The Problematic Prince (Novel) Chapitres 101 à 153

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Tome 1 – Chapitre 101 – Boues souillées

Erna avait disparu sans laisser de trace.

Tout ce qui restait était les coussins soigneusement empilés et la couverture pliée. Il y avait aussi un petit sac en papier rempli de bonbons aux couleurs vives.

Bjorn était assis immobile, attendant patiemment son retour. Le sac de bonbons abandonné, auquel elle s'accrochait toujours comme une extension d'elle-même, laissait entendre qu'elle ne pouvait pas être allée trop loin.

Ce n'est pas une enfant.

Alors qu'il touchait un bonbon, un doux sourire courba ses lèvres. Il sortit délicatement un bonbon jaune pâle et la mit dans sa bouche, savourant l'arôme piquant du citron.

C'était le même parfum qu'il goûtait à chaque fois qu'il embrassait Erna.

Savourant lentement la saveur des bonbons dans sa bouche, il regarda la forêt baignée par la chaude lueur du soleil de la fin de l'été.

Selon les avocats en charge, les stratagèmes commerciaux trompeurs de Walter Hardy seraient bientôt terminés. Bien qu'il ait dépassé ses attentes en matière d'investissements, la situation n'a pas été trop difficile à gérer le plus silencieusement possible. C'était la seule chose que Bjorn avait demandée.

Tout en comprenant la gravité de la situation et les exigences qu'elle lui imposait, il priait pour que les rumeurs sur son père décrié n'atteignent pas les oreilles d'Erna. Il ne voulait pas voir sa femme bouleversée.

Bjorn aimait le sourire d'Erna et il endurerait bien pire pour s'assurer qu'elle éclairerait toujours la pièce avec. C'était comme un rêve à chaque fois qu'elle lui souriait et s'il devait risquer des ennuis pour cela, il était plus que disposé à le faire. Juste pour la simple valeur d'avoir la beauté d'Erna à ses côtés, il était prêt à tout endurer.

Bjorn vérifia sa montre de poche, puis regarda à nouveau le sac de bonbons. Il savait qu'il allait devoir affronter Walter tôt ou tard, le plus tôt serait le mieux, avant que Walter ne cause le moindre chagrin à Erna.

« Erna ».

Il répéta le nom avec un soupir en frappant le sac de bonbons et les bonbons en sortirent. Les bonbons portaient l'inscription « ta femme ». Erna Dniester, sa femme, lui appartenait.

« Votre Altesse? »

Bjorn ouvrit à nouveau sa montre de poche lorsqu'il entendit une voix familière. C'était Lisa, la jeune bonne qui suivait Erna partout.

« Où est Erna ? » lui demanda-t-il

Il regarda à peine Lisa, alors qu'il scannait la zone du jardin, les foules et les groupes groupés, mais elle n'était nulle part en vue.

« N'était-elle pas avec vous, Votre Altesse ? Je pensais qu'elle l'était », lui répondit Lisa, perplexe.

« Alors tu ne sais pas non plus où elle est ? »

« Eh bien, elle dormait profondément ici, Votre Altesse. J'ai dû aider au pique-nique pendant un moment et quand je suis revenue, elle ne dormait plus sur la couverture, alors j'ai pensé qu'elle était partie avec vous. » Lisa ne put s'en empêcher, mais une larme commença à couler sur sa joue.

Bjorn regarda intensément la forêt, avant de reporter son regard sur le pique-nique. Il consulta une nouvelle fois sa montre, le pique-nique allait bientôt se terminer et Erna avait disparu. La gravité de la situation le frappa et il se leva de son siège, incapable d'ignorer l'urgence de la situation.

***********************************

« Erna ? »

Pavel marmonna le nom avec incrédulité. Il était trop préoccupé par la scène devant lui pour se souvenir des titres.

« Oh mon Dieu, Erna! »

Erna marchait comme un fantôme depuis un certain temps et s'est arrêtée lorsqu'elle a entendu son nom être appelé d'une voix familière. Sa robe blanche, qui avait de l'herbe accrochée, ondulait dans la brise, dansant avec ses cheveux lâches.

Pavel sauta d'un rocher à proximité et courut vers elle, trop rongé par l'inquiétude pour ne serait-ce que remarquer les pots de peinture qu'il avait renversés au passage.

« Ça va, Erna ? Qu’est ce qui s'est passé? »

Erna avait l'air hébétée, comme si elle rêvait et à en juger par les yeux injectés de sang et les joues gonflées, elle avait pleuré. Son visage était pâle, plus que d'habitude, elle paraissait presque sans vie.

« Erna, tu m'entends ? » Pavel attrapa les épaules d'Erna et la secoua doucement.

« Pavel ? »

Erna cligna des yeux plusieurs fois et elle rougit avant de finalement reconnaître Pavel.

Elle le regarda anxieusement.

« Es-tu venu ici seule ? Où est votre mari ou vos bonnes ? Il t'est arrivé quelque chose de mal ? »

« Non, non, pas du tout », dit Erna à la hâte, en secouant la tête. « Le chemin… je… je me suis égarée. »

« Erna ».

«Je suis allé me promener et je pense que je me suis partie trop loin. Je ne connais pas le chemin du retour. » Erna essuya ses larmes du revers de la main.

Pavel a pensé qu'elle mentait, mais a choisi de jouer le jeu et a hoché la tête. Voyant qu'Erna semblait sur le point de s'effondrer au moindre contact, il n'insista pas davantage.

« Je vais aller chercher quelqu'un, alors attends ici une minute, d'accord ? » Pavel conduisit Erna jusqu'au rocher sur lequel il était assis et la laissa s'asseoir.

Le terrain était un endroit privilégié pour les journalistes essayant d'avoir un aperçu de la Grande-Duchesse et Pavel ne savait que trop bien comment ils traiteraient Erna s'ils la voyaient avec lui. Bien qu'il ait eu honte de sa propre lâcheté, il ne pouvait pas se résoudre à soumettre Erna à plus de problèmes.

Ne voyant pas d'autre option, Pavel décida de laisser tomber la frustration montante, pour le bien d'Erna, il valait mieux qu'il aille chercher quelqu'un le plus discrètement possible.

********************************

Se cache-t-elle quelque part ?

C'était la réponse typique de ceux qui avaient appris qu'Erna avait disparu. Avant, elle apparaissait par intermittence, sans trop de soin, mais maintenant qu'elle était complètement partie, les gens l'ont remarqué.

« Gâcher une si belle journée comme celle-ci, seulement pour rendre la duchesse Heine plus pitoyable », une femme d'âge moyen fit claquer sa langue avec désapprobation, alors qu'elle regardait un groupe de serviteurs se précipiter pour fouiller la forêt.

S'ils l'avaient laissée seule, elle reviendrait à temps. Le prince faisait énormément de bruit en organisant une équipe de recherche. De nombreux nobles avaient choisi de rester, même si le pique-nique s'était terminé plus tôt que prévu.

Le spectacle était tout simplement trop intéressant pour le manquer, battant toute autre forme de divertissement. Bien qu'il ne le reconnaisse pas ou qu'il ignore simplement l'attitude des autres, le prince a agi sans hésitation. Bien qu'il fût un prince plutôt

complaisant, surtout après ce mariage absurde, il était devenu doux. Tout ça à cause de sa deuxième femme.

Il y avait peu de mots de sympathie pour le prince, qui était tombé en disgrâce à cause d'elle. Les conversations s'éloignèrent de lui alors qu'il réapparaissait de la forêt, indiquant qu'Erna était toujours portée disparue.

« Si quelqu'un à l'extérieur devait le voir, il penserait qu'il a perdu un grand trésor » a fait remarquer quelqu'un sur la recherche effrénée du Prince.

Au moment où les commentaires désapprobateurs reprenaient, la Grande-Duchesse sortit de la forêt, escortée de deux hommes.

« N'est-ce pas le peintre ? » dit quelqu'un en reconnaissant Pavel Lore.

Les badauds, qui ne se souciaient d'aucun des serviteurs, se fixèrent sur le peintre aux cheveux roux. Il semble que le peintre soit l'homme à avoir retrouvé la Grande-Duchesse.

« ERNA ! » cria Bjorn.

Erna s'arrêta en sortant dans le champ et regarda Bjorn, ressemblant à un bébé cerf perdu. Elle était échevelée, les yeux gonflés et les vêtements couverts de taches d'herbe.

Le manteau du peintre drapé sur ses épaules.

Il n'y avait pas de place pour des soupçons sans fondement, avec Pavel, il y avait un autre homme avec lui et il n'y avait aucune allusion à des actions douteuses. Juste un passant aidant une dame en difficulté. Il n'y avait rien de plus que cela.

Bjorn en était bien conscient, mais tomba dans une crise de rage. Il méprisait Pavel Lore, qui se tenait triomphalement aux côtés d'Erna. Erna le vit et sembla presque reculer derrière le peintre. Cela ne l'a rendu que plus contrarié.

Bjorn serra si fort les poings que ça faisait mal, son esprit s'emballait comme s'il était poursuivi par quelque chose.

Quand cela avait-il commencé ? Il réfléchit, encore et encore.

Était-ce à partir du moment où il avait engagé Pavel pour faire leur portrait ?

Partageaient-ils des regards affectueux autour de la toile ? Ou quand Erna lui choisissait un cadeau pour leur lune de miel?

Au fond de lui, Bjorn savait que les pensées étaient absurdes, Erna s'était toujours opposée à l'arrivée de Pavel.

Des émotions incontrôlables le dévoraient. Bjorn eut froid en regardant Erna, qui se cachait derrière le peintre.

Tout semblait toujours aller bien quand elle souriait, mais Erna tremblait maintenant, derrière le dos de cet homme. Elle était revenue, mais semblait être une femme

complètement différente. L'embarras se mêlait à la colère et Bjorn se sentait comme un enfant qui n'obtenait pas ce qu'il voulait.

Pavel était comme un voleur, un sale petit voleur. Comment ose-t-il. Aveuglé par la rage, la raison de Bjorn le laissa dévorer par les flammes de sa colère, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que l'angoisse paralysante, qui frisait la terreur et la haine bouillonnante envers le peintre. Le fait qu'il s'agissait d'un malentendu n'avait plus d'importance.

Bjorn traversa le terrain à grands pas. Tous les spectateurs se sont désintéressés maintenant que la Grande-Duchesse avait été retrouvée et se sont enfuis.

Louise regardait son frère avec un étrange malaise, mais comme la tension s'était apaisée avec l'apparition de la Grande-Duchesse, elle poussa un soupir et retourna à ses propres affaires, mais cela fut interrompu une fois de plus, par des gens qui hurlaient Bjorn avait traversé le terrain à grands pas, jusqu'au peintre et sans avertissement, avait lancé un coup de poing, attrapant Pavel complètement par surprise, envoyant l'homme s'affaler au sol.

« OH MON DIEU! FRÈRE ! » cria Louise.

Bjorn ne s'est pas arrêté là, il a commencé à donner des coups de pied au peintre alors qu'il était allongé sur le sol.

« BJORN ! ARRÊTE ÇA! » Erna, choquée par cet affrontement, a attrapé le bras de son mari, essayant de l'éloigner.

L'agitation a fait reculer les foules dispersées, sentant que le divertissement n'était pas encore terminé. Des mots de stupéfaction et d'étonnement pouvaient être entendus dans la foule rassemblée, mais personne n'était disposé à intervenir.

Pavel a finalement pu se relever et bien que le combat ait été à sens unique jusqu'à présent, il semblait qu'il n'allait plus supporter les coups du Prince. Les spectateurs ont grandi dans l'excitation.

« PAVEL ! » hurla Erna, mais les deux hommes étaient déjà empêtrés.

Ils balançaient leurs poings l'un contre l'autre. Pavel était aussi grand que le Prince et un peu musclé, riposta de toutes ses forces et le combat s'intensifia.

« Arrête, mon frère, qu'est-ce que tu fais ? » Louise tenta d'intervenir.

Elle s'est précipitée avec les amis de Bjorn, qui avaient entendu le vacarme et se sont précipités sur les lieux pour aider. De façon inattendue, ils ont tous été bousculés dans l'arène et se sont précipités vers Bjorn. Ensemble, ils ont pu séparer les deux hommes.

« LAISSEZ-MOI PARTIR ! » cria Bjorn, essuyant le sang qui coulait sur son menton.

Les deux hommes avaient l'air sévèrement battus et respiraient fortement, la rage dans les yeux, ils étaient clairement prêts à s'attaquer à nouveau et ne voulaient pas céder jusqu'à ce que l'un ou l'autre soit mort.

« Calme-toi Bjorn, as-tu la moindre idée de ce que tu fais ! » dit Léonard.

« Lâche-moi, espèce de bâtard ! » cracha Bjorn, essayant de repousser Peter et Leonard.

« VOTRE ALTESSE! »

Il y eut un cri dans la foule. Les deux hommes, qui n'avaient pu que se voir, tournèrent la tête pour voir Erna allongée face contre terre dans l'herbe.

« Erna... » marmonna Bjorn et se précipita pour l'aider « ERNA! »

Les badauds qui ne pouvaient plus profiter de la situation retinrent leur souffle, et les champs tumultueux devinrent silencieux en une seconde.

Le silence lourd fut remué alors que les pas du prince portant sa femme résonnaient dans les airs.

Ps de Ciriolla: A la la ... la jalousie ça n'a jamais rendu les gens intelligents... et notre prince n'échappe pas à la règle

Tome 1 – Chapitre 102 – Une journée atrocement longue

« Pourquoi as-tu fait ça? » demanda Erna, elle avait été silencieuse pendant la majeure partie du trajet de retour en calèche et ne parla qu'une fois que le palais fut en vue.

« Pourquoi avez-vous attaqué Pavel comme ça? »

Ses cheveux, emmêlés comme ils l'étaient, étaient couverts d'herbe et son teint était pâle. Elle contrastait fortement avec la belle femme qui était sortie de sa chambre ce matin-là. Ce qui l'aurait normalement bouleversée dans son apparence semblait insignifiant maintenant.

Erna tourna lentement la tête et regarda Bjorn, qui était assis à côté d'elle. Il avait fermé les yeux, complètement impassible et avait l'air de dormir.

« Bjorn ? »

« Tais-toi, Erna » soupira Bjorn. « Ne dis rien de plus »

Il ouvrit les yeux et regarda Erna, ses yeux froids et gris contenaient une étincelle de colère qui envoya des frissons dans le dos d'Erna. Elle resta sans voix et ne put que bouger ses lèvres, incapable de prononcer des mots. Bjorn referma les yeux.

Un trophée remporté grâce à un pari.

Les mots cruels traversèrent la tête d'Erna et traversèrent son cœur. Elle sentit la douleur dans sa poitrine comme une force physique. Elle savait qu'au fond d'elle-même, ce qu'elle partageait avec Bjorn n'était pas de l'amour, mais elle croyait qu'il y avait au moins une certaine sincérité dans leur relation. Même si ce n'était que par sympathie pour une pauvre femme qui s'était retrouvée dans une terrible situation.

Pour lui, elle ne pouvait même pas être un objet de pitié. Alors qu'Erna s'en rendait compte, une profonde tristesse s'installa dans son cœur, éclipsant la colère grandissante.

Elle avait cru en Bjorn.

Malgré ce qu'on pourrait dire, il était la seule personne qui l'avait protégée dans ce monde cruel dans lequel elle se trouvait. Pour cela, elle l'aimait.

Ironiquement, Erna s'est rendu compte qu'elle était déjà tombée amoureuse de Bjorn et c'est venu au moment où son cœur s'est brisé.

La nuit où leurs regards s'étaient croisés, sous le parapluie qui les protégeait de la pluie froide. Quand les beaux feux d'artifice ont illuminé le ciel nocturne avec de merveilleuses couleurs. La fête sur Harbour Street. Non, peut-être dans la salle d'exposition faiblement éclairée du musée d'art, quand le prince lui avait embrassé le dos de la main dans l'attente. Elle avait déjà senti son cœur s'emballer rien qu'à la vue de son sourire.

Erna ressentit un sentiment croissant de tristesse et d'apitoiement sur elle-même alors qu'elle réfléchissait au passé. Un trophée d'un pari gagnant. Elle n'avait été rien de plus que cela pour lui. Elle lui avait donné son cœur, succombant à son stratagème pour la gagner. La pensée de sa propre folie la piquait.

Son cœur se serra encore plus. Il avait été son salut, mais elle n'était que son pion. Elle fit de son mieux pour retenir ses larmes, mais les larmes obscurcissaient déjà sa vision.

Elle avait envie de crier et d'argumenter, incapable de supporter la douleur qui ne faisait qu'aggraver son chagrin.

Peu importe à quel point sa réputation avait été mauvaise, il avait été le suivant pour le trône. C'était un homme qui aurait pu épouser qui il voulait, s'il l'avait voulu. Alors, quand elle a pensé qu'elle n'était qu'un trophée pour lui, leur mariage semblait encore plus absurde et elle ne pouvait plus rejeter la faute uniquement sur Bjorn.

Le poids de la responsabilité qu'il avait assumée ; protéger le manoir Baden, rembourser les dettes de la famille Hardy, rectifier les torts de son père, qui seraient toujours un problème. Tout pesait sur Erna. Comment pouvait-elle même oser en vouloir à l'homme qui avait fait tout cela pour elle ? Il avait fait tout cela et n'avait rien demandé en retour.

Si la seule raison pour laquelle Bjorn l'a épousée était de garder un trophée et d'éviter tout problème, alors ne devrait-elle pas le supporter ? C'était le moins qu'elle puisse faire, mais que faire de la honte et du chagrin. Même si elle devait tout comptabiliser, cela ne serait pas près d'équilibrer tout ce qu'il avait fait.

Erna sentit la peur la saisir quand elle réalisa que Bjorn pouvait en effet la considérer comme rien de plus qu'une épouse déficiente.

Il était toujours méticuleux dans ses calculs et en tant que tel, c’était un homme plus impitoyable que la plupart. Il ne tolérerait pas une épouse trophée qu'il considérait comme sans valeur ou comme un handicap.

Un an au maximum, disaient les gens.

Alors que les souvenirs des railleries blessantes dont elle ne voulait pas se souvenir revenaient à la surface, la voiture s'arrêta jusqu'au pont du Grand-Duc. C'est alors que les larmes d'Erna ont commencé à couler de façon incontrôlable. Elle se souvenait de l'anticipation qu'elle ressentait lorsqu'elle se tenait sur ce pont, l'attendant.

Je t'ai donné ma fleur préférée

Alors que les larmes troublaient sa vision, elle crut pouvoir voir le gage de promesse qu'elle lui avait donné ce jour-là. Elle ne pouvait s'empêcher d'être reconnaissante que Bjorn l'ait accepté avec une telle facilité. Alors qu'elle imaginait le prince le portant fièrement sur son collier, elle eut l'impression qu'une fleur avait fleuri dans son cœur.

Comme ça a dû être drôle pour lui. Les gémissements de tristesse d'Erna couvraient le bruit de la calèche roulant sur les pavés.

« Ne pleure pas Erna » dit Bjorn sans ouvrir les yeux, le son de son irritation était palpable. « Pourquoi pleures-tu de toute façon ? C'est moi qui suis un connard ici. »

Ses mots étaient si pitoyables sortant de sa bouche qu'il en gloussa.

Il savait.

Bjorn s'est rendu compte qu'elle n'avait rien fait de mal. C'était lui qui était devenu irrationnel pour une affaire aussi insignifiante et qui avait tout fait s'effondrer et le pire était qu'il ne semblait pas pouvoir se contrôler, un fait qui était vrai à l'époque et encore maintenant.

Terrifiée, Erna ravala ses larmes. La voiture s'arrêta juste au moment où le dossier du siège commençait à irriter les nerfs sensibles de son dos.

« Le médecin traitant arrivera bientôt » annonça Mme Fitz alors qu'un valet de pied ouvrait la porte de la voiture.

Bjorn répondit d'un simple hochement de tête.

« Votre Altesse, Sa Majesté vous attend »

« Maintenant? »

« Oui votre Altesse »

Même en présence intimidante de Bjorn, Mme Fitz était inflexible.

« J'ai l'ordre de vous assurer que vous vous dirigez directement vers le Palais d'été à votre retour »

*************************************

L'atmosphère dans le bureau s'alourdit lorsque le dernier loup entra dans la pièce. Avec des mains calleuses, le chef de la police a porté la tasse de thé à ses lèvres, faisant de son mieux pour cacher la peur, ils disent que les loups pouvaient sentir la peur et étant entouré par eux, dans leur tanière, il ne pouvait s'empêcher de se sentir comme un agneau.

« Voudriez-vous l'expliquer à Bjorn, maintenant qu'il est ici » déclara le prince héritier Leonid.

Un sentiment de désespoir a submergé le chef de la police alors que le prince héritier parlait fermement. Avec un gros soupir, il posa sa tasse de thé. Il prit soudainement conscience de la sueur qui se formait sur son brun et ses paumes, même si c'était une soirée fraîche.

« Eh bien » dit le prince héritier avec impatience.

La tension était épaisse et ses lèvres sèches tremblaient alors que le chef cherchait les mots justes. Bien que faire face au roi et au prince héritier n'était pas une tâche facile, ce n'était rien face au grand-duc froid et à son visage de pierre.

La nouvelle était sûre de ruiner la bonne humeur qui pouvait rester à l'intérieur de l'homme et l’air renfrogné qu'il arborait suggérait qu'il avait peut-être déjà entendu la nouvelle, ou quelque chose d'aussi mauvais. L'apparence échevelée du Grand-Duc, les taches claires de sang séché sur son col et les ecchymoses sur ses articulations, on aurait dit qu'il venait déjà d'avoir battu un homme.

« Expliquez-moi » dit Bjorn nonchalamment.

Le Grand-Duc regarda le chef de la police d'un regard calme et l'encouragea poliment. Il n'était pas difficile pour le chef de détecter la fatigue qui se cachait derrière l'irritation.

« Je suis désolé, Votre Altesse » dit finalement le chef de la police. « Si j'avais été au courant de cela plus tôt, j'aurais tout fait pour l'arrêter, mais il s'était arrêté aux journaux avant de venir au poste de police, ne me laissant aucun moyen de l'arrêter.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est impératif que vous soyez tous informés de la situation. »

« Allez droit au but » répondit Bjorn, plus par ennui qu'autre chose.

« Bien sûr, Votre Altesse » le chef de la police s'éclaircit la gorge. «Cet après-midi, un homme du nom de Hans Webber, qui dirige une société commerciale, a rendu visite au poste de police de Schuber. Il a soumis une déclaration alléguant qu'il avait été victime d'une arnaque par un membre de la famille royale, et il a menacé de dénoncer l'individu responsable. » Le chef de la police a parlé d'une manière plate et professionnelle, son dévouement à son travail l'a emporté sur la peur d'être mangé par des loups.

«Avant son arrivée à la gare, comme je l'ai mentionné plus tôt, il était déjà allé dans les journaux avec son histoire. Ce sera publié dans le journal de ce soir » dit-il en regardant sa montre de poche. « Dans quelques minutes. C'est quelque chose que nous ne pouvons plus empêcher. »

Son rapport rendu, le préfet de police sortit un mouchoir et tamponna les perles de sueur qui se formaient sur son front. Il avait une vague idée de ce qui allait suivre et le Grand-Duc le fixa de ses yeux gris et froids.

« Je suis désolé » s’excusa le chef de la police et s'inclina profondément. Il essayait surtout d'échapper au regard du Grand-Duc. « La plainte déposée par Hans Webber accuse Son Altesse la Grande-Duchesse et je suis désolé de dire qu'une enquête complète devra être menée »

***********************************

À court de mots, Leonid grogna simplement de frustration. Il ne savait pas quoi dire pour consoler Bjorn. Comme si ce n'était pas assez pénible pour qu'Erna doive supporter toutes les rumeurs et les mauvaises attitudes, elle allait maintenant être mêlée à ce scandale. Cela aurait pu être différent si c'était quelqu'un d'autre.

« Est-ce que tu ris ? » Leonid a demandé à Bjorn.

Bjorn se tourna vers lui avec un énorme sourire sur le visage, alors qu'ils marchaient dans le couloir. Leonid était plus qu'un peu surpris. Depuis qu'il a appris la nouvelle, Bjorn est resté stoïque. Peut-être n'a-t-il pas bien compris.

Au moment où la gravité de la situation a sombré pour les autres, Bjorn avait quitté le dossier, quittant le bureau sans même un bruit de reconnaissance ou de chagrin.

« Bjorn, pouvez-vous prendre cela au sérieux ? Même si la Grande-Duchesse est innocente, cela concerne la réputation de la famille royale. Sans aucun doute, son père a quelque chose à voir avec ça », s’énerva Leonid.

Malgré l'appel sérieux de Leonid, l'humeur de Bjorn est restée inchangée. Il regarda par la fenêtre alors qu'ils passaient devant, puis de nouveau vers Leonid, toujours avec ce sourire stupide sur le visage. Il aurait pu être stoïque devant leur père, mais devant Leonid, Bjorn a montré sa vraie personnalité.

« Rien n'est tissé de manière trop complexe pour ne pas être décousu. Si une enquête est nécessaire, alors nous ferons l'objet d'une enquête, rien ne sera trouvé, j'en suis certain. Les vrais coupables seront découverts et sanctionnés. C'est aussi simple que ça

» dit Bjorn.

« Vraiment? Et si cela arrive, allez-vous vraiment incarcérer Walter Hardy ? »

« Eh bien, peut-être pas moi, après tout, les autorités de Lechen en sont plus que capables » a déclaré Bjorn. « Je vous suggère de partir, cependant »

« Bjorn ? »

« Leo, j'ai eu une très longue journée et je suggère que si vous ne voulez pas être pris entre deux feux et ressentir l'impact de mes poings, je vous suggère de sortir d'ici » Bien que Bjorn arbore toujours un sourire, Leonid a eu le sentiment définitif que Bjorn ne plaisantait pas. Malgré l'envie de résister et de se tenir aux côtés de son frère, Leonid a reculé. Bjorn jeta un coup d'œil fugace à Leonid et sortit du Palais d'été comme s'il se promenait tranquillement.

Alors que Bjorn se hissait dans la voiture qui attendait, il laissa échapper un profond soupir et ferma les yeux. Perdu dans la contemplation de la façon de mettre fin à une vie humaine, il fut brusquement réveillé alors que la voiture sortait de la demeure du grand-duc.

Bjorn repéra Mme Fitz se tenant prête avec toute une série de serviteurs qui l'attendaient. Il descendit de voiture, fatigué de sa courte sieste.

« Où est Erna ? » C'est tout ce qu'il a dit, dans un murmure las.

« Son Altesse est dans la chambre, avec le docteur Erickson »

Bjorn fronça les sourcils devant cet invité inattendu. L'examen aurait déjà dû être terminé, dans des circonstances ordinaires.

« Félicitations Votre Altesse » a ajouté Mme Fitz. « Vous allez être père »

L'esprit de Bjorn se brouilla, comme de l'encre tombant dans l'eau. Il se contenta de fixer Mme Fitz alors que son expression devenait celle de l’excitation et de la joie incontrôlables.

La journée a vraiment été atrocement longue.

Ps de Ciriolla : Je connais une lectrice dans les commentaires qui va sauter de joie XD

Tome 1 – Chapitre 103 – Conformément

aux lois

« Cette nouvelle ne devrait-elle pas être gardée secrète ? Je ressens tellement de honte que je ne peux pas montrer mon visage en public. »

La jeune fille était allée en ville faire une course et revint en courant en larmes. Les soupirs de ceux qui étaient déjà au courant de la nouvelle l'accueillirent.

« Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis ridiculisée et raillée par les autres. Il m'est devenu impossible de mentionner à qui que ce soit que je travaille pour le domaine des Grands-Ducs. »

La femme de chambre haletait lourdement en parlant et alors que le dernier mot se déversait, elle fondit en larmes une fois de plus. Il semblait que chaque conversation était centrée sur la grande-duchesse ces derniers temps, tout cela à cause du scandale.

La grande-duchesse s'est révélée être une escroc au sein de la famille royale.

« Je sais ce que vous voulez dire », dit un autre serviteur. « Il m'est devenu impossible de socialiser avec mes amis. Même lorsque la réputation des princes était au plus bas, elle n'a jamais été aussi mauvaise. »

« Quelle chance au milieu de cela » gloussa un autre serviteur. « Comme il est commode que la nouvelle de la grossesse de la grande-duchesse survienne en même temps qu'elle soit poursuivie pour escroquerie? »

« Je suis désolée pour le prince, il ne peut pas divorcer de sa femme maintenant qu'elle est enceinte. On dirait qu'elle va finir par l'entraîner avec elle. »

« Pourquoi penser comme ça ? Il s'est séparé de la princesse Gladys alors qu'elle était enceinte. Quelle est donc la différence avec la Grande-Duchesse ? »

A chaque commentaire, la tension dans la salle augmentait. Ceux qui soutenaient la Grande-Duchesse étaient à court de mots et même s'ils prenaient sa défense, les commentaires n'en devenaient que plus calomnieux. C'était plus sûr pour tout le monde s'ils restaient silencieux là-dessus.

«Le prince travaille avec diligence, jour et nuit, pour régler ce bordel et pourtant, elle semble utiliser la grossesse comme excuse. Elle ne fait que bien manger et bien dormir.

Je ne peux même pas commencer à imaginer à quel point elle doit être à l'aise, comme si elle n'avait aucun sentiment de honte. »

Comme si les moqueries constantes suffisaient à invoquer son nom, la cloche de service sonna pour la chambre de la grande-duchesse.

« Tu vois avec quelle diligence je m'occupe de tous ses besoins ? »

Un groupe qui avait sympathisé avec les moqueries éclata de rire. Il était midi et le soleil était de plomb, c'était l'heure d'un déjeuner rafraîchissant.

********************************

« Vous devriez manger plus, Votre Altesse » dit Mme Fitz, regardant les assiettes à moitié vides. « Vous devez penser à la santé du bébé, a insisté le docteur Erickson, vous avez besoin de manger et de vous reposer pour le bien-être de votre enfant »

Erna la regarda avec des yeux vides et hocha la tête en signe d'accord. Elle saisit sa cuillère et força la nourriture dans sa bouche. Elle l'a mâché et a fini par l'avaler.

« Vous vous débrouillez bien » Votre Altesse.

Finissant le reste de sa nourriture, Erna s'affaissa sur le monticule d'oreillers derrière elle. Mme Fitz et Lisa ont débarrassé les assiettes et les couverts sales.

Erna regarda par la fenêtre, l'après-midi d'été était torride. Elle se sentait si confinée, comme les chaudes journées d'été, l'affaire de fraude de son père et la grossesse, elles se sentaient toutes comme les serpentins autour d'elle. Son nom circulait plus que jamais.

Il n'a pas été difficile de comprendre toute l'histoire derrière l'affaire de fraude, qui avait conduit à l'expulsion brutale d'Erna. Walter Hardy, son père, avait été perpétuellement en proie à des problèmes financiers et avait eu recours à la vente du nom de sa fille en échange de pots-de-vin. Dans un effort pour tromper, il avait imité une lettre au nom de sa fille, la Grande-Duchesse, en utilisant son sceau et tout. Ce n'était pas la faute des victimes d'avoir confondu l'auteur avec la Grande-Duchesse.

Erna laissa échapper un profond soupir en se massant les mains, elles étaient encore froides même par une journée aussi chaude. Elle avait été informée qu'un officier viendrait plus tard dans l'après-midi pour lui poser quelques questions.

Bjorn lui avait annoncé la nouvelle l'autre soir, d'un ton d'épuisement profond. Elle était consciente de la façon dont il avait travaillé sans relâche pour arranger ce foutoir. Elle ne pouvait pas le regarder dans les yeux et se contenta de hocher la tête.

Il avait veillé quelque temps près de son lit, s'en allant sans dire un mot de plus. Le bruit de la porte de la chambre qui s'ouvrait et se fermait a duré un certain temps.

«On m’a annoncé que tu étais enceinte », avait-il dit. C'était peut-être un tour de son imagination, mais elle sentit que le ton était plus indifférent que d'habitude, comme si c’était quelque chose de tout à fait insignifiant. Erna ne réussit qu'à hocher légèrement la tête. Elle avait été surprise par son absence de réaction.

« Reposez-vous, Erna. » Puis il est parti.

Erna n'a pas pu s'empêcher de se demander si Bjorn n'était pas content qu'elle soit enceinte, considérant qu'elle n'était qu'une épouse trophée. Alternativement, il aurait pu encore être aigre de son altercation avec Pavel.

Erna a attendu son retour avec impatience, mais il n'est jamais revenu. Cette nuit-là, il a rompu sa promesse de partager son lit. Au début, elle était triste et en colère, mais lorsqu'elle a appris la raison de son absence, elle s'est sentie désolée pour lui.

La cupidité imprudente de son père avait non seulement détruit la réputation de la grande-duchesse, mais avait également entraîné un incident qui avait fait de Bjorn, et du reste de la famille royale, la risée du jour au lendemain. Le niveau de critique et de ridicule dirigé contre eux augmentait de jour en jour.

Bien que l'enquête ait exonéré Erna des agissements de son père, elle n'a pas mis fin à l'affreuse épreuve. Après tout, la belle-fille de la famille royale était désormais qualifiée de criminelle et de fraudeuse. Qui pourrait bien tolérer une chose pareille ? Même Erna avait du mal à se réconcilier.

Elle avait honte, faute d'un meilleur mot.

Elle avait profondément honte de sa propre immaturité et de sa naïveté. En tant que fille qui aspirait à l'amour de Bjorn et avait rêvé d'une vie de bonheur, elle s'est rendu compte qu'elle n'avait jamais vraiment compris ce que cela aurait impliqué. La situation avait révélé à quel point elle avait été négligente.

Les doigts d'Erna tremblaient alors qu'elle essuyait les larmes chaudes qui coulaient sur ses joues. Elle réussit à reprendre un peu le contrôle de ses émotions juste au moment où un coup sourd retentit à la porte. C'était Lisa, son expression était sombre.

« Votre Altesse, il y a des invités »

Erna vérifia l'heure et hocha la tête, se glissant hors du lit et se préparant pour l'officier qui arriverait sous peu.

***********************************

Bayle a suivi Bjorn, ses jambes bougeant sauvagement pour suivre les longues enjambées délibérées de Bjorn. Il fut amené dans le hall d'entrée de la résidence du Grand-Duc. C'était un étalage excessif pour une simple affaire d'escroquerie, pour laquelle il cherchait simplement à prendre la déposition de l'accusé.

Le prince Bjorn avait personnellement choisi Bayle parmi une foule d'avocats et formé une formidable équipe de défense pour la grande-duchesse. Bayle a donné des conseils juridiques suggérant qu'il pouvait disculper la grande-duchesse sans recourir à des mesures extrêmes, mais Bjorn semblait l'avoir complètement ignoré et a poursuivi sa propre approche.

Était-ce la seule chose que Bjorn ignorait ?

La colère du public face au scandale a exigé que la Grande-Duchesse se présente au poste de police en personne et en subisse directement les conséquences. Même les républicains, qui s'opposaient à la famille royale, se sont joints à eux, déversant des attaques quotidiennes et insistant sur le fait qu'elle ne méritait pas la courtoisie du à la famille royale.

Il s'agissait d'un effort coordonné pour faire pression sur la famille royale et mettre fin à la chute de la grande-duchesse. Même le chef de la police, un royaliste loyal, semblait vaciller face à une telle indignation publique, mais le prince Bjorn est resté imperturbable.

Le prince Bjorn est resté ferme dans sa conviction que la grande-duchesse ne devrait pas être soumise aux demandes du public, en particulier compte tenu de son état délicat récemment découvert. Il l'a exprimé au chef de la police, affirmant que la santé de sa femme était de la plus haute importance et que tout stress excessif pouvait nuire à la fois à Erna et au bébé. Il a mis au défi le chef de la police d'assumer la responsabilité si un mal devait arriver à Erna et a affirmé qu'il avait une confiance totale dans l'équipe défensive.

Peu importe ce que l'on disait, le prince ne faisait que répéter l'affirmation constante.

Les critiques auxquelles il a été confronté pour ses actions étaient abondantes et claires, l'accusant d'être un père sans cœur envers le fils qu'il a eu avec la princesse Gladys, mais chérissant maintenant l'enfant dans le ventre d'une criminelle. Le prince est resté têtu et a refusé d'écouter quoi que ce soit.

À la fin, le loup fou a gagné.

Peu importe à quel point la grande-duchesse était malheureuse, l'enfant qu'elle portait à l'intérieur était le bébé du prince et le petit-fils du roi, donc personne n'osait lui faire de mal.

La volonté inflexible du prince Bjorn a persisté malgré la désapprobation et la colère, non seulement du public, mais aussi de la famille royale et des hauts fonctionnaires.

Cela frôle la folie en soi.

Bjorn avait ordonné à Bayle de résoudre tous les problèmes en suspens. C'était un ordre qui avait une telle signification qu'il a envoyé un frisson dans le dos des avocats. Bjorn voulait anticiper tout futur interrogatoire et confrontation impliquant sa femme.

Bayle se dirigea vers le salon où attendait la grande-duchesse. Il ne put s'empêcher de laisser échapper un petit soupir inconscient. La défendre était une tâche simple, traiter avec le Prince ne l'était pas.

Un simple examen de l'écriture de la Grande-Duchesse suffirait, pour révéler que la Grande-Duchesse n'avait pas envoyé les lettres qui avaient induit la victime en erreur. Il s'est également avéré que ce n'était pas le sceau de la Grande-Duchesse qui avait été utilisé par Walter Hardy.

Le problème, c'est qu'en innocentant la Grande-Duchesse, on ne ferait qu'impliquer son père, Walter Hardy, dans une affaire criminelle.

La nature du délit était si flagrante et odieuse que même l'avocat le plus accompli aurait eu du mal à la défendre. Dans le meilleur des cas, le beau-frère du roi serait emprisonné, accusé de fraude, d'insulte à la famille royale et de répréhension morale pour avoir tenté de vendre sa propre fille.

Bjorn avait écouté attentivement les arguments de son équipe de juristes et donné une réponse comme si le sol s'était dérobé sous leurs pieds. Personne n'a osé rompre le silence qui régnait et s'est contenté de regarder le prince fumer son cigare.

« Ne vous concentrez pas sur Walter Hardy, il n'est pas à prendre en considération »

leur avait dit Bjorn. « Concentrez-vous plutôt sur la défense de ma femme. »

Bjorn s'est comporté comme un homme qui donnerait sa vie pour défendre la grande-duchesse, alors quel choix avait Bayle ?

Il ne faisait aucun doute qu'il n'avait pas l'intention de divorcer de la Grande-Duchesse, et s'éloignant du scandale, comment auraient-ils géré la situation pour abandonner la pauvre fille de toute façon ? Bayle n'a pas trouvé de réponse suffisamment décente à cette question.

Compte tenu des circonstances, il était hautement improbable que la famille royale et le public autorisent jamais la fille d'un criminel condamné à conserver son titre et sa position. Étant donné la réputation du prince d'être obstiné et imprévisible, il était possible qu'il ait ses propres motivations et il serait peut-être plus simple de l'accepter.

Bayle prit une profonde inspiration tandis qu'ils s'approchaient de la porte du salon.

Elle s'ouvrit en grinçant et révéla la Grande-Duchesse, qu'ils avaient travaillé si dur pour la défendre. En la regardant, Bayle se rappela une fois de plus le cœur de leur défense.

Leur seul objectif était de défendre et de sauver cette petite fille devant lui et Walter Hardy n'était pas une considération.

Ps de Ciriolla : mais quel connard son père... et encore je suis polie, comme si elle avait besoin de ça... pauvre Erna, il y a mieux en début de grossesse

Tome 1 – Chapitre 104 – Bluffer

Walter Hardy est pris au dépourvu et se demande si le Prince va envoyer le père de sa femme en prison. Ce qui s'est passé n'était pas intentionnel et n'aurait probablement pas eu lieu si Bjorn n'avait pas saisi ses biens en premier lieu, alors ne devrait-il pas être tenu pour responsable lui aussi ?

Bjorn était assis de l'autre côté de la table, à côté de Walter. Il ressent un mélange de haine et de nostalgie pour le Prince, et lorsque leurs regards se croisent, Bjorn adresse à Walter un sourire insouciant, comme s'il oubliait où il se trouvait.

'Tu as l'air en forme', dit Bjorn.

Un avocat et un policier se tenaient dans le coin, à l'écart. Lorsque les policiers sont venus s'occuper de la propriété, Walter était plus qu'en état d'ébriété et il s'en est suivi une brève bagarre avec le policier. Pour couronner le tout, Walter devait également répondre d'une accusation d'agression contre un agent de police.

Lorsqu'il a été traduit en justice, il a compris qu'il ne pourrait plus utiliser sa fille comme bouclier et qu'il devrait faire face aux conséquences de l'utilisation illégale de son nom. Comment pouvait-il savoir qu'elle allait être accusée de fraude et de chantage

?

« Comment as-tu pu me faire ça, comment ? » Walter finit par laisser éclater sa frustration.

« Eh bien » Bjorn haussa les épaules, « je doute que ce soit ce que dirait un père accusant sa fille d'être une tricheuse »

« La réputation de l’enfant ne s'est-elle pas déjà vérifiée ? Quel est l'intérêt de me garder ici ? Le père de la grande duchesse, enfermé comme un vulgaire criminel. Je m'excuse profondément, je le jure, je ne ferai plus jamais d'erreur. Laissez-moi au moins partir pour le bien de mon petit-fils à naître »

Walter regarde la pièce avec anxiété, de Bjorn à l'officier et à l'avocat. Son visage est très abîmé par la bagarre avec l'officier. Bjorn n'avait pas vu quelqu'un d'aussi malmené depuis qu'il avait été témoin des blessures d'Erna.

Bjorn allume son cigare et laisse échapper un épais nuage de fumée au visage de Walter Hardy. Ce dernier tousse et tente d'éloigner la fumée.

« Ma femme n'a pas de père, vicomte Hardy, vous n'avez pas plus de petit-fils que de fille. »

L'avocat tendit à Bjorn une liasse de papiers soigneusement compilés, que Bjorn prit comme s'il prenait le journal quotidien. Il les posa sur la table devant Walter, qui put voir de quoi il s'agissait. Son visage est devenu fatigué et rempli de mépris.

« Comment avez-vous pu ? Comment peux-tu prétendre être son mari, l'aimer, mais rompre son lien avec la seule famille qu'elle ait ? »

« Vous avez abandonné votre fille une première fois, je ne doute pas que vous l'auriez rejetée une seconde fois une fois son utilité épuisée » sourit Bjorn. « Si vous acceptez ces conditions, nous pourrons éviter l'emprisonnement, mais vous devrez quitter la ville et faire le mort »

« Absolument pas. »

« Alors je suppose que c'est la prison pour vous » dit Bjorn en faisant claquer sa langue et en s'adossant à sa chaise. « Les perspectives pour vous sont sombres, emprisonné pour fraude et agression d'un officier de police. Si c'est ce que vous désirez, alors qu'il en soit ainsi, je devrai aussi divorcer d'Erna, nous ne pouvons pas laisser la famille royale s'associer à des criminels, quelle que soit la marge »

« D... divorcer de votre femme, Erna ? » La colère dans les yeux de Walter s'estompa et fut remplacée par de la perplexité.

« Je vous donne l'occasion de faire ce qu'il faut pour la fille que vous prétendez tant aimer. Je préférerais ne pas avoir à subir les ennuis d'un second divorce, mais si vous insistez pour continuer à vous appeler le père de la grande-duchesse, je n'aurai pas le choix. »

« Vous pensez vraiment que je vais me laisser entraîner dans un tel mensonge ? »

« Qu'est-ce qui vous fait croire que vous avez le choix ? »

« S'il vous plaît, ne faites pas ça, s'il vous plaît, pour le bien de l'enfant... »

« L'enfant ? Pensez-vous vraiment utiliser un enfant à naître pour obtenir de la pitié ?

Mon enfant, l'enfant d'Erna ? » Bjorn ricane en direction du vicomte. « Je pense que vous vous surestimez et que vous surestimez votre fille. J'ai divorcé de la fille du roi Lars, qui m'a donné un fils. Croyez-vous vraiment que je suis incapable de divorcer de votre fille ?

»

Bjorn se lève de son siège et domine Walter. Son regard pénétrant mettait Walter au défi de faire le moindre faux pas et, face à ces yeux gris inébranlables, sa respiration devenait de plus en plus difficile.

« Si tu ne romps pas les liens, tu devras assumer la responsabilité d'Erna et de son enfant à naître. Dès que je divorcerai d'Erna, je renierai également l'enfant et il ne sera jamais reconnu comme un membre de la famille royale. »

« Votre Altesse »

« Si vous souhaitez que votre fille vive confortablement et dans le bonheur, tout en veillant sur votre petit-fils, je le ferai de tout mon cœur. Vous savez ce qu'il vous reste à faire pour que cet idéal devienne réalité » dit Bjorn avec sincérité. « Vicomte, je vous exhorte à faire ce qu'il faut, à choisir la voie la plus favorable pour vous, votre fille et votre petit-fils. Ma patience n'est pas illimitée »

S'éloignant de la table, Bjorn s'inclina sans mot dire. Walter n'a pas pu répondre, le choc des choses n'étant pas encore passé. Sans un mot de plus, Bjorn quitta la pièce. Tandis que la porte en fer se refermait, Walter fixa le document sur la table.

******************************

En ouvrant la grosse enveloppe, un livre à la reliure grossière en est sorti. Le titre était

'Le nom de l'amour et l'abîme'. Il s'agit du dernier ouvrage publié par Hermann Publication, dont le titre vient à peine d'être finalisé.

Les yeux de Catherine Owen se remplissent de larmes en regardant le livre. L'œuvre posthume de son défunt frère était enfin imprimée et transportée de l'autre côté de la mer. Tous les éditeurs de Lars auraient pu rejeter les poèmes, mais ils étaient là, dans toute leur gloire non censurée.

« Dans un premier temps, nous commencerons à publier dans Lars. La plupart des intellectuels de Lechen qui sont intrigués par Gerald Owen connaissent bien Lars et ce livre va certainement susciter beaucoup d'intérêt. Une fois que le buzz aura pris de l'ampleur, nous avons l'intention de publier une version traduite en lechen, afin que tout le monde puisse y avoir accès. À ce moment-là, le livre aura déjà fait circuler Lars »

explique calmement l'éditeur Hermann, assis en face de Catherine.

Catherine écoutait attentivement, serrant le livre contre sa poitrine. La perspective de découvrir la vérité sur la mort de son frère et la femme responsable lui procurait un sentiment de soulagement.

« Actuellement, la nation entière est bouleversée par le scandale de la Grande-Duchesse, je prévois donc de publier le livre une fois que la situation se sera un peu calmée. Est-ce que cela vous convient? »

« Je suis d'accord » acquiesce Catherine avec hésitation, « maintenant que tout est terminé, il n'y a plus de raison d'attendre. Si possible, j'apprécierais que le livre soit publié à un moment où il recevra le plus d'attention »

« Alors, prévoyons cette éventualité »

Hermann devient grave, il ne se fait aucune illusion sur l'impact qu'aura ce livre, non seulement sur Lars, mais aussi sur Lechen.

« Faite ce que vous pensez être le mieux » dit simplement Catherine.

**********************************

Erna était restée endormie toute la journée. Bjorn tira les rideaux pour bloquer le soleil de l'après-midi et s'installa dans le fauteuil à côté du lit, afin de pouvoir l'observer de près. Il desserra sa cravate et poussa un léger soupir.

Erna avait passé les derniers jours à se reposer. Elle était déterminée à suivre les ordres des médecins, à donner à l'enfant le meilleur départ possible, et il valait mieux qu'il reste à ses côtés.

Le fait de voir le visage d'Erna se ternir de plus en plus, jour après jour, a rappelé à Bjorn le poids de la grossesse sur elle. Il semblait que l'enfant poussait cette femme résiliente jusqu'à ses limites. À un moment donné, elle avait du mal à avaler une simple gorgée d'eau, mais elle semblait s'améliorer un peu au fil du temps.

Bjorn contempla le ventre encore plat d'Erna et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Même s'ils n'avaient pas d'enfant, il n'abandonnerait jamais cette femme au monde. Il ne pouvait pas nier le pouvoir que sa grossesse avait sur le public. Alors qu'elle prouvait sa valeur, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un sentiment de fierté.

Elle aurait pu être une vraie Dniester.

« Bjorn ? » dit Erna en s'endormant, « tu es rentré tôt »

Erna se leva prudemment pour s'asseoir et frotta ses yeux endormis. Elle avait l'air épuisé, ce qui n'est pas habituel pour quelqu'un qui vient de se réveiller d'une sieste.

« Vous êtes occupé ? » Elle était impatiente d'apprendre des nouvelles de son père, l'anxiété et l'appréhension se mêlant à ses paroles.

« J'allais justement voir le vicomte Hardy » répondit Bjorn.

Ce fut un choc pour elle, car normalement il serait parti sans dire un mot. Prise au dépourvu, Erna soupira et s'agrippa au bord de sa couverture.

« Erna. »

« Oui ? »

« Tu… » il n'était pas sûr de devoir le dire, mais elle méritait de savoir. « Tu n'as plus de père. Efface le nom Hardy de ta vie »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Erna était confuse, peut-être était-elle encore groggy par le sommeil, mais la compréhension lui échappait.

« J'ai passé un accord avec Walter Hardy, pour obtenir sa libération, il devait couper les ponts. Ton père a accepté ces conditions »

Bjorn se donnait deux jours au maximum avant que Walter n'appelle et n'accepte. Sa fille n'était que de l'argent pour lui et l'égoïste qu'il était ne voulait pas aller en prison.

Sa fille n'était plus qu'un fardeau pour lui.

« Il est donc préférable que vous l'écartiez de votre vie, c'est le seul moyen de rester en paix. »

Même si l'isolement ne pouvait pas protéger Erna des accusations qui étaient lancées dans sa direction, au moins elle ne serait plus prise dans les intrigues de Walters. Pour Bjorn, c'était suffisant, les critiques du monde entier, c'était bien, mais il ne laisserait personne oser ébranler la Grande-Duchesse.

« Hé Bjorn....Je veux savoir » dit-elle en le regardant d'un air piteux, « pourquoi m'as-tu épousée ? »

« Quoi ? »

Bjorn fronce les sourcils, confus, une question à laquelle il ne s'attendait pas. Il avait l'air agacé, agacé qu'on lui pose une question aussi ridicule.

La voix d'Erna s'est brisée, elle a pris un moment pour rassembler son courage. « Le pari que tu as fait avec tes amis, celui qui a commencé sur la table de cartes du club social »

Ps de Ciriolla: si tu as bien bossé avec le père, mais mon coco va falloir la jouer fine sur tes explications

Tome 1 – Chapitre 105 – Une fleur qui ne

fane jamais

Bjorn resta silencieux et écouta attentivement. Les mots, d'abord difficiles, jaillirent des lèvres d'Erna comme une cascade. Erna joignit ses mains froides et tenta de calmer son cœur qui battait la chamade.

Le jour où elle est allée voir Bjorn pour lui demander de la conduire à l'autel, elle avait déjà décidé de le préférer à son père. Elle ne voulait pas envisager l'idée d'être déchirée entre sa loyauté envers son père et son engagement à être la femme de Bjorn.

Erna hésita d'abord à le lui demander, remplie de désespoir. Elle savait qu'elle n'avait pas à avoir honte, elle faisait semblant d'être ignorante. Elle voulait désespérément s'accrocher à la seule chose qu'elle savait pouvoir lui apporter du réconfort, même si cela signifiait qu'elle devait se tromper elle-même.

« Au festival, la nuit de la compétition d'aviron, il y avait un pari que celui qui monterait sur le bateau avec moi gagnerait un prix. J'étais le prix de ce pari, ce qui signifie que tu m'as séduite uniquement pour gagner. J'aime à penser que ce n'est pas pour cela que tu m'as épousée »

Erna sentait la tristesse l'étouffer, mais elle réussit à retenir ses larmes.

« Je veux croire que tu ne m'as pas épousée à cause d'un pari puéril. C'est peut-être parce que tu ne voulais pas être associé à la princesse Gladys, ou pour empêcher les gens de colporter des ragots sur toi, et il se trouve que j'étais au bon endroit au bon moment, quelqu'un que tu pouvais utiliser comme bouclier. Je suis donc devenue ton trophée et c'est pour cela que tu as décidé de m'épouser ? À cause de la seule chose sûre que je puisse t'offrir en tant qu'épouse »

Erna était honteuse et bouleversée, mais força un sourire malgré la tristesse, espérant que cela l'empêcherait de pleurer. Elle ne voulait pas mettre Bjorn en colère en pleurant et elle ne voulait pas mettre fin à la conversation qui avait nourri son courage.

« Et alors ? » dit Bjorn.

Il pencha la tête vers Erna avec une expression calme et sans émotion sur son visage. Il était clair pour Erna que Bjorn savait de quoi elle parlait et elle se sentait vide et pathétique. Pour ne rien arranger, elle se débattait avec des nausées matinales, ce qui ne faisait qu'ajouter à son malheur.

Bjorn aurait-il fait ce qu'il a fait si elle n'était pas enceinte ? Erna passa rapidement ses mains sur son bas-ventre, comme pour remercier l'enfant qu'elle portait. Son ventre

n'avait pas encore commencé à gonfler, mais elle sentait un changement s'opérer en elle.

« Alors, je veux dire... » Erna s'essuya les yeux, « si c'est pour cela que tu m'as choisie comme épouse, maintenant que je ne peux t'apporter aucun bénéfice, cela veut dire que je ne suis qu'un déficit de plus. Je ne t'ai causé que des pertes, je t'ai soumis aux critiques du monde entier. Ta vie est devenue plus compliquée et plus pénible à cause de moi »

« Alors, Erna ? » Bjorn fronce les sourcils et croise les bras.

« Si c'est ce que tu ressens vraiment, alors je ne demanderai plus ton amour sans vergogne, et je ne serai plus avide de cette position auprès de toi »

« Pardon ? »

« Cela veut dire que je l'accepterai si tu veux divorcer »

Erna fit de son mieux pour retenir ses larmes, ce qui était difficile car ses yeux brûlaient de tristesse et sa respiration était de plus en plus difficile à contrôler.

