrière, avec Buhnd à sa gauche et le silencieux Camus à sa droite. Mon esprit s'emballait alors que j'essayais de décider à qui je devais tourner le dos. L'adrénaline parcourait mon corps, se mêlant au mana qui coulait dans mes membres. La sensation familière de ma bouche sèche et de la sueur froide qui roulait sur ma joue me disait tout ce que j'avais besoin de savoir sur la situation dans laquelle je me trouvais.

La pression qu'ils dégageaient tous les quatre me faisait froid dans le dos, mais mon sourire ne faisait que s'élargir. Je me suis léché les lèvres et me suis mis en position défensive. "Commençons."

183

ÉVALUATION DES AÎNÉS

Les aînés n'ont pas perdu de temps pour attaquer. Dès que les mots ont quitté ma bouche, Hester s'est avancée, formant un globe de feu dans sa paume. Elle fit claquer son poignet et la sphère brûlante se dirigea vers moi, grossissant à mesure qu'elle approchait.

Je me suis retourné pour contrer mais le sol sous mes pieds a bougé brusquement, me déséquilibrant. N'ayant plus le temps de réagir, je me suis retourné, retirant Dawn's Ballad de mon anneau. Alors que je tombais au sol, j'ai lancé une onde de choc de givre depuis ma lame, faisant exploser le globe enflammé avant qu'il ne puisse m'atteindre.

"Vous trébuchez sur vos propres pieds, jeune général ?" Buhnd a ricané, ses mains ont brillé en jaune avec son aura.

"Pour quelqu'un avec autant de muscles, je m'attendais à mieux que des tours de passe-passe bon marché ", ai-je raillé en me relevant du sol.

Le nain a haussé les épaules. "Ce n'est pas moi qui suis tombé sur le cul."

Je n'ai pas répondu à sa pique, gardant un œil sur les deux autres pour voir quand ils allaient agir. Je n'ai pas eu à attendre longtemps.

Camus a lancé avec désinvolture une lame de vent dans ma direction. Le croissant s'est approché vicieusement, creusant un chemin dans le sol où il était passé.

J'ai utilisé Dawn's Ballad pour contrer l'attaque de Camus, mais le croissant s'est soudainement déformé avant d'exploser.

"Leçon n°1 du combat en tant que conjurer. Soyez imprévisible", a marmonné Camus.

Un souffle de vent a failli me projeter à nouveau sur le sol. Cette fois, cependant, j'ai été capable de réagir assez vite. J'ai planté mon épée dans le sol, enfonçant la pointe brisée de mon épée dans la terre battue pour me protéger du souffle.

J'ai levé les yeux pour voir des dizaines de glaçons déchiquetés, chacun aussi long que mon bras, voler vers moi.

Siphonnant le mana de mon noyau, j'ai balancé mon bras libre, libérant une vague de feu. Les grands éclats de glace s'évaporèrent avec un sifflement lorsque mes flammes les atteignirent, mais avant que je puisse poursuivre mon attaque, trois panneaux triangulaires de pierre surgirent du sol autour de moi et s'effondrèrent les uns sur les autres.

Piégé dans la pyramide de terre, j'ai perdu de vue mes adversaires.

Ça devient ennuyeux, j'ai pensé.

Combattre des conjurers était fondamentalement différent de se battre contre des augmenters. D'abord, ils gardent leurs distances et attaquent de loin.

D'un claquement de doigts, j'ai allumé une flamme pour étudier mon environnement. Les trois murs se rejoignaient en un point situé à six mètres au-dessus de moi.

" Je pourrais aussi bien essayer de me battre comme un conjureur ", ai-je marmonné en remettant Dawn's Ballad dans mon anneau.

J'ai envoyé un courant de mana terrestre dans le sol, et en un instant, j'ai pu distinguer la position approximative des quatre, ainsi que de deux silhouettes plus éloignées, que j'ai supposées être Emily et Alanis.

Buhnd a dû sentir ce que je faisais, car des pointes de pierre ont presque immédiatement commencé à sortir des murs.

Un nain rusé, j'ai souri.

Les pointes se sont allongées, se sont rapprochées. C'était maintenant ou jamais.

Après avoir agrandi la flamme que j'avais utilisée pour m'éclairer, j'ai conjuré une vague de givre avec mon autre main. J'ai serré les deux éléments opposés ensemble, créant un souffle de vapeur qui s'est répandu jusqu'à remplir toute l'enceinte.

"De la vapeur s'échappe. Attention à une attaque surprise", a prévenu Hester. "Princesse, profitez de l'humidité de la vapeur."

Oh, merde.

J'ai invoqué la foudre autour de mon corps, la chargeant et la contenant lorsque j'ai senti la température de l'air nuageux autour de moi chuter. Je pouvais voir des éclats de glace se former, mais mon sort était terminé.

"Explosion !" J'ai sifflé, déchargeant les courants d'éclairs qui s'enroulaient autour de mon corps. Des torrents d'électricité ont jailli, faisant voler en éclats le sol et les murs sans effort. La pyramide de pierre que Buhnd avait conjuré s'est effondrée.

Un gros nuage de poussière et de débris a masqué une grande partie de la vue, mais Camus m'avait retrouvé. Le vieil elfe n'était qu'à quelques mètres, des tourbillons de vent s'enroulant autour de ses bras.

Sans rien dire, le conjurer de vent a tiré, le souffle de son vent m'a envoyé en arrière directement vers Hester.

Elle m'attendait de l'autre côté, un globe de flammes bleues entièrement formé, prêt à faire feu.

Avec à peine le temps de me tordre dans l'air pour me défendre contre l'attaque, j'ai dû faire face à la puissance des flammes saphir.

KATHYLN GLAYDER

Hester Flamesworth était au service de la famille Glayder depuis plus de 20 ans. J'ai toujours respecté ses prouesses magiques, mais, à cause de ses talents, elle avait tendance à être un peu orgueilleuse. Alors, quand j'ai vu la silhouette d'Arthur se consumer dans les flammes bleues qui la distinguaient de tous les autres conjurateurs de Sapin, j'ai su qu'elle voyait Arthur comme une personne qu'elle devait battre à tout prix.

Ma main s'est inconsciemment tendue vers Arthur. Il a été englouti pendant quelques secondes seulement avant que les flammes bleues ne commencent à tourbillonner autour de lui. J'ai d'abord cru que c'était l'œuvre d'Hester, mais quand le cône de feu s'est fendu, révélant Arthur intact à part les pointes légèrement brûlées de ses longs cheveux, j'ai su qu'il avait réussi à disperser les flammes tout seul.

Arthur a craché un faible rire. "Il s'en est fallu de peu."

Les yeux de ma tutrice se sont un peu écarquillés, mais elle a feint de garder son calme.

"Impressionnant, Général Arthur, mais il semble que vous nous preniez un peu trop à la légère."

L'aîné Buhndemog a levé un bras musclé. "Je suis d'accord. Si c'est tout ce que vous pouvez faire, je crains qu'il nous faille bien plus que deux mois pour vous former."

"C'est difficile de se motiver quand on se retient comme ça de manière si évidente", ajouta l'aîné Camus, puis il s'assit en bâillant bruyamment.

J'ai froncé les sourcils. On m'avait dit que l'aîné Camus était autrefois un membre distingué de l'armée elfique, mais il était un individu si mal élevé. Si j'avais été à la place d'Arthur, j'aurais pu être offensé par sa conduite, mais à ma grande surprise, Arthur s'est mis à rire.

"Désolé. Je me retrouve souvent à essayer de me mettre au niveau de mes adversaires pour évaluer leur force. C'est une mauvaise habitude", dit-il en s'époussetant calmement.

Puis une vague de mana est sortie d'Arthur comme si un barrage venait de s'effondrer. J'ai instinctivement reculé sous l'effet de la force et lorsque j'ai relevé la tête, j'ai vu que Camus était de nouveau sur pied, tous les signes de sa léthargie ayant disparu. Hester et l'aîné Buhndemog avaient déjà épaissi leur aura pour se protéger.

Au centre de nous tous se trouvait Arthur, mais sa forme avait changé. Ses longs cheveux brillaient maintenant comme de la perle liquide et des symboles dorés couraient le long de ses bras. La présence d'Arthur était forte auparavant, mais elle était carrément oppressante maintenant.

"Je n'utiliserai pas cette forme pour le reste de notre entraînement, mais puisque le combat d'aujourd'hui sert à faire connaissance avec tout le monde, je serai heureux de me laisser aller ", a-t-il dit.

L'armure de cuir rudimentaire dont Emily avait revêtu Arthur semblait maintenant presque majestueuse sous le vif nuage de mana qui l'enveloppait.

Il s'est retourné pour me faire face, et j'ai pu apprécier pleinement ses yeux améthystes. J'avais du mal à trouver le mot juste pour les décrire.

Éthérés ? Radieux ? Envoûtant ? Même ces mots ne semblaient pas décrire avec précision la façon dont ces yeux semblaient me secouer jusqu'au noyau. J'avais vu cette forme une fois auparavant à l'Académie Xyrus, quand il s'était battu

contre Lucas, mais c'était la première fois que je le voyais de si près. "Maintenant, c'est mieux comme ça !" S'exclama l'aîné Buhndemog, bien que le léger tremblement dans sa voix trahissait son malaise.

"Dispersez-vous !" La voix d'Hester résonna avec autorité tandis qu'elle bondissait en arrière et préparait son sort. Elle savait - et tout le monde le savait - que les rôles avaient changé. Le deuxième round n'avait pas encore commencé, mais je sentais déjà que l'avantage du nombre avait disparu.

Alors que la présence d'Arthur s'épaississait comme un linceul, la voix habituelle dans ma tête a commencé à murmurer, disant que tout était futile.

Non ! Tu fais toujours ça, Kathyln. Arrête de douter de toi.

Je me suis mordu la lèvre, me reprochant mon pessimisme. Depuis mon éveil, on m'avait constamment dit à quel point j'étais une mage talentueuse, mais je trouvais toujours un moyen de me dire que je n'étais pas à la hauteur. C'est peut-être pour cela que mon impression d'Arthur, lors de notre première rencontre à la vente aux enchères, était restée si claire... même après toutes ces années. Enfant, et encore maintenant, il était intelligent, talentueux, sociable, savait ce qu'il voulait et avait un sourire qui pouvait illuminer le monde.

Retrouvant mon calme, je me suis retrouvée face à face avec Arthur. À son regard, je savais qu'il m'avait attendue, sentant d'une certaine manière que mon esprit était ailleurs.

Faisant tout ce que je pouvais pour que mon embarras ne se lise pas sur mon visage, j'ai rapidement hoché la tête et pris position.

Ses lèvres ont formé un léger sourire et il m'a fait un signe de tête en retour. Au même instant, Arthur a disparu, ne laissant derrière lui qu'une empreinte de pas dans le sol durci et quelques vrilles d'électricité.

Le temps que mes yeux rattrapent l'endroit où il était apparu, l'aîné Camus avait été projeté à quelques dizaines de mètres dans les airs. Le sol en dessous de lui s'est moulé pour amortir son impact lorsqu'il a atterri.

Des éclairs noirs s'enroulèrent autour d'Arthur tandis que ses yeux fouillaient la pièce, à la recherche de sa prochaine cible. Mais avant qu'il ne puisse bouger à nouveau, le sol s'est soulevé autour de ses pieds, l'ancrant sur place. Arrête de regarder et aide, je me suis dit.

Utilisant l'eau de l'étang voisin comme catalyseur, je l'ai transformée en une lance géante gelée. Dès que je l'ai lancée, j'ai senti que l'aîné Camus utilisait sa magie du vent pour accélérer la lance de glace de trois mètres à une vitesse que je n'aurais pas pu atteindre par moi-même.

Notre attaque coopérative a déchiré l'air, se dirigeant vicieusement vers Arthur. Il est resté sur place, fixant la lance de glace géante, une seule main levée pour se défendre.

Ne va-t-il pas essayer d'esquiver ?

J'ai pensé à disperser le sort, mais le Commandant Virion avait insisté sur le fait que nous devions être sérieux pour aider Arthur.

À ma grande surprise, lorsque la lance était à quelques centimètres de lui, mon sort s'est dispersé tout seul. La tempête qui entourait mon attaque repoussait toujours Arthur, mais la lance de glace que j'avais conjurée s'était brisée.

Camus m'a lancé un regard, comme s'il me demandait si je l'avais fait. J'ai rapidement secoué la tête, les sourcils froncés en signe de confusion.

Je suis sûr que ce n'était pas moi.

Arthur s'est remis sur pied, sans être affecté, si ce n'est par une pointe de satisfaction sur son visage.

Les aînés et moi avons tous échangé des regards. Personne n'était complètement sûr de ce qui venait de se passer.

"Bah !" L'aîné Buhndemog a tapé du pied, soulevant un énorme rocher du sol à côté de lui. "Montre-m'en plus ! A moins que changer la couleur de tes cheveux et de tes yeux soit la seule chose que tu puisses faire."

Arthur sourit malicieusement. "Avec plaisir."

Mon ami - maintenant mon adversaire - est devenu flou. Cette fois, j'ai pu suivre sa faible silhouette, mais à peine.

Il a envoyé une onde de choc de mana sur l'aîné Buhndemog, mais le nain s'y attendait. Il a sculpté le rocher à ses côtés en un gigantesque bouclier de pierre. Un cratère s'est formé à l'endroit où l'onde de choc a touché le bouclier, mais ce n'était rien de plus qu'une diversion. Le temps que le bouclier bloque son sort, Arthur avait déjà ciblé Hester avec une lance d'éclairs noirs dans sa main.

Il ne t'attaque pas parce qu'il a peur de te faire du mal, Kathyln, a chuchoté la voix en se moquant de moi.

Expulsant une forte respiration, je me suis concentrée sur un sort que le général Varay m'avait appris. Je n'ai jamais aimé l'utiliser, car cela signifiait que je devais me rapprocher de mon adversaire, mais cette situation était pire. Je n'aimais pas être pris en pitié.

"Séraphin des neiges."

Des couches de givre se sont étendues sur mon corps, me recouvrant de son emprise glacée. Mes vêtements se durcirent en armure et une couche de blanc me recouvrit complètement, de mes orteils à la moitié inférieure de mon visage.

Avec mon corps encore plus puissant, j'ai couru droit vers Arthur, qui était attaqué par tous les autres.

L'aîné Camus s'est mis à courir dans tous les sens, envoyant des lames de vent sur Arthur et amortissant l'aîné Buhndemog et Hester quand Arthur les frappait.

Arthur a lancé une lance de foudre sur Camus, mais elle a explosé en plein vol grâce à l'intervention de Hester.

Tout le monde a senti la présence de mon sort, mais Arthur semblait trop préoccupé pour le remarquer.

Le givre recouvrant mon bras a changé de forme à ma pensée, s'étendant et s'aiguisant en une lame de glace.

J'ai frappé comme le Général Varay me l'avait enseigné pendant plus d'un an.

Ma lame a coupé son dos, faisant couler le sang qui s'est figé instantanément. La tête d'Arthur s'est retournée pour me regarder, son regard exprimant plus la surprise que la douleur. Il se retourna et lança une lame de vent sur moi, mais la couche de givre qui me recouvrait atténua le sort.

Sans avoir besoin de bloquer physiquement, j'ai continué mon attaque. En ramenant mon autre main, j'ai poussé, lançant une onde de choc de givre sur mon adversaire. Arthur a rapidement bloqué mon attaque, mais elle l'a quand même poussé en arrière, droit vers l'aîné Buhndemog.

Mais les instincts d'Arthur étaient inhumains. Il était déjà en train de tordre son corps, se préparant à se défendre, quand une bourrasque de vent l'a fait tournoyer de façon incontrôlée.

L'aîné nain le vit arriver, et un sourire excité s'étira sur son visage, fendant sa barbe blanche. Il mit son poing en position pour frapper tandis que la terre autour de lui tremblait.

Des morceaux de terre volèrent, se combinant autour de son poing pour former un gigantesque gantelet de pierre. Hester renforça encore son attaque en imprégnant une flamme bleue autour de son poing de terre.

Un fracas douloureux retentit lorsque le poing de pierre enflammé de l'aîné Buhndemog frappa directement Arthur.

"Oh ! ça fait du bien !" s'exclama l'aîné nain en secouant le feu autour de son poing.

Je dispersai également mon sort, savourant la chaleur qui s'ensuivit.

Arthur se redressa dans le cratère que son corps, redevenu normal, avait formé dans le sol. Etirant son cou, il gémit " Vous m'avez bien eu là ".

L'aîné Buhndemog éclate d'un rire franc. "La princesse a vraiment sauvé la situation ! Nous étions tous les trois dans une impasse et je pense que le jeune général n'y allait pas de main morte."

"Je ne suis pas capable de garder cette forme indéfiniment, et j'étais déjà à bout de souffle." Arthur a secoué la tête. "Mais oui, je ne m'attendais pas à ce que tu te jettes sur moi comme une sorte de ninja de glace, Kathyln."

J'ai incliné ma tête, confuse. "Ninja... de glace ?"

"Euh, rien." Arthur a dit, en se grattant l'arrière de sa tête. "Je n'aurais pas dû te prendre à la légère, c'est tout."

J'ai rougi.

Heureusement, l'aîné Camus a saisi son attention, tendant une main et tirant Arthur jusqu'à ses pieds.

"Un garçon intéressant", a dit l'aîné avec le plus léger sourire.

"Il semble que nous ayons beaucoup à discuter", a ajouté Hester. "Je pense que ce sera une expérience d'apprentissage pour nous tous."

Nous étions tous d'accord sur ce point.

—————————————

Nous nous sommes tous les cinq regroupés près de l'entrée de la salle d'entraînement avec Emily Watsken et Mlle Emeria.

"Avant de passer en revue l'analyse de l'évaluation d'aujourd'hui, je voulais simplement entendre quelques commentaires ", a déclaré Emily. "Bien sûr, notre belle Miss Alanis Emeria a prévu un programme d'entraînement rigoureux pour le Général Arthur, mais dans l'ensemble, s'il y a des préoccupations, faites-le moi savoir."

Miss Emeria a hoché la tête, son expression était impassible. "Les commentaires sont cruciaux."

"Je pense qu'il est sûr de dire que le plus grand problème pour tout le monde, en particulier le général Arthur, est le souci de la sécurité", a noté Hester. "Ah, oui ! En fait, je suis en train de travailler sur quelque chose pour aider à résoudre ce problème, mais cela nécessite encore quelques retouches", a répondu Emily.

"Puis-je demander ce que c'est exactement ? Je suis assez curieux", a demandé Arthur.

"C'est un dispositif qui lit la quantité de mana que le porteur reçoit, déclenchant un mécanisme de défense de dernière minute pour empêcher un coup mortel," répondit l'artificier presque mécaniquement.

"Si un tel artefact peut être construit, ne pourrait-on pas le donner à tous les soldats au combat ?" pensa l'aîné Buhndemog.

Emily hésita. "C'est possible, mais…"

"Cela serait astronomiquement cher ", a terminé Mlle Emeria. "De plus, le mécanisme de défense ne fonctionnera que pour cette seule attaque déclenchante. Dans un environnement d'entraînement, l'adversaire s'arrêterait, mais sur le champ de bataille, une autre attaque serait tout ce dont l'ennemi aurait besoin pour finir le travail."

L'aîné Buhndemog s'est caressé la barbe. "C'est vrai. Bon point."

"Oui, les artefacts sont extrêmement chers à fabriquer, pas seulement en termes de coût mais aussi de rareté du matériau. L'artefact utilise des écailles de phoenix wyrm. La famille Glayder nous en a gracieusement offert quelques-unes pour mes nouveaux appareils d'entraînement." nous a informé Emily, en me regardant avec un regard appréciateur."

Je ne savais pas que Père et Mère en avaient encore.

"En parlant d'appareils d'entraînement, à quoi sert exactement cet accoutrement ?" a demandé Arthur, en tapotant la gemme sur son plastron en cuir. "Je suppose que ceci et ces plaques sur le mur ne sont pas juste pour la décoration."

À ce moment-là, Emily a souri avec éclat. Même Mlle Emeria avait une trace d'excitation qui brillait dans ses yeux. "Tout, mon ami, de l'armure peu attrayante aux plaques bizarres partout dans cette pièce, sert à enregistrer et à mesurer tout ce qui a trait à la façon dont vous utilisez la magie sur les gens."

184

MESURER LA MAGIE

ARTHUR LEYWIN

Mesurer et enregistrer la façon dont quelqu'un " utilise la magie sur les gens " était une façon peu intuitive de décrire un processus peu familier à un groupe de mages aînés - et à deux adolescents.

Cependant, une fois qu'Emily a calmé son enthousiasme et a commencé à expliquer lentement les fonctions des disques partout dans la pièce et le panneau métallique rempli de jauges, ainsi que l'armure en cuir que je portais, je pouvais voir l'excitation monter sur le visage de chacun.

"Donc, les objets dans la pièce servent de détecteurs pour enregistrer la puissance d'un sort ?" demanda Camus en inclinant la tête.

Emily acquiesça. " Le mot " puissance " est un terme vague, mais oui. Les disques ont été assez délicats à fabriquer car chacun d'entre eux doit être assez solide pour recevoir l'impact mais assez sensible pour transmettre avec précision le retour d'information à mon panneau d'enregistrement. Mais ce n'est qu'un aspect, je vous expliquerai l'autre dans un instant."

"Qu'étaient ces lignes lumineuses reliant les disques tout à l'heure ?" Hester a demandé.

"Bonne question !" Emily acquiesça. "Eh bien, vous voyez, un sort est rarement de la taille d'un seul capteur, donc j'avais besoin que les disques soient placés relativement près les uns des autres avec des capteurs entre eux. De cette façon, même si un sort a un diamètre de plusieurs mètres, les disques peuvent mesurer avec précision l'impact ou la force du sort. J'appelle cette mesure la force par unité, ou fpu.

Les traînées lumineuses de mana qui s'allument une fois qu'elles sont suffisamment alimentées - dans ce cas, par la princesse Kathyln et les trois aînés - servent de capteurs qui relient les disques les uns aux autres, de sorte que je peux mesurer avec plus de précision la force par unité d'un sort dès qu'il est libéré dans le champ des disques".

Je pouvais voir plus d'un regard confus à l'explication enthousiaste d'Emily. J'étais tenté de rester silencieux et de la laisser à court de mots à dire, mais j'étais curieux de quelque chose.

"Donc les disques agissent comme des capteurs après avoir été frappés par un sort. Mais disons que je lance un souffle de vent sur l'aîné Buhnd et qu'il le bloque. Le sort n'atteindrait jamais aucun des disques, donc ce sort ne serait pas mesuré ?"

Les yeux d'Emily se sont illuminés. "Comme prévu, tu as vite compris l'une des lacunes. J'ai réalisé la même chose au début. Si ces disques n'étaient que des cibles à toucher, l'impact qu'ils recevraient serait suffisant pour obtenir une lecture précise de la force du sort. Mais lors d'un combat en direct, plus de la moitié des sorts seraient soit illisibles, soit au mieux imprécis, car partiellement ou totalement atténués par une contre-attaque de l'adversaire. J'ai dit précédemment que l'enregistrement par contact direct était l'un des principaux aspects des disques. L'autre est la raison pour laquelle j'avais besoin de couvrir toute la pièce. Chaque disque envoie non seulement des traînées visibles de mana aux autres disques qui l'entourent, mais crée également une sorte de pression qui permet de lire la force d'un sort dès qu'il est formé."

"C'est pour ça que j'ai dû t'aider à mettre tous ces disques si profondément dans le sol ?". demanda Buhnd en se grattant la tête.

"Exactement, et ainsi les disques ne sont pas dans le chemin même lorsque vous utilisez la magie de terre", répondit-elle. "Grâce à l'aîné Buhnd, l'installation des disques sous terre a été facile. Grâce aux capteurs dans le sol, sur les murs et au plafond, le mana manipulé peut être mesuré même si aucun des disques n'est physiquement touché par un sort."

"Ok, donc en gros, le fait d'avoir cette pièce complètement entourée de ces disques crée une zone où le mana peut être mesuré", ai-je simplifié.

Emily pinça les lèvres. "Eh bien... ouais, si tu veux juste résumer six mois entiers de travail en une phrase, je suppose que oui."

" Croyez-moi, " dis-je en riant, " je sais très bien que ce que tu as créé ici est une merveille technologique qui aidera les mages à se développer beaucoup plus rapidement à l'avenir, mais je ne pense pas que quiconque ici ait l'intention de devenir un artificier. "

"C'est vrai", admit Emily, faisant toujours la moue.

"Donc tu as expliqué ce que font les disques et le panneau, mais qu'en est-il de l'armure que tu m'as fait porter ?". J'ai demandé.

"Ah, l'armure elle-même était une partie initiale de ce processus, une de mes conceptions originales en fait. Elle contrôle le flux de mana à travers un individu par... eh bien...

-je vous épargne les détails. Les capteurs à disque ont plus ou moins rendu l'armure obsolète. Cependant, dans ton cas, nous voulions autant d'informations que possible, et il se trouve que l'armure complète bien les capacités de Mlle Emeria ", répondit l'ingénieure en tournant son regard vers Alanis.

Mon assistante de formation a hoché la tête avant de prendre la parole. "Mlle Watsken a noté la possibilité que cet environnement puisse avoir un effet négatif sur mes capacités personnelles, et elle a pensé que la combinaison pourrait m'aider à faire des relevés précis tout au long de votre formation." "C'est une explication plutôt vague. Si je ne te connaissais pas mieux, je pourrais penser que tu essaies de garder ta capacité comme une surprise, tout comme Emily l'a fait avec son invention", ai-je taquiné mon assistante robotique.

Elle était, cependant, moins qu'amusée. Son expression est restée impassible. "Général Arthur, vous avez demandé des détails sur le costume de Mlle Watsken, pas sur mes capacités. Si vous êtes curieux de connaître mes capacités, dites-le moi."

"Je le ferai", ai-je répondu, décontenancé. Contrairement à Emily, mon assistante d'entraînement ne semblait pas très encline à expliquer tout et n'importe quoi. "Alors, Alanis, quelle est ta capacité ?"

L'elfe au visage stoïque hocha la tête, satisfaite de ma question directe. "Après avoir établi une connexion physique avec un individu, je suis capable d'utiliser la magie d'affinité avec la nature pour observer avec précision le flux de mana de cet individu."

J'ai entendu un ricanement de Buhnd. En jetant un coup d'oeil, j'ai vu le nain donner un coup de coude à Camus et chuchoter, "Heh, 'connexion physique' en effet."

J'ai retenu un gémissement, et Camus a simplement ignoré le nain lubrique. "Alors cela fait-il de vous un déviant de la magie de la nature ?" J'ai demandé, curieux.

S'il était de notoriété publique que les formes supérieures de la magie du vent, de l'eau, de la terre et du feu étaient le son, la glace, la gravité et la foudre, respectivement - la magie du métal et du magma étant spécifiquement une spécialité naine - on savait peu de choses sur ce qu'était exactement la magie de la nature. Il était admis que seuls les elfes étaient capables d'utiliser la magie de la nature, ce qui a conduit les chercheurs en magie à penser qu'il s'agissait d'une sorte de spécialité déviante du vent et de l'eau, tout comme le magma était une combinaison spécialisée du feu et de la terre. Un exemple de magie de la nature était la manipulation des plantes, comme ce que Tess était capable de faire, mais je n'avais jamais entendu parler de lire le flux de mana en utilisant la magie de la nature.

"Je ne suis pas sûre que ma capacité soit une forme évoluée de la magie de la nature ou une utilisation périphérique spécialisée de celle-ci", a-t-elle répondu. "Cependant, le Commandant Virion m'a chargée de fournir des informations précises sur votre flux de mana tout au long de votre entraînement, comme je l'ai fait pour d'autres Lances." "Vous avez aussi aidé les autres Lances ?" J'ai demandé. Je n'étais pas tant surpris par le fait qu'Alanis ait travaillé avec les autres que par le fait que Virion ne m'ait pas parlé d'elle.

"Oui," dit-elle simplement.

"Comme c'est intriguant", a ajouté Hester. "Et qu'est-ce que cette magie sensorielle montre sur le Général Arthur ?"

Alanis a sorti son presse-papiers. Elle a feuilleté plusieurs pages avant de lire à haute voix : " Le taux de flux de mana du Général Arthur lors de la manipulation du noyau de mana aux extrémités est d'environ 4,6 secondes pour l'augmentation du corps. Pour l'incantation de sorts, il y a une augmentation d'environ quarante pour cent du temps pour les sorts d'attribut vent et cinquante-cinq pour cent pour les sorts d'attribut terre par rapport aux sorts d'attribut glace et foudre. Les magies du feu et de l'eau n'ont pas été suffisamment utilisées pendant la session, donc aucune lecture n'a pu être effectuées."

"4,6 secondes, c'est terriblement précis. Comment avez-vous mesuré le temps avec autant de précision ?" demanda Camus, son intérêt étant lui aussi piqué. Alanis a sorti un petit appareil en forme de cube de l'intérieur de sa tenue en forme de blouse. "Mlle Watsken m'a généreusement fourni ce dispositif de comptage du temps."

Elle a appuyé sur un petit bouton sur le côté et le cube a commencé à vrombir, puis elle a rapidement appuyé à nouveau. Elle nous a montré la partie supérieure du cube, et celui-ci indiquait le temps qui s'était écoulé, au centième de seconde près.

"Je n'aurais jamais cru voir un outil aussi inutile", grommela Buhnd, visiblement peu intéressé par l'analyse de ces chiffres.

" C'est absurde. Cet appareil peut mesurer la vitesse à laquelle vous pouvez courir d'un bout à l'autre de la pièce sur ces petits bouts que vous appelez des jambes", ricana Hester, un sourire suffisant sur le visage.

Buhnd a émis un fort grognement. "Pourquoi faire une chose aussi plébéienne que courir quand je peux faire bouger la terre sous mes pieds, vieille sorcière ?".

Les deux ont recommencé à se chamailler, je me suis demandé quelle était leur relation. Mais il n'y avait pas que leurs chamailleries ; lors de notre combat, les trois aînés avaient fait preuve d'une coordination étonnante, comme s'ils avaient déjà combattu ensemble.

J'ai fait une note mentale pour demander à Kathyln ou Virion plus tard.

J'ai reporté mon attention sur les deux elfes. Il semblait qu'Alanis venait de finir de répondre à une question de Camus que j'avais manquée.

"Je vois", répondit le vieil elfe d'un air pensif. "Je ne voudrais pas trop embêter Mlle Watsken à ce sujet, alors je vais me procurer moi-même des matériaux."

"Ce n'est vraiment pas un problème, aîné Camus," dit Emily. "J'avais l'intention d'améliorer la combinaison de Arth-Général Arthur de toute façon. En fabriquer quelques autres ne serait pas trop difficile, car j'ai déjà plusieurs prototypes à moitié terminés. En supposant que j'ai assez de matériaux sous la main, j'ai juste besoin de les mettre à jour aux bonnes spécifications et de les ajuster correctement."

"Qu'est-ce qui se passe ?" J'ai chuchoté, me penchant vers Kathyln.

"L'aîné Camus a demandé s'il était possible pour Mlle Emeria de faire des lectures pour plusieurs personnes", a répondu Kathyln, en prenant un peu de recul.

Oups. Un peu trop près pour elle.

Je me suis également éloignée, me rappelant que la princesse s'est toujours méfiée de sa " bulle " personnelle. "Cela vaut-il pour toi aussi ?"

Elle a hoché la tête. "Je suis curieuse de savoir comment la vitesse de mon flux de mana se compare à celle des autres."

L'aspect de la comparaison m'a fait penser à toute une série de questions que je voulais poser à Emily, mais ce n'était pas le moment de le faire. Au lieu de cela, je me suis tournée vers mon assistante d'entraînement. "Alanis, quels étaient mes chiffres après avoir utilisé Realmhea - je veux dire, après que mes cheveux et mes yeux aient changé de couleur ?"