« Divorcer ? »

« Dis-moi Bjorn, honnêtement, ce que tu as sur le cœur et je te répondrai » dit Erna en pleurant.

Bjorn était rempli d'un mélange de sentiments et d'émotions étranges alors qu'il regardait Erna, d'une beauté haineuse et aux yeux larmoyants. L'innocence et le charme de sa femme pouvaient faire rire, mais on peut dire que son comportement cette fois-ci était plutôt stupide.

« Qu'est-ce que tu veux entendre, Erna ? » Bjorn haussa un sourcil : « Des excuses ou l'aveu que je t'aime ? »

Le regard qu'il posait sur Erna était langoureux et lui rappelait la douce lueur ambrée d'un soir d'été. Erna ne savait plus où donner de la tête, son esprit étant ébranlé par le choc, son apparence innocente suscitant la pitié. Cela lui rappelait beaucoup la biche qui avait surgi dans sa vie il y a si longtemps.

Le divorce. Un divorce. Les yeux de Bjorn s'enfonçaient de plus en plus tandis que les mots s'agitaient dans son esprit.

Le fait qu'elle se préoccupe d'un pari était à la fois amusant et exaspérant. Il était occupé à essayer de régler les affaires de son père, s'attendait-elle à ce qu'il s'agenouille simplement devant elle lorsqu'elle menacerait de divorcer ? L'idée même était absurde.

C'était à ce pique-nique, c'était obligé. Un moment, Erna était comme d'habitude, doyenne, et puis elle disparaissait soudainement, revenant échevelée et hors d'elle. Ce n'était pas la grossesse, il y avait autre chose, avait-elle entendu quelque chose ? Ce qui l'a poussée à s'enfuir chez Pavel Lore.

Bjorn avait la gorge sèche en se remémorant l'image d'Erna revenant avec ce peintre.

Ami, dit-elle de façon absurde, pendant qu'il battait l'homme. Bjorn ne pouvait s'empêcher de se demander si Erna avait tout révélé à Pavel Lore, sur la façon dont son mari la traitait comme un trophée, un bien à exhiber. Dans les bras de cet homme exaspérant, même ses beaux yeux débordaient de larmes. Peut-être que ce peintre avait l'audace et le culot de lui demander de s'enfuir à nouveau avec lui, au milieu de la nuit, en laissant derrière lui son abruti de mari.

« Si tu as un problème avec le pari, alors parlons-en » dit Bjorn en ravalant sa colère. «

Oui, j'ai fait un pari et tu en as été le prix gagnant, mais quel mal cela a-t-il causé ? Sans ce pari qui nous a réunis, tu aurais probablement fini avec un vieil homme puant, sur son lit de mort, ou un monstre comme Heinz, un homme irrécupérable. Le pari n'a-t-il pas été plus bénéfique pour toi ? »

Bjorn regarda Erna, dont l'aspect triste sur le lit ne lui rendait pas son regard.

« Ah, Pavel, tu es fâché de ne pas avoir pu t'enfuir avec lui ? S'enfuir au soleil couchant, se tenir la main tout en se moquant de ton mari inconsidéré qui ne te traite que comme un trophée »

« Ce n'est pas comme ça » s'écrie Erna en secouant la tête. « Pavel et moi ne sommes, n'étions, que des amis. Alors ne parle pas de lui comme ça »

« Eh bien, ami, je suis sûr que tu l'es ! » Les lèvres de Bjorn se retroussent en un rictus. «

Ne joue pas à l'ignorante, Erna, c'est un péché d'être aussi insensible, tu comprends ?

Quel ami risquerait de se prendre une balle dans la tête et de gâcher son avenir juste pour s'enfuir avec une femme la nuit ? Quel ami risquerait de passer du statut d'artiste prometteur de l'académie à celui de portraitiste de la rue ? »

À mesure que son dégoût de lui-même grandissait, l'hypocrisie de Bjorn s'intensifiait et sa colère devenait incontrôlable. Pourquoi ?

Bien qu'il ait répété la question plusieurs fois, Bjorn ne trouvait toujours pas de réponse, ce qui ne faisait qu'accroître sa nervosité. Il ressent une peur étrange et irrationnelle de lui-même, submergé par des émotions qu'il ne peut plus contrôler.

Alors que ses cartes étaient bien visibles, il ne pouvait pas voir la main de son adversaire. Une chose qui conduirait à une perte inévitable et Bjorn n'avait jamais perdu auparavant.

« Qu'arrivera-t-il à l'enfant si nous divorçons ? » Les yeux de Bjorn se posent sur le ventre de sa femme.

Erna rougit, essuya ses larmes avec la manche de sa nuisette et entoura son ventre de ses bras, se serrant contre elle.

« L'enfant... je l'élèverai »

« Tu te moques de moi ? » Bjorn laisse échapper un rire sans éclat. « Divorce si tu veux, mais l'enfant reste avec moi et dès que tu t'éloigneras, tu ne le reverras plus jamais. Es-tu sûr de pouvoir supporter cela ? »

« B...mais dans le passé... » Erna se mordit la lèvre, surprise d'essayer de répondre. Elle voulait parler de Gladys, mais quelque chose l'en empêchait.

Un homme sans scrupules qui a eu une liaison alors que sa femme était enceinte et qui, plus tard, les a abandonnés tous les deux. C'était le prince problématique de Lechen, un mensonge largement connu que Bjorn avait lui-même orchestré et avec lequel il avait décidé de vivre jusqu'à la fin de ses jours.

Erna et son enfant vivront avec ce mensonge comme une vérité, malgré son évidence, Bjorn ne pouvait pas supporter le regard qu'elle lui lançait lorsqu'elle le croyait. Il était étrange de constater qu'il ne pouvait pas vivre avec cette fabrication en ce moment même.

« Dans le passé, ah, Gladys, c'est vrai... J'ai laissé son enfant à Gladys » prononçant le nom lentement, Bjorn rit. « Parce que c'est une princesse, contrairement à toi, qui vit dans la partie la plus reculée du monde »

Bjorn savait qu'Erna n'abandonnerait jamais son enfant, ce qui ne faisait qu'attiser sa cruauté persistante.

« Je ne laisserais jamais notre enfant grandir dans un coin aussi isolé du monde, Erna. Si tu es sûre que tu ne reverras jamais notre enfant, alors vas-y, demande le divorce. »

Au début, il a essayé de rassurer Erna, qui était souvent en proie à des insécurités. Du moins, il avait commencé avec cette intention, mais la mention d'un divorce a tout gâché. Malgré cela, Bjorn ne regrette rien. Erna n'en parlerait plus jamais. S'il ne pouvait pas récupérer ce qu'il avait perdu, il valait mieux s'assurer qu'il n'y avait pas d'autre solution.

« Si je peux te donner la réponse honnête que tu veux » Bjorn fit de nouveau face à Erna, sans expression, « je t'ai épousée parce que tu étais calme, inoffensive et belle. Tu étais une femme qui pouvait me divertir sans s'opposer à mon mode de vie, tout comme les corsages de fleurs pour lesquels tu t'agites sans cesse »

Alors que l'image d'une fleur éternellement épanouie, animée par les doigts de sa femme, lui revenait à l'esprit, Bjorn sentit sa colère fondre. Il pensait qu'Erna devait être comme cette fleur, toujours belle et inébranlable, même face à une telle perte. Elle était la seule femme qu'il avait choisi pour son utilité et elle devait s'y tenir.

« Alors, ne pense à rien d'autre. Reste où tu es et donne naissance à notre enfant. C'est ton seul devoir »

La longue ombre de Bjorn se projeta sur Erna, recroquevillée sur le lit, qui pleurait silencieusement.

« Maintenant, c'est à toi de jouer, la grande main de Bjorn couvre le visage d'Erna, réponds-moi, Erna. »

Les larmes d'Erna coulent sans discontinuer, trempant la main de Bjorn. Elle le regarda d'un œil vif et vide, comme un enfant perdu, et hocha lentement la tête.

« Oui » murmura-t-elle.

Bjorn soupira en entendant la réponse d'Erna, mêlée de sanglots douloureux. Un sentiment de soulagement mêlé à un sentiment de gêne l'envahit, le laissant sale, comme s'il venait de se baigner dans une eau boueuse.

Ps de Ciriolla: comment dire ca.... mon petit Bjorn, tu as juste fait de la merde, je ne vois pas de termes plus poli....c'est la pire manière de faire... idiot, ca va te retomber dessus autant de bétises débitées

Tome 1 – Chapitre 106 – Charlotte sur les genoux

« Ce n'est pas le genre d'Erna, elle ne vous dirait pas une chose pareille ». dit Mme Greeve préoccupée par ses paroles.

La baronne de Baden la regarda d'un air pensif, puis reporta son regard sur la lettre qu'elle tenait vaguement entre ses doigts flétris.

La lettre avait été un refus à la demande de visite de la Grande-Duchesse à sa résidence.

Elle expliquait que la famille royale était toujours préoccupée et qu'il était difficile de recevoir des invités pour le moment. La lettre exprimait également leur gratitude pour leur soutien et souhaitait la paix à la baronne. Le dernier mot de la lettre était une invitation à venir rendre visite à la baronne à l'automne.

« Si elle vous manque vraiment, vous pourriez peut-être inviter Erna à séjourner à nouveau ici » déclara Mme Greeve

« Si je le pouvais, je le ferais. »

Après avoir relu la lettre, la baronne Baden alla regarder par la fenêtre. Au-delà de la clôture blanche, elle pouvait voir les champs chauffés et brunis par le soleil. Il faisait si chaud que la baronne pouvait imaginer un enfant essayant de se teindre les cheveux à la couleur du soleil.

Malgré un père comme Walter Hardy, Erna avait grandi dans un tel bonheur qu'il aurait pu guérir n'importe quelle blessure. Aujourd'hui, grâce aux choses terribles que son père avait faites, Erna pouvait rayer ce monstre de sa vie pour de bon. Elle devrait en être reconnaissante.

La nouvelle de la rupture des liens entre la grande-duchesse et son père a fait grand bruit, même dans la campagne profonde. Le prince Bjorn avait annoncé que Walter Hardy n'était plus le père d'Erna Dniester, ni un beau-frère royal. Walter a volontairement renoncé à ce droit et ne sera plus jamais appelé le père de la grande-duchesse.

Le peuple avait encore l'impression que la Grande-Duchesse, qui n'était pas qualifiée, devait renoncer à son rôle, mais le Prince Bjorn est resté cohérent en ne donnant aucune réponse. Sa volonté était si ferme qu'il était peu probable qu'Erna aille où que ce soit.

Quelle que soit la force de Bjorn, comment Erna pourrait-elle garder la tête haute ?

C'était une enfant au cœur tendre qui s'était même sentie désolée d'avoir les cheveux de

la même couleur que son père, l'homme qui avait blessé sa mère. Lorsque la baronne pensait à la façon dont Erna regardait son mari, ses yeux se remplissaient de larmes.

« Madame, demandez au prince de vous accorder une seule faveur » dit Mme Greeve en souriant. « Lorsqu'il a rendu visite à Buford, j'ai vu que le prince aimait beaucoup la jeune femme, alors si vous lui proposiez de l'amener ici, n'y verrait-il pas un intérêt ? Le prince voudra que sa jeune épouse soit à l'aise. »

« Ce n'est pas la peine » acquiesça lentement la baronne.

La baronne de Baden avait confié Erna au prince Bjorn, croyant qu'il s'agissait d'un homme différent de ce que l'on disait, mais quelque chose la tracassait. Après avoir observé les deux hommes lors de leur visite au printemps, elle a pu mettre de côté ces inquiétudes.

Le prince Bjorn était une personne difficile, certes, et bien qu'il ait déposé la couronne, il restait un monarque. Il se comportait comme tel, plein d'élégance et de fierté, sans jamais s'incliner devant qui que ce soit. Ses manières, ses expressions et ses yeux portaient tous les traces de son éducation royale, ce qui rendait difficile pour la baronne de le traiter comme un petit-fils.

Elle ne pouvait se défaire de l'impression que le prince, avec Erna, ressemblait à un jeune couple ordinaire. Elle aimait les voir tous les deux et les observait souvent en silence. La baronne Baden ne pouvait s'empêcher de penser que si elle avait eu un homme comme le prince Bjorn lorsqu'elle était plus jeune, sa vie aurait été paisible et heureuse. Cette pensée lui procura un sentiment de soulagement.

La lettre d'Erna toujours serrée dans ses doigts, la baronne se lève et se montre déterminée. Elle décide de se fier à son intuition, persuadée que le prince Bjorn saura ce qui est le mieux pour Erna.

********************************

« J'ai entendu dire qu'on était mercredi aujourd'hui » dit la duchesse Arsène.

Son ton était remarquablement hautain et malgré le fait qu'elle soit une invitée imprévue, elle est arrivée avec un tas de cadeaux et une attitude qui était loin d'être celle à laquelle on s'attendait.

« J'ai donc décidé de passer un peu, il n'y a pas de quoi se réjouir » poursuit la duchesse.

Elle plia son éventail et le posa sur la table. Ses mains ridées s'enroulèrent autour du gobelet de cristal et le portèrent à ses lèvres pour boire une gorgée de whisky soda. Elle avait décidé de se rendre chez son petit-fils en milieu de journée. Elle a fait comme si de rien n'était et est restée naturellement cool. En revanche, Leonid avait l'air suffisamment soigné pour assister à un spectacle d'opéra royal.

La duchesse brandit un verre à moitié plein en direction de Leonid et de l'énorme bouquet posé à côté d'Erna.

Le bouquet était presque aussi grand que la Grande-Duchesse et semblait avoir été fait par quelqu'un qui ne connaissait rien aux contrastes de couleurs. Le bouquet était de toutes les couleurs vives imaginables et avait l'air criard. Les couleurs étaient si éblouissantes qu'elles donnaient des frissons aux yeux.

« Je suis passé rendre visite à mon neveu, j'avais un peu de temps libre et je voulais voir comment la Grande-Duchesse s'en sortait » dit Leonid.

« Vous êtes doué pour mentir, mais nous savons tous les deux que nous ne verrons pas votre neveu avant l'année prochaine » dit la duchesse en regardant Leonid avec des yeux étroits.

« Je le regarde avec mon cœur, grand-mère » répondit Leonid sans honte.

La tension est momentanément apaisée par un éclat de rire de la duchesse Arsène, qui jette un regard amusé à son petit-fils. Erna, qui s'était sentie intimidée, se fendit elle aussi d'un sourire.

« Très bien, voulez-vous me parler de votre neveu, que vous surveillez de près ? »

« Je pense que ce sera un bon garçon, il ressemblera beaucoup plus à sa mère » Leonid regarda Erna et sourit, un sourire qui ressemblait beaucoup à celui de Bjorn, mais un sourire que Bjorn n'avait pas montré pour son propre enfant.

« Merci » dit Erna en rougissant d'embarras. « Et merci pour les fleurs, elles sont si jolies

»

Erna reporta son attention sur le très gros bouquet qui se trouvait à côté d'elle. Les couleurs vives des fleurs étaient stupéfiantes et semblaient avoir été choisies méticuleusement, même un coup d'œil superficiel montrerait qu'un grand soin avait été apporté à l'assemblage du bouquet. Tout en faisant claquer sa langue, la duchesse Arsène regardait Erna avec des yeux doux.

La conversation se poursuivit, parlant du temps qu'il faisait, des livres récents et des projets pour l'automne. Erna s'est d'abord sentie intimidée, mais elle s'est peu à peu laissée porter par le courant de la conversation. La duchesse Arsène s'en réjouit, mais elle a aussi un peu de peine pour Erna et ne peut s'empêcher de fixer son regard sur la jeune fille. Alors qu'Erna commence à retrouver le sourire, Lisa lui annonce le retour de Bjorn.

*****************************************

Bjorn n'était pas le bienvenu. Les manières et l'expression d'Erna l'indiquaient clairement. Après avoir ri de bon cœur pendant un moment, elle disparut soudainement et ne laissa plus qu'une poupée immobile. Bjorn dut rassembler toute sa patience pour lutter contre l'envie de s'en prendre à Erna, qui s'occupait de lui comme d'un enfant réprimandé.

« Et si Erna restait un peu avec moi ? » dit la duchesse Arsène.

Elle avait renvoyé Erna, épuisée, dans sa chambre pour pouvoir lui faire sa proposition.

Les yeux de Bjorn s'étrécissent, suspicieux.

« Je pense que c'est mieux pour vous deux » poursuivit la duchesse.

« La place d'Erna est ici, grand-mère » répond Bjorn sans hésiter. Erna a-t-elle déjà songé à partir ?

Bjorn ne pouvait s'empêcher de penser à la façon dont Erna était toujours aussi abattue depuis leur deuxième dispute, ce n'était que ça, non ? De quoi ces trois-là avaient-ils parlé en son absence ?

« Ne penses-tu pas que la position de Grande Duchesse est plus un fardeau pour Erna, étant enceinte et tout le reste »

« Je sais ce qui est le mieux pour Erna » dit Bjorn, confrontant sa grand-mère à un regard froid.

« Vraiment ? »

« Oui, maintenant que tous les problèmes sont derrière et qu'Erna est en sécurité derrière les murs du palais Schuber. Sa place est parfaite, Grand-mère, et elle continuera à l'occuper »

« Bjorn Dniester ! » dit la duchesse d'une voix autoritaire. « Vous traitez votre femme comme Charlotte sur vos genoux ! »

La duchesse a émis un commentaire désapprobateur en regardant son petit-fils, comme s'il était la chose la plus pitoyable et la plus misérable qu'elle ait jamais vue.

« Charlotte ? » Bjorn fronce les sourcils et regarde Leonid.

Il était clair que Bjorn ne se souvenait pas du nom du chat pour lequel il avait passé tant de temps à s'agiter pendant si longtemps.

« Le chat » dit Leonid à voix basse.

« Ah, le chat blanc » dit Bjorn, toujours sans émotion.

La duchesse soupire et replie son éventail. Des deux enfants, c'était toujours Bjorn qui montrait le plus d'affection pour Charlotte. Il la berçait tendrement sur ses genoux et la caressait chaque fois qu'il lui rendait visite. C'est peut-être à cause de sa tendresse, mais Charlotte ne se frottait jamais qu'à Bjorn.

On aurait pu croire qu'il avait une véritable affection pour Charlotte, car il la prenait toujours dans ses bras et la caressait affectueusement. Ses yeux s'illuminaient et il souriait chaleureusement, comme s'il s'agissait d'un amant attentionné.

Lorsque la duchesse pensait à la façon dont Charlotte restait assise à la fenêtre pendant de longues heures de la journée, puis ronronnait dans les bras de Bjorn, c'était la même chose que l'affection qu'elle voyait chez Erna. Son visage s'illuminait lorsqu'elle parlait

de Bjorn, ce qui faisait mal au cœur à la duchesse. Aussi, lorsque la duchesse voit Erna aujourd'hui, elle sent bien que quelque chose ne va pas.

L'enfant qui avait autrefois regardé Bjorn avec tant d'admiration, comme s'il était le centre de son monde, détournait maintenant précipitamment le regard. Ses yeux autrefois brillants étaient maintenant baissés et sans vie. Si Charlotte avait été humaine, aurait-elle eu le même regard ?

La duchesse Arsène poussa un lourd soupir et releva la tête pour regarder à nouveau son petit-fils. Bjorn se redressa, sentant le regard de la vieille femme sur lui.

« Vivez avec gratitude pour les visages de vos ancêtres à chaque instant que vous respirez » fut tout ce qu'elle put dire à l'homme qui avait l'air satisfait à l'extérieur, mais dont elle pouvait dire qu'il était en proie à des troubles à l'intérieur.

Avec Erna comme mère et Bjorn comme père, la duchesse pouvait dire que leur enfant serait beau et séduisant.

Ps de Ciriolla: elle est juste top la grand-mère, tellement d'empathie

Tome 1 – Chapitre 107 – Sourire

« Où est Erna ? » demande Bjorn.

La servante en chef, Karen, sursaute et déglutit en entendant les paroles sévères de Bjorn.

Ces jours-ci, Bjorn posait cette question comme une sorte de salutation, ce qui amenait tous les domestiques de la maison des Grands-Ducs à spéculer beaucoup sur les mouvements de la Grande-Duchesse. Ce n'est pas qu'ils craignaient d'être réprimandés pour ne pas avoir donné une réponse adéquate, mais plutôt à cause du regard dédaigneux du prince. On aurait dit qu'il était prêt à chasser quiconque lui faisait du tort.

« Je crois que Son Altesse est dans sa chambre, en train de prendre un bain » dit Karen en tirant les mots.

Bjorn avança rapidement dans le couloir, se dirigeant à grandes enjambées vers la porte de la Grande-Duchesse. La journée avait été pour le moins éprouvante, avec l'intrusion de la duchesse Arsène et le comportement impudent de Leonid. Pour couronner le tout, une lettre avait épuisé les dernières réserves de patience de Bjorn.

La lettre de la baronne de Baden s'adressait à lui et non à Erna, le suppliant de laisser Erna resterau manoir Baden. Le visage épuisé d'Erna lui revint à l'esprit, le visage d'une femme prête à divorcer s'il le souhaitait. En était-elle vraiment arrivée à supplier sa propre grand-mère de l'aider à s'enfuir du palais ?

« Votre Altesse » dit Lisa en l'apercevant qui se dirigeait vers la salle de bains.

« Bougez » dit Bjorn.

« Votre Altesse, la Grande-Duchesse n'a pas encore fini son bain. »

« J'ai dit de bouger » a presque crié Bjorn, mais Lisa n'a pas faibli.

« Le docteur Erickson a dit de ne pas le faire avant au moins le mois prochain »

« Qu'est-ce que tu... » Bjorn comprit ce que Lisa voulait dire.

« Votre Altesse, s'il vous plaît, attendez un peu, pensez à l'enfant »

« Lisa, ce n'est pas le cas » dit Bjorn en éclatant de rire. Bien que décontenancée, Lisa était toujours dans son chemin, devrais-je la tuer ?

Alors qu'il réfléchissait sérieusement à la question, il entendit des éclaboussures d'eau de l'autre côté de la porte.

« C'est bon Lisa » dit la voix douce d'Erna à travers la porte.

« Mais... »

« J'ai dit que c'était bon, laisse-le entrer »

Obéissant à l'ordre, Lisa s'écarta à contrecœur. Elle regarda Bjorn qui la dépassait pour se diriger vers la porte.

Je devrais vraiment la tuer.

Bjorn franchit la porte et entra dans une pièce remplie de vapeur. Des rayons de soleil illuminaient d'épais nuages d'humidité. Pendant un instant, Bjorn oublia la raison de sa venue et regarda sa femme, dont la peau pâle était recouverte d'une pellicule d'eau scintillante. Puis il s'en aperçut.

« La bosse du bébé... » dit-il doucement.

Le ventre d'Erna était encore plat, mais à la façon dont Erna était assise, courbée vers l'avant dans l'eau, Bjorn pensait voir les premiers signes de la naissance de son enfant.

Son humeur divergea de ses intentions et les pensées jaillirent de son esprit. Mais il se rendit compte qu'il ne s'en souciait pas vraiment.

« Non, d'après les médecins, nous ne verrons probablement pas de bosse avant une semaine ou deux » Erna répondit distraitement.

« Je ne sais pas vraiment ce qu'il en est, mais ce que je sais, c'est ta poitrine » dit Bjorn en levant les yeux au ciel.

Erna rougit, bien qu'il soit difficile de le dire, elle était rougie par la chaleur du bain, mais le changement de sa poitrine était évident. Erna détourna le regard, comme si elle avait honte, et remonta ses genoux pour les étreindre. La garde d'Erna rappela à Bjorn la raison de sa présence ici, mais sa colère s'était considérablement atténuée.

Maintenant qu'il s'était calmé et qu'il était devenu plus rationnel, il se rendait compte que son emportement était déplacé et qu'il avait agi de façon stupide.

Erna n'était pas du genre à utiliser sa grand-mère de la sorte. La baronne Baden non plus. Elle n'était qu'une vieille femme aimante qui s'inquiétait pour sa petite-fille, qui était aux prises avec le défi de la grossesse. Une fois qu'il eut compris cela, la colère disparut complètement.

« Pourquoi es-tu ici, Bjorn ? » Erna le regarde, confuse.

Bjorn détourna le regard d'Erna, lui accordant un peu de dignité, et essuya la transpiration de son front. Il poussa un soupir. Il se sentait comme un imbécile méprisable.

« Je, euh... voulais te demander si tu voulais qu'on dîne ensemble » les mots inattendus sortirent. « Je vais le préparer. »

Sans attendre de réponse, Bjorn sortit de la salle de bains. Lorsqu'il ouvrit la porte, Lisa se tenait sur le seuil, le visage meurtri. Bjorn passa devant elle sans y prêter attention.

Une fois sorti de la suite de la grande-duchesse, il laissa échapper un rire. Il se passa les doigts dans les cheveux.

« Espèce de fou » se dit-il en riant.

**************************************

La table des couples grand-ducaux est dressée sur le balcon, avec vue sur la magnifique fontaine et le jardin.

Erna était assise à la table, toujours aussi élégante dans sa robe de soirée. Bjorn, arrivé plus tôt, l'accueillit d'un regard tendre et d'un sourire, essayant de retrouver l'ambiance des premiers jours, celle d'une union heureuse.

Erna essaya de sourire, comme pour chasser l'humeur noire qui l'habitait, mais elle se sentait vide. Elle voulait être le charmant corsage que cet homme voulait qu'elle soit.

Pour l'instant, ce que Bjorn voulait et ce qu'elle pouvait lui offrir étaient deux choses complètement différentes.

L'agréable soirée d'été était accompagnée d'une brise apaisante. Au fur et à mesure que la nuit avance, les bougies s'illuminent. Les conversations vont bon train et la nourriture est délicieuse.

« La baronne m'a envoyé une lettre » dit Bjorn.

Erna fut prise au dépourvu et s'arrêta en portant la dernière bouchée de bar à sa bouche. Elle regarda Bjorn, les yeux écarquillés.

« Elle a demandé si tu voulais rester au manoir Baden pendant un certain temps.

Malgré son désir profond d'être avec sa grand-mère, elle se sentait obligée de mentir. Si sa grand-mère, qui avait eu une crise cardiaque après le scandale de l'année dernière, voyait la situation maintenant, cela pourrait avoir de graves conséquences. Le simple fait d'y penser mettait Erna en état de choc. Il valait mieux garder ses distances avec sa grand-mère pour le moment.

Mais si elle pouvait s'échapper à Buford, ne serait-ce que pour un petit moment.

« Tu as déjà répondu ? » demanda Erna, avant d'enfourner le bar dans sa bouche.

« Oui, je lui ai dit qu'il valait mieux que tu restes ici » dit-il en souriant légèrement et en buvant une gorgée de vin. « Principalement parce que ce serait plus prudent pour l'enfant d'avoir accès à un médecin. Ce n'est pas le cas dans les régions les plus reculées du pays. Sans compter les déplacements dans votre état de faiblesse »

La lumière de la bougie mettait en valeur les lèvres de Bjorn, il avait presque l'air de s'en soucier. Alors que les yeux d'Erna ne faisaient que se creuser à la lumière de la bougie.

« Oui » dit Erna sans difficulté.

Tout ce que disait Bjorn avait un sens. Erna comprenait parfaitement que c'était la décision la plus rationnelle pour elle et son enfant. Elle n'avait plus qu'à l'accepter.

« A la place, j'amènerai la baronne ici »

« Non » la réponse fut abrupte. « C'est juste que j'aime les choses telles qu'elles sont »

Les mots n'avaient aucune force, mais il était facile de les prononcer. L'anxiété qu'elle avait ressentie est soudain devenue vide de sens. Peut-être que le chemin pour devenir une bonne épouse était aussi facile que cela depuis le début. Frustrée, elle s'aventura seule sur le chemin épineux, un chemin qui n'en était pas vraiment un.

« Erna... »

« Vraiment, Bjorn, je vais bien. Merci de t'en soucier autant »

Après cela, Erna a détourné son regard de Bjorn, heureusement, le plat suivant a été servi rapidement et le silence inconfortable a été remplacé par leur repas.

La brise qui soufflait de la rivière n'était plus une fraîcheur apaisante, mais un frisson.

Le bruit de l'eau des fontaines jaillissait de la nuit qui s'épaississait et ajoutait à l'ambiance de cette nuit d'été.

Le comportement d'Erna semblait un peu plus lumineux, même si Bjorn savait que ce n'était qu'un sourire poli, il s'abstint de tout commentaire. Il sera difficile de revenir à la situation antérieure. Bjorn l'accepta et remplit son verre de vin vide.

Après l'avoir vidé presque immédiatement, il le remplit à nouveau et regarda Erna, qui détournait toujours les yeux de lui pour les poser sur la fontaine. Il ne put s'empêcher de la regarder, captivé par sa beauté, ses cheveux balayés par le vent, ses rubans bleu clair et la robe de lin blanc qui drapait sa silhouette élancée.

Lorsqu'il prend la décision d'épouser Erna, il a déjà pris en compte le tempérament de Walter Hardy. Tant qu'il resterait dans ses limites, il n'y aurait pas de problème, mais s'il franchissait cette limite, il savait qu'il devrait s'en occuper rapidement, il n'y avait pas de cas en dehors des limites.

Bjorn n'avait pas l'intention de divorcer d'Erna et certainement pas à cause de Walter Hardy, mais il n'avait pas non plus la volonté de poursuivre l'affaire de manière agressive. Il estimait qu'il suffisait d'exclure Walter de la vie d'Erna et d'aller de l'avant.

Il n'avait jamais envisagé la position d'Erna sur la question, il supposait que, quels que soient les défis qu'elle devait relever, tant qu'elle serait à ses côtés, elle aurait la meilleure vie qu'elle puisse espérer.

C'était le cas, ou du moins, cela aurait dû l'être.

Bjorn remplit à nouveau son verre.

Le verre se vida à nouveau rapidement, mais cela ne suffit pas à étancher la soif intense.

Il regarda attentivement Erna, même si elle ne le regardait pas.

Pour éviter l'incarcération de Walter Hardy, Bjorn a dû débourser une somme importante. Il ne s'inquiétait pas outre mesure, il avait fourni aux Hardy assez d'argent pour s'installer loin d'ici. Etablir une nouvelle vie. Il ne s'inquiétait pas pour eux et ne pensait qu'à Erna.

Bjorn se fichait que Walter aille en prison ou que sa famille se retrouve à la rue. Tant qu'Erna était en sécurité et heureuse, c'était tout ce qui comptait pour lui. Il espérait que la vie d'Erna en tant qu'épouse serait moins douloureuse à l'avenir et l'aiderait à oublier son père peu recommandable, même s'il était impossible d'effacer complètement l'ombre de Gladys. Bjorn était prêt à tout pour éviter des ennuis à Erna, juste pour la voir sourire à nouveau, ses yeux briller, pour qu'elle murmure son nom.

Mais pourquoi est-elle...

Le fil des pensées de Bjorn s'interrompit brusquement lorsqu'il se rendit compte que la bouteille de vin était vide. Erna ne l'avait toujours pas regardé.

Pourquoi es-tu comme ça avec moi ?

Bjorn décida de ne pas utiliser la sonnette d'appel et de ne pas faire apporter une autre bouteille. Au lieu de cela, il ferma les yeux et tenta d'organiser ses pensées. Lorsqu'il les rouvrit, ses yeux étaient ceux d'un banquier froid et calculateur.

'Erna.

Alors qu'il l'appelait calmement, Erna se tourna vers lui. Son visage était indéniablement beau, mais ce n'était pas celui qui correspondait au prix qu'il avait payé.

'Souriez.

Il n'y avait plus rien qui puisse être considéré comme une expression sur le visage de Bjorn, qui l'exigeait sans hésitation.

Erna cligna des yeux, ses yeux vides la fixant, et releva doucement les commissures de ses lèvres. Elle était comme un enfant bien élevé. Même si les choses n'étaient plus comme avant, c'était une nécessité et cela en valait la peine. Le temps passait et un enfant venait au monde. Cela signifiait qu'il sortirait toujours victorieux.

« Encore une fois » dit-il d'un ton beaucoup plus bas, avec le calme originel de Bjorn Dniester.

Erna hésita, mais sourit à nouveau, plus joliment que la dernière fois. Il méritait de l'avoir.

Ps de Ciriolla: tu vas ramer pour retrouver ta relation avec Erna... ca t'apprendra a faire de la merde

Tome 1 – Chapitre 108 – Au nom de l'amour et de l'abime

Erna replaça la fleur qu'elle avait enlevée du chapeau. C'était amusant de la voir ainsi parée, mais sans aucun autre accessoire, elle avait l'air étrange.

« Vous êtes sûre de vouloir partir, pourquoi ne pas rester ici et vous détendre un peu plus longtemps ? » demanda Lisa.

« Oui, Lisa, je me suis déjà trop reposée. »

Erna compléta le chapeau en y ajoutant une seule fleur et le mit sur sa tête. Elle était déterminée à se rendre au Palais d'été, où résidait la famille royale. Elle n'avait pas encore présenté ses excuses pour le dérangement causé par le pique-nique, et elle estimait qu'il était de son devoir de le faire.

« Votre Altesse, qu'en est-il de ces fleurs ? » dit Lisa en remarquant une pile de corsages jetés sur la table.

Erna jeta un coup d'œil sur les fleurs qu'elle avait confectionnées. C'étaient de jolies fleurs, mais même les fleurs artificielles s'usent à force d'être utilisées. Erna se demanda s'il était possible de vivre sa vie comme une belle fleur inoffensive.

Erna chassa la question de son esprit et ajusta le siège de son chapeau. Elle enfila ses gants et attrapa son ombrelle, puis se dirigea vers le carrosse qui l'attendait devant le manoir.

Même si le palais d'été se trouvait à l'intérieur des murs du palais Schuber, l'ambiance au bord de l'eau était sensiblement différente. Lorsque la calèche s'arrêta, les cris des mouettes et le bruit apaisant des vagues inondèrent ses sens, soulignés par le parfum des roses.

En descendant du carrosse, elle constata qu'elle n'était pas la seule invitée aujourd'hui.

Un autre carrosse portait les armoiries de l'estimée famille du duc Heine.

***********************************

Au fond du jardin, une petite table à thé avait été dressée pour trois personnes. C'était l'endroit même où Erna avait rencontré la reine pour la première fois, à la fin de l'été dernier.

Erna regarda la pergola, maintenant ornée de roses en pleine floraison, et se tourna vers Isabelle Dniester, qui la regardait avec bienveillance, comme au premier jour de leur

rencontre. Malgré son sentiment de culpabilité grandissant, Erna ne peut s'empêcher d'être reconnaissante à la Reine pour son attention indéfectible à son égard. À ses côtés, la princesse Louise lui lança un regard désapprobateur.

« Je suis vraiment désolée, à cause de moi, tout le monde... »

« Erna » interrompt Isabelle, « laissons tout cela derrière nous. Tu ne dois pas t'en vouloir, car c'est toi qui as supporté le poids de tout cela. Ce n'est pas la peine de nous demander pardon, n'est-ce pas Louise ? »

Alors que Louise croise le regard de sa mère qui la met au défi de répondre, Louise se contente de pousser un long soupir.

« N'oublions pas celui qui a porté le plus grand fardeau, mon frère. C'est lui qui a travaillé sans relâche pour résoudre ce problème en ton nom, Erna. »

« Louise » s'emporta Isabella.

« Je sais, bien sûr, qu'elle n'est pas tout à fait à l'aise avec la situation. Pour elle, c'est une affaire privée concernant son père, mais ....ah j'oubliais, ce n'est plus son père »

Tout en baissant la tête, Louise garde un œil cynique sur Erna, comme si elle nourrissait une méfiance profonde qui ne pouvait être ébranlée aussi facilement.

« Eh bien, les félicitations sont de rigueur, vraiment, et à ce propos, pardonnez mon retard à vous souhaiter bonne chance pour votre grossesse »

« Merci » dit Erna avec un doux sourire. Elle a consciemment posé ses mains sur son ventre.

« J'ai entendu dire que vous avez été aux prises avec de graves nausées matinales, j'espère que c'est passé maintenant, comment vous sentez-vous ? »

« Je vais bien »

« Il semble que l'enfant qui grandit en vous se révèle très attentionné. Quand les nausées matinales frappent, il se retire, il comprend. Puis, quand le pire est passé, il émerge plus fort et plus résistant que jamais, apportant du réconfort à sa mère » Les commentaires de Louise étaient empreints d'une admiration exagérée. « Je suis rassurée de savoir que la Grande-Duchesse possède une constitution plus solide que son apparence extérieure ne le laisse supposer. Je ne me souviens que trop bien de la longue bataille que j'ai menée contre les nausées matinales, et celle de la princesse Gladys aussi

»

« Louise, si vous persistez à être impolie avec ma belle-fille, je vais devoir vous demander de partir. »

Comme prévu, Isabelle prend la défense d'Erna. Louise n'est plus ni surprise, ni insultée par les actions de sa propre mère.

« Je m'excuse, maman. Ce n'était pas mon intention, mais je suppose que le sujet de la grossesse m'a fait m'oublier un instant. Je serai plus attentive »

Louise évite habilement toute critique et jette un rapide coup d'œil à Erna. Comme elle avait l'air naturelle, prenant l'apparence d'une innocente pécheresse. Si je n'avais pas déjà su quelle femme féroce et sans vergogne elle était en réalité, j'aurais pu me laisser séduire par cette façade - pensa Louise.

Lorsque Louise s'est tue, la Reine a gracieusement pris les rênes de la conversation. Les sujets de discussion étaient assez ordinaires et aimables, principalement des questions sur la santé d'Erna, des souhaits de bonne santé et des anecdotes légères. Lentement mais sûrement, l'atmosphère autrefois tendue commença à se dissiper, aidée par l'arrivée d'un grand plateau de fruits présenté par l'une des servantes.

« Mme Fitz m'a dit que le petit être dans votre ventre a un penchant pour les fruits » dit Isabelle. « Erna, n'oubliez pas que votre bien-être et celui de votre enfant sont de la plus haute importance. Gardez cela à l'esprit »

« Merci, je le ferai. »

Erna s'est exprimée dans un état de perplexité alors qu'elle observait l'étalage de fruits.

Leurs couleurs vibrantes et leurs formes semblables à des bijoux étaient parfaitement disposées sur le plateau.

« Bien qu'il y ait une abondance de fruits à choisir, ce plateau est un cadeau de grand-mère pour vous. Veuillez l'accepter, mais ne le donnez pas à Bjorn, il est pour vous et votre petit. »

La remarque amusante de la reine fit naître un rare sourire chez Erna, qui était restée solennelle et sur ses gardes tout au long de la réunion. L'emploi du mot 'cadeau' lui donnait l'impression d'une douce mélodie, à l'image des parfums séduisants qui se dégageaient du plateau.

Isabelle regarda Erna avec impatience et Erna comprit que la Reine ne céderait pas tant qu'Erna n'aurait pas choisi quelque chose à manger. À contrecœur, elle prit sa fourchette et goûta les fruits.

Erna savoura chaque bouchée du fruit sucré et juteux. Au début, elle se méfiait de la reine qui la regardait pendant qu'elle mangeait, mais une fois qu'Erna fut absorbée par les saveurs magnifiques et exotiques, elle oublia tout le reste et devint avide de manger le fruit.

Erna était déconcertée par son propre comportement, c'était comme si elle n'avait rien mangé depuis des jours, mais son attention était entièrement tournée vers la prochaine bouchée, alors qu'elle embrochait un autre morceau de fruit.

Erna sentit un regard gênant percer sa frénésie alimentaire et lorsqu'elle leva les yeux, Louise la regardait fixement. Leurs yeux se croisèrent, mais la princesse ne chercha pas à cacher son regard.

« Ne t'arrête pas pour moi, c'est bon de te voir bien manger » dit Louise en secouant la tête.

Le visage rayonnant de Louise correspondait à celui de la Reine, mais il y avait une nette différence, une certaine émotion qui semblait émaner de son regard perçant.

Un sentiment de mépris, doublé d'un soupçon de sympathie.

Erna sentit une boule monter dans sa gorge, l'empêchant de prendre une autre bouchée, ou de tendre la main vers un autre morceau de pêche. Son embarras ne fut pas remarqué par la Reine, qui regardait son petit-fils et les autres enfants s'ébattre dans l'eau sur la plage.

« Mangez encore » dit Louise en souriant doucement.

Erna ne peut s'empêcher de se sentir gênée, mais elle réussit à mettre la dernière tranche de pêche dans sa bouche. Louise soupire et regarde ses enfants qui jouent sur la plage et dont les rires sont portés par la brise marine.

« Ha, regarde, elle est tombée à la fin » dit Isabelle en riant doucement. « Cette enfant est comme son père, elle a la peau dure » Un sourire à l'image de celui de sa mère orne le visage de Louise, donnant à Erna un sentiment de chaleur et de familiarité. En regardant les deux femmes parler de leurs enfants, l'humeur d'Erna changea et elle ressentit un pincement de gêne et de solitude. Elle détourna le regard et baissa les yeux sur sa pêche.

Je vais bien.

Cherchant à se réconforter, Erna se caressa le ventre, trouvant un peu de réconfort dans le fait que son enfant à naître était toujours avec elle, lui apportant un peu de compagnie. Elle mâcha lentement et savoura chaque bouchée du fruit.

Le goût était divin.

***************************************

« Son Altesse est au Palais d'été » dit Mrs Fitz, alors que la porte cochère s'ouvre pour laisser sortir Bjorn. Elle anticipa la question que Bjorn posait toujours lorsqu'il rentrait chez lui pour la première fois.

Il acquiesça, réprimant la question habituelle qu'il s'apprêtait à poser. Le bruit de ses pas dans le hall d'entrée fut accompagné par le balancement à peine audible des domestiques et des assistants.

Grimpant les marches, Bjorn s'arrêta au sommet, où il se tint dans l'ombre des feuilles de palmier imposantes. La lumière du soleil entrait à flots par les hautes fenêtres et scintillait à travers le lustre de cristal.

La luminosité était presque insupportable, la chaleur étouffante ajoutait à l'inconfort, mais c'est surtout le silence incroyablement perceptible qui le frappa le plus.

Bjorn contempla le bâtiment, comme s'il était immergé dans les profondeurs, où les sons étaient étouffés, les yeux plissés d'inquiétude. C'était l'arrangement qu'il avait souhaité à l'origine, une

existence tranquille qu'il pouvait sauvegarder, en plaçant Erna au centre de tout cela en tant qu'épouse.

Maintenant que tout était à sa place et remplissait son rôle, inoffensif, tranquille et beau, comme il l'espérait, Bjorn était satisfait.

D'un signe de tête, Bjorn se dirigea vers le bureau, Mme Fitz à ses côtés, le mettant au courant de toutes les affaires de la maison.

« Il devrait être temps pour elle de rentrer » dit Mme Fitz, voyant Bjorn jeter un coup d'œil à sa montre.

Bjorn acquiesce à une nouvelle question anticipée et porte son attention sur un plateau d'argent posé sur la table, où sont empilées des lettres. Il les ouvrit l'une après l'autre à l'aide d'un coupe-papier. Il avait clairement indiqué qu'il ne participerait à aucun événement social cet été, il n'y avait donc pas beaucoup de courrier à traiter.

« Je parie qu'elle passe un moment merveilleux, Sa Majesté la Reine s'occupe beaucoup de la Grande-Duchesse » déclara Mme Fitz. « Aujourd'hui, l'état physique de Son Altesse semble s'améliorer remarquablement et le médecin a confirmé que l'enfant grandit bien

»

Bjorn acquiesça tandis que Mrs Fitz répondait à une autre question que Bjorn n'avait pas besoin de poser et alluma un cigare.

« Depuis quand lis-tu dans les pensées ? » dit Bjorn en tirant une bouffée de fumée, Mme Fitz se contentant de hausser les épaules.

« Hmm, et si l'enfant grandissait comme moi ? » dit Bjorn, pensif.

« Je suis désolée, Votre Altesse, que voulez-vous dire ? »

« L'enfant qui grandit dans le ventre de ma femme, et s'il grandit comme moi ? »

Comme prévu, une semaine après la visite du médecin, Bjorn a commencé à voir les signes de la croissance du bébé dans le ventre d'Erna. Ce n'était pas grand-chose pour l'instant, mais il y avait une bosse dans sa délicate charpente. Il l'a remarqué l'autre matin, alors qu'il regardait Erna prendre l'air sur le balcon. Elle avait pris une nouvelle courbe. Erna avait remarqué qu'il la regardait et s'était couverte d'un châle, se détournant au passage.

C'était la première fois qu'il comprenait vraiment que son bébé grandissait à l'intérieur d'Erna. Elle était une femme si petite et si délicate, et lui un homme si grand.

« Ma femme est petite, mais je suis grand. S'il devient comme moi, elle ne pourra peut-être pas supporter l'accouchement... » Bjorn porta le cigare à ses lèvres, le regard perdu dans le vide.

« Les bébés naissent petits, Votre Altesse, comme vous et le prince héritier, et vous étiez jumeaux. Vous étiez tous deux bien plus petits qu'un nouveau-né normal. Il est difficile d'imaginer que vous êtes maintenant si grands et si forts » répondit Mme Fitz.

Bjorn gloussa sèchement, surpris de rire avec autant de nonchalance. Alors qu'il se levait de son bureau, des pas pressants s'approchèrent et des cris brisèrent soudain la tranquillité du manoir.

À sa grande surprise, c'est Leonid qui apparaît à la porte, se précipitant vers lui, un livre à la main. Bjorn fronça les sourcils en voyant son frère habituellement contemplatif et discret. Le titre du livre que Leonid lui tendait était 'Au nom de l'amour et de l'abîme'.

Bjorn fronça les sourcils en jetant un coup d'œil à ce titre, qui lui paraissait trop osé pour quelque chose que Leonid lirait normalement, mais alors qu'il s'apprêtait à s'enquérir de la nature de cette perturbation, il vit le nom de l'auteur.

Gerald Owen

Le poète de renommée mondiale et l'amant de la princesse Gladys.

Ps de Ciriolla: elle me gonfle la Louise.... mais le plus intéressant arrive, le scandale Gladys va pouvoir démarrer...

Tome 1 – Chapitre 109 – Son Dieu tout-puissant

Des cris et des pleurs perçants brisent l'atmosphère sombre du bureau du roi, remplissant la pièce d'une tension gênante. Arthur Hartford poussa un profond et lourd soupir en s'asseyant et en tentant de réconforter sa fille désemparée.

« Père, je t'en prie, tu dois interdire ce livre » dit Gladys, les yeux injectés de sang et gonflés. Des larmes coulent sur ses joues rouges et bouffies.

« Tout d'abord, je pense que tu dois te calmer et réfléchir » répondit Arthur.

« C'est une violation flagrante du traité » répliqua le prince Alexandre, qui essaie lui aussi de calmer Gladys. Il était plus en colère qu'Arthur, qui était simplement anxieux.

« Que voulez-vous dire ? »

« Combien avez-vous payé Lechen pour garder le secret ? Et pourtant, ils ont choisi de nous trahir avec ça » dit le prince Alexandre d'une voix de plus en plus forte, ses yeux brûlant des feux de la haine et de la colère.

« Suggérez-vous vraiment que nous tenions toute la famille royale responsable des actions de la sœur de Gerald Owens ? »

« Le livre a été publié à Lechen, n'est-ce pas ? Ils devraient être tenus pour responsables de ne pas avoir empêché la publication de ce livre »

Entre les éclats de colère du prince Alexandre et les sanglots désespérés de la princesse Gladys, la pièce était une cacophonie d'émotions. Arthur ne peut s'empêcher de penser à l'accord militaire qui a favorisé Lechen, ainsi qu'à la concession du commerce maritime et des droits d'extraction des ressources dans les territoires âprement disputés. Les avantages que Bjorn Dniester avait reçus en échange de la dissimulation de l'infidélité de Gladys étaient innombrables et la prise de conscience de cette réalité laissait Arthur sous le choc.

La seule raison pour laquelle il avait accepté ces conditions grotesques était de garder la honte de Lars secrète. Si les factions républicaines avaient eu vent de la tromperie, cela aurait créé un terrible bouleversement politique intérieur.

Il était également vital de maintenir une alliance avec Lechen, leur voisin et allié le plus important. Lechen avait soigneusement calculé les avantages qu'il y avait à dissimuler le secret, sachant que c'est la famille Lars qui en souffrirait le plus.

« Nous avons été trop négligents. Il n'était pas possible de garder le secret éternellement. J'aurais dû accorder plus d'attention à M. Owen » déclare Arthur en s'adossant à sa chaise.

Lorsque Gerald Owen s'est suicidé, Arthur s'est senti soulagé. Le poète avait été enterré et il pensait que le secret avait été enterré avec lui. Il n'aurait jamais pu imaginer faire face à une telle situation.

Sa sœur avait repris les poèmes et les lettres de Gerald à Gladys et les avait fait publier, révélant l'échange d'amour entre Gladys et Gerald. Il s'agissait d'un journal qui documentait leur amour, l'enfant et le suicide d'Owens.

Le livre avait déjà fait grand bruit à Lechen et était déjà en train de traverser les mers.

Même s'ils trouvaient et détruisaient tous les livres, rien n'empêcherait les rumeurs de se répandre comme une traînée de poudre.

L'histoire de la princesse née à Lars, qui avait épousé le prince héritier de Lechen tout en portant l'enfant d'un poète de la cour de Lars, avait suffi à attirer l'attention de tous les médias.

Bien que conscient de tous ces agissements, le prince héritier a pris le blâme et a abdiqué du trône. Il a pris l'étiquette de méchant dans cette histoire et tous les journaux ont révélé la vérité avec des titres grandiloquents.

« Père, je vous en supplie, préservez l'honneur de mon fils Carl et le mien » s'emporta Gladys.

Elle s'agenouille devant son père, le suppliant de préserver sa dignité et l'honneur de la famille royale. Arthur Hartford regarde sa fille et un profond remords l'envahit.

Elle avait été la plus jeune des princesses, choyée et protégée. Elle n'avait jamais été autorisée à connaître les difficultés ou la douleur. L'erreur avait été de penser qu'il suffirait de lui trouver un mari capable de la cultiver pour en faire une belle fleur. Qu'il lui offrirait un endroit fiable et accueillant où elle pourrait passer le reste de sa vie.

C'est cette façon de penser qui les a tous conduits à cette situation.

« Tu devrais aller en Lechen, Alex » dit Arthur à son fils.

Il savait qu'ils ne pouvaient pas tenir Lechen pour responsable de la situation, mais afin de fournir au moins un semblant d'excuse et d'apaiser les protestations du public, ils devaient donner l'impression qu'ils tenaient Lechen pour responsable.

« Oui, père » dit le prince Alex, le visage empreint d'émotion. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. »

***********************************

Bjorn regarde calmement l'image de lui qui s'étale sur les journaux et les magazines étalés sur la table devant lui. Leonid reste silencieux, observant les réactions de Bjorn.

Bjorn laisse échapper un léger rire, tout en marmonnant quelques jurons.

« C'est en fait un portrait assez flatteur de moi, enfin, sauf celui-là »

L'expression de Bjorn s'est assombrie lorsqu'il a regardé le dernier magazine sur la table, une publication hebdomadaire publiée par le bureau de l'évêque. Il s'agissait d'un portrait réalisé à la fin de ses études collégiales et il n'avait jamais été satisfait du résultat.

Bjorn a ramassé un cigare dans le cendrier et a tiré dessus avant de continuer à feuilleter les magazines.

« Il n'y a plus moyen d'arrêter la vérité, tu le sais mieux que quiconque » dit Leonid, Bjorn regarde au loin pendant un moment avant de hocher la tête.

Le livre, qui avait été publié par une petite maison d'édition de la capitale, s'était rapidement répandu à travers les terres et était devenu largement disponible dans tout Lechen. Le fait qu'il soit écrit dans une langue étrangère n'a pas ralenti la propagation, grâce aux médias qui se sont empressés de couvrir l'histoire et d'en traduire les principaux détails pour la population.

« J'emmerde les Hartford » dit Bjorn en s'adossant à sa chaise.

Les princes jumeaux et le roi s'étaient rendus à la capitale pour faire face à la nouvelle de la publication de Gerald Owen et authentifier la nature des œuvres. Les débats ont été âpres pendant des jours, jusqu'à ce que la sœur de Gerald se présente avec le manuscrit original, écrit à la main.

Le fait que la famille du poète ait pu provoquer une telle agitation à Lechen était compréhensible. Rétrospectivement, le comportement étonnamment imprudent de Gladys était logique, il s'agissait probablement d'une longue tradition de la famille Hartford.

« Je m'occupe de la prochaine réunion, tu vas te reposer » dit Leonid en poussant un journal.

« Non » dit Bjorn en se levant et en ajustant sa cravate.

Les choses ont été un peu folles au début, les gens étant ébranlés par la juxtaposition de la vérité, mais maintenant que les choses se sont calmées, tout le monde a pu s'engager dans des discussions appropriées sur la façon de gérer l'opinion publique et les conséquences de l'affaire. Bjorn était prêt à rencontrer à nouveau ses ministres.

Les deux princes marchent ensemble dans les couloirs ensoleillés du palais, où leurs pas résonnent. Malgré son attitude audacieuse, Bjorn ne put s'empêcher de rire lorsque les portes de la réception apparurent.

Bjorn semblait si insouciant, plus que d'habitude. Le choc initial de l'aveu d'amour du poète étant passé, Leonid commença à voir un autre côté de Bjorn, un côté qu'il n'avait jamais remarqué auparavant, ce qui contrastait avec les jours où il avait décidé de rejeter la faute sur ses épaules et de renoncer à la couronne.

Leonid se demandait si le mensonge n'avait pas été le meilleur choix.

Bjorn ne regrette pas son choix. Grâce à son sacrifice, la stabilité de la famille royale a servi l'intérêt général, l'intérêt national. Se retirer de la couronne et accepter toutes les accusations sociales et les scandales était la meilleure chose que la famille royale pouvait espérer, et cela a porté ses fruits.

Mais tout a changé lorsqu'il a rencontré Erna. Toutes les fissures qui étaient apparues au cours du mensonge ont été mises en évidence par son amour et elle luttait pour sortir de l'ombre de Gladys. Il était constamment agacé et frustré par ses tentatives, qui finissaient toujours par la blesser. Ces sentiments se sont intensifiés lorsqu'elle est tombée enceinte.

Bjorn s'est rendu compte trop tard qu'il se sentait envahi par le regret. Il détestait se sentir impuissant devant sa femme et Erna le voyait maintenant comme le prince problématique que tout le monde voyait.

Malgré la surveillance intense et le sentiment d'être pris au piège, Bjorn commença à considérer le tumulte comme une opportunité. Tout en sachant que des problèmes se profilaient à l'horizon, il restait persuadé qu'il pouvait les résoudre et aller de l'avant. Le public l'oublierait dès que le prochain scandale éclaterait.

Alors qu'ils s'approchaient de la porte de la réception, Bjorn se demanda s'il devait jouer le rôle d'un dieu tout-puissant dans la vie d'Erna. Au moment même où il pensait à elle, il prit la décision de retourner à Schuber. Cela faisait plus d'une semaine que Leonid lui avait apporté le livre et, pendant ce temps, il n'avait pas vu sa femme une seule fois.

Il avait laissé un message à Mme Fitz pour lui dire qu'il resterait dans la capitale et il se souvenait d'Erna qui se tenait sur le balcon ce matin-là, au moment de son départ, et qui profitait de l'air frais.

Bjorn chassa les pensées distrayantes de son esprit et franchit la porte de la salle de réunion.

***********************************

Bjorn n'est toujours pas rentré.

Avec un profond sentiment de résignation, Erna éteignit la lumière de la table de nuit et plongea la chambre dans l'obscurité. Bien que fatiguée et épuisée, Erna n'arrivait pas à s'endormir. Elle savait que Bjorn ne reviendrait pas, mais elle restait fixée sur la porte de la chambre, souhaitant qu'elle s'ouvre et révèle Bjorn.

Elle était perdue et n'avait aucune idée de ce qui se passait. Elle avait beau lire le livre dont tout le monde parlait, elle n'arrivait pas à en comprendre le sens.

Bien qu'elle comprenne le sens littéral des mots écrits sur les pages et les conversations autour d'elle, ce n'était pas suffisant pour vraiment comprendre ce qui se passait.

Erna ne voulait pas se contenter de comprendre la situation en surface, elle voulait vraiment saisir le sens profond de tout ce qui se passait. Elle voulait demander à Bjorn, elle voulait l'entendre de sa bouche et croire ce qu'il disait.

Pourtant, malgré le sentiment pathétique de devoir compter sur Bjorn, elle attendait son retour avec impatience. Il est parti sans la regarder et n'a pas envoyé une seule lettre.

Renonçant à s'endormir, Erna se redressa et ralluma la lampe. Son visage fatigué s'éclaira et les cercles sombres autour de ses yeux témoignaient du peu de sommeil qu'elle avait eu cette semaine.

Au nom de l'amour et de l’abime

Le livre avait déjà été lu plusieurs fois et la couverture paraissait usée et en dents de scie. Si l'on en croit les mots qu'il contenait, quel genre d'homme était réellement Bjorn Dniester ?

Erna avait de plus en plus de mal à croire qu'elle connaissait cet homme. Elle avait l'impression de vivre avec un parfait inconnu, le père de son enfant à naître, avec qui elle était mariée depuis plus d'un an. Elle ne peut s'empêcher de s'interroger sur le sens de son mariage.

Au moment où cette question amère lui traverse l'esprit, elle entend un léger ricanement de l'autre côté de la porte. Des pas lents et une voix basse se rapprochèrent.

Puis les portes s'ouvrirent.

Bjorn... C'est lui.

Ps de Ciriolla: Alors, douloureuse la chute ma chère Gladys?... le karma s'est y faire pour se rappeler à son bon souvenir....

Tome 1 – Chapitre 110 – Nuit silencieuse

« Bjorn. »

Erna murmura son nom alors qu'il se tenait à l'entrée de sa chambre. Elle cligna des yeux, essayant d'effacer la sensation d'hébétude qui régnait dans son esprit. Ses yeux le reflétèrent lorsqu'il s'approcha, ses cheveux légèrement ébouriffés s'agitant dans la brise qui passait par la fenêtre légèrement ouverte.

« Tu as l'air fatigué » dit Erna en s'approchant. « Tu vas bien ? » murmura-t-elle doucement.

Erna était préoccupée par ce grand étranger sombre qui s'approchait d'elle et Bjorn fit ce qu'il faisait toujours, il rit. Le même vieux Bjorn. Les mots qu'elle avait prononcés n'étaient pas du tout ce à quoi il s'attendait et c'était très caractéristique de Bjorn de rire face à cela.

Il vint s'asseoir sur le bord du lit et regarda autour de lui, les yeux rougis. Les souvenirs de l'été exceptionnellement chaud lui revinrent à l'esprit, suivant les ombres des rideaux qui se gonflaient et s'affaissaient dans le doux souffle de l'air. La distraction avec la sœur du poète mort l'avait distrait au point qu'il avait oublié que l'été toucherait bientôt à sa fin.

Bjorn n'avait jamais considéré le travail comme très difficile. Il s'efforçait toujours de trouver la meilleure solution à tous les problèmes qui se présentaient à lui, mais l'activité constante lui pesait et il était de plus en plus fatigué. Il se sentait comme une corde enseignée sur le point de se rompre.

Il était épuisé.

« Est-ce qu'il s'est passé autre chose, est-ce que ce livre t'a attiré d'autres ennuis ? J'ai vu le livre » dit-elle en le regardant sur sa table de chevet. « Je voulais mieux comprendre ce qui se passait, je suis désolée, j'avais besoin de savoir, mais je suis plus confuse que jamais, Bjorn, tu peux m'expliquer ? »

« Plus tard » dit Bjorn.

Il tendit la main et défit le ruban qui retenait la chemise de nuit de la jeune femme. Erna comprit son intention lorsque ses mains se posèrent sur ses seins.

« Bjorn ! » Erna s'écria, mais ses protestations disparurent dans son baiser.

Il enfonça férocement sa langue dans sa bouche et la massa. Il baissa le pyjama d'Erna de façon à ce que la partie supérieure de son corps soit complètement exposée.

« Plus tard, Erna » dit Bjorn en étendant son ombre sur Erna, « plus tard »

Il retira complètement le pyjama et s'abaissa pour plaquer Erna sur le lit. Il l'embrassa et la suça. Ses joues, ses oreilles, ses lèvres, sa nuque. Le bruit des baisers pressants se répandit dans les ombres sombres de la pièce.

« Bjorn, attends, le bébé » s'écria Erna lorsque la main de Bjorn passe sur la délicate bosse de son ventre et descend entre ses jambes. La résistance d'Erna s'intensifie.

Bjorn s'est arrêté et a regardé Erna, qui lui tenait le poignet assez fermement. Le médecin traitant avait expressément dit de ne pas partager un lit pendant au moins un mois. D'après Bjorn, c'était dans quelques jours, quelle différence cela pouvait-il faire ?

« C'est déjà la fin du mois » dit Bjorn.

Il écarta ses cheveux de son visage et regarda Erna d'un air incertain. Maintenant qu'il y pensait, il ne savait plus que faire d'une femme enceinte. Il savait qu'il n'aurait probablement pas dû la prendre dans ses bras avec autant de force, mais il n'était pas sûr de pouvoir se contrôler.

« C'est bon » dit Bjorn d'un ton apaisant, « je ne l'enfoncerai pas » Il se sentait tellement idiot de parler ainsi, mais il ne s'arrêta pas.

Sentant la poigne d'Erna se relâcher, Bjorn lui pinça doucement le menton et embrassa ses lèvres qui se séparaient. Il lui lécha la langue tandis qu'elle fuyait et retenait son souffle. Sa main parcourut le corps d'Erna et, alors qu'il commençait à apaiser la femme effrayée, la chaleur s'empara de lui.

« Erna, ouvre les yeux » dit Bjorn en lâchant les lèvres de la jeune femme.

Erna haletait, les yeux fermés, et lorsqu'elle les ouvrit, elle eut l'impression de le voir pour la première fois. Ses yeux bleus mouillés étaient magnifiques et scintillaient à la faible lumière de la lampe de chevet. Son désir était aussi ardent que pathétique, palpitant dans son pantalon, maintenu en cage.

« Tu as quelque chose à me dire » dit Erna en lui caressant la joue.

« Plus tard, Erna, je le ferai » répondit Bjorn d'une voix contenue et il baissa son pantalon.

Lorsqu'il pressa son corps contre elle, il sentit qu'elle était aussi humide que ses lèvres, elle laissa échapper un gémissement qui lui chatouilla la nuque.

Bjorn avala les lèvres d'Erna lorsqu'elle tenta de parler à nouveau et bougea ses hanches sans hésiter. Il agrippa et serra les draps pour lutter contre l'envie de s'enfoncer profondément en elle. Il allait devoir lui expliquer, il le savait.

Bjorn pressa ses lèvres dans le cou d'Erna et entendit son souffle rauque s'échapper.

Son doux parfum s'intensifia tandis que sa peau brillait de chaleur. Son esprit était

maintenant dans une brume de plaisir, sentant sa peau douce et son corps chaud contre lui.

Il avait répété l'explication tant de fois et elle avait lu ce foutu livre, comment pouvait-elle ne pas comprendre ? Il voulait que le monde disparaisse et qu'il n'y ait plus qu'eux deux. Serrer cette femme, la serrer fort et ne jamais la laisser partir.

Bjorn bougea sa taille automatiquement tandis que son esprit s'éloignait. Erna essayait de le repousser, mais il n'était pas conscient de ce qu'elle faisait, il se contentait de regarder ses beaux yeux désespérés. Elle était si belle, avec son visage rougi et ses gémissements de plaisir. La soif de son désir mal placé atteignit un sommet vertigineux et la sensation écrasante le secoua pour qu'il reprenne conscience.

Il était à peine capable de réprimer l'envie de se pousser à l'intérieur d'elle et lorsqu'il eut fini, elle roula rapidement, comme si elle s'enfuyait de ses bras. Il la regarda et sourit, l'attirant de nouveau dans ses bras pour l'étreindre. La brise nocturne, portant le parfum du jardin, soufflait vers eux alors qu'ils étaient allongés côte à côte.

Erna regardait distraitement la chambre, éclairée par la douce lueur de la lampe de chevet, le livre posé sous celle-ci. Elle essaya d'ignorer les mouvements des mains de Bjorn entre ses cuisses et les baisers incessants dans son cou. Consumée par la misère du moment, elle ne pouvait que se mordre la lèvre inférieure, luttant contre l'envie de gémir.

Alors que sa conscience vacillait, elle se souvint du temps qu'elle avait passé à chercher un exemplaire de ce livre et des secrets qu'il révélait. Des souvenirs fragmentés de l'année écoulée se fracturaient dans son esprit et transperçaient sa pensée comme des éclats de verre. Pendant tout ce temps, on lui avait donné l'impression d'être la méchante, prenant la place de la parfaite princesse Gladys. Le poids de cette situation la consumait et l'angoissait.

En cet instant, elle ne pouvait s'empêcher de penser à Bjorn, à ce qu'il avait dû ressentir, abandonnant la couronne juste pour protéger la chasteté de la princesse et cacher son infidélité, et l'enfant qu'elle portait d'un autre homme.

Il bougeait et se tortillait sur elle, dans un balancement lent et rythmé, tout en la regardant. Bien qu'elle ne sache pas quoi faire, elle ne peut détacher ses yeux de lui. Elle avait une envie irrépressible de pleurer, mais cela se manifestait par des gémissements désespérés.

Bjorn lui sourit alors que leurs yeux se croisent, ce sourire diablement charmant s'étend sur son visage et fait briller ses yeux gris dans la faible lumière, ce qui fait chanter le cœur d'Erna.

Par réflexe, Erna se couvrit le ventre, comme si elle pouvait protéger son enfant de cette situation. Son odeur s'éleva et remplit sa tête de l'arôme étourdissant du sexe. Un picotement tiède lui monta à la tête.

La respiration de Bjorn s'est calmée et il a lentement ajusté ses vêtements décousus. Son corps était envahi par un doux sentiment d'impuissance qui l'empêchait de bouger

comme il le souhaitait. Au lieu de cela, il poussa un soupir paisible et satisfait, s'allongea à côté d'Erna et se blottit dans son cou. Elle pouvait sentir les battements de son cœur.

La respiration de Bjorn devint lente et laborieuse, succombant au sommeil. La douce étreinte du sommeil était aussi réconfortante pour lui que la femme qu'il câlinait.

« Bjorn ? » La voix d'Erna tremblait légèrement lorsqu'elle prononça son nom.

Prenant une profonde inspiration, Erna s'extirpa doucement du lit et se leva. Les vestiges de leurs ébats s'accrochaient encore à elle, lui rappelant sa situation. L'épouse obéissante et souriante, désireuse de satisfaire son désir. Erna se sentait comme une fleur artificielle, une marchandise achetée à prix d'or.

Pour tenter d'effacer sa mélancolie, elle ramassa les vêtements jetés et se mit en ordre.

Elle enfonça le talon de sa paume dans ses yeux, essayant d'étouffer la tristesse grandissante qui refusait de se dissiper. Le sol froid sous ses pieds apporta un peu de soulagement à la chaleur de l'angoisse.

Erna entra dans la salle de bains et se lava, enfilant une nouvelle chemise de nuit. Elle peignit ses cheveux ébouriffés. C'était comme si elle pouvait effacer le souvenir de ce qui venait de se passer, mais lorsqu'elle retourna dans la chambre, Bjorn était toujours là, endormi, refusant de la laisser oublier.

Erna resta un moment à fixer l'homme avant de se détourner. Elle revint quelques instants plus tard avec une bassine en laiton et une serviette soigneusement pliée. Elle entendit le son léger de l'horloge du grand-père qui sonnait minuit.

Avec un lourd soupir, Erna se mit à enlever les vêtements de Bjorn.

Tome 1 – Chapitre 111 – Un bonheur sans fin

La nuit avait dû être fatigante, Bjorn dormait plus profondément que d'habitude et Erna avait du mal à manœuvrer son poids mort. Heureusement qu'il ne s'est pas réveillé, il aurait été bien grincheux si on l'avait dérangé.

Ce fut un effort, mais Erna parvint finalement à déshabiller Bjorn et à l'asseoir légèrement sur les oreillers. La sueur commençait à perler sur son front lorsqu'elle eut terminé. Elle utilisa ensuite la serviette pour essuyer le visage de Bjorn. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi proche de lui et l'intimité de la situation la poussait à bouger lentement.

Pourquoi était-elle si disposée à se laisser séduire par cet homme ?

A chaque fois qu'il y a un soupçon d'excuses, Erna est prête à pardonner, à comprendre et à retomber amoureuse de lui. Mais pour lui, elle n'était rien de plus qu'une nuisance gênante.

Elle avait passé la semaine dernière à se demander ce que cela ferait de revoir Bjorn et avait imaginé un nombre incalculable de fois comment cela se passerait, d'entendre sa voix, de voir son sourire et de sentir son parfum. Jamais elle ne l'avait imaginé s'excuser, mais elle avait espéré que les choses ne se passeraient pas ainsi, du moins pas sans explication.

Un flot ininterrompu de suppositions dénuées de sens assaillait son esprit. Même si elle savait qu'elle ne pouvait pas éviter d'être traitée comme la méchante qui avait usurpé la place de la princesse Gladys, elle aurait trouvé cela beaucoup plus facile à supporter si Bjorn avait simplement été honnête avec elle. Il garda le secret pour lui et regarda sa femme devenir une paria.

Si le dernier manuscrit du poète n'était pas remonté à la surface, Bjorn aurait continué à se moquer d'elle, probablement pour le reste de sa vie, et même leurs enfants auraient grandi en croyant que leur mère était une scélérate.

Les doigts d'Erna tremblaient en allant essuyer le front de Bjorn, des larmes coulaient sur sa joue et elle les essuyait du revers de la main, son cœur était lourd de trahison.

Malgré tout, elle ne pouvait se résoudre à haïr cet homme.

Avec un profond soupir, Erna frotta les larmes de son visage, faisant rougir son nez et ses joues sous l'effet du frottement vigoureux. Bjorn était inhabituellement paisible ce soir, l'homme qui était si perturbé par le moindre dérangement, dormait à travers ses

sanglots et le nettoyage de son corps. C'était comme s'il ignorait complètement la douleur qu'il causait à sa femme.

Les larmes finirent par cesser, comme si la prise de conscience du mensonge atténuait son impact sur elle avec le temps. Se calmant et ajustant la serviette, elle finit de nettoyer Bjorn. Elle rangea la bassine en laiton dans la salle de bains et retourna recouvrir Bjorn de la couverture. Il est resté profondément endormi pendant tout ce temps.

Lorsqu'elle ferma les rideaux et retourna de son côté du lit, elle était épuisée. Ses paupières étaient pratiquement fermées lorsqu'elle se glissa sous les couvertures. Une légère douleur à l'estomac la tiraillait comme une peau trop tendue. Elle se serra contre elle et la douleur disparut rapidement.

Elle se caressa le ventre, comme pour réconforter un enfant qui grogne. Le médecin avait dit qu'il pourrait y avoir une certaine gêne au fur et à mesure que l'enfant grandirait, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter et même si elle l'appréhendait, Erna attendait avec impatience le jour où son ventre serait rempli d'un bébé en pleine croissance.

Malgré son épuisement, Erna resta longtemps allongée dans le lit, regardant Bjorn dormir à côté d'elle. La prise de conscience qu'ils dormaient enfin ensemble, après tant de temps, lui arracha de nouvelles larmes. Elle resta allongée, le cœur lourd et avec des émotions contradictoires.

Les souvenirs de la première nuit où ils avaient partagé le même lit traversaient son esprit endormi. Bjorn ne savait pas à quel point elle s'était accrochée à ce souhait, même après avoir été rejetée si catégoriquement tant de fois. Elle était folle de joie lorsque cela s'était enfin produit.

Erna eut du mal à s'endormir cette nuit-là aussi et regarda Bjorn sombrer dans le sommeil. Le matin venu, elle se réveilla tôt et attendit que Bjorn fasse de même. Le simple fait de le voir s'endormir et se réveiller à nouveau remplissait son cœur de tant de chaleur, comme s'ils étaient enfin un vrai couple, mais ce n'était qu'un fantasme depuis le début.

Le regard d'Erna se perdait dans l'obscurité et elle se rendit compte que le bout de ses doigts était engourdi. Elle avait passé des jours à arpenter les librairies de la ville, à tel point que ses articulations et ses doigts étaient douloureux. Cela lui rappelait toutes les fleurs qu'elle avait l'habitude de faire.

Les larmes coulèrent à nouveau, tandis qu'elle se pétrissait les mains, essayant de faire disparaître les picotements et l'engourdissement, mais plus elle essayait de retenir les larmes, plus elles remontaient à la surface.

Tous les mots qu'Erna avait prononcés pour convaincre Bjorn lui revinrent à l'esprit, comme s'ils se moquaient de sa naïveté. Amant, ami, famille, compagnon, refuge, rêve, ils résonnaient tous dans son esprit et se tordaient jusqu'à devenir des sentiments de solitude et de désespoir.

Elle avait fait des confidences à Bjorn pour tenter de le conquérir et, quoi qu'on en dise, c'était un homme bon pour elle. À tel point qu'elle espérait qu'en faisant de son mieux, elle parviendrait un jour à signifier quelque chose pour lui.

Bjorn pouvait être un mari aimant et attentionné s'il s'y mettait. Erna s'était contentée d'être sa femme et de profiter du bonheur qui en découlait, mais pouvait-elle parler d'amour ?

Jusqu'à présent, elle se rendait compte qu'ils n'avaient fait que suivre le mouvement, faire ce qu'on attendait d'eux, comme on s'occupe d'un animal domestique apprivoisé.

Ses propres pensées et sentiments ne comptaient pas. Qui pourrait être heureux dans une telle harmonie ? Tout cela ressemblait à un fardeau inutile.

Erna regarda l'homme allongé à côté d'elle avec des yeux sombres. Soudain, une vie avec Bjorn lui paraissait étouffante. Cela lui rappelait l'époque où elle comptait les fleurs qu'elle devait vendre pour rembourser ses dettes.

Maintenant, au lieu de vendre des fleurs, elle était devenue la fleur et elle sentait qu'il était de sa responsabilité de vivre selon ses souhaits. Elle devait payer ses dettes d'une manière ou d'une autre, elle devait toujours le faire. Elle avait l'impression qu'elle allait dépérir.

Bjorn ouvrit brusquement les yeux et fit sursauter Erna. Avant qu'il n'ait pu enregistrer l'évidence de ses larmes, ses yeux se sont refermés et il s'est rendormi. Un bras sortit des couvertures et s'enroula autour d'Erna, la serrant fort, comme s'il ne voulait jamais la laisser partir.

Erna ne savait pas quoi faire, elle ferma les yeux et compta jusqu'à trois, puis jusqu'à cinq, chaque compte étant plus lent que le précédent. Au bout d'un certain temps, elle était toujours enlacée dans les bras de Bjorn, son souffle chaud sur son front.

Erna se détendit dans son étreinte. Ses bras étaient aussi réconfortants qu'ils l'avaient toujours été et pendant un instant, elle se laissa aller à croire que tout irait bien. Elle était convaincue que Bjorn lui expliquerait tout au matin et qu'elle pourrait à nouveau sourire comme la fleur qu'elle était.

Enveloppée dans ce mensonge réconfortant, Erna finit par s'endormir. Elle murmura le nom de Bjorn, comme si elle l'appelait dans son sommeil. Elle avait voulu dire quelque chose, mais son esprit endormi avait fait disparaître toute pensée. Avait-elle voulu lui avouer son amour, ou lui demander de le comprendre ?

***********************************

Peter regarda, les yeux écarquillés, le feu qui brûlait sur la place rugir. Il pouvait voir la foule en colère qui s'était rassemblée pour organiser une manifestation peu pacifique, exigeant que Lechen déclare immédiatement la guerre.

En regardant de plus près, il se rendit compte qu'ils brûlaient des objets liés à la princesse Gladys, des cartes postales et des articles de journaux, des monuments et des

livres. La terrasse du club social est bondée de messieurs venus assister à la manifestation, mais Peter n'éprouve qu'un sentiment d'horreur.

« Ils brûleraient la princesse sur le bûcher s'ils le pouvaient » marmonne Peter sous sa respiration. « Quelle que soit ma colère, je ne blâmerai pas le prince innocent » Il fit claquer sa langue en voyant le visage de Bjorn s'embraser sur le portrait de son mariage avec Gladys.

« C'est ce qu'on fait avec les portraits de ses ex, qui finissent par être déshonorés et se remarient. Ce serait un continent qui brûlerait ensemble et disparaîtrait » déclara Leonard, ce que le groupe a approuvé en silence.

Comme prévu, le sujet de discussion le plus brûlant était Bjorn et Gladys. Plus on était proche de Bjorn, plus les réévaluations étaient choquantes. Il était clair que le mensonge avait causé un grand désarroi parmi ses proches.

« Brûlez la sorcière de Lars, brûlez la sorcière de Lars » scandait la foule, tandis qu'un homme versait de l'huile sur le brasier.

« Il est étonnant de voir à quelle vitesse les masses se transforment, alors que la semaine dernière encore, elles s'entichaient toutes de la princesse. Cela fait presque un an que le Prince s'est remarié et il y a tant de gens qui ont encore des souvenirs de Bjorn et Gladys » Peter secoua la tête en signe de désapprobation et alluma un cigare, peut-être pour se calmer. « Tout le monde voulait absolument qu'ils se remettent ensemble, et je suis heureux que ma mère n'y ait pas cru. Pouvez-vous imaginer le gâchis que cela représente aujourd'hui ? »

« Ma sœur est en état de choc, elle est alitée depuis des jours » dit Leonard.

« Peut-être devriez-vous garder un œil sur elle, au cas où elle déciderait d'aller à la rivière »

La plaisanterie suscita un murmure de rire, faisant référence à un incident survenu il n'y a pas si longtemps, où une jeune fille, adepte enthousiaste de la princesse Gladys, était descendue à la rivière et s'était noyée dans la rivière Abit. Heureusement, la rivière était trop peu profonde et elle a été sauvée presque immédiatement.

« Bjorn va-t-il s'en sortir ? » demande Peter.

En entendant cette inquiétude sincère, tous les visages autour de la table se sont tournés vers lui et l'ambiance de la table s'est assombrie. Après un moment de réflexion, tout le monde semble arriver à la même conclusion : il ne sert à rien de s'inquiéter pour un homme qui a si bien réussi à cacher un terrible secret. Ils décident de porter leur attention sur la pauvre et innocente Grande-Duchesse et sur l'impact potentiel du scandale sur elle.

« Le bébé cerf doit le savoir, n'est-ce pas ? »

« En effet, si Bjorn a été capable de garder un tel secret pour la Grande Duchesse, sa propre femme, alors on peut se demander si cet homme est vraiment humain »

« Absolument, accepter le rôle de méchante dans la vie de son mari et rester à ses côtés pendant tout ce temps, voilà ce qu'est l'amour » acquiesça Leonard d'un air pensif.

Ils regardèrent un immense portrait du prince héritier de Lechen et de la princesse Gladys être hissé sur le feu. L'huile contenue dans les peintures fouettait les flammes avec fureur. C'était le reflet de la façon dont le peuple de Lechen était passé d'une idolâtrie incontrôlée à une folie déraisonnable.

À ce moment-là, le fils du comte s'est précipité sur le balcon, tenant un exemplaire du tabloïd du matin. En première page, on pouvait lire les aveux choquants d'une chanteuse d'opéra, qui affirmait avoir eu une liaison avec Bjorn.

Révéler les secrets de cette journée : La vérité dévoilée.

Ce titre provocateur provoque un véritable émoi. Les messieurs se sont empressés de se rassembler autour du fils du comte. Du coup, la table tourne rapidement à l'anarchie.

Les boissons sont éparpillées et les papiers oubliés. L'intérêt des uns et des autres atteint son paroxysme.

« BRÛLEZ LA SORCIÈRE DE LARS ! »

La clameur furieuse résonne sur la place, emportée par le vent qui porte la fraîcheur inquiétante de l'automne qui s'annonce.

Tome 1 – Chapitre 112 – La sorcière et la sainte

Mme Fitz est entrée dans la chambre du Grand-Duc et l'a trouvé assis sur le balcon, buvant un whisky avec des glaçons. Malgré les récents bouleversements, il semblait d'humeur très détendue, ne montrant aucune inquiétude quant à l'agitation qui régnait.

« Vous êtes vraiment déplorable, Votre Altesse » dit Mrs Fitz d'un ton ferme et résolu.

Bjorn n'a pas enregistré les propos de Mme Fitz et lui a pris le courrier quotidien en souriant. Mme Fitz avait déjà passé les lettres au crible, ne laissant que celles qui nécessitaient l'attention du prince. L'une de ces lettres, en provenance de la banque, a fait réagir Bjorn.

« Préparez la voiture, je pars dans trente minutes. »

« Pourquoi ne pas faire une petite pause ? » dit Mme Fitz. « Vous vous êtes trop forcé ces derniers temps. Vous avez beau être jeune et robuste, l'excès d'efforts finit par faire des ravages »

« Si je tombais malade, je demanderais à ma nounou de mieux me chanter » plaisante Bjorn en ouvrant le journal.

La révélation de la princesse Gladys faisait encore couler beaucoup d'encre et un article d'une chanteuse d'opéra divulguait tous les potins les plus croustillants sur sa liaison avec le prince infidèle. Bjorn saisit une pomme et, tout en la croquant, réfléchit au poids que représente le fait de devoir garder un secret pour toujours.

L'actrice avait été grassement payée pour dépeindre le prince héritier comme un tricheur, elle allait devoir garder ce petit secret pour toujours. Bjorn ne s'en souciait guère, il avait déjà assuré à Erna qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.

Erna, pensa-t-il en prenant une nouvelle bouchée de la pomme, son jus sucré emplissant sa bouche et répandant un désir en lui.

Lorsqu'il se réveilla, il se souvint des événements de la nuit précédente. Il laissa échapper un rire, son esprit s'éclaircit et il commença à comprendre la situation. Il sortit du lit sur la pointe des pieds, faisant de son mieux pour ne pas déranger sa femme endormie. Il prit un bain dans sa propre chambre et, lorsqu'il eut terminé, il était presque midi.

Tu as quelque chose à me dire ?

Le visage baigné de larmes d'Erna lui revint à l'esprit tandis qu'il regardait le jardin. Il lui semblait inutile de lui raconter une histoire qu'elle connaissait déjà, mais lorsqu'une femme était déterminée, il était impossible de la détourner de son chemin. Il ne voulait pas troubler son repos, il avait l'intention de lui raconter, mais autant faire quelques courses avant. Il serait de retour pour le dîner et ils pourraient alors parler.

Bjorn lécha le jus de pomme de ses doigts et jeta le trognon sur la table. Il se leva de son siège et se dirigea vers la voiture qui devait être prête à l'heure qu'il est. Mme Fitz l'attendait devant sa suite.

« Avez-vous quelque chose à me dire, Votre Altesse ? »

Mme Fitz était plus sérieuse que jamais, mais Bjorn pouvait voir une légère lueur au coin de ses yeux. Il comprit pourquoi et croisa son regard.

« Ma nounou serait toujours aussi jolie, même en tant que grand-mère » dit Bjorn.

La deuxième tentative d'humour de Bjorn suscita un rire étrange de la part de Mrs Fitz qui, malgré sa sévérité, esquissa un sourire.

« Vous êtes bien plus belle quand vous souriez » dit Bjorn.

« Votre Altesse »

« Vraiment, je le pense »

Bjorn parle d'un ton chaleureux mais ferme et Mrs Fitz acquiesce, consciente que Bjorn a atteint ses limites.

« Votre Altesse, vous avez beaucoup souffert. »

Mme Fitz s'écarta, laissant Bjorn poursuivre son chemin, le talonnant comme elle le faisait toujours. Avant de monter dans la voiture, il s'inclina devant elle plus profondément que d'habitude. Lorsqu'il se redressa et lui sourit, il ressemblait au petit garçon qu'elle réprimandait toujours pour tous les ennuis qu'il se mettait à faire.

Le prince n'était qu'un homme, qui n'était qu'un garçon, et pourtant, malgré tous ses défauts et ses imperfections, tous les ennuis qu'il avait causés, elle l'aimait quand même.

***********************************

« S'il faut se déchaîner, il faut au moins le faire avec modération » déclara Lisa.

Elle observa la jeune fille en pleurs, l'agacement se lisant clairement sur son visage. La jeune fille faisait de son mieux pour étouffer ses sanglots, mais ceux-ci devenaient de plus en plus bruyants et dérangeants, brisant la tranquillité de la salle commune.

« Comment la princesse Gladys a-t-elle pu faire cela, comment ? » dit une autre servante en se joignant aux sanglots.

Elles étaient toutes réunies autour d'un journal où était imprimée une lettre de la princesse Gladys. Lisa se sentait embarrassée par toute cette histoire.

La maison d'édition Hermann avait enfin publié une traduction de certaines des lettres les plus sensationnelles de la princesse Gladys, adressées à son amant qui n'était pas le prince Bjorn, mais en fait Gerald Owen.

« Pourquoi ne pas les relire ? Je suis curieuse de savoir pourquoi tout le monde est bouleversé » dit Lisa d'un ton fort et assuré. L'arrogance était méritée, pensait-elle, pour avoir vilipendé Erna. « Vas-y, lis-la, je veux savoir ce qu'elle a fait d'odieux. »

La servante bouleversée relut la lettre et bien qu'ils en connaissent le contenu, le choc qui parcourut la salle commune fut toujours le même.

« Vous êtes le père de l'enfant qui est en moi. Mon mari ne m'a pas encore embrassée, il ne fait donc aucun doute que vous êtes le père, Gérald, j'ai l'impression de marcher sur des œufs. Je ne sais pas si Bjorn va vraiment élever notre enfant comme s'il était le sien.

La culpabilité et l'anxiété deviennent insupportables et je ne sais pas quoi faire. Je souhaite ardemment que tu sois avec notre enfant »

À l'annonce de la grossesse, la salle s'est mise à jurer et à crier à la trahison.

« Je ne savais même pas que j'étais victime d'un tel tour de passe-passe, nous avons tous maudit le prince Bjorn »

« La princesse Gladys a toujours été comme ça. Elle peut paraître douce, gentille et élégante en apparence, mais à l'intérieur, c'est un désordre monstrueux » commenta quelqu'un.

Les servantes et les domestiques sont de plus en plus nombreux à prendre la parole, partageant leurs propres expériences qui prouvent que la princesse Gladys n'est pas une personne très gentille. Les quelques personnes qui se tenaient encore du côté de la princesse Gladys étaient submergées. Il devenait évident que la princesse Gladys, qui était loin d'être aussi jolie que la grande duchesse sans maquillage, était une femme superficielle dont la politesse n'était qu'une façade.

Lisa a assisté à toute cette épreuve et s'est moquée de l'inconstance des personnes qui l'entouraient. En l'espace d'une semaine, leurs esprits avaient été tordus et remodelés.

Le 'prince des champignons vénéneux', autrefois honni, était soudain devenu une victime, un noble héros disculpé pour le sacrifice qu'il avait fait pour son pays. Des articles faisaient l'éloge de Bjorn et critiquaient la famille royale de Lars. Même si Erna est au courant de la procédure, elle reste silencieuse. En un clin d'œil, elle passe du statut de méchante à celui de sainte.

Mais Erna savait-elle vraiment tout ?

« Avez-vous entendu les rumeurs selon lesquelles notre prince serait rétabli dans ses fonctions de prince héritier ? Ne serait-ce pas quelque chose ? Maintenant que la vérité a été révélée, cela semble tout à fait approprié » disaient d'autres personnes.

La rumeur a suscité des discussions animées au sein de divers groupes qui, alors qu'ils avaient dit qu'Erna ne tiendrait pas un an, la considéraient désormais comme la future reine.

« Vous êtes si bruyants » dit Lisa en éclatant de rire.

Elle se leva d'un bond de son siège, ce qui provoqua la surprise de tout le monde. «

Pourquoi en voulez-vous à la princesse Gladys, comme si elle vous avait dit d'intimider la grande-duchesse ? »

« Eh bien, c'est ça. Nous avons été trompés par la princesse Gladys et avons mal compris la grande duchesse... »

« Non, vous n'êtes que des brutes. Vous avez pris plaisir à harceler Son Altesse. Ne blâmez pas la princesse Gladys pour vos actions, vous êtes aussi mauvais qu'elle. »

Lisa se sentait envahie par l'émotion alors qu'elle contemplait la nature inconstante de l'opinion publique. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir frustrée par la façon dont Erna avait été vilipendée et était maintenant considérée comme une sainte. Pour Lisa, Erna a toujours été une femme douce et attentionnée, peu importe ce que les autres pensent d'elle.

Alors qu'une autre servante s'apprêtait à répliquer, la sonnette d'appel retentit. Elle provenait de la chambre de la grande-duchesse.

Le brusque relâchement de la tension plongea tout le monde dans un silence anxieux, jetant des regards sur Lisa et Lisa sur eux. Lorsque la cloche retentit une seconde fois, Lisa se détourna du groupe et se dirigea en toute hâte vers les appartements de la grande-duchesse, suivie de près par une servante.

******************************************

Les cadres de la banque Freyr jettent des regards fatigués vers le bout de la table, vers la chaise vide qui attend Bjorn. Lorsque les portes de la salle de réunion s'ouvrent sans crier gare, ils sursautent.

Personne ne s'attendait à ce que Bjorn fasse une apparition à cette réunion, étant donné l'état actuel de ses affaires, ils pensaient qu'ils ne le verraient pas avant un certain temps. Le dévouement du prince à ses investissements a prouvé le contraire.

Bjorn se dirigea vers son siège et s'assit avec sa nonchalance habituelle. Personne n'aurait pu deviner qu'il avait été victime d'un crime scandaleux. Il n'était plus question de le considérer comme un héros ressuscité qui avait sacrifié sa couronne pour apporter la paix à son pays. Il n'était que Bjorn Dniester, un investisseur.

La réunion s'est déroulée avec un tact efficace qui leur a permis de terminer bien plus tôt que prévu. Grâce aux incitations de Bjorn, ils ont pu trouver un terrain d'entente entre ceux qui hésitaient à investir sans discernement dans des actions de chemins de fer et ceux qui souhaitaient préconiser une approche plus agressive. Les investissements dans une mine de mercure et une usine de fonte ont également été

réalisés avec un minimum d'agitation, grâce aux manières froides et calculatrices de Bjorn.

Alors que la réunion touche à sa fin, un jeune directeur s'approche avec un peu d'hésitation du bout de la table. Bjorn s'était retourné pour regarder par la fenêtre, mais il avait remarqué l'approche du directeur.

« Votre Altesse, à quel point avez-vous été inquiet ? »

Le jeune directeur s'exprima aussi respectueusement qu'il le put. Bjorn sourit et posa le verre d'eau qu'il tenait sur la table. Il se mit à feuilleter les papiers posés sur le bureau devant lui.

« Je me préoccupe seulement de vous donner la consolation que vous souhaitez d'ici la fin de notre prochaine réunion » dit Bjorn. Il se lève et redresse sa veste.

Le jeune directeur s'est senti déstabilisé lorsque Bjorn s'est levé, le dominant de toute sa hauteur. Bjorn quitta la pièce, satisfait que le directeur n'ait plus rien à ajouter, et les bruits de pas de Bjorn résonnèrent dans la pièce.

Alors que Bjorn s'apprête à refermer la porte derrière lui, il se tourne vers le jeune directeur.

« Oh, vous avez un enfant, n'est-ce pas ? »

« Pardon ? Oh, oui, Votre Altesse, deux fils et une fille. »

« Bien, puis-je vous demander une faveur ? » Pour la première fois depuis qu'il est entré dans la pièce, le visage de Bjorn est sérieux.

« Oui, bien sûr, Votre Altesse, n'hésitez pas à demander quoi que ce soit »

Ps de Ciriolla: Lisa toujours droite dans ses bottes, heureusement qu'elle est la pour Erna..

et notre Bjorn serai-t-il sur la voie du changement?

Tome 1 – Chapitre 113 – Le roi possède

le monde

Lorsque Mme Fritz a ouvert la porte, la première chose qu'elle a remarquée a été le bruit des pleurs de Lisa.

Mme Fritz est entrée dans la chambre, encore haletante d'avoir sprinté. Le spectacle qui s'offrait à elle lui coupa le souffle et elle se sentit défaillir. Les tapis et les draps étaient couverts de taches de sang. Les taches jetaient un regard accusateur, provoquant une vive douleur dans le sien.

Mme Fritz envoya Lisa prendre l'air et se rendit auprès d'Erna qui, assise sur le lit, essayait de se calmer. Les larmes coulent sur les joues de la Grande-Duchesse en un grand fleuve de tristesse.

« Du sang, tout à coup... du sang... » hurla Erna.

Depuis un certain temps, Erna ressentait des douleurs intermittentes, mais tant qu'elle voyait des signes que le bébé grandissait bien, elle les supportait. La présence de Bjorn à ses côtés l'aidait, il avait une présence qui l'apaisait et lui permettait de dormir. Même si elle se réveillait seule, le fait qu'un bébé lui tienne compagnie la satisfaisait.

Elle attendait Bjorn.

Il lui répétait toujours la même tâche.

Puis-je sourire ?

Erna répétait la tâche calmement, comme si c'était aussi facile que de respirer, mais lorsqu'une question la prenait au dépourvu, elle paniquait. Elle se tourne instinctivement vers son enfant à naître et lui caresse le ventre. Elle avait envie de sourire joliment à son enfant et cherchait à le rassurer.

Pour que maman puisse bien faire, même pour toi, s'il te plaît.

Le bébé détestait-il une telle mère ? Erna poussa un cri de frustration. Malgré tous ses efforts pour le retenir, elle ne pouvait pas le dissimuler, même si elle se mordait la langue.

« Le médecin va bientôt arriver, Calmez-vous » dit Mme Fits, assise à côté d'Erna, faisant de son mieux pour calmer la femme frénétique.

Mme Fritz semblait distante, comme si elle parlait depuis la pièce voisine. Erna hocha la tête avec difficulté tout en sanglotant, serrant ses jambes l'une contre l'autre, essayant désespérément d'arrêter le sang.

Après avoir appris que Bjorn était sorti, Erna décida de prendre un petit déjeuner tardif, mais à peine avait-elle avalé une bouchée que la douleur commença à se faire sentir. Son cœur s'emballa sous l'effet de l'angoisse et Erna décida de se recoucher, espérant que la douleur s'estomperait.

Malgré la douleur qui l'habitait, elle sentait que l'enfant s'en sortait bien, qu'il avait la force de son père. Erna y trouva un certain réconfort et se dit qu'elle s'en sortirait, qu'elle devait s'en sortir.

Au bout d'un moment, la douleur s'atténua et lorsqu'elle se leva pour ouvrir les rideaux, elle sentit quelque chose de chaud couler le long de sa jambe. Il lui fallut un moment pour réaliser que son pied était trempé de sang.

Bjorn.

Elle sonna frénétiquement et l'appela par son nom. Elle savait qu'il n'était pas là, mais en prononçant son nom, elle pouvait en quelque sorte protéger son bébé.

Bjorn.

La douleur s'intensifia et Erna appela encore plus désespérément. Elle attendait toujours qu'il vienne. S'il pouvait juste venir et lui dire que tout irait bien.

Même si les choses n'allaient pas s'arranger, il lui suffirait de l'avoir à ses côtés. La peur et la douleur qu'elle ressentait étaient insupportables et elle désirait ardemment le voir.

« Quelqu'un est allé prévenir le prince, il sera bientôt là. Attendez encore un peu, Votre Altesse, tout ira bien » Mme Fitz dit, la voix tremblante.

Bjorn.

La seule chose qu'Erna pouvait faire était d'endurer la douleur et de continuer à appeler le nom de Bjorn.

Elle essuie la sueur froide et les larmes sur le visage d'Erna. Erna était une boule d'agonie recroquevillée sur elle-même, mais elle parvint tout de même à hocher la tête.

Ses petites mains s'agrippaient de toutes leurs forces à l'oreiller.

**********************************

Les passants s'arrêtent, bouche bée, lorsqu'ils aperçoivent l'arrêt de la calèche royale en plein centre-ville. Ils n'en croient pas leurs yeux et, à mesure que la nouvelle se répand, la foule commence à grossir. Bientôt, la rue était bondée et l'air était rempli du bourdonnement des gens.

« Votre Altesse, vous allez bien ? » demanda le cocher, alors que Bjorn descendait de la calèche.

Il n'était pas sûr que Bjorn ait décidé de se tenir devant la foule, surtout compte tenu de la situation. Ils attendirent Bjorn à l'extérieur du grand magasin, tandis qu'il saluait la foule rassemblée, restant étonnamment calme.

« Allons-y » dit Bjorn en ouvrant la marche.

Il n'y avait aucune hésitation dans les pensées ou les mouvements de Bjorn. Les assistants se précipitèrent à sa suite, essayant de réfléchir à la manière de gérer cette foule chaotique, mais, étonnamment, la foule ouvrit un chemin sans aucune cajolerie.

De temps en temps, lorsque le chaos éclate dans la foule, Bjorn s'arrête et observe la scène. Sa seule présence suffit à calmer les fauteurs de troubles. Ses salutations et son sourire étaient impeccables, élégants et habiles. Qu'il s'adresse à ceux qui l'appellent par son nom ou à ceux qui maudissent la princesse Gladys, il les salue tous de la même façon.

Même lorsqu'ils atteignirent le grand magasin sans encombre, les employés parurent inquiets. Il y avait très peu de choses qui menaçaient Bjorn, mais à chaque fois qu'une agitation éclatait, ils sursautaient, mais il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.

« Où sont les peluches ? » Bjorn demande à un employé qui le regarde comme s'il avait vu un fantôme.

« U...étage 2, Votre Altesse » répondit l'employé.

Bjorn acquiesça et suivit le doigt de la femme qui l'indiquait. Il se dirigea vers l'étage 2

par des escaliers luxueux et fut rapidement rejoint par un petit groupe d'employés qui aidèrent le Grand-Duc à trouver ce qu'il cherchait.

Malgré les histoires peu excitantes du jeune directeur sur les fleurs et les jouets pour enfants, Bjorn l'écouta patiemment lorsqu'il lui demanda 'quel serait un bon cadeau à offrir à son enfant à naître' C'est la réaction du jeune directeur qui amusa le plus Bjorn.

Bjorn avait l'intention de parcourir les jouets et les peluches proposés et de choisir lui-même un cadeau, mais lorsqu'il a imaginé les réactions embarrassées et troublées d'Erna, il a décidé de faire quelque chose de complètement différent. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait l'habitude de faire auparavant et cela ne semblait pas être une grosse affaire.

Faire du shopping dans un grand magasin. Il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il n'était pas en train de perdre la tête.

« Wow, Votre Altesse » dit le vendeur.

Bjorn sourit au vendeur du rayon jouets. Erna a dit qu'elle était enceinte quand Bjorn a voulu lui faire l'amour, cette nuit-là, c'est tout ce qu'elle avait à dire. Il n'avait pas l'intention de le faire, honnêtement.

C'était une journée pleine de malchance et tout ce qui pouvait mal tourner, a mal tourné et lorsque la nouvelle choquante a été annoncée, son esprit s'est engourdi. Il lui était difficile de penser clairement. Maudit soit cet homme, Walter Hardy.

Lorsqu'il a appris qu'il allait avoir un enfant, il a pensé par réflexe à un nom et s'est concentré dessus. Il ne voulait pas que son enfant soit associé à ce nom répugnant. Il s'est efforcé de faire face à tout contrecoup de sa décision, tout cela pour protéger Erna.

Quelle piètre excuse !

« Votre Altesse, êtes-vous en train de choisir un cadeau pour votre bébé ? »

Bjorn fit un signe de tête à l'employé.

« Qu'est-ce qui vous conviendrait le mieux ? » demanda Bjorn en faisant un signe de tête vers l'étagère remplie de nounours.

Le jeune directeur s'était vanté de la façon dont son fils avait serré l'ours en peluche si fort qu'ils n'avaient pas pu l'arracher de ses petites mains. Même si le directeur avait été inquiet de voir son fils aimer autant les peluches, il arborait un sourire fier. Bjorn ne peut s'empêcher de penser que le directeur a un problème, mais ce n'est pas une mauvaise chose.

« Ce sont les peluches les plus populaires » dit l'employée, le visage illuminé.

Elle sortit deux peluches de l'étagère. Celui de droite était pour une petite fille, celui de gauche pour un garçon. Bjorn était capable de faire cette distinction assez facilement.

« Vous pensez que c'est un fils ou une fille ? » demanda l'employée.

Un fils ou une fille ? se dit Bjorn. Des jumeaux ?

L'idée que deux petits êtres humains puissent grandir à l'intérieur du minuscule cadre d'Erna semblait impossible, mais malgré le résultat, Bjorn ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur le bien-être d'Erna.

Bjorn accepta la peluche que le vendeur lui offrit et en étudia chaque centimètre. A qui leur enfant ressemblerait-il le plus ? Il y aura une longue conversation au dîner de ce soir. Finalement, Bjorn acheta les deux poupées, espérant qu'Erna ne serait pas intimidée par un tel cadeau.

******************************

« Je suis désolé, Votre Majesté. »

Le médecin baisse la tête en s'excusant. Isabelle Dniester, qui faisait anxieusement les cent pas dans le salon, poussa un soupir silencieux et ferma les yeux, déçue. Lorsqu'elle avait appris l'hémorragie d'Erna, la situation était déjà devenue incontrôlable. Le médecin avait informé la Grande-Duchesse que son corps était trop faible et que l'hémorragie était abondante.

« Il n'y a rien que vous puissiez faire ? » demande Isabelle.

Le visage du médecin devient sombre et il secoue la tête. Isabelle savait que c'était une question stupide, elle connaissait déjà la réponse, s'il y avait quelque chose à faire, ils l'auraient fait.

« Où est Bjorn ? » dit Isabelle en se tournant vers Mme Fitz.

« J'ai envoyé quelqu'un à la banque, mais le prince était déjà parti. Peut-être est-il déjà sur le chemin du retour »

« A un moment pareil »

« Nous cherchons le prince dans tous ses lieux habituels, il sera bientôt là » dit Mrs Fitz en baissant la tête en signe de culpabilité.

Même si sa présence n'aurait rien changé à l'état de la Grande-Duchesse, elle l'aurait grandement réconfortée.

« Votre Majesté, nous devons prendre une décision » dit le médecin. « Si nous continuons ainsi, nous ne ferons qu'accroître la douleur inutile de la grande-duchesse. »

Isabelle regarda avec tristesse la porte entrouverte, où elle pouvait entendre les gémissements désespérés de la grande-duchesse, qui appelait son mari. Elle savait que la gravité de la situation ne lui échappait pas.

Tome 1 – Chapitre 114 – Le début et la fin

Une fois l'agitation du grand magasin calmée, les personnes présentes sont arrivées à la même conclusion : le prince aimait sa femme. Il apparaissait comme n'importe quel autre jeune père, se réjouissant de la nouvelle de leur premier enfant, ignorant superbement la tourmente de leur mariage et de leur divorce passés.

Cette révélation en a réconforté plus d'un, d'autant plus qu'elle avait été utilisée dans le passé pour ternir la réputation de la famille royale. Le fait que la sorcière de Lars ait manipulé la famille royale de Lechen ne pouvait être ignoré.

Le prince héritier de Lechen s'était engagé dans un mariage arrangé uniquement dans l'intérêt national et était même allé jusqu'à renoncer à sa couronne au nom de son pays.

Un tel acte désintéressé était considéré comme un noble sacrifice.

« Je ne prendrai pas votre argent, Votre Altesse » dit le propriétaire de la confiserie.

Il était ému et au bord des larmes, tandis que Bjorn regardait autour de la confiserie, à la recherche des friandises préférées d'Erna. Cela montrait qu'il était un mari très dévoué et très amoureux de sa femme. Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire la situation.

« Considérez cela comme des excuses, pour avoir mal compris Son Altesse, la Grande-Duchesse » dit le vendeur.

Le paquet cadeau qu'elle avait préparé était enveloppé de rubans et de papier d'emballage colorés, c'était un cadeau parfaitement adapté à Erna.

« Je vous remercie » dit Bjorn. « Peut-être que la prochaine fois, si vous voulez faire un cadeau, vous le transmettrez directement à ma femme » dit Bjorn en faisant un clin d'œil à l'employé.

« Y aura-t-il un jour où je pourrai la voir ? »

« Bien sûr » dit Bjorn, un instant perdu dans ses pensées, avant d'acquiescer, « parce qu'elle adore ce grand magasin »

Bjorn se souvint qu'Erna avait imaginé un grand magasin aussi grandiose et plus beau que le palais lorsqu'elle vivait à la campagne. Il sourit en se rappelant qu'Erna avait l'habitude de livrer des fleurs à ce même magasin.

Bien qu'il y ait beaucoup de sucreries au manoir, Bjorn ressent l'envie d'en acheter d'autres pour sa femme. C'est alors qu'il se rendit compte qu'il avait été plus attentif à

Erna, surtout depuis qu'elle avait commencé à manger des bonbons plus souvent, ce qui devait être le signe qu'elle était enceinte.

Bjorn envisagea un instant de rentrer chez lui, mais au lieu de cela, il descendit au premier étage. La foule le suivait partout, mais il l'ignorait. Si ses efforts ont aidé la Grande-Duchesse à se faire aimer du peuple, alors il supportera d'être le spectacle.

Il passa devant le magasin de chapeaux et se demanda si c'était le même que celui où Erna avait livré ses fleurs. Bien que les chapeaux exposés soient en effet très jolis et colorés, même lui pouvait dire qu'ils faisaient pâle figure en comparaison des tentatives d'Erna, qui se vantait d'être mieux payée que la plupart des gens, ce qui ne devait pas être exagéré.

Bjorn continua d'observer le premier étage, puis s'arrêta devant un étalage de bibelots étincelants. Il trouva amusant d'envisager d'acheter quelque chose à un simple bijoutier, alors qu'il avait accès au meilleur bijoutier du continent.

Malgré l'ironie de la situation, Bjorn entra dans la boutique. Il voulait acheter quelque chose de spécial pour Erna, quelque chose de plus spécial que tout ce qu'elle avait reçu auparavant. Il était envahi par le désir de remplir la vie d'Erna de beauté et de grandeur.

Il pouvait lui offrir tout ce qu'elle désirait, mais Erna n'était pas du genre à se satisfaire facilement, ce qui ne faisait qu'accroître la détermination de Bjorn. Il ressent un sentiment d'urgence et de frustration à l'idée de trouver le cadeau parfait.

Bjorn était souvent déconcerté par son désir de plaire à Erna. Il était difficile de concilier le fait qu'il pouvait contrôler tous les aspects de sa vie sans difficulté, mais qu'il ne pouvait pas contrôler les sentiments qu'il éprouvait pour elle. Plus il essayait, plus il devenait anxieux.

Erna aurait dû lui apporter joie et paix, mais elle est devenue une variable qui ébranle ses libertés. Même lorsqu'elle ne pouvait plus remplir son rôle, cette femme le rendait fou de désir. C'était une situation drôle et ironique dans laquelle il se trouvait.

« Je pense que celui-ci lui ira bien » dit Bjorn en choisissant un bracelet en platine avec des breloques qui tintent.

Bien que le bracelet ne soit pas tape-à-l'œil, sa fabrication est d'une élégance délicate, ce qui en fait le cadeau idéal pour Erna.

Bjorn se sentait satisfait rien qu'en pensant au bracelet qu'Erna porterait au poignet, alors qu'elle vaquait délicatement à ses occupations. Il savait que ce serait un cadeau pratique qu'elle pourrait porter et apprécier tous les jours.

« Je le prends » dit Bjorn au vendeur.