Tout le monde a regardé l'elfe au caractère bien trempé en attendant. Même Hester et Buhnd, dont les chamailleries - ou peut-être les flirts - étaient restées sans réponse, se sont arrêtés pour écouter sa réponse.

Alanis n'a eu qu'à tourner une seule page de son carnet avant de répondre. "L'efficacité du Général Arthur à lancer des sorts, depuis l'invocation mentale jusqu'au façonnage physique du mana élémentaire, a été multipliée par cinq dans tous les spectres d'éléments, et…"

"Et ?" Buhnd insista alors que tout le monde retenait son souffle.

Alanis a secoué la tête. " Mes excuses, Général Arthur. Je n'ai pas enregistré l'augmentation de votre corps après le changement de votre forme."

"C'est bon", je lui ai assuré. "C'est parce qu'il n'y avait pas assez de différence de temps ?"

"Oh, non. Ce n'est pas à cause de ça", dit Alanis, les yeux écarquillés. "Je ne vous ai pas enregistré simplement parce que je ne le pouvais pas. Général Arthur, votre vitesse d'augmentation corporelle est normalement égale à celle de la plupart des Lances. Après la transformation, cependant, elle était beaucoup trop rapide pour que je puisse même essayer de la mesurer."

—————————————

"Comment va ton frère ces jours-ci ?" J'ai demandé, espérant combler le le silence inconfortable dans le couloir.

Kathyln et moi marchions dans l'un des étages résidentiels du château. La vue dégagée de la lune et des étoiles à l'extérieur nous indiquait que notre entraînement avait duré bien plus longtemps que prévu. Avec tout le monde déjà endormi ou travaillant dans les niveaux inférieurs, le château semblait presque abandonné.

"Curtis va beaucoup mieux, maintenant que Père l'a enfin autorisé à quitter le château - sous surveillance, bien sûr", répondit Kathyln avec une pointe d'envie. "Dans son dernier parchemin de transmission, il a décrit à quel point il est gratifiant d'être l'un des assistants instructeurs de formation à l'Académie Lanceler."

" Tu n'as pas cette chance, je suppose ? ".

"J'avais espéré que devenir plus forte en tant que mage me permettrait d'avoir un peu plus de liberté, mais l'image que mon père a de moi reste celle d'une petite princesse timide", a-t-elle soufflé.

"Eh bien, pour être honnête, tu es plutôt timide", ai-je dit, essayant de détendre l'atmosphère.

"On m'a dit que je suis devenue plus extravertie", a répondu Kathyln, embarrassée. "Même ma participation en tant que partenaire d'entraînement était due à ma propre insistance..." Sa voix s'éteint.

"Qu'est-ce que c'était ?"

Elle a accéléré le pas et a continué à marcher. "Rien."

Nous avons continué en silence, et je me suis retrouvé à faire étrangement attention à la démarche de Kathyln. Ses pas avaient une cadence presque apaisante, chaque pas délibérément fait sur la pointe des pieds pour minimiser le bruit. Elle était de petite taille, mais sa démarche dégageait une confiance qui semblait bien répétée. Si je ne la connaissais pas, par sa démarche, j'aurais pensé qu'elle était juste une autre noble arrogante et prétentieuse.

Elle s'est arrêtée, et le temps que je lève les yeux, je l'ai trouvée me regardant en retour avec juste le plus léger soulèvement de son sourcil gauche. "Est-ce que tout va bien ?"

Réalisant que j'avais passé les derniers instants à fixer ses jambes, j'ai rougi. "Non

-Je veux dire oui, tout va bien."

"Tes pas sont très silencieux, je ne savais pas si tu marchais encore derrière moi", a dit Kathyln en m'attendant pour que nous puissions marcher côte à côte.

"Je pourrais dire la même chose de toi", ai-je dit en riant. "Malgré l'assurance avec laquelle tu marches, tes pieds semblent à peine toucher le sol."

"Mère était très stricte sur tout ce qui pouvait être vu par notre entourage. Curtis et moi avons dû suivre des leçons couvrant tous les aspects de l'étiquette royale", a répondu Kathyln.

"Oh ! Ma mère a fait suivre à Ellie ce genre de cours quand elle était petite. Sauf que la seule chose qu'elle semblait apprendre, c'était comment se soustraire aux corvées en disant qu'elles n'étaient pas dignes d'une dame", ai- je dit.

Kathyln a souri faiblement. "Ellie est ta soeur, n'est-ce pas ? Le diminutif d'Eleanor ?" "Oui. Tu l'as rencontrée ? Elle est généralement sur le balcon extérieur en train de s'entraîner au tir à l'arc."

"Je l'ai vue à l'occasion, mais je ne lui ai jamais parlé", a-t-elle répondu.

"Elle peut être un peu intimidante, avec cet ours qui la suit toujours", ai-je admis. "Il faudra que je te présente correctement à elle un jour. Je suis sûr qu'elle sera ravie d'apprendre à te connaître."

Le sourire de Kathyln s'est élargi au point de ressembler à un sourire. "J'aimerais... ça."

Nous avons continué à parler pendant que nous faisions notre chemin vers sa chambre. À l'origine, Hester devait raccompagner la princesse, mais j'avais envie de sortir de la salle d'entraînement - j'avais en fait prévu d'aller manger quelque chose après - alors je me suis portée volontaire. La vieille mage était réticente, mais elle et les deux autres aînés avaient voulu rester derrière avec Emily et Alanis pour mesurer la force de leurs sorts. Elle savait que Kathyln serait avec une Lance, et son excitation à mesurer sa puissance l'emportait sur tout le reste, alors elle a cédé.

Si quelqu'un se tenait absolument immobile et restait silencieux, il était possible de sentir le château trembler légèrement tandis que Hester, Buhnd et Camus libéraient leur magie loin en dessous.

La chambre de Kathyln était juste à quelques mètres devant moi quand je me suis souvenu de ce que je voulais lui demander. " Ta tutrice connaît-elle personnellement Buhnd ? "

Elle a hoché la tête. "Les trois aînés se connaissent." Mes sourcils se sont levés en signe de surprise. "Vraiment ? Comment ?"

"Ces trois-là ont joué un rôle crucial dans la dernière guerre entre humains et elfes. Darv a envoyé des soldats pour aider Sapin pendant la guerre, et c'est ainsi que Hester et l'aîné Buhnd se connaissent. Après la fin de la guerre, les chefs des trois royaumes ont été obligés d'assister à un sommet qui se tenait tous les deux mois pour tenter de réparer les ponts brisés. Hester a mentionné les noms de l'aîné Camus et de l'aîné Buhndemog à plusieurs reprises. Ils se sont souvent entraînés ensemble auparavant."

" Cela explique leur impressionnante coordination lorsque nous nous sommes affrontés ", ai-je noté.

Je voulais en savoir plus sur Hester, et sur la maison Flamesworth en général, mais nous étions devant la porte de Kathyln depuis quelques instants maintenant, et il me semblait plus approprié de demander directement à Hester.

"Tu seras bien toute seule, princesse ?" Je l'ai taquiné alors que Kathyln déverrouillait soigneusement sa porte d'un simple toucher de la main. Ma chambre n'avait pas de lecteur de signature mana, mais là encore, cela ne m'aurait probablement pas servi à grand-chose d'en avoir un.

" Père a pris des précautions supplémentaires avec les renforts pour ma chambre ", dit-elle en soulevant un pendentif à l'aspect familier autour de son cou. "J'ai aussi ça."

"C'est fait à partir d'un phoenix wyrm, non ?" J'ai demandé, sachant où je l'avais vu.

"Je suis impressionnée que tu saches ce que c'est après un si bref coup d'oeil," répondit-elle. "L'artificier, Gideon, les a fabriqués à partir du noyau et de l'écaille d'un phoenix wyrm."

"C'est magnifique", ai-je dit, omettant le fait que j'avais troqué deux de ces mêmes artefacts à Gideon il y a presque dix ans contre les plans du vaisseau à vapeur. Ellie et ma mère les portaient encore aujourd'hui - une des raisons pour lesquelles je pouvais dormir un peu plus facilement la nuit.

"Merci." Elle a rangé le pendentif phoenix wyrm dans sa chemise. "Et merci de m'avoir raccompagnée. J'étais heureuse de voir Hester si désireuse de participer, mais, la connaissant, elle aurait insisté pour partir avec moi si je n'avais pas eu d'escorte."

"Pas de problème", ai-je répondu. "C'est le moins que je puisse faire en retour du temps que tu as pris pour m'aider dans mon entraînement".

Elle a secoué la tête. "C'est un entraînement pour moi aussi. Pas besoin de me remercier pour ça."

"Eh bien, entraînons-nous dur et devenons encore plus forts." Je lui ai tendu la main. Kathyln a regardé ma main ouverte pendant un moment avant d'accepter le geste avec précaution.

Sa paume et ses doigts étaient chauds au toucher - brûlants, même - et sa main est restée absolument immobile dans ma prise. Pour que mon geste amical ne dure pas trop longtemps, j'ai serré doucement sa main avant de la lâcher. "Bonne nuit." Sans même une pause, elle a détourné la tête et a fermé la porte. De l'autre côté de sa porte, j'ai entendu un "Bonne nuit, Arthur" étouffé.

185

ASPECT DE L'IMPRÉVISIBILITÉ

Nico a giflé l'arrière de ma veste de duel. "Tu es prêt, Grey ?"

J'ai continué la dernière série de mes étirements, plus par anxiété que pour assouplir mon corps. Nous étions dans la salle d'attente souterraine où des dizaines d'autres élèves s'exerçaient à leurs techniques sur les tapis rembourrés ou faisaient les cent pas en attendant que leur nom soit appelé par l'un des officiers.

"Aussi prêt que possible, je suppose", ai-je finalement répondu en balançant mes bras.

"Allez. Tu vas devoir être plus confiant que ça - plus fort", a insisté Nico. "Je sais combien c'est dur pour toi, d'être intimidé par tout le monde de la deuxième et de la première division-"

"Comment peux-tu savoir à quel point c'est dur pour moi ?" Je l'ai coupé, agacé. Passer de la division quatre à la division trois l'année dernière a rendu leurs "farces" - dont la plupart m'ont donné des zébrures si ce n'est des os cassés - encore pires, parce que je ne savais apparemment pas "où était ma place".

" C'est ma faute ", balbutia Nico, décontenancé par mon acuité.

" Tu es dans la première classe de la division 1, respecté par tes professeurs et tes pairs. Je suis fier de toi pour ça, mais ne crois pas que cela signifie que tu sais ce que j'ai vécu ces dernières années."

Il a hoché la tête. "J'essayais juste d'aider."

"C'est bon", ai-je dit, me sentant soudain coupable. "Je suis désolé d'avoir été agressif avec toi. J'en ai juste marre de ces nobles qui affichent leur nom de maison comme un badge qui leur permet de faire ce qu'ils veulent de moi." "Ouais. Ça n'aide pas que la plupart de leurs parents soient de généreux donateurs à l'académie. Cela ne fait que pousser les professeurs à fermer les yeux sur des élèves comme nous, sans famille pour les soutenir."

"Au moins, ils te traitent bien", ai-je dit, en m'asseyant le dos contre le mur froid. "Être meilleur qu'eux intellectuellement ne semble pas blesser leur ego autant que d'être meilleur qu'eux au combat."

"Merci mon Dieu pour ça", a gloussé Nico. "Au moins tu peux te défendre." J'étais d'accord. "J'espère juste que les juges seront plus justes qu'ils ne l'ont été et qu'ils me laisseront enfin accéder à la deuxième division." "Sérieusement. Même si ton niveau de ki n'est pas aussi élevé, tes capacités globales de combat auraient dû au moins te placer en division deux l'année dernière. Je n'arrive toujours pas à croire qu'ils t'aient retenu même après que tu aies tabassé ce gamin insolent."

"Tu te souviens qu'il m'a nargué avant le début du match, disant qu'il pouvait me battre d'une main ?"

Nico réprima un rire, craignant peut-être que le garçon en question soit quelque part dans la grande salle. "Ce match s'est terminé si vite qu'il n'a même pas eu le temps de sortir sa main de sa poche."

"Pourtant, je suis là, à prendre part à ces duels d'évaluation truqués." Je me suis cogné la tête contre le mur, laissant la douleur sourde emporter mon désespoir.

Nico a baissé la voix. "J'ai entendu dire par les autres élèves ingénieurs qu'il y a un nouveau juge cette année, très froid et impartial."

J'ai levé un sourcil. "Comment les élèves ingénieurs pourraient-ils être au courant de ça ?" Nico a toussé et détourné le regard. "Apparemment, c'est aussi une femme très attirante. Tu sais comment c'est avec les ingénieurs, c'est une bande de lubriques."

"On dirait que ça te concerne aussi", ai-je dit en secouant la tête en signe de déception. "Je me demande ce que Cecilia va penser quand je vais lui dire ça."

"Tu ne le ferais pas." Le visage de Nico a blanchi. "Après tout ce que j'ai fait pour essayer de t'aider..."

Juste à ce moment-là, une voix bourrue a appelé mon nom dans l'intercom. "Cadet Grey à l'arène 6. Si vous ne vous présentez pas, vous serez automatiquement éliminé. Encore une fois, Cadet Grey à l'arène six."

J'ai ramassé l'épée de duel émoussée que j'avais empruntée pour l'évaluation et j'ai fait un clin d'oeil à Nico. "Je vais te garder pour moi, toi et ton petit intérêt pour ces chiens d'ingénieurs."

Nico a baissé la tête en signe de défaite et m'a fait signe de partir.

Faisant un signe de la main à mon ami, je me suis dirigé vers la large rampe qui menait à la surface. J'ai dû lever une main pour protéger mes yeux du soleil de midi jusqu'à ce qu'ils puissent s'ajuster, et quand ils l'ont fait, je me suis retrouvé au centre d'un vaste stade extérieur.

Des plates-formes circulaires surélevées parsemaient le grand champ d'herbe. Des étudiants et des membres de l'académie entouraient les plateformes, certains jugeant ou faisant du repérage tandis que d'autres étaient juste là pour regarder leurs amis ou un futur adversaire.

Les gradins entourant le stade étaient parsemés de personnes - trop éloignées pour être reconnues, non pas que je connaisse l'une d'entre elles. Les événements précédents avaient permis de supposer que la plupart des adultes assis ici étaient des membres de la famille des élèves participant aux duels d'évaluation d'aujourd'hui.

Je me suis dirigé vers le panneau indiquant " Arène Six ", en me faufilant à travers la foule qui se pressait autour des arènes intermédiaires.

"Super, un public", ai-je marmonné pour moi-même. Il y avait un grand groupe, d'âges différents, qui bavardaient entre eux avec excitation. Un homme corpulent d'âge moyen avait les bras en l'air sur l'arène, donnant des conseils de dernière minute à un garçon de mon âge, jusqu'à ce que l'arbitre svelte informe l'homme de ne pas s'appuyer sur la scène.

J'avais à peine la place de monter les escaliers qui menaient à l'arène de duel surélevée, et les yeux me fixaient tout le long du chemin. Certains m'évaluaient, essayant de me jauger afin de prédire si leur fils - ou cousin, neveu ou autre garçon sur l'estrade - pouvait me battre.

J'ai atteint la plate-forme de l'arène. Il n'y avait que moi, le garçon que j'allais affronter et l'arbitre. Les gilets, la seule source de protection qui nous était fournie, en disaient long sur ce que notre académie pensait de notre sécurité. Les os cassés étaient courants, et même les blessures mortelles ne pouvaient pas être

considérées comme choquantes. Comme s'il avait senti mon malaise, l'arbitre s'est approché de moi et m'a regardé dans les yeux, me scrutant.

Les rounds d'évaluation ultérieurs auraient un panel de juges "impartiaux", mais ce premier round serait déterminé par ce seul arbitre, je devais donc faire de mon mieux pour l'impressionner.

"Rends-nous fiers, Simeon !" l'homme corpulent a rugi.

"Tu peux le faire, Simmy !" une femme aux cheveux bouclés a hué avec enthousiasme.

"Monsieur, la barrière sera bientôt levée, alors veuillez vous abstenir de vous pencher en avant dans l'arène. Je ne vous le rappellerai pas une nouvelle fois", dit sévèrement l'arbitre élancé.

"Papa, s'il te plaît !", gémit le garçon nommé Simeon, en repoussant son père. Sans plus attendre, l'arbitre sortit une clé et la fit glisser le long du bord de l'arène. Immédiatement, une lumière a scintillé autour de nous, projetant un mur translucide d'environ dix mètres de haut.

"Armes en position", a annoncé l'arbitre. "Les règles traditionnelles du duel s'appliquent. Le match se terminera quand l'un de vous cédera ou quand la barrière protectrice autour de votre gilet de duel se brisera. Les points seront gagnés pour un contact solide, pas pour des coups glissants. Cadet Grey, cadet Simeon Cledhome, êtes-vous prêts ?"

J'ai gardé la lame de mon épée basse, la saisissant d'une seule main ; Simeon a pris une pose plus traditionnelle, les deux mains fermement posées sur la poignée et la lame placée verticalement devant lui.

Nous avons incliné la tête en signe de reconnaissance, nos regards étant fixés l'un sur l'autre. "Commencez !"

Immédiatement, Simeon s'est élancé, franchissant la distance qui nous sépare - plus de trois mètres - d'un seul bond.

Il avait concentré son ki sur sa jambe arrière, le poussant et le redistribuant au reste de son corps après avoir pris l'élan dont il avait besoin - ce qui n'était pas une mince affaire.

Cependant, son élan semblait patauger dans des eaux visqueuses à mes yeux. Au moment où son épée était alignée en position pour poignarder ma veste, j'avais identifié trois plans d'action différents et je contemplais mes choix.

J'ai choisi l'option la plus simple, en pivotant pour que son arme émoussée glisse à peine sur ma poitrine.

Exécutant la même technique que Simeon, j'ai concentré le ki dans ma jambe arrière et mon torse pour me soutenir. D'un seul coup, je me suis mis à portée et j'ai tourné, en utilisant ma jambe et mes hanches comme élan. Même si je n'ai pas renforcé mon bras avec du ki, la force de mon attaque était suffisante pour faire tomber Simeon.

Juste avant que mon épée ne le frappe, il a réussi à se tordre de façon à ce que son épaule gauche subisse la force du coup, et non sa veste.

"Gah !" Simeon a hurlé de douleur, lâchant son épée et berçant son épaule blessée de sa main droite.

J'étais sûr qu'il allait céder, alors j'ai gardé ma position, mes yeux se déplaçant entre l'arbitre et Simeon.

Un bruit sourd a attiré mon attention, et j'ai pu voir le père frapper sauvagement la barrière. "Lève-toi, Simeon ! Lève-toi !"

Après une série de gémissements et de jurons, mon adversaire était de nouveau sur pied, son bras gauche pendait mollement le long de son corps tandis qu'il s'efforçait de tenir son épée longue dans sa main droite.

Je jetta un regard dubitatif à l'arbitre, mais il secoua la tête. Le match n'était pas terminé.

Dans un acte de désespoir, Simeon a essayé de me prendre au dépourvu alors que mon attention était portée sur l'arbitre. Il s'est élancé une fois de plus, sacrifiant sa vitesse en allouant la plupart de son ki à son bras. Avec son bras droit renforcé, il a été capable de balancer facilement la lourde épée de duel.

Son entêtement était respectable, mais le match était déjà terminé.

J'ai frappé la main droite de Simeon, lui faisant immédiatement lâcher son arme. Sans m'arrêter, j'ai tourné et donné un coup de pied dans sa cuisse droite, qui n'était pas protégée par le ki.

Simeon a grogné quand son genou s'est dérobé sous lui. La pointe de mon épée l'attendait déjà sous son menton.

" Je capitule ", a-t-il soufflé.

"Non !" son père a protesté, frappant sauvagement contre la barrière. "Le garçon a triché ! Pas question que mon Simeon perde contre un rat sans nom !"

"Assez !" a crié l'arbitre. "Les duels d'évaluation restants du cadet Simeon Cledhome auront lieu parmi les autres cadets vaincus tandis que le cadet Grey continuera. C'est tout !"

Sur ce, l'arbitre a retiré la barrière et nous a permis de partir. Simeon descendait ces escaliers comme si son âme venait de se flétrir. Je me sentais presque mal pour lui. Son contrôle du ki était considéré comme assez bon - la plupart des enfants de ma division avaient maintenant une bonne maîtrise du renforcement corporel de base, pas de la distribution du ki. Sa mère l'a immédiatement serré dans ses bras et a délicatement caressé son épaule blessée, tandis que son père le regardait fixement, comme si la perte de son fils était de ma faute. J'ai deviné que c'était le cas, alors je lui ai rendu son regard et j'ai fait la chose respectable.

J'ai souri poliment à l'homme corpulent de la maison Cledhome. Maintenant... s'il a vu cela comme étant grossier ou arrogant, c'est de sa faute.

ARTHUR LEYWIN

"De quoi rêvais-tu ?" me demanda une voix familière et grossière, me réveillant en sursaut.

Mes yeux s'ouvrirent pour voir Virion, son visage à 30 cm du mien, plissé par un large sourire.

"Gah !" J'ai crié, je me suis levé d'un bond et j'ai failli heurter la tête du vieil homme. Sur le côté, je pouvais entendre Emily et ma sœur ricaner ; même Boo et Sylvie ont soufflé d'amusement.

"Merde, Virion. Ton visage est terrifiant", ai-je dit en reprenant mes esprits. "Tu souriais tellement que j'ai dû te réveiller pour savoir à quoi tu rêvais", dit le vieil elfe en ricanant. "C'était peut-être un de ces rêves ?" poursuivit-il en

remuant les sourcils de manière suggestive.

"Es-tu sûr d'être apte à diriger l'armée de ce continent ?" J'ai gémi, luttant contre l'envie de rouler des yeux.

Le commandant - assis nonchalamment sur le sol à côté de moi, le dos contre la paroi métallique froide de la salle d'entraînement - a simplement haussé les épaules. "Je suis sûr que sourire de façon obscène en dormant dans un lieu public n'est pas non plus très approprié pour une Lance."

"Ce n'était pas un sourire obscène !" J'ai protesté. "C'était un peu effrayant", a ajouté Ellie.

"C'était juste un rêve de quand j'étais plus jeune. Tu sais, quand les temps étaient plus simples", ai-je répondu.

Ce n'était pas un mensonge. Mais pas toute la vérité.

Ellie a échangé un regard avec mon lien et a haussé les épaules.

C'était un autre rêve de ton ancienne vie ? Sylvie a demandé, de l'inquiétude dans la voix.

Ne t'inquiète pas trop, Sylv, l'ai-je réconfortée.

Détournant mon regard de mon lien vulpin, je regardai Kathyln et les trois aînés terminer leur échauffement. Un jour seulement s'était écoulé depuis la première séance d'entraînement, mais le fait que je n'ai pas pu dormir à cause de mes vaines tentatives d'extraire le mana des cornes d'Uto - sans que l'acclorite dans ma main droite ne l'absorbe d'abord - m'a donné l'impression qu'une semaine s'était écoulée.

La dernière chose dont je me souvienne est d'être entrée dans la salle d'entraînement et d'avoir vu ma sœur et Boo avec Virion. Pendant qu'Emily et Alanis préparaient l'équipement d'entraînement qu'elle avait fabriqué pour Kathyln et les aînés, je m'étais assis et j'avais parlé avec le commandant. Je lui ai posé des questions sur mon assistante d'entraînement personnelle - comment il avait pu trouver quelqu'un comme elle, et pourquoi il n'avait jamais pris la peine de m'en parler.

Virion avait expliqué qu'il avait rencontré Alanis pour la première fois alors qu'il visitait une unité stationnée près de la frontière sud d'Elenoir, là où se termine la forêt d'Elshire.

Il était tombé sur Alanis dans l'une des tentes médicales où elle aidait un soldat qui avait été pris en embuscade par les bêtes corrompues. Bien qu'elle n'était qu'une infirmière, Virion avait vu la vraie valeur de sa magie déviante et l'avait amenée au château.

Pendant que je m'entraînais à Epheotus, Virion a fait subir à toutes les Lances une évaluation avec Alanis afin qu'elles puissent améliorer leur flux de mana là où il était le plus faible ou le plus lent.

Virion m'avait expliqué que les soldats appelaient " bêtes corrompues " les bêtes de mana infectées par le Vritra, et l'instant d'après, je me réveillais en voyant le visage du vieil homme planer au-dessus du mien. Essayant de me débarrasser de la fatigue persistante, je me suis levé et me suis étiré.

"On dirait que le garçon est prêt", s'exclama Virion en faisant signe à Emily de venir.

L'artificier se précipita vers moi, portant l'équipement d'entraînement amélioré. J'étais impressionné qu'elle ait réussi à accomplir autant de choses en si peu de temps.

Au lieu de porter l'armure complète en cuir pour faire rebondir les ondes de mana dont Emily avait besoin pour enregistrer la puissance de mes sorts sans interrompre les lectures internes d'Alanis, je n'avais plus qu'à attacher quelques bandes à mes bras et à mes jambes et à porter un fin plastron sur lequel était incrustée la gemme.

Alors que je finissais d'enfiler le nouvel équipement, mon assistante d'entraînement s'est approchée de moi, les yeux rivés sur son carnet de notes. "Général Arthur. J'ai fini de compiler le programme d'entraînement pour les sept prochaines semaines, en me concentrant sur l'amélioration de vos temps de flux de mana pendant l'augmentation du corps et le lancement de sorts de vos éléments mineurs," dit-elle en levant les yeux vers moi tout en me tendant son carnet.

"Les deux premières semaines seront des entraînements en face à face", ai-je dit après y avoir jeté un coup d'oeil rapide. "Ce n'est probablement pas la meilleure utilisation du temps, vu que je n'ai que deux mois, non ?"

"Je suis d'accord." Elle a hoché la tête en reprenant son carnet de notes.

"Cependant, votre objectif dans tout cela, Général Arthur, en vous immergeant dans des scénarios de combat impliquant tous les éléments, était d'acquérir la connaissance des éléments qui peuvent être le mieux utilisés, en fonction de la situation, afin de les appliquer dans des batailles ultérieures, correct ?"

Son processus de pensée était beaucoup plus technique, mais elle en avait l'essentiel. "Correct."

"Bien qu'il soit louable que vous soyez prêt à devenir un mannequin d'entraînement afin d'atteindre cet objectif, ce n'est pas pratique pour une raison principale."

Sa déclaration a piqué ma curiosité. "Continuez."

"Après votre évaluation avec les quatre entraîneurs, je crois que la principale raison de votre - pardonnez ma franchise - problème provient de la solidité de votre style de combat", a-t-elle répondu. "Si j'ai bien compris, vous avez déjà essayé d'entraîner vos éléments inférieurs en bloquant de force vos éléments les plus forts, n'est-ce pas ?

"Pourtant, même après l'avoir fait, une fois que vous vous êtes permis de revenir à vos éléments plus confortables, votre style de combat est revenu à ce que je perçois comme un combat rapproché avec une intégration élémentaire dans vos attaques."

"Cela semble correct", ai-je dit, en réfléchissant à ce qu'était la base de mon style de combat. Beaucoup de mes capacités s'étaient améliorées depuis que j'étais Grey, mais la base de mon style, qui était l'utilisation de l'épée et du corps, était toujours la même, bien qu'améliorée après mon entraînement avec l'asura Kordri.

"Afin d'habituer votre corps à des modes de combat en dehors de vos méthodes habituelles, une transition lente est nécessaire, ainsi qu'un autre élément important : l'imprévisibilité." Je pouvais voir à la lueur des yeux d'Alanis qu'elle était presque aussi enthousiaste à propos des régimes d'entraînement qu'Emily l'était à propos de l'artifice.

"Général Arthur, vous commencerez par un entraînement en un contre un avec les quatre partenaires d'entraînement présents aujourd'hui.

Ils changeront de place à des intervalles aléatoires afin que vous n'ayez pas la chance de vous acclimater", a-t-elle expliqué d'un ton sérieux. "De plus, à chaque séance, il vous sera interdit d'utiliser un élément". "Et de quel élément s'agit-il ?" J'ai demandé, en regardant ses notes.

L'elfe habituellement impassible afficha la légère lueur d'un sourire. "Il sera choisi - et changé - au hasard, général Arthur. L'imprévisibilité, vous vous souvenez ?"

"Il semble que mon idée originale de s'entraîner sans réfléchir à quatre contre un soit devenue beaucoup plus complexe ", ai-je murmuré dans mon souffle. "Les régimes d'entraînement qu'elle a élaborés pour les autres Lances étaient tout aussi compliqués", remarqua Virion en se levant.

Après avoir épousseté sa robe, Virion s'est dirigé vers la porte. "Je passerai plus tard pour voir comment les choses progressent. Alanis, ne brise pas Arthur. J'ai encore besoin de lui."

Alanis hocha sévèrement la tête, comme si elle avait sérieusement envisagé cette possibilité.

Sur ce, le vieil elfe nous a fait ses adieux. Kathyln et les aînés, qui venaient de finir de s'échauffer, ont montré leurs respects au départ du commandant. "L'équipement est prêt à être utilisé", déclara Emily dès que la porte se fut refermée derrière Virion.

J'ai regardé autour de moi dans la salle d'entraînement, apercevant Kathyln qui s'épongeait le front avec un mouchoir et Hester qui redressait les plis de sa robe moulante. "Alors, contre qui vais-je me battre pour..."

Le sol sous mes pieds s'est brusquement soulevé comme un ressort, m'éjectant dans les airs.

J'ai sursauté pendant une fraction de seconde avant de réaliser que ça devait être Buhnd. Cela faisait moins d'un jour que j'avais rencontré cette boule de muscle barbu et il devenait déjà prévisible.

J'ai été projeté à six mètres dans les airs, et lorsque j'ai réussi à me retourner pour lui faire face, le vieux nain m'attendait avec un sourire enthousiaste, ses bras volumineux étendus comme s'il s'attendait à ce que je le prenne dans mes bras.

Un sourire se dessina sur mon visage tandis que je déversais du mana dans ma main.

Au moins, je ne m'ennuierai pas.

186

PROFESSEUR INVITÉ

" CHANGEMENT ! " Alanis a crié juste au moment où mon poing baigné de vent allait toucher la poitrine de Camus.

J'ai murmuré une série de malédictions et arrêté mon coup. Comment se fait- il que ces derniers jours, les matchs s'arrêtent toujours à des moments aussi inappropriés ? Elle doit le faire exprès.

Comme pour répondre à mon accusation, mon entraîneur a dit : "Vingt minutes exactement se sont écoulées. L'aîné Camus va être remplacé par l'aîné Hester. Général Arthur, veuillez restreindre votre magie de l'eau."

J'ai essuyé la sueur qui coulait sur mon visage, essayant de respirer un peu avant l'arrivée de mon prochain adversaire. Avoir ma magie d'eau interdite signifiait que je ne pouvais pas utiliser la glace non plus. Comme c'est bien pratique pour Hester, qui aurait été désavantagée contre ces deux éléments.

En jetant un coup d'œil au public, j'ai pu constater que tout le monde avait suivi de près mon combat contre Camus. Ma sœur était particulièrement captivée.

Hester s'est approchée de moi jusqu'à ce que nous soyons à trois métres de distance. Attachant ses longs cheveux gris en un chignon, elle se prépara et adopta une position de duel. Le fait d'être un mage au noyau d'argent signifiait que, bien que sa force réside dans la conjuration, elle pouvait facilement augmenter son corps. Le fait qu'elle porte des vêtements moulants et qu'elle ait choisi d'utiliser un anneau de conjuration plutôt que le bâton ou la baguette traditionnels signifiait qu'elle voulait la flexibilité du combat à distance et du combat rapproché.

"Commencez", déclara Alanis, sa voix étant amplifiée par l'artefact dans lequel elle parlait.

Hester fit immédiatement claquer son doigt, une étincelle s'allumant entre son majeur et son pouce.

Cependant, la braise bleue n'était qu'une distraction.