En retournant dans le grand magasin, il souhaita soudain qu'Erna soit réveillée, pour qu'il puisse voir son beau sourire. Il voulait voir la joie sur son visage lorsqu'elle recevrait les cadeaux qu'il avait méticuleusement choisis pour elle.

Il se promenait de long en large, choisissant d'autres petits cadeaux, avant d'acheter un gros bouquet de fleurs qui, il le savait, plairait beaucoup à Erna.

La foule regardait le prince acheter tous les cadeaux pour sa femme, et l'impatience grandissait à l'idée d'une nouvelle histoire d'amour que Lechen adorerait. L'histoire d'une fille de la campagne qui avait fait fondre le cœur glacé d'un prince éconduit. Ou peut-être l'histoire d'un noble prince monté sur un cheval blanc, qui a sauvé une humble fille de la tour de la dette créée par un père diabolique. Quoi qu'il en soit, il était clair que l'histoire serait bien plus qu'un simple conte de fées.

Le personnage principal de ce nouveau récit n'est autre qu'Erna Dniester, la femme qui était auparavant considérée comme la méchante.

*************************************

Erna est submergée par une douleur qui ne fait que croître à chaque instant.

Sa conscience commençait à s'estomper avec la perte de sang, qui remplissait la pièce de son âcreté. Des sanglots douloureux et des appels désespérés sortaient d'Erna par faibles halètements. L'atmosphère de la chambre était lourde et oppressante.

« Docteur... mon bébé.. » Erna leva la tête de l'oreiller.

Elle voulait demander au médecin de protéger son bébé, mais la douleur était si intense qu'elle ne pouvait pas bouger les lèvres comme elle le souhaitait. Elle était même incapable de demander que la douleur cesse rapidement.

« Votre Altesse, vous devez juste être un peu plus patiente » répondit le médecin.

Cela veut-il dire que le bébé ira bien ?

Erna savait que c'était impossible, mais elle s'accrochait à une lueur d'espoir. Elle imaginait que le sang s'arrêtait, que la douleur la quittait et que le bébé recommençait à grandir, comme si rien ne s'était passé, mais ce n'était qu'un fantasme. Elle imaginait l'automne passer et l'hiver arriver, puis, à la fin de la saison, elle donnerait naissance à un beau petit garçon, comme son père.

Sa voix s'affaiblissait, mais elle appelait tout de même Bjorn. Elle voulait savoir s'ils allaient avoir un fils ou une fille, et de quel parent le bébé allait s'inspirer. Elle n'avait jamais parlé de ces choses à Bjorn auparavant, elle avait trop peur de voir une expression troublante sur son visage. L'idée de perdre la maîtrise de sa vie à cause de ce sourire troublé était trop difficile à supporter.

Depuis qu'elle avait appris qu'elle était enceinte, elle n'avait pas pu se détendre un seul instant. Elle cachait même ses nausées matinales aux autres, à cause de la honte qu'elle ressentait face à ce que son père avait fait. Il y avait tant de choses qu'elle voulait faire avec Bjorn, mais elle ne pouvait pas s'y résoudre.

Elle se détestait d'être faible. Elle se demandait si son obsession d'être une bonne épouse et une grande duchesse n'avait pas eu un effet négatif sur son bébé.

Erna commença même à se demander si ses rêves d'amour égoïstes n'étaient pas à l'origine de l'effondrement de son cœur et de la mise en danger de son enfant. Elle se demandait si les choses auraient été meilleures si elle avait satisfait le désir de Bjorn en lui offrant une simple fleur artificielle.

Erna se sentait honteuse et idiote. Inadaptée.

Alors qu'elle songeait à la haine que lui vouerait son enfant à naître, une terrible douleur lui traversa le corps. Elle sentait quelque chose de différent du sang qui coulait et elle était incapable de bouger. Tout ce qu'elle pouvait faire était d'endurer le sentiment de désespoir et d'impuissance qu'elle ressentait face à la douleur.

« Docteur, c'est fait. »

Erna entendit l'infirmière dire, avec un soulagement évident dans le ton de sa voix. Il y eut soudain des bruits de pas et des mots échangés à voix basse, mais pour Erna, ce n'était qu'un brouhaha étouffé.

Alors qu'un long cri s'échappait des lèvres d'Erna, elle avait oublié le nom qu'elle avait appelé avec anxiété. La douleur avait disparu et un silence paisible s'était installé. La soirée était claire et le soleil se couchait en rose.

***************************************

Alors que le crépuscule s'installe sur la ville, Bjorn s'assoit dans la calèche, entouré de cartons. L'odeur agréable du gros bouquet lui chatouillait le nez et il ne pouvait s'empêcher de sourire.

Tous ses problèmes semblaient avoir disparu. Walter Hardy s'est retiré tranquillement à la campagne, éloigné de sa fille. L'arrière-goût persistant de la princesse Gladys Hartford s'est enfin dissipé.

Tout ce qui lui importe désormais, c'est le bonheur d'Erna. Bjorn était déterminé à remplir son monde, ainsi que celui de leur enfant, de rien d'autre que de belles choses. Il en avait les moyens et la volonté, et rien ne pouvait l'empêcher d'y parvenir.

Lorsque le carrosse entra dans la résidence du Grand-Duc, il poussa un soupir de satisfaction. Il ouvrit sa montre à gousset pour vérifier l'heure et remit de l'ordre dans ses vêtements, juste à temps pour le dîner.

Il songea à dresser la table sur le balcon, avec vue sur la grande fontaine qu'Erna adorait. Bjorn était perdu dans ses pensées lorsque la voiture s'arrêta. Des fleurs à la main, il descendit de la voiture.

« Votre Altesse » lui dit Mme Fitz, pâle et désespérée.

Elle se précipita vers lui, lui saisit le poignet avec une force qu'il ne lui connaissait pas et l'entraîna dans le manoir. Bjorn est choqué par le comportement soudain et erratique de Mme Fitz, et encore plus par les mots qu'elle prononce.

« La grande duchesse a fait une fausse couche. »

Bjorn fronça les sourcils, puis il comprit les mots, mais ils auraient tout aussi bien pu être de la fumée. Mme Fitz continua à le traîner dans les couloirs.

« Elle vous a réclamé tout l'après-midi, vous devez aller la voir, tout de suite. »

Bjorn était toujours perdu dans ses pensées, regardant par les fenêtres le coucher de soleil artificiel, dont la lumière créait une frontière entre le jour et la nuit. Il monta les escaliers deux par deux.

Lorsqu'il arriva en haut des marches et vit la porte de la chambre d'Erna, Mrs Fitz n'eut plus besoin de le traîner. Il a pratiquement sprinté jusqu'à la chambre d'Erna, jetant les fleurs sur son passage. Mme Fitz le suivit, les ramassant au passage.

Ps de Ciriolla: que dire... j'ai juste envie de pleurer devant la douleur de Erna

Tome 1 – Chapitre 115 – L'enfant est parti

L'enfant n'est plus là.

Lorsque Bjorn franchit la porte de la chambre d'Erna, il s'est déjà fait à cette sinistre réalité. Des servantes affolées s'affairaient à enlever tous les draps tachés de sang. L'air était empesté par l'odeur du sang et des médicaments. Il y avait un médecin et quelques infirmières qui arboraient tous des expressions sombres, ne laissant aucune place au doute ou au déni.

Le médecin s'est approché de lui et l'a salué d'un signe de tête, préparant toutes sortes d'excuses et d'excuses répétées. Bjorn l'ignora et se dirigea vers sa femme. Erna gisait inconsciente, sa peau sèche d'une pâleur mortelle.

Bjorn avala une boule et se pencha pour vérifier sa respiration. Elle poussa un soupir très faible et peu profond, et il put voir sa nuque palpiter.

« Elle a besoin de repos, Votre Altesse, je lui ai prescrit un tranquillisant pour l'instant »

dit le médecin en restant à une distance respectable. « Je n'ai rien pu faire, Votre Altesse, je suis vraiment... »

« Dites-moi l'essentiel » dit froidement Bjorn.

« Le corps de Son Altesse était plus faible que prévu et il y avait peut-être un problème avec la santé du bébé. Alors qu'elle saignait abondamment, son état est devenu catastrophique et il fallait soit perdre le bébé, soit les deux. Une fois qu'elle aura recouvré la santé, elle pourra à nouveau concevoir un enfant, Votre Altesse » Le médecin a fait preuve d'une compassion et d'un regret sincères.

Bjorn acquiesça d'un bref signe de tête et le médecin, ainsi que ses infirmières, s'en allèrent. Les servantes firent de même une fois le linge taché de sang ramassé.

Une fois seuls dans la pièce, Bjorn éteignit la lampe et plongea la chambre dans l'obscurité. Une odeur de poisson s'infiltre par la fenêtre laissée ouverte pour aérer la pièce.

Bjorn s'assit sur une chaise et regarda Erna dormir, presque dans un état comateux.

Bien qu'il ait envie de la porter dans une autre chambre, il ne veut pas troubler son sommeil.

L'enfant est parti.

Bjorn répéta les mots dans sa tête, un fait qu'il avait déjà accepté. Lorsqu'il prit la main d'Erna, il sentit que la chaleur l'avait quittée et qu'elle avait maintenant froid.

Il s'assit à son chevet et lui tint la main jusqu'à ce qu'il sente la chaleur revenir. Il fixa intensément sa femme, son esprit commençant lentement à s'éclaircir, même si l'enfant n'était plus là, Bjorn trouvait du réconfort dans le fait qu'Erna était en sécurité.

Bjorn n'approfondit pas trop ses propres sentiments, ce serait un exercice futile, il savait déjà qu'ils étaient dénués de sens. Il se concentra sur le réconfort de sa femme pendant qu'elle se remettait.

Il poussa un grand soupir de soulagement en constatant que la respiration d'Erna devenait plus forte et plus profonde. Bjorn quitta la chambre aussi prudemment que possible et entra dans le salon de la suite. Il se sentait perdu, ne sachant que faire. Les yeux tristes des personnes présentes se fixèrent sur lui.

« Bjorn, je suis désolée » dit Isabelle.

Bjorn garda un silence respectueux en réponse aux paroles consolatrices de sa mère. Il voyait bien que tout le monde attendait qu'il dise quelque chose, mais il ne trouvait pas les mots justes.

Erna est en sécurité.

Il se servit de ce fait pour bâtir une base dans son esprit et construisit ses pensées à partir de là. Leur malheur n'était pas unique et Erna irait mieux, serait plus forte, ce qui permettrait aux choses de revenir à la normale. Ils pourraient essayer à nouveau d'avoir un enfant. Le fait d'avoir un enfant était-il un élément important de leur mariage ? Bjorn ne pouvait pas le dire avec certitude.

Bjorn savait qu'une fausse couche était tragique, mais qu'elle n'ébranlerait pas les fondations de leur vie. Une fois le chagrin surmonté, il pourrait à nouveau vivre une vie insouciante avec Erna, qui était désormais en sécurité. C'est ainsi que Bjorn voyait les choses.

Passant une main exsangue dans ses cheveux en désordre, Bjorn vit la pile de cartons entassés dans la salle de réception. Ils semblaient tous être de petites choses insignifiantes à présent.

« Débarrassez-moi de tout ça » ordonna Bjorn calmement. « Mettez-les hors de ma vue »

Il vit, éparpillés dans la suite, tous les petits objets de bébé qu'Erna avait rassemblés, comme une mère oiseau décorant son nid, « débarrasse-moi de tout »

*********************************

Erna se réveilla tôt le matin, l'été étant passé et les jours devenant plus courts, à l'extérieur de la fenêtre, le monde était toujours enveloppé d'une obscurité d'un bleu profond. Sans attendre, elle sortit du lit et alluma la lampe, baignant la pièce d'une lumière chaude.

Après avoir fait son lit, Erna alla se passer de l'eau sur le visage et se changer. La brise fraîche suffit à la faire frissonner.

Elle mit ses gants et son bonnet. Prenant une grande bouffée d'air frais, elle regarda la rivière par la fenêtre. La vue était différente de celle de la chambre de la grande-duchesse et, après seulement un mois, elle s'y était déjà habituée.

Erna s'enveloppa dans un châle de laine et partit pour une promenade matinale. Elle passa devant la Grande Fontaine, qui avait été éteinte plus tôt que d'habitude, et se dirigea vers l'endroit où la rivière Abit rejoignait le cours d'eau. Le son rythmé de ses pas résonnait doucement dans l'air froid et vivifiant du matin.

C'était devenu la nouvelle routine d'Erna : se lever tôt, faire une promenade matinale, se reposer et manger le moment venu. Son rétablissement a été remarquablement rapide par rapport à son état de santé. Parfois, elle avait l'impression que son corps rejetait l'enfant, ce qui la rendait physiquement malade.

Debout au bord de la rivière, Erna contemplait l'eau d'un bleu profond et la lueur du matin. C'était serein et époustouflant, mais elle devait rentrer maintenant.

Lorsqu'elle s'était réveillée la première fois, elle avait trouvé que tout était organisé.

Peut-être était-ce dû à l'overdose d'émotions, à la douleur, aux larmes et aux innombrables crampes atroces, mais elle ne se sentait pas aussi triste ou aussi tourmentée qu'elle l'aurait cru. Tout était accepté avec une calme finalité.

Son seul souhait était de quitter pour un temps la pièce qui était maintenant entachée de souvenirs si douloureux, et Bjorn accepta volontiers. Elle le remercia avec un sourire, malgré son humeur noire. Elle ne savait pas si c'était un beau sourire pour lui, mais il était sincère.

Erna resta au bord de la rivière, fixant le manoir pendant un long moment. Puis elle reprit le chemin du retour à pas feutrés, comme si elle était un fantôme. Les serviteurs la rencontrèrent sur le chemin et la saluèrent d'une manière plus familière qu'auparavant, reconnaissant sa présence avec un respect retrouvé.

Elle ne tiendra pas un an.

Leurs voix se mêlaient aux souvenirs d'Erna. La plupart d'entre eux avaient parié sur le fait qu'elle serait déjà partie, qu'elle ne tiendrait pas l'année dans le manoir. Erna se demandait qui réclamerait l'argent du pari si elle ne tenait pas le coup.

Lisa avait-elle participé au pari ? Il serait amusant qu'elle devienne le trophée de Lisa.

Alors que son esprit vagabondait dans ces pensées malignes, elle se retrouva sans s'en rendre compte devant la porte de sa chambre.

Résignée, elle entra dans sa chambre et reprit le cours de sa journée. Elle prit son petit déjeuner quand on le lui apporta et lut le journal du matin. Le nom de la princesse Gladys fait toujours les gros titres, mais on y trouve aussi des informations sur le prince Bjorn.

La question du retour de Bjorn à la place qui lui revient en tant que prince héritier fait l'objet de vifs débats. D'autres estiment que le prince héritier actuel, qui fait un excellent travail, devrait rester là où il est.

Que fera Bjorn ?

En parcourant les messages d'accueil, Erna se rendit compte que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu une conversation digne de ce nom avec Bjorn. Ils se rencontraient et s'asseyaient ensemble tous les jours, mais aucune de leurs conversions ne lui était restée en mémoire.

En parcourant les dernières lettres, son poignet commença à lui faire mal à force d'écrire des réponses. À son grand étonnement, les dames qui l'ignoraient ouvertement auparavant se démènent à présent pour envoyer des lettres et des cadeaux à la Grande-Duchesse. La plupart des courriers n'étaient que des tentatives de dénigrement de la princesse Gladys et des éloges de la princesse Erna et de sa capacité à endurer.

Erna ne savait jamais quoi répondre à ces lettres, aussi s'en tenait-elle d'abord aux plus polies. Elle trouva un grand réconfort dans une lettre qui faisait état d'une fausse couche et qui était pleine d'empathie pour sa douleur, même s'il s'agissait d'une formule de politesse. Les déclarations habituelles, dans lesquelles on espère que le prochain bébé sera mis au monde en toute sécurité la prochaine fois, lui paraissent trop vagues.

« La prochaine fois... » murmure Erna.

Le visage d'Erna se tordit comme si elle essayait de comprendre une langue étrangère.

Elle ne savait que trop bien ce qu'on attendait d'elle et tant que son mariage avec Bjorn durerait, elle aurait des obligations à remplir. C'était l'une des rares utilités laissées à la grande-duchesse.

La prochaine fois.

Son visage devint encore plus pâle à mesure qu'elle répétait ces mots. Elle resta assise sur la chaise, mais elle se retrouva à bout de souffle et se mit à jurer froidement. La pièce se mit à trembler autour d'elle et elle perdit sa prise sur le stylo, dont le cliquetis sur le bureau envoya des taches d'encre sur son papier à lettres.

Un coup sec frappé à la porte ramena Erna au bord du gouffre et, s'apercevant de son erreur, elle attrapa le papier buvard.

« Votre Altesse, c'est Mme Fitz, le Prince aimerait que vous déjeuniez ensemble »

Erna se figea devant cette demande inattendue, son souffle se bloquant dans sa gorge.

***********************************

La table du Grand-Duc a été dressée dans la salle du jardin, conformément à la demande de Bjorn. Il avait aussi personnellement arrangé les somptueuses décorations florales, la délicate nappe en dentelle et le plat de poisson blanc au subtil parfum de sauce.

Bjorn était venu tôt pour tout préparer et attendait avec impatience l'arrivée d'Erna. Il avait décidé de mettre fin à cette impasse une fois pour toutes. Malgré le fait qu'ils aient partagé un lit, il ne pouvait s'empêcher de se sentir étouffé par la grande distance qui s'était creusée entre eux. Il trouvait cela absurde et irritant, il était temps que tout reprenne sa place.

Bjorn finit d'arranger les plantes tropicales et regarda l'horloge qui trônait sur la cheminée. La nervosité l'envahit lorsqu'il vit qu'Erna était en retard. Cinq minutes seulement, mais cela aurait pu être des heures, et Bjorn commença à se convaincre qu'Erna ne viendrait pas.

C'est alors qu'il entendit des pas doux, aussi délicats et subtils que la neige qui tombe. Il se retourna dans l'expectative et découvrit sa femme, Erna, debout dans l'embrasure de la porte.

Tome 1 – Chapitre 116 – Un nouveau lit

Alors que les domestiques finissaient de dresser la table du petit-déjeuner, le jardin retomba dans le silence. Le doux murmure de la fontaine intérieure était le seul signe que le temps s'écoulait encore.

Erna leva les yeux de son assiette vide et croisa le regard de Bjorn. Le couple resta assis dans ce silence gênant pendant un long moment, se jaugeant l'un l'autre et ne voulant pas être le premier à parler.

Erna devint anxieuse sous son regard froid, inconsciemment elle commença à jouer avec sa fourchette, reconnaissante d'avoir réussi jusqu'à présent à éviter la conversation que ni l'un ni l'autre ne voulait avoir.

Au lieu de cela, elle pensa au cheval qu'il avait dit vouloir acheter. Elle était en train de lui raconter la promenade du matin, d'une manière mécanique, comme s'ils ne faisaient que passer, quand il l'interrompit soudain et lui annonça qu'il allait acheter un cheval.

C'était un moyen de transport plus efficace que de parcourir toutes ces grandes distances à pied.

Interloquée par cette interruption soudaine, Erna ne sut que répondre. Elle avala sa nourriture et prit une gorgée d'eau avant de croiser à nouveau son regard.

« Merci, mais je vais bien » dit Erna.

Sa tentative de sourire fait frémir les commissures de ses lèvres, comme si cela lui demandait beaucoup d'efforts. Même Bjorn pouvait sentir que son sourire n'était pas sincère.

Plutôt que d'essayer de faire semblant, Erna se mordit la lèvre, reconnaissant que Bjorn avait une certaine aversion pour les mots vides de sens et les rires maladroits. Les serviteurs avaient apporté du miel et des figues marinées au vin, elle s'occupa donc de savourer ces douceurs.

Chaque jour, leur dîner se déroulait à peu près de la même manière. Des silences gênants et des bavardages inutiles pendant qu'ils consommaient des plats extravagants.

Bjorn offrait à Erna des cadeaux de plus en plus coûteux, des bijoux, des ornements et des bibelots. Tous ces cadeaux étaient sans aucun doute coûteux, mais Erna ne les trouvait qu'inutilement excessifs.

Alors que le silence se prolongeait, Erna tenta d'aborder un sujet de conversation plus sûr.

« N'oubliez pas que nous devons rendre visite à la duchesse Arsène ce mercredi. »

Pendant qu'elle parlait, les yeux de Bjorn se sont rétrécis et il a posé son verre d'un geste délibéré.

« Ne serait-il pas préférable d'inviter ma grand-mère ici ? »

« Non, elle a dû se rendre à l'hôpital plusieurs fois, il vaut mieux aller la voir. Le docteur Ericsson a dit que maintenant que je suis complètement rétablie, je peux sortir »

Erna avait reçu une invitation de la duchesse Arsène et se rendit compte qu'elle n'avait pas quitté le domaine du palais depuis le pique-nique de la famille Heine, qui avait eu lieu au début de l'été, alors que l'automne n'était pas encore très avancé.

Cette prise de conscience l'étouffa et, bien que le parc du château de Schuber soit plus grand que son village natal de Buford, Erna avait besoin de sortir du château. Le désir intense de sortir la surprend elle-même.

« Bjorn ? »

« D'accord, tu peux y aller » dit Bjorn en hochant la tête, à la grande surprise d'Erna.

« Merci. »

Bjorn regarda Erna et, ce faisant, ses yeux habituellement placides semblèrent s'assombrir, comme s'il était plongé dans une profonde réflexion, transmettant une émotion ou une pensée cachée.

« Merci » dit Bjorn en imitant Erna, « désolé, ça va » Son ton était aussi doux et apaisant que la lumière du soleil baignant le jardin. « Erna, ces répliques surannées commencent à devenir un peu ennuyeuses. »

Bjorn sourit gentiment à Erna.

Erna voulait essayer de dire quelque chose, pour détendre l'atmosphère, mais les mots lui manquaient. Son esprit était vide et elle avait du mal à saisir une idée.

Bjorn travaillait dur.

Elle était reconnaissante aux médecins pour les soins attentifs qu'ils lui prodiguaient, et les serviteurs du palais faisaient de leur mieux pour assurer le confort d'Erna. Même l'agitation qui régnait à l'extérieur semblait bien loin de la tranquillité du palais. Erna savait que tout cela était dû aux efforts de son mari. Elle se sentait obligée de travailler dur et de contribuer elle aussi.

J'en suis capable.

Malgré tout ce qu'il avait fait pour elle, il n'avait jamais rien demandé en retour. Son devoir en tant qu'épouse était de garder un comportement calme et de divertir son mari, elle craignait d'être considérée comme une épouse inutile qui ne pouvait rien faire de bien. Cela la rendait anxieuse, car son cœur coïncidait rarement avec ce qu'elle voulait.

« Un nouveau lit devrait arriver demain » dit Bjorn. « J'ai pris des dispositions pour que des décorateurs viennent aménager le palais comme vous le souhaitez, Mme Fitz sera là aussi, faites-moi savoir si vous avez besoin de quoi que ce soit. »

Erna comprit rapidement le sens de la condescendance derrière les mots de Bjorn. Elle s'était enfuie de cette pièce pour tenter d'éviter les souvenirs douloureux, mais il ne s'agissait pas simplement de redécorer le palais, c'était une affaire de cœur et il n'y avait pas de solution rapide pour le bouleversement émotionnel qu'elle vivait.

« Bjorn, je... »

« Quoi ? Tu as encore besoin de temps ? » demande Bjorn en remplissant son verre. «

Jusqu'à quand ? »

Il était difficile de discerner un geste gracieux lorsque Bjorn posa la cruche d'eau et balaya une biche de quelque chose de discernable. Erna savait que si elle demandait plus de temps à Bjorn, celui-ci le lui donnerait, mais elle ne savait pas quoi dire, une semaine, un mois, la saison prochaine ? Rien ne semblait convenir.

« Lorsque le nouveau lit arrivera, vous déménagerez votre chambre » dit Bjorn en buvant pour s'humecter les lèvres. « Ce sera terminé pour le week-end, si tu ne peux pas le faire, je le ferai. »

« Bjorn. »

« Les enseignements de l'archevêque stipulent que les couples mariés doivent partager le même lit, même si c'est inconfortable. As-tu oublié le chemin épineux que tu voulais emprunter ensemble ? »

Il y avait une pointe de malice dans le sourire qui flottait sur les lèvres de Bjorn. Couple marié. Erna sentit une rougeur lui monter aux joues lorsqu'il lui répéta ses propres mots.

Erna devint honteuse et malheureuse face à ces mots qui étaient les mêmes, mais qu'elle ressentait différemment. Elle ne pouvait se défaire du sentiment d'être rabaissée et ridiculisée, même si ce n'était pas l'intention de Bjorn.

Les mots 'couple marié' rappelaient l'amour qui avait donné à Erna tout ce qu'elle avait toujours voulu, mais pour Bjorn, 'couple marié' n'était peut-être qu'une phrase agréable, comme le nom d'une jolie fleur, dépourvue de toute signification profonde et de tout poids émotionnel.

« Erna »

Lorsque Bjorn l'appela par son nom, sa voix était douce et affectueuse, et son regard était tendre, comme celui d'un amoureux. Son sourire qui se dessinait lentement était enchanteur et Erna ne pouvait que hocher la tête en signe de résignation, se sentant désespérée au souvenir des choses qui lui donnaient autrefois de l'amour.

Bjorn semblait satisfait de ce simple geste.

Alors qu'il s'apprêtait à poursuivre la conversation, un préposé s'approcha de la table et l'informa qu'il était temps de partir.

Erna redressa sa robe et suivit Bjorn jusqu'à l'avant, où elle le verrait partir, comme elle l'avait fait tous les jours, comme d'habitude.

Bjorn monta dans la voiture d'un pas léger, comme à l'accoutumée. Alors qu'il allait s'y engouffrer, il s'arrêta et se tourna vers Erna. Il la fixa un long moment, sans rien dire.

Une fois le carrosse hors de vue, Erna recula dans le palais, suivie de près par les serviteurs. Alors qu'elle pénétrait dans le hall d'entrée, le doux balancement de ses pas s'interrompit brusquement lorsqu'elle s'arrêta devant les armoiries royales posées sur le sol.

« Votre Altesse ? » demanda Mrs Fitz.

Elle s'approche prudemment de la Grande-Duchesse. Erna est restée debout, fixant le sol, puis le reste du hall d'entrée du manoir, comme un enfant qui se retrouve soudain dans un endroit inconnu.

« Vous allez bien, Votre Altesse ? »

« Ah... » Ce n'est qu'à ce moment qu'Erna sembla se rendre compte de l'endroit où elle se trouvait, se retournant avec surprise.

Erna laissa échapper un petit soupir, son teint étant nettement plus pâle. Ses yeux étaient vides et sans expression, et trahissaient son malaise et son inquiétude.

« Je vais appeler le médecin » dit Mrs Fitz.

« Non, Erna secoue la tête, je suis juste un peu fatiguée. Ça va aller » Erna a essayé de sourire à Mme Fitz, mais son sourire était faible. « Je suis désolée, Mme Fitz. »

Erna continua à monter les escaliers recouverts de moquette rouge et, avant d'atteindre le sommet, elle leva les yeux vers le haut du plafond et contempla le spectacle grandiose.

Tout ce qu'elle voyait faisait partie d'un monde immense et splendide. Erna se sentit essoufflée, comme si la grandeur du palais l'étouffait.

« Je suis désolée que Bjorn n'ait pas pu être là, il avait un engagement préalable » a déclaré Erna.

Bien qu'elle se sente accablée, Erna garde un sourire digne pendant qu'elle parle. Elle ne semblait pas différente des autres fois où elle avait rendu visite à la duchesse Arsène pendant la période précédant l'anniversaire de Bjorn.

« C'est bon, je n’imageais pas te voir, pensant que tu t'étais transformée en spectre, mais tu as l'air positivement bien » répondit la duchesse, ses mots mêlant la plaisanterie et la sincérité.

Erna la regarda de travers, ne sachant pas trop comment prendre la remarque, mais elle finit par sourire. Son comportement s'était certainement amélioré depuis la dernière fois, mais son calme et son contrôle mettaient la duchesse mal à l'aise.

L'agitation d'Erna couvait sous la surface et malgré ses efforts pour maintenir un simple sourire, la duchesse pouvait sentir le malaise d'Erna. Elle ne voulait pas ignorer la détresse évidente de la Grande-Duchesse et risquer de lui briser le cœur.

« Les autres invités sont-ils arrivés ? » demande Erna en parcourant le salon. « Suis-je la seule invitée ? »

« Pourquoi, vous n'aimez plus ma compagnie ? » dit la duchesse en caressant Charlotte.

« Non, ce n'est pas ça, je pensais juste que vous aviez invité beaucoup de monde à se joindre à nous pour le dîner » Erna regarde à nouveau le salon, puis la duchesse.

« Qu'est-ce qu'il y a de si bien avec les Dniesters ? » dit la duchesse en secouant la tête.

Charlotte sauta sur les genoux d'Erna, comme pour la consoler, et miaula bruyamment pour attirer l'attention. Erna sourit aux paroles légères de la duchesse Arsène, trouvant un certain réconfort dans leur conversation.

Elles bavardèrent comme elles l'avaient fait tous les mercredis précédents pendant que le dîner était préparé. La duchesse ne peut s'empêcher de remarquer que les yeux d'Erna, qui brillaient d'émerveillement lorsqu'elle parlait de son mari, ont perdu de leur éclat, ce qui touche profondément la duchesse Arsène.

« Ma chère, vous n'avez pas besoin de faire autant d'efforts » dit la duchesse en faisant claquer sa langue en signe de désapprobation.

« Je vais bien, grand-mère, vraiment » dit Erna. La duchesse Arsène se contenta de secouer la tête, la jeune fille n'était vraiment pas douée pour le mensonge.

Leurs conversations furent interrompues lorsqu'un domestique entra dans la pièce.

« Madame, un autre invité est arrivé. »

« Un invité ? »

« Oui » dit le serviteur, qui ne semble pas du tout déconcerté par la question de la duchesse Arsène, « le prince Bjorn est arrivé »

Tome 1 – Chapitre 117 – Suivant

La duchesse est toujours prête à accueillir des invités dans sa maison, mais elle ne peut s'empêcher de secouer la tête d'un air désapprobateur devant un invité qui a dit qu'il ne pouvait pas venir, mais qui est venu quand même. Elle ne pouvait cependant pas pardonner à son petit-fils de l'avoir trompée.

Bjorn ne quitta pas Erna des yeux pendant tout le dîner.

Erna souriait, mangeait tranquillement et semblait à l'aise. Bjorn se sentait toujours frustré par le fait qu'Erna restait légèrement hors d'atteinte. Même dans les moments d'autodérision pathétique. Pour pouvoir préparer ce dîner, il avait dû réorganiser tout son emploi du temps.

Il détestait travailler le matin, mais il se força à déplacer les choses et à assister à la réunion du conseil d'administration de la banque dans la matinée. Ensuite, il a déjeuné une heure plus tôt. Ceux qui le connaissaient bien ont été surpris par ce changement soudain de comportement, mais Bjorn est resté concentré et déterminé à faire en sorte que cela fonctionne.

Il a continué à donner la priorité à son engagement envers Erna, même si cela signifiait qu'il devait dépasser ses limites. Il était déterminé à maintenir ce dévouement inébranlable.

« Il est déjà tard » dit Bjorn en regardant l'horloge sur la cheminée.

« Ce n'est pas le moment d'en faire trop, qu'est-ce que vous avez encore prévu pour cette soirée ? » dit la duchesse en posant sa serviette sur son assiette.

« Je souhaite rester, mais je ne peux pas satisfaire égoïstement mes propres désirs »

répondit Bjorn.

La duchesse voit bien que Bjorn s'agite chaque fois qu'il regarde Erna. Elle avait l'intention d'inviter Erna à rester pour la nuit, mais il semblait que Bjorn avait d'autres projets. Son intensité de loup montrait clairement qu'il ne voulait pas quitter Erna de sitôt.

Tel père, tel fils, tel petit-fils, pensa la duchesse.

Si elle repensait à Philippe lorsqu'il était jeune marié, brillant en tout, mais agissant comme un simplet en présence de sa femme et attirant sur lui l'ire de celle-ci dans ses frustrations, elle pouvait voir cela se reproduire ici, à nouveau, maintenant. Les Loups du Dniestr ne semblaient pas avoir l'intelligence de mettre leurs brillants esprits au service de la romance.

La duchesse croisa le regard de Bjorn et, après un moment de d’observation, Bjorn sourit gracieusement et acquiesça.

Son geste confiant était impudique, mais aussi impressionnant. La duchesse ne put que soupirer en constatant les traits de la fierté du Dniestr et de l'entêtement d'Arsène. Si Bjorn pouvait être apprivoisé, il ferait un excellent mari, mais la tâche serait ardue.

Le dîner s'achève enfin, bien avant l'heure prévue. La duchesse raccompagne ses invités à leur voiture.

« Vous faites tant d'histoires » dit la duchesse, profitant de l'occasion pour réprimander son petit-fils pendant qu'Erna montait dans la voiture. « Si tu veux faire ça, essaie de sortir avec quelqu'un pour une fois. C'est une compétence utile que tu trouveras très efficace »

« Grand-mère, tu es ivre ? » Bjorn s'obstine à faire l'idiot face à un conseil sérieux.

« Même si j'étais ivre, je serais toujours meilleure que toi en matière de relations amoureuses, Bjorn Dniester. »

« Erna est ma femme, grand-mère »

« Qui a dit le contraire ? »

Bjorn la regarde un long moment, avant de répondre par un doux sourire et de monter dans la calèche. La duchesse est déconcertée par cet entêtement qui lui rappelle Isabelle et, comme lors de son premier mariage, les perspectives d'avenir de Bjorn et d'Erna ne sont pas très prometteuses.

« Je ne sais pas pourquoi les Loups du Dniestr et leurs partenaires semblent toujours aussi opposés. »

**********************************

Erna regardait les lampadaires de la ville qui passait, mais elle s'était endormie par inadvertance et s'appuyait sur l'épaule de Bjorn. Bjorn la regardait avec des yeux calmes comme une nuit profonde.

« Oh non » dit soudain Erna en se redressant.

Elle ajusta ses vêtements et remit de l'ordre dans ses cheveux en désordre, les joues rougies.

« Tu vas bien ? » demande Bjorn.

« Désolée » dit Erna après avoir repris son souffle.

Elle réaligna le col et le corsage de sa robe de travers, tandis que la calèche tournait sur la route qui longeait la rivière. Erna commença à se détendre et le regard de Bjorn s'adoucit en regardant sa femme s'agiter avec sa tenue.

« Tu n'as pas apprécié ta petite sieste ? » dit Bjorn.

Les épaules d'Erna s'affaissèrent à cette question. Elle aurait préféré répéter cette salutation vexante. Le bruit de sabots galopants emplit le silence anxieux de la voiture.

Erna jeta un coup d'œil par la fenêtre, tandis que Bjorn l'observait.

Tout semblait aller comme sur des roulettes. Même lorsqu'il offrit son épaule à Erna, qui somnolait, Bjorn était convaincu qu'ils allaient retrouver la routine qu'il chérissait tant.

La calèche s'arrêta devant le manoir faiblement éclairé et Erna le regarda en souriant.

Finalement, ils se retrouvèrent au point de départ.

« Erna. » Bjorn murmura son nom.

Il saisit la tête de la canne, essayant de repousser l'anxiété qui lui parcourait le corps, il n'y avait plus de temps pour s'attarder sur l'incertitude.

Erna se tourna vers Bjorn avec prudence. Elle avait l'air exsangue et ses yeux langoureux lui coupaient encore le souffle. Cette belle femme était comme un enchantement.

« Cette chose, Erna » décida Bjorn à prendre enfin la parole.

« La chose ? » Erna pencha la tête.

« Avec Gladys et le divorce »

« Oh... »

« C'était une affaire d'État. En échange d'un intérêt national substantiel, je n'avais pas d'autre choix que de maintenir ce secret indéfiniment. C'était un engagement que je devais prendre et, en fin de compte, une responsabilité pour maintenir la paix entre Lars et Lechen. »

Bjorn avait voulu tout dire à Erna en ce jour funeste et, depuis, l'occasion ne semblait pas propice à une telle discussion et, une fois l'agitation retombée, la bonne circonstance n'était plus claire. Au début, il s'est dit qu'il n'était pas nécessaire de rouvrir de vieilles blessures, mais rétrospectivement, ce n'était qu'une lâche dérobade.

« Si tu m'en avais parlé, tu crois que je n'aurais pas été capable de garder le secret ? »

demanda Erna, la voix incertaine.

« Ce n'était pas une question de confiance, Erna. »

« Pourquoi ? »

« L'accord confidentiel avec Lars a été établi à la condition que seuls ma mère, mon père et Leonid soient au courant, et seulement Leonid parce qu'il allait devenir prince héritier. J'étais tenu de respecter cette promesse. S'il s'était agi de quelqu'un d'autre, cela n'aurait rien changé »

« Je comprends » acquiesce Erna.

Bjorn avait raison, la confidentialité était une question d'importance et avant d'être le mari d'une femme, cet homme, en tant que prince d'une nation, avait le devoir de donner la priorité aux intérêts de la nation. Elle ne pouvait se résoudre à le blâmer.

« Mais, Bjorn, tu as vu combien les choses étaient difficiles pour moi » dit Erna d'une voix tremblante, les larmes lui montant aux yeux. « Mon bébé, si l'œuvre du poète n'avait pas été publiée, notre enfant aurait grandi dans l'ombre de la princesse Gladys. »

« Je suppose que oui » dit Bjorn calmement. « J'aurais pu vous dédommager, vous et notre enfant, par d'autres moyens. »

Une compensation ?

Alors qu'elle murmurait doucement ce mot, la calèche s'approcha d'un pont bien construit. Erna plaça ses mains sur ses genoux, luttant contre les larmes qui voulaient si désespérément se libérer. Sa respiration se stabilise peu à peu.

Bjorn était un mari dévoué.

Même si les choses s'étaient déroulées différemment de ce qu'elle avait imaginé, c'était indéniablement vrai. Il l'avait désignée comme sa femme et, dans ces limites, il la traitait avec respect et loyauté. Il aurait été un père tout aussi dévoué, cela ne faisait aucun doute.

« Quoi qu'il en soit, les choses sont maintenant réglées » dit Bjorn. Il tendit la main vers Erna et lui caressa la joue.

Le mythe de Gladys avait été brisé et plus personne ne la considérait comme la princesse de Lechen. Les gens considéraient Erna comme leur héroïne, une femme qui avait soutenu son mari avec un amour pur et inébranlable. Elle était une vraie femme noble et rien de moins qu'une reine.

Elle était libérée des tourments de son père, qui était tombé en disgrâce il y a longtemps et avait fini par être exilé. Il avait récolté les conséquences de ses actes et de ses méfaits.

Bjorn s'en était assuré. L'héroïne était sauvée par un beau prince et ils vivaient heureux, la fin parfaite.

Pourtant, elle n'arrive pas à exprimer ses pensées.

Chaque fois qu'elle voyait les autres enfants royaux, elle craignait que son enfant ne soit victime de brimades et d'exclusion, comme elle l'avait été. Elle n'avait aucune chance de devenir une grande princesse comme Gladys et admettre son dégoût de soi n'aurait rien arrangé.

En tant que mère incompétente, tout ce qu'elle pouvait espérer, c'était que leur enfant ressemble davantage à son père. Elle espérait que personne ne retrouverait sa trace, pour ne pas lui transmettre le chagrin de vouloir se teindre les cheveux au soleil.

Personne ne savait comment elle priait chaque soir, espérant que son enfant ne deviendrait pas un inadapté et que sa vie serait aussi radieuse que celle de son père, mais maintenant ces prières ne devaient plus jamais être exaucées.

« Si tu as encore besoin de quelque chose, Erna » dit Bjorn, interrompant les pensées profondes d'Erna.

« Non » dit Erna d'un ton sec. « J'ai lu le livre et je sais déjà tout. Cela a dû être difficile pour toi, mais tu n'as pas besoin de revivre cela » Erna refoula ses larmes et se força même à afficher un faible sourire. « Comme tu l'as dit, tout est résolu maintenant et je vais bien, vraiment. »

Alors que le carrosse passait sur le pont de lumière, Bjorn s'approcha et embrassa Erna.

D'abord réticente, Erna céda et finit par écarter les lèvres pour accepter la marque d'affection. Ce n'était pas si difficile après tout.

Ps de Ciriolla: on est dimanche, vous reprendriez bien encore un peu de Bjorn et Erna?

Tome 1 – Chapitre 118 – Une nouvelle idole

Lorenz Dix se dirige vers la réception de la résidence du Grand-Duc. Décorateur d'intérieur réputé, il fréquente le Palais royal et se rend régulièrement à la résidence du Grand-Duc. Cependant, cette fois-ci, il devait rencontrer la Grande-Duchesse et Lorenz était très enthousiaste.

Elle était sans aucun doute la plus grande célébrité de Lechen à l'heure actuelle. Son nom est sur toutes les lèvres. Bien sûr, la Grande-Duchesse avait déjà été un sujet de discussion populaire, mais le contraste était saisissant. La princesse, qui s'était révélée être une sorcière, avait métaphoriquement été brûlée au bûcher et la vraie princesse était sortie de ses cendres.

« Votre Altesse, Mme Fitz, le designer, M. Dix, est arrivé » dit doucement une dame âgée après avoir frappé à la porte.

Lorenz Dix avala une boule de nerf et regarda la porte ornée des armoiries du Dniestr.

La reine, la princesse Louise et la princesse Gladys sont autant de noms dont il peut se vanter d'avoir travaillé pour elles, mais la princesse Erna n'a pas l'intention de s'ajouter à cette liste.

« Oh, oui, je vous en prie, entrez » répondit une voix calme et claire.

Prenant une profonde inspiration, il franchit la porte et entra dans la pièce. Il n'avait pas vu la Grande-Duchesse pendant tout le processus de redécoration et ne s'attendait pas à la voir, mais la chance lui souriait aujourd'hui.

« Je vous présente Votre Altesse » dit Lorenz en se dirigeant vers le milieu du salon, où la Grande-Duchesse l'attendait, et en s'inclinant devant elle avec des manières parfaites.

« Bonjour, Monsieur Dix » dit la Grande-Duchesse d'une voix douce, agréable et rieuse.

Il s'assoit à la place qui lui est réservée et lève la tête avec le plus grand respect. Dès que son regard rencontra la Grande-Duchesse souriante, il comprit. La réputation de double visage de la Grande-Duchesse n'était pas une simple remarque sarcastique.

La Grande-Duchesse assise devant lui était bien plus étonnante que les photos et les portraits des journaux. Son physique petit et mince donnait l'impression d'une jeune fille, mais sa posture soignée et son expression posée dégageaient une dignité digne d'une noble de la famille royale. Par-dessus tout, ses yeux, ces yeux clairs qui regardent calmement le monde, étaient d'une beauté saisissante.

« J'ai entendu dire que vous aviez très bien décoré la chambre, merci pour votre travail

» Son visage souriant brillait doucement sous le soleil d'automne.

La Grande-Duchesse ou la Princesse Gladys, qui avait vraiment le dessus en matière de beauté ? Maintenant qu'il avait enfin rencontré la Grande-Duchesse, la réponse semblait claire : c'était la Grande-Duchesse.

Comme on pouvait s'y attendre, les belles femmes de Lechen n'avaient pas leur pareil, ce qui ne veut pas dire que la princesse Gladys n'était pas belle, chacune d'entre elles possédait un charme unique.

« Monsieur Dix ? »

Ce n'est qu'à l'appel de son nom par la Grande-Duchesse qu'il se rendit compte qu'il était resté silencieux pendant un long moment. Il sourit en essayant de cacher son embarras. Il semble que ceux qui ont critiqué le prince pour avoir choisi d'épouser la Grande-Duchesse devraient réfléchir profondément à leur attitude.

Il ne comprenait pas pourquoi l'évaluation d'une si belle femme avait été si sévère, tous devaient avoir été maudits par cette sorcière de Lars.

*******************************

« Je pense que cela suffira, M. Dix » a déclaré Mme Fitz, interrompant la diatribe du décorateur. « Veuillez-vous en tenir là »

Mme Fitz a évité à la timide Erna d'être assaillie par le discours incessant du décorateur et, une fois que Lorenz s'est tu, la pièce a retrouvé son ambiance paisible.

Tout au long de son monologue, Lorenz n'avait pas quitté la Grande-Duchesse des yeux, même lorsqu'il expliquait les choix de conception du plafond et du sol. On aurait dit qu'il cherchait avant tout à impressionner son auditoire.

« Cela vous plaît-il, Votre Altesse ? » demanda Mme Fitz en jetant un regard flétri au décorateur.

« Oui » dit Erna, « c'est très joli. »

La réponse paraissait quelque peu obligatoire, mais Lorenz était en proie à l'excitation.

Malgré son comportement désinvolte, les compétences du décorateur étaient indéniables. La chambre, qui était auparavant aussi sombre et solennelle que le reste du palais, reflétait désormais fidèlement les souhaits d'Erna, pour un résultat digne d'éloges.

« Je vous en prie, jetez un coup d'œil, Votre Altesse, et s'il y a quelque chose que vous aimeriez changer, n'hésitez pas à le demander » dit Lorenz.

« Non, j'aime tout » dit Erna en regardant le papier peint aux couleurs vives, les meubles élégants et féminins et le décor charmant du lit. Façonné dans un noyer précieux, c'était

un meuble magnifique. La literie était également composée de dentelle exquise et de coton doux.

« Votre Altesse... » dit Mme Fitz d'un air perplexe.

« Oui, le tableau a également été remplacé » dit Erna.

Le premier tableau qui avait attiré son attention, un paysage représentant un champ de fleurs sauvages en pleine floraison, allait beaucoup mieux dans la chambre à coucher, où la plupart des tableaux étaient de nature florale. Un thème approprié pour une chambre à coucher, où la beauté de la nature peut être appréciée et admirée.

Dans l'ensemble, Erna n'avait rien à redire sur l'aménagement de la chambre. En fait, l'abondance du décor floral a ajouté une touche de chaleur et de charme à l'espace.

« Je commencerai par le salon la semaine prochaine » dit Lorenz, qui est venu se placer aux côtés de la Grande-Duchesse. « Selon vos instructions, Votre Altesse, nous pourrons mettre la chambre au même niveau. »

Mrs Fitz a remarqué que le décorateur devenait un peu trop familier avec la Grande-Duchesse, mais n'a pas reculé. Le salon a été la première pièce qu'il a voulu redécorer.

Le méli-mélo de thèmes contrastés le mettait vraiment sur les nerfs. L'éléphant et la machine à écrire, les bois de cerf enrubannés, sa première impression fut que la Grande-Duchesse était une sorte d'excentrique.

« Discutons du salon plus tard » dit-il en remarquant la lenteur de la Grande-Duchesse à réagir à sa vision.

« M. Dix » dit Mme Fitz, sa voix le transperçant comme un couteau gelé. Elle le regarda avec un regard tout aussi acéré.

« Il semble que notre temps soit écoulé, alors prenez votre temps pour décider ce que vous voulez faire et jetez un coup d'œil, Votre Altesse » M. Dix suivit Mme Fitz et, une fois la porte refermée derrière eux, Erna se retrouva seule.

Erna sent son corps trembler lorsqu'elle se rappelle qu'elle n'a qu'une semaine et que demain est le dernier jour. Elle allait devoir retourner vivre ici.

Anxieuse, elle faisait les cent pas dans la chambre, le regard fixé sur le nouveau lit. Ses yeux s'écarquillent à chaque instant. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer.

****************************************

Bjorn pousse un profond soupir en lisant le télégramme. Il pensait avoir définitivement rayé les Hartford de sa vie, mais voilà qu'Alexander Hartford venait d'arriver à Lechen.

Il avait entendu dire que la famille pourrait envoyer quelqu'un il y a quelques semaines, pour tenter de sauver la face. Ils ne pouvaient pas être aussi désespérés puisqu'ils n'envoyaient pas le prince héritier.

« Veuillez préparer l'arrivée de ma voiture dès que possible » dit Bjorn au serviteur qui lui avait apporté le télégramme, en se levant de sa tasse de thé à moitié terminée. C'était censé être le petit-déjeuner, mais il était assez tard, presque l'heure du déjeuner.

Bjorn se dirigea vers la salle de bains. Même s'il était réticent à accepter l'invitation, Leonid avait insisté sur l'importance de l'affaire.

La diplomatie est rarement une affaire simple, d'autant plus que Lars n'a montré aucun signe de rupture du pacte avec Lechen, mais leur relation est délicate en raison du secret révélé. Il fallait faire preuve de courtoisie si l'on voulait qu'ils restent alliés.

Alors qu'il finissait de se préparer, un domestique vint l'informer que la voiture était prête. Lorsqu'il descendit les escaliers, il aperçut Erna en bas de l'escalier, attendant de le voir partir.

« Bjorn. »

Lorsqu'il entendit sa voix douce prononcer son nom, son cœur s'attendrit.

Bjorn sourit et embrasse sa femme sur la joue. « Je dois aller voir le prince pleurnichard, je reviens dès que possible » Alors qu'il s'apprêtait à monter dans la voiture, il se souvint : « Ah, tu as remis toutes tes affaires dans notre chambre ? »

« Oui » c'est tout ce qu'elle a dit, avec un sourire.

« Je m'en occuperai ce soir, Votre Altesse » Mme Fitz a répondu pour Erna.

« Erna, je reviens » dit Bjorn en fermant la porte de la voiture et en passant son visage par la fenêtre.

Erna ne dit rien et se contente de sourire à Bjorn. Bjorn ordonna à la calèche de repartir, convaincu qu'à son retour, Erna serait de nouveau à sa place.

Bjorn se retourne lorsque la voiture s'éloigne. Erna était toujours là, à le regarder partir.

Elle serait probablement encore là bien après qu'il ait disparu.

Tome 1 – Chapitre 119 – Un tombeau de

fleurs

La salle de bain était silencieuse, à l'exception du bruit de l'eau qui éclaboussait et des domestiques qui s'agitaient, personne n'osait parler pendant qu'Erna prenait son bain.

Erna s'assit en silence au milieu du bain, regardant les pétales qui flottaient à sa surface, et attendit que le temps passe. La veille de son retour, elle avait été terrifiée, mais maintenant qu'elle était ici, elle se sentait calme en terrain connu. Elle ne savait pas pourquoi elle avait fait tant d'histoires pour retourner au palais.

« Votre Altesse » dit Lisa en jetant un regard inquiet à sa maîtresse, « si vous n'en avez pas envie, Mme Fitz... »

« Non, Lisa » dit Erna en levant la tête.

Lisa vit l'acceptation sinistre sur le visage d'Erna et baissa la tête sans rien dire de plus.

Après le bain, Erna se prépara pour la nuit, drapant une longue robe sur son corps frêle et attachant ses cheveux avec des rubans.

« Passez une nuit paisible, Votre Altesse » dirent les serviteurs en partant.

Erna resta debout au milieu de la pièce, écoutant le crépitement du bois dans la cheminée. Peut-être était-ce dû au nouveau décor, mais elle ne se sentait pas à l'aise dans la pièce où elle avait passé l'année dernière.

« Un an » se dit-elle à voix basse en s'asseyant sur le bord du lit.

À bien y penser, c'était la saison où elle s'était mariée. Erna essaya de compter les jours qui restaient jusqu'à leur anniversaire de mariage, ce n'était qu'une semaine, peut-être dix jours. Elle poussa un soupir résigné. Confinée au palais comme elle l'était, elle avait complètement perdu la notion des jours.

C'était un jour qu'elle attendait avec impatience depuis si longtemps. Elle avait prévu de le fêter avec Bjorn, espérant qu'il ne serait pas trop occupé pour passer toute la journée avec elle. Elle gloussa pour elle-même, se sentant puérile dans ses attentes.

Erna décida de demander la date exacte à Mme Fitz dans la matinée. Bjorn ne prendrait probablement pas l'anniversaire au sérieux, mais il était de son devoir, en tant qu'épouse, de célébrer tous les jours spéciaux en famille.

En regardant la pièce inconnue, ses yeux s'arrêtèrent sur deux verres en cristal posés sur le côté et les souvenirs de leur première nuit ensemble refirent surface, avant d'être rapidement engloutis dans les profondeurs troubles de son esprit.

Elle savait qu'en tant qu'épouse, elle devait donner du plaisir à son mari dans la chambre à coucher. C'était peut-être son rôle le plus important, mais elle se demandait combien de temps elle allait pouvoir garder l'intérêt de Bjorn.

Les yeux ensommeillés et l'esprit embrumé, Erna consulta l'horloge sur le manteau de la cheminée, l'heure du retour de Bjorn approchait.

*************************************

« Dois-je le tuer ? » murmure Bjorn. « Déclarez la guerre en le décapitant et renvoyez-le à Lars. Après cela, toi et ton père pourrez-vous vous en occuper » Bjorn plissa les yeux en examinant le siège vide d'Alexandre.

Leonid posa son verre d'eau, un sourire narquois sur le visage. La réunion des princes avait duré bien plus longtemps qu'ils ne l'auraient voulu, tout cela à cause d'Alexander Hartford qui ne voulait pas partir. Il restait dans les parages comme une mauvaise odeur.

Il semblait tellement préoccupé par le confort de sa sœur, par la façon dont elle allait pouvoir vivre le reste de sa vie avec une réputation aussi ternie. Après avoir exprimé ses pensées, il a fondu en larmes. Il voulait faire appel à la compréhension de Bjorn, mais en vain. Comment faire appel à la compassion d'un homme qui n'en est pas capable

?

« Qu'en pensez-vous, Leonid ? » Le sourire tordu de Bjorn ressemblait à celui d'un requin. « Je paierai pour la guerre » L'agacement de Bjorn était palpable.

« Si vous allez payer pour la guerre, alors peut-être voudrez-vous aussi considérer la violation des traités internationaux, l'isolement diplomatique et les réparations »

Leonid fronce sérieusement les sourcils, renvoyant la plaisanterie à Bjorn. « Maintenant qu'il est suffisamment ivre, il abandonnera presque immédiatement »

« Je pense que le prince héritier sous-estime les Hartford » dit Bjorn en allumant un cigare.

Même si Lechen n'avait rompu aucun traité ou pacte, le livre avait tout de même été publié sur leurs terres, ce qui les rendait responsables de la divulgation du secret. C'est donc à eux qu'il incombe de rétablir la situation.

Tel était l'argument avancé par la délégation des Lars, dirigée par le prince Alexandre. Il est compréhensible et rejoint celui de tous les autres. Il s'agit de trouver un compromis acceptable entre deux situations apparemment impossibles.

La délégation de Lars a vraisemblablement décidé d'aborder la question avec Bjorn, puisqu'il était au cœur de l'affaire. Beaucoup pensaient que Bjorn reviendrait au poste de prince héritier et ce n'était pas une hypothèse tout à fait erronée.

« Mais Lars ne devrait-il pas avoir un plan pour sauver la face ? » dit Leonid, plongé dans ses pensées.

« Pourquoi me demandes-tu cela ? » Bjorn répond à travers un panache de fumée de cigare. « Les fonctions du prince héritier sont exercées par le prince héritier. »

« Bjorn. »

« Je n'ai pas assez de temps libre pour faire le travail des autres » dit Bjorn en faisant tourner un verre de cognac à moitié vide.

Alors que Leonid s'apprêtait à aborder un sujet de discussion qu'il avait hésité à aborder, Alexandre revint finalement avec l'aide d'un assistant. Comme Bjorn s'en doutait, le prince n'était pas encore prêt à céder.

« Le prix de mon Grand-Duché est de devenir l'associé de cet idiot d'ivrogne, Léo »

murmura Bjorn alors qu'Alexandre retournait s'asseoir. « Le reste dépend de votre volonté. »

Bjorn jeta un coup d'œil à un préposé qui attendait sur le côté de la pièce. La bouteille de brandy désormais vide fut remplacée par une bouteille fraîche.

« Alors, élaborez le plan que vous voulez »

Bjorn consulta une nouvelle fois sa montre et remplit son verre d'eau-de-vie fraîche. Le prince Alexandre, qui s'était enfin assis, était déjà en train de parler de Gladys. L'amour qu'il portait à sa sœur le faisait pleurer.

Bjorn remplit son verre avec un sourire apparemment doux, tout en ayant l'air d'écouter attentivement Alexandre. Il était plus que temps pour lui de partir et de retourner auprès d'Erna.

*******************************

Erna s'est réveillée et a réalisé qu'il était minuit passé. Bjorn n'était toujours pas rentré.

Elle se redressa lentement et ne se sentit ni triste, ni déçue.

Bien qu'elle n'en connaisse pas les détails, elle supposa que la rencontre de Bjorn avec le prince Alexandre avait dû être sérieuse s'il était encore au palais. Elle se sentit soulagée de ne pas avoir à s'acquitter de ses devoirs d'épouse ce soir.

Elle envisagea de se rendormir, mais comme il était tôt le matin, Bjorn ne tarderait peut-être pas à rentrer. La fleur du prince doit être prête à s'épanouir.

Erna soupira et commença à remettre en ordre ses cheveux et ses rubans ébouriffés.

Elle mit de l'ordre dans son pyjama froissé et lorsqu'elle voulut fermer le devant de la robe, elle s'arrêta sur son ventre.

La réalité qu'elle ne porte plus d'enfant lui gratte le cœur. Peu à peu, son esprit s'éclaircit.

Lorsqu'elle sortit enfin de son sommeil drogué, toutes les traces de l'enfant avaient été éliminées du palais sous les ordres de Bjorn. Bjorn n'avait plus jamais mentionné la fausse couche ou l'enfant, comme si rien ne s'était passé.

Elle savait que Bjorn était comme ça, peut-être pensait-il qu'il était prévenant en n'abordant pas le sujet. Depuis ce jour, Bjorn s'était acquitté de ses devoirs de mari et avait fait de gros efforts pour aller de l'avant.

Erna comprenait tout cela, mais elle ne comprenait toujours pas pourquoi. Pourquoi fallait-il que cela se passe ainsi ?

Elle fut surprise de s'entendre pleurer et de sentir la chaleur des larmes qui coulaient sur ses joues. La pièce inconnue devint floue.

Erna luttait pour se débarrasser de l'impression de ne pas aller bien. Plus elle essayait de lutter contre les larmes, plus son chagrin s'accentuait. Elle sortit du lit pour chercher un mouchoir, mais s'effondra sur le sol dès que ses pieds touchèrent le sol.

Elle fit semblant d'aller bien, alors que ce n'était pas le cas. Les souvenirs de sa première nuit avec Bjorn, qui avait été effrayante et douloureuse, lui revinrent en mémoire. Le matin solitaire qui avait suivi. Les innombrables jours qui ont suivi, remplis de haine parce qu'elle n'était pas la princesse Gladys et son mari, qui ne semblait pas s'en soucier. Elle a attendu, s'est lassée d'attendre et s'attendait à être blessée à tout moment. Malgré tout, elle est tombée amoureuse de Bjorn.

La seule raison pour laquelle elle allait bien était parce qu'elle avait Bjorn. Alors, elle a essayé de l'aimer, sachant qu'elle le pouvait. Aimer Bjorn lui semblait naturel et facile, mais elle avait l'impression d'avoir oublié comment respirer.

Elle se demandait ce qu'elle devrait faire quand Bjorn rentrerait à la maison. Elle savait qu'elle ne pouvait plus être une bonne épouse, ni la jolie fleur qu'il l'avait autrefois voulu avoir. Des larmes coulèrent de sa joue et atterrirent sur le dos de sa main.

La fleur qui avait jadis fleuri par amour se fanait maintenant. Erna savait qu'elle n'allait pas bien.

La vie de Bjorn et de la Grande-Duchesse était devenue une blessure insupportable qui menaçait de la détruire. Elle ne l'aimait plus et elle ne pouvait plus sourire pour lui. Ils n'avaient pas d'enfant, alors pourquoi était-elle toujours là ?

Erna n'a pas trouvé de raison de rester. Essuyant ses larmes, elle trébucha sur ses pieds.

Savez-vous à quel point Bjorn était aimé en tant que prince héritier ?

Erna connaissait la réponse que la princesse Gladys lui avait demandée. Elle a compris que Bjorn, qui était très aimé de tous les Lechen, était une personne brillante. Elle se demandait même s'il pourrait reprendre la couronne. Ce serait mieux pour Bjorn s'il ne restait pas marié avec elle.

Mon cher bébé, rends Annette heureuse aussi.

Les larmes d'Erna se sont arrêtées en pensant à sa grand-mère. Erna pensait qu'elle devait tant endurer pour le bien de sa grand-mère, mais elle n'était plus sûre de pouvoir être heureuse ici. Ils n'étaient plus que le malheur l'un de l'autre.

Erna a desserré ses cheveux en acceptant ce fait. Le ruban rose tendre tomba sur le sol, rapidement suivi par la robe d'Erna.

Sa dette envers Bjorn avait été remboursée au cours de la dernière année, étant son trophée et son bouclier. Elle ne pouvait plus continuer à vivre ainsi.

Erna ouvrit les yeux et enleva sa chemise de nuit pour la dernière fois. Le scintillement de la cheminée illuminait son corps pâle dans des tons d'orange profond. Elle se retourna et pour la dernière fois, ouvrit la porte.

La chambre, où les fleurs étaient tombées, était maintenant silencieuse comme un tombeau.

Ps de Ciriolla: il en a un qui va rien comprendre a son retour

Tome 1 – Chapitre 120 – La fin du destin

Le bruit d'une montre à gousset qui se referme ajoute un sentiment de finalité à l'intérieur de la voiture, qui passe sur le pont Grand-Duc. Bjorn regarda par la fenêtre, il sentait l'alcool sur lui et soupira.

Les gardiens de nuit en patrouille tournèrent leurs lanternes pour observer le carrosse qui dérivait lentement dans la nuit, et lorsqu'ils virent l'écusson royal, ils inclinèrent la tête en signe de respect.

Les lampadaires jetaient des flaques de lumière floue. Il savait qu'Erna avait déjà dû s'endormir et il se maudissait de l'avoir fait attendre une fois de plus. La frustration se transforma en rire.

L'insistance du prince Alexandre amena Bjorn à boire plus que de raison, le goût du prince était aussi amer que celui de sa sœur, mais c'est Leonid qui parvint à tenir jusqu'à la fin, tenant sa tasse de thé en guise de salut aux ivrognes qui se trouvaient à ses côtés.

Le prince finit par perdre connaissance, bredouillant le nom de sa sœur. Bjorn but une dernière gorgée, admirant l'amour attachant des Hartford.

« Réfléchis bien à ton avenir » avait dit Leonid à Bjorn avant de partir.

Bjorn regarda Leonid, sirotant son thé et faisant semblant d'être ivre ; il ne dit rien en retour lorsque son frère lui barra la route vers la sortie. Il fut surpris de voir que Leonid restait sur ses positions.

« Je suis sérieux, tu dois m'écouter » dit Leonid en attrapant Bjorn par l'épaule.

« Pourquoi ? Es-tu vraiment prêt à remettre la couronne ? » dit Bjorn.

Sans hésiter, Leonid acquiesce. « Je le ferai, si c'est la volonté de Lechen, et la tienne, mais tu ne dois pas prendre cela à la légère, regarde au fond de ton cœur et donne ensuite ta réponse »

Bjorn se retint d'exprimer sa frustration au prince héritier, connu pour son tempérament têtu, mais il savait qu'il ne fallait pas le provoquer. Malgré ses convictions, le prince héritier était un fondamentaliste convaincu.

Avec un soupir fatigué et un petit rire sans joie, Bjorn passa ses doigts dans ses cheveux en désordre. Les souvenirs de la fois où il avait secoué Leonid par frustration lui revinrent en mémoire.

De nombreuses personnes avaient réclamé la restitution de la couronne à Bjorn, mais il y avait tout autant de bruit pour l'actuel prince héritier. Il fallait s'y attendre, car Leonid avait supporté avec brio le poids du titre de prince héritier.

Le carrosse arrive au manoir et descend lentement l'allée.

Il avait renoncé à la couronne sans aucun regret. Il pensait que c'était la bonne chose à faire, alors pourquoi devait-il aller plus loin ? Bjorn ne voulait plus s'attarder sur cette question. Son esprit était embrumé par la fatigue et l'alcool. Tout ce qu'il voulait, c'était se blottir contre Erna et dormir.

Lorsque la calèche s'arrêta, le désir se transforma en une envie irrésistible qui devint rapidement incontrôlable.

« Votre Altesse, ça va ? »

Alors qu'un assistant venait l'aider, il le dépassa en trébuchant et entra à grands pas dans le manoir. Bien que tout ce qui l'entourait n'était qu'un brouillard qui tournait violemment, son esprit était clair sur une chose,

Erna.

Même la simple pensée de sa femme emplissait son esprit de son parfum fleuri. Il nota mentalement de remercier Mme Fitz d'avoir choisi le baume pour Erna.

Bjorn se retrouva finalement devant la porte de la chambre à coucher et il eut d'abord l'intention de frapper, mais il décida de ne pas le faire et, aussi discrètement que possible, il se faufila dans la chambre de la Grande-Duchesse.

Aussi silencieux que possible, Bjorn se dirigea vers le côté du lit d'Erna. Il voulait regarder sa femme dormir, mais quelque chose s'est accroché à son pied et lorsqu'il a baissé les yeux, il a vu des vêtements éparpillés sur le sol.

Cela ne ressemblait pas à Erna.

« Erna ? » murmura-t-il en direction du lit.

Il se rendit compte que le lit était vide. Relevant les couvertures, il vit qu'il n'y avait personne sur le lit. Il resta immobile pendant un long moment, tandis que son esprit ivre essayait de donner un sens à tout cela.

« Erna ? » Bjorn appela plus fort.

Il se mit à fouiller frénétiquement chaque coin de la chambre, chaque chaise et chaque armoire. Il traversa le salon et retourna la salle de bains. Elle était introuvable.

Bjorn se demanda si elle était revenue dans la chambre, mais le fait que ses vêtements de nuit étaient éparpillés sur le sol indiquait que c'était le cas. Il a regardé dans son armoire et a trouvé ses vêtements éparpillés un peu partout, comme si quelqu'un

cherchait quelque chose à la hâte. Il a d'abord pensé que ce n'était pas Erna, mais qui d'autre aurait pu le faire ?

« Erna ? » Bjorn appela à nouveau, il se sentait soudain très sobre.

Il courut vers le lit et commença à tirer frénétiquement sur la corde de la cloche de service.

**********************************

Malgré l'heure matinale, le soleil n'est pas encore levé, la gare de Schuber est toujours occupée. Le train est arrivé il y a cinq minutes et tout le monde s'agite devant les portes, faisant ses adieux et soulevant d'énormes malles pour les faire passer.

Erna se tenait soigneusement à l'écart, tenant sa propre valise, et observait l'agitation avec des yeux terrifiés, cachés dans l'ombre de son bonnet à larges bords.

À ce moment-là, elle n'est poussée que par l'impulsion. La première chose qu'elle attrapa fut sa boîte à biscuits lorsqu'elle pensa à faire un sac et à partir. Elle a ensuite pris les vêtements qu'elle a pu trouver, sans vraiment chercher, et a quitté le palais comme un fantôme.

Elle avait laissé une lettre à Bjorn, même si elle savait qu'il n'aimait pas les lettres. Elle ne se souvenait plus de ce qu'elle y avait écrit, ses mains travaillaient d'elles-mêmes.

Pendant tout le trajet jusqu'à la gare, assise dans une diligence avec ceux qui partaient travailler tôt le matin, elle ne s'est pas retournée une seule fois vers le palais.

« Bonjour jeune fille, vous montez ? » Un conducteur la sortit de sa rêverie.

« Ah, pardon ? »

Le quai se vide peu à peu et Erna constate qu'elle est l'une des rares à ne pas être encore montée dans le train.

« Vous ne voulez pas monter ? » Le chef de train regarde Erna, qui a du mal à monter dans le train, et lui demande avec inquiétude.

« Non ! » Erna secoua précipitamment la tête et cria. « Je suis désolée. Je vais monter. »

Le conducteur prit le sac d'Erna et l'aida à monter dans le wagon. Elle se souvient du printemps précédent, où elle avait tenté la même aventure. Où en serait-elle aujourd'hui si elle était partie seule et n'avait pas eu à attendre Pavel ?

Leur destin était terminé. Il n'y a plus de désir d'amour. Elle avait fait de son mieux parce qu'elle l'aimait, mais tous ses efforts ne lui avaient laissé que des cicatrices.

Comme auparavant, Erna ne se retourna pas pour prendre place à bord du train. Avec ses derniers passagers à bord, le train pour Buford est parti. La vapeur blanche s'échappe dans la lumière du jour nouveau.

************************************

Bjorn a interrompu les recherches pour retrouver la Grande-Duchesse.

« Votre Altesse ? » interrogea Mme Fitz.

Bjorn reste immobile, les yeux fixés sur la lettre qu'il a trouvée sur le bureau de sa femme. C'est cette lettre qui l'avait poussé à interrompre les recherches.

« Votre Altesse, nous devons retrouver la Grande-Duchesse » insiste Mrs Fitz.

« Laissez tomber. »

Bjorn leva les yeux vers Mrs Fitz. Il n'avait plus l'air d'un homme à moitié fou à la recherche de sa femme. La lumière du soleil matinal tombait sur son visage et il poussa un soupir.

« Votre Altesse... »

« Inutile de chercher plus longtemps » dit Bjorn en se passant une main dans les cheveux.

Bjorn se laissa tomber dans le profond fauteuil à oreilles, la lettre toujours à la main, la fixant comme si elle allait lui donner toutes les réponses dont il avait besoin.

« Tout le monde a fait du bon travail, dites-leur cela et laissez-les se reposer pour la journée »

« Votre Altesse ? »

« Cela suffit »

Bjorn fixa Mme Fitz, ses yeux fatigués ayant du mal à rester concentrés. N'ayant plus rien à dire, Mme Fitz quitta la chambre du Grand-Duc, le laissant dans le silence le plus complet.

Bjorn regarda par la fenêtre, souriant, avant de se replonger dans la lettre, celle laissée par sa femme impulsive, qui l'avait fui au milieu de la nuit.

[Cher Bjorn]

La lettre écrite par la femme impulsive qui s'est enfuie la nuit commence par une phrase très réaliste.

Ps de Ciriolla: Erna pense enfin à elle, pour elle... bon Bjorn, tu paie juste le prix de tes erreurs mon gars

Tome 1 – Chapitre 121 – Débiteurse défaillante

[ Cher Bjorn,

Je suis désolée d'être partie de cette manière, je sais que c'est mal, mais je ne pouvais pas rester un instant de plus. Je n'ose pas demander ta compréhension car je sais que je ne pourrai jamais être pardonnée.

Bjorn, je crois que notre mariage est arrivé à son terme. Je n'ai plus la confiance nécessaire pour rester une simple petite fleur. Je ne peux plus rire autant qu'avant. C'est devenu trop douloureux et trop difficile de continuer à être ta femme. ]

Bjorn a mis la lettre de côté et a allumé un cigare. Après avoir tiré une grande bouffée et expiré la fumée, il s'est mis à rire. Même après avoir lu la lettre plusieurs fois, elle lui paraissait toujours aussi absurde. Il pensait qu'il s'en sortait si bien et dès qu'il baissait sa garde, il se faisait mordre au cou comme ça.

[ Merci pour tout le temps que nous avons passé ensemble.

Même si le mariage que tu avais envisagé n'était pas le même que celui que j'avais voulu, tu as été merveilleux avec moi. Tu m'as comblée de tant de beaux cadeaux et de bénédictions, mais en fin de compte, je sais que je ne t'ai causé que des difficultés. Je n'ai pas été une bonne épouse.

Je voulais aller jusqu'au bout, assumer mes responsabilités, mais je me rends compte que cela ne fera qu'accroître notre souffrance à tous. Tu n'as pas besoin de moi comme trophée, ni comme bouclier, et je ne veux pas continuer à être la femme d'un mari que je n'aime plus. ]

Un mari que je n'aime plus. Bjorn ne put s'empêcher de rire en pensant que cette lettre ressemblait à celle d'un petit enfant pleurnichard qui boude parce qu'il n'a pas obtenu ce qu'il voulait. L'amour était-il vraiment la raison pour laquelle elle faisait cela ? Tout cela était-il dû à l'amour ?

Alors qu'il lisait la lettre, une foule de souvenirs l'envahirent, depuis le moment où il avait découvert qu'Erna s'était volatilisée.

Trouvez-la. Erna... Vite, cherche ma femme !'

Il se souvint de la première fois qu'il s'était réveillé en constatant la disparition d'Erna.

Il ne pensait qu'à la retrouver. Il avait réveillé tous les serviteurs et leur avait ordonné de la retrouver. Comme il avait été stupide, agissant comme si le monde s'était effondré.

Bjorn se reprocha d'avoir agi comme si le monde allait s'écrouler. Le choc soudain lui fit l'effet d'une douche d'eau glacée, dissipant instantanément les effets de l'alcool et faisant battre son cœur à tout rompre. Le souffle coupé, il se retrouva inondé d'un torrent de pensées irrationnelles et inquiétantes qui l'empêchèrent de rester immobile.

Erna.

Ce nom résonnait dans ses pensées, lui serrant la gorge à chaque fois qu'il le prononçait.

Son anxiété menaçait de le consumer, le poussant potentiellement à la folie et déclenchant le chaos dans la maison, voire dans toute la ville de Schuber, si Mme Fitz n'était pas apparue avec la lettre en main.

Prenant le temps de respirer, Bjorn alluma un cigare, dont la fumée s'envola dans l'air tandis qu'il réfléchissait avant de reporter son attention sur la lettre.

[ Je te dois beaucoup, mais je pense qu'il vaut mieux en finir maintenant, plutôt que de s'endetter davantage en poursuivant un mariage qui n'a plus de sens.

J'aurais aimé pouvoir vous dire au revoir comme il se doit, mais je ne peux pas le supporter plus longtemps, alors je pars comme ça. Vous aurez besoin de temps pour organiser vos pensées.

Je vous remercie beaucoup pour tout ce que vous avez fait pour moi et je voudrais m'excuser encore une fois de ne pas avoir pu rendre la pareille à votre gentillesse et à votre générosité. J'ai laissé mon livret de banque avec toutes ses économies pour payer la dette que j'ai envers vous pour avoir investi en moi.

Je retourne à Buford et lorsque vous serez prêt, nous pourrons faire de notre mieux pour nous dire au revoir correctement.

Erna ]

La lettre du débiteur qui s'est évanoui dans la nuit porte au bas une signature soigneusement écrite.

Erna.

Bjorn fixa la signature au bas de la lettre, comme si elle se moquait de lui. Il se demanda si elle avait laissé la lettre et disparu pour qu'il la cherche et tombe à genoux en lui avouant son amour éternel. Est-ce pour que tout le monde s'apitoie sur le sort d'Erna Dniester, qui avait passé un an chez le Prince à problèmes ?

Outre sa ridicule boîte à biscuits, elle avait pris quelques-uns de ses vieux vêtements qu'elle avait apportés lors de leur mariage. Ce n'était rien de plus encombrant que des affaires avec lesquelles quelqu'un doit voyager.

Erna.

A quel point leur mariage était-il devenu distant ?

Ne l'aimait-elle vraiment plus, et où avait-elle appris cet ennuyeux tour de passe-passe ?

Bjorn resta longtemps silencieux, perdu dans ses pensées. Il finit par jeter la lettre de côté et sonna la cloche de service. Un serviteur arriva rapidement. Bjorn lui donna quelques instructions simples : fermer les rideaux, repas l'après-midi, venir quand la cloche sonne et veiller à ce que la cheminée ne surchauffe pas.

Il laissa ensuite le serviteur debout dans la pièce et se rendit à la salle de bains. Il rit à voix haute en fermant la porte, il n'y avait plus rien à dire ni à faire.

**************************************

« J'annonce quinze jours »

« C'est vraiment court, j'e dit un mois »

« Je ne peux plus vivre comme ça, je n'espère qu'une semaine »

La salle de repos où se réunissaient les domestiques était pleine de bruits et d'activités.

La seule question sur les lèvres des gens était : 'Quand la Grande-Duchesse reviendra-telle ?' La nouvelle de son évasion nocturne s'est répandue dans tout le palais, mais grâce aux efforts de Mme Fitz, elle n'a pas pu se propager davantage.

Après avoir semé le chaos dans le manoir, le prince Bjorn s'est endormi comme si de rien n'était. Mme Fitz réunit tout le monde et leur rappelle le prix à payer pour répandre les affaires du palais.

« Si vous voulez faire de l'agitation à l'intérieur du palais, c'est très bien, mais si ces rumeurs s'échappent au-delà des murs du palais, soyez prêts à en subir les conséquences »

La vieille femme réussit à calmer tout le monde avec son ton mesuré et discipliné. Elle était généralement tolérante, mais elle était impitoyable avec ceux qui dépassaient les bornes, ce qu'elle avait appris du prince Bjorn, ou lui avait enseigné.

À première vue, ses paroles auraient pu sembler joviales, mais il ne fallait pas se méprendre sur la menace qu'elles contenaient.

« Son Altesse s'est rendue dans la maison de sa grand-mère à la campagne pour récupérer, si j'entends autre chose que ce fait, il n'y aura pas de seconde chance. »

« Prenons-nous les paris ? »

Les paris allaient d'une semaine à un mois, voire un an. Il était surprenant de voir à quelle vitesse l'état-major se ralliait à cette idée. Ce n'était pas nouveau pour eux, ils pariaient sur tout et n'importe quoi.

Lisa, qui était assise dans un coin, comme un chiot qui a perdu son maître, regardait tout cela avec une expression stupéfaite sur son visage. Elle a l'impression que la fin est proche.

« Pourquoi est-elle comme ça ? » demanda un serviteur, remarquant que Lisa faisait la moue dans un coin.

« Laisse-la, elle est toujours comme ça »

« Lisa, et toi ? » lui demanda le collecteur d'argent.

Lisa se contenta de lancer un regard noir au serviteur, qui ne voulut pas insister et finit de ramasser le reste de l'argent. Les paris les plus populaires portaient sur quinze jours à un mois.

Alors que tout commençait à se calmer, la cloche de service retentit et tout le monde se figea, la fixant comme si elle les accusait d'être insensibles. Elle sonna à nouveau, le ton sonore d'un loup affamé.

**************************************

L'épreuve de la journée a commencé par un événement apparemment anodin : le rideau.

Une femme de chambre a ouvert avec zèle tous les rideaux occultants de la chambre, projetant le soleil de midi directement sur le visage de Bjorn qui s'est redressé dans son lit. Il n'a rien dit à la femme de chambre, il s'est contenté de la regarder fixement. Se rendant compte de son erreur, elle referma tous les rideaux.

Le prince ne montra aucun signe de fléchissement, ce qui indiquait qu'elle n'était pas à la hauteur de la tâche. Son front bien dessiné était tordu et lui donnait l'air d'un loup en colère.

Moitié! A demi entrouvert !

Après avoir déposé le journal du matin et du thé, la femme de chambre en chef, Karen, réprimanda la jeune servante et fit le tour pour entrouvrir les rideaux. Elle les ajusta soigneusement de façon à ce que la lumière du soleil n'éclabousse que légèrement le lit.

Depuis que la grande-duchesse avait fui le palais, Bjorn était de mauvaise humeur et il s'en prenait au personnel. Son irritation constante semblait s'aggraver de jour en jour.

Pour ne rien arranger, c'était le jour de leur premier anniversaire de mariage.

Beaucoup de serviteurs en avaient profité pour partir en vacances et prendre du bon temps, mais le nombre de ceux qui pouvaient s'échapper du palais était très limité. Les autres devaient marcher sur une corde raide.

Heureusement, une fois que le prince eut fini de boire son thé et de lire le journal, il se rendit dans la salle de bains sans manifester d'autres irritations. Les domestiques avaient franchi le premier obstacle, mais il restait encore le reste de la journée.

« Quand la grande duchesse revient-elle ? Je crois que je vais développer une névrose si je continue à travailler comme ça » demanda la jeune servante, mais Karen ne répondit pas. « Son Altesse me manque. »

Tout le monde était d'accord avec ce sentiment. Tous se languissaient du bon vieux temps, quand Son Altesse était encore là.

Cette expérience éprouvante servit de leçon poignante, une leçon tirée de l'implacable tourment d'un loup endeuillé qui avait perdu sa compagne.

Ps de Ciriolla: il y en a qui sont devenu de mauvais poil avec cette fuite.. pour un loup c'est ironique

Tome 1 – Chapitre 122 – Ce que tout le monde désire passionnément

Lisa se rendit au bureau de Mme Fitz plus tard dans l'après-midi. Bien qu'elle ait été maussade ces derniers temps, elle était particulièrement triste aujourd'hui et personne ne savait pourquoi.

« Qu'y a-t-il, Lisa ? » demanda Mme Fitz en fermant un registre.

« Je veux quitter le palais Schuber » dit Lisa, la détermination sur le visage.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » répondit Mme Fitz, en regardant Lisa avec des yeux étroits.

Lisa sentit les yeux de la vieille femme se planter dans son âme, la défiant d'en dire plus, mais Lisa ne recula pas. Elle raidit son dos et fit un pas en avant.

« Je retournerai au manoir de Baden, auprès de ma maîtresse »

« Retourner à Baden ? Mais son Altesse ne voulait-elle pas cela ? »

Lisa se frotte les mains, luttant contre les larmes. Elle avait reçu une lettre d'Erna il y a deux semaines, dans laquelle elle s'excusait d'être partie sans un mot et remerciait Lisa de tout son cœur pour tous les moments qu'elles avaient partagés. Elle avait également demandé à Mme Fitz de trouver un emploi à Lisa, ou de l'orienter vers une autre famille s'il n'y avait pas de place pour Lisa.

« Je ne sais pas si elle a décidé de revenir » dit Lisa.

Malgré les attentes de tous, Lisa a décidé d'attendre le retour d'Erna, mais elle ne l'a jamais fait et Lisa était à bout.

« Si tu ne veux pas rester, je peux écrire une lettre de recommandation pour une autre famille, comme l'a demandé Son Altesse. »

« Non » dit Lisa en secouant vigoureusement la tête. « Je vais aller au manoir Baden, s'il vous plaît »

« Allez-vous vraiment désobéir aux ordres directs de Son Altesse ? »

« Oh non, Son Altesse m’a dit que l’on se reverrait »

Lisa tendit rapidement la lettre qu'Erna lui avait écrite. Il s'agit clairement de la Grande-Duchesse, son écriture soignée ne laisse aucun doute.

« Lisa... »

Mme Fitz lit attentivement la lettre et un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. La lettre indiquait clairement qu'elles se reverraient une fois que tout serait réglé. Mme Fitz se sentit désolée pour Lisa et poussa un soupir.

Mme Fitz se leva de son siège et se dirigea vers la fenêtre. Elle pouvait voir le jardin et il avait l'air sombre. Il était temps de mettre fin à l'optimisme du retour d'Erna.

Dans les lettres adressées à Mrs Fitz et Lisa, il n'était pas question de Bjorn et il était difficile de trouver des signes de curiosité sur la façon dont se déroulait leur travail auprès du Grand-Duc.

Se frottant la tempe, Mrs Fitz se tourna vers Lisa, qui lui répondait avec des sourcils froncés et une détermination têtue.

« Très bien, tu peux y aller. »

Lisa resta un instant hébétée, s'attendant à ce que Mrs Fitz se débatte davantage, mais sa perplexité fut rapidement remplacée par de l'excitation.

« Merci, merci. »

« Mais il y a des conditions » dit Mme Fitz en se redressant et en s'approchant de Lisa avec détermination. « Il y a une chose que tu dois faire pour moi »

************************************

Après la réunion avec les directeurs, qui sont sortis précipitamment du bureau, Bjorn les a regardés partir depuis le canapé, adossé, les manches retroussées jusqu'au coude.

Le seul signe de la longue réunion était l'accumulation de cendres sur la table.

Lorsque la porte du bureau s'est refermée, Bjorn s'est levé et s'est dirigé vers la fenêtre pour regarder le ciel rougir au coucher du soleil. Les arbres dénudés se balançaient dans le vent, lui rappelant que l'hiver approchait à grands pas, et il laissa échapper un rire.

C'était une habitude qu'il avait prise depuis le départ d'Erna.

Il se retourna et considéra la cheminée, où il entendait le bois crépiter. Puis il leva les yeux vers le tableau accroché au-dessus du manteau, le tableau du grand-duc et de la duchesse de Schuber, de Pavel Lore. Erna Dniester était belle avec son sourire subtil, ce qui satisfaisait et agaçait à la fois Bjorn.

Il décida d'accrocher le portrait dans le bureau afin qu'il n'empiète pas sur l'espace d'Erna. Il était également impoli d'accrocher le portrait à l'abri des regards, et le bureau semblait donc être l'endroit le plus approprié pour l'accrocher.

Un mari que je n'aime plus.

La lettre ne fit qu'accentuer son ridicule. Il en rit, comme il l'avait fait tant de fois auparavant. Il aurait dû s'en douter après la dernière fois où il s'était fait mordre sur la nuque.

Le temps passait et la saison changeait. Erna n'avait pas fait le moindre effort pour contacter Bjorn, pas une seule fois. Elle avait écrit à Mme Fitz et à sa servante personnelle, mais rien ne lui avait été envoyé. Essayait-elle de susciter une réaction de sa part ?

Bjorn regarda le portrait de sa belle épouse, qui continuait à lui jouer des tours à peine voilés. Il n'était pas contre le fait qu'Erna reste avec sa famille, mais il était absurde qu'elle se soit enfuie au milieu de la nuit. La période s'éternisait pourtant, un mois et une semaine, Bjorn commençait à s'impatienter.

« Votre Altesse, c'est Mme Fitz »

« Entrez. »

Bjorn s'est retourné et s'est assis sur le canapé. Il baissa ses manches et remit ses boutons de manchette en place. Ce faisant, Mrs Fitz entra dans la pièce.

« Je renvoie la servante personnelle de Son Altesse à Buford » dit Mrs Fitz.

Elle était bien consciente de la perte de patience du prince et fit de son mieux pour transmettre son message avec tact. Bjorn haussa les sourcils à cette déclaration, signe évident qu'il commençait à s'agiter.

« Lisa ? Erna, la gardienne de l'enfer, a-t-elle appelé une servante ? »

« Oui, Votre Altesse. »

« Eh bien... très bien » dit Bjorn en hochant la tête, comme si ce n'était pas grave.

Il n'avait jamais aimé la façon dont Lisa parcourait les couloirs du palais avec une expression sombre, comme si elle était sur le point de s'effondrer. L'absence d'une servante, en particulier d'une servante comme Lisa, ne serait pas du tout regrettée.

« J'avais l'intention de la licencier de toute façon, alors tout s'est passé pour le mieux. »

« Peut-être, Votre Altesse, j'ai demandé à Lisa d'envoyer des lettres périodiquement, pour nous tenir au courant de l'actualité de Son Altesse. »

Bjorn s'arrête et regarde fixement Mrs Fitz.

« Vous devez être très inquiet pour votre femme, n'est-ce pas, Votre Altesse ? » dit Mme Fitz.

« Pourquoi ? » répond Bjorn.

« Votre Altesse ? »

« Elle reviendra d'elle-même, il n'est donc pas nécessaire d'agir de la sorte » dit Bjorn en adressant à Mme Fritz l'un de ses plus beaux sourires.

Mme Fitz comprit le sens de l'expression 'plus d'objections inutiles' et regarda le prince sortir du bureau.

Juste avant de quitter la pièce, il s'est arrêté et a regardé Mme Fritz.

« Ne m'attendez pas, je serai en retard »

******************************************

« C'est à qui de miser ? » demanda Bjorn.

Ses yeux bleus et froids balayèrent la table et s'arrêtèrent sur Pierre, qui fronça les sourcils en fixant sa main. Plutôt que de prononcer des mots, Pierre se contenta de hocher la tête et de tousser. Le jeu de longue haleine touchait à sa fin et, comme toujours, Bjorn Dniester avait gagné.

Il était devenu le meurtrier du Social Club et même après avoir effacé les mains de tout le monde et emporté la plupart des jetons, il n'était pas heureux, il n'était plus jamais heureux. En fait, son comportement l'a amené à humilier ses adversaires comme jamais auparavant.

Bjorn est rarement comme ça, mais ces derniers temps, il fait preuve d'une impitoyabilité qui démontre vraiment son comportement de chien enragé.

L'atmosphère est tendue et chacun se montre particulièrement prudent face aux lames bleues et tranchantes de la colère de Bjorn. Lorsqu'il choisissait ses victimes, apparemment sorties de nulle part, il les vidait de leur sang et de leurs richesses, puis repartait dans la nuit, laissant derrière lui un air de joueurs de cartes terrifiés.

« Oh, vous partez déjà ? » dit Peter.

Alors que Bjorn se lève de son siège, la joie se répand autour de la table.

S'il vous plaît, partez, s'il vous plaît. pensaient-ils tous.

Bjorn hocha la tête d'un air maussade et tout le monde résista à l'envie d'applaudir. Le loup avait apparemment eu sa dose et s'en allait vers sa tanière. Dès qu'il fut parti, la salle éclata en protestations frustrées. Le plus bruyant d'entre eux était Léonard, qui avait été le plus touché.

« Il se défoule » dit Léonard en secouant la tête. « Il déverse toute sa colère et ses frustrations sur nous. »

« Oui, mais pourquoi nous ? » dit Peter en s'enfonçant dans sa chaise. « Je ne peux plus faire face à sa colère. »

« Quand la grande duchesse reviendra-t-elle ? D'ici la fin de l'année, j'espère. »

« Ne sois pas bête, c'est trop long ! Si elle revient à la fin de l'année, je deviendrai un mendiant ! »

Tout le monde espérait le retour de la grande duchesse, mais aucun n'était désireux d'aspirer à ce que le rêve devienne réellement réalité.

****************************************

La place Tara était glaciale et dépourvue de vie. L'hiver guettait. Bjorn regarda l'heure sur la tour de l'horloge en se dirigeant vers la fontaine, il lui restait encore une demi-heure avant que le cocher ne vienne le ramener chez lui.

Bjorn s'assit au bord de la fontaine et regarda les étoiles. Elles étaient magnifiques ce soir et il se remit immédiatement à penser à Erna.

« Erna.... »

Le nom s'échappa de ses lèvres comme une bouffée de brume glacée et s'envola dans le ciel nocturne.

Tome 1 – Chapitre 123 – Jeu bon marché

Bjorn allume un cigare. Une habitude qu'il a reprise depuis qu'elle est partie et que sa toux ne le fait plus culpabiliser de fumer en sa présence.

À travers la fumée épaisse et sombre, il pouvait voir des souvenirs d'Erna vêtue de ses habits de fille de la campagne et se promenant sur la place. Elle n'apparaissait jamais que lorsque la foule s'était éloignée et qu'elle attirait le regard de Bjorn.

Il repensa à l'époque où la belle jeune femme avait attiré l'attention de tous les hommes du country club. Bjorn admettait volontiers qu'il était aussi épris que les autres et que ce n'était pas seulement l'excitation du pari qui le poussait à poursuivre Erna.

Ce jeu puéril avait fait des vagues dans sa vie. Il aurait pu l'éviter et profiter de sa solitude, mais au lieu de cela, il avait avidement chassé le cerf comme tout le monde, et lorsqu'il avait essayé de l'arrêter, il en avait payé le prix. C'est du moins ce qu'il croyait, car en réalité, il savait ce qu'il faisait.

C'est alors qu'il entendit parler du pari de la bouche de la jeune femme et soudain, tout devint vide. Un sentiment d'angoisse insupportable l'a envahi et il a voulu tout avouer.

Il s'est rendu compte qu'il voulait être tout ce qu'Erna voulait qu'il soit, il voulait être le mari dont elle avait toujours rêvé. Elle le voyait comme le centre de son monde et il était trop têtu pour la laisser être le centre du sien.

Trophée, bouclier contre Gladys, femme déficitaire.

Les paroles d'Erna ont eu un effet paralysant sur Bjorn, qui s'est efforcé de donner un sens à tout cela. En fin de compte, il avait toujours maltraité sa femme. Pourquoi ne pouvait-elle pas le supporter ?

Le divorce.

Ce dernier mot, prononcé sur ses lèvres, a fait voler en éclats ce qui restait de sa fragile barrière. La situation était devenue incontrôlable et tout ce qu'il essayait de faire, c'était de l'empêcher d'y penser. Il était trop confiant dans sa capacité à gagner, croyant qu'il avait la main gagnante.

Bjorn regarda le ciel nocturne et souffla une énorme bouffée de fumée de cigare, faisant de son mieux pour atténuer l'odeur persistante du désespoir et de l'échec. Ces derniers temps, il ressentait souvent ces sentiments, ce qui l'empêchait de gérer sa consommation de cigares.

« Divorce... »

En prononçant ces mots, Bjorn a formé un épais nuage de fumée de cigare qui a été emporté par le doux vent d'hiver.

Malgré les menaces d'Erna, il éprouvait une certaine sympathie pour elle. Erna était toujours sa femme, même si elle n'était plus en mesure de répondre à certaines attentes.

Elle n'a jamais pu se résoudre à régler ses dettes comme elle le souhaitait.

Le bruit de la voiture qui approchait arracha Bjorn à son introspection et il se leva de la fontaine. Ses pas étaient toujours aussi calmes et déterminés.

**************************************

Sous le pâle soleil d'hiver, les champs couverts de givre brillaient comme s'ils étaient remplis de diamants. Le bruit de pas croustillants rompit le silence serein, tandis que des pieds délicats bruissaient dans l'herbe gelée. Erna s'approcha de la maison isolée au bout de la rue.

« Madame » dit Ralph Royce en sortant des écuries.

Erna ferma la porte du champ et retira son profond capuchon, souriant chaleureusement.

« Bonjour » dit-elle.

« Es-tu vraiment sorti pour une nouvelle promenade matinale par ce temps glacial ? »

Erna répondit par une révérence polie et rentra dans la maison. Mme Greeve commença presque immédiatement à s'agiter et à se plaindre. Ce n'est que lorsqu'elle put rassurer la vieille dame, si inquiète, qu'Erna put se retirer dans sa chambre.

Après s'être reposée et avoir lu un livre, Erna prit le petit déjeuner avec sa grand-mère.

Elles parlent du début de l'hiver, de l'arthrite de Mme Greeve et du veau qui vient de naître. Une règle non écrite veut que personne ne parle de la vie d'Erna en ville.

La matinée s'écoule tranquillement, Erna fait des mots croisés et discute avec sa grand-mère. Le facteur allait bientôt arriver et Erna attendait toujours le courrier avec impatience.

Elle s'enveloppa d'un épais châle de laine et alla attendre le facteur. Elle espérait recevoir des nouvelles de Schuber concernant la procédure de divorce. Elle savait qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, son mariage avec Bjorn était terminé depuis longtemps et il ne restait plus que la question juridique.

Elle se tint debout sous la lumière du soleil, s'enveloppa contre le vent froid et regarda la rue qui menait à Baden Street. C'était un spectacle paisible, marqué par le gazouillis des oiseaux.

Depuis son arrivée surprise il y a plus d'un mois, tout était devenu flou. Elle dormait des jours entiers dans un sommeil profond, semblable à celui de la mort. La distinction

entre les jours s'estompait et lorsqu'elle se réveillait de son sommeil prolongé, son monde était simple et clair.

Erna consulta sa montre et s'arrêta de marcher, il semblait que la voiture postale ne viendrait pas aujourd'hui. Qu'importe, il y aura toujours un lendemain.

Fidèle à sa routine de l'après-midi, elle retourna à la maison. Après avoir rangé les livres dans son bureau, elle envisagea de tricoter de nouveaux bas et peut-être de faire un gâteau avec beaucoup de cannelle et de sucre. Le parfum serait parfait pour cette période de l'année.

« Votre Altesse »

Erna s'apprêtait à entrer dans la maison quand quelqu'un l'appela.

« Votre Altesse, Votre Altesse »

La voix devint claire et Erna crut la reconnaître.

« Lisa ? »

Erna ne pouvait pas croire ce qu'elle entendait et lorsqu'elle se retourna, une grande jeune fille apparut, sprintant sur la route de campagne. Elle tenait une grosse valise.

« Lisa. »

Erna avait du mal à croire ce qu'elle voyait. Lisa courut vers elle, jetant son lourd bagage pour pouvoir courir sans entrave et tenant d'une main son chapeau à larges bords. Son visage était trempé de larmes.

Lisa tomba dans les bras d'Erna, pleurant sans retenue.

*****************************

Lorsque le soleil a commencé à se coucher, le manoir Harbour s'est rempli d'invités. Des familles renommées sont venues de partout pour participer à la fête. Des centaines de carrosses alignés, portant chacun un écusson sur leur portière, attendaient patiemment de déverser leurs invités dans la maison. Un spectacle grandiose, à la hauteur de la réputation d'une fête qui attire toutes sortes de mondains.

Le carrosse transportant Bjorn Dniester n'est arrivé que lorsque la fête avait déjà commencé. Lorsque la nouvelle de son arrivée fut enfin connue, la Marquise de Harbour s'illumina visiblement d'excitation.

« Je suis ravie que tu sois là, Bjorn » dit-elle en s'approchant de lui avec une excitation à peine contenue.

Elle savait qu'il était déplacé d'aborder un homme si peu de temps après sa guérison d'avoir été accusé à tort d'être un champignon vénéneux, mais elle ne pouvait s'empêcher d'espérer un peu d'agitation pour animer la fête.

« Comment va la grande duchesse ? J'espère qu'elle reviendra bientôt, une fois sa santé complètement rétablie »

« Oui, ma femme reviendra bientôt » dit Bjorn en croisant le regard de la marquise.

En regardant les visages familiers dans la salle, il se mit à rire aussi naturellement qu'il respirait. Il savait que sa tante grand-mère savait organiser une fête.

Marchant lentement à travers la foule, Bjorn reçut de nombreuses félicitations et des questions sur la Grande-Duchesse. Bien que les questions soient quelque peu offensantes, Bjorn y répond habilement, se répétant sans cesse.

Au moins, c'était mieux que les discussions idiotes qu'il avait avec le portrait dans son bureau. C'était l'une des raisons pour lesquelles il acceptait toutes les invitations à la plupart des réunions sociales.

« N'avez-vous pas dansé ensemble à cette même soirée ? » L'hôtesse s'interrogea avec une fierté non contenue. Ses mots touchent le cœur de Bjorn. « Je me souviens vous avoir vus tous les deux avec beaucoup d'admiration »

En regardant la comtesse, Bjorn laissa un sourire s'installer naturellement. Il était profondément reconnaissant à Erna de lui avoir appris à rester calme au milieu de situations terribles.

Son cœur se serra lorsqu'il repensa à cette soirée. La comtesse avait loué la beauté éblouissante d'Erna et la chance qu'avait le prince d'avoir une telle femme à ses côtés.

« Bjorn, ça va ? » dit Leonid à voix basse.

Bjorn tenait son verre mollement et il était clair que le prince héritier n'était là que pour surveiller son frère. Leur mère avait insisté pour que Leonid s'y rende, ne serait-ce que pour apaiser ses propres inquiétudes à l'égard de Bjorn.

« Quel look préférez-vous ? Puisque notre noble prince héritier s'est traîné dans la boue pour moi, je dois vous rendre la pareille »

Bjorn se promena dans le coin de la salle de banquet, là où Erna se tenait seule, trop timide pour se joindre à la fête. Il se tourna vers Leonid, qui se contentait d'observer Bjorn. Son silence rendait Bjorn nerveux.

« Honnêtement, je n'ai rien qui me vienne à l'esprit, si vous voulez bien me donner un exemple »

« Pourquoi êtes-vous comme ça ? » Leonid soupire. « Maman s'inquiète beaucoup pour vous et la grande-duchesse, papa aussi »

« Eh bien, je vous remercie de votre inquiétude, mais je vais bien. »

« Bjorn. »

« J'ai une nounou qui me chante une berceuse, alors ne t'inquiète pas pour moi »

Bjorn savait qu'il disait des bêtises, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. L'évocation constante d'Erna l'avait mis sur la voie. Passant à côté de Leonid, qui avait encore beaucoup de choses à dire, Bjorn alla rejoindre un groupe de fêtards turbulents. C'était une colère injustifiée, mais en même temps, la meilleure ligne de conduite qu'il pouvait discerner.

En fin de compte, la fête était plutôt ennuyeuse. Dans ce mélange d'alcool et de bavardages effrénés, Bjorn a bu bien plus que ce qu'il aurait fait en temps normal. Il sentait qu'il perdait le contrôle et sa patience commençait à s'épuiser.

S'excusant, Bjorn quitta la salle de banquet et pénétra dans le couloir situé à l'est du manoir, où l'atmosphère chahuteuse s'estompait. Soudain, des pensées poétiques lui vinrent à l'esprit.

Un cri retentit au fond du couloir. Il était empreint de la même peur qu'Erna avait manifestée ce jour-là. Ce qui se passait dans le coin isolé du manoir était évident : une femme en état d'ébriété et du théâtre de pacotille.

L'irritation et la désillusion s'échappèrent de Bjorn, qui laissa échapper un soupir mêlé d'injures. Il se tourna dans la direction de la femme effrayée, le bruit de ses pas lourds résonnant dans le couloir tandis qu'il avançait à grands pas.

Tome 1 – Chapitre 124 – Je l'ai donc jeté Robin Heinz fut surpris de voir le chien fou de Lechen. Lorsqu'il se tourna vers le prince, il vit sur son visage une expression tout aussi confuse. Bjorn le fixait, la tête penchée.

« Bonjour Heinz » dit Bjorn à voix basse, « je vous retrouve ? »

Au début, le ton doux de la voix de Bjorn et son sourire chaleureux semblaient amicaux, mais comme Robin se crispait, la servante qui était assise au bout du canapé s'éloigna pour se mettre à l'abri.

J'ai déjà fait de douces mises en garde, mais maintenant vous me répugnez.

Bjorn gloussa en renvoyant la femme de chambre du salon. Heinz se rappela l'année précédente, lorsqu'il avait été humilié.

Les pas de la servante s'éloignèrent, et Bjorn s'approcha doucement de Heinz, comme s'il ne le voyait pas, ou comme s'il s'approchait d'un ami, mais il le surplomba pour l'empêcher de se lever.

« Hé Heinz, as-tu un attachement particulier pour cette pièce ? Est-ce que tu es contrarié, ou même en colère, quand tu viens ici ? »

« Dégage de mon chemin » grogna Heinz.

« C'est grossier » dit Bjorn, « je t'ai posé une question »

« Qu'est-ce que ça peut te faire ? » Robin fait de son mieux pour retenir sa colère, mais c'est un combat qu'il n'a aucune chance de gagner.

Bjorn répondit en maintenant simplement un regard fixe, laissant Robin se demander ce qui se passait dans son esprit. Robin essaya de lui rendre son regard sévère, mais il n'était pas aussi audacieux que Bjorn.

« Ce n'est pas comme ça, vraiment, la fille, elle a essayé de me séduire en premier »

« Vraiment ? » dit Bjorn calmement. L'idiot a dit la même chose à propos d'Erna.

Bjorn se souvenait très bien de l'été dernier et des remarques grossières que Robin avait faites sur Erna, mais Erna avait toujours souri si gentiment et était restée aux côtés de Bjorn. Elle supportait tant de choses et s'inquiétait toujours pour lui, même si elle était intimidée par de telles ordures.

Bjorn sourit en se rappelant qu'elle l'attendait au bout du pont. Elle n'avait pas de plan, elle pensait qu'elle le rencontrerait à nouveau si elle attendait là. Elle lui a dit qu'elle avait l'impression qu'elle l'attendrait toujours au bout du pont.

Avec le recul, Erna l'attendait toujours, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants, comme les lumières qui bordent la rivière Abit.

Il pensait donc qu'elle allait bien. Bjorn sourit et ferma les yeux, il pensait toujours qu'elle allait bien parce qu'elle souriait toujours si gentiment. Lorsqu'il rouvrit les yeux, Bjorn était à nouveau dépourvu de toute émotion, ne laissant rien transparaître de sa rétrospection.

'Où vas-tu ? dit Bjorn calmement alors que Robin essayait de se frayer un chemin autour de lui.

Robin n'hésita pas et s'enfuit sans se retourner. Malgré son état d'ébriété, il réussit à s'éloigner suffisamment pour se cacher derrière une colonne.

Bjorn le poursuivit à son rythme, à grandes enjambées confiantes, de plus en plus concentré.

Robin tenta de fuir à nouveau lorsque Bjorn le rattrapa, mais ce dernier lui arracha un pied et Robin tomba sur le sol dans un craquement écœurant. Bjorn le dominait d'un air impitoyable.

'Qu'est-ce qui ne va pas chez toi, espèce de fou, beugla Robin.

'Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Bjorn rit, 'c'est toi qui as un problème avec moi'.

'Qu'est-ce qui ne va pas ?'

'Chaque fois que je te regarde, ma colère monte, elle remonte à la surface et bouillonne, et tout ce à quoi je pense, c'est de te donner un coup de poing dans ta sale gueule, tout comme tu t'adonnes à tes sales habitudes à chaque fois que tu viens ici.'

Robin a crié lorsque la pointe de la chaussure hautement polie de Bjorn est entrée en contact avec le visage de Robin. Il tenta de lever les mains pour se défendre, mais les coups continuaient à pleuvoir. S'il protégeait son visage, Bjorn lui donnait un coup de pied dans les côtes, et s'il protégeait ses côtes, il laissait sa tête exposée.

L'assaut incessant de Bjorn ne laissait pas à Robin le temps de reprendre son souffle et les coups de pied étaient implacables. Le sang coule du nez cassé et de la lèvre fendue de Robin. Les chaussures de Bjorn, autrefois immaculées, n'étaient pas tachées de cramoisi.

'C'est de ta faute', dit Bjorn en s'accroupissant pour se rapprocher de Robin Heinz qui tremble. 'Tu n'aurais jamais dû me contrarier, tu ne crois pas ?

Bjorn regarde le visage défoncé de Robin, les joues et le menton maculés de sang et de salive. Robin ne put que hocher la tête en signe d'assentiment.

'Contrôle ton désir, Heinz, et je pourrai contrôler ma colère, d'accord ?'

Bjorn se redressa. Il savait que sa rage était injustifiée, mais ce détail technique ne le dérangeait pas. Il était juste dommage qu'il ne puisse pas simplement ôter la vie à ce pathétique spécimen, nous n'étions pas à une époque barbare.

Bjorn pensa à Erna, qui pleurait en tenant un chandelier ensanglanté. Le pari avait joué un rôle important dans la souffrance d'Erna à la fin, mais c'était cette merde qui avait porté le premier coup fatal à la réputation d'Erna.

Elle lui avait donné une fleur, un beau gage de l'appréciation d'Erna, et qu'avait-il fait ? Il avait jeté la promesse dans le cendrier le plus proche. Le cœur de Bjorn pleura à ce souvenir inavoué. C'était une si jolie fleur, un muguet, sa préférée.

C'était aussi la fleur préférée de Gladys et c'est pour cela qu'il l'avait jetée. Aurait-il fait de même s'il s'était agi d'une jonquille ou d'une pensée ?

Bjorn entendit quelqu'un se diriger vers lui en trébuchant et, lorsqu'il se retourna, il vit Robin s'approcher de lui, le tisonnier de la cheminée se dirigeant vers sa tête.

*************************

« Tu es fou » dit Leonid.

Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire Bjorn Dniester. Lorsque Bjorn lui jette un coup d'œil, il laisse échapper un rire. Une odeur d'alcool envahit l'espace confiné du wagon.

« Vraiment, espèce de fils de pute, tu ris maintenant ? »

Leonid voulait quitter le club sans se retourner, mais un sentiment tenace le poussait à aller chercher son frère. S'il était arrivé un peu plus tard, son frère serait probablement déjà en prison.

Lorsque Leonid a trouvé Bjorn, celui-ci était penché sur le corps inconscient de Robin Heinz, un tisonnier à la main, dégoulinant de sang. Leonid n'a pas tardé à intervenir et à faire sortir Bjorn du club pour le faire monter dans la voiture.