Comme je n'utilisais pas Realmheart, je ne pouvais pas voir les fluctuations du mana, mais je pouvais les sentir. Mon corps, amélioré par l'assimilation de la volonté de dragon de Sylvia, semblait sentir instinctivement que j'étais en danger.

Je me suis rapidement propulsé en arrière, juste à temps pour voir une rafale de feu exploser là où je me tenais.

L'explosion a provoqué un nuage de fumée qui m'a empêché de voir Hester.

Elle ne s'attendait pas à me frapper avec ça. Elle veut que je la perde de vue.

J'ai balancé mes bras, manipulant le nuage de poussière entre nous pour le projeter en avant. La roche et le sable dans l'air se sont figés pendant une seconde avant d'éclater en une onde de choc de débris.

Comme je l'avais prévu, la silhouette d'Hester est apparue. Elle a réussi à se protéger avec un panneau de feu. C'était mon tour de riposter.

Augmentant le mana dans mes jambes, je me suis précipité en avant, rassemblant du feu bleu dans mes poings.

J'ai frappé le panneau de feu, m'attendant à ce que ma flamme prenne le dessus sur la sienne. Son sort s'est désintégré, mais à ma grande surprise, Hester n'était plus derrière le panneau de feu qu'elle avait conjurée.

C'est alors que je l'ai senti à nouveau, l'instinct primaire qui me disait que j'étais en danger. Cette fois, ça venait de sous mes pieds.

Un feu bleu a tourbillonné sous moi avant d'éclater en une colonne de flammes. Pendant un moment, même ma vision est devenue bleue alors qu'une chaleur intense m'envahissait.

Mon aura a bloqué l'attaque assez longtemps pour que je puisse manipuler le feu et l'empêcher de me blesser. Si je subissais trop de dégâts, l'artefact défensif de mon armure s'activerait, ce qui causerait ma défaite.

Au moment où la chaleur devenait insupportable, j'ai réussi à dissiper l'attaque d'Hester et à briser la colonne de feu - pour me retrouver entouré d'une douzaine de sphères enflammées, chacune à au moins deux mètres de haut.

Étant donné que je ne pouvais ni voir ni sentir Hester, et que chaque globe de feu pouvait facilement contenir une femme adulte, je savais qu'elle était dans l'un des globes.

Si elle essayait de m'agacer avec toutes ces distractions, ça marchait.

J'ai piétiné le sol, conjurant des pics de terre. Seulement la moitié des piques ont atteint leur cible.

Note à moi-même : S'entraîner à viser avec la magie de terre.

Les pics qui ont été touchés ont traversé les sphères de feu et les ont dispersées. Mais il n'a pas fallu longtemps pour que de nouvelles sphères se manifestent et prennent leur place.

Avant que je puisse les frapper à nouveau, les globes de flammes se sont illuminés, puis ont lancé leurs attaques.

Chaque globe semblait avoir son propre esprit, car les attaques qu'ils lançaient étaient différentes les unes des autres. Un globe a tiré un barrage de petites balles de feu, tandis qu'un autre a commencé à tourner et à libérer des croissants de feu.

J'ai été forcé de me mettre sur la défensive par le barrage d'attaques venant de toutes les directions. J'ai érigé un mur de pierre à partir du sol pour bloquer les balles de feu et j'ai lancé une lame de vent sur le croissant en feu, faisant exploser le sort enflammé prématurément.

Mon esprit s'est emballé, essayant de penser à mon prochain mouvement. Je ne pouvais pas rester sur la défensive, mais je n'avais aucune idée dans quelle sphère enflammée elle se cachait.

La tentation de libérer Realmheart grandissait, mais je savais que ce n'était qu'un raccourci, pour résoudre mon problème en dépensant la plupart de mon mana.

Réfléchis, Arthur. Comment j'essaierais de me battre si j'étais Hester ?

La seule stratégie à laquelle je pouvais penser était de m'énerver jusqu'à ce que je baisse ma garde. C'était la réponse.

Je poussai un rugissement de frustration, lançant sauvagement des ondes de vent et des explosions de feu sur les globes. Bien sûr, ceux que je touchais étaient remplacés par de nouveaux, mais je continuais mon assaut apparemment agité.

Rassemblant des vrilles d'éclairs autour de mes bras et de mes jambes, je me suis précipité en avant, m'approchant des sphères de feu et les frappant.

Pour chaque globe que je frappais, deux autres prenaient sa place jusqu'à ce qu'il y ait plus de trente sphères qui planent autour de moi.

Sa réserve de mana est impressionnante.

Maintenant, les sphères ont commencé à onduler et à briller plus fort. Je pensais qu'elles allaient toutes exploser, mais au lieu de cela, chacune des sphères enflammées a tiré sur moi un jet de feu condensé.

Est-ce l'attaque finale ? J'ai pensé, en remarquant que les sphères devenaient de plus en plus petites au fur et à mesure qu'elles libéraient leurs faisceaux de flammes.

J'ai pris ma plus belle expression de surprise et d'horreur et j'ai attendu que tous les faisceaux soient sur le point de me frapper pour agir.

Siphonnant une grande quantité de mana de mon noyau, j'ai englouti mon corps entier dans une combinaison de feu. Cela demandait un contrôle absolu pour empêcher le feu de me blesser, mais le fait de le synchroniser avec la dernière attaque d'Hester donnerait l'impression que j'ai été touché.

Même avec plusieurs couches supplémentaires de mana pur et de mana de feu me protégeant du barrage d'Hester, je sentais le feu brûler les extrémités de mes cheveux. J'ai craint un instant que je puisse en sortir chauve, mais mon aura m'a protégé, ainsi que la majorité de mes cheveux.

Par-dessus le rugissement des flammes, j'ai entendu Ellie crier d'horreur, mais je suis resté concentré sur mon adversaire. Je savais que Hester ne baisserait pas sa garde même pour ça.

L'étape suivante était la partie difficile.

Une chose que tout mage multi-élémentaire devait toujours prendre en compte était non seulement de savoir quand utiliser chacun de ses éléments, mais aussi comment utiliser plusieurs éléments en association les uns avec les autres.

En gardant la barrière de flammes autour de mon corps, j'ai séparé une partie de ma concentration afin de pouvoir manipuler le sol sous moi.

J'ai senti mes flammes trembler, signe que ma concentration vacillait.

Presque. Endurant la chaleur grandissante autour de moi pendant que je manipulais un trou dans le sol pour que je puisse y entrer.

J'ai attendu jusqu'à ce que je voie enfin la silhouette d'Hester à travers la couche de feu qui nous séparait.

Maintenant !

J'ai rompu mon sort de protection juste au moment où je suis tombé dans le sol, rétablissant immédiatement le sol au-dessus de moi afin que je sois complètement submergé.

La terre a tremblé avec ce que j'ai supposé être la prochaine attaque d'Hester. Sans perdre de temps, j'ai poussé la terre autour de moi, utilisant le sort de perception sismique pour sentir où tout le monde se trouvait. J'ai senti une ondulation dans la terre à partir d'un autre endroit - le même sort de perception que j'avais utilisé, mais beaucoup plus fort.

Concentré sur la tâche à accomplir, j'ai modelé la terre autour de moi, me permettant de me déplacer lentement sous terre. Les experts comme Buhnd étaient capables de se déplacer sous terre aussi facilement que s'ils étaient sous l'eau, mais malheureusement je n'étais pas à ce niveau.

Cela n'a pas eu d'importance, cependant. C'était au tour d'Hester d'être pris au dépourvu.

Je n'avais besoin que de deux secondes pour rassembler le mana autour de ma première droite pour mon attaque finale. Dès que je fus prêt, je dégageai la terre au-dessus de moi et m'élançai vers la surface et dans les airs en infusant du mana de vent sous mes pieds.

Des éclairs noirs se sont enroulés autour de mon bras droit comme un serpent vicieux prêt à frapper. Juste en dessous de moi, debout sur le sol, se trouvait Hester, ses bras enveloppés de feu et façonnés en longues lames avec de minces vrilles d'électricité enroulées autour d'elles - sans doute son dernier coup.

Hester s'est retournée pour me faire face au moment où mon corps descendait. Elle est arrivée trop tard. J'étais à portée de frappe et elle n'était pas dans la sécurité de son orbe de feu.

Nous jouions sur ma force maintenant.

Les lèvres de mon adversaire ont bougé - que ce soit pour maudire ou chanter un sort, je ne saurais le dire - alors qu'elle brandissait ses lames enflammées.

L'éclair noir s'est détaché de mon bras alors que je libérais la charge voltaïque sur Hester. Les vrilles noires ont déchiré l'air et nos deux sorts sont entrés en collision.

Une sphère de feu et de foudre s'est formée à l'impact, grandissant

plus grande et plus brillante jusqu'à ce qu'elle explose avec nous à l'épicentre.

KATHYLN GLAYDER

L'explosion a masqué notre vue sur Arthur et Hester. Mon regard s'est porté sur la petite sœur d'Arthur ; j'étais prêt à conjurer une barrière au cas où l'onde de choc nous atteindrait, mais son lien avait déjà réagi, la rapprochant de son corps pour bloquer tout reste de l'explosion causée par la collision des sorts.

Dans mon souci pour la petite sœur d'Arthur, j'ai oublié de me protéger de l'onde de choc qui a résulté de la détonation.

Je me suis préparé à l'impact, essayant de lever un mur de glace à temps, mais à ma grande surprise, le sol sous mes pieds s'est enfoncé. Je me suis retrouvé à quelques mètres sous la surface alors que l'onde de choc passait inoffensivement au-dessus de moi.

Après que l'explosion se soit calmée, je suis remontée à la surface et je me suis retrouvée face à face avec l'aîné Buhnd.

"Attention, princesse", m'a-t-il dit en souriant avant de reporter son attention sur l'origine de l'explosion.

Le nuage de débris provoqué par l'explosion s'est dissipé et j'ai pu voir les deux silhouettes.

Bien que débraillé, Arthur était debout. Ma gardienne, par contre, était tombée en arrière. Une douce lueur rose l'entourait, signalant que son artefact défensif avait été déclenché.

L'aîné Buhnd a joint ses mains, visiblement excité. "Haha ! Brillant !" "L'artefact a fonctionné sans problème !" Mlle Watsken s'exclama sur le côté, excitée pour une raison différente.

"C'est inquiétant que tu sois aussi surprise par la fonctionnalité de l'appareil destiné à empêcher mon frère de mourir", marmonna la petite sœur d'Arthur en tapotant la poussière de ses vêtements.

"Je n'ai pas été surpris !" a protesté l'artificier. "Je suis juste heureux qu'il n'y ait pas eu de complications inattendues."

"Mhmm." La sœur d'Arthur a jeté un dernier regard de doute à Mlle Watsken avant de

avant de se concentrer sur son lien.

"Quelles étaient les lectures du flux de mana du Général Arthur pendant cette bataille ?" L'aîné Camus a demandé à Mlle Alanis. J'ai écouté, curieux de l'amélioration d'Arthur au cours des derniers jours.

Les yeux de Miss Alanis ont brillé dans une myriade de couleurs tandis qu'elle évaluait les données internes d'Arthur. Finalement, ses iris sont revenus à leur couleur d'origine. "Le flux de mana du général Arthur pour les sorts de terre et de vent a augmenté de quatre pour cent et de deux pour cent, respectivement."

"Et c'est une... bonne chose ?" demanda l'aîné Buhnd, ses sourcils épais froncés en signe de confusion.

"Le taux de croissance du Général Arthur est... impressionnant, c'est le moins qu'on puisse dire. Cela fait moins d'une semaine, et pourtant l'amélioration qu'il a apportée à ses éléments périphériques est remarquable", a-t-elle répondu avant de consigner ses dernières découvertes dans son journal.

"Je pense que tu serais plus utile à la guerre si tu dirigeais un plus grand groupe de soldats, plutôt que d'essayer de pousser ton vieux corps", a déclaré une voix familière derrière nous.

Mes yeux se sont agrandis lorsque j'ai réalisé qu'il s'agissait du commandant Virion, accompagné du général Bairon et de Maître Varay.

J'ai immédiatement baissé la tête en signe de respect.

"Pas besoin de telles formalités. Je suis juste ici pour prendre des nouvelles de mon plus jeune général", a dit le commandant Virion. "En fait, laissez-moi m'excuser d'avance."

J'ai levé la tête timidement et j'ai croisé le regard de Maître Varay. Mon professeur de magie de glace m'a regardé de son regard fort avant de porter son attention sur les conséquences de la bataille simulée d'Hester et Arthur.

"Ce genre de passif-agressif est indigne de toi, Virion - je veux dire, Commandant," répondit l'aîné Camus avec un léger sourire.

"Une partie de mon travail consiste à m'assurer que mes meilleurs atouts sont aussi efficaces qu'ils peuvent l'être," répondit le Commandant Virion, souriant aimablement en serrant l'épaule de l'aîné Camus.

"Pourquoi vous excusez-vous ? a demandé l'aîné Buhnd. "Ne me dites pas que vous allez raccourcir notre temps d'entraînement au jeu ! J'étais sur le point de passer à la suite !" "En fait, c'est la princesse Kathyln qui devait être la suivante", corrigea Mlle Emeria.

Maître Varay s'est approché de moi avec désinvolture, retirant tendrement un débris qui s'était logé dans mes cheveux. "Ça fait un moment, Kathyln. Tu es devenue plus forte."

Rougissant, je passai rapidement mes doigts dans mes cheveux, essayant de mettre de l'ordre dans mon apparence négligée. "Merci, Maître. J'ai gagné en force en m'entraînant aux côtés des aînés et du général Arthur."

Elle a hoché la tête avant de déplacer son regard derrière moi. J'ai regardé en arrière pour voir Arthur qui remettait Hester sur ses pieds. Je pouvais voir les lèvres d'Arthur bouger mais il était impossible d'entendre ce qu'il disait.

"Je viens de rentrer d'une mission et j'ai un peu de temps libre," commença-t- elle en détachant la cape doublée de fourrure de ses épaules.

Le riche tissu bleu nuit tomba sur le sol, révélant sa tenue de combat caractéristique, une armure minimale de couleur marine avec des accents dorés qui ressemblait à un cadeau des asuras lorsqu'elle la portait.

Je me suis écarté du chemin et l'ai laissée passer, sachant déjà ce qu'elle allait demander.

"Au moins, le spectacle sera divertissant", grommela l'aîné Buhnd en conjurant une chaise en pierre et en s'asseyant.

"Umm, Général Varay, je ne suis pas sûr que l'artefact ait assez de carburant pour résister à un duel de ce calibre," dit Emily en levant une main tremblante.

Sans s'arrêter, Maître Varay a regardé Arthur dans les yeux. Même dans son état ébouriffé et usé, ses yeux brillaient et sa bouche se courbait en un sourire. "Bairon. Aidez Mlle Watsken à alimenter son artefact pour ma petite escarmouche contre notre nouvelle Lance."

187

LA BEAUTÉ DANS LA MAGIE

J'ai regardé Arthur et mon maître se faire face, à une dizaine de mètres l'un de l'autre. Leurs présences s'entrechoquaient de manière terrifiante, submergeant la pièce d'un lourd linceul tandis qu'ils attendaient.

Finalement, la voix tendue de Miss Watsken a claqué derrière nous, comme si elle regrettait déjà ce qu'elle s'apprêtait à dire. "La barrière est prête... je crois."

Sa voix était douce, mais Maître et Arthur ont dû entendre car leurs auras se sont épaissies autour d'eux. Un voile chatoyant d'argent bleuté entourait mon maître - contrairement à l'aura d'Arthur, qui était une myriade de teintes différentes, sans doute à cause de ses multiples affinités.

Le commandant Virion, ainsi que les aînés et même le général Bairon, regardaient en silence, chacun d'entre eux ayant peur de cligner des yeux au cas où ils manqueraient quelque chose. Je pouvais comprendre ce qu'ils ressentaient, je me tenais aussi près que possible sans me mettre en danger.

Leur simple vue était impressionnante. J'ai ressenti un sentiment de fierté en observant mon maître et la présence qu'elle avait même dans une pièce remplie de maîtres de la magie. Je ne doutais pas qu'indépendamment des nombreuses séances de combat que je pouvais offrir à Arthur, s'entraîner une seule fois avec Maître Varay était plus précieux pour lui.

Soudain, le corps de mon maître a vacillé et a disparu. Arthur a réagi instantanément, sa silhouette s'est envolée juste à temps pour esquiver sa première attaque.

Là où sa lance gelée perçait le sol, la glace se formait et se répandait.

Arthur semblait vouloir tester sa propre magie de glace contre elle, car il répondit en lançant une onde de choc de givre.

D'un coup de poignet, Maître Varay dispersa l'onde de choc, utilisant le gel d'Arthur pour alimenter sa propre magie.

La brume blanche tourbillonna, formant une douzaine de lances de glace autour d'elle. Elle serra le poing et les lances de glace répondirent à son appel, se dirigeant vers son adversaire.

Aussi impressionnant que soit le contrôle de Maître Varay sur la glace, la vitesse d'Arthur pour esquiver son barrage était encore plus splendide. Son corps semblait s'être divisé et multiplié à cause des images rémanentes. J'avais entendu dire qu'il était capable d'aller encore plus vite, mais son corps n'était pas capable de supporter le stress.

Quelqu'un à côté de moi a fait claquer sa langue. Je me suis retourné pour voir Buhnd avec une expression de frustration. "Je vois que le jeune général nous a caché quelque chose."

"Arthur a tendance à se retenir avec toute personne qu'il soupçonne d'être plus faible que lui. Contre Varay, il peut y aller à pleine puissance," dit le commandant Virion, les bras croisés.

"Pourquoi n'utilise-t-il pas sa forme ? Realmheart, je crois qu'il l'a appelé", demanda Hester, le visage encore tendu après son duel contre Arthur.

"Je pense que c'est pour qu'il puisse profiter du combat plus longtemps", répondit une voix légère. "Ce n'est pas tous les jours qu'on voit mon frère aussi heureux."

La petite sœur d'Arthur regardait du haut de son lien comme si elle était en transe. Elle avait le même regard que j'ai souvent vu sur Arthur quand il était vraiment concentré sur quelque chose. Ils se ressemblent vraiment l'un l'autre. Un grand bruit a attiré mon attention sur la bataille. Là où il n'y avait qu'un champ de terre, il y avait maintenant une étendue de neige. Maître Varay, qui venait de bloquer une attaque d'Arthur, agita son bras et manipula la neige autour d'elle. Un tourbillon de givre prit vie, formant un serpent en spirale.

L'aîné Buhnd siffla en signe de satisfaction tandis que tous les yeux suivaient la création du Maître. Le long corps du dragon était recouvert d'une neige gelée, ses griffes et ses crocs étaient faits de glace.

Le dragon de glace a ouvert sa gueule sur Arthur, qui s'est préparé. Des flammes bleues brillantes s'enroulèrent autour de ses bras, faisant fondre la neige en un cercle autour de lui tandis que son regard restait fixé sur le puissant dragon.

"C'est malin de renoncer à jouer sur ses forces", a loué Hester.

Arthur abaissa sa position, enfonçant ses jambes arrière dans le sol pour se soutenir avant de lancer son attaque enflammée.

Les lianes de feu bleu enroulées autour de ses bras se rejoignirent avant d'éclater en un souffle dévastateur sur le dragon de givre.

Leurs deux sorts opposés s'écrasèrent, les enveloppant dans une sphère de vapeur et de débris en expansion.

"Attention !" L'aîné Camus grogna, conjurant une barrière de vent autour des spectateurs.

Nous nous sommes tous préparés à l'onde de choc qui a traversé la pièce après la collision. Le sol a tremblé et s'est fissuré, et des morceaux de roche et de glace ont bombardé le sort de protection qui nous entourait.

Alors que le nuage de vapeur et de poussière s'estompait, j'ai pu voir deux silhouettes dans les airs. Maître Varay volait, avec deux douzaines de sphères de givre de la taille de ses poings qui tournaient autour d'elle. Arthur descendait lentement, utilisant la magie du vent pour rester légèrement en l'air.

D'un geste des bras, Arthur déchaîna un torrent de lames de vent sur Maître Varay. Cependant, avant que les croissants ne l'atteignent, ils semblaient ralentir et dévier de leur trajectoire.

"La pression de l'air diminue quand l'air se refroidit", nota Arthur. "Je me sens stupide pour cette dernière attaque."

" Admettre ses défauts est un pas en avant ", reconnut Maître Varay avec la moindre trace de sourire sur son visage.

D'un geste du poignet, les sphères de givre ont été lancées vers Arthur, mais pas directement sur lui.

Arthur semblait sentir le danger qu'elles représentaient car il se couvrit immédiatement d'un tourbillon de feu bleu.

"Il utilise à la fois le feu et le vent pour amplifier la puissance de son sort", remarqua Hester.

Au moment où les sphères de givre étaient sur le point d'exploser, Arthur a déclenché sa tempête de feu. Le feu bleu jaillit et engloutit le sort de Maître Varay.

La tempête de feu tourbillonnante est restée, cachant Arthur à l'intérieur. Je m'attendais à ce que les flammes bleues se dissipent rapidement, mais au lieu de cela, les braises tourbillonnaient comme si elles étaient aspirées. C'est alors que je l'ai vu.

Les flammes avaient convergé, recouvrant la lance de foudre géante d'Arthur d'une couche de feu bleu.

"Pas mal", a admis le général Bairon, le regard fixé sur la redoutable lance de feu et d'éclairs.

"Ça aurait été bien s'il pouvait manipuler le métal pour la base de son attaque", a marmonné l'aîné Buhnd.

Alors qu'Arthur descendait lentement dans les airs, il lança son sort. Au moment où il libéra la lance de feu et de foudre, une rafale de vent tourbillonna autour de lui et de son attaque. La lance fendit le ciel, accélérant rapidement grâce au vent qu'il avait ajouté à la dernière minute.

L'aîné Camus a hoché la tête en signe d'approbation. "Utiliser le vent comme un sort de soutien."

Maître Varay se méfiait visiblement de la force du sort d'Arthur, car elle a conjurée des barrières de protection faites de plusieurs couches de glace.

Malheureusement pour elle, Arthur semblait l'avoir prévu car la couche de feu entourant la lance de foudre a fondu à travers toutes les couches de protection qu'elle avait conjurées.

La plupart des personnes présentes semblaient anxieuses à l'idée de savoir si elle serait capable de bloquer l'attaque d'Arthur, mais je le savais. Même si je voulais soutenir Arthur, je savais qu'il n'était pas le seul à se retenir.

La lance élémentaire explosa au contact du corps de Maître Varay, la projetant en l'air avec sa forme engloutie dans le feu et la foudre. Arthur atterrit sur le sol, le corps affaissé en avant, la respiration lourde.

"Elle a donc utilisé cette forme", dit le général Bairon, les yeux grand ouverts et d'un ton appréciateur.

La sœur d'Arthur et les autres, qui ne savaient pas de quoi il parlait, l'ont regardé avec confusion, mais je m'y attendais déjà. C'est elle qui m'avait appris cette forme, après tout.

"Je vous suggère de monter d'un cran, Général Arthur," dit Maître Varay, sa forme étant maintenant visible.

C'était la forme qu'Arthur avait appelée "ninja de la glace", mais à un niveau supérieur. Maître était maintenant complètement vêtu de givre, comme si son corps même était taillé dans la glace. Chaque mèche de cheveux ressemblait à un fil cristallin, et ses yeux brillaient d'un bleu vif.

Bien que l'expression d'Arthur était appréciative tandis qu'il regardait la forme de Maître Varay, son ton était joyeux lorsqu'il parlait. "Je suppose qu'il est temps de mettre un terme à tout cela."

Il a fermé les yeux et a pris une inspiration. Ce simple geste a semblé changer toute l'atmosphère de la pièce. La forme de mon maître dégageait une impression de crainte, mais Arthur déformait l'espace qui l'entourait.

J'avais déjà vu cette forme auparavant, mais elle me donnait toujours des frissons. Arthur a ouvert les yeux, ses iris étaient maintenant d'une magnifique couleur lavande et ses longs cheveux auburn d'un blanc éclatant. Ce n'était pas tout, cependant. Arthur murmurait quelque chose dans son souffle. Peu après, une vague d'éclairs noirs a enveloppé son corps.

"Oh... Oh mon dieu", a marmonné Mlle Watsken. "Général Bairon. Pourriez- vous charger plus de votre mana dans l'artefact ?"

"Bonne idée", dit Hester. "Nous allons aider aussi. Buhnd, vous devriez faire un bunker autour de nous."

La terre autour de dessous s'est enfoncée de quelques pieds de sorte que nous avons tous dû nous tenir debout pour voir le combat. Au loin, il y avait deux silhouettes distinctes. L'une ressemblait à une statue translucide taillée par un maître sculpteur, tandis que l'autre semblait être une puissante divinité à forme humaine.

"Alors. Tu crois que tu peux battre Arthur dans un combat ?" Le Commandant Virion a demandé avec désinvolture au Général Bairon.

La Lance est restée silencieuse pendant qu'il imprégnait de mana le cristal sur le panneau d'Emily, son regard sévère se concentrant sur Maître Varay et Arthur.

J'ai reporté mon attention sur eux également, juste à temps pour entendre une série de pops dans l'espace qui les séparait.

"Qu'est-ce qui se passe ?" a demandé la sœur d'Arthur en plissant les yeux.

Je ne suis pas sûr non plus, ai-je pensé.

"Le général Arthur jette des sorts, mais pour une raison quelconque, ce n'est pas visible", expliqua Mlle Emeria, qui avait l'air confuse elle aussi.

"Le garçon contrecarre les sorts de Varay avant même qu'ils ne se manifestent ", répond le général Bairon en grinçant des dents.

"Comment est-ce possible ?" demanda Hester.

"Cela a quelque chose à voir avec cette forme," répondit le Commandant Virion, ses yeux aigus écarquillés d'étonnement.

J'ai réalisé que les sons "pop" étaient le mana qui s'entrechoquait et s'annulait.

La forme d'Arthur se brouilla et disparut, pour réapparaître derrière Maître Varay, sa jambe en l'air. Il a frappé, et une onde de choc de mana et d'électricité s'est déchaînée, mais elle a été immédiatement accueillie par un souffle de glace.

Maître Varay a répondu en balançant son bras. Arthur para d'une main, mais le sol sous eux se brisa sous la force.

Ils étaient maintenant engagés dans un combat de mêlée. Chaque fois que Maître Varay essayait de former un sort, celui-ci se dissipait immédiatement.

Pourtant, elle semblait tenir tête à Arthur. Elle avait formé une épée cristalline dans chaque main ; Arthur en avait une aussi, bien que la sienne soit un peu plus fine.

Leurs épées de glace s'effritaient à chaque blocage, frappe et parade, les restes brisés scintillant dans le reflet des lumières de la pièce. Tous deux avaient formé leurs armes à partir de la glace, mais seule l'épée conjurée d'Arthur semblait se briser - les épées de Maître Varay restaient solides.

Malgré ce désavantage, je pouvais dire que, dans un combat aussi serré, Arthur avait le dessus. Ses mouvements - ceux que je pouvais voir - étaient fluides mais imprévisibles. Chaque entaille et chaque coup de lame s'enchaînaient pour former une combinaison d'attaques sans fin, et ce, tout en formant une nouvelle épée de glace chaque fois que son arme précédente se brisait.

Même avec mes yeux non entraînés, je pouvais dire que chacune de ses attaques avait un sens, comme s'il guidait lentement mon maître dans une danse élégante.

Ce qui m'a le plus fasciné, cependant, n'était pas son épée étonnante, mais son expression. Il souriait, il était pratiquement rayonnant.

Ah, il s'amuse, pensai-je, l'esprit vagabondant en essayant de me rappeler la dernière fois où j'avais considéré la magie comme amusante.

Incapable de me rappeler un cas particulier, je me suis concentré sur le combat. C'est rare que le Maître montre autant de ses capacités. Je dois prendre des notes.

Arthur se battait de manière directe, tandis que Maître tentait d'incorporer des attaques à longue portée tout en frappant simultanément Arthur. Cependant, en raison de sa capacité à contrer apparemment chaque sort, il ne lui restait que le combat à courte portée.

"Oy, Camus. Tu veux parier ? Je pense que le jeune général va gagner cette fois-ci", a marmonné l'aîné Buhnd, les yeux rivés sur la bataille.

"Il est difficile d'évaluer qui a le dessus", répondit l'aîné Camus, sans répondre à la question de son compagnon. "La vitesse et les réflexes du général Arthur sont plusieurs fois supérieurs à ceux du général Varay, mais la défense du général Varay semble permettre plus d'erreurs."

"Je suis d'accord," ajouta Hester. "La plupart des coups du général Arthur ne peuvent pas pénétrer sa forme de glace, et elle semble avoir la flexibilité de manipuler cette armure dans la forme ou l'arme qu'elle veut."

" Incroyable. La vitesse du flux de mana du général Arthur est en constante accélération ", a soufflé Miss Emeria, en déplaçant son regard entre son bloc- notes et Arthur.

"Alors, vous voulez parier ou pas ?" grommela l'aîné Buhnd. "Je parie sur le général Varay", dit Hester.

"Le général Arthur pour moi", a répondu l'aîné Camus. "Varay pour moi", dit le général Bairon.

Le commandant Virion s'est contenté de rire. "Voyons voir qui va gagner."

188

L'ESPRIT OFFENSIF

ARTHUR LEYWIN

Levant les yeux, j'ai croisé le regard de Varay alors qu'elle reprenait sa forme normale, la glace qui l'enveloppait dégelant lentement.

"Bon duel, Général Arthur", a dit Varay, en tendant la main.

J'ai attrapé son bras et l'ai laissé me relever. "Comme prévu, il y a encore un écart entre nous".

"Si vous étiez capable de conserver cette forme pendant une période prolongée, il y a une chance que vous auriez pu me maîtriser", a admis Varay.

" Je considère que cette forme est un pouvoir emprunté, pas le mien ", ai-je dit en tapotant la poussière de mes vêtements. "Je pensais avoir maîtrisé la glace dans une large mesure, mais vous voir aujourd'hui me fait douter de moi-même."

Varay n'a laissé entrevoir qu'une infime lueur de sourire avant de se diriger vers l'endroit où ma sœur et le reste de notre public nous regardaient.

Dès que nous avons rejoint le groupe, les aînés, Bairon et Virion - qui avaient échangé des pièces d'or pour une raison quelconque - ont commencé à me bombarder de suggestions et de conseils sur ce que j'avais fait de mal lors de mon combat avec Varay.

"Tes sorts de feu sont puissants, mais tu as dépensé une quantité inutile de mana pour chacun d'entre eux", commence Hester.

"C'est vrai", a ajouté Buhnd. "Et il y a eu de nombreux cas où l'utilisation de ta magie de terre aurait été plus bénéfique, pourtant tu as choisi de revenir à tes affinités les plus confortables."

Ma tête a tourné alors que j'essayais d'établir un contact visuel avec tous ceux qui me parlaient.

Puis Alanis a pris la parole. "Aînés. Je crois qu'il serait plus bénéfique pour le Général Arthur que nous parlions un par un et dans un cadre plus contrôlé." "Je suis d'accord," ajouta Virion. "Rassemblons-nous et examinons ce que notre jeune général a fait de mal."

Sur ce, je me suis retrouvé sur une chaise en pierre, gracieusement érigée par Buhnd, assis en cercle comme un enfant et ses camarades de classe pour une activité de groupe. Mais mes " camarades de classe " étaient peut-être certains des personnages les plus puissants et les plus influents de tout le continent.

Ellie et Boo nous ont rejoint dans le cercle, mais sont restés silencieux. Tous les autres ont commencé à pointer des exemples spécifiques de choses que j'aurais pu mieux faire lors de mon dernier combat.

"Utiliser le vent pour renforcer tes sorts était une bonne idée, mais ton application était superficielle", a expliqué Camus. "Par exemple, au lieu d'utiliser le vent pour pousser la lance de foudre, pourquoi ne pas l'intégrer autour du sort lui-même ? De cette façon, tu créerais une force tournoyante pour renforcer son pouvoir de perforation sans utiliser beaucoup plus de mana."

Je réfléchissais à l'analyse de l'aîné elfe lorsqu'une autre voix s'est élevée. C'était Bairon.

"En raison de la nature même de l'élément, façonner la foudre est beaucoup plus difficile que façonner le feu. Une attaque plus efficace aurait été de modeler le feu en une forme perçante et de l'enrober d'éclairs", dit-il sévèrement.

"Merci... pour le conseil", ai-je dit, surpris par son aide. Je comprenais que nous étions du même côté et tout, mais j'étais toujours celui qui avait brutalement tué son frère.

Lucas méritait chaque once de ce que je lui avais fait et plus encore, bien sûr, mais cela n'empêchait pas Bairon de prendre mes actions contre son proche personnellement.

"Permettez-moi de vous donner un seul conseil," dit Varay. "Votre contrôle de la glace est bon, mais en tant qu'adversaire, il était clair que votre magie de glace ne servait que de distraction. Je suis sûr que la Princesse Kathyln l'a vu aussi."

La princesse a hoché la tête. "A part le sort Zéro absolu, la plupart de ses manipulations de glace servent à détourner l'attention de ses ennemis de ses sorts de foudre plus puissants."

Suis-je devenu si prévisible ?

Comme pour répondre à ma pensée, Varay ajouta : " Votre vitesse et votre enchaînement de sorts compensent ce léger défaut, mais je soupçonne que dans une bataille prolongée...

-cela mènerait à votre défaite."

"Je garderai votre conseil à l'esprit. Merci." J'ai déplacé mon regard vers Kathyln et j'ai ajouté : "Vous deux".

Virion saisit cette opportunité, se levant de son siège de pierre et joignant les mains. "Bien, je m'excuse pour notre petite interruption. Continuez l'entraînement, Arthur. J'attends beaucoup de toi, d'autant plus que tu t'éloignes du champ de bataille. "

Le commandant m'a adressé un clin d'œil avant de se diriger vers l'entrée, les mains derrière le dos. Les deux Lances le suivaient de près de chaque côté et j'ai observé leurs silhouettes jusqu'à ce que les grandes portes se referment derrière eux.

" C'était épuisant ", a dit Emily, en laissant échapper une profonde inspiration.

"Être dans une pièce avec deux Lances et le commandant Virion ne laisse vraiment pas de place pour respirer ", a ajouté ma sœur, tombant en avant sur le dos poilu de Boo.

"Trois Lances", j'ai corrigé. "Ton frère est un Lance aussi, tu sais."

"Eh bien, tu es d'abord mon frère." Elle m'a écarté d'un geste de la main.

Je me suis levé de mon siège et j'ai étiré mes membres endoloris. "Je vais prendre ça comme un compliment."

"L'entraînement est terminé pour aujourd'hui ?" demanda Kathyln, en gardant les yeux baissés. Emily se dirigea vers le panneau, lisant attentivement l'une des jauges. "Eh bien, il y a encore beaucoup de mana stockée de tout à l'heure si vous voulez continuer à vous entraîner."

"C'est un bon plan !" S'exclama Buhnd en se levant de son siège. "Ça me démange de me dégourdir le corps après avoir regardé ce combat. Vous êtes partante pour un petit match, princesse ?"

Kathyln acquiesça avec empressement et suivit l'aîné nain à l'autre bout du terrain d'entraînement.

"Je pense que je vais monter", dit ma soeur, à moitié endormie. "Veux-tu que je te raccompagne à ta chambre ?" J'ai demandé.

Ellie a secoué la tête, en tapotant le corps épais de Boo. "C'est pour ça que j'ai Boo."

J'ai hoché la tête, en lui adressant un sourire. "Bonne nuit."

Avec ses yeux mi-clos, elle m'a fait un faible salut. "Bonne nuit, les aînés. Bonne nuit, Emily. Bonne nuit, Mlle Emeria. Et bonne nuit, Lance Arthur." Je me suis moqué. " Petite effrontée. "

Ma sœur a cligné des yeux innocemment avant de sortir de la pièce en trottinant, laissant seulement Emily, Alanis et les deux aînés restants.

"Votre sœur est très différente de vous, Général Arthur", a commenté Alanis. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire. "Elle ressemble définitivement plus à notre père."

"Et vous, vous ressemblez plus à votre mère ?" demanda l'assistante elfe, les yeux fixés sur les silhouettes de Kathyln et Buhnd.

Je les observais également tous les deux alors qu'ils ajustaient leur équipement de duel avant de commencer leur combat. "Je ne suis pas sûre. J'aime à penser que je suis un mélange des deux."

"A qui ressemblerais-tu si ce n'est à l'un d'entre eux ?" a demandé Hester.

J'ai simplement haussé les épaules, incapable de formuler une meilleure réponse. Puis j'ai entendu un bâillement derrière nous.

En regardant par-dessus mon épaule, j'ai pu voir la tête d'Emily bouger alors qu'elle luttait pour rester éveillée.

"Emily," j'ai appelé, surprenant l'artificier.

Emily farfouillait dans les cadrans de son panneau comme si elle avait travaillé. "Je ne suis pas en train de dormir !"

"Personne n'a dit que tu dormais", ai-je dit. "Mais peut-être que tu devrais te reposer un peu."

"Le général Arthur a raison", a dit Alanis. "J'ai acquis les connaissances de base sur le fonctionnement de l'appareil en vous observant."

L'artificier bâilla largement, ajustant ses lunettes. "Merci, mais ce n'est pas grave. Je dois collecter plus de données et comparer les fpu du général Varay et du dernier combat d'Arthur."

"En parlant de ça, tu ne nous as pas vraiment donné les données de mes séances d'entraînement avec les aînés ces derniers jours", ai-je dit.

"Je me suis également posé la question", a ajouté Camus, en détournant son regard du duel de Kathyln et Buhnd. "Je suis curieux de voir comment mes sorts se mesurent." "Oui, bien sûr. Cependant, les chiffres n'auront pas vraiment de sens hors de leur contexte", expliqua Emily. "J'ai actuellement quelques assistants dans plusieurs académies qui testent des versions bas de gamme de cet artefact. Ils obtiennent des enregistrements de leurs élèves afin que nous puissions rassembler un spectre assez large pour avoir une référence."

"Ah, donc le fpu était plutôt destiné à être utilisé pour comparer les autres mages ?" J'ai demandé.

L'artificier a hoché la tête avec enthousiasme. "Exactement ! Je peux cependant comparer les lectures du fpu entre les mages présents ici. Mais je serais plus confiant dans les mesures globales si nous avions plus de données."

Les lèvres de Camus s'incurvèrent en un sourire, ses yeux cachés derrière une frange blonde argentée. "Je me demande lequel d'entre nous, les vieux, est le plus fort."

Les deux aînés se sont rapidement mis à discuter pour savoir qui était le plus fort selon eux, tandis que je retournais mon regard vers Kathyln et Buhnd.

Le duel touchait à sa fin. Kathyln était presque complètement essoufflée tandis que Buhnd avait à peine transpiré. Des pics de glace et de terre les entouraient et de petits cratères jonchaient le sol, mais ni l'un ni l'autre n'avait pris de blessures visibles en dehors de la fatigue. Lorsque la princesse a finalement incliné la tête, le duel était terminé.

"Es-tu prêt à t'étirer un peu avec ce vieil elfe ?" Camus a soudainement demandé,

en se tournant vers moi. "Je veux te montrer quelque chose."

Ma réserve de mana était presque entièrement épuisée et mes membres me faisaient mal, mais l'aîné avait piqué mon intérêt. "Bien sûr. Seulement si Hester n'y voit pas d'inconvénient."

"Ne vous occupez pas de moi", dit dédaigneusement le gardien de Kathyln. "Je vais rester ici et vous juger tous les deux de loin."

Nous sommes passés tous les deux devant Buhnd et Kathyln en nous dirigeant vers l'autre bout de la salle d'entraînement. J'ai tendu la main à la princesse, m'attendant à un high-five. Au lieu de cela, je n'ai eu droit qu'à un regard confus avant qu'elle ne serre timidement ma main entre les siennes.

J'ai réprimé un rire, me grondant d'avoir attendu d'une princesse qu'elle connaisse une salutation aussi désinvolte.

"Vous avez fini tous les deux ?" Camus a demandé, me regardant avec curiosité.

Kathyln, dont je réalisais maintenant qu'elle tenait toujours ma main, l'a rapidement lâchée et s'est enfuie.

Camus et moi nous sommes placés à quelques mètres l'un de l'autre. J'ai serré les bandes autour de mes membres et me suis préparé à commencer.

Camus a baissé sa position, tenant une paume ouverte vers moi. "Avant de commencer, je veux que tu me donnes un coup de poing, juste ici."

"Quoi ?"

"Un coup de poing, juste ici, dans cette paume que j'ai si utilement tendue." "Juste un coup de poing ?" J'ai demandé, confus.

"Un coup de poing augmenté, celui que vous donneriez à vos ennemis." Il a écarté ses jambes un peu plus. "Allez, je suis prêt."

"Ok." J'ai haussé les épaules, puis j'ai couvert les quelques mètres qui nous séparaient. Plantant mon pied juste sous son bras tendu, j'ai tourné mes hanches, ma taille, mon épaule et mon bras en un seul mouvement fluide. Le mana s'est écoulé, circulant en conjonction avec le coup de poing pour produire un effet concis et explosif sans gaspiller une goutte de mana. Mais juste avant que mon poing ne touche la paume de Camus, j'ai soudain eu l'impression d'essayer de forcer mon poing à travers une épaisse couche de goudron. Je pouvais voir mon propre poing ralentir jusqu'à ce qu'il tombe doucement dans la main ouverte de Camus, en faisant à peine un bruit.

Le vieil elfe a attrapé mon poing et l'a secoué comme si nous nous serrions la main. "Bonjour."

J'ai arraché ma main de son emprise. "Qu'est-ce que c'était que ça ?" "Tu es un garçon intelligent, débrouille-toi", a répondu l'aîné.

Regardant mon poing indemne, j'ai passé en revue ce qui venait de se passer. Une fois ma surprise initiale passée, il était assez facile de déduire qu'il avait d'une certaine manière utilisé le vent pour amortir mon coup de poing - mais j'avais à peine senti les fluctuations de mana autour de sa main.

"Tu as trouvé ?" demanda Camus.

Mes sourcils se froncèrent en pensée. " Vous avez en quelque sorte utilisé le vent pour ralentir mon coup de poing. "

"Une réponse un peu large, tu ne crois pas ?" L'aîné a dit, appréciant clairement ma confusion. "Je m'en doutais un peu ces derniers jours, mais c'est ton duel avec le général Varay qui m'en a donné la certitude."

"On peut réessayer ?" J'ai demandé, en faisant un pas en arrière. Il a de nouveau brandi sa paume. "Bien sûr."

Je lui ai donné un nouveau coup de poing, avec le même effet. Je le frappais encore une fois, ne parvenant pas à saisir exactement comment il utilisait le vent pour obtenir cet effet.

"Encore une fois", ai-je dit, la frustration s'infiltrant dans ma voix.

La théorie de base du mana stipulait que lorsque des éléments similaires entraient en collision, ils s'affaiblissaient mutuellement ou s'annulaient complètement en fonction de la production de mana.

Utilisant la théorie que j'avais apprise dans l'un des nombreux livres que j'avais lus étant enfant, j'ai augmenté mon poing avec le mana de l'attribut vent.

J'ai limité ma production de mana puisque disperser la technique de Camus n'était pas mon but. Quand j'ai donné un nouveau coup de poing, cette fois je l'ai senti. La pression de l'air.

Mon poing a frappé fermement, faisant sonner une solide claque qui a fait reculer l'elfe d'un pas.

Il a frotté sa main blessée. "Tu as vite compris."

" Vous avez utilisé la pression de l'air ! " J'étais tout excité. " Vous avez créé un vide autour de moi et augmenté la pression de l'air dans votre paume pour ralentir mon poing. "

L'aîné a incliné la tête. "Tu utilises des termes étranges, mais on dirait que tu as compris l'essentiel".

"C'est génial ! Comment avez-vous pensé à faire ça ?" J'ai demandé, incapable de contenir mon excitation.

Le progrès scientifique dans ce monde était à des kilomètres derrière celui d'où je venais. Cependant, Camus avait trouvé comment utiliser un principe avancé de pression de l'air - pas seulement sur lui-même, mais aussi sur son adversaire - pour créer un effet puissant.

Pourquoi n'y ai-je pas pensé ? me suis-je demandé. J'avais la connaissance en moi, mais je n'avais pas réussi à l'appliquer à un aspect aussi important de ce monde.

La voix de Camus m'a ramené à la réalité. "Tu dois te demander 'pourquoi je n'y ai pas pensé', non ?"

J'ai levé les yeux au ciel. "Oui, en effet."

"C'est ce que j'ai soupçonné dès le début", a répondu Camus. "Hester, Buhnd, la princesse et moi sommes tous ici parce que tu as souhaité t'immerger dans tous les éléments dans l'espoir de saisir des petits bouts de la façon dont nous utilisons notre magie afin de pouvoir l'incorporer dans ton propre style, n'est- ce pas ?".

"En gros," j'ai acquiescé.

La voix de l'aîné se fit plus tranchante. "Le problème réside dans le fait que ton "style" est tellement orienté vers l'attaque que tu ne penses même pas à utiliser la myriade d'éléments dont tu disposes pour te défendre, à part la façon la plus évidente d'élever un mur.

Tu n'as pensé au vent que sous la forme d'une lame ou d'une tornade. Tu penses à la terre comme à une pointe ou un mur, mais pour vraiment maîtriser ces affinités élémentaires, il faut connaître les subtilités de leur nature, qui ne sont pas toujours visibles ou orientées vers la mort de ton ennemi", m'a dit Camus, son habituel comportement sardonique disparu. "Je t'ai vu étudier ces marques sur le sol pendant le duel de Buhnd avec la princesse. Sais-tu de quoi elles proviennent ?"

La réponse évidente aurait été des cratères provenant d'une attaque, mais je savais que

que ce n'était pas ça, alors j'ai secoué la tête. "Non, je ne sais pas."

"Les maîtres en magie de la terre peuvent rediriger la force de l'attaque d'un adversaire dans le sol sous eux. En le faisant avec précision, ils peuvent annuler la quasi-totalité de l'attaque physique de leur adversaire."

Je suis resté là, incapable de formuler une réponse.

Camus m'a tapé sur l'épaule : " Tu as techniquement une position plus élevée que moi, donc je suppose que c'est impoli de ma part de faire la leçon, mais laisse-moi juste dire ceci. Ton utilisation des éléments est bonne - excellente, en fait. Cependant, tu choisis constamment de façonner tes sorts et tes attaques de manière à blesser ton adversaire ou à t'améliorer pour l'esquiver, et bien que cela puisse être bon pour les duels en tête-à-tête, les batailles que tu rencontreras ne seront pas toujours comme ça. Le temps que tu as ici est court, alors faisons en sorte qu'il compte."

Je me suis rendu compte que cela faisait un moment que je n'avais pas été sermonné de la sorte. Cela m'a laissé un goût amer dans la bouche et cela m'a rendu humble, mais je savais qu'il avait raison.

Camus a tendu la main et a souri.

"Vous avez raison. Merci, Camus." Je lui ai rendu son geste en lui serrant la main.

189

LES PAS DU DRAGON

"Tu dois faire mieux que ça, jeune général ", sourit Buhnd en agitant son doigt.

Infusant du feu dans les mini-boules de vent dans mes paumes, je me préparais à essayer de frapper l'aîné nain une fois de plus. Puis un barrage d'orbes de vent est arrivé d'en haut.

D'un claquement de langue, j'ai ignoré la provocation de Buhnd et concentré mon attention sur l'assaut de Camus. J'ai facilement esquivé les orbes de vent

- jusqu'à ce que le sol sous mes pieds se soulève et se raidisse autour de ma jambe, m'immobilisant.

L'un des orbes de vent m'a entaillé l'épaule, mais j'ai eu l'impression d'avoir été touché par un boulet de canon.

J'ai combattu le besoin de jurer et j'ai juste serré les dents contre la douleur.

C'est comme ça que tu veux jouer ?

Ma première réaction a été de dresser un mur de terre ou de glace dans l'espoir de bloquer le barrage de Camus, mais ces derniers jours, j'ai constamment essayé de trouver de meilleures façons de gérer certaines situations.

Cela signifiait souvent de passer en revue divers scénarios et d'essayer de trouver de multiples façons de les contourner, en tenant compte du coût du mana et de mon endurance physique.

Les orbes de vent semblaient presque solides, mais il s'agissait en fait de tourbillons emballés dans une sphère. J'ai abandonné ma réponse habituelle - ériger un mur solide dans l'espoir de neutraliser le sort de vent - et j'ai plutôt enveloppé mes bras de bourrasques de vent condensées.

Plutôt que d'essayer de bloquer l'attaque, j'ai utilisé mes gantelets de vent pour rediriger les orbes. Comme je m'y attendais, le choc des vents a propulsé les sphères de Camus dans des directions différentes.

" Vous allez devoir faire mieux que ça tous les deux ", me suis-je moqué. Puis, avec une autre pensée, j'ai dirigé les gantelets vers le plâtre de pierre qui retenait mes jambes au sol.

"Concept intéressant", a dit Camus d'un air approbateur depuis l'endroit où il flottait au-dessus de moi dans un tourbillon de vent.

"Cette insolence aura raison de toi", a ajouté Buhnd avec un sourire enthousiaste. Le vieux nain a commencé à courir vers moi. Des morceaux de terre se sont rassemblés autour de lui, formant une armure de pierre à mi- course. Pendant ce temps, Camus gardait ses distances, préparant un autre sort.

Je m'attendais à un autre barrage de vent de la part de l'elfe, mais au lieu de cela, un coup de vent s'est formé juste derrière le nain, accélérant brusquement sa charge de sorte que son poing de pierre était à portée avant que je puisse cligner des yeux.

Buhnd était rapide, mais j'avais encore le temps de réagir, du moins je le pensais.

Lorsque j'ai levé mon bras pour bloquer son poing augmenté, j'ai rencontré une résistance. La sensation familière de mon corps immergé dans un liquide visqueux m'a envahi une fois de plus.

Tout en accélérant le mouvement de Buhnd, Camus augmentait également la pression de l'air autour de moi pour me ralentir.

Avant que je puisse me libérer de son sort, mon visage a été touché par le poing de pierre géant de Buhnd.

Ma vision est devenue noire pendant une fraction de seconde et je me suis retrouvé au sol, la silhouette en pierre de Buhnd à quelques mètres de moi.

Ignorant le bourdonnement aigu dans mon oreille, je me suis forcé à me concentrer. Les rouages de mon esprit se sont emballés et j'ai pensé aux crevasses qui se formaient dans le sol chaque fois que Buhnd combattait. A chaque fois qu'il subissait une attaque physique, un cratère se formait sous ses pieds comme si une météorite avait frappé la terre.

Au début, j'ai pensé que c'était la force des sorts qui faisait s'effondrer le sol sous Buhnd, mais je savais maintenant que ce n'était pas aussi simple que ça.

" Essaie de bloquer ça ! " Buhnd s'est exclamé en levant un bras de pierre dans les airs. La pierre qui constituait l'épais poing blindé a bougé et s'est convulsée comme si elle prenait vie. Le bras de pierre de Buhnd a changé de forme sous mes yeux, formant un marteau géant de deux fois sa taille.

Un courant d'air a recouvert le marteau alors qu'il était sur le point de me frapper.

Si ça me touche, je suis fini pour de bon.

Les souvenirs des cratères que Buhnd avait formés continuaient de défiler dans mon esprit, puis soudain, j'ai eu un déclic.

Toujours allongé sur le sol, j'ai levé une main directement sur la trajectoire du marteau géant. J'ai augmenté mon corps, mais pas de la manière protectrice habituelle. Au lieu de cela, j'ai imaginé une sorte de tunnel de mana terrestre à l'intérieur et à l'extérieur de mon corps.

J'ai vu une trace d'hésitation sur le visage de Buhnd, mais il n'y avait aucun moyen pour lui d'arrêter son attaque maintenant qu'elle était à quelques centimètres de moi.

Si ça ne marche pas, je vais avoir très mal, ai-je pensé.

Le marteau a frappé ma paume et j'ai senti tout mon corps protester. Normalement, si j'avais tenté de bloquer une attaque aussi forte avec une seule main, mon bras aurait volé en éclats, mais au lieu de cela, le sol sous mes pieds a encaissé la force.

Je me suis retrouvé à l'épicentre d'un cratère de la taille de ma chambre avec ma main encore tendue. Mon bras, mon épaule, mes côtes et mon dos étaient douloureux, mais j'avais réussi.

Toujours vêtu de son armure de pierre, Buhnd m'a regardé avec incrédulité, puis un sourire s'est glissé sur son visage barbu. " Tu es un peu effrayant, Général. "

J'ai étouffé un rire et j'ai essayé de me lever. Une vague de douleur m'a envahi.

J'ai menti. Ce n'était pas seulement quelques parties de mon corps qui étaient douloureuses, c'était chaque fibre de mon corps.

"Oww," j'ai croassé, en réussissant finalement à m'asseoir.

Buhnd a dispersé son armure de terre et a tendu une main robuste. "Ça fait mal, n'est-ce pas ?"

"Très mal", j'ai admis. "Tu as fait en sorte que ça n'ait l'air de rien."

"Eh bien, je contrôle mieux cette technique que toi, et je ne serais pas assez stupide pour essayer de détourner la force d'une attaque aussi puissante en premier lieu", a répondu le nain. Il a essayé de draper mon bras sur son épaule, mais mes jambes traînaient maladroitement sur le sol à cause de notre différence de taille.

"Ici, laissez-moi vous aider", a dit Camus en flottant vers le sol. Un courant ascendant m'a soulevé tandis que Camus plongeait sa tête sous mon autre bras.

"J'allais porter le garçon comme la princesse qu'il est." Buhnd m'a fait un clin d'oeil. Roulant des yeux, je me suis appuyée sur Camus. " Laissez-moi un peu de dignité. "

"Tu as pris un risque, mais je suppose que ça en valait la peine ?" Camus s'est moqué, ses yeux toujours cachés derrière sa frange.

" Pour l'instant, oui - mais on verra ce que j'en pense demain matin ", gémis-je en boitant à côté de l'elfe.

Ma sœur s'est précipitée vers moi, le regard plein d'inquiétude. "Tu vas bien ? Je veux dire, je sais que tu es fort et tout mais c'est un gros cratère que tu viens de faire."

Juste derrière ma sœur, Emily ajustait ses lunettes en regardant la zone d'entraînement. "Heureusement, le cratère n'a pas atteint les disques sous terre."

"Merci pour ta sollicitude, Ellie." J'ai souri d'un air las avant de tourner mon regard vers mon assistante qui se trouvait juste derrière elle. "Ça devrait aller... n'est-ce pas, Alanis ?"

Ses yeux ont basculé dans leur teinte multicolore pendant une seconde, puis sont revenus à leurs couleurs d'origine. "Le choc a perturbé votre flux de mana, ce qui est la cause de vos douleurs internes. Je vous suggère de vous reposer, Général Arthur."

"Bonne idée", approuva Buhnd. "Je me souviens de mes premières tentatives d'essai du sort de diversion de force. Tu as de la chance de t'en être sorti avec seulement quelques douleurs."

"Chanceux ou compétent", a fait remarquer ma sœur avec fierté. Buhnd a ri. "Oui. Ou habile."

"Hester et la Princesse Kathyln sont parties rendre visite au Prince Curtis à l'Académie Lanceler, donc il n'y a pas de mal à raccourcir l'entraînement aujourd'hui", a mentionné Camus, en me posant délicatement.

"Ooh, je peux imaginer tous ces chevaliers en herbe, luisant de sueur, les yeux suivant notre princesse où qu'elle aille..." Emily s'est tue. "J'aurais dû aller avec elle."

Ma soeur a hoché la tête avec nostalgie. "Moi aussi. Mon amie dit que les gars là-bas sont beaux... et musclés."

"Eleanor ! Tu n'as que douze ans !" J'ai bafouillé.

Ne m'appelle pas "Eléonore" ! Je suis une dame curieuse, isolée du monde en raison de mon éducation distinguée résultant du fait que je suis la sœur chérie de la plus jeune Lance de ce continent ! " dit-elle en essuyant une larme inexistante.

Emily est tombée dans un fou rire, et même Alanis avait l'air amusée alors que je fixais ma sœur.

"Ne sois pas si surprotecteur avec elle. J'ai eu ma première femme quand j'avais l'âge de ta sœur," dit Buhnd avec un grognement.

"Eh bien, les humains et les nains ont des normes sociétales différentes pour ce genre de choses", ai-je protesté.

"Ooh, tu es raciste, mon frère." Ma sœur a secoué la tête de façon désapprobatrice et Buhnd s'est serré le cœur en simulant le désespoir. Pendant ce temps, Camus et Alanis avaient l'air amusés, mais aucun ne semblait avoir l'intention de me soutenir.

J'ai fait claquer ma langue. "Eh bien, Dame Eleanor, je suis sûr que les garçons vont affluer vers vous, sachant que votre frère peut les effacer de la surface du continent d'un simple geste du doigt s'il le souhaite."

Le visage d'Ellie a pâli et elle a haleté. "Tu ne le ferais pas."

Satisfait de sa réaction, j'ai simplement haussé les épaules, laissant son imagination prendre le dessus. Puis je me suis dirigé vers le bord de la salle d'entraînement.

J'ai pris un siège contre le mur froid, regardant Emily et ma sœur emballer une partie de l'équipement d'entraînement pendant que Buhnd parlait à Alanis.

Camus s'est assis à côté de moi. "Ta sœur est un sacré personnage." "Ouais," j'ai gloussé. "Elle a toujours eu une forte personnalité."

" Tu dois t'inquiéter pour elle avec la guerre qui se déroule. "

"Elle et mes parents sont en grande partie la raison pour laquelle je fais partie de cette guerre", ai-je répondu, regardant ma sœur et Emily rire en parlant. "C'est compréhensible", a dit Camus. " Protéger ses proches est la plus grande motivation des soldats au combat, mais c'est aussi la perte de ceux que l'on veut protéger qui fait souvent perdre de vue leur cause aux soldats. "

"On dirait que vous parlez d'expérience", ai-je dit sérieusement, en tournant mon regard vers lui.

"Une vieille histoire pour une autre fois, mais oui. C'est la raison pour laquelle je suis resté dans l'isolement pendant si longtemps."

J'ai cligné des yeux. "Mais Virion a mentionné que vous êtes à la tête d'une unité maintenant."

"Un titre vide. Après avoir perdu ma femme et ma vue pendant la dernière guerre, je n'avais pas l'intention de me battre à nouveau", a-t-il marmonné. "Avant ça, je donnais juste mon avis au commandant en fonction."

" Attendez. Votre vision ? " J'ai demandé, mes sourcils froncés de confusion. Camus a soulevé sa frange blonde argentée pour révéler deux yeux fermés, une cicatrice dentelée traversant les deux paupières.

" Attendez. Vous me dites que vous n'avez pas été capable de voir pendant tout ce temps ?" J'ai laissé tomber, incapable de détacher mon regard de lui. "Surpris ? ", a dit l'elfe en souriant, laissant sa frange retomber sur son visage. "Bien sûr que je suis surpris. Nous nous entraînons ensemble depuis des semaines et pas une seule fois je n'ai soupçonné quoi que ce soit. Je veux dire, même en dehors de vos prouesses au combat, aucune de vos manières n'a jamais trahi le fait que vous ne pouviez pas voir."

"Je peux toujours voir", corrigea-t-il. "Voir avec les yeux est une pratique tellement plébéienne quand votre contrôle du vent vous permet de sentir le moindre changement autour de vous."

Je l'ai regardé avec étonnement, complètement décontenancé. Après un moment de silence, j'ai demandé : "C'est à cela que vous travaillez depuis que vous êtes à la retraite ?".

"Cela a certainement pris une grande partie de mon temps", a-t-il répondu. "J'en suis sûr." J'ai acquiescé, puis je me suis demandé s'il pouvait voir ce que je faisais.

"À mon niveau, sentir le mouvement de l'air à partir de votre hochement de tête est facile", a-t-il dit, comme s'il lisait dans mes pensées. "Mais je ne peux pas voir les détails des expressions faciales, ce qui est probablement la raison pour laquelle je peux passer pour quelqu'un d'impoli ou de grossier - du moins c'est ce qu'on m'a dit."

"Je vois - sans jeu de mots", je me suis rapidement corrigé.

"Ne t'inquiète pas pour ça. Je m'y suis fait assez vite", a-t-il dit, rejetant mes inquiétudes.

J'ai hésité. "Est-ce que... ça vous manque parfois ?" Bien sûr que ça lui manque, imbécile. Qui ne regretterait pas d'avoir un de ses sens ?

"Parfois", a-t-il dit doucement. "Mais en même temps, la dernière chose que j'ai vue de mes yeux, c'est ma femme. Ce fait me permet de la garder intacte à l'intérieur de moi."

Ne pleure pas, Arthur. Ne pleure pas.

"C'est triste mais... charmant", ai-je réussi, luttant pour empêcher ma voix de trembler. "J'aimerais entendre votre histoire un jour."

" Tu es jeune, Général Arthur. Il n'y a rien de bon à entendre des histoires tragiques quand on a toute une guerre devant soi", a répondu Camus en se raclant la gorge. "Maintenant, pars. Repose-toi et reviens demain avec les idées claires."

Je me suis prudemment levé. "D'accord. À demain, alors."

Camus m'a fait un signe direct de la main, ne donnant aucun signe que sa vision était altérée. "Et si j'ai la moindre idée que tu penses à te relâcher maintenant que tu es au courant, je vais te frapper si fort…"

"Ne vous inquiétez pas", ai-je dit en secouant la tête. "En fait, j'ai un peu plus peur de vous maintenant."

Les lèvres de l'elfe se sont courbées en un sourire satisfait. "Bien."

Ma sœur et son lien ont suivi Alanis et Emily au poste de travail de l'artificier au château, disant que son arc avait besoin de quelques réparations et d'un réglage précis. Alanis avait pris des notes détaillées tous les jours pendant l'entraînement, mais avait refusé de les partager avec moi. Elle a dit que l'entraînement se déroulait comme elle l'avait prévu, et que toute information qu'elle partageait avec moi pourrait

faire déraper mon entraînement à ce stade. Elle a promis de révéler ses conclusions sur la croissance de mon flux de mana la semaine prochaine, après avoir recueilli plus de données sur les artefacts d'Emily.

Ces derniers jours, en marchant dans les couloirs vides au cœur de la nuit, j'ai pu laisser vagabonder mes pensées. J'ai beaucoup pensé aux souvenirs de ma vie passée qui avaient refait surface, ce qui m'a fait réfléchir plus profondément à une question encore plus importante : Qu'est-ce que je faisais dans ce monde ?

Mon côté sceptique refusait de croire que tout cela n'était qu'une coïncidence, mais j'étais loin d'avoir assez d'informations pour savoir comment j'étais arrivé dans ce monde ou cette dimension.

Je savais que les asuras - principalement le Seigneur Indrath - en savaient plus sur moi que ce qu'il avait partagé, mais je n'obtiendrais jamais de réponses de sa part sans offrir quelque chose en retour. J'avais l'espoir que si Dicathen sortait victorieux de cette guerre, le Seigneur Indrath serait plus enclin à partager des informations sur moi, mais ce n'était qu'un espoir. Un moyen plus sûr d'obtenir des réponses - et aussi la raison pour laquelle j'avais refusé d'accepter l'artefact donné aux Lances - était de dépasser le stade du noyau blanc et de déverrouiller davantage le message que Sylvia m'avait laissé après notre séparation.