Les personnes présentes au club ont assisté à l'étrange scène et ont rapidement trouvé Robin dans le salon. Le choc a traversé tout le monde et a failli envoyer Bjorn dans les profondeurs de l'enfer, si Leonid n'avait pas été là pour le tirer d'affaire.

« Tu ne peux pas continuer comme ça, Bjorn. Va à Baden et récupère la Grande-Duchesse, quoi qu'il en coûte, supplie la à genoux s'il le faut »

Leonid ne pouvait plus contenir sa colère et toutes ses frustrations sont sorties alors qu'il criait à Bjorn, espérant que quelque chose parviendrait à traverser son brouillard.

Leonid pensait que Bjorn gérait bien les choses, jusqu'à ce qu'il reçoive la nouvelle de la disparition de la grande-duchesse.

S'enfuir était peut-être irresponsable et égoïste, mais Leonid pouvait comprendre pourquoi sa belle-sœur avait agi de la sorte. C'était en fait assez semblable à ce qu'avaient vécu ses parents.

« La grande duchesse, vous voulez dire Erna ? »

Bjorn soupira en essayant de se redresser. Sa tête tomba d'un côté et son regard se porta simplement vers le ciel. Le mouvement lui envoya une douleur fulgurante dans le corps. Robin avait réussi à porter quelques coups décents.

« Elle sera bientôt de retour » murmura Bjorn, hébété.

« Ou peut-être pas » répliqua Leonid.

« Tais-toi, Léo »

Bjorn détourna le regard de la fenêtre et se passa paresseusement les doigts dans les cheveux. Le manoir, où Erna n'était plus présente, se dessina lentement.

« Erna m'aime. »

Un mari que je n'aime plus.

« Elle reviendra »

« Bjorn »

« Elle est censée revenir »

Bjorn continua de marmonner pour lui-même tandis que la calèche roulait et parvint à perdre connaissance juste avant d'atteindre le manoir. Après un bref moment passé à fixer cet homme aussi stupide qu'intelligent, Leonid secoua la tête et quitta la calèche.

« Votre Altesse » dit Mme Fitz, surprise, en faisant une révérence.

« Bonjour Mme Fitz, Bjorn est plutôt ivre et actuellement inconscient. »

Heureusement, tout le monde était plus qu'habitué à cela.

« Il s'est battu au manoir Harbour »

Cette déclaration, Mme Fitz avait également l'habitude de l'entendre.

« Il semble que son bras soit cassé, il serait bon d'appeler un médecin pour qu'il l'examine »

Malheureusement, le dernier mot a choqué tout le monde.

Ps de Ciriolla: la méthode Coué dans cette situation est de l'illusion pure mon cher Bjorn

Tome 1 – Chapitre 125 – Invasion royale

Tout cela à cause de ce fichu cerf.

Bjorn se leva avec un léger sentiment de clarté dans sa tête palpitante. Une douleur aiguë courait le long de son bras, rappel douloureux de l'escapade de la nuit dernière.

Instinctivement, Bjorn tendit la main vers la cloche de service et le choc soudain de la douleur le fit tressaillir. Il s'était réveillé avec le bras enveloppé d'un bandage. Une blessure osseuse était probablement à l'origine de la douleur, mais quand avait-il vu un médecin ?

Avec un mélange de soulagement et de frustration, Bjorn se leva du lit et poussa un soupir. Il alla tirer les rideaux occultant. Le soleil de l'après-midi l'aveugla et il plissa les yeux par la fenêtre. La brise fraîche provenant de la rivière était apaisante et, inconsciemment, il porta un cigare à ses lèvres.

Erna.

Alors que les souvenirs de la nuit dernière lui revenaient lentement, il sentit qu'il avait marmonné le nom d'Erna toute la nuit. Puis il y eut un choc violent à la tête. Il a cherché la bosse et l'a immédiatement regrettée alors que la douleur lui traversait l'esprit.

Erna reviendra.

Il l'avait dit plus d'une fois, à des questions complètement hors de propos. Il se souvenait des visages confus, des visages inquiets et du visage d'Erna.

Il se souvenait de Leonid lui criant dessus à propos de quelque chose, sa voix résonnait dans les chambres sensibles de sa mémoire. Il avait la nette impression qu'il se contentait de fixer son frère, le visage vide et dépourvu de sens. Il n'avait même pas réussi à trouver l'énergie de jurer et s'était contenté d'allumer le cigare.

On frappa distinctement et poliment à la porte. C'était probablement Mme Fitz.

« Ah, vous êtes enfin réveillé, Votre Altesse » dit Mrs Fitz, comme prévu. Elle est entrée avec le journal du matin et le thé de l'après-midi. « Vous savez, rien n'a changé depuis votre enfance, toujours la même chose, vous faites quelque chose d'embarrassant et vous vous cachez de tout le monde »

« C'est vrai ? » Bjorn essaie de rire et laisse échapper un nuage de fumée.

« Oui, mais maintenant que vous êtes adulte, je n'ai plus besoin de vous chercher sous le lit ou dans le placard »

Mme Fitz fixe Bjorn d'un regard ferme, comme pour lui signifier son intention de lui donner une claque sur le derrière. Elle avait la même allure qu'à l'époque, la nounou sévère de son enfance.

Bjorn poussa un soupir et s'assit devant la table, où le thé du matin avait été déposé. Il le but d'un trait et parcourut le journal.

*****************************

« La lettre de Lisa est arrivée » dit Mme Fitz. « Voulez-vous la lire ? »

Bjorn regarda Mme Fitz en plissant les yeux, comme s'il s'agissait d'un émissaire apportant de mauvaises nouvelles d'un voisin déclarant la guerre. Bjorn fit mine de prendre la lettre, mais se contenta de prendre son thé.

« Je vais vous la lire alors » dit-elle et elle ouvrit la lettre. « Lisa dit qu'elle va bien et Son Altesse aussi. La baronne de Baden est en bonne santé » Mme Fritz marmonne et murmure en lisant rapidement le reste de la lettre. « C'est à peu près tout »

Bjorn fronça les sourcils, les rides plus profondes. Il ne savait pas ce qu'il attendait, mais certainement pas des nouvelles de la vache brune tachetée qui venait de mettre bas, ou des bas que Lisa tricotait.

« Avez-vous quelque chose à dire, Votre Altesse ? » demanda Mme Fitz, qui avait du mal à déchiffrer l'expression de Bjorn.

Bjorn but une gorgée de son thé, réfléchissant à l'utilité de Lisa. Ses lèvres étaient desséchées et chaque gorgée ne faisait qu'augmenter sa soif. Les effets de l'alcool auraient dû s'estomper à présent, mais il ressentait encore le malaise de l'ivresse.

« Il y a une autre chose que je dois vous dire, Votre Altesse, Son Altesse le Prince héritier a prévu de visiter le manoir Baden cette semaine. Il a emmené la duchesse Heine avec lui »

« Leonid et Louise... ils vont à Baden ? » dit Bjorn en posant sa tasse de thé.

« Non, sauf si un autre prince souhaite se réconcilier avec la grande-duchesse »

« Pourquoi faire ? »

« Regardez dans le miroir et vous verrez peut-être enfin le pourquoi » Malgré son attitude sarcastique, Mme Fitz reste raide et professionnelle.

« Tout le monde fait des choses si inutiles » dit Bjorn d'un air maussade et se lève de table.

Il ralluma le cigare qu'il avait dans la bouche tandis que Mme Fitz se retournait et partait. Bjorn se mit à la fenêtre, regardant la rivière en silence. Avec un lourd soupir, Bjorn se tourna vers le miroir en pied et rit lorsqu'il réalisa que Mme Fitz n'avait pas

tout à fait tort. Il se couperait les cheveux avant que Leonid et Louise ne reviennent de Baden.

***************************

« Plus j'y pense, plus cela me semble horrible, au point de me dégoûter » dit Louise avec une colère féroce.

Le bruit des sabots qui claquent et de la calèche qui cahote sur la route, mêlé aux frustrations de Louise, détournait Leonid du livre qu'il essayait de lire.

Avec un soupir, il regarda Louise avec un soupir de résignation. Il était étonné par la passion inébranlable de sa sœur à insulter Bjorn tout au long du voyage.

« Comment as-tu pu me cacher ce secret ? Tu m'as laissé traiter cette fille détestable comme une meilleure amie, mon Dieu, quelle stupidité de ma part »

« Louise, c'était entre Lechen et Lars... »

« Oh vraiment, c'est confidentiel, hein ? S'il vous plaît, dite-le moi encore, Votre Altesse »

Louise crachait chaque mot avec un mépris dur et son expression était aussi froide que les hivers aux pôles. Lorsque le livre a été publié et que la vérité a été révélée, Louise a pleuré pendant des heures. Elle avait essayé de nier, de trouver des excuses à la princesse.

Son père, sa mère et ses frères jumeaux.

La tromperie de la famille, qui lui cachait la vérité, était profondément inquiétante.

Louise la méprise. Elle essayait de comprendre la raison de leurs actions, mais la laisser continuer à être l'amie de Gladys ? Ce n'était vraiment pas possible. Elle avait encore plus de mal à pardonner à Bjorn, qui s'occupait d'elle depuis sa naissance.

Si Bjorn s'était confié à elle, Louise aurait compris et partagé le fardeau. Elle se serait certainement abstenue de le harceler constamment pour qu'il se réconcilie avec Gladys.

Malgré toutes les choses qu'elle voulait dire à Bjorn, lorsqu'ils se sont retrouvés face à face, elle n'a pas trouvé les mots justes. Et puis, il y a eu la nouvelle de la fausse couche de la Grande-Duchesse.

« Encore combien de temps ? » demanda Louise, en essayant de sortir de son train-train.

Elle regarda par la fenêtre de la voiture, comme si elle allait voir un signe, mais ce n'était que le même paysage rural qu'avant, ils pouvaient être n'importe où. Il était difficile d'imaginer qu'il y ait un manoir de l'aristocratie quelque part par ici.

« Je crois que nous sommes presque arrivés » dit Leonid calmement. « Merci de m'avoir accompagné. »

« Je ne suis venue que pour la grande duchesse, cela n'a rien à voir avec vous, ni avec notre frère à tête de cochon » Louise devait des excuses à Erna.

Louise avait envie de s'excuser depuis longtemps, mais elle avait toujours du mal à trouver les mots justes lorsqu'elle s'asseyait à son bureau. Elle avait le cœur lourd et un sentiment de culpabilité écrasant, comme si c'était de sa faute si la Grande-Duchesse avait fait une fausse couche.

Ce fiasco aurait peut-être pu être évité si Louise s'était excusée plus tôt. Depuis le départ d'Erna, Louise est rongée par le remords. C'est la seule raison pour laquelle elle a accepté l'invitation de Leonid. Sa décision est d'autant plus facile à prendre que Leonid lui annonce que Bjorn ne les accompagnera pas.

« Où diable se trouve ce village ? » Louise commençait à s'impatienter.

Lorsqu'elle aperçoit enfin le manoir en ruine, Louise est choquée.

Tout ce qu'elle a pu dire, c'est « Oh mon Dieu »

« Votre Altesse, Votre Altesse » criait Lisa.

Sa voix portait à travers le manoir alors qu'elle courait de l'autre côté du couloir, à la recherche d'Erna. Erna était en train d'arranger des fleurs et, en entendant Lisa l'appeler, elle se leva de l'endroit où elle était en train d'ajuster une rose. Lisa entra après avoir frappé brièvement, les joues fraîchement rougies.

« La famille royale est arrivée, Votre Altesse, elle est là ! »

Ps de Ciriolla: Je suis pas convaincu que le debarquement de la famille de ton ex soit la solution pour donner envie de revenir... mais ca part d'une bonne attention

Tome 1 – Chapitre 126 – Le prince qui aime son épouse

Lisa conduit Erna dans le salon, où elle tomba nez à nez avec Leonid et Louise. Elle n'aurait jamais imaginé revoir leurs visages.

Louise accueillit Erna avec un sourire chaleureux sur ses lèvres tremblantes. Un sourire qu'Erna ne reconnaissait que trop bien et, après avoir salué poliment, elle se tourna vers l'homme qui se tenait à côté d'elle.

Ses cheveux platine étaient soigneusement peignés, encadrant son visage, et ses yeux étaient d'un gris froid perçant... Erna fut déconcertée par son apparence digne, tout comme...

« Ah... Bonjour Votre Altesse, le Prince héritier »

Erna salua Leonid avant qu'il n'ait eu le temps de s'expliquer, mais même sans ses lunettes, elle pouvait facilement le distinguer de Bjorn.

Faisant à nouveau face à Louise, Erna sourit doucement : « Princesse, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vues »

******************************

« Je suis vraiment désolé, Grande-Duchesse » dit Leonid, en essayant d'ajouter une touche de familiarité à la rencontre.

Ils s'assirent, Lisa apporta des rafraîchissements et, sans préambule, Leonid décida d'expliquer ce qui s'était passé entre Lars et Lechen et le pacte qui avait été conclu en secret. Erna faisait de son mieux pour comprendre.

Elle comprenait parfaitement ce que Bjorn voulait obtenir en échange de la protection de l'alliance entre les familles royales. Cependant, ces affaires d'état ne concernaient plus Erna et ne la touchaient pas de manière significative.

« Ce n'est pas grave, votre Altesse, vous n'avez pas besoin de vous excuser sans cesse »

dit Erna en souriant à Leonid. « Il s'agissait d'un accord secret entre deux pays et la sécurité de la monarchie était en jeu. Je le comprends »

« C'était l'idée de Bjorn, pour protéger la princesse. Il a pris la tête des négociations et a finalisé l'accord. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il a pris trop de responsabilités sans prendre en compte les conséquences à long terme »

« Je comprends » répondit Erna, en restant distante.

Leonid s'est tourné vers Louise avec une expression vide et Louise a simplement soupiré, comme s'il n'y avait plus d'arêtes vives à limer. Erna était complètement différente de ce à quoi ils s'attendaient, si différente qu'ils ne pouvaient pas être sûrs qu'il s'agissait de la vraie Erna.

« Louise » dit Leonid à sa sœur, alors qu'il se débattait avec la gêne.

La gêne devenait importante et Louise posa sa tasse de thé. Elle poussa un nouveau soupir avant de relever la tête pour faire face aux autres.

La gêne devenait importante et Louise posa sa tasse de thé. Elle poussa un nouveau soupir avant de relever la tête pour faire face aux autres.

« Je suis consciente que mes paroles et mes actes vous ont fait beaucoup de mal » dit Louise avec assurance, « et à juste titre, car c'était voulu. Je pourrais dire que c'est parce que je ne connaissais pas la vérité sur Gladys, mais ce ne serait qu'une excuse. La vérité, c'est que si Gladys n'avait pas été là, je n'aurais jamais eu de tels sentiments » Louise regarde Erna avec indifférence. « À un moment donné, j'ai pensé que tu n'étais pas assez bien pour le Grand-Duc, même si mon frère était devenu un prince problématique. Il était injuste pour moi de vous juger sur des rumeurs malveillantes et une réputation non prouvée. J'étais trop faible pour chercher la vérité par moi-même »

Leonid fronça les sourcils en regardant sa sœur, se demandant si ses paroles étaient sincères ou plus proches de l'ironie. Malgré sa promesse de s'excuser, il n'arrivait pas à savoir si elle était sincère.

« J'ignorais tous des agissements de Gladys et je souhaitais seulement que mon amie retrouve son poste. Je croyais que nous étions aussi proches que des sœurs et je vous méprisais pour avoir pris sa place. En découvrant la vérité, j'ai compris que ce n'était qu'une excuse pour me comporter de manière peu respectable » L'humeur de Louise s'assombrit tandis qu'elle continue à parler : « J'en veux à mon frère de m'avoir cachée cela, sans doute vous aussi, et je regrette aussi d'avoir été trompée, comme j'imagine que vous devez le ressentir aussi. Nous devons tous les deux trouver la force de pardonner à mon frère et de comprendre sa position, mais sachez que je n'en parlerai pas continuellement pour vous obliger à me pardonner »

Louise se tenait debout, la tête haute, comme si elle se prélassait au soleil de l'après-midi.

« J'ai utilisé à tort Gladys comme excuse pour te harceler, te causant une blessure indélébile que je regrette profondément. »

« Princesse... » commença Erna avec un sourire.

« Je suis désolée, grande-duchesse, pour mon arrogance et ma négligence. Je comprendrais que vous ne souhaitiez pas me pardonner et je respecterai votre décision.

Je m'abstiendrai de m'immiscer dans vos affaires et vous demanderai seulement de

revenir, en tant que Grande-Duchesse » Louise fixe Erna de son regard clair, des yeux suppliants, « vous manquez beaucoup à mon frère et il vous attend. »

*********************************

Le Prince aime son épouse. L'altercation survenue lors de la fête du manoir Harbour en est un rappel poignant.

« Ce n'est pas de sa faute » disait-on en entendant les rumeurs.

« Le fils de la famille Heinz a toujours été un problème et le prince n'a fait que réagir pour défendre l'honneur de sa femme. »

La nouvelle de la bagarre avait fait la une de tous les tabloïds du jour, le Grand-Duc était à la hauteur de son surnom honteux : « Le Prince à problèmes frappe à nouveau » Mais cette fois, le surnom a été utilisé pour disculper Bjorn en tant que chevalier blanc prenant la défense de sa princesse.

La famille Heinz est restée silencieuse sur cette affaire, ne souhaitant pas faire de déclaration face à cette honte. Ou peut-être se sentent-ils justifiés, comme Bjorn, par le fait que Robin Heinz a été une source de mépris pour la Grande-Duchesse et qu'il a répandu de viles rumeurs. La plupart ont conclu que Robin avait été excommunié de la famille Heinz.

Il y avait même une rumeur anonyme selon laquelle quelqu'un avait entendu Bjorn prononcer le nom de sa femme alors qu'il battait Robin Heinz. On aurait dit un beau poème d'amour.

« C'est à mon tour ? » dit une jeune femme de chambre en prenant le journal.

« Ils ont dit que le prince pouvait vous donner des névroses » dit Karen en riant lorsqu'elle surprend une servante en train de découper une photo du prince.

« La photographie ne m'ennuie pas » répondit la servante.

La cloche d'appel sonna, annonçant le retour du prince, et toutes les femmes de chambre et les domestiques se précipitèrent vers la porte d'entrée, remettant leur uniforme en ordre au fur et à mesure. Au moment où elles s'alignent, la voiture s'arrête.

Le prince en descendit, un doux sourire aux lèvres. Son humeur s'était nettement améliorée cette semaine, sans doute à cause de la satisfaction d'avoir vengé sa femme.

Tandis que le prince traversait les couloirs d'un pas gracieux, les serviteurs jetèrent tous un coup d'œil au beau prince. Peu importe qui l'avait dit en premier, la vérité était indéniable : le prince aimait sa femme.

C'était une histoire d'amour que toute la ville chérissait et qui avait pris racine dans le palais de Schuber.

**********************************

Bjorn a fait de son mieux pour ne pas penser à Erna alors qu'il était assis à son bureau.

Mme Fitz présentait le rapport quotidien comme à son habitude. Avec les fêtes de fin d'année, de nombreuses invitations ont été envoyées à diverses réunions et soirées.

« Veuillez décliner toutes ces invitations si vous pouvez le faire en toute politesse »

demanda Bjorn.

Mme Fitz fut surprise pendant une seconde, car elle était persuadée qu'il allait au moins accepter certaines des invitations, compte tenu de ses récentes habitudes.

« Oui, Votre Altesse. »

Face à ce brusque changement d'habitudes, Mrs Fitz ne put qu'accepter les ordres du prince. Il n'était pas nécessaire de provoquer des frictions inutiles.

« Je pense aussi partir bientôt en voyage » dit Bjorn.

« Un voyage ? »

« Oui, un voyage » répondit Bjorn calmement, en gardant les yeux fixés sur le portrait au-dessus de la cheminée. « L'horaire exact reste à confirmer, mais j'estime qu'il aura lieu dans le courant de la semaine prochaine. »

Bjorn aurait voulu en dire plus, mais cela aurait signifié prononcer son nom. L'idée de passer son anniversaire quelque part dans le sud, parmi les fleurs qui éclosent tout au long de l'année, semblait être une perspective délicieuse. Cela effacerait certainement le désastre de l'anniversaire de l'année dernière.

Certes, les préparatifs risquaient d'être laborieux et d'entraîner un début d'année mouvementé, mais le prix à payer n'était pas si élevé. Le plus gros problème était de s'assurer que la débitrice était bien à sa place.

« Je dois encore régler les détails, mais je vous tiendrai au courant en temps voulu. »

Bjorn alluma un cigare. Ces derniers temps, il ne fumait que la moitié de sa consommation habituelle. Peut-être à cause du sentiment de sécurité que lui procurait un retour partiel à la normale. Dans cet état, il se sentait prêt à accueillir sa femme.

Alors qu'il se sentait retomber dans la mélancolie en fixant une fois de plus le portrait, un serviteur arriva avec un message.

« Votre Altesse, la duchesse Heine est venue nous rendre visite »

Ps de Ciriolla: elle a pas l'air convaincue la Erna....

Tome 1 – Chapitre 127 – Déclaration de

guerre

« Abandonnez. Il ne sert à rien de s'accrocher à des émotions perdues, la Grande-Duchesse ne reviendra jamais » dit Louise.

Bjorn s'assit, les jambes croisées, une expression moqueuse sur le visage, accusant Louise de raconter des histoires. Ses chaussures bien cirées brillaient à la lumière de la cheminée.

« Pourquoi, elle fait encore la tête ? »

Bien qu'il paraisse calme et prenne les choses avec sa nonchalance habituelle, le blanc de ses articulations suggère qu'il serre le bras de sa chaise un peu plus fort que nécessaire.

« Je me suis sincèrement excusée auprès de la Grande-Duchesse, elle a compris et accepté mes excuses. »

« Alors pourquoi ? » L'humeur de Bjorn devint rapidement sombre.

« Frère, il semble que tu n'avais aucune idée du genre de femme que tu avais entre les mains. L'année dernière, tu as été tellement égoïste et regarde ce qui s'est passé »

Bjorn ressemblait à un enfant qui vient de perdre son jouet préféré et qui refuse d'accepter la réalité. Louise a eu pitié de son frère. Cela aurait été plus facile si Erna s'était mise en colère et s'était emportée, cela aurait été plus facile à gérer.

Erna avait ri et exprimé sa gratitude envers Louise. Elle reconnaissait que Louise avait été mise dans une position délicate parce qu'elle ne connaissait pas la vérité, mais Erna avait rassuré Louise en lui disant qu'elle allait bien et qu'elle était heureuse là où elle était. Il n'y avait aucun signe de regret.

Leonid avait tenté d'expliquer que tous les habitants de Lechen souhaitaient ardemment le retour de leur grande-duchesse, mais cela n'avait guère eu d'effet.

Lorsqu'on lui a raconté comment Bjorn s'était blessé au bras lors d'une bagarre, Erna a semblé un peu désintéressée.

J'espère qu'il ira mieux

Elle ne dit cela qu'avec une inquiétude modérée.

Louise voyait bien qu'il n'y avait ni faux-semblant ni mensonge dans la réaction distante d'Erna. Elle voyait bien que la petite fleur délicate qui adorait son mari et n'était pas sûre d'elle, n'existait plus.

La visite s'est avérée infructueuse. L'attitude sereine d'Erna s'est révélée être une barrière invulnérable qui n'a cédé à personne.

À leur retour, Louise annonça la décevante nouvelle à Bjorn, qui l'accueillit avec la même absence d'émotion qu'à l'accoutumée. Il se contenta de fixer la lumière du feu à chaque fois qu'il était question d'Erna.

« Je déteste te dire cela, mais c'est la première fois que j'ai vu Erna en paix. Il semblerait qu'elle ait décidé de divorcer »

Louise avait l'impression d'être la méchante de l'histoire, chargée d'annoncer une nouvelle aussi dévastatrice. Elle éprouve une pointe d'envie à l'égard de Leonid, qui a su trouver un prétexte pour quitter le palais sur-le-champ.

« Le divorce ? » dit Bjorn, dont les yeux enfoncés considèrent Louise froidement. « Elle veut divorcer, vraiment, Erna ? » Bjorn rit.

« Arrête, mon frère, tu dois accepter le fait que tu es tout gâché »

« Accepter ? Vraiment ? Que sais-tu d'Erna ? »

« Il semble que je la connaisse mieux que toi » dit Louise, perdant patience et s'adressant à Bjorn.

Elle ne savait plus ce qui lui arrivait. N'a-t-il pas épousé Erna parce que c'était une femme placide, quelqu'un qui ne perturberait pas sa vie, quelqu'un qui pourrait l'aider à oublier Gladys. L'aime-t-il vraiment ?

« Tu nous as caché la vérité, à moi et à notre grand-mère, je peux le comprendre, mais comment as-tu pu tromper ta femme ? Elle a dû supporter tant de critiques à cause de Gladys »

Louise pensait que Bjorn aurait partagé un tel secret avec Erna, sa femme, la seule personne au monde à qui il était censé tout confier. Lorsqu'elle a découvert que ce n'était pas le cas, elle a été mortifiée et a estimé qu'elle ne pouvait pas, en toute conscience, exhorter Erna à revenir.

« Pars, Louise » dit Bjorn d'un ton cassant. Louise le regarda avec des yeux de flamme bleue.

« Même moi, je ne pourrais pas vivre avec un mari comme toi. »

Au moment où les mots quittent la bouche de Louise, Bjorn lui lance un regard perçant.

« Bjorn Dniester est peut-être un bon prince, mais c'est le pire des maris, tu dois t'en rendre compte. »

« Eh bien, oui » dit froidement Bjorn, « je le suis »

Sous les yeux d'une Louise stupéfaite, Bjorn sortit du salon avec aisance. La seule trace de son départ fut le claquement retentissant de la porte.

**********************

Les pas de Lisa résonnent sur la route pavée et gelée, sous un ciel nuageux et un vent glacial. Elle revenait de livrer des fleurs artificielles à Ale's General Store pour Erna.

La place était remplie d'étals et de stands vendant des articles pour le festival de fin d'année. Certains vendaient des ornements, d'autres des friandises, et c'est ce qui a le plus attiré l'attention de Lisa, mais elle était très occupée à faire des courses pour Erna.

Lisa avait dissuadé Erna de faire les courses elle-même, comme une mère qui dit à son enfant qu'il ne peut pas sortir jouer. Erna insistait sur le fait que son rhume n'était pas si grave, mais Lisa connaissait sa maîtresse mieux qu'elle ne le pensait et savait qu'Erna n'était pas encore complètement rétablie. Il était important qu'elle reste au chaud.

Erna avait attrapé son rhume lors d'une de ses longues promenades, plus longues que d'habitude depuis la visite de la famille royale. Elle sortait et ne revenait qu'à l'heure du déjeuner, les joues rouges et les doigts glacés.

Malgré les tentatives du prince héritier et de la duchesse Heine, Erna ne pouvait être convaincue de reprendre son poste de grande duchesse. Qu'elle ait raison ou non, Erna avait pris sa décision et elle s'y tiendrait, quoi qu'il arrive. Quoi qu'il en soit, l'idée de devenir la femme de ménage de la famille Baden plaît à Lisa.

« Mademoiselle, avez-vous l'intention d'envoyer cette lettre ? » demanda l'employé derrière le comptoir.

Lisa n'avait même pas réalisé qu'elle avait rejoint la file d'attente du bureau de poste.

« Oh, oui, désolée » dit Lisa en tendant la pile de lettres. Lisa se demandait si Erna avait déjà envoyé une lettre à Bjorn.

Même si Lisa pensait pouvoir abandonner son rôle d'espionne du palais Schuber, elle restait un membre de la maison des grands-ducs. De plus, il n'y avait pas grand-chose à dire sur les activités d'Erna. Il lui était donc plus facile d'écrire ses lettres à Mrs Fitz, sans rompre la confiance avec Erna, ni briser sa promesse à Mrs Fitz.

******************************

En voyant la lettre d'Erna, Bjorn la posa sur son bureau d'un air dédaigneux. Au vu de son poids, il devait s'agir d'une longue lettre, discutant probablement de choses insensées et de ce qui se passait dans ce petit village pittoresque.

« Ouvrez-la, s'il vous plaît, Votre Altesse, elle pourrait être importante » Mme Fitz plaida en ce sens.

« Je vais m'occuper de mes propres affaires, afin que la nounou puisse se concentrer sur son rôle de nounou »

Mme Fitz a poussé un soupir. C'était la première lettre qu'elle écrivait à Bjorn depuis la disparition d'Erna il y a deux mois. Il semblerait que le loup de Lechen soit de retour.

Mrs Fitz poussa un soupir de frustration et ouvrit la lettre de Lisa.

Depuis la visite de la duchesse Heine, le comportement du prince avait sensiblement changé. La bonne humeur de Bjorn Dniester s'était évanouie, remplacée par un air maussade et sensible qui poussait tous les serviteurs à marcher sur la pointe des pieds autour du prince.

Mrs Fitz savait qu'il serait inutile de lire la lettre de Lisa, qui contenait sans doute d'autres histoires inutiles sur ce qui se passait au village.

« Le temps est devenu très froid ces deux dernières semaines, mais la famille de Baden Mansion est bien préparée. Il semble qu'elle fréquente activement les villageois » et ainsi de suite.

Après le départ de Mme Fitz, un sombre silence s'est installé dans l'étude. Ce n'est qu'après avoir fumé un cigare entier que Bjorn regarda l'épaisse lettre posée sur son bureau. Avec un soupir, il la ramassa.

Bjorn, c'est la seule chose qui est écrite au recto de la lettre. Il s'agissait clairement de l'écriture d'Erna, qui lui rappelait toujours son rire aussi doux que celui des oiseaux chanteurs du matin. Il avait l'impression de sentir son parfum sur l'enveloppe et de murmurer son nom la ramenait à lui, les yeux remplis d'amour.

Ps de Ciriolla: Désolé pour ce postage tardif mais le site avait quelque soucis, bonne lecture

Tome 1 – Chapitre 128 – Neige

Peter tira la langue en regardant Bjorn balayer une nouvelle pile de jetons de la table. La victoire ne pouvait être qualifiée que de miraculeuse, il était presque impossible pour quelqu'un de gagner autant que Bjorn.

Tous ceux qui se trouvaient autour de la table de jeu étaient moins préoccupés par la façon dont Bjorn continuait à gagner que par la date du retour de la Grande-Duchesse.

Les gens sont de plus en plus frustrés et la tension menace de déchirer le club social.

« Oh, c'est l'heure » dit Leonard en regardant sa montre.

Il était à peine dix heures et le club social était encore très animé, mais Leonard ne se sentait pas très chanceux ce soir et si cela continuait toute la nuit, il pourrait dire adieu à sa fortune.

Bjorn regarda Léonard avec un regard d'acier. Ces yeux froids considérèrent Leonard alors qu'il se levait de table. Tout ce qu’à quoi Leonard pouvait penser, c'était à ce pauvre bâtard de Robin Heinz et à la façon dont il avait failli être battu à mort.

« Ahaha, on commence la prochaine partie, ou quoi ? » dit Léonard avec un petit rire nerveux, en se redressant sur sa chaise.

Bjorn reste silencieux et boit le reste du verre de cognac à moitié rempli. Les cheveux mal entretenus qui poussaient sur son front ne faisaient qu'ajouter à son visage menaçant. Bjorn se détourna et commanda un autre verre et un autre cigare aux serviteurs qui se tenaient dans la pièce.

« Pourquoi est-il encore là ? » murmura Pierre à Léonard.

« Si tu es curieux, pourquoi ne pas le lui demander » répondit Léonard à voix basse.

« Quoi, pour que je finisse comme Heinz ? Non merci »

Bjorn avait passé la plupart de son temps au club social, quand il ne jouait pas aux cartes et ne se soûlait pas, il s'évanouissait sur l'un des canapés. Il n'avait jamais été un citoyen modèle, mais il ne s'était jamais autant laissé aller. Il n'était pas plus un prince problématique qu'une véritable nuisance.

Les gens comprenaient pourquoi il avait été un problème auparavant, maintenant qu'ils avaient compris la vérité sur la princesse Gladys, mais d'après ce qu'ils voyaient, il n'y avait aucune raison derrière ce nouveau Bjorn. Personne n'osait non plus se renseigner, de peur de devenir le prochain Robin Heinz. Il était clair que quelque chose troublait Bjorn Dniester.

Au fur et à mesure que le nouveau jeu avançait, on savait déjà qui serait le vainqueur.

Malgré l'état d'ébriété manifeste, si les choses continuaient ainsi, ils finiraient tous sans un sou à la fin de la nuit.

Alors que la victoire de Bjorn semblait acquise, une chose tout à fait inattendue se produisit. Bjorn éclate de rire. Tous les regards étaient fixés sur lui alors qu'il posait ses cartes comme s'il abandonnait.

« Hé, Bjorn, qu'est-ce qui ne va pas, tu veux vraiment abandonner ? » dit Peter.

Bjorn s'est levé de son siège et s'est passé une main dans les cheveux. Lorsqu'il s'éloigne de la table, tous les regards se tournent vers l'énorme pile de jetons qui s'empile sur son siège.

Bjorn s'est contenté de dire « Partagez-les » en s'éloignant.

Ils ont tous regardé Bjorn quitter le club social, puis se sont regardés les uns les autres comme si l'un d'entre eux avait la réponse à ce changement soudain d'humeur.

« Quelle carte a-t-il tirée pour qu'il abandonne comme ça ? » dit Peter en se déplaçant vers la place de Bjorn.

Il retourne les cartes une à une et, à mesure que chaque face est révélée, le visage du joueur pâlit. La dernière carte est retournée et les murmures sont presque assourdissants. Bjorn avait abandonné avec une quinte flush.

********************************

Il neigeait. Bjorn se dirigea en titubant vers sa voiture, leva la tête et sentit les doux flocons se poser sur ses joues. C'était le premier automne de l'hiver.

Bjorn resta immobile, regardant le ciel noir, se sentant comme dans un abîme rempli de flocons de neige voltigeant. Il marmonnait des jurons et riait tout seul.

Une quinte flush, cette main maudite qui lui a fait prendre la mise, la seule main qu'il ne pouvait pas battre et pourtant, d'une manière ou d'une autre, il était sorti vainqueur.

Une chose dont il ne s'était rendu compte que trop tard.

« Votre Altesse, vous allez bien ? » demanda le cocher.

Bjorn ne s'était pas rendu compte qu'on l'observait. Malgré son état d'ébriété, Bjorn pensait être conscient de ce qui l'entourait, mais ce n'était manifestement pas le cas.

« Pourquoi ? » demanda Bjorn.

Cette question le tourmentait depuis qu'il avait reçu les papiers du divorce. La question tourbillonnait dans son esprit comme le vent autour de lui, sans qu'aucune réponse claire ne soit en vue.

Pourquoi son amour, qu'il pensait éternel, avait-il disparu ?

Cette question le rongeait et il voulait à tout prix en connaître la réponse. Est-ce à cause de Gladys ? Ou peut-être à cause de la fausse couche ? Cela pouvait-il aussi être dû à ses propres actions ? Il était probable qu'il s'agisse d'une combinaison de tout ce qui avait culminé dans cette période sombre.

« Excusez-moi, Votre Altesse ? »

La voix du cocher ramena Bjorn à la réalité, mais il resta fixé sur le ciel nocturne. Il lui rappelait les moments doux et froids qu'ils avaient partagés ensemble. Ces souvenirs s'installèrent dans son cœur et devinrent des braises chaudes.

Chaque instant était de l'amour. Il savait que chaque moment qu'il avait passé avec elle avait été rempli d'amour. Il le voyait dans ses yeux, dans son sourire et dans ses moindres gestes. Il n'arrivait pas à croire que son amour pour lui s'était arrêté comme ça.

Même si c'était de sa faute, comment pouvait-elle l'abandonner ainsi ?

Elle lui avait tout donné, pour le reprendre en un clin d'œil, sans même un mot ou une chance de se réconcilier.

Bjorn se tourna vers le cocher, qui restait à bonne distance. Il fixa l'homme pendant un long moment, se remémorant les choses dans son esprit d'ivrogne. Le cocher ne savait pas quoi faire et se tenait maladroitement sous le regard de Bjorn.

« Conduisez-moi à la gare » ordonna Bjorn.

Ses yeux gris avaient enfin retrouvé leur concentration, ils avaient pris une lueur froide et métallique qui reflétait la nuit hivernale qui l'entourait.

« La gare ? Vous parlez de la gare où le train s'arrête, Votre Altesse ? » Le cocher resta incrédule tandis que Bjorn montait dans le wagon sans donner de réponse.

Alors que la neige commençait à tomber, Bjorn monta dans la calèche, consumé par le besoin d'entendre la réponse de la femme qui l'avait abandonné.

En cette nuit enneigée, la calèche s'est donc mise en route vers la gare de Schuber.

******************************

Erna fut réveillée en sursaut par les hurlements des loups sauvages dans la forêt. Il lui fallut un moment pour se rappeler qu'elle était en sécurité à Burford.

Elle regarda le plafond, écoutant les hurlements funèbres des loups avant de se retourner et d'allumer la lampe. Elle savait qu'essayer de se rendormir maintenant ne ferait que distraire son esprit par des contemplations encore plus profondes, aussi se leva-t-elle et s'enveloppa dans le châle qu'elle avait laissé sur le dossier de la chaise. Elle se dirigea vers la fenêtre et écarta les rideaux.

Il n'y avait rien d'autre que l'obscurité totale au-delà de la fenêtre, Erna ne pouvait même pas distinguer la ligne d'arbres au fond du jardin. Un loup hurla à nouveau.

Elle regrettait de ne pas avoir dormi dans la chambre d'amis lorsqu'elle était venue rendre visite à Bjorn. Il lui semblait étrange que quelques jours seulement passés avec lui aient eu raison des années de souvenirs qu'elle avait accumulés dans cette pièce.

Elle l'aime.

Elle aime Bjorn de tout son cœur. Elle l'aime avec une telle intensité qu'elle se méprise elle-même de ressentir cela. Elle ne voulait pas l'aimer, mais cet amour était si profond qu'il a laissé une marque profonde dans son esprit, comme une cicatrice qui ne guérira jamais complètement.

Le jour où elle a enfin réalisé qu'elle l'aimait et reconnu ses sentiments, elle a eu l'impression de se réveiller d'un long sommeil, avec les rêves les plus vifs. Même si les souvenirs de lui la faisaient pleurer, elle l'a accepté.

Les hurlements s'estompèrent et Erna ferma les rideaux, occultant l'obscurité. Elle jeta une autre tapette sur le feu et commença à ranger le désordre de la veille, les bouts de tissus et le matériel de couture laissés sur le bureau. Même la bouteille de vin rosé sucré de sa grand-mère. Elle envisagea de se servir un verre, mais y renonça.

Elle s'assit sur le lit et regarda autour d'elle. Partout où elle posait le regard, des souvenirs de Bjorn la hantaient, des souvenirs de lui fouillant dans sa chambre, l'interrogeant sur tous les ornements et les objets de curiosité.

Le souvenir le plus fort était celui où ils dormaient ensemble dans le lit très étroit.

C'était un tel plaisir qu'Erna oubliait de s'endormir. Elle s'allongeait à côté de lui et le regardait dormir paisiblement. Elle passait ses doigts dans ses cheveux pendant qu'il dormait, profitait de sa chaleur et sentait les battements de son cœur.

Une nuit, il s'est réveillé, faisant sursauter Erna, et alors qu'elle se détournait, Bjorn l'a entourée de ses bras massifs et l'a attirée contre lui. Ils s'enlacèrent, Erna s'allongeant partiellement sur lui.

« Tu as besoin de dormir, pas de me regarder toute la nuit » avait dit Bjorn avec un sourire narquois.

« Je dois être trop lourde pour toi » dit Erna en essayant de se dégager, mais Bjorn ne fit que resserrer son étreinte.

« C'est un poids que je veux porter » répondit Bjorn en s'endormant.

Ses doigts caressèrent son dos et Erna sentit son esprit fondre comme de la glace par une chaude journée d'été. Elle trouva du réconfort dans ses bras. C'était un sentiment si étrange pour elle, d'avoir quelqu'un sur qui elle pouvait s'appuyer et compter. C'était un sentiment étrange, mais doux jusqu'à la moelle.

Erna essaya de retenir ses larmes pendant que le souvenir se déroulait dans son esprit.

Tous les sentiments qu'elle éprouvait pour lui se précipitaient sur elle comme des soldats à l'assaut d'un château. Elle sentait la chaleur de ses larmes sur ses joues. Elle prit une grande inspiration et compta jusqu'à dix.

Le souvenir s'estompa et son esprit s'apaisa, mais elle ne fit que revivre un autre moment, celui de l'été dernier, lorsque Bjorn lui avait dit qu'elle était un beau corsage, une pièce d'exposition qu'il pouvait exhiber.

Erna serra un oreiller contre elle, enfouissant son visage dans le coton doux rempli de plumes duveteuses. En quelques secondes, le tissu fut trempé par ses larmes. Pourquoi fallait-il qu'elle l'aime autant ?

Le regret la submergea comme une vague déferlante et disparut aussi vite. Elle était profondément amoureuse d'un homme qui ne savait pas comment lui rendre la pareille, ou qui avait simplement choisi de ne pas le faire. C'est ce dernier point qui la contrarie le plus.

Malgré la douleur qui subsistait après la fin de l'amour, Erna ne regrettait rien. Elle avait essayé de faire la paix avec sa situation et cela lui suffisait, si seulement ces sentiments cessaient de la hanter et de l'empêcher d'aller de l'avant.

Alors que ses larmes silencieuses s'arrêtaient enfin, Erna ferma les yeux et fit un vœu.

Elle souhaita que la voiture postale arrive demain matin.

*********************************

Alors que le train sifflait et commençait à sortir de la gare, un homme courut sur le quai en appelant désespérément pour qu'il s'arrête. Le chef de train se tenait à la porte du dernier wagon et exhortait l'homme à se dépêcher, ce qu'il fit, comme si les chiens de l'enfer étaient à ses trousses.

Le visage de l'homme était bouffi et rouge à cause de l'effort, mais ses longues jambes lui donnèrent un élan de vitesse, alors qu'il parcourait la dernière distance et sautait vers la porte ouverte. Le conducteur saisit le bras de l'homme et l'aide à monter à bord.

Les deux hommes tombèrent en tas contre le mur du fond, soufflant et transpirant.

La première chose que le conducteur remarqua à propos de l'homme fut qu'il puait l'alcool. Son allure, aussi échevelée soit-elle, avait quelque chose de royal.

« Euh, monsieur, votre billet s'il vous plaît ? »

L'homme fouille dans sa veste et en sort un billet pour le dernier train à destination de Buford, un billet de première classe. Le conducteur acquiesce, coupe le billet et dirige l'ivrogne huppé vers l'avant du train.

« Passez un bon voyage, monsieur » dit le conducteur en laissant passer l'homme.

Malgré l'état d'ébriété de l'homme, il semblait se déplacer comme s'il s'agissait de son état normal. Le chef de train secoua la tête et se remit au travail, parcourant les wagons, vérifiant les billets de chacun.

Le train commença à prendre de la vitesse, s'enfonçant dans l'abîme neigeux de la nuit.

Ps de Ciriolla: comme on dit heureux au jeu, malheureux en amour... mais notre prince a décidé de prendre les choses en main... enfin d'ailleurs, il a trop l'habitude que tout lui tombe tout pret dans les mains

Tome 1 – Chapitre 129 – L'invité

indésirable

La route qui mène à Buford est dépourvue de circulation. Bien que son intuition lui dise que la voiture postale n'arrivera pas aujourd'hui, Erna attend patiemment. Il lui restait dix minutes avant son arrivée, mais elle ne voulait pas courir le risque de la manquer.

« Vous n’avez pas froid ? Vous devriez retourner à l'intérieur » s’inquiéta Lisa.

Erna se redressa et ajusta le col de son manteau. Lisa se tenait à côté d'elle, l'air préoccupé.

« Non, ça va, mais tu n'es pas obligée de rester ici » dit Erna en souriant.

Lisa se contenta de regarder sa maîtresse avec détermination, les yeux enflammés.

Depuis son arrivée à Buford, Lisa avait suivi Erna comme une ombre, sauf lorsqu'elle prenait son bain ou dormait. Peut-être même qu'à ce moment-là, Lisa la regardait dormir. Erna gloussa à cette idée et Lisa lui jeta un regard confus.

Erna avait réfléchit à la servante à plusieurs reprises et à chaque fois, elle en était arrivée à la même conclusion. Elle ne pouvait pas laisser Lisa, qui avait quitté sa ville natale pour elle, rester à Buford.

« Si vous le répétez, je vais me fâcher » dit Lisa.

Erna n'avait rien dit, mais il était clair que l'expression de son visage était la même que toutes les fois où Erna avait dit que Lisa devait rentrer chez elle et vivre sa vie.

Lisa semblait déjà sur le point de pleurer, l'eau lui montait aux yeux et ses joues étaient gonflées. Erna sortit un mouchoir de sa poche et le tendit à Lisa, qui le prit et y enfouit son visage. Alors qu'Erna s'apprêtait à ordonner à Lisa de rentrer dans la maison, elle aperçut quelque chose qui descendait la route.

« Oh, le facteur arrive »

L'agitation de Lisa se calma rapidement, distraite par quelque chose d'autre, et le couple regarda la voiture postale s'approcher.

« Oh, Votre Altesse, vous êtes encore là aujourd'hui » dit le coursier.

Il gara la voiture et s'approcha avec un large sourire chaleureux. Erna le salua d'un signe de tête et accepta tranquillement le courrier, bien que la lettre qu'elle attendait ne soit pas arrivée. Le coursier engagea une petite conversation polie, demandant à Erna quand

elle prévoyait de rentrer à Schuber et comment allait la famille royale, avant de repartir pour sa prochaine livraison, en faisant ses adieux à Erna avec une politesse exagérée.

« Votre Altesse ? » dit Lisa, tandis qu'Erna regardait fixement la petite pile de lettres qu'elle tenait dans sa main.

« Rentrons à l'intérieur » dit Erna d'un ton sombre.

Votre Altesse. Ce titre pesait lourd sur Erna et elle désirait ardemment s'en libérer. Elle espérait que les papiers du divorce lui seraient bientôt rendus, afin qu'elle puisse se concentrer sur la prochaine étape de sa vie.

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« Ah, oui, c'est possible de vous conduire » s'illumine le visage de l'homme alors qu'une liasse de billets lui est présentée. « On dirait que c'est assez urgent, non ? Je peux vous y conduire en un rien de temps »

Le cocher fourra l'argent dans la poche de son grand manteau et sourit. Le jeune homme qui avait bavardé sur le fait de partir dans une voiture fermée, comme si les chiens de l'enfer étaient à ses trousses, prit un air résolu tandis que le cocher acceptait le travail.

Le cocher sourit maladroitement en ouvrant la porte de la calèche au jeune homme.

Celui-ci ne pouvait s'empêcher de penser à la somme d'argent qu'on lui avait donnée pour partir au milieu de la nuit, au milieu de nulle part. C'était suffisant pour quinze jours de travail.

Il n'avait pas l'air d'un touriste ou d'un voyageur ordinaire. Il n'avait que les vêtements qu'il portait sur le dos. Soit il fuyait quelque chose, soit il courait vers quelque chose, et dans tous les cas, le cocher était prêt à tirer un profit assez important de la situation dans laquelle se trouvait ce jeune homme.

Il y avait aussi quelque chose d'étrangement familier chez lui, alors qu'il montait dans la voiture et s'affalait sur le siège, les yeux fermés. Son profil ressemblait à quelque chose que le cocher avait déjà vu.

Le cocher se distrayait en comptant l'épaisse liasse de billets de banque roulés.

****************************

À Baden, la journée de travail commence dès le lever du soleil et ne se termine qu'à l'extinction des dernières lueurs. Après le dîner avec la baronne de Baden, Erna et les domestiques se retiraient dans leurs chambres et se couchaient tôt. C'était un contraste frappant avec la ruche animée de la ville.

« Tu t'ennuies, Lisa ? » demanda Erna.

« Non, pas du tout » dit Lisa, surprise.

Elle s'est arrêtée de couper des fleurs artificielles pour regarder Erna, qui lui a répondu par un sourire timide. Lisa, captivée par la beauté d'Erna, oublia ce qu'elle allait dire.

Elle voyait qu'Erna était enfin revenue et que les choses étaient sur le point de revenir à la normale.

« Oh, il est déjà tard, vous devriez vous préparer à aller vous coucher » dit Lisa en commençant à débarrasser la table.

C'est Lisa qui avait suggéré à Erna de se remettre à fabriquer et à vendre des fleurs artificielles, car elle ne supportait plus la façon dont Erna rangeait les livres de la bibliothèque de façon obsessionnelle, ou restait là à regarder par la fenêtre.

Erna a traversé une période difficile au cours de l'année et demie écoulée. Elle avait dû faire face aux abus de son père, elle avait eu le cœur déchiré par cet imbécile de Bjorn, et toute cette histoire avec Lechen, peut-être que si Erna s'impliquait dans quelque chose de productif, elle pourrait enfin oublier toute cette histoire pourrie.

Lisa était déterminée à aider Erna à se retrouver et, bien qu'elle ait gardé de nombreuses et profondes cicatrices émotionnelles, au moins elle n'aurait plus à faire face à la douleur d'un amour unilatéral.

Une fois que Lisa eut fini de débarrasser la table, elle se rendit dans la chambre, préparant tout pour qu'Erna dorme profondément. Elle parlait avec enthousiasme de la prochaine commande et de sa livraison dans un jour ou deux. Alors que Lisa s'apprêtait à tirer le dernier rideau, elle fut figée par ce qu'elle vit par la fenêtre.

Quelqu'un marchait dans l'allée du jardin. Lisa cligna des yeux et, comme une évidence, il y avait bien quelqu'un qui se dirigeait vers la porte d'entrée.

« Qu'est-ce qui ne va pas, Lisa ? »

Erna s'approcha de Lisa, qui regardait fixement, les yeux écarquillés, sans rien dire.

Alors qu'elles se tenaient à la fenêtre, la silhouette apparut dans la lumière du porche.

« Non, ce n'est pas possible » s'exclame Erna.

Mais c'était bien elle et elle se tenait là, près de la porte, alors que l'invité non sollicité frappait à la porte. C'était difficile à croire, mais il n'y avait pas d'erreur possible.

C'est Bjorn Dniester.

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L'apparition soudaine d'un étranger dans l'obscurité fit sursauter la chèvre qui bêla. Son bruit fit sursauter en retour les autres animaux qui partageaient le jardin. Les poules gloussaient et se chamaillaient. Les oies jacassaient et un jeune veau meuglait d'agitation.

« Pourquoi es-tu là ? »

La voix de la femme très en colère s'ajouta au vacarme agité des animaux. Bjorn ne dit rien et se contente de regarder Erna.

Erna n'évita pas son regard, qui semblait aussi paisible que la nuit l'avait été. Elle était en colère et elle ne le cachait pas, ils brillaient presque d'une rage bleue.

Bjorn poussa un soupir et regarda autour de lui. Il ne s'attendait pas à recevoir une telle hospitalité, mais il ne s'était jamais imaginé dans une telle situation et ne savait pas trop où aller.

« Bjorn ! »

Erna sortit, l'appelant par son nom, et Bjorn la regarda, la tête penchée, interrogatif. Ce n'est que lorsqu'elle saisit son col déboutonné qu'il fut sûr qu'elle n'était pas le fruit de son imagination, comme celle qui lui était venue tant de fois au cours des deux derniers mois.

Erna était bien visible devant lui, et même si elle montrait une certaine inquiétude à son égard, ses yeux, qui avaient semblé être des fenêtres éteintes le jour de son départ, paraissaient maintenant brillants et pleins de vie. Son visage avait repris des couleurs et elle semblait plus vivante, plus saine que la dernière fois que Bjorn l'avait vue.

Bjorn poussa un nouveau soupir et sourit d'un air dépité.

Dans une hâte frénétique, il s’était précipité vers la gare centrale de Schuber et réussit à obtenir un billet pour le train en partance pour Burford. Naviguant avec détermination dans les rues animées de minuit, il refusa de laisser filer le dernier train. Finalement, il se retrouva assis dans l'habitacle d'un train en marche.

Alors que l'aube approchait et que la neige cessait, Bjorn s'assit dans le train, les yeux fixés sur le vaste champ stérile qui s'étendait à l'horizon. Il observe le paysage qui défile, attendant patiemment l'ascension du soleil.

Lorsque le soleil matinal a percé, Bjorn s'est effondré sur le lit exigu et inconfortable, épuisé par ses voyages. Le ronronnement du train en marche ne perturba guère son sommeil, qui fut profond et ininterrompu, ressemblant à un état d'apathie. Lorsqu'il ouvrit enfin les yeux, le train glissait sur le quai de la gare terminale.

Bjorn s'aspergea le visage avec l'eau froide du lavabo de la cabine et retira la veste et le manteau qu'il avait enfilés à la hâte un peu plus tôt. En descendant du train, il ressentit un regain de clarté et sa détermination ne fit que s'intensifier.

« Pourquoi es-tu venu ici, au milieu de la nuit, comme ça ? » Erna hurla, ses mots empreints de colère se transformant en une brume blanche lorsqu'ils s'échappèrent de sa bouche.

Lentement, Bjorn ouvrit les yeux et, d'un pas mesuré, se rapprocha de sa femme. La pâle lumière de la lune les éclairait tous les deux à l'intérieur de l'enclos à bestiaux, dans l'arrière-cour du manoir.

Ps de Ciriolla: La bagarre!! la bagarre!!.. vas s'y, il aurait le droit a minimum un baffe, fait nous plaisir Erna... lache toi

Tome 1 – Chapitre 130 – En se basant sur vos calculs

« Minuit ? Je ne crois pas que tu puisses faire référence au moment où tu t'es éclipsée au milieu de la nuit » dit Bjorn d'un ton sarcastique.

« C'est... » Erna a du mal à trouver ses mots.