Avec un peu de chance, l'extraction du mana de la corne d'Uto conduira à une percée dans le stade du noyau blanc, pensais-je, même si j'avais des doutes.

Sylvie était dans un état quasi-comateux alors qu'elle extrayait avidement le mana de sa corne. Je m'étais inquiété pour elle au début, mais je pouvais sentir l'état de relaxation de son esprit à travers nos transmissions mentales.

Cependant, lorsque j'ai déverrouillé et ouvert la porte de ma chambre, j'ai remis en question cette façon de penser.

Sylvie - ou plutôt sa silhouette - brillait d'une lumière obsidienne. Ce qui m'a choqué, cependant, c'est que sa forme changeait de façon erratique. Ses ailes grandissaient et rétrécissaient soudainement, et sa queue se convulsait avant de se contracter. Les petits membres de Sylvie s'allongèrent et ses pattes s'étendirent pour former quelque chose qui ressemblait vaguement à une... main.

"S-Sylvie ?" J'ai marmonné, ne sachant pas si je devais essayer de la tenir ou garder une certaine distance.

Après ce qui m'a semblé être une heure, les changements erratiques dans le corps de mon lien se sont ralentis et elle a progressivement repris sa forme vulpine.

J'ai retenu mon souffle, attendant que Sylvie fasse quelque chose, n'importe quoi.

À ce moment-là, ses yeux se sont ouverts, révélant deux orbes claires de couleur topaze. Respirant profondément, Sylvie a incliné la tête. "Arthur ? Qu'est-ce qui ne va pas ?"

"Avec moi ? J'ai demandé. "Rien... Tu vas bien ?"

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" a-t-elle répondu, visiblement confuse.

"Ton corps a changé." J'ai fait des mouvements avec mes mains, incapable de former une description précise de ce dont j'étais témoin.

"Je vais bien", a-t-elle dit dédaigneusement. "En fait, je me sens vraiment bien. Le mana de cette corne est vraiment puissant."

Je me suis gratté la tête. "Au moins, tu fais des progrès. J'ai eu beaucoup de mal à absorber le mana."

"Vraiment ? Le mana a coulé en moi naturellement, comme si c'était le mien." J'étais perplexe quant à la différence entre les progrès de Sylvie et les miens, mais ma fatigue l'emportait sur toute idée d'investigation plus approfondie. "Très bien. Eh bien, essaie de te reposer."

Mon lien a secoué sa petite tête. "Ce n'est pas nécessaire. Je peux m'en sortir avec moins d'heures de sommeil que les autres - encore plus en absorbant ce mana, en fait."

Je suis tombé à plat sur mon lit. "Eh bien, cet inférieur a besoin de dormir. Je pense que je ne pourrai même pas remonter dans ma chambre pendant les prochaines semaines d'entraînement, alors je dois savourer la sensation de ce lit tant que je le peux."

"Je vois que ton entraînement se passe bien", a dit mon lien. "Je peux sentir le niveau de ta force augmenter progressivement."

"Mhmm. Avec mon entraînement qui progresse comme il le fait, je devrais être capable d'atteindre le noyau blanc bientôt, si je peux extraire le mana de la corne d'Uto", ai-je marmonné en somnolant.

"C'est génial", a répondu Sylvie, sa voix claire m'a bercé dans le sommeil. "Repose-toi

repose-toi."

"Toi... aussi", ai-je réussi à dire avant de m'endormir.

190

DANS LA CHAMBRE FORTE

Mes pensées sont revenues à la vue de Sylvie changeant de forme alors qu'elle absorbait le mana de la corne d'Uto. Quelques jours s'étaient écoulés depuis cette nuit, mais son changement de forme inexplicable m'inquiétait toujours. Mes journées avaient été mouvementées ; si je ne m'entraînais pas, j'étais soit en réunion, soit en train de conseiller Gideon sur le projet de train, soit en train de conseiller personnellement Virion sur divers aspects de la guerre. Même dans ces cas-là, mes pensées revenaient toujours à ce que j'avais vu cette nuit-là.

Sylvie ne semblait pas avoir l'impression que quelque chose n'allait pas, bien au contraire. Mon lien s'était entiché de la corne et du mana qu'elle lui procurait. Après cette nuit, elle m'a demandé un espace privé afin de pouvoir continuer à absorber le mana du serviteur sans être interrompue. Je ne l'avais pas revue depuis lors - mon seul réconfort venait des traces calmes de son état mental que je détectais à travers notre lien.

"-neral Arthur !"

Je me suis redressé en sursaut sur mon siège au son de la voix, pour constater que les yeux de tout le monde dans la pièce étaient braqués sur moi. Autour de la grande table ronde qui avait remplacé sa petite prédécesseur, assis sur de larges chaises rembourrées, se trouvaient moi-même, les trois autres Lances restantes et les cinq membres du Conseil. Gideon s'est également joint à nous aujourd'hui pour cette réunion passionnante et amusante, et il semblait être entièrement concentré sur l'extraction de quelque chose de son oreille gauche.

Ah oui, je suis en réunion.

"Vous sentez-vous bien, Général Arthur ?" Le roi Glayder a demandé, son expression était plus empreinte d'irritation que d'inquiétude.

Je me suis déplacé sur mon siège. "Bien sûr."

Le roi a baissé son regard sur ma main. J'ai suivi ses yeux, pour me rendre compte que la plume que je tenais dans ma main s'était cassée en deux.

Je me suis raclé la gorge et j'ai fait face à tout le monde. "Toutes mes excuses. J'étais perdu dans mes pensées pendant un moment. S'il vous plaît, continuez." "Nous allions aborder le sujet de ce soi-disant 'train' que vous et l'Artificier Gideon préparez. Nous espérions que vous seriez tous deux en mesure de nous donner une mise à jour sur l'état d'avancement du projet ", a déclaré la Reine Eralith, son regard passant entre moi et Gideon, qui était assis quelques sièges à ma gauche.

La veille, Gideon et moi avions discuté des derniers détails du projet. Nous étions prêts à passer à la construction du véhicule afin d'assurer une voie d'approvisionnement sûre et rapide de Blackbend au Mur.

"Ah, oui." L'artificier a lissé un pli sur sa blouse sale. "Le vaiss - je veux dire le train - pourra contenir au moins vingt fois plus de provisions que les escadrons de chariots que nous avons utilisés jusqu'à présent."

"Qu'en est-il des dangers potentiels lors du voyage entre Blackbend et le Mur ?" Varay a demandé avec un regard inquisiteur. "D'après ce que j'ai lu, ce 'train' semble être limité à un chemin déterminé. Cela ne va-t-il pas faciliter la tâche des bandits, ou même des Alacryens, qui pourraient attaquer et assiéger notre ligne de ravitaillement ? ".

"Je suis d'accord. J'imagine qu'il serait facile de détruire une partie de la voie ferrée sur laquelle le train repose", ajouta Aya avec désinvolture.

"Deux bons points, généraux !" s'exclama Gideon. "Arth-le Général Arthur et moi avons vu cela comme l'un des pièges aussi, et nous avons trouvé une solution."

"Oh ? Et quelle serait-elle ?" demanda Virion en levant les sourcils. L'artificier répondit par un sourire narquois. " Le mettre sous terre, Commandant ! "

Il y a eu un moment de silence où les rois et les Lances présents ont réfléchi à la solution avant que le roi Glayder ne prenne la parole d'un ton bourru. "Le coût de tout cela serait excessif, ne pensez-vous pas ?"

Gideon a toussé et s'est tourné vers moi, ses yeux me suppliant pratiquement de prendre le relais.

En tant qu'artificier de renom, Gideon disposait généralement de la richesse et de l'influence nécessaires pour construire les inventions qu'il souhaitait, mais calculer le coût et les avantages de la création d'un projet d'une telle ampleur lui était étranger.

Heureusement, ayant lu de nombreux livres sur l'économie et ayant été personnellement enseigné par le chef du Conseil de mon monde précédent, Marlorn, qui était astucieux et plein de ressources, j'avais la réponse. "Vous ne voyez pas les choses du bon côté, Roi Glayder. Les coûts initiaux peuvent sembler élevés, mais ce projet permet de résoudre potentiellement trois problèmes à la fois."

"Je vous écoute", répondit-il en haussant les sourcils. Tous les autres se sont penchés un peu plus près.

J'ai pris une inspiration et j'ai rassemblé mes pensées. "En dehors du problème principal que nous essayons de résoudre, qui est de trouver un moyen plus efficace de transporter les fournitures pour les soldats stationnés au Mur, la construction du train permet de résoudre deux problèmes périphériques. L'un est l'augmentation du coût d'achat des bêtes de mana domestiquées, qui, comme vous le savez, est nécessaire en raison de l'état actuel de la Clairière des Bêtes ; l'autre est l'augmentation de la pauvreté." "L'augmentation de la pauvreté ? C'est absurde !" s'emporta Bairon. "A cause de la guerre, les affaires sont en plein essor !"

"Laissez le général Arthur terminer !" La reine Glayder a dit brusquement, me surprenant.

"Merci", dis-je en m'adressant à la mère de Kathyln, avant de poursuivre. "Je ne veux pas paraître froid, mais le 'boom des affaires' profite surtout aux propriétaires d'entreprises et aux mécènes hautement qualifiés, pas aux citoyens de la classe inférieure. Reine Glayder, j'imagine que vos rapports en provenance de diverses villes mentionnent un nombre croissant d'émeutes dues à l'augmentation des taxes et des prix des produits de base en raison de la demande liée à la guerre, n'est-ce pas ?"

Elle a feuilleté plusieurs pages de la pile de papiers soignée qui se trouvait devant elle.

"Comment savez-vous cela ?"

Expliquer tout deviendrait encombrant alors je me suis contenté de hausser les épaules. "Simple cause et effet. Cette guerre prend le pas sur tout le reste, ce qui signifie que la priorité sera donnée à ceux qui y participent. Pour tous les autres, cela signifie une augmentation du coût de la vie, alors que leur salaire n'augmentera pas forcément. Plus que ça, à cause des différentes attaques près des côtes et des frontières, les pêcheurs ne peuvent pas pêcher et les terres agricoles ont été détruites."

"Vous dites donc que ce projet sera un moyen de créer des emplois pour ces personnes ?". Le roi Eralith a terminé pour moi.

J'ai acquiescé. "Ce chemin souterrain pour le train sera un grand projet qui ne pourra pas être terminé avec seulement quelques mages de terre compétents. Et même si les mages seront nécessaires pour la sécurité des voies aux endroits prédéterminés, il y aura de nombreuses tâches disponibles pour les travailleurs normaux pendant le processus de construction, et pour la maintenance."

"Ce sont de bons points, Général Arthur, mais pourquoi ne pas simplement utiliser des esclaves ?" Le roi Glayder a argumenté. "Ne serait-il pas plus efficace et rentable d'avoir des esclaves pour faire le travail au lieu de payer des ouvriers ?".

Plutôt que de répondre, j'ai jeté un coup d'œil à Virion. L'esclavage était l'un des nombreux sujets que nous avions abordés, et la question de Blaine tombait dans l'une des explications que j'avais données au commandant.

"Le travail des esclaves a ses limites lorsque le travail devient plus qualifié, Roi Glayder. Je ne pense pas que nous devions considérer ce projet de train comme une entreprise ponctuelle, mais plutôt comme le début d'une nouvelle ère. L'introduction de la machine à vapeur fournit une nouvelle ligne de travail pour les ouvriers, une qui ne nécessite pas de magie. Cela aussi - qu'il s'agisse des ouvriers qui construisent les voies ou des concepteurs qui planifient les itinéraires d'une ville à l'autre - nécessitera des compétences qui n'auront jamais rien à voir avec ce qu'un esclave est obligé de faire", a-t-il déclaré avec confiance.

La salle de réunion était calme pour la première fois depuis des heures, jusqu'à ce qu'une main à manche blanche se lève.

Tout le monde se tourna vers Gideon, qui appuyait sa tête sur une main tout en levant l'autre. "Je ne savais pas s'il était approprié de parler dans ce silence plutôt inconfortable. Quoi qu'il en soit, je voulais juste dire que ce projet sera effectivement le début de beaucoup d'autres, et qu'il sera un terrain propice à l'acquisition de nouvelles compétences. Si possible, je préfère ne pas travailler avec des esclaves. S'ils sont forcés d'être là, ils feront sans doute le strict minimum, ce qui réduira la productivité de ce projet urgent."

Sur ce, la discussion s'est achevée et chacun a voté anonymement sur un bout de papier. Après avoir pris connaissance des résultats, je me suis réjoui que les heures de discussion sur la question n'aient pas été vaines. Le projet de construction de la route souterraine et du train a été approuvé, ainsi que plusieurs politiques s'y rapportant, dont l'interdiction du travail des esclaves. Je faisais confiance à Gideon, qui serait le chef de ce projet, pour être capable de gérer et d'enseigner correctement les personnes travaillant avec lui dans les mois à venir, afin qu'elles soient capables de travailler - si ce n'est de diriger - le prochain projet de route ferroviaire.

Il était intéressant de voir une nouvelle ère - qui n'avait existé que dans les manuels scolaires dans mon ancien monde - commencer à se développer ici. Cette "révolution industrielle", qui avait peut-être commencé avec mon introduction de la machine à vapeur, était sans aucun doute accélérée par la guerre avec Alacrya. Et bien que je n'aurais jamais été du genre à soutenir la guerre, je devais admettre qu'elle apportait certains aspects favorables.

"Nos petites discussions semblent porter leurs fruits", nota Virion alors que nous marchions dans un couloir étroit, à peine assez large pour accueillir trois personnes de front. Deux gardes en armure nous suivaient de près, tandis qu'un autre ouvrait la voie quelques pas plus loin.

" Tu veux dire mes conférences perspicaces sur la guerre et l'économie ? ". Je l'ai corrigé.

"Oh, chut. Je considère cela comme un paiement pour t'avoir hébergé pendant plus de trois ans alors que tu n'étais qu'un petit enfant", a rétorqué le vieil elfe.

J'ai haussé les épaules. "Cela ne me dérange pas. Je suis sûr que tu serais arrivé à une conclusion similaire sur l'utilisation de l'esclavage de toute façon."

"Probablement pas aussi éloquemment que je l'ai dit à la réunion, cependant", a admis Virion. "Les Elfes ont interdit l'esclavage depuis plus de cent ans maintenant, mais c'était pour des raisons morales. Je n'avais pas pensé aux avantages économiques avant que tu ne le soulignes la semaine dernière." "Eh bien, dans un monde où les gens sont principalement divisés en fonction de qui peut utiliser la magie et qui ne le peut pas, il est difficile de voir au- delà de beaucoup de choses", ai-je dit.

"On dirait que tu as été dans un monde qui n'est pas divisé entre les utilisateurs de magie et les gens normaux", a taquiné Virion.

J'ai répondu par un sourire forcé, optant plutôt pour le silence. Cela a duré jusqu'à ce que nous atteignions une épaisse porte métallique avec un seul garde présent.

Le jeune garde - un elfe, comme en témoignent les longues oreilles qui dépassent de ses cheveux coupés - était de petite taille mais tonique, ses muscles maigres étant peu protégés par une armure. Je pouvais dire par sa riche aura jaune que, comme moi, toute forme d'armure épaisse serait plus une gêne qu'une protection. Deux épées courtes sans ornement, courbées à la pointe, pendaient à sa taille, contrairement aux lances voyantes des soldats qui nous accompagnaient, mais même en un coup d'œil, je pouvais dire qu'il éliminerait facilement les trois soldats qui nous " protégeaient ".

Ses yeux étaient vitreux d'ennui, mais il s'est réveillé quand il nous a repérés, Virion et moi. "Bonsoir, Commandant Virion et... Général Arthur. Ou est-ce déjà le matin ? Mes excuses ; il n'y a pas de fenêtres ici pour que je puisse le dire."

"Cela ne fait pas si longtemps, Albold", a répondu Virion avec un sourire avant de se tourner vers moi. "Arthur, voici Albold Chaffer de la maison Chaffer. Il est issu d'une solide famille militaire, qui a servi la famille Eralith pendant des générations. Albold, je suis sûr que tu as entendu parler d'Arthur Leywin."

"On m'a dit qu'il pourrait devenir le nouvel héritier de la famille Eralith," dit Albold, ses yeux vifs pétillant d'intérêt.

J'ai toussé de surprise et j'ai lancé un regard perçant à Virion. "Nouvel héritier

?"

"Eh bien, vous voyez, Général Arthur, quand la famille royale n'a pas de fils, l'homme qui se marie à la..."

Je tends la main. "J'ai compris."

"J'ai toujours voulu vous rencontrer en personne, Général, mais on m'a confié la tâche primordiale de garder cette porte", a-t-il dit en désignant l'épaisse porte métallique. "J'ai deviné que ce serait vous qui viendriez ici. C'est difficile à croire, mais vous êtes encore plus imposant que je ne l'avais imaginé."

J'ai incliné la tête. "Je suis presque sûr que j'ai retenu ma présence."

"La famille Chaffer est connue pour ses sens étrangement aiguisés," expliqua Virion.

"Qu'est-ce qu'il fait ici alors ?" Je demandai, en regardant l'elfe, qui n'était pas beaucoup plus âgé que moi. "Vos compétences seraient mieux adaptées au terrain, non ?"

"Albold était dans la Clairière des Bêtes jusqu'à ce qu'il défie un ordre direct de son chef", répondit Virion à sa place. "Normalement, il aurait été rétrogradé et puni sévèrement, mais je connais le garçon et il se trouve que j'étais sur les lieux, alors je l'ai récupéré et placé ici."

"Et ma reconnaissance pour ce geste est aussi illimitée que la mer du Nord !" Albold a rayonné, s'inclinant profondément.

Les gardes derrière nous ont murmuré quelques mots de désapprobation mais se sont arrêtés quand le regard d'Albold les a transpercés.

"De toute façon, assez parlé de ce trouble-fête", dit Virion sèchement. "Albold, laisse-nous entrer et ferme la porte après nous."

"Aye aye, Commandant !" L'elfe salua avant de déverrouiller la porte et de la tirer.

Une odeur nauséabonde de renfermé infusée par la puanteur de la pourriture bombarda mon nez dès que l'entrée du donjon fut ouverte.

"Passez un agréable séjour, tout le monde", a dit Albold, en nous faisant signe d'entrer comme un guide touristique.

Virion roula les yeux et marmonna quelque chose à propos de le dire au père d'Albold en suivant le soldat de tête. C'était amusant de voir Albold se raidir et pâlir après avoir entendu la remarque.

Étonnamment, le premier niveau du donjon n'était pas aussi mauvais que dans mon souvenir de la première fois que je suis venu ici, après l'incident à Xyrus. La zone était relativement bien éclairée, avec des cellules spacieuses qui semblaient être vides depuis un moment. Sans les mystérieux murs de pierre qui empêchaient la manipulation du mana et le fait que les cellules avaient des barres de métal renforcées plutôt que des portes, on aurait pu croire que les concepteurs de ce château avaient simplement été paresseux et avaient décidé de faire de cette zone un donjon.

Pourtant, le manque de ventilation était étouffant et, bien que les cellules soient pour la plupart vides, elles ne semblaient pas avoir été nettoyées depuis longtemps.

"Est-ce que ça te rappelle des souvenirs désagréables ?" demanda Virion, me surprenant à étudier la cellule exacte dans laquelle j'avais été enfermé.

"En quelque sorte. Je me disais qu'il était amusant que je revienne d'une réunion avec l'homme qui a comploté aux côtés des Greysunders et des Vritra pour me tuer ", expliquai-je, ignorant les regards méfiants des gardes qui nous entouraient.

La voix de Virion est devenue sérieuse. "Si cela avait été à ma seule convenance, je les aurais enfermés moi-même, mais le Seigneur Aldir avait raison - nous avons besoin des Glayders. Les Greysunders ont toujours eu une faible emprise sur leur royaume, mais les Glayders sont respectés - presque vénérés - par presque tous les humains. Sapin serait dans le chaos s'ils apprenaient ce qui s'est passé. Ce n'est pas quelque chose dont nous avons besoin pour cette guerre."

J'ai hoché la tête. "En parlant de ça, où est cet asura à trois yeux ? Il ne s'est pas montré, même après ce qui s'est passé avec Rahdeas et Olfred."

"L'asura à trois yeux... est-ce à cause de ton voyage à Epheotus que tu peux être si désinvolte avec les asuras ?" Virion a demandé avec incertitude. "Et je n'ai pas été capable de communiquer avec le Seigneur Aldir grâce à l'artefact de transmission qu'il m'a donné."

"Ce n'est pas bon", ai-je dit, et j'ai repris ma marche vers l'extrémité du donjon. "Nous en reparlerons plus tard."

"D'accord", répondit solennellement Virion en me suivant de près.

Nous nous sommes dirigés vers l'extrémité de l'étage où deux cellules avaient été réunies pour former une grande pièce spacieuse. La cellule était meublée d'un canapé et d'un grand lit recouvert d'animaux en peluche. Devant le canapé, un service à thé décoratif était posé sur une petite table. Sur le canapé se trouvait une petite fille qui s'endormait en lisant un livre.

J'ai fait signe au gardien principal de déverrouiller la cellule et je suis entré. "Salut, Mica. Désolé d'avoir mis si longtemps à te rendre visite."

La Lance naine a posé son livre et a étiré ses fines jambes et ses bras. "Salut, Arthur."

Nous avons bavardé un peu pendant que Virion et les gardes attendaient de l'autre côté de la porte barrée. Le vieil elfe arborait une expression sombre, se sentant sans doute coupable de l'avoir enfermée ici alors que les enquêtes étaient toujours en cours. Mais en raison de sa position et du fait qu'Olfred et Rahdeas avaient tous deux trahi Dicathen, l'affaire devait être examinée avec la plus grande attention avant qu'elle ne puisse retrouver sa liberté.

Nous avons parlé de choses sans importance, et je l'ai mise au courant des progrès de mon entraînement. Elle a essayé de me donner quelques conseils sur la magie de la gravité, mais j'avais du mal à suivre ses explications absurdes.

"L'équipe envoyée par Virion ne devrait pas tarder à rassembler suffisamment de preuves", l'ai-je consolée.

Mica m'a adressé un sourire. "Mica sait. Ne t'inquiète pas pour moi, fais ce que tu as à faire. Mica ne blâme personne d'autre que ce vieux salaud de Rahdeas."

"Eh bien, je peux te dire que sa cellule est loin d'être aussi agréable que la tienne."

Elle a hoché la tête. "Faites sortir Mica rapidement, d'accord ? Etre seul ici sans pouvoir utiliser la magie est tellement ennuyeux."

"Bien sûr", lui ai-je promis, en lui faisant un câlin avant de sortir de la cellule.

J'ai salué une fois de plus, puis j'ai suivi Virion et les gardes jusqu'à la porte imposante au bout du couloir.

"Prêt ?" Virion a demandé, son expression était sinistre. "Finissons-en avec ça."

Je pensais que la puanteur du premier niveau du donjon était mauvaise, mais le niveau inférieur était à vomir.

Je sentais mon estomac se révolter devant les odeurs âcres et métalliques de produits chimiques et de sang. Réprimant l'envie croissante de m'étouffer, j'ai suivi Virion dans les escaliers sombres jusqu'à ce que nous atteignions une petite zone abritant les criminels les plus odieux. J'ai été surpris de constater que je pouvais utiliser la magie à l'intérieur, mais après avoir examiné les murs et les coffres fermés de la pièce, j'étais presque certain que l'utilisation de la magie était limitée uniquement à la minuscule passerelle entre les cellules. Un homme costaud vêtu d'un tablier sanglant, le visage couvert d'un masque noir, nous a accueillis. À côté de lui se tenait un mince aîné au dos voûté et au nez crochu.

"Commandant. Général. Nous sommes honorés de vous avoir ici", dit le vieil homme d'une voix grinçante.

"Gentry", dit Virion, en retournant le salut. "Conduisez-nous d'abord à Rahdeas."

L'aîné m'a regardé avec incertitude mais a répondu en s'inclinant. "A vos ordres", dit-il en râlant.

Nous avons suivi l'aîné alors qu'il se frayait un chemin en rampant jusqu'à une petite cellule et s'inclinait à nouveau. "Voici le criminel."

Bien que Rahdeas soit le gardien d'Elijah, sa figure paternelle, j'avais peu d'affection pour le traître - mais même moi, j'avais du mal à dire avec assurance qu'il méritait d'être dans l'état dans lequel il était maintenant.

La cellule était sombre et les ombres masquaient la plupart de ses blessures, mais je pouvais dire par les coupures et les taches de sang sur son corps nu qu'il avait été lourdement torturé. Ses mains, attachées à la chaise sur laquelle il était assis, dégoulinaient de sang.

Ses ongles étaient arrachés, j'ai noté avec une grimace.

Mais plus que les blessures physiques, c'est l'expression vide de Rahdeas qui m'a fait frissonner. Ses yeux étaient embués et une traînée de salive coulait du coin de sa bouche.

"Ah, son état actuel est dû aux effets secondaires de mon interrogatoire," dit l'aîné en remarquant mon regard.

"Gentry se spécialise dans la magie du vent et du son pour créer des hallucinations afin de faciliter l'interrogatoire," expliqua Virion.

C'est dans des moments comme celui-ci que je réfléchis à la véritable fonction de la magie. Tout comme la technologie, la magie pouvait tout aussi bien être utilisée pour détruire que pour créer quelque chose de merveilleux. "Le traître est fort. Il faudra un peu plus de temps pour le briser, j'en ai peur", dit Gentry avec amertume.

"Il est impératif que nous découvrions ce qu'il sait," répondit sèchement Virion, jetant un regard dédaigneux à Rahdeas avant de se retourner vers le vieil homme. "Maintenant, qu'en est-il du serviteur ?"

"Ah, oui. C'est un spécimen des plus fascinants. Une peau très épaisse et une forte force mentale, même avec sa capacité à utiliser la magie qui lui a été retirée. Je pense que nous sommes proches de le briser. Le garder dans la petite chambre forte pour limiter ses mouvements l'a rendu fou," dit le vieil homme avec joie. Virion a lancé un regard de désapprobation à Gentry mais n'a rien dit.

Avec une toux, Gentry a fait signe à son associé costaud d'ouvrir l'épaisse chambre forte. Des runes étaient inscrites sur chaque centimètre de la boîte, qui ressemblait plus à un cercueil qu'à une cellule de prison. "Soyez prudent, commandant, général. Bien que le coffre empêche le Vritra d'utiliser la magie, il est encore assez fort et il est dans un état d'esprit plutôt fou en ce moment."

La chambre forte s'est ouverte en grinçant et j'ai croisé le regard d'un Uto ébouriffé, vêtu de vêtements de contention. Un seul regard a suffi pour me dire qu'il était loin d'être brisé.

Le serviteur s'est mis à sourire et m'a fait un clin d'oeil. "Bonjour, chiot."

191

L'ÉTAT D'ESPRIT SOLITAIRE

La voix sinistre d'Uto m'a fait frissonner et, bien qu'il ait été maîtrisé et enfermé dans une chambre forte anti-magie, un sentiment familier d'effroi m'a envahi.

Tout le monde dans cette pièce pensait que c'était moi qui avais vaincu Uto, mais la vérité était que Sylvie et moi avions à peine réussi à lui faire quelques égratignures.

"Tu as l'air un peu mal à l'aise, Uto", ai-je plaisanté, espérant masquer tout signe de faiblesse.

Le sourire du serviteur a disparu, remplacé par un grognement. "Qu'as-tu fait de mes cornes, l'inférieur ?"

J'ai sorti la corne noire de mon anneau dimensionnel et l'ai jetée en l'air devant lui. "Oh, tu veux dire ça ?"

"Insolent petit..."

" Arrête ", je l'ai coupé. "Je ne suis pas ici pour échanger des insultes avec toi. J'ai mieux à faire."

Le visage gris d'Uto s'est assombri, son regard est devenu sauvage. " Je jure devant Vritra que si je m'en sors, tu regretteras de ne pas être mort ce jour- là."

J'ai secoué lentement la tête.

"Je suis sûr qu'il y a quelque chose que tu veux plus que sortir ou m'infliger de la douleur." En me penchant plus près d'Uto avec un rictus arrogant sur mon visage, j'ai continué, "Je sais que le fait que tu n'aies aucune idée de comment tu as pu perdre contre moi est lentement en train de te dévorer en ce moment."

Je ne pensais pas que le visage du serviteur pouvait être plus en colère, mais Uto a grincé des dents, faisant des gestes désespérés pour se libérer.

"Ferme-la", ai-je dit, en gardant mes yeux fixés sur les siens jusqu'à ce que l'épaisse porte gravée de runes se referme fermement.

"C'était quoi ce..."

J'ai mis un doigt sur mes lèvres pour faire taire le commandant confus. Ce n'est qu'après que nous soyons revenus tous les quatre à l'entrée de ce niveau du donjon que j'ai parlé doucement. "Laissez-le tranquille pour l'instant." "Ento et moi l'avons torturé - physiquement et mentalement - mais je ne l'ai jamais vu aussi énervé", a murmuré Gentry. Son associé costaud a hoché la tête à côté de lui.

"Je doute que les hallucinations ou la douleur physique fonctionnent sur cet arrogant sadomasochiste", ai-je répondu.

Virion a incliné la tête. "Sadomaso quoi ?"

"C'est rien." J'ai souri faiblement, puis je me suis tourné vers Gentry. "N'ouvrez pas sa chambre forte." L'aîné voûté a froncé les sourcils. "Sans vouloir vous offenser, Général, mais d'après mon expérience, il est préférable de procéder pendant que sa force mentale est en déroute, comme c'est le cas maintenant. De plus, que se passera-t-il s'il se rappelle comment il a perdu contre vous pendant cette période ?"

"Il ne le fera pas", lui ai-je assuré. "Et cela va lentement le rendre fou. Laissez- le mijoter jusqu'à ce que je décide de revenir."

"Je n'aime pas ce regard que tu as", murmura Virion. "Qu'est-ce que tu prépares ?"

"C'est moi qui l'interrogerai le moment venu", ai-je répondu.

"Vous êtes prêts ?" Emily a demandé de derrière son nombre croissant de panneaux. Elle avait l'air d'être dans le cockpit d'un avion de ma vie antérieure.

"Presque", ai-je répondu en finissant de mettre les sangles, en fixant les dernières sur mes bras. J'ai grimacé quand j'ai serré la sangle autour de mon bras trop fort.

Merde.

"Nous allons passer au scénario trois contre un à partir d'aujourd'hui, alors concentrez-vous, Général Arthur", nous a dit Alanis, qui a apparemment remarqué l'expression vide sur mon visage. Je pensais encore à la visite du donjon plus tôt dans la journée.

Je me suis levé et j'ai balancé mes bras, prêt à me lâcher. " C'est bon. Quel élément vais-je restreindre pour la première partie ?"

Les yeux de mon assistante d'entraînement se sont mis à briller dans leur palette de couleurs familière tandis qu'elle me " scannait " avant de baisser les yeux sur ses notes. "L'eau et sa forme déviante, bien sûr."

Je me suis dirigé vers l'autre bout de la salle d'entraînement, m'arrêtant à une douzaine de mètres de Camus, Hester et Kathyln. La rencontre avec Uto m'avais rendu nerveux. J'avais été confiant dans le donjon qu'Uto ne découvrirait pas comment je l'avais battu - parce que je n'étais pas celui qui l'avait battu.

Quelle sorte de Lance suis-je si je ne peux même pas battre un serviteur ? Sans parler d'une Faux.

Dès qu'Alanis donna le signal de départ, je me précipitai vers Hester, ne laissant qu'une seule empreinte sur le sol.

En un seul mouvement fluide, je condensai une couche de vent autour de ma main, la façonnant et l'aiguisant pour en faire une lame transparente avant de la balancer horizontalement vers le torse de la mage de feu.

Les yeux d'Hester se sont un peu écarquillés de surprise, mais contrairement aux autres mages, elle était assez compétente pour répondre même à mon attaque éclair.

Sachant que le feu était faible face à une forme de vent aussi comprimée, elle choisit de bloquer ma frappe en m'attrapant le bras tout en renforçant son corps avec du mana.

Vous avez peut-être un avantage sur moi dans la connaissance de la magie du feu, mais si vous pensez que vous pouvez essayer de me battre au combat à mains nues...

Je l'ai laissée agripper mon bras, mais j'ai saisi le bras qu'elle utilisait pour s'accrocher à moi.

Hester était dans une position qui l'aidait à résister à une force de poussée, donc quand je l'ai tiré en arrière, elle a trébuché en avant. Utilisant cet élan, j'ai

j'ai pivoté et positionné ma hanche sous son centre de gravité pour la renverser au sol.

Le souffle de Hester a été coupé quand son dos a touché le sol. Alors que je me préparais à frapper une nouvelle fois pour activer son artefact de survie, un jet d'eau m'a complètement trempé.

Avant même que je puisse me tourner vers mon agresseur, l'eau recouvrant mon corps s'est gelée, limitant toute forme de mouvement.

J'ai augmenté mon corps d'une couche de feu pour me dégeler, mais Hester avait déjà profité de mon bref moment d'incapacité pour mettre de la distance entre nous.

Ignorant Hester pendant un bref instant, le temps qu'elle se rétablisse, je m'élançai vers la princesse en coinçant ses jambes avec le sol sous elle. Pris au dépourvu, Kathyln a immédiatement revêtu son corps de glace comme elle l'avait fait auparavant, sans doute une technique qu'elle avait apprise de Varay.

Avec son corps renforcé, elle a tenté de se libérer des entraves de terre. Mais je ne lui en ai pas laissé l'occasion. En m'approchant d'elle, j'ai continuellement manipulé le sol autour d'elle, le renforçant et le poussant plus loin sur ses jambes.

C'était une idée que j'avais eue en observant Olfred - le cercueil de magma dans lequel il avait piégé et exécuté Sebastian. Bien sûr, je n'avais pas l'intention de faire la même chose, mais de la même façon que de nombreux mages de terre s'habillaient d'une armure de roche, on pouvait facilement en enfermer quelqu'un dans la même armure sans lui donner la liberté de se déplacer.

Kathyln a lutté pour se libérer pendant que je continuais mon sort. Chaque fois qu'elle cassait un morceau de pierre, une grande dalle prenait sa place, remontant lentement le long de son petit corps.

En quelques instants, la princesse était couverte jusqu'au cou. Une couche de givre tentait lentement d'affaiblir l'intégrité de la retenue de terre, mais il était trop tard.

J'ai chargé du mana dans mon poing, formant un gantelet d'éclairs crépitants. Un sentiment de culpabilité m'a traversé alors que je levais mon poing pour porter le coup de grâce.

Elle a l'artefact de survie, Arthur. De plus, tu ne peux pas te permettre d'y aller doucement avec quelqu'un si tu espères gagner cette guerre.

Kathyln m'a regardé sérieusement, sans aucune trace de peur. Cependant, au moment où mon poing allait entrer en contact avec elle, une rafale de vent me repoussa, me plaçant au centre d'une formation de vent tourbillonnant juste au-dessus du sol.

"Erupt !" Aboya Camus, profitant de ma brève perte d'équilibre pour déclencher le puissant cyclone.

Ma vision était obstruée par les murs de vent autour de moi, et pendant un moment, tout était mortellement immobile. Le moindre bruit était étouffé par le rugissement constant de la tornade. Je me suis vite retrouvé à haleter dans cet entonnoir de basse pression atmosphérique.

"Ennuyeux", ai-je marmonné entre deux respirations forcées.

Les parois de la tornade se sont refermées, menaçant de me faire tourbillonner et de me projeter où bon leur semble, mais heureusement, j'avais encore assez d'oxygène pour riposter.

Ma première réaction a été de m'enfouir sous terre - cela aurait été le choix le plus judicieux. Cependant - peut-être à cause de la diminution de l'oxygène - je me suis mis à imaginer Uto devant moi. Son sourire sauvage semblait dire "Tout ce que tu peux faire, c'est courir ou te cacher face à quelque chose de plus grand que toi", et cela a déclenché en moi une rage que je n'avais pas ressentie depuis longtemps.

Au diable la stratégie. Si je ne peux même pas faire face à ça, comment vais- je affronter les Faux ?

Après avoir ancré mes pieds au sol à l'aide de la magie de la terre, j'ai commencé à conjurer un courant opposé pour annuler le puissant sort de vent qui se rapprochait lentement.

Alors que mon sort se heurtait à celui de Camus, des larmes ont commencé à se former. Il semblait que j'étais sur le point de le neutraliser quand une douleur sourde a irradié dans mon dos, me faisant tomber en avant. Les pieds fixés au sol, je me suis courbé maladroitement, repoussant avec mes paumes pour me remettre debout.

J'ai maudit dans ma tête, de peur de gaspiller de l'air inutilement, en regardant l'objet qui m'avait frappé dans le dos. C'était un gros rocher de glace.

Pire encore, ce n'était pas le seul. Tourbillonnant autour de moi, dans la tornade, il y avait plusieurs dizaines d'autres morceaux de glace, chacun faisant au moins deux fois la taille de ma tête.

Pourtant, j'ai continué à essayer d'annuler le sort de tornade de Camus. Peut- être était-ce mon entêtement. J'étais inflexible, prêt à tout pour gagner contre cet "ennemi" qui me surplombait. Alors que la tornade se rapprochait de moi, mon corps est devenu un simple punching-ball pour les blocs de glace.

Je dois reconnaître à Kathyln la créativité de ses morceaux de glace ; certains n'étaient que des matraques lourdes, mais d'autres avaient des bords tranchants qui coupaient mes vêtements et me faisaient saigner.

Malgré les coups répétés, cependant, mon corps était engourdi. J'étais étourdi et un fort sentiment de fatigue m'envahissait.

La seule chose qui me faisait tenir était l'idée que vaincre ce sort de front était en quelque sorte une victoire contre Uto.

J'ai continué à avoir ces pensées irrationnelles jusqu'à ce que je remarque - trop tard - que les blocs de glace avaient disparu. A leur place, il y avait un feu grandissant qui se mêlait à la tornade, fusionnant en un cyclone enflammé.

Ma vision a commencé à se tacher, et mon imagination d'Uto est devenue une hallucination à part entière. Cela n'a duré que quelques secondes jusqu'à ce que je m'évanouisse, et mes dernières pensées ont été de blâmer le manque d'oxygène pour mes actions insensées.

J'ai eu l'impression d'avoir seulement cligné des yeux, mais quand j'ai rouvert les miens, je regardais Kathyln, le plafond de la salle d'entraînement visible derrière elle. J'étais allongé.

Une sensation de fraîcheur a irradié de mon front. Je l'ai tâtonné et j'ai réalisé que c'était un mouchoir glacé.

"Tu es encore un peu chaud. Garde-le", a insisté Kathyln en remettant le mouchoir sur moi avec juste une pointe d'inquiétude dans son ton brusque. "Merci", ai-je marmonné. "Et désolé pour tout à l'heure."

Elle a secoué la tête. "Nous nous entraînions. Bien que les aînés puissent être d'un avis différent."

"Bien sûr que nous sommes d'un avis différent !" La voix familière de Buhnd a résonné.

Un instant après, son visage barbu est apparu dans mon champ de vision. "Tu t'es battu comme un enfant qui fait une crise de colère. Je sais que tu connaissais douze façons différentes de te sortir de cette situation sans essayer d'y faire face."

"Oui, je le savais", ai-je dit en serrant les dents. "Mais je voulais voir si je pouvais vaincre leur combinaison de sorts. Si je n'y arrive même pas, comment suis-je censé vaincre tous les serviteurs et les Faux restants ?" Buhnd ouvrit la bouche comme s'il était sur le point de dire quelque chose, mais resta silencieux. C'est Camus qui a pris la parole.

"Tu ressens la pression, n'est-ce pas ?" a-t-il dit doucement. Je n'ai pas répondu. Je n'ai pas pu.

Pour eux, je n'étais peut-être qu'un jeune prodige, mais j'avais les souvenirs et l'intelligence de l'époque où j'étais roi. Pour moi, admettre la remarque de Camus signifiait que même malgré mon avantage, j'étais faible.

"Une guerre n'est pas menée seul", a continué Camus. "Bien que porter le titre et la responsabilité d'une Lance puisse faire croire le contraire."

Hester prit la parole, sa voix châtiée venant d'un peu plus loin. "Tu n'es pas un personnage assez important pour que tout le continent ne compte que sur toi".

"Tu as raison", ai-je dit en essayant de la croire.

Kathyln a posé un doigt sur le tissu posé sur mon front, le refroidissant par la magie. "Tout comme le peuple de Dicathen s'appuie sur les Lances, tu dois aussi faire confiance à tes soldats pour qu'ils compensent ce que tu ne peux pas faire."

J'ai baissé le tissu, laissant sa froideur s'infiltrer dans mes yeux. Pendant une minute, je n'ai rien dit ni fait, je me suis recueilli.

"J'ai l'impression d'être en thérapie", ai-je dit en riant et en me levant d'un bond. Autour de moi, il y avait non seulement Kathyln et les aînés, mais aussi Emily et Alanis. Ces deux dernières étaient restées silencieuses, mais des traces d'inquiétude se lisaient sur leur visage. "Merci à tous de m'avoir aidé à m'entraîner et de m'avoir gardé sous contrôle."

Le visage sévère d'Hester s'adoucit et elle hocha la tête. "Je pense que nous pouvons sauter le débriefing d'aujourd'hui puisque je suis sûr que le jeune général sait exactement ce qu'il a fait de mal."

" Repose-toi un peu. Ça va me démanger de devenir fou demain !" Buhnd acquiesça en donnant un coup de poing dans sa paume ouverte.

"Je ferai en sorte que l'artefact de survie retrouve son état normal d'ici demain. Même si je dois rester debout toute la nuit !" Emily nous a assuré.

J'ai hoché la tête. "Je verrai tout le monde demain alors."

Perdu dans mes pensées, je n'ai même pas réalisé que j'avais marché jusqu'à ce que je me retrouve devant le pas de ma porte.

Trop fatigué pour me laver, je me suis enfoncé dans le lit, mes yeux cherchant Sylvie jusqu'à ce que je me souvienne qu'elle s'était isolée dans une autre pièce.

J'ai tenté de la joindre. Tout va bien, Sylvie ?

Mon lien n'a pas répondu, mais la faible trace de son état d'esprit calme était une réponse suffisante.

Allongée sur le dos, j'ai tendu la main vers le plafond. Cette main, ce corps auquel je m'étais tellement habitué pendant les presque vingt ans où j'avais vécu en tant qu'Arthur, me semblait si petit quand je repensais à l'époque où j'étais Grey.

Je repensais à mon ancienne vie et aux nombreuses fois où j'avais participé à des duels de Paragons, un combat en tête-à-tête entre rois, chaque duelliste représentant son pays respectif. Bien que les duels de Paragon n'aient pas l'atrocité et le sang des guerres normales, le poids de ces batailles était beaucoup plus lourd.

"Cette guerre n'est pas menée seul, Arthur", me suis-je rappelé.

192

PERCENTILE MAGIQUE

Ouvrant mes yeux, j'ai lentement relâché ma prise sur la corne d'Uto. J'ai pris un autre moment pour l'introspection, examinant l'état de mon noyau de mana et de mon corps.

J'étais proche. La route vers le stade du noyau blanc, qui m'avait semblé si longue, était presque terminée.

Je suis content de ne pas avoir accepté l'artefact de Virion après être devenu une Lance, ai-je pensé.

En sortant du lit, j'ai touché l'esprit de Sylvie, m'assurant que tout allait bien. Satisfait de son silence, j'ai commencé à m'étirer, mon corps débordant d'énergie.

En respirant profondément, j'ai exécuté une série de coups que j'avais appris de Kordri lors de son entraînement à Epheotus. Il ne s'agissait pas d'une combinaison stricte de mouvements, mais plutôt d'une utilisation de chaque mouvement du corps tout en maintenant la vitesse et la précision - enchaînant chaque coup de poing, coup de pied, coude, genou, tout en restant flexible pour faire face à n'importe quel résultat. Un véritable maître de ce style de combat, comme l'asura à quatre yeux, pouvait mettre à terre une unité entière

- et les soldats ne voyaient rien d'autre qu'un simple moine se promenant parmi eux.

Mon flux de mana s'était considérablement amélioré au cours de mon entraînement avec Kathyln et les aînés, et la synchronisation de son timing avec mes frappes créait des ondes de choc dans l'air. Je voulais me déplacer plus rapidement et avec plus d'agilité, mais je n'étais pas un asura, encore moins un Panthéon comme Kordri.

Incorporer du mana dans les fibres musculaires et les ligaments pour maximiser la puissance et la vitesse tout en utilisant le moins possible de mouvements physiques - comme le faisait le clan Thyestes - aboutirait aux mêmes résultats que Burst Step sur mes jambes.

Peut-être qu'atteindre le royaume au-dessus du noyau blanc renforcera mon corps., J'ai pensé avec espoir, alors que j'exécutais une combinaison de coups de pied.

J'ai fait pivoter mon corps pour terminer la séquence par un coup de paume, juste au moment où Boo a fait entrer sa tête gigantesque dans ma chambre par la porte, juste sur la trajectoire de mon attaque.

Boo a été frappé par une onde de choc due à mon coup de paume, ce qui a provoqué un battement sauvage de la peau flasque autour de son museau et de ses oreilles.

Le lien de ma soeur et moi nous sommes regardés en silence pendant un moment, mais il a seulement grogné et secoué sa tête poilue.

Je me suis penchée en avant et j'ai éclaté de rire.

La tête d'Ellie est entrée dans ma chambre. "Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Boo était censé te faire peur."

Incapable de parler alors que j'essayais sans succès d'étouffer mon rire, j'ai fait signe à ma sœur de venir vers moi.

Confuse, elle a passé la forme robuste de son lien et est entrée dans ma chambre. "Regarde", ai-je gloussé, en faisant apparaître cette fois une rafale de vent dirigée vers Boo. Le visage féroce de l'ours a ondulé comme du liquide, les plis de la peau couvrant sa mâchoire supérieure se sont soulevés pour révéler une série de dents sous une couche rose de gencives.

Ma sœur a ricané, puis a éclaté d'un rire impuissant ; son lien n'était pas aussi amusé. Il nous a fallu presque tout le trajet jusqu'à la salle d'entraînement pour nous ressaisir.

C'était probablement puéril de rire autant de quelque chose d'aussi trivial, surtout vu mon âge mental, mais qui s'en soucie ? Je n'avais pas ri aussi fort depuis des lustres, et cela a permis de relâcher certaines tensions et le stress.

" Vous avez l'air bien joyeux pour une matinée aussi matinale ", dit Emily en baillant, ses mains installant les panneaux de manière robotique comme si elles avaient un esprit propre. "Ou c'est encore la nuit ?"

"Tu as encore passé une nuit blanche, Emily ?" a demandé ma soeur, inquiète.

"En fait, c'est une nuit blanche d'affilée. C'est la dernière séance d'entraînement de ton frère, alors Mlle Emeria et moi voulions que toutes les données des deux derniers mois soient compilées pour aujourd'hui ", dit-elle, les yeux mi-clos.

"Rappelez-moi de vous remercier pour vos efforts", ai-je dit, mes yeux scrutant le moindre signe de l'elfe sèche. "Où est Alanis maintenant ?

"Ah, j'ai beaucoup appris de tout cela, donc pas besoin de me remercier. Quant à Mlle Emeria, j'ai pratiquement dû la forcer à aller dormir ", répondit Emily en bâillant à nouveau. "Elle devrait être là, alors... Ah, voilà tout le monde !"

Les premiers à franchir les épaisses portes métalliques étaient Buhnd et Camus. Buhnd s'étirait les bras, souriant en disant quelque chose au vieil elfe. Derrière eux se trouvaient Hester et Kathyln. L'aînée de la famille Flamesworth redressait un pli de la robe d'entraînement moulante de Kathyln. La princesse m'a repérée et a pris une teinte plus vive en essayant de s'éloigner de sa tutrice.

Alanis, qui maintenait habituellement le masque d'une femme d'affaires professionnelle, semblait sans âme aujourd'hui. Ses pas habituellement délibérés étaient lents et elle traînait derrière les autres.

Il a fallu plusieurs minutes pour que tout le monde mette son équipement de protection, mais j'étais bientôt positionné sur le terrain d'entraînement avec Kathyln, Camus, Hester et Buhnd autour de moi. Leurs expressions étaient sérieuses, tout comme la mienne. J'avais parcouru un long chemin au cours des deux derniers mois, suffisamment pour les avoir battus plusieurs fois. Ils savaient que s'ils n'étaient pas complètement concentrés, ils pouvaient perdre à nouveau - et ils ne pouvaient pas se laisser vaincre le dernier jour de l'entraînement.

"C'était quoi le pari déjà ?" Buhnd a crié derrière moi.

" Virion va nous organiser un festin pour célébrer la fin de mes " vacances ", " j'ai souri, en regardant derrière moi. "Mais le faire payer pour tout n'est pas drôle, alors j'ai proposé que le perdant de cette dernière bataille paie pour tout le groupe."

Hester a roulé les yeux. "Considère que c'est payé par la gracieuse maison Flamesworth. Combien peut bien coûter un dîner ?"

Alanis, qui entendait notre conversation, a utilisé un artefact pour améliorer le son. "En tenant compte du coût des tonneaux d'alcool vieux de soixante-dix ans, fermentés à partir de grains rares que l'on ne trouve que dans les régions périphériques de la Clairière des Bêtes, ainsi que du coût approximatif de l'abondance de viandes fines - dont les prix ont augmenté depuis le début de la guerre - j'ai déjà calculé pour le Commandant Virion que le coût du festin de célébration s'élève à environ vingt mille or."

Les yeux d'Hester s'écarquillèrent en entendant ce coût exorbitant. Elle se racla la gorge en essayant de garder son calme. "Eh bien, je suppose que cela pourrait ruiner l'expérience gratifiante de la victoire si je devais simplement payer le repas. Peut-être serait-il préférable de déterminer qui paie le festin avec ce match ; de cette façon, ce sera beaucoup plus mémorable pour tout le monde."

Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, en voyant l'aîné, d'habitude si calme, si agité.

"Je ne serai pas indulgent avec vous juste parce que vous êtes jeune, Général", dit Camus en souriant. "La fierté de ce vieil homme ne le permettra pas."

"Je suis d'accord avec l'aîné Camus," ajouta Kathyln. "Peut-être que te battre maintenant convaincra mon père et ma mère de me laisser aider pendant la guerre."

"Quelle froideur, princesse. Tu te sers de moi comme d'un tremplin", ai-je répondu en baissant la tête.

"Puisqu'il s'agit de la dernière bataille simulée, le Général Arthur n'aura pas d'éléments restreints", la voix d'Alanis retentit à nouveau. "Veuillez commencer !"

"Pour l'alcool !" La voix bourrue de Buhnd a rugi en me fonçant dessus par derrière.

J'étais encerclé, et mes options étaient limitées. Avec mes sens aiguisés par le mana et la montée d'adrénaline, je me suis concentré sur la plus grande menace.

Buhnd chargeait en formant une masse de pierre géante et Camus reculait tandis que des rafales de vent se rassemblaient autour de ses bras, mais c'était en fait le niveau de mana de Kathyln qui représentait la plus grande menace pour le moment.

Une vieille mais efficace astuce, j'ai détaché le sol de pierre autour de moi et soulevé les débris pour former un nuage de poussière, que j'ai poussé vers Kathyln.

Manipuler la terre sous mes pieds pour me faire avancer au moment où je pousse, et expulser la résistance du vent pendant que je cours, me suis-je récité.

Ce n'était pas aussi instantané ou subtil que le Burst Step, mais, en enchaînant les capacités de la terre et du vent, je pouvais améliorer mon accélération initiale sans alourdir mon corps.

Je me suis catapulté vers l'avant, l'air m'échappant inoffensivement jusqu'à ce que Kathyln ne soit plus qu'à quelques mètres.

La princesse inspira brusquement de surprise et tenta de lancer son sort, mais je ne le permis pas. Utilisant le vent une fois de plus, j'ai créé un vide dans ma paume, l'attirant directement dans ma main.

J'ai attrapé le poignet de Kathyln, je l'ai tordu et l'ai jeté par-dessus mon épaule directement sur Buhnd.

J'ai senti une piqûre sur la main qui l'avait touchée, et j'ai baissé les yeux pour voir une couche de givre autour de mes doigts.

Elle a réagi rapidement. J'ai lancé une vague de chaleur pour me dégeler, tout en prenant note de la position de Kathyln près de l'étang.

À ce moment-là, la pièce s'est illuminée - des dizaines d'orbes crépitantes parsemaient l'air au-dessus de nous. Le sort des feux de braise de Lucas - du temps où je me qualifiais pour être un aventurier - m'est venu à l'esprit.

Mais ces " feux " n'étaient pas du feu ; il s'agissait plutôt de globes concentrés d'électricité. Là encore, j'ai pris note.

Camus a profité de l'occasion pour lancer son sort également, en lançant deux lances de vent géantes qui tourbillonnaient férocement comme une foreuse.

Je me suis rapidement déplacé, esquivant l'une des lances de vent, qui a percé un trou dans le sol avant de se disperser. L'autre, en revanche, a pu changer de direction et me suivre en creusant une trace dans le sol sur son passage.

Je commence vraiment à me demander si ce vieil elfe est réellement aveugle. J'ai continué à sprinter, mais ce n'était pas sans but. J'ai foncé vers Buhnd avec la lance à vent derrière moi. J'ai fait de mon mieux pour donner l'impression que je voulais une confrontation frontale, et cela a semblé fonctionner. Le nain barbu s'est revêtu d'une armure et s'est ancré au sol, tenant sa masse bien haut comme un joueur de baseball professionnel de mon ancien monde.

J'ai chargé vers lui, en condensant le feu bleu dans mes paumes. J'ai feinté assez longtemps pour que Buhnd commence son swing. Puis j'ai libéré mon sort de feu sur le sol en dessous de moi et j'ai sauté. La force de mes flammes m'a propulsé dans le ciel comme une fusée, faisant entrer en collision la masse géante de Buhnd avec la foreuse à vent de Camus. Mais mon moment de contentement n'a duré qu'une brève seconde car immédiatement, un barrage de glace a jailli de l'étang en dessous, au moment même où Hester a décidé de lancer les globes de foudre.

Pourquoi ne peuvent-ils pas simplement lancer leurs sorts un par un, me suis-je dit en ronchonnant, mon cerveau se creusant la tête pour trouver la meilleure façon de gérer la situation.

La lueur d'une idée a traversé mon esprit. Mais je devais agir vite. Sans aucune retenue pour la dépense de mana, j'ai libéré une onde de choc de feu vers les éclats de glace qui approchaient rapidement.

La glace a bombardé le mur de feu, produisant de la vapeur et un sifflement aigu.

Dans ma vision périphérique, j'ai aperçu l'augmentation de la luminosité signalant que les orbes de foudre étaient sur le point de se déclencher, mais je ne pouvais pas m'en inquiéter pour le moment.

Sans perdre de temps, j'ai manipulé l'humidité causée par la collision des attaques élémentaires opposées de Kathyln et de moi-même, tout en ralentissant ma descente avec un courant ascendant.

J'ai façonné l'eau que j'avais recueillie, la transformant en une grande barrière autour de moi, au moment où le sort d'Hester lançait un barrage d'éclairs dans ma direction.

L'eau manipulée par le sort de Kathyln - qui avait utilisé l'eau minérale de l'étang - était un conducteur parfait.

La sphère d'eau qui m'entourait a commencé à bouillonner lorsque l'explosion d'électricité a frappé. Un profond bourdonnement emplit la salle d'entraînement tandis que les vrilles d'éclairs scintillaient à la surface de l'eau. Je dois me débarrasser de cette chose avant de toucher le sol.

Manipulant l'eau chargée d'électricité, je l'ai façonnée et l'ai projetée par jets - directement sur Buhnd, celui qui serait le plus faible contre cette combinaison d'éléments.

Buhnd n'avait aucune chance. Son artefact de survie s'est activé, formant une barrière protectrice rose, quelques instants après que le jet d'eau comprimé l'ait frappé, l'électrocutant.

Inutile de dire qu'une fois Buhnd hors jeu, le cours du combat a changé. Cela a pris un certain temps, mais après avoir neutralisé la lance de glace de Kathyln en combinant la technique de compression d'air de Camus et la redirection cinétique de Buhnd, j'ai pu mettre Kathyln hors de combat. "Quelqu'un ne veut vraiment pas payer pour son propre festin de célébration", plaisanta Camus.

"Je ne sais même pas si je peux me permettre de payer le festin", ai-je rétorqué avec un sourire en coin. Comme il ne restait plus qu'Hester et Camus, et grâce au fait que j'avais un accès complet à tous mes éléments, j'ai pu les maîtriser en vingt minutes.

Je me suis effondré sur le sol, la poitrine gonflée et le noyau de mana douloureux. "Je... j'ai gagné."

Camus a gémi, s'appuyant contre un mur pour reprendre son souffle. "Félicitations, mais il y a des questions plus urgentes."

"Je suis d'accord," Hester a hoché la tête à côté de lui en épongeant la sueur sur son front avec un mouchoir. "Qui va payer le coût exorbitant du festin ?" "Je croyais que nous avions décidé que les perdants allaient payer ?" a demandé Buhnd, confus.

Je me suis redressé. Je l'avais pensé aussi.

"C'est vrai, mais pourquoi en blesser plusieurs quand on peut en briser un ?" Camus a ajouté, un sourire se dessinant sur son visage. "Je vote pour que Buhnd paie le repas. C'est lui qui a perdu en premier, ce qui a causé la perte de tous les autres."

"Quoi ?" Buhnd a hurlé. "De quel cul endolori as-tu tiré cette citation ?"

"Je soutiens le vote de Camus", répondit immédiatement Hester en levant la main.

"Hester !" Les yeux du nain se sont agrandis avant de se tourner vers Kathyln. "Princesse. Tu n'es pas d'accord avec ces vieux cons, n'est-ce pas ?" Kathyln, qui avait été avec ma sœur et Emily, a détourné son regard de Buhnd, et a levé la main elle aussi.

Je pouvais voir la mâchoire du nain barbu s'effondrer alors qu'il commençait à calculer le coût de ce repas extravagant avec ses doigts. Après une minute, Buhnd a redressé son dos et s'est éclairci la gorge. "Messieurs. Mesdames.

Nous sommes en temps de guerre. Nous devrions économiser nos ressources pour nos chers soldats sur le terrain. N'est-ce pas, Mlle Emer-argh ! Espèce de vielle peau ! Libère mon lobe d'oreille !"

"A quoi bon donner aux soldats de l'alcool vieux de soixante-dix ans, vieux fou ? N'essaie pas de t'en sortir !" Hester a claqué, entraînant son compagnon par l'oreille pendant que le reste d'entre nous riait.

Après que tout le monde se soit calmé, nous nous sommes installés en cercle pour notre dernier débriefing. C'était un sentiment doux et amer. Deux mois avaient passé en un clin d'œil, mais j'avais tissé des liens avec les aînés et appris à connaître un peu mieux la princesse distante pendant cette période. Vers la fin, Kathyln avait commencé à converser davantage avec Emily et Ellie, et elles avaient même traîné ensemble au château de temps en temps.

Une petite partie de moi voulait oublier le fait qu'il y avait une guerre qui faisait rage en dessous de nous, mais avec Tess et mes parents dehors, je savais que je ne pourrais pas vraiment me détendre avant que la guerre ne soit terminée.

"Maintenant, le moment que tout le monde attendait, j'en suis sûr !" La voix enjouée d'Emily a retenti, me tirant de mes pensées. " Alanis a enregistré la progression de l'utilisation du flux de mana d'Arthur pendant que je compilais les données du général Arthur, de la princesse Kathyln et des aînés Camus, Hester et Buhnd. Je les ai croisées avec les données que j'ai reçues de mes assistants - des étudiants de quelques académies et quelques soldats."

Emily a dû remarquer les traces de scepticisme inscrites sur mon visage alors qu'elle expliquait la taille de l'échantillon et la diversité.

"Il a été assez difficile d'obtenir un plus large éventail de participants, ce continent étant en guerre et tout", a-t-elle dit d'un air sombre. "Cette mesure est quelque chose que je prévois de standardiser et de promouvoir activement avec l'aide de Maître Gideon, donc obtenir des données sera un processus continu. Pour l'instant, vous devrez vous contenter des deux cents entrées que j'ai reçues des différents mages."

Buhnd s'agite sur sa chaise de pierre. "Alors ? Vas-y, ma fille. Seulement un cinquième de mon cul est sur mon siège en ce moment à cause de toute cette impatience."

J'ai réprimé un rire. La réaction de l'aîné barbu me faisait penser à celle d'un élève qui attend avec impatience que son professeur lui rende ses notes.

Emily n'a pas trouvé l'impatience de Buhnd aussi amusante que moi. Elle a commencé à passer rapidement en revue sa pile de papier jusqu'à ce que ses yeux s'illuminent, et j'ai supposé qu'elle avait enfin trouvé ce qu'elle cherchait.

" Ok ! Je vais commencer par l'aîné Buhnd, puisqu'il semble être le plus curieux," commença Emily. "Sachez que ces données ne tiennent pas compte de la maîtrise du mana, mais simplement de la force brute que votre sort moyen contient pendant la bataille."

La jeune artificière tressaillit alors que le regard intense de Buhnd la transperçait en attendant ses résultats. Se raclant la gorge, Emily prit la parole. "Si l'on se base sur l'augmentation du fpu de l'aîné Buhnd par rapport à la moyenne des données limitées que nous avons acquises, il se situe approximativement dans le quatre-vingt-onzième percentile."

"Quatre-vingt-onzième percentile-quoi ? Pas possible que 91% de la population soit meilleure que moi !" Buhnd s'est emporté en tapant des pieds sur le sol.

Je reniflai, incapable de réprimer mon rire tandis qu'Emily regardait le vieux nain avec incrédulité.

Hester se contenta de soupirer et de secouer la tête.

"Cela signifie que seuls neuf pour cent de la population ont un fpu supérieur au tien", répond Camus, peu impressionné par la naïveté de son compagnon. "Oh." La posture de Buhnd s'est redressée et un sourire s'est faufilé, faisant

de sa barbe une sorte de lézard à jabots.

s'étaler comme une sorte de lézard à jabot. "Heh ! Oh."

Hester a roulé des yeux et j'ai repéré ma sœur qui essayait de cacher son sourire avec sa main.

"Encore une fois, ces données ne peuvent pas être considérées comme tout à fait exactes puisque le groupe de données est si petit et très biaisé vers certaines données démographiques", a expliqué Emily. "Il est fort probable que le percentile de chacun augmente au fur et à mesure que les données seront recueillies." Les mots semblent être entrés dans une oreille et sortis par l'autre. Le mot "fierté" était pratiquement écrit sur le visage de Buhnd.

Emily a continué en se tournant vers Camus. "Le fpu de l'aîné Camus est dans le quatre-vingt-treizième percentile."

Buhnd semble revenir à la réalité et ses sourcils se sont froncés lorsqu'il a entendu le score de Camus. Camus a simplement hoché la tête en signe de reconnaissance.

"Le fpu de l'aîné Hester est en fait le plus élevé de tous - quatre-vingt- quatorzième percentile."

Ellie a émis un léger sifflement, tandis que les yeux de Buhnd se sont agrandis. Hester choisit ce moment précis pour jeter un regard hautain vers l'aîné nain.

"Bah ! Les données ne sont pas considérées comme totalement exactes. Tu te souviens ?" Buhnd a répété, furieux.

"Je n'ai rien dit," dit Hester en haussant les épaules. Elle a lissé son visage en une expression neutre, mais le scintillement dans ses yeux vifs montrait encore sa satisfaction.