« Eh bien, tu as laissé cette lettre. Vous pensiez vraiment que ça suffirait ? »

Le clair de lune scintillait au coin des yeux d'Erna. Elle fixait Bjorn sans prononcer un seul mot, le visage tendu, sans pour autant que la peur et l'intimidation qu'elle avait ressenties plus tôt ne se manifestent.

« Tu l'as avoué dans ta lettre, Erna, je peux le comprendre maintenant. Ce n'est pas grave, mais pensais-tu vraiment que fuir comme une lâche était la solution ? Plutôt que de m'en parler d'abord »

« J'en suis désolée » dit Erna, après avoir pris une profonde inspiration et conjuré sa confiance. « A l'époque, je n'avais pas la confiance nécessaire pour en parler à qui que ce soit »

« Pourquoi ? »

« J'étais si étouffée que je ne pensais qu'à sortir du palais »

La voix d'Erna commença à trembler. Le souvenir de cette journée l'oppressait et elle peinait à reprendre son souffle.

Alors que Bjorn pensait au bal de la fête de la fondation, la première fois qu'il avait parlé à Erna lui revint en mémoire. La femme qui avait compté sur lui pour respirer, ne pouvait plus l'approcher parce qu'elle ne pouvait plus respirer. L'ironie de la situation ne lui échappa pas.

« Alors, tu voulais trouver un endroit où tu pourrais respirer et en même temps, tu m'envoies les papiers du divorce ? » demanda Bjorn, son ton se faisant plus acerbe. «

Prends le temps de te calmer, Erna, et reviens ensuite. Si tu penses au divorce parce que tu t'inquiètes des rumeurs selon lesquelles tu t'es enfuie, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, tout le monde croit que tu es ici pour récupérer »

« Non » dit Erna. « C'est la conclusion à laquelle je suis arrivée après mûre réflexion.

C'est pourquoi j'ai demandé le divorce et je ne changerai pas d'avis »

« Quoi ? » Bjorn ricane : « Erna, es-tu folle ? »

« Non, je suis plus rationnelle que jamais » dit Erna, le dos droit et le menton haut. « Je sais que tu ne m'as épousée qu'à cause de la dette que je te dois, il était inacceptable de divorcer avant maintenant, sans rembourser correctement ma dette, et après y avoir longuement réfléchi, je pense que je ne te dois plus rien »

« Vraiment, c'est ça ? »

« Oui, parce que je voulais tellement être une bonne épouse pour toi, mais tout ce que tu voulais de moi, c'était mon corps et je te l'ai donné »

« Qu'est-ce que j'ai bien pu vouloir ? » Les yeux de Bjorn s'assombrissent et la froideur de la nuit d'hiver semble s'approfondir légèrement.

« Tu voulais un bouclier pour protéger la position de la grande-duchesse, sans jamais vraiment comprendre ce que tu faisais à la personne que tu mettais là. Bien sûr, vous avez peut-être fait des sacrifices pour assurer l'avenir de Lechen, la sécurité de la famille royale et votre propre vie paisible. Je me suis laissé tromper et j'ai joué ce rôle pour vous. Je crois que j'ai joué mon rôle de façon satisfaisante, comme la belle petite fleur que vous vouliez » Erna sourit. Elle ressemblait vraiment à une belle fleur. « Alors, Votre Altesse, si vous suivez les choses jusqu'à leur conclusion naturelle, je pense que nous n'avons plus besoin de jouer cette mascarade »

« Votre Altesse ? »

« Oui, maintenant que tout est en ordre, ne serait-il pas convenable qu'un de vos sujets s'adresse à vous autrement? »

« En ordre ? » Pour une fois, Bjorn se trouva à court de mots. Ses mains rugueuses passèrent dans ses cheveux ébouriffés, débordant d'énergie nerveuse et d'un soupçon de tremblement. « Tu m'aimes, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, son regard se portant brièvement sur la fenêtre ouverte de la grange. Il prit une profonde inspiration, puis se retourna vers Erna, la gorge sèche, déglutissant difficilement, luttant contre l'envie de crier de frustration.

« Oui, c'est vrai » dit Erna calmement. Lorsqu'elle rencontra les yeux bleus et froids de Bjorn, qui ne montraient aucun signe d'angoisse ou d'hésitation, elle eut l'impression de s'enfoncer lentement dans l'eau froide.

« Est-ce que cet amour peut vraiment se terminer brutalement et être oublié ainsi ? »

Bjorn avait du mal à y croire, même avec le comportement glacial d'Erna, il avait du mal à y croire. Il avait envie de rire de façon incontrôlée.

« Comment, comment est-ce possible, comment ? »

« Je sais » lâcha Erna dans un soupir, « c'était un amour qui semblait éternel, mais il s'est terminé de manière inattendue. Avec le recul, je me rends compte que notre amour n'était qu'une illusion, construite sur des mensonges et des tromperies. Ce n'était rien

d'autre que le fantasme naïf d'une innocente fille de la campagne » expliqua calmement Erna.

Un vent violent souffle des marais, balayant les champs. Bjorn le sentit à peine, mais en observant attentivement Erna, il la vit s'éloigner sous l'effet du vent froid. Elle lui était à la fois familière et inconnue, et il avait du mal à saisir la réalité de la situation. Erna resta calme et rencontra son regard avec une détermination sereine.

« Cet amour factice n'est plus, Votre Altesse, j'ai payé le prix en devenant votre épouse, mais maintenant je ne vous suis plus d'aucune utilité. Le prince, qui a retrouvé sa place, n'a plus besoin d'une fausse épouse faite de fleurs artificielles. Alors c'est bon, vous ne me devez rien et vous pouvez divorcer et trouver l'épouse tranquille et soumise que vous voulez. » Erna parlait sur le ton des faits et arborait un sourire éclatant qui ressemblait aux feux d'artifice qui illuminaient la fête de l'été.

« Tu vas vraiment tout juger selon tes propres critères ? » dit Bjorn. « Comme tu l'as dit, mon nom a été blanchi et ma réputation rétablie. Alors, pour divorcer après seulement un an, qu'est-ce que les gens penseraient de moi à ce moment-là ? »

« Les gens comprendront, ils seront peut-être même heureux pour vous et accueilleront une grande duchesse digne de ce nom. Cela sera bénéfique pour tout le monde»

« Bénéfique ? »

« Une femme qui peut servir le pays et pas seulement comme un bouclier ou une fleur inutile »

« Amour, amour, amour » cria Bjorn. « Ne sois pas trop rancunière, Erna ! Dès le début, tu as su quel genre d'homme j'étais. Et tu m'as aimé, Erna, tu as aimé l'homme qui était un fils de pute, qui a trompé sa femme et abandonné son propre enfant »

« Oui, je t'ai aimé, j'ai eu le fantasme enfantin que tu aurais pu être mon sauveur et je suis tombé amoureuse de l'illusion. Maintenant que j'y pense, j'étais une femme très pitoyable ». Erna resta calme et posée, sans une once d'excitation dans ses propos. ‘Nous nous sommes trompés l'un l'autre autant que nous nous sommes trompés nous-mêmes.

»

« Et alors ? »

« Notre faux mariage a pris fin. Je crois que c'est le mieux pour nous deux ». Erna regarde Bjorn avec des yeux fatigués, son visage juvénile semble usé. « Alors s'il te plaît, rentre au palais et oublie-moi »

« Erna. »

« C'est tout ce que j'ai à vous dire, Votre Altesse. »

Erna parlait d'un ton dépourvu d'émotion et malgré ses manières, Bjorn ressentait du mépris de sa part. Il avait l'impression que ses poumons se remplissaient d'eau, le laissant à bout de souffle et transi de froid. L'agonie atroce consumait ses sens et le

rendait irrationnel. Pendant ce temps, Erna continuait à prendre ses distances, comme si elle n'avait plus rien à regretter.

Bjorn s'essuya le visage de ses mains gelées et ne sut plus où donner de la tête. Erna s'apprêtait à fermer la porte en souhaitant une bonne nuit à Bjorn, mais ce dernier s'avança et Erna s'éloigna de lui en poussant un cri. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle était entièrement dans l'ombre de Bjorn.

« La fin, pour nous ? Ne sois pas stupide » Erna se recula instinctivement, la peur remontant dans sa poitrine. « Qu'importe où nous avons commencé, ou quelles étaient nos intentions initiales ? Qu'aurais-je pu faire de plus pour toi ? Je t'ai sauvée d'un mariage auquel tu ne pouvais échapper, j'ai subi de grandes pertes, je t'ai aimée et je t'ai adorée »

Bjorn était devenu fou et déversait ses émotions. Le bouchon de sa frustration s'est ouvert et tout est sorti. C'était tellement rapide que Bjorn n'était même pas sûr de ce qu'il disait.

« Sans cet amour, tout ce que j'ai fait pour toi n'a-t-il plus de sens ? Tu n'es pas satisfaite

? »

« Lâche-moi » s'écrie Erna, luttant contre la poigne ferme de Bjorn, qui ne s'est même pas rendu compte qu'il lui avait attrapé le bras.

« Ah, très bien, alors je vais te donner ce que tu veux. Tu peux l'avoir ! » Bjorn serra plus fort l'épaule d'Erna. 'Tu peux à nouveau avoir des enfants.

« Arrête »

« L'amour ? Ok, si cet amour est si important pour toi, alors je vais te le donner. Est-ce que ça marche ? »

« Excusez-moi, quoi ? » Erna a cessé de se débattre.

« Je te promets de t'aimer, Erna, je t'aimerai de toutes les façons possibles, alors... »

Une gifle brutale et soudaine résonna dans la nuit, coupant court aux paroles de Bjorn.

Tome 1 – Chapitre 131 – Je suis une personne

« ....Bâtard »

Bjorn ne réalisa ce qui s'était passé que lorsque la douleur de sa joue se répandit en chaleur brûlante sur le reste de son visage. Erna le gifla violemment, ce qui le fit reculer.

« L'amour ? Tu n'as pas d'amour à me donner en premier lieu »

Malgré sa colère, Erna fit de son mieux pour persévérer et garder son calme. Elle sentait qu'elle devait réaffirmer sa situation, ce qui n'était pas très facile vu son adversaire. Le fait qu'elle ne soit pas du tout surprise par l'emportement de Bjorn ne fait qu'ajouter à sa frustration.

« Si tu penses que l'amour c'est simplement me traiter comme un animal de compagnie, me chouchouter quand ça t'arrange, m'acheter des cadeaux hors de prix dont je n'ai jamais voulu et te servir de moi quand l'envie t'en prend, ne me fais pas rire » la colère d'Erna était palpable.

Elle n'était plus le trophée gagné lors d'une partie de cartes, elle n'était plus une fleur artificielle qui ne se flétrirait jamais et ne se fanerait jamais. Elle était la dame de la maison de Baden et Erna se sentait obligée de défendre les valeurs de sa grand-mère.

Rester calme et gracieuse à tout moment, même en plein hiver et en pyjama, face à son futur ex-mari.

« Je suis une personne, Bjorn »

Les mots calmes d'Erna semblaient effacer tous les souvenirs du passé, rendant les choses plus claires que jamais. Elle se rendit compte qu'elle avait mendié l'amour de cet homme et qu'elle se réjouissait chaque fois qu'il lui accordait un peu d'attention. La femme minable qu'elle était devenue n'existait plus.

« Je n'ai besoin de rien de toi, Bjorn, ni de ton amour, ni de ton attention, alors retourne à Lechen et trouve-toi quelqu'un qui soit plus disposé à être ton parfait bouquet de fleurs artificielles. »

« Tu es sérieuse ? »

Bjorn se frotte encore la joue rougie. L'embarras, la colère et la désillusion s'estompant, elle a enfin pu voir Bjorn clairement. Son regard passa de ses chaussures poussiéreuses et de ses vêtements froissés à son bras, qu'il semblait avoir blessé d'une manière ou d'une autre.

Erna serra le poing et leva les yeux vers le sien. Le visage émacié de Bjorn et ses cheveux ébouriffés, les pires qu’elle n’ait jamais vus, lui donnaient l'air d'une personne complètement différente.

Erna n'arrivait pas à croire qu'il avait fait tout ce chemin depuis Schuber sans un seul accompagnateur et dans un tel état. Le Bjorn qu'elle connaissait n'aurait jamais agi de la sorte.

Elle détestait cela.

Erna était déterminée à vivre une vie agréable, libérée de Bjorn et de toute autre douleur que cet homme cruel et égoïste pourrait lui causer. Elle pensait que c'était la seule façon pour elle d'aller de l'avant et de vivre pleinement sa vie.

« Oui, je suis sérieuse, je n'ai plus besoin de ton grand amour. Tu ne comprends pas ce que cela signifie ? Je comprends que tu aies été blessé par tout cela et que tu sois venu jusqu'ici pour essayer de comprendre, mais j'ai été blessée aussi, donc aucun de nous n'est désavantagé. Après avoir pris en compte tous les éléments, notre mariage a été tout à fait équitable »

« J'ai souffert ? Ne vous méprenez pas, Erna, j'étais curieux » réagit Bjorn en souriant. «

Eh bien, tu peux me frapper autant que tu veux » murmura-t-il en se passant doucement les doigts dans les cheveux, tandis que la lumière de la lune jetait une lueur chatoyante au fond de ses yeux cendrés et fatigués. « Très bien, alors. Allons divorcer »

La voix rauque de Bjorn traversa le silence de la nuit comme un couteau de glace. Bien qu'il ait donné à Erna la réponse qu'elle attendait, elle resta silencieuse.

Bjorn se détourna d'Erna, laissant la femme derrière lui, dégoûté. Erna se tint dans l'embrasure de la porte, le dos bien droit, jusqu'à ce qu'elle entende la porte se refermer avec fracas.

Bjorn s'éloigna du manoir Baden sans même y penser et ne se retourna pas une seule fois. Il monta dans la diligence qui attendait au bout de la rue et Erna put entendre les sabots et les roues rouler sur la route pavée dans la nuit gelée de l'hiver.

Elle resta là jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus entendre la diligence.

********************************

Le loup, qui était chroniquement irritable depuis que sa compagne l'avait quitté, se calma enfin.

Le prince Bjorn avait changé du tout au tout depuis son retour après deux jours de disparition. Même les serviteurs, qui s'étaient tendus ces dernières semaines, se sont calmés en acceptant la nouvelle réalité. Les choses n'étaient pas encore ce qu'elles étaient.

« Il y a de quoi se refroidir les sangs » se dit Karen.

Mme Fitz ferma le livre qu'elle était en train de lire et retira ses lunettes du bout de son nez. Karen faisait les cent pas devant le bureau de Mme Fitz.

« Le prince... il a dû aller rendre visite à Son Altesse, n'est-ce pas ? » Karen se mordit la lèvre.

C'était déjà un secret de polichinelle parmi les domestiques de la résidence du Grand-Duc, mais Mrs Fitz ne s'intéressait pas à ce genre de choses.

Le palais fut plongé dans le chaos lorsque le prince ne revint pas un soir. Le cocher qui avait conduit Bjorn en état d'ébriété à la gare a été critiqué pendant deux jours entiers et si Bjorn s'était présenté un jour plus tard, toute l'affaire aurait été portée à l'attention de la police.

Mme Fitz avait l'intuition que Bjorn s'était enfui à Buford. Ayant élevé le jeune homme depuis son plus jeune âge, ses actions étaient toujours faciles à prédire pour la vieille nounou.

« S'il s'est effectivement rendu au manoir Baden, pourquoi est-il revenu seul ? Est-il possible que Son Altesse, la Grande-Duchesse, ait décidé de ne pas revenir du tout ? Le prince Bjorn vient de regagner sa réputation, s'il obtient un autre divorce à cause de cela... »

« Karen » dit Mme Fitz en prononçant le nom de l'hystérique. Karen se figea de surprise.

« Je suis désolée, je suis tellement inquiète pour le prince.. »

« Je comprends vos sentiments, mais dans des moments comme celui-ci, vous devez garder votre sang-froid et vos mots »

« Oui » répond Karen, les joues rougies par l'embarras. « Au fait, Mme Fitz, si Son Altesse ne revient pas à cause du ridicule de la princesse Gladys... pourquoi ne pas lui présenter mes excuses au nom des employés ? »

« Des excuses ? »

Mme Fitz baisse les yeux et réfléchit. Elle sait bien que le monde à l'intérieur des murs du palais n'a jamais été un endroit accueillant pour la Grande-Duchesse. Bien que tout le monde soit prudent autour d'elle, il est impossible de surveiller tous les mots qui circulent dans les moindres recoins d'un lieu aussi vaste.

Il était clair que la Grande-Duchesse avait besoin d'être rééduquée afin d'assumer à nouveau le rôle d'une vraie dame. Ce n'est pas en punissant les domestiques qu'elle va améliorer sa position. Mme Fitz regrette la méthode d'enseignement stricte qu'elle a adoptée dans le passé. Avec le recul, elle regrette de ne pas avoir davantage envisagé les choses du point de vue d'Erna.

Mrs Fitz avait porté des jugements basés sur les besoins du Prince, ce qui était sa plus grande erreur car Erna était incapable d'établir sa propre autorité et peu importe comment les domestiques étaient traités, ils ne changeraient pas d'avis, ils étaient

profondément loyaux envers le Prince et à cause de cette loyauté, il serait difficile pour la Grande-Duchesse d'affirmer la sienne.

« La seule personne qui devrait s'excuser auprès d'elle, c'est moi » dit Mrs Fitz en soupirant et en se levant de son siège. « Mais pour l'instant, veillez à ce que le palais ne soit pas encombré. »

« Oui, Mme Fitz » dit Karen et quitte la pièce.

Mme Fitz regarda Karen partir, puis se dirigea vers la fenêtre pour tirer les rideaux. Elle fut accueillie par le paysage hivernal.

Bjorn était finalement rentré plus tôt dans la matinée. Il avait fait sa toilette et s'était endormi sans dire un mot à personne. Après une journée de repos, il avait repris ses habitudes. Il semblait en bonne santé et ne s'adonnait plus à de longues séances de boisson au club social. Il lui paraissait encore plus dangereux dans cet état, mais elle ne pouvait se résoudre à demander des nouvelles de la Grande-Duchesse.

Perdue dans ses pensées pendant un long moment, Mme Fitz finit par quitter son bureau en emportant le courrier qu'elle y avait laissé.

Les servantes ouvrent les rideaux de la suite du Grand-Duc, inondant l'espace d'une lumière matinale éclatante. Bjorn s'assit à son bureau pour boire son thé du matin et lire le journal. Par la fenêtre, il aperçoit la rivière Abit gelée.

Lorsque les femmes de chambre partirent et que la pièce fut plongée dans le silence, Bjorn tendit inconsciemment la main vers un cigare, puis hésita. Il referma le couvercle sans en prendre un. Il n'avait pas fumé depuis son retour de Buford et n'avait pas bu une goutte d'alcool.

Bjorn baissa le regard, puis ramassa la lettre qu'il avait soigneusement rangée sous la boîte à cigares. Elle commençait de manière assez amicale par « Cher Bjorn » et était écrite par une femme qui l'avait autrefois aimé plus que tout au monde.

Bjorn lut la lettre, même s'il avait déjà mémorisé chaque phrase sur le papier. Il avait perdu le compte du nombre de fois où il avait lu la lettre.

C'était une lettre d'amour, bien que le mot 'amour' n'ait été écrit nulle part de manière explicite. Chaque mot et chaque espace entre eux étaient imprégnés de l'essence de l'amour.

Mais maintenant, cet amour est terminé.

Alors qu'il réfléchit à l'amour caché dans la lettre, Bjorn lit la signature au bas de la lettre : 'votre femme, Erna Dniester'. Alors qu'il murmure son nom, on frappe à la porte.

« Votre Altesse, c'est Mme Fitz »

Bjorn s'empresse de remettre la lettre dans son enveloppe et de la replacer sous la boîte à cigares, comme un enfant qui cacherait un objet de contrebande.

« Oui, entrez. »

Mme Fitz entra et se plaça à l'autre bout du bureau. Elle fit un rapport sur les travailleurs de l'intérieur du palais Schuber, tandis que Bjorn regardait par la fenêtre. La vue des congères qui se déposaient sur la rivière gelée rappelait à Bjorn la nuit où les premières neiges avaient commencé à tomber.

Il avait perdu le contrôle et s'était laissé emporter par ses émotions. Bjorn ne s'en était rendu compte que pendant le trajet de retour en train. Le fait qu'il ne pouvait pas arrêter le divorce ne faisait que renforcer son sentiment d'impuissance.

« Votre Altesse ? » La voix de Mme Fitz ramena Bjorn à la réalité.

« J'ai été à Buford » dit Bjorn. « Erna veut divorcer »

Ps de Ciriolla : J'ai l'impression qu'un loup a été renvoyer à la niche....

Tome 1 – Chapitre 132 – Le jeu de Dniester

Mme Fitz n'arrive pas à croire ce qu'elle vient d'entendre. Elle est restée au milieu de la pièce à regarder Bjorn, qui s'est simplement adossé à sa chaise et a souri.

« Elle avait l'air tellement mieux que la dernière fois qu'elle était ici, en bonne santé et pleine de vie. On dirait qu'elle n'avait eu aucun regret lorsqu'elle a décidé de se retirer de son rôle de grande-duchesse »

« Alors, qu'avez-vous dit ? »

« J'ai dit oui » Bjorn pose négligemment la tasse de thé qu'il tient sur la table. « Allons-y

»

Pendant que Mme Fitz se remettait de la tournure des événements, Bjorn s'est levé et s'est dirigé vers la fenêtre. Il resta immobile, les mains derrière le dos, la lumière du soleil entrant par la fenêtre l'éclairant d'une lumière éblouissante.

Le prince aime sa femme.

Mme Fitz savait mieux que quiconque que l'histoire d'amour du prince Lechen n'était pas tout à fait un mensonge. Elle n'a pas pu déterminer le moment exact, mais elle ressentait ce sentiment depuis un certain temps et il s'est renforcé après le départ de la Grande-Duchesse.

Pendant les jours troublés où Bjorn avait divorcé de la princesse Gladys et quitté son poste de prince héritier, Bjorn était resté inébranlable. Même lorsque sa vie a changé du jour au lendemain et que les critiques de toute la nation ont fusé, il a continué à vivre comme si de rien n'était. Cependant, il a été profondément ébranlé par le départ de sa femme, pour une petite dame, pour des raisons autres que l'amour et qui ne peuvent être expliquées.

« Voulez-vous vraiment divorcer ? » Mme Fitz s'est avancée vers Bjorn et a pris place à ses côtés. Il avait le regard fixé sur le ciel lointain, les yeux plissés. Mais dès qu'il a senti sa présence, il s’est retourné vers elle. Mme Fitz le regarda : « Éliminez toutes les distractions et concentrez-vous sur ce que vous désirez vraiment, Votre Altesse. »

« Non » répondit Bjorn, en regardant le ciel étendu, comme s'il scrutait les profondeurs du cosmos. « Je ne le veux pas. »

Bjorn se tourne vers Mme Fitz. Il y avait pensé pendant le voyage en train qui le ramenait de Buford. Il n'avait pas bu une seule gorgée d'alcool, ni pris une seule bouffée de cigare, son esprit était aussi clair que possible et il avait pris sa décision.

Une femme qui abandonne son mari et demande le divorce ne peut plus être considérée comme inoffensive. La vérité sur Gladys étant enfin révélée, il n'y a plus besoin d'une grande-duchesse pour servir de bouclier à ceux qui veulent que Bjorn se remette avec la princesse Lars.

Si un objet n'est plus utile, il faut le jeter.

Respecter ce principe de vie avait été un jeu d'enfant pour lui. Pourtant, après s'être embarqué dans un voyage difficile, il était arrivé à une conclusion qui contrastait fortement avec ses attentes initiales.

« Est-ce que c'est parce que cela vous dérange que cela affecte votre réputation, le Prince qui a divorcé pour la deuxième fois, après seulement un an de mariage ? »

La question fait rire Bjorn.

« Quelle importance ? »

« Alors pourquoi ? » demande Mme Fitz.

Bjorn regarda par la fenêtre, plongé dans ses pensées. Il avait épousé Erna parce qu'il pensait qu'elle serait une femme tranquille, qui resterait à ses côtés et rendrait sa vie paisible. C'était un moment de sa vie où il avait l'impression d'avoir un bouquet blanc de fleurs rustiques, le muguet, la fleur préférée d'Erna.

En y repensant aujourd'hui, ce mariage n'avait rien à voir avec ce à quoi il s'attendait.

Dès le début, Bjorn a payé un prix très élevé pour sa femme.

« Erna est ma femme » dit Bjorn en soupirant. « Je veux qu'Erna soit ma femme. »

Qui pourrait dire si c'est bien ou mal, mais il sentait que c'était le pire choix qu'elle pouvait faire. Même si leur amour avait pris fin, elle était la femme de Bjorn Dniester, la seule femme qui devait être à ses côtés, il n'y avait pas d'autre vérité.

« Alors préparez-vous, mon Prince » dit Mme Fitz. « Allez à Buford et ramène-la »

Baignée par la douce lumière du soleil d'hiver, la vieille femme se tenait droite, son regard inébranlable fixé sur le prince.

Le premier amour de la vie du prince était sa seconde épouse. Mme Fitz était sûre qu'il n'y avait pas d'autre amour dans sa vie. Toute cette épreuve avait été une sorte de miracle, c'était clair, et si Erna se retirait du poste de grande-duchesse, celui-ci resterait à jamais vacant.

Erna était le seul espoir.

« Je crois que vous réussirez » dit Mme Fitz en redressant le col du prince, « parce qu'un Dniestr ne joue jamais pour perdre »

***************************

La résidence du grand-duc est en pleine effervescence, ce à quoi Leonid ne s'attendait pas.

« Qu'est-ce qui se passe ? » dit-il sans formalité.

Il entra dans la suite du Grand-Duc et posa la question à Bjorn, qui répondit avec une formalité parfaite, sans jamais retirer son chapeau ou son manteau, comme pour signifier qu'il allait bientôt partir, malgré les distractions.

« Il ne s'agit pas d'une simple sortie, vous partez en voyage ? » demanda Leonid.

« Eh bien, tout d'abord, quel est le but de votre visite, Votre Altesse ? » dit Bjorn en regardant sa montre. « Et je vous prie d'être bref, je suis pressé par le temps. »

Leonid comprit au regard glacial de Bjorn qu'il n'était pas d'humeur à plaisanter.

« Eh bien, je voulais juste vous dire que l'alignement des opinions de Lars est terminé et que la délégation a été renvoyée chez elle hier en fin de journée »

Leonid s'était vu confier la tâche ardue de décortiquer chaque clause de la législation, à la recherche d'une faille qui exonérerait Lechen de toute responsabilité, et il l'a trouvée, le livre ayant été publié par Catherine Owen, le simple fait qu'il ait été publié à Lechen ne rendait pas Lechen responsable des actes de Mlle Owen.

Lorsque le prince Alexandre était acculé, il se tournait vers la boisson et, comme Bjorn s'était acquitté de toute implication, c'est à Leonid qu'il revenait de s'occuper du prince lorsqu'il s'enivrait. Il s'est certainement senti dépassé.

Leonid accepte volontiers cette responsabilité, afin de laisser à son frère le temps de régler ses problèmes. Il veillait toujours à ce qu'une tasse de thé soit placée devant lui lorsqu'Alexandre voulait boire. À la grande désapprobation du prince étranger.

Le chien fou silencieux. Depuis ce jour, Leonid est affublé de ce surnom. Bien que ce surnom soit quelque peu grossier, il ne s'en offusque pas outre mesure.

« Il a été déterminé que la famille royale de Lechen n'avait pas exprimé de position officielle, ni fourni de preuves factuelles, concernant l'affaire. Je pensais que c'était raisonnable, je veux dire... »

« Leonid » interrompit Bjorn, « tu n'es pas mon représentant, tu ne peux qu'agir selon ton propre jugement et assumer la responsabilité de tes décisions. »

Bjorn sourit un peu, ses lèvres bougeant à peine, et Leonid l'étudia en faisant les cent pas dans la pièce, comme un enfant impatient de partir. Le soleil éclatant baignait les deux frères lorsque Bjorn se tourna vers Leonid.

« Je ne reviendrai pas en arrière » dit Bjorn en faisant un pas vers son frère. « Tu es le prince héritier de Lechen, maintenant et pour toujours, cela ne changera jamais, Léo »

Le sourire sur ses lèvres ne s'est jamais démenti, mais ses yeux étaient sérieux. « Cette position te convient. Elle est terne, conventionnelle, sans aucun sens de la grandeur. Il convient parfaitement à un futur roi qui incarne les valeurs traditionnelles et manque d'enthousiasme. »

« Essaies-tu d'insulter notre père ? »

« Si vous voulez lui dire, bien sûr, allez-y. N'hésitez pas à le faire »

Les deux hommes se laissèrent aller à rire et à échanger des plaisanteries sans intérêt.

Parfois, le titre de prince héritier donnait à Bjorn l'impression d'être enchaîné au trône, mais il essayait de ne pas trop s'attarder sur cette pensée, puis lorsqu'il abandonna cette position pour protéger la princesse Gladys et qu'il obtint des avantages significatifs suite au divorce, il ressentit un sentiment de libération par rapport aux fardeaux qui accompagnaient la couronne. Il s'est senti à nouveau libre, ce qu'il n'avait pas ressenti depuis son enfance, et il s'est mis à faire des bêtises avec Leonid.

Bjorn ne pouvait s'empêcher de se rappeler la fois où, à sept ans, ils s'étaient faufilés dans le bureau de leur père et avaient causé tout un remue-ménage. C'était censé être une farce inoffensive, mais ils ont fini par être punis physiquement par leur père pour la première fois. Leonid a reçu deux claques, mais Bjorn en a reçu trois, la claque supplémentaire servant de rappel symbolique de son incapacité à assumer ses responsabilités en tant que prince héritier.

Bjorn observa calmement son propre reflet dans les délicates lunettes à monture dorée qui rappelaient le style caractéristique de Leo. La lumière du soleil dansait sur les lunettes, projetant une lueur hypnotique et une allure étincelante.

Leonid a commencé à porter des lunettes à l'âge de dix ans pour se distinguer de son frère jumeau et permettre aux gens de les différencier plus facilement.

Bien qu'il ait une vue parfaite, la famille royale a pleinement soutenu son choix de porter des lunettes. La décision a été prise en tenant compte du fait qu'il était crucial d'établir une distinction claire entre les jumeaux. Si l'un d'entre eux devait supporter une quelconque gêne, il était préférable que ce soit Leonid plutôt que Bjorn, le prince héritier désigné.

Telle était la nature de l'époque dans laquelle ils se trouvaient. Les deux princes étaient nés exactement au même jour et à la même heure, mais seul l'un d'entre eux pouvait accéder au titre prestigieux de prince héritier. Bjorn a été choisi pour occuper ce poste prestigieux, ce qui lui confère un plus grand nombre de privilèges que Leonid.

« Tu n'as plus besoin de porter ces lunettes » dit Bjorn en s'approchant de Leonid et en lui arrachant soudain ses lunettes. « Il est temps d'arrêter de les porter » Il pose délicatement les lunettes sur la table. « A partir de maintenant, tu dois vivre comme le propriétaire légitime de cette position »

« Hé, Bjorn »

« Félicitations pour ce nouveau camouflet, Votre Altesse. Vous êtes le roi dont Lechen a besoin en ce moment » dit Bjorn au bout d'un moment.

« Et vous ? »

« Je suis trop occupé à profiter de ma vie pour satisfaire mes intérêts personnels et il semble qu'Erna soit plus intéressée par sa boîte à biscuits que par le fait d'être reine »

Bjorn consulta à nouveau sa montre, juste au moment où l'on frappa à la porte et où un serviteur informa le prince que les préparatifs étaient terminés.

« Il semble que je n'aie plus de temps à vous consacrer, Votre Altesse »

« Où allez-vous ? Il faut me le dire »

« Regagner l'amour de ma femme »

Après avoir donné cette réponse rapide, Bjorn se tourne vers la sortie. En partant, Leonid ne peut s'empêcher d'éclater de rire. « Le divorce n'est-il pas la seule option pour vous deux ? »

Bjorn tourna la tête : « Oh, chut, Votre Altesse »

La réponse du grand-duc, accompagnée d'un sourire, était indéniablement déloyale.

Ps de Ciriolla : Le prince est de retour dans la partie, mais il va falloir la jouer finement car en face l'adversaire est remonté comme un coucou, et que toute erreur vous reviendra en pleine face... littéralement.... nous on sort le pop-corn pour se délecter du spectacle

Tome 1 – Chapitre 133 – L'apparition du

loup

Soudain, un loup est apparu.

Erna avait attendu le courrier postal comme elle le faisait toujours, mais au lieu de la lettre de divorce, c'est son mari qui est arrivé, ce qui a donné lieu à un rebondissement surprenant.

« Hé, ce n'est pas une voiture postale, c'est un loup, Votre Altesse, c'est un loup » déclara Lisa en examinant la voiture qui arrivait sur la route rurale déserte.

« Un loup ? Vraiment, un loup ? » répondit Erna.

Peu après, une calèche tirée par quatre magnifiques chevaux s'engagea dans la rue de Baden. Deux plus petits chariots suivaient.

Erna a d'abord espéré qu'il s'agissait d'un avocat envoyé par la famille royale, mais vu le caractère grandiose de l'arrivée, l'espoir s'est vite évanoui.

Mais pourquoi ? Cela n'avait aucun sens, pourquoi Bjorn reviendrait-il alors qu'il avait déjà accepté le divorce ? Lui rendre visite à nouveau comme ça, surtout après ce qui s'était passé entre eux la dernière fois qu'il était venu, n'avait aucun sens.

Elle pensait qu'il était clair qu'ils étaient désormais séparés pour toujours. Elle sentait encore le picotement de la gifle sur sa main. Elle l'avait regardée fixement pendant un long moment après la gifle. Son esprit était en ébullition et elle n'a pu dormir que le lendemain matin.

Il lui avait fallu des jours pour retrouver son calme et reprendre ses habitudes, mais au moins, elle avait réussi à éliminer cet homme de sa vie. Elle osait espérer qu'elle pourrait prendre un nouveau départ.

« Qu'est-ce que c'est que tout ça, Erna ? »

Erna fut réveillée brutalement par la baronne Baden. Elles regardent la calèche arriver par la porte ouverte.

Les lèvres d'Erna remuaient, mais aucun mot ne sortait. Elle s'avança lentement pour accueillir le carrosse comme un bon hôte. Le carrosse s'arrêta devant elle, l'écusson éblouissant du loup s'imposant à ses yeux.

« Pas possible... » La baronne Baden soupira en reconnaissant l'écusson royal ~ le loup du Dniestr sur la calèche.

De l'autre côté de la porte cochère ouverte, l'invité indésirable fit son apparition.

Bjorn Dniester.

L'identité de l'homme qui se trouvait devant elle ne faisait aucun doute, puisqu'il l'accueillit avec un sourire.

**************************************

Le claquement de la porte qui se referme est une grande déclaration dans la pièce silencieuse du manoir. Erna vérifia que le loquet était bien en place, avant de relâcher son emprise sur le bras de Bjorn.

« Au moins, tu ne me traînes pas dans le parc à bestiaux cette fois-ci » dit Bjorn avec un sourire aussi charmant que possible.

Erna le regarda fixement, malgré son étonnement, et Bjorn continua à sourire. Ses yeux se promenaient dans la pièce, admirant ce qui l'entourait.

La nouvelle de l'arrivée du Grand-Duc se répandait déjà dans Buford et, bien qu'il eût pu passer inaperçu, Bjorn choisit de se conduire avec la plus grande formalité, ce qu'il n'aurait pas fait en temps normal.

Mais pour Erna, Bjorn était prêt à subir tous les désagréments et les tracas pour cette personne en particulier, afin de se faire pardonner son geste impoli. Cela avait également un intérêt tactique. Il ne serait pas facile pour Erna de l'éconduire devant tout le monde.

Pour l'instant, la stratégie de Bjorn était payante. La baronne invita Bjorn à prendre le thé à l’intérieur, mais elle le regarda d'un air très désapprobateur. Erna le fusilla du regard pendant tout ce temps, n'essayant même pas de cacher son mécontentement.

Dès qu'ils furent dans le manoir, Erna entraîna sans ménagement Bjorn dans sa chambre. Même si ce n'était pas la façon la plus hospitalière de traiter un invité, Bjorn était prêt à subir l'épreuve.

Alors qu'Erna respirait bruyamment, essayant de contrôler toute la colère et les frustrations accumulées, Bjorn se dirigea vers une chaise et s'assit, comme s'il s'agissait d'un invité attendu. Il enleva ses gants et appuya sa canne sur l'accoudoir.

« Pourquoi faites-vous cela ? » cria Erna, la colère l'emportant enfin. « Tu as dit que tu voulais divorcer, alors pourquoi es-tu ici maintenant ? »

« Eh bien » dit Bjorn en regardant Erna, « j'ai changé d'avis »

« Quoi ? » s’exclama Erna, sa colère s’arrêta aussitôt

« Je ne veux pas divorcer, Erna » dit Bjorn, ses lèvres se retroussant en un doux sourire.

« J'ai réfléchi, je ne vois pas pourquoi nous devrions divorcer »

« Pourquoi fais-tu marche arrière, es-tu un lâche ? »

« Je suppose que oui » répondit Bjorn en gardant son sang-froid, alors que son ego est touché.

Erna resta sous le choc et laissa échapper un soupir d'étonnement. Elle avait l'impression de s'être cognée la tête en tombant d'un arbre. Elle commença à se demander si l'homme qu'elle avait vu il y a quelques nuits n'était qu'une illusion.

« Je veux divorcer » dit Erna, mais elle n'en avait pas la conviction. « Quoi que tu dises, mon cœur reste inébranlable »

« Alors, tu vas me poursuivre en justice ? » dit Bjorn.

« S'il le faut, autant que nécessaire »

« Même contre mes avocats ? » Bjorn regarde Erna de travers.

« Tu veux vraiment que je demande le divorce ? » dit Erna.

« Si tu intentes un procès contre moi, n'ai-je pas le droit de me défendre ? Bien sûr, je dois choisir les meilleurs avocats royaux pour défendre ma cause »

« Oh mon Dieu »

Erna recula d'un pas, l'air choqué. Ses joues rougissent de colère, ses lèvres sont serrées et minces. Bjorn la regarda simplement, pensant qu'elle était mignonne et ne la jugea pas pour ce qu'elle ressentait.

« Est-ce que ta raison de divorcer tiendrait devant un tribunal, Erna ? Que vous n'aimez plus votre mari »

Les joues d'Erna devinrent encore plus rouges et se gonflèrent d'une rage à peine contenue face à la taquinerie de Bjorn. Le souvenir du bébé cerf de Buford, avec des fleurs sur la tête, n'était qu'un souvenir qui faisait sourire Bjorn à ce moment-là.

« Qu'est-ce que tu veux ? » s'écria Erna, ayant du mal à se contrôler.

« Comme je l'ai dit, je ne veux pas divorcer et tu ne peux pas l'obtenir par le biais du tribunal ou de l'argent » dit Bjorn en plissant les yeux.

« Pourquoi es-tu comme ça ? » dit Erna, malgré tous ses efforts, Erna ne pouvait plus contenir sa colère.

Il ne lui était jamais venu à l'esprit que Bjorn pouvait refuser le divorce. Elle savait que Bjorn Dniester était un homme raisonnable et que, même s'il lui était difficile d'accepter cette décision unilatérale, elle pensait qu'il finirait par s'y faire.

« Pourquoi me tortures-tu ainsi ? Pourquoi es-tu venu jusqu'ici ? »

« Je voulais te proposer un rendez-vous »

Erna fut momentanément stupéfaite. Il était tout à fait sérieux et cela désarmait complètement Erna.

« Je te demande pardon ? »

« Exactement ce que j'ai dit, vous et moi, un rendez-vous »

« Tu es encore ivre ? »n dit Erna sérieusement, elle ne voyait pas d'autre raison à cela.

« Non, en fait, je n'ai pas bu depuis la dernière fois que je suis venu ici » Bjorn fit à Erna le même sourire qu'il lui avait fait lorsqu'elle était persuadée qu'il l'aimait. Elle en était dégoûtée maintenant et fixait le beau démon devant elle.

Les cheveux platine de Bjorn, coiffés sur le côté, scintillaient dans le soleil du matin.

Erna avait du mal à voir l'homme qui était si échevelé et si ivre la dernière fois qu'il était venu ici. Il était détendu et son expression ennuyée était celle d'un lion bien nourri, avec son costume élégant et sa posture droite, le menton haut.

Le surnom de 'champignon vénéneux', inventé par les tabloïds, s'est avéré être une description appropriée de l'homme qui se tenait devant elle.

« Mais pourquoi faites-vous cela ? Nous sommes mariés, Votre Altesse » dit Erna en reprenant son calme. ‘ La paysanne ignorante qui a avalé le champignon vénéneux et payé le prix fort a maintenant développé une résistance à ses effets. On pourrait peut-être dire que c'est une chance ‘

« Et alors ? Nous nous sommes mariés sans même essayer de sortir ensemble, alors pourquoi ne pas essayer ? Je sais que tu ne m'aimes plus, Erna. Je comprends que je suis quelqu'un qui ne peut plus te donner l'amour que tu mérites. Si c'est ce que tu ressens vraiment, je l'accepte. Cependant, j'aimerais au moins prendre un nouveau départ et voir si nous pouvons raviver l'amour qui nous a réunis »

« Quoi, vraiment ? » dit Erna en fronçant le nez, bien qu'une fois de plus elle ne se sente pas convaincue.

« Tu ne le regretteras pas, je suis un expert en rencontres »

Erna ne put s'empêcher de sentir une boule dans sa gorge lorsque le champignon vénéneux se mit à rire. Elle n'était même plus en colère, elle se sentait simplement stupidement abasourdie.

Cet homme est fou. S'il n'était pas ivre, il était tout simplement fou.

« Je vais être claire, je te déteste et tu devrais repartir maintenant »

« Ah, j'ai oublié de mentionner que je vais rester ici pendant un certain temps encore. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Eh bien, tu es toujours ma femme et je suis toujours ton mari » dit Bjorn en remettant ses gants. « Je suis le gendre de la baronne Baden et je suis le prince de Lechen » Il se lève et ajuste son costume et sa veste. « Y a-t-il une raison pour que je ne puisse pas rester dans la maison que j'ai protégée et que j'ai payée de ma poche ? » Bjorn se tient devant Erna comme un gentleman digne de ce nom. « N'est-ce pas, Erna ? »

« Vous me menacez ? »

« Non, je t'aime, Erna » sourit Bjorn, « alors sortons ensemble »

Ps de Ciriolla: La reconquête en mode bulldozer .... quel subtilité Bjorn....

Tome 1 – Chapitre 134 – Ne jamais établir de contact visuel

« Je comprends, Votre Altesse » dit la baronne de Baden après une longue pause. Sa voix transperce l'air alors que le soleil se couche derrière la fenêtre,

« Je suis vraiment désolé » s'excusa encore le prince en regardant la baronne dans les yeux.

Ils étaient assis dans une pièce calme, baignée par la lueur ambrée du soleil couchant. La baronne de Baden leva la main et se toucha le front, elle sentait venir un mal de tête, ce qui n'était pas surprenant après la guerre qui avait ravagé l'après-midi.

L'arrivée soudaine et inattendue de Bjorn a eu un impact considérable sur ce qui aurait dû être un après-midi tranquille. Le personnel a été plongé dans le désarroi. Ils étaient toujours prêts à recevoir un invité inattendu, mais jamais un invité de l'envergure du prince de Lechen.

Au début, elle pensait que le prince et Erna s'étaient séparés pour s'isoler et mettre de l'ordre dans leurs idées. Pourtant, au fil du temps, le prince n'était pas venu à la rencontre Erna. Il était étonnant qu'il se désintéresse à ce point de son bien-être, d'autant plus qu'il savait précisément où elle se rendait avec une seule valise à la main.

Elle pensait donc qu'ils avaient fait le choix déchirant de se séparer, liés à jamais par le jugement de divorce.

Erna est à la fois en colère et stupéfaite. Elle demande calmement à rencontrer le Grand-Duc en personne, dans l'espoir de tout résoudre dans le calme et la courtoisie. La baronne aurait tenté de faire changer Erna d'avis si elle avait montré le moindre signe de détresse, mais Erna se contenta de sourire de sa manière habituelle, placide, qui rappelait à la baronne sa fille Annette lors de son divorce avec Walter Hardy.

La vue de sa petite-fille aussi fragile que du verre laissa la baronne sans voix. Elle ne pouvait que prier pour qu'Erna ne se brise pas comme sa mère. Heureusement, Erna retrouva sa vitalité après que Lisa se soit un peu occupée d'elle.

Mais maintenant, Bjorn avait causé beaucoup de désarroi à Erna en débarquant à l'improviste et même si c'était difficile, la baronne devait faire preuve de courtoisie à l'égard du prince de Lechen. Son plan était de l'éconduire poliment sans qu’il puisse voir Erna.

Ces derniers jours, Erna riait et parlait comme à son habitude, même si elle semblait encore être une enfant luttant contre la mer. Cependant, à partir du moment où elle

avait pu déversé toute sa colère et ses frustrations sur le prince, elle sembla plus vivante que jamais.

Leur dispute s'était envenimée au point de devenir une véritable lutte physique et la baronne avait dû intervenir pour les séparer. Alors que le prince était plus calme que jamais, Erna était en proie à une véritable colère. Elle était rouge vif et son visage se contorsionnait en une moue de colère.

La baronne emmena le prince dans sa propre chambre. Elle l'aurait bien emmené dans le salon, mais le besoin d'une conversation privée exigeait un endroit un peu plus intime.

À sa grande surprise, le prince réagit à la conversation avec une sincérité et une humilité authentiques. Il exprima des remords pour la façon dont il avait pris Erna pour acquise et lui demanda pardon. Il ne s'apitoie pas sur son sort et n'excuse pas son comportement. Il semblait même parfois froid et insensible.

« C'est peut-être difficile à comprendre, mais si vous vous mettez à la place d'Erna, votre Altesse, vous comprendrez peut-être ce qu'elle vit et vous verrez que ses blessures sont bien plus profondes que ce que des excuses pourraient guérir » lui expliqua la baronne en regardant Bjorn avec des sentiments mitigés. « Plus important encore, même si, par miracle, la situation était résolue, vous et Erna vous êtes trop éloignés l'un de l'autre, vous devez voir que la situation est sans espoir ? Alors, quel est votre plan ? »

« En fait, je ne le sais pas et je n'ai pas de plan » un éclair d'agitation passa dans les yeux de Bjorn. « Je ne pensais pas qu'il serait possible de mettre fin à un mariage sans confrontation. Je veux juste avoir la chance de la regarder en face, sans illusions, sans mensonges et sans lettres »

« Ne pensez-vous pas qu'une telle confrontation ne ferait que blesser davantage ? »

« Peut-être, mais je crois que les cicatrices qui viennent de la tentative seront meilleures que les regrets de ne pas avoir essayé en premier lieu »

Il y avait de la passion dans les yeux de Bjorn lorsqu'il leva les yeux de sa tasse de thé.

Bien que la pièce soit faiblement éclairée, uniquement par la douce lueur des chandeliers sur la table, la baronne pouvait voir un changement chez Bjorn.

Après avoir observé le prince pendant un moment, la baronne Baden sonna la cloche de service alors que l'obscurité du début de soirée s'installait. Une jeune servante entra dans la pièce, manifestement nerveuse.

« Pourriez-vous m’appeler Erna, s'il vous plaît, ma chère ? »

Alors qu'elle donnait cet ordre discret, le regard de la baronne restait fixé sur le prince.

**************************************

Erna avait commencé la journée comme toutes les autres. Elle s'est réveillée à l'aube, alors qu'il faisait encore nuit dehors, et a suivi sa routine habituelle en se lavant le

visage, en s'habillant et en faisant son lit. Elle s'est ensuite assise pour s'occuper jusqu'au petit-déjeuner. Des fleurs artificielles poussaient au bout de ses doigts et étaient aussi belles les unes que les autres.

« Votre Altesse » Lisa entra dans la chambre pour vérifier qu'Erna s'était levée. « Vous travaillez encore depuis l'aube ? » s’inquiéta Lisa en remarquant Erna à sa table de travail.

« Un peu seulement. »

« Ah, je n'ai pas suggéré cela pour que vous vous épuisiez à la tâche » dit Lisa.

« Ce n'est pas grave, je n'ai rien d'autre à faire ce matin » dit Erna en souriant. Elle se précipita pour mettre son chapeau et son manteau, sans oublier l'écharpe cette fois. «

Tu n'as pas à souffrir de sortir avec moi si tu ne le veux pas » Erna regarda Lisa d'un air inquiet.

« Souffrir ? Nous avions l'habitude de nous promener ensemble autour de la résidence du Grand-Duc »

« Ces jours-ci, il fait vraiment froid, mais le quartier est tellement sûr qu'on peut s'y promener seule les yeux fermés, alors tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, reste à la maison et garde-toi au chaud. »

« Ne parlez pas comme ça, il y a des loups dans les bois, je les ai entendus. Je ne pourrais jamais vous laisser aller là-bas toute seule » Lisa le dit fermement.

« Dans cet endroit tranquille, on ne peut même pas trouver l'ombre de quelqu'un » dit Erna.

« Non, il n'y a pas de gens, mais il y a des animaux et une BÊTE ! »

Cette maudite bête, le loup du Dniestr.

Lisa réprima sa colère en serrant le poing. Cela faisait cinq jours que l'arrivée du Grand-Duc mettait tout le village en émoi, que le loup blanc avait élu domicile dans la maison de Baden.

Malgré les protestations d'Erna, la baronne a laissé le grand-duc séjourner dans le manoir. Jusqu'à présent, ils n'ont jamais eu besoin de partager un moment ensemble. Si Bjorn avait l'idée d'entrer dans la chambre d'Erna, Lisa entrerait dans l'histoire comme la servante qui avait assassiné un prince royal.

Comme d'habitude, Erna et Lisa firent leur promenade matinale. Normalement, tout le monde devrait encore dormir, mais depuis l'arrivée de Bjorn, tout le monde s'est levé tôt pour préparer les choses au cas où, et bien que le prince n'ait jamais rien demandé, les domestiques ne pouvaient pas ignorer qu'un prince vivait sous leur toit.

C'était l'invité imprévu le moins gênant de l'histoire.

Lisa jeta un regard compatissant sur les serviteurs au visage pâle qui vaquaient à leurs occupations. L'air était suffisamment froid pour donner la chair de poule, mais le ciel s'étendait avec un éclat cristallin, et le soleil était au rendez-vous.

Les premiers rayons du matin répandaient leur douce lueur à l'horizon.

« Ah, c'est aujourd'hui la date de livraison de Mr Ale, voudriez-vous m'accompagner en ville plus tard, pour nous remonter le moral ? » Les mots de Lisa se sont transformés en brume blanche au fur et à mesure qu'elle parlait. Erna sourit et acquiesça.

Le Prince avait traité Erna plus mal que sa canne lorsqu'elle était à ses côtés, alors pourquoi ne s'obstinait-il pas à la poursuivre ? Il était clair que le Prince était coupable de beaucoup de choses.

« Bonjour, Madame »

Dès que Lisa et Erna franchirent le porche, quelqu'un les salua. Elles se tournèrent vers la fenêtre du deuxième étage où le prince se prélassait en fumant un cigare. Ses cheveux étaient ébouriffés et il portait une chemise débraillée, on aurait dit qu'il venait de se réveiller.

« Voulez-vous sortir avec moi ? » demanda Bjorn en exhalant les volutes de fumée de sa cigarette.

Erna lui jeta un regard noir, combien de fois lui avait-il posé cette question au cours des cinq derniers jours ? Même Lisa en avait assez de l'entendre.

« Alors je pourrais peut-être t'accompagner dans ta promenade, à la place de ta jeune femme de chambre » dit Bjorn d'un ton léger, ce qui fit tressaillir Lisa.

Erna continua à jeter des regards noirs et ne donna aucune réponse, détournant la tête pour signifier son refus, le bruit de ses pas ne ralentit pas jusqu'à ce qu'elle ait passé la porte du jardin et traversé la moitié du champ.

« C'est un champignon vénéneux, vous le savez ? » chuchota Lisa, comme si le prince pouvait l'entendre de là. « Deux fois, c'est absolument hors de question, vous le savez ?

Si vous en mangez plus que cela, vous mourrez certainement. Bien sûr, vous en avez déjà mangé une fois et vous le savez déjà très bien »

Alors que l'image du prince envahissait son esprit, avec sa belle apparence et son sourire enchanteur, qu'avait-il de si génial au départ ? Pas la façon dont le vent soufflait dans ses cheveux platine, ni la façon dont il fumait son cigare avec sarcasme. Lisa faillit perdre pied, emportée par cette beauté.

« Vous ne pouvez pas » dit Lisa en effaçant la pensée du prince. « Ne le regardez même pas, c'est sans doute mieux ainsi »

« Quoi ? »

« Peu importe, ne le regarde jamais dans les yeux. »

Erna éclata d'un rire enfantin. C'était un plan qu'elles avaient imaginé un soir, alors qu'Erna se préparait à aller au lit.

« Promettez-moi, d'accord ? » dit Lisa en s'agitant.

« Bien sûr » dit Erna, la voix teintée de rire.

Cela faisait cinq jours que le loup malade d'amour était arrivé à Buford et pour l'instant, les choses étaient paisibles.

Ps de Ciriolla : la technique du gros lourd.? Sérieusement? tu n'avais que ça en stock Bjorn.... je suis limite deçue

Tome 1 – Chapitre 135 – Erreur de calcul Les journées à la campagne étaient extrêmement ennuyeuses. Bjorn se réveillait toujours beaucoup trop tôt, ce qui rendait les journées insupportablement longues et ennuyeuses. Bjorn regarda sa montre à gousset, il n'était pas encore midi. Normalement, il ne serait même pas encore sorti du lit.

L'enthousiasme des domestiques de la famille Baden, la cheminée et les seaux d'eau chaude près du lit rendaient l'atmosphère étouffante. Il reposa le livre sur l'étagère et s'approcha de la fenêtre pour allumer un cigare. La brise fraîche venant de l'extérieur écrasa la chaleur dégagée par le feu et il put à nouveau respirer.