Je suppose qu'une grande affinité pour la magie est présente dans la famille Flamesworth, ai-je pensé, me rappelant les compétences de Jasmine en magie

- mais pas en magie du feu.

Emily se tourna vers Kathyln en souriant. "Princesse Kathyln, votre fpu est dans..."

La princesse a levé une main en secouant la tête. " Je préfère ne pas me laisser entraîner. Me connaissant, me comparer aux autres me gênera plus qu'elle ne m'aidera."

Alanis a regardé la princesse d'un air approbateur mais est restée silencieuse quand Emily s'est finalement tournée vers moi. "Enfin, le fpu de Arth-du General Arthur est dans le quatre-vingt-dixième percentile."

Les yeux de Buhnd se sont illuminés à nouveau, il a trotté jusqu'à moi et a posé une main sur mon épaule.

"Tu grandiras avec le temps, jeune général, mais pour l'instant il semble que mon fpu soit juste un peu plus élevé que le tien."

"On dirait bien." J'ai souri. Je m'y attendais. Depuis le début, la production de mana brute de l'aîné était plus forte que la mienne. J'avais l'avantage de pouvoir utiliser les quatre éléments de base et les formes supérieures de deux d'entre eux, et la fusion de plusieurs éléments en une seule attaque avait souvent des résultats plus dévastateurs qu'un seul sort élémentaire. Mais dans l'ensemble, je savais que les aînés l'emporteraient.

"Tu parles beaucoup pour quelqu'un qui a été éliminé en premier dans un match à quatre contre un avec le 'jeune général'", s'est moqué Hester.

Buhnd s'est renfrogné, devenant rouge. "Tu veux emmener ça sur le terrain, vieille peau ?"

Le sourcil d'Hester s'est contracté de colère. "Encore la 'vieille peau' !" "Assez de chamailleries !" Camus, assis bien droit sur le siège en pierre que Buhnd avait conjuré pour nous tous, a coupé la parole. "Mademoiselle Emeria. Notre temps passé avec le jeune général a-t-il porté ses fruits ?" L'elfe stoïque inclina respectueusement la tête. "Le taux de flux de mana du général Arthur a augmenté de façon notable. Je crois que ces deux mois ont été utilisés à leur plein potentiel."

" C'est bien ", a dit Camus en se tournant vers moi - un geste que j'ai trouvé étrange maintenant que je savais qu'il pouvait voir tout aussi bien sans me faire face. Je me suis dit que ce geste était plus pour moi que pour lui.

Alanis s'est dirigée vers moi et m'a tendu un petit journal relié en cuir. "Ceci est pour vous, Général Arthur. Les enregistrements détaillés de mes analyses sur cette période y sont consignés. J'ai pris la liberté d'indiquer les domaines de croissance potentielle afin que vous puissiez avoir quelques conseils dans votre entraînement pendant que je ne suis pas avec vous."

"Merci", dis-je sincèrement, en tenant avec précaution le petit livret. "Vous vous êtes vraiment surpassé."

"Ce fut un plaisir de travailler avec vous", répondit-elle avec un hochement de tête courtois.

Buhnd a joint ses mains, attirant l'attention de tous. "Très bien ! Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous tous, mais je meurs de faim et mon esprit n'arrête pas de repenser à ces tonneaux d'alcool vieux de soixante-dix ans !"

"Oui", Hester a acquiescé. "Et l'idée que tu doives payer pour tout ça rendra tout plus savoureux."

Je pouvais entendre Buhnd grommeler alors que les trois aînés se dirigeaient vers la porte. J'ai fait signe aux autres de les suivre également. Ils méritaient tous d'avoir le temps de se détendre et de s'amuser.

"Vous êtes sûrs que je peux y aller ? On dirait que c'est une fête pour les gens vraiment importants", a demandé ma sœur en hésitant.

J'ai tapoté la tête de ma sœur. "Bien sûr que tu es invitée. Je ferais mieux de te voir, toi et Boo, manger suffisamment pour que l'aîné Buhnd soit à la rue !"

Le gigantesque lien d'Ellie a émis un grognement de confirmation avant de la prendre avec son museau et de partir au trot.

Souriant à cette vue, j'ai regardé en arrière pour voir la jeune artificière se démener avec quelques artefacts à l'intérieur de son petit cockpit de panneaux. "Nous sommes les derniers, Emily." "J'ai presque fini de nettoyer. Tu peux y aller."

Ne voulant pas la faire se précipiter plus qu'elle ne l'était déjà, j'ai suivi son conseil. "Tu ferais mieux d'être là, tu ne veux pas qu'Ellie se sente seule à la fête."

EMILY WATSKEN

J'ai rapidement rassemblé la série de papiers qui étaient éparpillés sur le sol derrière mon d'artefact de mesure du fpu.

Après avoir soigneusement placé les composants du panneau dans la boîte en bois, j'ai placé les papiers avec la même précaution sur le dessus, remarquant le nom d'Arthur sur la feuille du haut. Il s'agissait des lectures de fpu que j'avais réussi à recueillir alors qu'il était dans sa forme angélique où ses cheveux devenaient blancs. Je pensais l'avoir perdu.

J'ai secoué la tête et j'ai froissé la feuille de papier. "Quatre-vingt-dix- neuvième percentile. Ce n'est pas possible."

193

MANGER, BOIRE ET S'AMUSER

Après une énième tentative infructueuse pour convaincre Sylvie de faire une pause et de se joindre à moi pour le dîner, je me suis avoué vaincu. Dès que j'ai franchi les imposantes doubles portes de bois teinté, ouvertes pour moi par deux gardes vêtus d'argent, mes inquiétudes ont fait place à l'émerveillement. J'avais l'impression d'avoir complètement quitté le château. C'était peut-être le cas.

J'ai regardé par-dessus mon épaule pour m'assurer que je n'avais pas traversé un portail de téléportation déguisé en porte. Après avoir confirmé que j'étais bien à l'intérieur du château, j'ai pris le temps de savourer les images, les sons et les arômes qui m'entouraient.

Si la taille de la salle à manger n'avait rien d'extraordinaire, les détails de la décoration m'ont coupé le souffle. Rien que le plafond voûté donnait l'impression que cette pièce était une structure distincte du château, et la lumière ambiante diffusée par les orbes flottants au-dessus donnait vie à une scène tout droit sortie d'un livre d'images de princesse.

Contrairement à la fête flamboyante au cours de laquelle le corps congelé du serviteur aux allures de sorcière avait été présenté pour remonter le moral des nombreuses maisons nobles présentes, cet événement dégageait une atmosphère intime et confortable, agrémentée d'un soupçon de conte de fées surréaliste.

Je me suis approché d'un majordome méticuleusement habillé, qui se tenait presque immobile comme une statue, et j'ai pris deux verres d'une boisson somptueuse, quelle qu'elle soit, le liquide violet qui se trouvait sur son plateau.

J'en ai tendu un à Emily, qui était à côté de moi.

Quand ma soeur a essayé d'en prendre un aussi, je l'ai fait reculer. "C'est de l'alcool." Ellie a fait claquer sa langue et a continué à marcher, mais il n'a pas fallu longtemps pour que son mécontentement se diffuse. "Tout a l'air si... magique !" s'est-elle émerveillée, incapable de trouver un meilleur mot pour s'exprimer. "Ça sent très bon ici, mais où est la nourriture ?"

"C'est encore un dîner, pas une fête", ai-je expliqué en désignant la longue table rectangulaire recouverte d'une nappe blanche sans couture et surmontée d'assiettes et de verres vides parfaitement disposés. "La nourriture sera apportée une fois que tout le monde sera là et assis."

L'alcool, notai-je avec amusement, s'étalait contre le mur du fond dans de grands fûts en bois.

"Je commence à avoir faim rien qu'en respirant l'air d'ici", gémit Emily, à deux doigts de baver.

J'ai acquiescé. L'air était chargé d'une concoction d'épices, de sauces et d'herbes qui semblaient s'harmoniser entre elles plutôt que de s'opposer. L'odeur subtile de chêne du feu qui crépitait et pétillait dans la cheminée au fond de la salle à manger confortable contribuait à mélanger et à mêler la variété des ingrédients de cuisine.

Ellie a tiré sur ma manche. "Tu es sûr qu'on n'avait pas besoin de s'habiller correctement pour ça ?"

"L'endroit est beaucoup plus chic que Virion ne le laisse entendre, mais oui, je suis sûr", lui ai-je assuré. "C'est censé être un dîner confortable pour célébrer avant que je ne retourne sur le terrain, ma très chère sœur."

"Je suis ta seule sœur", a-t-elle rétorqué, ses yeux regardant toujours la pièce avec curiosité.

"Alors tu sais que je dis la vérité", ai-je dit fadement. Ellie a gémi à ma réponse pleine d'esprit. "Peu importe."

"J'imagine déjà à quel point ce sera 'confortable'... avec le Conseil, les Lances et les aînés réunis au même endroit", a ajouté Emily, son sarcasme étant pratiquement palpable.

J'ai simplement souri, me séparant d'eux pour savourer ma boisson violette en paix. Bien qu'étant les dernières à quitter la salle d'entraînement, Emily, ma sœur et moi étions les premières à arriver.

Alors que je m'asseyais à l'arrière pour profiter de la chaleur du feu, j'ai vu Kathyln entrer, escortée par Hester. Toutes deux portaient des robes de soirée qui, bien que très peu ornées, étaient incontestablement élégantes... et chères. Ellie et Emily n'ont pas hésité à me lancer des regards furieux en voyant cela, me reprochant mentalement leur tenue relativement informelle.

Je leur ai fait un clin d'œil et j'ai levé mon verre, maintenant à moitié vide. Kathyln pensa que je lui faisais un geste et leva légèrement son verre en retour, souriant timidement avant de reporter son attention sur Emily et ma sœur.

L'aînée Hester s'est dirigée vers moi, un verre à la main également. "Il semble que tu te sois déjà mis à l'aise, tant par ta tenue que par ton comportement." "Je pensais que c'était censé être un dîner décontracté", ai-je reniflé en levant mon verre vers elle.

"Ce n'est pas décontracté ?" dit-elle avec un sourire amusé, en entrechoquant mon verre avec le sien dans un toast décontracté avant que nous prenions chacun une gorgée.

" Être décontracté, c'est porter un pantalon un peu trop grand pour pouvoir s'adonner confortablement à la cuisine exquise qui nous est proposée ce soir ", ai-je dit avec assurance.

Hester m'a regardé avec curiosité. "J'oublie souvent que tu n'es pas d'une maison noble, sans vouloir te vexer."

J'ai ricané. "Je ne le prends pas mal. C'est toujours amusant de voir certains nobles essayer de cacher leur mépris quand une Lance comme moi fait quelque chose de manifestement 'inapproprié'."

"L'étiquette est inculquée à tout le monde ici depuis l'enfance", admet Hester. "Ma mère s'évanouirait si elle te voyait habillé comme ça à une occasion comme celle-ci."

"A vrai dire, ma mère s'évanouirait probablement aussi si elle savait que j'assiste à un dîner si chic en portant ça", ai-je répondu, ressentant un sentiment de culpabilité et de tristesse à la mention de mes parents.

Nous avons siroté nos boissons en silence pendant un moment, regardant le mouvement chaotique du feu comme s'il s'agissait d'un spectacle.

En terminant le reste de ma liqueur violette, j'ai posé à Hester une question qui me trottait dans la tête depuis que je l'avais rencontrée. "Hester. Si je peux me permettre, quelle est votre relation avec Jasmine Flamesworth ?"

Hester, qui observait le feu avec attention, a déplacé son regard vers moi. "Vous vous connaissez tous les deux ?"

J'ai hoché la tête.

Elle a pris quelques instants pour rassembler ses idées : "Alors je pense qu'on peut supposer que la famille Flamesworth t'a fait une impression plutôt négative".

"Ça s'est un peu amélioré depuis que je vous ai rencontré, mais oui", ai-je avoué.

"Jasmine est la fille de mon frère cadet, ma nièce", commença-t-elle en faisant tournoyer le liquide restant dans son verre.

Hester a commencé à me parler un peu de la famille Flamesworth. L'histoire de Jasmine n'était rien que l'on ne m'ait déjà raconté ou que je n'aie deviné moi-même. En gros, le frère cadet - celui qui était le plus fier de la lignée de mages de feu de sa famille - considérait Jasmine comme une gêne pour la maison Flamesworth. Au début, il a fait tout ce qu'il a pu pour essayer de faire ressortir le potentiel latent de Jasmine dans l'affinité avec le feu, espérant qu'elle aurait pu être une double élémentaliste. Lorsque son père s'est rendu compte que le vent était la seule affinité que possédait sa fille, il l'a isolée jusqu'à sa majorité, puis l'a mise à la porte peu après.

Le ton plein de remords d'Hester pendant qu'elle racontait l'histoire a permis d'apaiser un peu la colère que j'avais envers leur famille, mais il y avait encore un goût amer dans ma bouche.

"Votre frère, où est-il maintenant ?" J'ai demandé.

"Trodius est capitaine, sa division est l'une des principales forces au Mur", a- t-elle répondu. " Tu n'as pas l'intention de... "

"Non, je n'ai pas l'intention de faire du mal à votre frère", me suis-je moqué, me retournant pour voir des visages familiers. "J'étais juste curieux. Oh, et concernant votre commentaire sur le fait que chaque noble a une étiquette appropriée qui lui est inculquée…"

Buhnd et Camus venaient de franchir les portes. Alors que Camus portait une robe elfique traditionnelle, Buhnd avait apparemment décidé d'assister à l'événement déguisé en ce qui semblait être un ouvrier agricole.

Hester, qui suivait mon regard, roula des yeux en voyant l'aîné nain finir un verre d'une traite et en prendre deux autres avant de s'avancer vers nous. "Il y a toujours des exceptions."

J'ai hoché la tête. "Une exception en effet."

Il n'a pas fallu beaucoup plus de temps pour que le reste des invités arrivent. Virion m'a félicité pour mon entraînement en me serrant dans ses bras et en me disant que Tess n'avait pas pu venir. J'ai salué cordialement Merial et Alduin Eralith, les parents de Tess, en échangeant quelques civilités. Alduin s'est un peu écarté du sujet, parlant de la guerre et de certains des dilemmes qu'il avait rencontrés dans la répartition des armées elfiques autour d'Elenoir, mais Merial l'a grondé pour avoir parlé de cela ici et l'a tiré à l'écart. Mon échange avec le roi Blaine et la reine Priscilla a été encore plus succinct. Alors que la mère de Kathyln était brusque par défaut, je savais que l'ancien roi de Sapin était toujours mal à l'aise en ma présence - un humain qui était devenu une Lance pour les elfes. J'étais très probablement quelqu'un qu'il considérait comme déloyal envers son royaume natal.

Inutile de dire que lorsque j'ai fini de parler et de porter un toast - et donc de boire - avec les aînés et le Conseil, mes capacités d'inhibition avaient diminué de façon significative. Je ne l'ai remarqué que lorsque j'ai serré dans mes bras un Bairon réticent et que j'ai répété qu'il n'y avait "aucune rancune". La Lance a essayé de s'éloigner sans attirer l'attention sur nous, mais j'ai utilisé l'une des techniques que j'avais apprises de Camus pour créer un vide entre lui et moi.

Trouver des applications réelles pour les sorts est la prochaine étape de la maîtrise, après tout. Après avoir dit ce que j'avais à dire, j'ai relâché la Lance en colère et suis allé saluer Varay et Aya. Les deux Lances revenaient d'une mission près de la frontière entre Sapin et Darv, après avoir aperçu un autre serviteur.

Malheureusement, le dernier serviteur était parti au moment où elles sont arrivées. Nous avons discuté entre nous jusqu'à l'arrivée d'un invité surprise. Vêtue d'une robe jaune vif, qui semblait avoir appartenu à un enfant, se trouvait Mica.

"Mica !" Je me suis exclamé, attirant l'attention de tous sur l'entrée. Le nain, visiblement peu habitué à une telle robe à volants, rougit à cette attention.

Cependant, au lieu de se rétracter, la Lance naine a sorti sa poitrine, a relevé le menton et s'est dirigée vers moi.

J'ai serré la naine dans mes bras, ce qui était un peu gênant vu qu'elle faisait environ la moitié de ma taille. Virion s'est approché et a posé une main sur son épaule. "Nos éclaireurs à Darv ont trouvé suffisamment de preuves pour assurer au reste du Conseil que Mica - ou devrais-je dire le Général Mica - n'était pas impliqué dans le complot de Rahdeas et Olfred avec les Vritra," expliqua Virion avec un sourire.

"L'allégeance de Mica sera toujours envers le pays", confirma la Lance. "Mais Mica est un peu confuse depuis qu'il n'y a pas de nains au Conseil et que le Seigneur Aldir a disparu".

"Nous avons beaucoup à discuter et plusieurs postes à pourvoir, mais cela peut être gardé pour demain", dit Virion de manière réconfortante. "Ce soir, nous apprécions la nourriture, les boissons et la compagnie dans laquelle nous nous trouvons."

Virion nous a laissé pour continuer sa tournée, parlant à tous les autres dans la pièce pendant que Mica et moi bavardions un peu plus. Nous avons gardé notre conversation légère. Je l'ai taquinée sur sa robe à froufrous, et elle m'a rétorqué que j'avais l'air de sortir tout droit d'une séance d'entraînement. Elle a ri quand je lui ai dit qu'elle avait raison.

L'agréable carillon d'une cloche a signalé que tout le monde se réunissait autour de la table. Les majordomes et les servantes ont escorté tous les participants jusqu'à leurs sièges prédéterminés. Comme j'étais l'une des principales raisons de ce dîner, j'avais été placée au bout de la table, directement en face de Virion, avec Kathyln à ma droite et ma sœur à ma gauche. Le Conseil était réparti sur la table à l'autre bout, près de Virion, tandis que les Lances et les aînés étaient assis au centre.

Après que tout le monde ait pris place, Virion a tapé sa cuillère sur le verre pour attirer l'attention de tous avant de prendre la parole.

"Je vais être bref, car je sais que je ne suis pas le seul à avoir faim. Je crois qu'il est important que même nos soldats les plus forts aient la possibilité de se reposer et de se réjouir. Oui, nous sommes en guerre, mais guerre ou pas, il y aura toujours une bataille demain, alors prenez le temps de profiter d'aujourd'hui. Buvez, mangez, riez, afin que vous puissiez aborder demain avec un feu nouveau !"

Nous avons tous applaudi, tandis que la voix bourrue de Buhnd criant " Putain ouais ! " résonnait au milieu de tout ça. Nos applaudissements ont provoqué une ruée organisée de serviteurs portant des plats. C'était un repas elfique traditionnel de dix plats, commençant par une soupe crémeuse garnie de fleurs et de feuilles comestibles.

Mon estomac - qui était mal à l'aise, probablement à cause des quantités copieuses d'alcool que j'avais bu - accueillit les saveurs chaudes et riches. La touche subtile d'une épice inconnue complétait l'épaisseur de la soupe, tandis que les feuilles et les fleurs ajoutaient une surprenante touche de fraîcheur. "C'est tellement bon !" s'exclama Ellie entre deux cuillerées de soupe.

Le bol de soupe en céramique avait été emporté, remplacé par un plateau en argent contenant deux bandes de ce qui ressemblait à du poisson cru. Les morceaux de chair translucide, agrémentés de deux sauces différentes, ont pratiquement fondu dans ma bouche. Les sauces verte et brune ne m'étaient pas familières, mais c'était un mélange de goût de noix et de goût légèrement acide qui servait à masquer la saumure indésirable de l'habitant de l'océan et à faire ressortir les saveurs souhaitées.

Alors que j'avalais le deuxième morceau de poisson, une douleur dans mon abdomen m'a fait plier.

Ai-je trop bu ? Je me suis demandé, en jetant un regard de côté au grand tonneau de liqueur inestimable qui avait été commodément placé juste derrière le siège de Buhnd. "Tu vas bien ?" a demandé Kathyln, son assiette complètement vide.

"Je vais bien", ai-je souri en posant ma fourchette.

Finalement, mon entêtement ne me permettait pas de laisser passer l'occasion de boire un alcool aussi cher. J'ai levé mon verre, pris une autre gorgée et

en faisant rouler le liquide brun foncé dans ma bouche pour en savourer le goût.

J'ai laissé les saveurs aromatiques enrober ma bouche avant de finalement avaler, sentant l'agréable brûlure passer dans ma gorge.

"Je peux essayer ?" m'a supplié ma soeur une fois de plus après m'avoir vu savourer la boisson. J'étais sur le point de lui dire non, mais je me suis arrêté. "Bien. Juste une gorgée."

"Euh, Ellie ?" Emily a ajouté, les yeux écarquillés quand ma sœur a attrapé le verre arrondi. "Tu es sûre de ça ?"

L'ignorant, ma sœur a immédiatement porté le verre à ses lèvres. Comme je m'y attendais, elle n'a certainement pas pris "juste une gorgée" et a plutôt englouti une grande partie de la liqueur.

Déjà préparé à ce qui allait arriver, j'ai lancé un petit vent circulaire qui a aspiré le liquide qui s'est échappé de la bouche de ma sœur lorsqu'elle a toussé.

Les serviteurs qui se trouvaient à proximité ont immédiatement réagi en donnant une nouvelle serviette à ma sœur et en ouvrant un récipient dans lequel j'ai pu verser le liquide qui s'était échappé de la bouche d'Ellie. "Espèce de crétin", a sifflé Ellie, en essayant de ne pas attirer plus d'attention sur elle qu'elle ne l'avait déjà fait. "Tu savais que ça allait arriver !" Réprimant à peine un rire, je l'ai regardée, impassible. "Bien sûr. C'est pour ça que j'ai dit non tant de fois."

" Tu aurais pu me prévenir ! ", a-t-elle protesté en buvant le gobelet d'eau que le domestique derrière elle avait si judicieusement placé à côté de son assiette.

"J'aurais pu", ai-je convenu, laissant ma sœur pantoise.

Emily l'a distraite en lui racontant certaines des modifications qu'elle avait apportées au nouvel arc d'Ellie, pour la détourner de son amertume.

Après avoir débarrassé les assiettes, d'autres plats, plus petits, ont pris leur place. Avant même que je ne baisse les yeux pour voir ce que c'était, l'odeur m'avait déjà poussé à vouloir l'attraper.

Une poignée de crustacés, leurs coquilles noires ouvertes, leur chair baignant dans un bouillon savoureux que je pouvais pratiquement goûter par le nez. Pour compléter les crustacés, il y avait des champignons sautés avec ce qui ressemblait à une flamme.

Le serviteur a recouvert les champignons d'une coupe en cristal pour éteindre la douce flamme. Dès qu'il a soulevé le couvercle, la riche odeur de la liqueur que le chef avait utilisée pour enflammer les champignons s'est répandue dans les environs.

"Du poisson cru, et maintenant des champignons flamboyants ? Intéressant et savoureux !" J'ai entendu Emily chuchoter à ma soeur, qui a hoché furieusement la tête en signe d'approbation.

Les conversations dérivaient dans l'air tandis qu'une musique douce, jouée par un trio de musiciens, fournissait un air confortable pour accompagner le dîner.

Je me suis penchée en avant pour humer une nouvelle fois les arômes complémentaires des crustacés et des champignons quand une nouvelle douleur aiguë m'a poignardé le sternum.

Suis-je allergique à quelque chose ? J'ai pensé, en approchant un champignon de mon nez en signe de suspicion.

La douleur ayant disparu aussi vite qu'elle était venue, j'ai décidé d'arrêter de boire de l'alcool violet tout en avalant une bonne bouchée de champignons.

La souplesse et la fermeté du champignon que j'ai croqué ont dissipé tous les doutes que j'avais encore sur cette nourriture.

Si je suis allergique à ce champignon, qu'il en soit ainsi. Je souffrirai en sachant que c'était pour une bonne cause.

Pendant les quelques plats suivants, j'ai mangé en silence. Kathyln n'était pas très portée sur la conversation ; les rares fois où elle parlait, c'était pour répondre à ce dont ma soeur et Emily parlaient.

Mes pensées ont commencé à dévier vers la guerre et les batailles à venir, mon seul réconfort étant les plats exquis qui ne semblaient jamais s'arrêter et mon verre de liqueur qui ne se vidait jamais.

Il y avait des viandes tendres que j'étais capable de couper avec ma fourchette, et même un sanglier entier sculpté avec une telle précision que je doutais de pouvoir reproduire la tâche même avec ma maîtrise de l'épée.

Il y avait d'autres plats, plus bizarres, qui mettaient en valeur les parties les plus... "indésirables" de diverses bêtes mana en tant que mets supposés délicats. Alors que le dîner devenait plus animé, probablement à cause de l'alcool présent dans l'organisme de chacun.

-j'ai connu un autre épisode de douleur à l'estomac.

Cette fois, c'était une douleur plus vive, comme si quelqu'un me pressait, me tordait et me déchirait lentement l'intérieur. C'est alors que j'ai réalisé que ce n'était pas mon estomac ou même mon foie, comme je le pensais.

C'était mon noyau de mana.

"Quelque chose ne va pas, Arthur ? Tu sembles pâle", a dit Virion, remarquant mon état de l'autre côté de la table.

Je me suis levé de mon siège et j'ai ressenti plus qu'une pointe de regret en regardant le crabe fumant et non touché dans mon assiette. "Mes excuses à tout le monde, mais je pense que je devrai en rester là pour la nuit."

Virion s'est levé à son tour, l'expression de son inquiétude.

Levant une main pour l'arrêter, je me suis dirigée vers la porte, en faisant attention à ne pas trébucher. "Je vous en prie, amusez-vous bien. Je suis un peu fatigué aujourd'hui et je pense que j'ai bu trop d'alcool."

Sans me retourner, je me suis dirigé vers ma chambre, une main utilisant le mur comme support tandis que l'autre appuyait sur mon plexus solaire.

Quelque chose ne va pas avec mon noyau de mana ?

De la sueur froide perlait sur mon visage alors que la douleur prenante devenait plus intense. Lorsque je suis arrivé dans ma chambre, je me suis mis en boule sur le sol, incapable d'aller jusqu'à mon lit. Ma peur et mon inquiétude grandissaient en même temps que la douleur, jusqu'à ce qu'une pensée me traverse l'esprit.

En envoyant une impulsion de mana dans mon anneau, j'ai retiré la corne d'Uto et j'ai instinctivement commencé à absorber son contenu, comme un bébé qui cherche le lait de sa mère.

J'ai glissé dans et hors de ma conscience, le temps s'écoulant comme s'il était pris dans un bocal de sève. Tout semblait lent et la douleur froide et lancinante s'intensifiait jusqu'à devenir insupportable.

Puis deux choses se sont produites en l'espace d'une seconde.

D'abord, j'ai ressenti une poussée d'énergie et de puissance inégalée dans tout mon corps. Je pouvais le sentir dans mes pores et à la pointe de mes cheveux. Puis, je me suis évanoui.

194

SCEAU BRISÉ

J'ai levé les yeux vers la rangée de juges qui regardaient du haut de leur estrade, qui surplombait le stade principal où mon adversaire et moi nous trouvions. Assise au milieu de la rangée se trouvait une femme grande et bien faite, ses cheveux roux flamboyants tombant dans son dos. Deux yeux aigus qui feraient tressaillir même un lion sauvage me regardaient avec intérêt tandis que les autres juges murmuraient entre eux sur les résultats du match.

Je me suis dit, qu'est-ce qu'il y a exactement à discuter ? Mon adversaire, un candidat à la division 2 qui tentait d'obtenir une place en première division, s'est évanoui derrière moi tandis que les médecins s'approchaient avec une civière.

Alors que les juges poursuivaient leur discussion, je me suis rendu compte qu'ils étaient peut-être en train de décider de me faire monter ou de me maintenir en Division 3.

Je pouvais voir Nico et Cecilia du coin de l'œil. Ils attendaient le verdict avec autant d'attention que moi lors de ma première compétition dans cette académie, à l'époque où je croyais encore que le travail acharné donnait de bons résultats.

Après ce qui m'a semblé être une éternité, un homme mince et aîné, à la moustache blanche entretenue un peu trop méticuleusement - probablement pour compenser sa calvitie - s'est éclairci la gorge pour attirer l'attention de tous. "Cadet Grey, pas de nom de famille. Bien que votre match ait été impressionnant, en particulier votre démonstration d'arts martiaux, le faible niveau d'utilisation de votre ki tout au long du tournoi a montré clairement que vous avez des lacunes dans certains domaines fondamentaux, et ceux-ci doivent être revus en profondeur. Par conséquent, Cadet Grey, vous passerez en classe 1 de la troisième division."

Je pouvais sentir mon sang bouillir sous ma peau alors que je faisais tout ce que je pouvais pour supprimer ma rage. J'ai serré les poings, serré les dents, courbé les orteils - tout pour m'empêcher de m'en prendre au juge et à tout le système de l'académie.

C'est alors qu'un éclat de rire a résonné dans toute l'arène. Ma rage brûlante a été instantanément étouffée lorsque j'ai levé les yeux, abasourdi, vers la juge rousse, qui continuait à rire de bon cœur. Je n'étais pas le seul à être choqué par ses actions. Les autres juges ont tourné la tête vers leur collègue avec des expressions allant du choc à la colère en passant par l'embarras.

Le public, qui attendait tranquillement les résultats de cette ultime épreuve, murmurait entre eux, espérant obtenir des réponses sur la tournure des événements.

Finalement, la juge aux cheveux roux s'est calmée, essuyant une larme. "Toutes mes excuses. Je pensais que le juge Drem se moquait de ce gamin en lui disant qu'il devait 'revoir ses fondamentaux'."

À ses mots, le juge moustachu - que j'ai supposé être le juge Drem - a rougi jusqu'au sommet de sa tête brillante. " Dame Vera. " Le juge lui a parlé avec un respect étrange, malgré l'écart d'âge entre eux. "Dans la sainteté de ces duels annuels d'évaluation, votre comportement est inacceptable..."

"Non", la femme aux cheveux roux a coupé net. "Ce qui est inacceptable et pathétique, c'est cette tentative flagrante de retenir ce gamin parce qu'il ne vient pas d'une maison distinguée."

Visiblement non préparé à être agressé verbalement par la femme, le juge Drem a balbutié ce qu'il avait probablement espéré être des mots. "Comment osez-vous... Je n'ai rien fait de tel..."

"Alors comment pouvez-vous justifier le placement du cadet Grey dans une division inférieure à la première ?" Dame Vera a encore interrompu. A ce stade, j'espérais vraiment que cette

dame avait la force physique ou le soutien politique pour justifier son manque flagrant de respect pour le juge plus âgé.

Le juge Drem a fait de son mieux pour rassembler ses esprits, en toussant à nouveau. "Comme je l'ai dit plus tôt, l'utilisation du ki du cadet Grey est insuffisante…"

"Faux." Elle l'a instantanément coupé à nouveau, rendant le juge plus âgé pratiquement furieux de frustration et d'embarras. "L'utilisation du ki de ce garçon est au moins un cran au-dessus des élèves de classe 2 de la division 1. Ce que vous appelez 'manque' dans l'utilisation du ki est en fait qu'il compense son faible niveau de ki à un degré impressionnant."

Les autres juges assis derrière le panneau étaient manifestement d'un rang inférieur à celui du juge Drem, car la seule chose qu'ils avaient fait jusqu'à présent était de jeter des regards sans rien dire entre Dame Vera, le juge Drem et moi.

"Dame Vera", dit le vieux juge en serrant les dents. "Bien que je vous sois reconnaissant de votre perspicacité en la matière, je suis juge depuis près de vingt ans maintenant. S'il vous plaît, rendez-moi le respect que je vous ai témoigné en me montrant le respect que j'ai gagné dans ce domaine."

Dame Vera fit vibrer ses doigts sur le panneau derrière lequel elle était assise, réfléchissant un moment avant de hocher la tête. "Très bien. Je respecte votre verdict, juge Drem."

Avant même que j'aie eu l'occasion d'être déçu par cela, cependant, la forme de Vera a vacillé hors de vue.

Qu'est-ce que...

Elle est apparue au-dessus de moi et a atterri avec un bruit sourd. Bien que j'aie été témoin de tout, j'étais encore incrédule qu'elle ait franchi deux étages avec autant de désinvolture que moi sur un trottoir.

"Gamin. Comme l'a dit le juge, tu seras toujours en Division 3, mais que dirais-tu que je devienne ton mentor personnel ?"

J'ai réfléchi un moment, je me suis même tourné vers Nico et Cecilia pour m'assurer que ce dont j'étais témoin était réel. Je ne savais pas qui était cette femme, mais la façon dont elle se tenait - et l'impressionnante habileté de mouvement qu'elle avait utilisée pour franchir la distance, quelque chose que la plupart des soldats d'élite n'auraient pas fait

-m'a poussé à prendre le risque.

Ignorant la rangée de juges horrifiés ainsi que la foule stupéfaite, j'ai pris sa main. "J'accepte votre offre."

ARTHUR LEYWIN

Je me suis réveillé sur le sol, la main tendue devant moi, un peu comme dans mon rêve. Cependant, au lieu de la main apparemment fragile de Dame Vera dans la mienne, je m'agrippais fermement à la corne d'Uto.

La corne, qui avait auparavant scintillé comme un sinistre bijou d'obsidienne, avait maintenant des fissures et des éclats éparpillés sur son extérieur gris terne.

Il m'a fallu un moment pour me demander comment j'avais pu me retrouver dans cette position avant de me souvenir soudainement. Comme frappé par un éclair, je me suis levé d'un bond. J'ai examiné mon environnement pour la première fois depuis mon réveil, soulagé d'être toujours dans ma chambre et que celle-ci soit relativement intacte. En regardant par la fenêtre, il faisait encore nuit, ce qui signifiait que je n'avais été inconscient que quelques heures.

Repliant mes sens sur eux-mêmes, je concentrai mon attention sur mon noyau de mana, qui n'avait plus d'éclat argenté, mais rayonnait comme un soleil blanc.

" J'ai réussi ", ai-je marmonné, incrédule. Je suis resté concentré sur mon noyau pendant quelques minutes, me contentant de ressentir les sentiments nouveaux et étrangers qui accompagnaient ma percée. La partie paranoïaque de moi voulait juste s'assurer que je n'imaginais pas des choses.

Ce n'était pas le cas. J'étais maintenant un mage au noyau blanc.

En extase, j'ai envoyé une impulsion de mana dans tout mon corps. Le flux de mana était transparent et presque instantané. Je n'avais pas eu l'occasion de lire le carnet qu'Alanis avait écrit pour moi, mais j'avais l'impression qu'elle devait mettre à jour certaines des lectures.

Sans m'arrêter, j'ai tendu ma main, paume vers le haut, et j'ai commencé à façonner le mana. J'ai commencé par quelque chose de relativement facile, en faisant un petit orbe de mana pur.

C'était l'équivalent d'un étirement avant une course.

Après cela, je suis passé à des exercices plus compliqués. J'ai agrandi l'orbe de mana et je l'ai rétréci aussi vite que possible.

Puis j'ai divisé l'orbe de mana en deux plus petits. Après avoir fait flotter une douzaine de petits orbes de mana au-dessus de ma main, j'ai enflammé certains d'entre eux en fusionnant des particules de mana d'affinité avec le feu dans l'atmosphère tandis que je gelais un autre ensemble d'orbes et ainsi de suite. Après quelques minutes d'exercice, j'avais des dizaines de sphères élémentaires différentes, toutes en orbite autour de ma paume.

Pendant tout ce temps, je portais un large sourire sur mon visage, que je n'ai remarqué qu'après que mes joues aient commencé à avoir des crampes.

Il existait des centaines de variantes de ces exercices de manipulation, toutes destinées à aider les mages à s'améliorer en matière de magie organique - un terme qui portait de nombreux noms mais qui signifiait tous la même chose : une magie qui ne nécessitait pas de gestes ou de chants pour être lancée.

Une grande partie de la magie enseignée dans les premières classes de l'Académie de Xyrus était centrée sur la magie stagnante, qui était essentiellement des sorts limités dans leurs variations et leurs utilisations afin d'être reproduits de manière cohérente et facile. Les gestes et les chants que tant de mages utilisaient - et utilisent encore aujourd'hui - aident à guider leur subconscient lorsqu'ils moulent leur mana dans le sort qu'ils souhaitent. L'inconvénient, c'est que la plupart de ces gestes et de ces chants indiquaient essentiellement aux adversaires : " Hé, je vais te lancer une boule de feu ". Il était assez facile pour tout mage décent de contrer une telle magie stagnante.

La magie organique, que j'avais si naturellement appréhendée dès mon plus jeune âge grâce à ma compréhension du mana pour avoir vécu une vie antérieure, était beaucoup plus difficile à lancer et à contrôler.

Chaque fois que je lançais une lame de vent sur mon adversaire d'un simple mouvement de bras, mon cerveau donnait des instructions détaillées sur le mana que j'avais imprégné dans le sort afin d'obtenir la forme, la taille, la vitesse, la trajectoire, l'angle et tout le reste corrects.

Entrer dans le noyau blanc n'était pas aussi impressionnant que je l'espérais, mais c'était un grand pas en avant, plus que toutes les percées précédentes.

Mon contrôle et ma " finesse " sur le mana ont été améliorés d'un cran, comme si l'avancement dans le noyau blanc avait également affecté ma cognition.

J'ai repensé à plusieurs occasions dans le passé, lorsque les Lances avaientdémontrées certaines de leurs prouesses en magie. La capacité d'Olfred à lancer des golems de magma étrangement réalistes, et le superbe contrôle de Mica sur un élément abstrait comme la gravité, étaient deux exemples qui confirmaient mes soupçons. En mettant Alea de côté, je n'avais jamais eu la chance de voir Aya combattre. Bairon était capable de modeler la foudre en une lance géante qui avait l'air aussi détaillée qu'une arme fabriquée de main de maître, et tout récemment, je me suis retrouvé face au dragon de Varay, qui était entièrement fait de glace.

Est-ce la raison pour laquelle toutes les Lances sont si habiles à manipuler le mana ?

Une autre idée m'est venue à l'esprit : le vol. D'habitude, pour voler, il faut faire attention à son corps et à sa production de mana, tout en se concentrant sur autre chose, comme le combat.

C'était la raison pour laquelle la plupart des mages ne volaient pas, même s'ils en étaient capables - à quoi bon voler quand il faut se concentrer entièrement pour le faire ? Et la dépense de mana n'était pas donnée.

Si la manipulation de la mana devenait aussi facile, alors je voyais comment les Lances pouvaient voler tout en me parlant avec désinvolture ou même en lançant des sorts. Désireux de connaître mes limites, j'étais tenté de me rendre immédiatement à la salle d'entraînement et de tester quelques théories - j'étais particulièrement excité à l'idée d'activer Realmheart juste pour voir ce que je pouvais faire. Cependant, à ce moment-là, une douleur aiguë a jailli dans ma tête, me tirant de mes pensées.

Arthur ! Il se passe quelque chose...

La voix de Sylvie résonnait dans ma tête, mais elle était étouffée et déformée.

Sylvie ? Que se passe-t-il ?

Je l'ai appelée plusieurs fois mais je n'ai pas eu de réponse. Les sentiments d'excitation et d'exaltation ont été immédiatement remplacés par l'inquiétude et la peur, en descendant les escaliers jusqu'à la petite salle d'entraînement où elle s'était isolée.

J'ai tourné la poignée métallique froide de la porte, mais elle était verrouillée. "Sylvie, je suis là ! Est-ce que tu m'entends ?"

Pas de réponse.

J'ai secoué plus fort, en espérant que c'était juste coincé. Quand j'ai réalisé que ce n'était pas le cas, j'ai percé un trou près de la poignée, rendant le mécanisme de verrouillage inutile. J'ai poussé la porte et suis entré, mais je me suis arrêté net à la vue de ce qui se passait devant moi.

Au fond de la pièce faiblement éclairée se tenait une petite fille aux yeux écarquillés, vêtue d'une simple robe noire, avec deux cornes noires indéniables sur le côté de sa tête.

Au début, je pensais que je voyais des choses.

J'ai accusé le mauvais éclairage et les ombres qu'il projetait, je pensais qu'ils jouaient des tours à mes yeux. Mais quand je me suis approchée, que la fille a levé les yeux et que nous nous sommes regardées, j'ai su.

"Sylvie ? C'est toi ?"

La fille a esquissé un sourire inquiet, une trace de peur et d'excitation étant évidente dans ses yeux topaze brillants. "Salut, Arthur."

Nous sommes restés là tous les deux. Aucun de nous ne savait quoi faire, quoi dire, comment réagir. Je n'arrivais pas à y croire. Mes yeux me disaient que je voyais une fille qui ne semblait pas avoir plus de huit ou neuf ans, avec de longs cheveux coupés qui étaient de la même couleur blé pâle que le ventre de sa forme draconique ; en regardant de plus près, ses cheveux désordonnés ressemblaient à des plumes douces plutôt qu'à de véritables mèches de cheveux.

Le petit visage de la jeune fille était à peine couvert par ses cheveux, puisque sa frange couvrait à peine la moitié de son front. Ses yeux ronds et jaunes se sont déplacés de manière inquiétante sous mon regard attentif.

Finalement, elle a envoyé une transmission mentale. Combien de temps vas- tu continuer à me fixer comme ça ?

Pris au dépourvu, j'ai tressailli, pas aux mots eux-mêmes mais aux émotions qui s'y trouvaient mêlées.

Contrairement à ce qui s'était passé auparavant, je pouvais ressentir les émotions qu'elle ressentait lorsqu'elle communiquait par mon esprit. Je pouvais voir qu'elle était mal à l'aise et embarrassée, mais en même temps excitée et anxieuse. C'était étrange de ressentir des émotions étrangères dans mon esprit ; je n'avais jamais ressenti cela auparavant. Tout au plus, Sylvie avait été capable de m'envoyer une émotion extrêmement forte, comme si elle me disait ce qu'elle ressentait, mais cela n'avait jamais été aussi... intime, par manque d'un meilleur mot.

"Désolé", ai-je dit à haute voix. "Je suis encore en train de tout digérer. Que s'est-il passé exactement ?"

"Après avoir absorbé le mana du serviteur à partir de la corne que tu m'as donnée, j'ai enfin pu briser le sceau que toi et grand-père avez dit que ma mère avait placé sur moi pour me garder cachée." La différence entre sa voix enfantine et ses mots m'a déconcerté, mais j'ai hoché la tête en signe de compréhension.

"Donc en brisant le sceau, tu as pu débloquer la forme humaine dans laquelle les asuras sont capables de se transformer ?"

" Oui ", dit-elle en baissant les yeux sur ses petites mains. "Pour te dire la vérité, je n'ai pas eu la chance de vraiment étudier les changements dans mon corps, donc je ne peux pas te dire exactement ce qui se passe en ce moment mais..."

Sylvie a brusquement tressailli et titubé, tombant presque en avant avant de retrouver son équilibre.

"Sylvie ? Tu vas bien ?" J'ai demandé, inquiet.

Sylvie est restée sur place pendant un moment, figée. Je me suis approché d'elle avec précaution, incapable de comprendre ce qui n'allait pas. Lentement, elle a levé les yeux vers moi.

Mais lorsque nos regards se sont croisés, un frisson m'a parcouru l'échine. Son apparence était la même - rien n'avait changé - mais sa présence, son comportement, son regard étaient complètement différents. A tel point que j'ai involontairement reculé d'un pas.

Sylvie s'est redressée, balançant son cou d'un côté à l'autre comme si elle l'étirait.

"Ah, ah", a-t-elle dit en se raclant la gorge. "Tu m'entends, oui ?" J'ai levé un sourcil, ne sachant pas comment répondre.

"Je vais prendre ce geste pour un oui", a-t-elle dit dédaigneusement. "Qui es- tu ?" J'ai demandé, mes yeux se sont rétrécis.

Sylvie a souri, une expression qui ne semblait pas naturelle sur son visage. "Je suis heureux que tu te sois trouvé dans la même pièce quand la connexion a finalement été établie. Cela rend les choses tellement plus faciles."

"Qui. Est. Tu ?" J'ai répété.

Son sourire s'est transformé en un rictus. "Agrona."

195

L'HOMME DERRIÈRE LE VOILE

Je sentais le sang s'écouler de mon visage, mais j'ai tenu bon. Malgré cette révélation, je pouvais voir que Syl-Agrona observait attentivement ma réaction. Les deux mêmes yeux jaunes étincelants qui avaient semblé si innocents et confus il y a quelques instants étaient maintenant d'un rubis éclatant et portaient une confiance et une autorité inébranlables - il aurait pu tout aussi bien dire qu'il était une sorte de métamorphe intelligent d'une autre planète et j'aurais été obligé de le croire.

Ne montrant aucun signe que ses paroles avaient un quelconque effet sur moi, j'ai fait un simple geste de la main, lançant plusieurs sorts simultanément. La porte se referma en claquant et une épaisse dalle de pierre se dressa pour barricader l'entrée ; une couche de vent tourbillonnant nous entoura tous les deux, étouffant tout son qui pourrait s'échapper de la pièce.

"Sylvie est-elle en sécurité tant que vous contrôlez son corps ?" J'ai demandé. "Sylvie... un bon nom." Agrona a respiré comme si elle savourait le son. " Oui, ce que j'utilise pour te parler ainsi est un sort inoffensif que j'ai intégré en elle alors qu'elle était encore un œuf. Sylvie est simplement en train de dormir." Deux chaises de pierre surgirent du sol et je pris place, faisant signe à Agrona de faire de même.

Agrona s'est assis, se reposant sur son siège avec satisfaction. "Merci pour l'hospitalité, et pour avoir gardé la tête froide. Communiquer est tellement plus facile quand tu n'essaies pas de me tuer."

"Tu possèdes mon lien, donc te blesser sous cette forme ne serait pas très efficace", ai-je répondu calmement.

Il a haussé les épaules. "Je n'aurais pas été capable de me battre de toute façon, puisque je ne peux pas utiliser d'arts de mana comme celui-ci, mais je m'égare. Si nous parlions de quelque chose d'un peu plus important que les divers défauts de cette méthode de communication ?"

Les secondes s'écoulèrent en silence, avec seulement le faible sifflement du champ de vent qui nous entourait tandis que nous nous fixions tous les deux.

Mon cerveau bouillonnait d'activité, essayant de donner un sens à ce changement soudain d'événements tout en imaginant une façon intelligente d'en tirer pleinement parti. Après tout, ce n'était pas tous les jours que l'on pouvait avoir un tête-à-tête avec le chef de l'ennemi en plein milieu d'une guerre. Mais que ce soit parce que j'avais encore du mal à croire tout cela ou parce que mon inquiétude au sujet de Sylvie me harcelait constamment, même avec ma façade calme, mon esprit n'arrivait pas à garder un train de pensées cohérent. J'ai donc posé la question qui me taraudait depuis qu'il avait pris le contrôle de Sylvie.

"Tu as dit que tu étais reconnaissant que je sois dans la même pièce que toi quand tu as établi la connexion. Pourquoi as-tu seulement cherché à me voir ?" "Bonne question. La première raison, et la plus évidente, c'est que je suis sûr que la plupart des membres de ta hiérarchie ne verraient pas d'un très bon œil mon intrusion sur leur territoire sous la forme d'une petite fille. En supposant qu'ils me croient, ils seraient effrayés à l'idée que je puisse m'introduire dans l'endroit le plus "sécurisé" du continent", a-t-il répondu. "Bien que... ce serait amusant de voir leur réaction."

"Et la deuxième raison ?"

"Parce que" - il s'est penché en avant et a souri - "tu es la seule personne sur ce continent qui m'intéresse".

Je ne m'attendais pas à cette réponse. Qu'est-ce que le chef d'un clan d'asuras crapuleux vieux de centaines, voire de milliers d'années, trouvait d'intéressant chez moi ? Quoi que ce soit, ça ne pouvait pas être une bonne chose.

Mon expression a dû me trahir car l'asura a brusquement laissé échapper un rire. "Ne t'inquiète pas, je ne vais pas soudainement te plaquer au sol et faire ce que je veux avec toi. Même en supposant que mes goûts changent soudainement, ce serait toujours un peu inapproprié sous cette forme, non ?".

J'ai levé les yeux au ciel devant ce supposé cerveau de la guerre intercontinentale, incapable de comprendre son caractère.

" Tu es beaucoup plus excentrique que je ne l'imaginais... presque sociable ", ai-je commenté.

Agrona a levé un sourcil, amusé. "Peut-être me voyais-tu comme un dictateur posé dans une cape de soie, déterminé à faire du monde le mien ?"

"Quelque chose comme ça."

Il a pris une expression grave et s'est penché en avant. "Eh bien..." Agrona a esquissé un sourire. " Tu as en partie raison ! "

Il se pencha à nouveau en arrière, comme s'il ne parvenait pas à trouver une position confortable pour rester assis. "Ne te laisse pas tromper par cette attitude agréable. J'ai mes objectifs, mes ambitions et un visage que je montre à mon peuple en public. Mais pour ce qui est de ma personnalité, après avoir passé des générations et des générations parmi vous, qui semblez changer votre éthique et vos mœurs sociales sur un coup de tête, il est difficile de rester digne et cultivé. Par exemple, même sur mon continent, il y a seulement quelques centaines d'années, il était normal d'avoir des tortures et des exécutions publiques - on apportait même des snacks et on les regardait comme un divertissement gratuit. Et maintenant ? C'est devenu en quelque sorte choquant et horrifiant pour eux." Il a fait un geste dédaigneux de la main. "J'ai mes hommes pour gérer et diriger les inférieurs en fonction de leur sens toujours changeant du bien et du mal."

Wow, il parle beaucoup. Pourtant, il y avait beaucoup de connaissances contenues dans son petit discours. D'après ce que j'avais vu face aux soldats alacryens - et, honnêtement, mes propres préjugés basés sur les Vritra fous comme Uto et la sorcière - j'avais imaginé que le continent ennemi serait une horrible terre désolée remplie d'inférieurs réduits en esclavage pour obéir aux ordres des Vritra.

Mais d'après ce qu'Agrona vient de dire, Alacrya semble être comme n'importe quel pays normal en développement, avec des chefs qui se soucient réellement de leurs citoyens.

"Ce regard que tu as en ce moment." Il a pointé un doigt vers moi. "Ce regard ennuyeux de bonne surprise... tu penses que c'est bizarre que je me soucie des inférieurs d'Alacrya, hein ?"

"Eh bien, d'après ce que les asuras m'ont dit, tu as mené des expériences sur les inférieurs et tu t'es reproduit avec eux avant même d'être viré d'Epheotus", ai-je fait remarquer.

Je m'attendais à ce qu'il se mette en colère, ou du moins qu'il soit agacé, mais au lieu de cela, son expression est devenue sombre. "Le meilleur mensonge est de ne dire que la moitié de la vérité, je suppose. Kezess et son laquais, Windsom, ne t'ont jamais dit pourquoi j'ai fait tout ça, n'est-ce pas ?"

Donc le prénom du Seigneur Indrath est Kezess, J'ai noté intérieurement avant de répondre. "C'était pour construire une armée capable de faire tomber les autres asuras, non ?"

"C'est tout ce qu'ils t'ont dit ?" Agrona a roulé des yeux, tapant avec impatience ses doigts sur l'accoudoir du fauteuil. "Arthur, crois-tu qu'un jour je me suis réveillé avec l'envie de commettre un génocide contre mes frères ?" "Toutes les raisons que tu as ne justifient pas ce que tu essaies de faire", ai-je déclaré fermement.

Il s'est moqué. "J'aurais dû plus ou moins m'attendre à ce que tu aies le même état d'esprit que Kezess et le reste de ses sous-fifres."

Agacé, j'ai demandé : "Que veux-tu dire ?"

"Supposons que tu vives sur ce continent sans pouvoir utiliser la magie ; à quel point tous ceux que tu connais t'auraient-ils traité différemment aujourd'hui ? Les familles royales que tu connais ? Elles n'auraient pas sourcillé dans ta direction. Tes camarades de Xyrus ? Tu ne les aurais jamais rencontrés - tu te serais probablement lié d'amitié avec des voyous et des fermiers de ta propre classe sociale. Ta famille ? Eh bien, ils sont peut-être les seuls à t'aimer, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne seraient pas intérieurement déçus par ton manque de talent. "

J'ai levé un sourcil. "Et... cette personne hypothétique est censée se rapporter à toi ?"

"Les Basilisk en général étaient réputés parmi les autres races, mais imaginez que les membres de ton clan et de ta famille te méprisent pour un talent minuscule sur lequel tu n'as aucun contrôle. Le même Seigneur Indrath qui t'approuvait de sa manière brusque et hautaine n'a même pas trouvé utile de respirer dans ma direction," cracha Agrona, ses doigts griffant l'accoudoir. "Alors tu as trouvé justifié de jouer de façon inhumaine avec les vies d'innombrables "inférieurs " afin que tu deviennes plus fort ?". J'ai répliqué.

Il a incliné la tête. "Est-ce que tu verses des larmes pour les fourmis sur lesquelles tu marches ?"

La rage me brûlait l'estomac, mais d'après son ton et son expression, je n'avais pas l'impression qu'il me regardait de haut. Il pensait vraiment que les inférieurs étaient comme des insectes.

"Il était naïf de penser que nous pourrions avoir une conversation rationnelle", ai-je dit.

Agrona a écarté les bras, me regardant avec un sourire fier. "Ce que j'ai réalisé grâce à ces expériences a profité non seulement à moi-même, mais aussi aux inférieurs d'Alacrya - à tel point qu'ils me vénèrent. Pas par peur, mais par respect. Pour eux, je suis leur sauveur."

"Sauveur ?" Je me suis encore moqué. " Tu as effacé leurs souvenirs de l'assassinat et de la torture des ancêtres de ton peuple ou quoi ? "

"Tuer et torturer... Je peux sentir l'amertume dans tes mots d'ici, Arthur," dit-il, feignant une expression blessée. "J'ai simplement utilisé les nombreux inférieurs qui étaient à ma disposition afin de renforcer les capacités inhérentes de ma propre espèce. Je suis sûr que ces sujets sont reconnaissants que je les aie utilisés. Après tout, j'ai accompli quelque chose d'inimaginable. Ce sont leurs héritiers, les générations futures de leurs familles, qui vivent maintenant pour récolter la récompense de leur sacrifice.

Je voulais lui jeter un regard narquois, mais ce maniaque égoïste croyait vraiment que ce qu'il faisait était bien.

" Qu'as-tu réussi à accomplir pour leurs générations futures qui soit si important que cela remplace les décennies où tu as mené des expériences sur les habitants d'Alacrya ? ". J'ai demandé, jouant le jeu.

"Je répondrai à cette question par une autre question", fit-il d'un geste. "Je sais que la statistique approximative des mages par rapport aux non-mages en Dicathen est de un pour cent. Quelle est la statistique en Alacrya, d'après toi ?" Je suis resté silencieux.

Agrona a souri. "C'est un sur cinq." "Un... un sur cinq ?" J'ai bafouillé.

"Inimaginable selon vos critères aussi, non ?" Il m'a fait un clin d'œil.

"J'admets que ce que tu parviens à faire est impressionnant, mais ne crains-tu pas qu'avec un si grand nombre de mages dans la population, ceux qui t'en veulent encore se regroupent et se révoltent ?"

Agrona m'a regardé une seconde en silence avant d'éclater de rire. " Oh... tu ne plaisantais pas ", a-t-il dit entre deux rires après avoir vu mon expression. "Comme je l'ai dit plus tôt, mon peuple, qu'il ait certains de mes gènes ou qu'il soit encore des inférieurs de plein droit, me vénère. Grâce au processus structuré d'éveil que j'ai conçu pour eux, beaucoup d'entre eux peuvent utiliser la magie pour améliorer leur vie quotidienne."

" Tu es en train de me dire que tu as passé du temps et fait des efforts pour concevoir cette méthode pour quoi... le bénéfice réel des Alacryens ? ". J'ai demandé, sceptique. "J'ai entendu les asuras, mais puisqu'ils sont apparemment si biaisés dans leurs opinions, je veux l'entendre de ta bouche. Quel est ton but dans tout ça ?"

"Ooh, c'est la partie où le méchant se lance dans un monologue et révèle ses plans infâmes au héros vertueux ?" répondit-il avec enthousiasme, en se croisant les doigts.

J'ai secoué la tête. "Tu es fou."

"La folie est relative", a-t-il dit, inébranlable. "Et pour ce qui est de ta question, je n'ai pas l'intention de te dire quoi que ce soit."

" Tu as dit que tu étais intéressé par moi tout à l'heure. J'ai supposé que c'était parce que tu voulais mon aide, mais cacher ton objectif dans tout ça ne me donne guère envie de passer de ton côté ", ai-je poussé, espérant obtenir une réponse de sa part.

Agrona s'est penché en arrière. "Je ne m'attendais pas à ce que tu te ranges de mon côté à la suite de cette petite conversation. Je t'ai raconté tout cela parce que j'espère que tu te retireras de la guerre."

"Quoi ? Pourquoi est-ce que je..."

Agrona a levé une main. " Avant de dire non, réfléchis à ceci. Jusqu'à présent, j'ai progressé de manière très conservatrice dans cette guerre - en évitant les morts civiles inutiles, puisque j'en ai l'utilité - mais cela ne veut pas dire que cela va continuer ainsi.

Tu as à peine réussi à t'accrocher à ta vie jusqu'à présent, mais ce n'est que le début. Statistiquement parlant, quelle est la probabilité que ton camp puisse gagner cette guerre - et que ta famille et tes autres proches soient en vie après tout ça ?" Il a fait une pause avant de reprendre la parole. " Tu peux te cacher, te réfugier en Alacrya- n'importe quoi en fait, tant que tu ne deviens pas un adversaire pour mon armée. Garantie cela, et je garantirai que toi et tes proches ne seront pas touchés."

Ce serait mentir que de dire qu'une petite partie de moi n'était pas tentée. "Qu'est-ce que tu gagnes à ce que je fasse ça ? Me dire de rester caché ou d'aller à Alacrya signifie évidemment que tu me veux vivant. Pourquoi ? Si je ne suis pas de ton côté, ne suis-je pas une menace ?"

"Malgré la façon dont je peux être perçu et ce que j'ai fait pour arriver là où j'en suis aujourd'hui, je ne crois pas que l'on puisse se faire des alliés par la force. Si je te veux de mon côté, je ne le ferai pas par la menace."

Nous sommes restés silencieux pendant un moment. Il attendait que je réponde, et je ne savais pas comment réagir. Je voulais refuser - je devais absolument refuser - mais pour une raison quelconque, ses mots avaient un poids qui me faisait vraiment réfléchir.

"En fait, on dirait que tu y réfléchis", a-t-il dit. "Pour t'en remercier, je vais te révéler certaines choses qui t'intéressent peut-être ou pas." Agrona a lissé les plis de la robe noire que portait le corps de Sylvie. "Premièrement . Tes parents ont été attaqués il n'y a pas si longtemps alors qu'ils transportaient des provisions pour tes forces au Mur, correct ?"

Je me suis levé brusquement de mon siège, le mana se concentrant autour de mon corps.

Toujours assis, Agrona a levé les mains dans un geste d'apaisement. Ses yeux, cependant, étaient féroces. "Tu ne me croiras peut-être pas, mais tes parents sont restés indemnes parce que je l'ai voulu."

"Enfin. Les asuras n'ont pas eu de contact avec tes chefs, n'est ce pas ?" Il n'a pas attendu que je réponde. L'asura qui possédait mon lien s'est levé, tout en gardant son calme. "C'est parce que quelques asuras, dont Aldir et Windsom, ont tenté de s'infiltrer dans mon château d'Alacrya, espérant qu'ils parviendraient à me tuer alors que mes forces sont divisées."

"Essayé ? Cela signifie qu'ils ont échoué", ai-je répondu, mon cœur battant plus vite. "Cela ne signifie-t-il pas que le traité est rompu ?"

Agrona a secoué la tête. "Non. Ni mon camp ni les asuras d'Epheotus ne le souhaitent, mais ils devaient payer pour avoir violé le traité. Alors nous avons passé un autre accord."

J'avais peur de demander, mais je l'ai fait quand même. "Quel est le marché que vous avez passé ?"

"Les asuras d'Epheotus ne peuvent plus vous aider de quelque manière que ce soit pendant cette guerre," répondit-il en s'approchant un peu plus. "Windsom, Aldir, et le reste des asuras que vous avez rencontrés vous ont abandonnés, vous et Dicathen."

Il serait tentant de dire que je suis resté imperturbable et que j'ai pris la nouvelle à la légère, mais ce serait un mensonge. Dans ma tête, j'utilisais toutes les insultes que je connaissais pour exprimer la frustration et la panique qui bouillonnaient en moi.

Finalement, après avoir retrouvé assez de sang-froid pour reformer des mots, j'ai parlé. "Pourquoi me dis-tu tout ça ?"

"Pour te séduire, bien sûr. J'essaie finalement de t'avoir de mon côté de ton plein gré, tu te souviens ?". Agrona a fait un clin d'oeil. "Franchement, je ne vois pas d'où vient ta loyauté envers ces asuras. Kezess et les autres asuras qui t'ont aidé à t'entraîner ne l'ont fait que pour leur propre bénéfice ; tu as simplement suivi le mouvement parce que tu avais besoin de devenir plus fort pour garder tes proches en sécurité. Ça ressemble plus à un arrangement commercial pour moi."

J'ai secoué la tête. "Quand bien même. Tu as dit que tu avais été conservateur pendant cette guerre, mais alors que tu es apparu comme bien élevé jusqu'à présent, tes serviteurs ont massacré des soldats avec joie."

"Exactement comme tu l'as dit. Des soldats", fit remarquer Agrona en claquant des doigts. "Et vraiment... Je pense qu'il n'est pas très juste d'évoquer cela alors que ton camp a traité mes hommes avec à peu près la même hospitalité. Je dirais que congeler ma pauvre Jagrette et exhiber son cadavre comme une sorte de trophée devant les nobles n'est guère mieux que ce qu'elle ou n'importe lequel de mes autres soldats ont fait. "

Je n'arrivais pas à trouver les mots. Je n'aurais pas dû être surpris qu'Agrona dispose d'informations aussi détaillées, mais l'entendre parler des événements qui s'étaient déroulés au château, comme s'il en avait été le témoin, était difficile à digérer. Il est clair qu'il était bien mieux informé de nos actions que nous ne l'étions des siennes.

Le silence enveloppa la pièce, attirant mon attention sur le son du vent qui sifflait autour de nous.

"Ce dont nous avons discuté aujourd'hui n'est pas quelque chose que tu peux organiser en l'espace de quelques minutes. Je vais te laisser le temps de réfléchir à tout ça", dit-il enfin, rompant le silence. "D'ailleurs, Sylvie semble se réveiller de son sommeil. Après avoir réfléchi, récite ce sort à Sylvie pour que tu puisses me donner ta réponse."

Il envoya une suite de mots étrangers par transmission mentale, me laissant le temps de m'en souvenir. Puis il a continué : " Je te conseille cependant de faire un choix rapidement. Comme je l'ai dit plus tôt, nous passons à l'étape suivante de cette guerre, et je peux t'assurer que ce ne sera pas à l'avantage de ton camp. Te proposer cet accord ne te donne pas l'immunité en cas de refus ou de non réponse."

" Attends ", j'ai appelé. "Ce que tu m'as dit tout à l'heure... que j'étais le seul sur ce continent à t'intéresser. Tu ne m'as jamais dit pourquoi."

"Je suppose qu'il n'y a pas de mal à te le dire". Agrona se tapota le menton avec un doigt, réfléchissant un instant. "Disons que j'ai apprécié de parler avec un de tes vieux amis, Roi Grey."

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Chapitre Volume 6
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