Il s'assit sur le rebord de la fenêtre, fumant lentement son cigare tandis que des souvenirs du printemps dernier lui revenaient à l'esprit. Il se souvenait d'avoir passé chaque instant avec Erna, de leur réveil à leur endormissement dans les bras l'un de l'autre.

Les vacances qu'ils prirent chez elle furent les plus heureuses qu'Erna ait jamais vécues et à une époque où toutes les fleurs étaient en pleine floraison, il n'y avait qu'une seule fleur à laquelle Bjorn tenait, Erna.

Erna voulait de l'amour, mais Bjorn pensait à la chose qu'elle voulait, mais qu'il n'avait pas. L'affection qu'il ressentait était plutôt une forme de pitié. Il donnait et choisissait avec soin les personnes à qui il donnait, et en retour, il attendait du divertissement, mais pas de la part d'Erna.

Lorsque vous donnez quelque chose à quelqu'un, il est naturel de s'attendre à recevoir quelque chose en retour.

Sa vie était guidée par des calculs clairs, c'est ainsi qu'il a pris la décision de divorcer de Gladys sans être accablé par le chagrin. Il jugeait et prenait des décisions sur la base d'évaluations et d'applications concrètes, puis assumait la responsabilité de ses actes.

Ce qui comptait le plus était le résultat final et si les gains l'emportaient sur les pertes, Bjorn considérait que c'était une victoire.

Bjorn était capable de mettre cette logique en pratique et de sortir victorieux de pratiquement n'importe quelle situation. Tout a changé lorsqu'il a rencontré Erna. Elle était quelqu'un pour qui les calculs ne fonctionnaient jamais et il s'est retrouvé incapable de contrôler ses sentiments à son égard.

Il l'a choisie et s'est sacrifié pour elle.

Le problème n'était pas dans les calculs, mais dans le prix. L'amour d'Erna ne ressemblait à rien de ce qu'il avait vu auparavant, il n'y avait pas d'ordre, comme les

feux d'artifice du festival d'été. On savait qu'ils allaient se produire, mais on ne connaissait ni la couleur ni la forme que prendrait l'explosion de lumière avant qu'elle ne se produise. Son amour était comme un champ de fleurs sauvages au printemps, poussant là où le vent soufflait les graines.

Il était captivé par son amour, mais il avait aussi du mal à le comprendre.

Avec Erna, Bjorn recevait plus qu'il ne donnait et il s'en contentait, il avait l'impression d'avoir remporté une grande victoire, mais avec le temps, l'équilibre s'est installé et il est devenu plus difficile de jouer le rôle de sauveur d'Erna. Il a essayé de contenir l'équilibre de plus en plus faible et, finalement, tout a basculé.

Il a fait de son mieux pour ne pas perdre l'amour d'Erna, mais les calculs sont devenus de plus en plus difficiles à prévoir et il a eu l'impression que les fondements mêmes de sa vie étaient en train de s'évanouir.

Il ne voulait pas l'admettre, mais il avait agi avec malice pour s'accrocher égoïstement à l'amour d'Erna et, sans s'en rendre compte, il était devenu obsédé. Il essayait de s'accrocher davantage, mais c'était une idée pathétique qui ne faisait qu'éloigner Erna.

Bjorn avait l'impression d'être le plus grand imbécile de Lechen, tandis qu'il effaçait les dernières cendres de son cigare. Alors qu'il tirait une nouvelle bouffée, une calèche s'arrêta devant le manoir, arborant les armoiries de la famille Baden. Le cocher fit un signe de tête à Lisa, qui grommela en ouvrant la porte à Erna.

Bjorn jeta son cigare dans le cendrier et chercha dans la pièce la sonnette de service, oubliant qu'à Baden, il devait s'occuper de ses propres affaires.

C'est Baden !

En apprenant qu'il séjournerait dans cette maison le premier jour, Erna s'est exclamée Si vous vous attendez à recevoir le même niveau de service que lors de votre visite avec le personnel du palais Schuber au printemps dernier, vous allez être surpris. Ici, vous devrez vous occuper de tâches telles que tirer vos propres rideaux et vous habiller vous-même. Il n'y a pas beaucoup de serviteurs disponibles pour répondre à vos moindres besoins au son d'une cloche.

Ses paroles sont perçues comme une menace sérieuse.

Je sais.

Hochant froidement la tête, Bjorn admira les yeux bleus d'Erna, qui semblaient encore plus captivants lorsqu'elle est contrariée.

« Je comprends » dit-il. « Si cela signifie que je peux faire la cour à ma femme, je suis prêt à endurer n'importe quel inconvénient. »

Erna lui jeta un regard noir, puis se détourna sans dire un mot. Les volants et la dentelle de sa robe s'agitèrent sous l'effet de la colère tandis qu'elle partait en trombe. Bjorn gloussa, captivé par le charme séduisant d'Erna malgré son tempérament fougueux.

Fidèle aux avertissements d'Erna lorsqu'il avait annoncé qu'il resterait, il mit sa propre veste et son propre manteau. Il commençait à regretter de n'avoir pas gardé tous les assistants sauf un, mais il espérait alléger le fardeau de la famille Baden. Les premiers jours furent difficiles, mais il y parvint.

Bjorn se tint devant le miroir, ajustant sa tenue avant de sortir de la pièce. Le bruit de ses pas résonna dans les couloirs ensoleillés du manoir Baden.

*********************************

Bjorn voyagea dans sa propre voiture, conduite par un cocher aux cheveux gris. La campagne défilait tranquillement devant la fenêtre, tandis qu'il jetait un coup d'œil par la fenêtre, admirant les arbres dénudés, les champs désolés et l'herbe gelée et sans vie.

Il s'ennuyait à mourir et, alors qu'il déplaçait son regard de l'extérieur vers l'intérieur, il sentit la présence brûlante de la gardienne de l'enfer, Lisa Brill.

Bjorn croisa le regard de Lisa et lui fit un clin d'œil, mais Lisa pencha la tête comme si elle ne savait pas qui était Bjorn. Bjorn sentit monter en lui l'agacement face à la lenteur de la calèche et à l'impertinence de la servante, mais il s'efforça de le contenir. Il s'était donné tant de mal pour monter dans cette voiture qu'il pouvait certainement se permettre de garder son sang-froid.

Bjorn les avait informés qu'il devait monter dans la calèche car il avait une affaire d'importance nationale et financière à régler et que s'il ne le faisait pas, la banque Freyr allait faire faillite et ruiner l'économie de Lechen, et même s'il était vrai qu'il avait des affaires à régler avec l'arrière, ce n'était pas quelque chose d'urgent.

Erna le regarda, comme si elle voyait clair dans ses excuses et s'apprêtait à changer d'avis pour sortir, mais la baronne fit son apparition.

« Erna, calmez-vous. Ce n'est pas parce que vous partagez une voiture que vous avez un rendez-vous » rassura la baronne, qui se range secrètement du côté de Bjorn. « Si vous n'avez vraiment aucun sentiment pour le Grand-Duc, vous n'avez pas à vous inquiéter, n'est-ce pas ? » dit la baronne en insistant sur le mot 'sentiments'.

Erna jeta un regard plein de ressentiment à sa grand-mère et monta à contrecœur dans la calèche. Le fait que Lisa ait joué le rôle de barrière humaine en s'asseyant entre elle et Bjorn rassurait un peu Erna, mais le voyage commençait très mal.

Bjorn étudia attentivement Erna, qui essayait de se cacher de ses yeux en rabattant son chapeau à larges bords sur son visage. Elle était habillée modestement et même les fleurs de son chapeau étaient minimes, comme si elle hésitait à attirer l'attention.

Bjorn se souvint soudain d'une rencontre avec Erna, il y a plusieurs années, alors que son cortège passait par la gare de Schuber. Il avait escorté la reine mère à une manifestation de charité au profit de l'hôpital royal.

En chemin, son regard est attiré par une jeune femme, petite et habillée de façon très indistincte, mais dont le chapeau est une explosion de fleurs et de rubans. Il viendra épouser cette femme qu'il a aperçue fugitivement.

Bjorn laissa échapper un petit rire et un soupir de déception et bien qu'il haussa les épaules, Erna ne jeta même pas un coup d'œil dans sa direction.

Néanmoins, Bjorn continua à fixer profondément la belle femme dont il se souvenait vivement dans le passé, perdu dans ses pensées pendant un bon moment.

*******************************

« On se retrouve ici dans une heure » dit Erna en désignant la statue qui leur avait servi de rendez-vous au printemps dernier. « Lisa et moi avons des affaires importantes à régler. Vous avez aussi vos propres affaires, n'est-ce pas ? Alors retrouvons-nous ici après avoir terminé nos travaux respectifs »

« Tu essaies de te venger ? » Bjorn réussit à sourire, essayant de ne pas avoir l'air d'avoir le cœur brisé. Pourtant, son attitude décontractée semblait attiser encore plus la colère d'Erna.

« Je ne suis pas sûre de savoir de quoi tu parles » dit froidement Erna avant de s'éloigner.

Bjorn ne pouvait que regarder Erna, accompagnée de Lisa, traverser la place et entrer dans un magasin général. Erna livra son lot de fleurs artificielles, dont elles avaient apporté beaucoup plus que ce qui avait été commandé, mais M. Ale accepta volontiers tout ce qu'Erna apportait.

Enthousiasmée par leur succès, Erna a acheté beaucoup plus de matériel pour fabriquer d'autres fleurs. Erna a également acheté une boîte de chocolats et du thé. Après cela, son humeur s'est considérablement améliorée.

« Maintenant, allons au marché, je veux aussi t'acheter quelque chose » dit Erna à Lisa, qui bondit d'excitation.

C'était le même marché que celui où s'était déroulée la compétition de course à pied des Fêtes de mai. Erna hésite, mais ne veut pas se laisser hanter par des souvenirs insignifiants. Elle n'avait aucun regret, alors pourquoi ne pas aller de l'avant ?

Erna pensait que leur mariage ne durerait pas longtemps, tout le monde le savait. Elle ne pouvait pas imaginer qu'un prince aussi fier puisse supporter longtemps des personnes comme elle, elle s'attendait d'ailleurs à ce qu'il parle d'abord de divorce et dans un sens, cela lui semblait être la bonne chose à faire. Elle avait juste besoin d'endurer un peu plus longtemps.

« Oh, Votre Altesse » Lisa s'arrêta de marcher, « regardez là-bas »

Lisa désignait un petit manège au centre du marché en plein air. C'était un spectacle rare, mais pas de quoi être aussi bizarrement excité que Lisa, mais Erna le vit alors, un grand homme aux cheveux roux qui se tenait sur le côté du manège.

« Pavel » murmura Erna.

Les yeux verts de Pavel se fixèrent immédiatement sur elle, captant son attention Ps de Ciriolla: ...mmm La présence de Pavel va pas arrangé l'humour du Bjorn... mais tellement pas... merde j'ai plus de pop-corn

Tome 1 – Chapitre 136 – Amandes

douces

Bjorn n'hésita pas un instant à déclarer que Pavel Lore était un connard. Il l'apercevait près du manège avec Erna. Il savait que c'était lui, il aurait reconnu la chevelure rousse de l'exaspérant n'importe où. La situation était un peu plus rassurante en voyant la gardienne de l'enfer, Lisa, à proximité.

« Bonjour, monsieur ? »

L'attention de Bjorn fut attirée par la préposée à l'étalage d'amandes près duquel il se trouvait. Elle était visiblement contrariée par le fait que Bjorn traînait, n'achetait rien et gênait ses clients. Lorsque Bjorn se retourna vers le manège, le couple avait disparu.

Alors qu'il poursuivait Erna, il tomba inopinément sur un étalage qui attira son attention. En regardant autour de lui, il suivit l'odeur délicieuse du miel et de la cannelle mélangée à la vapeur d'amande, et il trouva là l'en-cas qu'Erna aimait déguster lors du festival de mai animé à Buford les jours de printemps ensoleillés.

Bjorn décida d'acheter des amandes, même s'il était peu probable que cela suffise à influencer les sentiments d'Erna à son égard, il garda l'espoir d'attirer son attention pour un instant. Il y avait aussi le problème de Pavel Lore, le fait qu'il soit venu ici, maintenant, prouvait qu'il était un salaud.

Bjorn fourra le cornet de papier rempli d'amandes douces et mielleuses dans la poche de son manteau et commença à se faufiler entre les étals du marché.

Erna allait le détester.

Alors que le manège se rapprochait, Bjorn s'arrêta pour reprendre son souffle. Il savait qu'Erna allait se ranger du côté de ce bâtard impénétrable et lui faire porter le chapeau, mais lorsqu'il vit le rire de Pavel Lore, il sut qu'il devait agir.

Erna était toujours sa femme.

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« Cela fait longtemps, M. Lore » lui dit Bjorn, aussi calme et aussi nonchalant qu'il le peut.

Erna et Pavel reportèrent rapidement leur attention sur Bjorn. Lisa, qui observait le manège, se retourna avec surprise, sans même essayer de le cacher. Bjorn se tenait

debout et fier à côté d'Erna, comme un loup alpha essayant de repousser tout challenger.

« Non, c'est bon » dit Bjorn alors que Pavel s'apprêtait à le saluer, « abstenons-nous de créer plus d'agitation, d'accord ? »

Avec un clin d'œil amusé, Bjorn fit un geste en direction des badauds dans la foule. Il rayonnait d'élégance et de sang-froid, il avait l'air d'une personne complètement différente de l'homme qui avait provoqué un tel chaos l'été dernier.

Comprenant ses intentions, Pavel fit une révérence respectueuse au prince.

« Votre Altesse, Buford est aussi ma ville natale. Je suis venu y passer quelques semaines. Lorsque j'ai vu Erna, j'en ai profité pour prendre de mes nouvelles, car cela faisait longtemps que je n'avais pas revu mon amie d'enfance »

« Bien sûr, je comprends » dit Bjorn en passant un bras autour de la taille de sa femme. «

Ma femme se remet actuellement d'un soucis de santé. »

Erna tressaillit, surprise par l'affront de Bjorn, qui ne semblait pas du tout décontenancé. Pavel ne put s'empêcher de froncer les sourcils devant l'attitude humiliante de Bjorn à l'égard de sa femme.

« M. Lore » dit Bjorn « pourquoi ne pas trouver un endroit où boire un verre ? Je me souviens que vous avez dit que vous ne buviez pas, mais il doit bien y avoir un salon de thé dans les environs »

« Je suis désolé, Votre Altesse, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dites » dit Pavel en fronçant les sourcils.

Sans les rires joyeux des enfants sur le manège et les vendeurs ambulants proposant leurs marchandises, le silence entre Bjorn et Pavel aurait été des plus gênants.

« Ne fais pas ça » supplie silencieusement Erna en tirant sur le bras de Bjorn. « Rentrons maintenant, je t'en supplie... »

« Je demande seulement si M. Lore aimerait retrouver son ami d'enfance dans un environnement plus confortable. Ce ne sera pas comme la dernière fois, je vous le promets »

« Quoi ? » siffla Erna.

« La dispute que nous avons eue au pique-nique ? » Bjorn aborde le sujet sans aucune honte. « Je voulais m'excuser pour ce qui s'était passé ce jour-là et j'ai pensé que nous pourrions le faire autour d'un verre, plutôt qu'au milieu de la rue. »

****************************************

« Dites-moi » dit Bjorn en posant son verre, « aimez-vous l'aviron, M. Lore ? »

Pavel haussa un sourcil à la question de Bjorn et reprit sa tasse de thé pour en boire une gorgée, cachant sa surprise face à cette question hasardeuse. Il n'était pas le seul à boire du thé dans une taverne bruyante remplie de buveurs diurnes.

« Que voulez-vous dire, Votre Altesse ? »

« Eh bien, vous semblez posséder une compétence que n'importe quelle équipe tuerait pour avoir sur son bateau. »

« J'aime regarder le sport, est-ce suffisant ? » Pavel se redressa, il avait une allure militaire.

Quelle que soit la façon dont Bjorn l'observait, Pavel lui rappelait Leonid. Bien qu'il soit un peu ennuyeux, il y avait un air d'intrigue et de sincérité en lui, des qualités d'un homme qui conviendraient très bien à Erna.

Bjorn le reconnut volontiers et vida son verre. Le propriétaire de la taverne, qui surveillait les clients, s'approcha en se dandinant et remplit à nouveau le verre sans un mot.

« Erna était-elle votre premier amour ? » dit Bjorn en s'humectant les lèvres avec le nouveau verre.

« Vous doutez encore de ma relation avec Son Altesse ? »

« Non, bien sûr que non, je sais que ma femme n'est pas ce genre de femme »

« Alors, pourquoi... »

« Ce n'est pas Erna qui m'inquiète, c'est toi, tu l'aimais, n'est-ce pas, tu l'aimes probablement encore » dit Bjorn en souriant.

« Et si c'était le cas, qu'est-ce que cela signifie pour vous ? » répondit Pavel, en essayant de ne pas élever la voix. « Oui, elle a été mon premier amour, elle est belle et gentille, mais je vous jure que je ne vous ai rien caché. Ce n'était qu'un amour enfantin et après avoir quitté ma ville natale, je l'ai traitée comme une sœur »

« Est-ce qu'un grand frère s'enfuirait avec sa sœur au milieu de la nuit ? »

« C'est... » Pavel sentit une sécheresse dans sa gorge. Il savait qu'il serait vain d'essayer de tromper le prince avec un faible mensonge. « Pour être honnête, j'ai été très secoué à ce moment-là. Si la pluie n'avait pas été si forte cette nuit-là, si je n'avais pas été si en retard, si les choses ne s'étaient pas si mal passées, j'aurais peut-être convoité Erna, non, je l'aurais fait et Erna serait peut-être devenue ma femme. Mais ce ne fut pas le cas et Erna devint la femme d'un prince. C'est ainsi que les choses se sont terminées. Depuis lors, je n'ai jamais envisagé une seule fois l'idée d'Erna et moi »

Bjorn observa l'aveu résolu de Pavel avec des yeux étroits, les souvenirs de cette nuit fatidique sous la pluie battante lui revenant en mémoire. Erna avait dû présenter son mariage comme le meilleur choix qu'elle pouvait faire à l'époque, soit comme un

trophée, soit comme un bouclier. Au fond de lui, Bjorn savait que le vrai bonheur d'Erna aurait probablement été avec le peintre.

Il y aurait eu beaucoup d'opprobre social si une noble femme s'était enfuie avec un peintre, mais elle aurait trouvé de la joie à laisser ce monde loin derrière elle. Bjorn s'est détourné. En cet instant, il ne se souciait pas de ce qui était le mieux pour Erna, ni des gains et des pertes potentiels de cette décision.

C'était uniquement le désir de posséder un beau trophée qui l'avait propulsé et Bjorn refusait de le laisser lui échapper. Pavel Lore lui rappelait cette nuit, cette nuit qu'il voulait oublier. C'est pourquoi il devenait fou à chaque fois qu'il voyait Pavel Lore, non pas parce qu'il avait pensé qu'Erna serait le genre de femme à le tromper, mais parce qu'il était un rappel de l'égoïsme de Bjorn.

« Je sais » acquiesça Bjorn, « et je l'ai fait même si je le savais. »

« Qu'est-ce que vous voulez dire ? »

« Vous avez été vraiment malheureux et je m'excuse pour mon impolitesse depuis cette nuit, M. Lore » Bjorn termina son verre et se leva, s'inclinant devant Pavel d'une manière exagérément polie et formelle. « J'aimerais dire qu'une telle chose ne se reproduira plus jamais, mais nous ne pouvons pas être certains de ce que l'avenir nous réserve. »

Bjorn posa un billet sur la table et regarda sa montre à gousset, l'heure de son rendez-vous avec Erna approchait.

« Je vous suggère de continuer à être prudent, peut-être de vous marier, afin que je puisse m'abstenir d'entretenir des pensées négatives à votre égard »

Pavel laissa échapper un rire.

Bjorn regarda Pavel un moment en silence, puis se retourna et quitta la taverne.

*********************************

La respiration d'Erna s'accélère tandis qu'elle traverse le marché, le menton levé. Lisa la suit de près, au même rythme qu'elle.

Malgré ses efforts pour le dissuader, Pavel avait accepté l'invitation de Bjorn à prendre un verre. Bjorn assura à Erna qu'il serait à temps pour quitter le village à l'heure convenue.

N'ayant pas d'autre choix, Erna décida d'attendre patiemment à la fontaine, mais au fur et à mesure que le temps s'écoulait, son anxiété s'intensifiait, jusqu'à atteindre des niveaux insupportables et elle finit par succomber à son impatience. Elle descendit de la calèche et courut jusqu'au lieu de rendez-vous.

Même si Pavel était d'accord, elle ne le permettrait pas.

Lorsque l'enseigne de la taverne fut en vue, les pas d'Erna s'accélérèrent. La pensée de ce que Bjorn aurait pu faire à Pavel la remplissait d'effroi. Se disputaient-ils à nouveau ?

En y pensant, la colère montait en elle.

Au moment où Erna se dirigeait vers la porte, Bjorn en sortit. Erna se figea devant lui, choquée par son apparition soudaine. Lorsque leurs regards se croisèrent, Bjorn lui offrit un sourire.

Tandis qu'Erna restait troublée et peu sûre d'elle, Bjorn s'approcha d'elle, jusqu'à frôler le bout de son nez. Lentement, il fouilla dans sa poche et en sortit le paquet d'amandes.

Les yeux d'Erna s'écarquillent de stupeur lorsque Bjorn lui tend le sachet. C'était un symbole nostalgique de ces jours de folie qu'ils avaient partagés ensemble, un gage qu'elle chérissait et appréciait simplement parce que Bjorn les avait achetés pour elle.

« Qu'est-ce que c'est ? » dit Erna.

« Je suis sûre que tu le sais déjà »

« Oui, mais pourquoi me les donnez-vous ? »

« C'est ‘ dragée ’ »

Les mots énigmatiques résonnaient en arrière-plan du manège, se mêlant à la musique dans une symphonie confuse qui laissait Erna incertaine de ce qu'elle entendait réellement.

-Sur la question de Bjorn à Pavel sur l'aviron, c'est une sorte de moquerie ou il lui fait remarquer qu'il est un rameur tenace... mais un rameur en amour pour le coup vis à vis de Erna.

-pour le dernier mot de Bjorn, dragée, en nommant ainsi les amandes achetés plus tot, c'est une manière de dire a Erna qu'elle est sa mariée, vu que les dragée sont très souvent des douceur offerte lors des mariages, et vu que la base des dragée est aussi les amandes ce n'est pas mensonger sur le fond, comme leur mariage ne l'est pas aussi.

Voila j'espere que cela vous semble clair

Tome 1 – Chapitre 137 – C'est moi

« Je veux essayer de sortir avec quelqu'un » dit Bjorn avec un sourire doux, en regardant Erna.

« Non » dit Erna, ses mots étant forcés par la boule qu'elle a dans la gorge.

« Menteuse. »

« Je n'aime plus ça. Je ne t'aime pas, je n'aime pas les rendez-vous et je n'aime pas ces amandes »

« Eh bien, il semble que ma femme soit devenue assez fougueuse et puérile en mon absence »

Malgré le regard perçant d'Erna, Bjorn ne peut s'empêcher de la taquiner. Les musiciens du manège commencèrent à jouer une polka joyeuse. La musique évoquait des souvenirs du printemps précédent.

Erna était déterminée à garder son sang-froid, elle gardait la tête haute et tentait de maîtriser sa colère. Elle serra les poings en comprimant le sac d'amandes.

Elle ne comprenait pas pourquoi cet homme, qu'elle ne connaissait même plus, se souvenait soudain de détails insignifiants alors que tout était perdu entre eux.

« Oui, je suis une femme féroce et puérile. La femme que vous avez épousée n'existe plus, alors cessez d'être aussi ridicule et insistant, mettez fin à ce mariage stupide »

« Non »

« Pourquoi ? »

« Parce que je t'aime beaucoup plus que la fille que tu étais » répondit Bjorn en croisant les bras, et ses yeux gris s'emplissent d'Erna. « Tu es tellement plus belle quand tu es féroce comme ça. Il y a quelque chose d'excitant là-dedans, si seulement tu avais été comme ça plus tôt »

« Je vous demande pardon ? »

« Je suis à nouveau tombé amoureux de toi et j'aimerais t'inviter à un rendez-vous. »

Bjorn sourit de manière séduisante, contrastant avec les plaisanteries vulgaires. Erna a été choquée.

« Je vous dis que tout ce que je veux de vous, Votre Altesse, c'est le divorce »

« Vous êtes sûre de cela ? » Bjorn hocha la tête. « Alors je suppose que je vais devoir trouver quelque chose de mieux que des amandes pour vous convaincre »

« Non, s'il vous plaît, ne le faites pas »

« C'est mon cœur, Erna, si tu ne sors pas avec moi, comment pourrais-je t'aimer ? »

« Je ne le permettrai pas, je déteste quand tu m'aimes »

« Écoute, ma chère femme, depuis quand le fait d'aimer et de ressentir de l'affection pour quelqu'un nécessite-t-il une autorisation ? » Bjorn rit. « Est-ce que je t'ai donné la permission quand tu avais des sentiments pour moi ? » Bjorn penche la tête, « Quoi, rien à dire ? »

Incapable de trouver une réponse appropriée, Erna se détourna et fit la moue. C'était irritant, mais difficile à accepter et difficile à contester. C'était exactement comme ça, il ressemblait plus à un agent de recouvrement qu'à quelqu'un qui lui proposait un rendez-vous.

Erna donna le sac d'amandes à Lisa et traversa la place à grands pas. Bjorn lui emboîta le pas, l'air d'un homme qui n'a que très peu d'enthousiasme pour quoi que ce soit.

Erna s'approcha gracieusement de la voiture qui l'attendait. Le soleil d'hiver descendait rapidement dans le ciel, laissant derrière lui un manteau d'obscurité sereine qui enveloppait son environnement avant qu'elle ne s'en rende compte.

*****************************************

Lisa somnolait dans le wagon, le bruit de sa respiration lourde était le seul son perceptible dans le silence gênant entre Bjorn et Erna.

Erna regardait par la fenêtre, faisant de son mieux pour ignorer Bjorn. La douce lumière de la lanterne éclairait son regard contemplatif, accentuant son petit visage pensif.

« Pourquoi ne m'as-tu rien demandé ? » dit Bjorn, rompant le silence. « J'ai discuté avec ton ami peintre, tu n'es pas inquiète ? »

Erna pousse un soupir exaspéré et se tourne vers Bjorn.

« Parce que je sais qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter »

« Comment peux-tu en être sûre ? » dit Bjorn avec une légère pointe de rire.

« Si quelque chose était arrivé, tu n'aurais pas agi comme tu l'as fait »

« Tu me fais confiance à ce point ? »

« Non, je n'ai fait qu'énoncer un fait. »

Erna regrettait d'avoir donné cette réponse, mais elle n'avait pas envie de se corriger.

S'empêtrer dans les combines de cet homme était quelque chose qu'elle voulait éviter.

Ils retournèrent s'asseoir en silence et échangèrent des regards, tandis que Lisa somnolait entre eux. À mesure qu'ils approchaient du manoir Baden, l'obscurité s'épaississait.

« Je me suis excusé auprès de lui » dit Bjorn en souriant. « J'ai présenté des excuses sincères à M. Lore pour ce qui s'est passé lors du pique-nique de la famille Heine. »

« Je vois » dit Erna en se redressant. « Ne recommencez pas avec Pavel. Quoi que vous en pensiez, Pavel et moi ne sommes que des amis et maintenant... »

« Quoi que tu en dises, Erna, je ne l'aimerai jamais » dit Bjorn, coupant la parole à Erna.

« Pour être honnête, je suis assez jaloux de lui » Sa voix était tendre et ne ressemblait à rien de ce qu'Erna avait entendu de lui. « Le jugement émotionnel et la jalousie sont deux choses distinctes et je ne peux rien y faire. Si tu t'inquiètes vraiment pour le peintre, peut-être que tu ne devrais pas lui prêter attention. Ce serait encore mieux si vous ne mentionniez pas son nom »

« Jaloux ? Es-tu vraiment en train de dire que tu es jaloux de Pavel Lore ? »

« Vous ne le saviez pas ? Eh bien, tu le sais maintenant »

Erna fut déconcertée par l'aveu de Bjorn, dont l'audace fut accueillie par une expression inébranlable. Son attitude effrontée ne fit qu'attiser sa colère.

« Pourquoi me faites-vous cela ? Tu n'es pas ce genre d'homme »

« Ce genre d'homme ? » dit Bjorn, dépité. « Eh bien... » dit Bjorn, dépité.

C'était un misérable, coincé dans une campagne reculée, luttant pour reconquérir l'amour de sa femme. En y réfléchissant, il pouvait comprendre ce que ressentait Erna, dans une certaine mesure. C'était une facette de lui qu'elle n'avait jamais imaginée.

« Le prince que tu aimais n'existe plus, Erna » dit Bjorn dans un murmure réticent.

Bjorn poussa un lourd soupir. C'était une vérité qu'il n'avait pas voulu affronter, mais les mots lui échappaient maintenant et ils lui semblaient peu convaincants et insignifiants.

Le prince d'un conte de fées, qui avait sauvé une jeune fille de la campagne et d'un mariage moche, était une illusion, une fausseté et n'avait plus aucune signification.

« C'est moi, Erna, c'est mon vrai moi et je veux recommencer à zéro en tant que ce moi »

Son regard s'est fixé sur Erna et a retenu la profondeur de sa sérénité, qui rappelait le ciel nocturne. Le trône construit sur une illusion tomba en ruines et il se trouva capable d'embrasser cette vérité. Il ressentit un véritable désir.

Ce qu'il désirait, ce n'était pas seulement l'amour d'Erna, mais Erna elle-même et la possibilité de l'aimer comme il se doit. Elle le regarda, ses lèvres s'écartèrent et dans ce moment fugace, elle acquiesça.

Lisa se réveilla, secouée par les violentes secousses de la calèche qui s'engageait dans l'allée du manoir et rebondissait sur les pavés. Erna fit volte-face et regarda par la fenêtre.

« Oh, nous sommes déjà arrivés ? » dit Lisa en clignant des yeux pour chasser la somnolence.

Comme si elle n'en avait pas perdu une miette, Lisa se remit à divaguer, à parler de choses insignifiantes comme le menu du soir, le nouveau vase qu'elle avait acheté et même à raconter l'histoire de l'agaçant veau.

« Cette femme de chambre devrait être renvoyée » pensa Bjorn en regardant la lumière chaude qui s'échappait des fenêtres du vieux manoir.

*********************************

« Que pouvons-nous faire, madame ? » Mme Greeve s'adresse à la baronne Baden, le visage empli d'inquiétude.

Cela faisait deux semaines que Bjorn s'était installé au manoir Baden et il allait sûrement bientôt repartir à Schuber.

« Si le prince ne part pas bientôt... »

« Je ne partirai pas. »

Avant que Mme Greeve ne puisse terminer sa phrase, la voix du jeune homme résonne dans la pièce. Surprise, elle se retourna et se leva brusquement, son visage devenant rouge d'embarras. Bjorn sembla surgir de nulle part et se tint à l'entrée du salon.

« Mes excuses, Votre Altesse. »

« Ce n'est pas grave » dit Bjorn avec désinvolture. « Ne vous inquiétez pas pour cet invité indésirable. »

« Ce n'est pas ce que je voulais dire... »

« C'est bon, allez-y, organisez une fête d'anniversaire pour ma femme, même si j'imagine que ce ne sera pas facile avec moi dans les parages. »

A court de mots, Mme Greeve fit rapidement demi-tour avant que la baronne ne lui donne la permission de partir. La vieille nounou d'Erna, qui n'oubliait jamais de tracer la croix comme pour prier, fit sourire Bjorn. Il avait l'impression d'être traité comme un démon.

Lorsque Mme Greeve quitta la pièce en refermant la porte derrière elle, la baronne mit de côté ses travaux de couture. Bjorn la salua formellement et s'assit à ses côtés.

« Je vois que vous êtes sur le point de monter à cheval » dit la baronne en ajustant ses lunettes, remarquant que Bjorn portait un jodhpur et une cravache.

« Oui, baronne » dit Bjorn en souriant, non pas de son habituel sourire froid et détaché, mais d'un sourire chaleureux et parfaitement doux.

La baronne regarda le jeune et beau prince avec des yeux calmes. Même sans sincérité, elle pouvait comprendre ce qui, chez ce gentleman, pouvait captiver Erna et, en même temps, lui infliger des blessures.

« Il semble que les sentiments d'Erna à votre égard restent encore tièdes »

Pour la première fois, quelque chose qui ressemblait à une véritable émotion apparut dans les yeux du prince, qui étaient restés plats depuis le début.

« Oui, ce n'est pas facile » acquiesça Bjorn.

La baronne le regarda pensivement. C'était embarrassant pour lui, mais aussi parfois triste. C'était un mélange de curiosité et de pitié, mais la baronne voyait bien que le prince aimait sa femme.

« Je veillerai à ce qu'il y ait une place pour vous à table. Je ne peux pas garantir qu'Erna l'acceptera volontiers, mais c'est tout ce que je peux faire » dit calmement la baronne de Baden. « Oh, au fait, elle est sortie voir son veau avec sa servante, elle sera donc dans la grange en ce moment » dit la baronne en décrochant la sonnette d'appel. Une servante entra dans le salon presque immédiatement. « J'ai une affaire urgente à régler, pourriez-vous aller chercher Lisa pour moi, s'il vous plaît ? »

Ps de Ciriolla : nouvelle approche de la part de Bjorn.... Dialogue et sincérité... rien à dire c'est un sans faute, on peut applaudir les progrès, avec en bonus la grand-mère qui veut lui donner un coup de pouce...

jodhpurs, j'ai laissé ce terme anglais car il est aussi utilisé en français mais surement connu que part les cavaliers, celui ci est un nom pour des pantalon d'équitation en coton, équipé de renfort en tissu ou en cuir des genoux jusqu'à l'assise et possédant surtout des soufflets d'aisance au niveau des hanches pouvant descendre le long des cuisses, qui etait plus ou moins large suivant l'époque, aujourd'hui on en voit quasiment plus car les nouveaux tissu tres elastiques permettent des pantalons pouvant etre moulant tout en restant confortable sans que cela gene la pratique de l'équitation (mon cote cavalière est ressorti désolé)

Tome 1 – Chapitre 138 – Dix minutes

« Et Ella, ou Sylvia ? » Lisa énumère des noms. « Ou peut-être Christa ? Cela ne donne-t-il pas une impression trop noble ? »

Erna a pris le nom du veau au sérieux. Une fois qu'il eut mangé le foin, le veau retourna auprès de sa mère dans la stalle, les deux dames restant dans la stalle voisine vacante.

Ralph Royce s'est appuyé sur le cadre de la porte et a souri en voyant les deux femmes se disputer à propos d'un nom, comme si elles ne savaient pas que le veau serait revendu une fois qu'il serait en âge de l’être.

La décision d'amener le veau au domaine de Baden était purement due à Erna. Elle s'occupait du jeune animal avec autant d'amour et de tendresse que n'importe quelle mère avec son bébé, mais heureusement, la baronne Baden avait compris qu'il ne resterait pas ici indéfiniment.

« M. Royce, Lisa est-elle là ? »

Ralph se retourna et vit une autre serveuse se précipiter.

« Oui, elle est là-bas »

Alors que la servante se précipite vers Lisa, Ralph est surpris par un autre visiteur, cette fois-ci le prince.

« Je suis venu chercher le cheval » dit Bjorn au palefrenier.

« Oui, bien sûr, laissez-moi aller le chercher pour vous. »

« Non, c'est bon, je vais le faire » dit Bjorn d'un ton rassurant, tout en regardant Lisa se faire emmener par l'autre servante. Il lui sourit et posa un doigt sur ses lèvres. « Chut, pars tranquillement Lisa, avant que je ne te vire »

Lisa fixa le prince, l'expression teintée de ressentiment et de tristesse, elle ne put se contenir et feignit une quinte de toux. Malheureusement, Erna n'était pas assez perspicace et ne le remarqua pas.

Bjorn ferma les portes de l'écurie derrière Lisa et se dirigea vers l'enclos où Erna se tenait toujours. Erna remarqua enfin l'approche de Bjorn en faisant les cent pas dans l'enclos, marmonnant pour elle-même.

« As-tu fait exprès de renvoyer Lisa ? » dit Erna d'un ton brusque.

« Non, bien sûr que non, la baronne Baden avait besoin d'elle pour quelque chose, je suis juste venu chercher un cheval » répondit Bjorn avec un sourire. Le veau correspondait à la description vivante de Lisa dans la lettre, avec une touffe de fourrure vive et un ruban gracieusement noué autour de son cou. Il n'y a aucun doute sur le sens du style qu'il reflète.

« C'est bien vrai ? » dit Erna, scrutant Bjorn qui s'approchait du veau et le caressait doucement le long du cou et du dos.

« Vous vous méprenez tellement sur mes intentions. »

« Quoi ? »

« Qu'est-ce que tu crois que je fais ? Je vous l'ai dit, je ne suis là que pour aller faire de l'équitation » dit Bjorn en montrant sa tenue, « mais si je vous dérange, je peux vous laisser tous les deux tranquilles »

« Non, c'est bon, va monter à cheval » dit Erna, les sourcils froncés par l'irritation.

« Erna. »

« Je vais aller chercher Lisa »

Erna se retourna pour partir, mais elle poussa un glapissement lorsque Bjorn lui attrapa le bras. Il s'interposa entre Erna et la porte, lui barrant la route.

« Tu t'enfuis toujours » soupira Bjorn. « Donne-moi juste dix minutes, d'accord ? » Bjorn relâcha sa prise, elle n'était pas serrée, mais le regard d'Erna laissait penser qu'elle aurait pu l'être. « Si tu ne le permets même pas, je pense qu'il pourrait y avoir un gros malentendu. »

« Quel malentendu ? »

« Que tu m'aimes encore. Tu t'enfuis parce que tu as peur de tes vrais sentiments et que si tu restes trop longtemps, tu seras peut-être obligée de les réaliser, ou quelque chose comme ça »

Contrairement au léger sourire en coin de Bjorn, Erna lui lança un regard haineux. Bjorn sortit une montre à gousset et Erna soupira.

« Il est... dix heures vingt-cinq » dit Bjorn.

« Très bien, je partirai à dix heures trente-cinq exactement »

« N'étiez-vous pas en train de discuter avec le veau ? » Bjorn posa sa première question, gaspillant ainsi la première minute. Son ton n'était plus enjoué, il était bas et doux.

« J'étais en train de le nommer avec Lisa. Nous avons décidé de ne pas le vendre et de l'élever nous-mêmes » dit Erna.

« Il semble que vous ayez mis beaucoup de sincérité dans le choix du nom du veau. »

« Ne vous moquez pas de moi, c'est important pour moi, d'accord ? »

« Erna »

Erna poussa un soupir et détourna la tête pour regarder le veau, qui tétait maintenant la mamelle de sa mère. Son pelage blanc était parsemé de taches brunes, ce qu'elle avait hérité de sa mère.

Bjorn avait l'impression de comprendre pourquoi Erna était si proche de la mère et du petit. Elle devait penser à leur enfant perdu en regardant le couple, ce qui expliquait le lien particulier qu'elle avait développé avec les animaux.

Bjorn ressentit une soudaine colère à l'égard d'Erna, qui s'était enfuie au milieu de la nuit et avait envoyé les papiers du divorce par la poste. C'était une colère inconnue qui lui donnait envie de crier comme un fou, mais son cœur restait froid.

« Tu as encore cinq minutes » dit Erna à Bjorn.

Bjorn détourna son regard de la vache ornée de rubans et regarda Erna. Il avait l'impression qu'une odeur de sang persistait sur le bout de son nez.

Parmi les objets qui avaient été enlevés en ce jour fatidique, il y avait quelque chose d'insignifiant, mais Bjorn s'en souvient très clairement. De minuscules chaussettes de bébé, méticuleusement confectionnées avec du fil fin et si incroyablement petites qu'il ne pouvait y glisser qu'un seul doigt. Le motif des chaussettes ressemblait aux bonbons qu'Erna aimait tant, jusqu'aux minuscules rubans.

Bjorn inspecta chaque article pour bébé que les domestiques lui apportaient et, comme il n'y avait plus d'enfant pour porter ou jouer avec ces articles, il n'y avait qu'une seule chose à dire pour chacun d'entre eux. Il demanda aux serviteurs, un par un, de jeter les objets. Il avait l'impression de perdre la raison à chaque fois qu'un objet était jeté.

« Jette-les »

Posant les chaussettes qu'il tenait depuis longtemps, Bjorn finit par ordonner qu'on s'en débarrasse également et cette nuit-là, les objets se transformèrent en cendres et en souvenirs, tout comme leur premier enfant.

Bjorn serra le poing, sentant encore le contact persistant de ces chaussettes et il réalisa qu'Erna n'était pas la seule à s'enfuir. Un sentiment de désolation l'envahit.

« Tu as deux minutes » dit Erna. « Pourquoi as-tu demandé à me parler et pourtant, tu n'as rien dit ? »

« Un cadeau » dit Bjorn en regardant le veau qui meugle. « Dis-moi quel cadeau tu aimerais recevoir »

« Un cadeau ? »

« Oui, c'est bientôt ton anniversaire et j'ai déjà prouvé que je n'étais pas aussi douée que toi pour choisir les cadeaux parfaits »

« Dix minutes. C'est votre lot » dit froidement Erna. « Comme promis, le seul cadeau que je veux de toi est un divorce, rien d'autre et je ne sortirai pas avec toi »

Erna était aussi peu émotive qu'elle pouvait l'être. Son ton froid a laissé une marque glaciale sur Bjorn lorsqu'elle s'est détournée et a quitté l'enclos à bétail. Bjorn remarqua le ruban rose dans ses cheveux, de la même couleur que celui que portait le veau. C'était irritant, mais en même temps, c'était charmant.

« Je vais donner un nom au veau pour toi, alors » dit Bjorn en riant. Appelle-le « divorce

»

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » dit Erna en se retournant pour essayer d'ouvrir la porte de l'enclos.

« On dirait que c'est ton mot préféré ces derniers temps » plaisante Bjorn en se retournant vers l'écurie où son cheval l'attend.

Le veau émit un autre meuglement mécontent, apparemment insatisfait du nom que Bjorn lui avait donné. Erna ne put que lui lancer un regard désapprobateur avant de repartir peu après.

Pendant ce temps, Bjorn, prêt à s'embarquer pour sa promenade à cheval, guida le cheval hors de l'écurie.

****************************

Le cheval blanc comme neige galopait sans retenue. Le bruit rythmé de ses sabots frappant la terre du champ désolé se confondait avec le bruissement des herbes sèches et gelées.

Bjorn dirigea le cheval vers une clairière isolée au fond des bois, prit le temps d'apprécier sa propre compagnie, fuma quelques cigares puis retourna au manoir. Une fois arrivé, il appela le préposé du palais Schuber.

« Vous devez vous rendre à Schuber » lui dit Bjorn en enlevant les cendres qui s'étaient accrochées à sa veste. « Il y a beaucoup de choses à préparer, alors demandez à Mme Fitz de vous aider et assurez-vous de contacter le palais à l'avance. Il faut que tout soit organisé pour l'anniversaire de ma femme, c'est bien compris, vous pensez pouvoir vous en charger ? »

« Oui, bien sûr, Votre Altesse », dit le serviteur avec une gorgée sèche.

Ps de Ciriolla : Il va encore en faire trop.....

Sinon d'ici quelques jours, la traduction de 'Prince scandaleux' sera bouclé... donc j'ai commencé à publier une autre traduction que j'avais commencé il y a un moment... Le

dernier novel ecrit par l'auteur de Lucia... si ca vous dit cela vous fera la lecture de l'été à suivre

Tome 1 – Chapitre 139 – Son plus gros effort

Les cadeaux affluèrent dans le manoir Baden, créant une montagne de cadeaux dans le couloir qui laissa tout le monde sans voix. L'expression d'Erna était un mélange d'étonnement et d'inquiétude, ce spectacle évoquant un souvenir trop familier et inquiétant.

« Erna, qu'est-ce que c'est que tout ça ? » dit la baronne effrayée.

« Salutations, Votre Altesse » dit un serviteur en remettant un dernier petit cadeau.

C'était l'assistant de Bjorn, le seul qu'il avait ramené de Schuber. Derrière lui se trouvaient les autres ouvriers, qui s'inclinèrent tous à l'unisson par respect pour l'épouse du prince.

« Voici ce que le prince a préparé pour vous, Votre Altesse. »

« Merci » dit Erna, « vous avez tous travaillé très dur »

Erna exprima d'abord sa gratitude avec la courtoisie qui s'imposait. C'était une situation absurde, mais avec tous ces yeux braqués sur elle, elle devait se comporter avec dignité et cacher ses vrais sentiments.

C'était du Bjorn Dniester tout craché et une fois le dernier serviteur parti, elle regarda la pile de cadeaux en rougissant de frustration à peine contenue. Elle avait envie de mettre le feu à toute cette foutue pile.

« Je suis désolée grand-mère » dit Erna à la baronne. « Je vais aller m'allonger un peu. »

Il n'a pas changé

La colère d'Erna est à son comble. Elle avait prévu que la présence de Bjorn assombrirait l'ambiance de son anniversaire, mais elle n'avait jamais pensé qu'il irait aussi loin.

« Erna. »

À peine arrivée dans le couloir, Erna entendit la voix de l'invité indésirable. Elle poussa un soupir de résignation. À sa grande surprise, Bjorn s'approchait d'elle avec désinvolture, un sourire sincère sur le visage. Il arborait la même tendresse que le jour de son vingtième anniversaire, ce qui le rendait encore plus dévastateur.

« Je vois que les cadeaux sont arrivés » dit-il.

« Oui, espèce d'égoïste, ils ont tous été bien reçus » Erna regarda Bjorn avec une expression aussi calme que possible.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » dit Bjorn, le sourire disparaissant pour laisser place à un regard inquiet.

« Les cicatrices que tu m'as faites l'année dernière ne t'ont pas suffi ? N'as-tu pas pensé aux rumeurs qui se répandraient en préparant des cadeaux aussi extravagants, ou à la façon dont ces rumeurs rendraient ma vie difficile ? »

« Quoi, ne parle pas comme ça, c'est tout pour toi. »

« Pour moi ? Comment peux-tu penser que me couvrir de cadeaux somptueux résoudrait quoi que ce soit ? Si tu me respectes vraiment, si tu comprends ne serait-ce qu'un peu ce que je vis, tu reprendras les cadeaux et tu signeras les papiers du divorce »

« Erna, je... »

« Reprends tout » hurle Erna. Les larmes coulent sans retenue sur les joues d'Erna.

Elle avait espéré et en regardant les cadeaux s'accumuler, cet espoir se brisait à nouveau en mille morceaux.

« S'il te plaît, je t'en supplie, Bjorn. »

Erna, les larmes aux yeux, l'implorait désespérément.

*******************************

L'après-midi se prolongea et la neige commença à tomber légèrement du ciel. C'était la même chute de neige qui avait accompagné l'anniversaire d'Erna l'année dernière.

Bjorn s'assit sur le rebord de la fenêtre, regardant la campagne qui devenait peu à peu blanche. Le cigare qu'il fumait est resté dans le cendrier et le cognac non touché a été laissé à l'abandon.

Il se décida à partir. Si Erna le méprisait au point de le supplier de partir en pleurant à chaudes larmes, alors il partirait.

L'envie ne dura pas longtemps. Lorsqu'il arriva dans sa chambre pour commencer à faire ses bagages, son entêtement l'emporta. Il ne voulait pas partir avant d'avoir offert quelque chose de bon à Erna. Non pas parce qu'il pensait pouvoir racheter son amour, mais parce qu'elle valait autant pour lui. Le cadeau qu'il avait choisi était né de l'amour et du désir de lui offrir quelque chose de méritant.

Bjorn descendit du rebord de la fenêtre et tira sur le nœud de sa cravate, qui semblait le gêner et l'étouffer.

La maison était toujours naturellement calme, mais en ce moment, un silence plus pesant l'enveloppait. Bjorn ne pouvait échapper à la réalisation qu'il était à l'origine de cette atmosphère solennelle.

Le souvenir d'Erna en larmes lui revint à l'esprit comme une hallucination, se superposant au paysage enneigé. Il se souvint qu'elle avait pleuré l'année dernière aussi et que la source en était lui aussi.

Il s'était toujours réjoui du beau sourire de sa femme, mais avait eu du mal à supporter son rire. Lorsqu'il s'agissait d'Erna, il n'y comprenait rien et se retrouvait souvent désemparé.

Bjorn prit un verre et but une gorgée d'eau fraîche pour s'humecter les lèvres.

Erna resta enfermée dans sa chambre. À ce rythme, son anniversaire passerait sans qu'elle y assiste, tout comme l'année dernière, où personne ne s'était souvenu de l'anniversaire de la Grande-Duchesse.

Bjorn posa son verre et commença à faire les cent pas dans la pièce, perdu dans sa contemplation. Il était bien conscient qu'Erna voulait partir après avoir accepté le divorce, mais Bjorn savait que c'était impossible.

Il se moquait bien d'être traité d'égoïste ou d'égocentrique. Il aurait préféré être un salaud plutôt que de perdre Erna, mais être un salaud était ce qui éloignait Erna. Tant qu'il pouvait l'avoir à ses côtés, il était prêt à endosser tous les rôles et titres qu'on voulait lui donner.

Mais quel est le meilleur plan d'action pour un bâtard ?

Plus il y pensait, plus c'était compliqué et plus sa tête tournait avec des pensées inconcevables. Jusqu'à ce qu'il s'arrête et regarde le cadeau qu'il s'était donné beaucoup de mal à acquérir. Sur le lit, il y avait un bouquet de muguet que Schuber lui avait envoyé.

Bjorn ramassa le bouquet. Autrefois symbole de la princesse Gladys, il n'était plus qu'une jolie petite fleur blanche et simple. Tout comme Erna.

Bjorn s'assit sur le bord du lit et regarda longuement le muguet qu'il tenait dans sa main. Lorsqu'il leva les yeux, l'obscurité s'étendait déjà au-delà de la fenêtre.

Mettant le bouquet de côté, Bjorn renonça à sonner la cloche de service et alluma lui-même les bougies. Il s'assit ensuite à son bureau, trouva dans un tiroir le papier à lettres dont il avait besoin et se convainquit d'écrire une lettre.

[À Erna.]

La plume grattait le papier tandis qu'il la guidait autour des lettres. Les minutes s'écoulent, mais il n'arrive pas à se concentrer sur le paragraphe d'introduction. La feuille de papier coûteuse ne contient que deux mots, simples et petits.

Bjorn jeta rapidement la feuille de papier et la remplaça par une nouvelle. Le papier à en-tête doré brillait sous la lumière de la lampe, son éclat faisant miroiter son visage.

[Ma très chère Erna.]

Au moins, le début avait montré quelques signes d'amélioration, mais il restait un ton inné dont il n'était pas sûr qu'il soit approprié et qui ne lui convenait pas.

En écrivant la première ligne à plusieurs reprises, puis en froissant la feuille de papier et en la jetant dans un coin de la pièce, Bjorn a généré un gros tas de papier brouillon.

Après avoir raté la cinquième lettre, Bjorn s'est adossé à sa chaise et a mis le stylo de côté. Par habitude, il porte un cigare à ses lèvres, mais ne l'allume pas. Le voir écrire une lettre à une femme qui se trouve juste de l'autre côté du couloir, mais tout aussi inaccessible que si elle était à l'autre bout du monde, devait être comique.

Comprendre, considérer et respecter.

Bjorn répéta lentement les concepts auxquels sa femme attachait tant d'importance. Son regard se fixa sur la danse éthérée de la neige au-delà de la fenêtre. Dans ce décor enchanteur, il pouvait voir Erna lorsqu'il la retrouvait au dôme de la cathédrale de Felia.

Erna, qu'il avait blessée et qui, malgré tout, l'avait aimé. Il avait l'impression de pouvoir presque comprendre l'émotion qu'elle avait ressentie cette nuit-là, au moment où il s'était retrouvé face à son joli et pitoyable visage.

Mettant de côté le cigare, il baissa les yeux sur le bureau. La chaude lueur de la lampe éclairait son visage et, comme s'il était engagé dans une bataille, Bjorn fixait la feuille de papier vide. Le bruit du stylo glissant sur sa surface commença à percer le silence de la soirée.

**********************************

Erna finit par relever la tête et regarde Lisa avec des yeux vides.

« Lisa... je... »

Avant qu'Erna ne puisse dire quoi que ce soit, il y a eu du bruit derrière la porte et Lisa est entrée avec un autre serviteur.

« Votre Altesse » Le serviteur entra dans la pièce, portant un grand bouquet de fleurs blanches.

« Qu'est-ce que vous voulez ? » dit Lisa d'un ton peu poli. Le prince est un scélérat, alors ses serviteurs le sont aussi.

« Le prince m'a ordonné de remettre ces objets directement à la grande duchesse. » Il regarda Erna, ignorant complètement Lisa.

« Qu'est-ce que c'est ? » dit Erna

« Des fleurs, Votre Altesse et une lettre. »

Ps de Ciriolla : et voila à trop en faire... ça a fait un gros flop... mais la lettre, vu qu'elle en avit toujours voulu une, ça devrait déja bien plus la toucher... pourquoi il faut qu'il comprenne dans la douleur

Tome 1 – Chapitre 140 – A ma femme

La neige qui tombe doucement projette des ombres changeantes sur les fleurs et les lettres écrites à la main.

Une fois Lisa partie, Erna s'assit à la table et fixa la lettre et les fleurs. Elle savait qu'elles venaient de Bjorn, mais elles ne lui semblaient pas réelles. Elle se sentait mal à l'aise en regardant ces cadeaux inconnus qui ne correspondaient pas à la personnalité de la personne qui les offrait.

Après être restée un peu plus longtemps dans ce silence oppressant, elle poussa finalement un soupir de résignation et ouvrit la lettre.

[À ma femme.

Je suis désolé de commencer ma lettre sur une note aussi désagréable, mais pour commencer, je dois m'excuser d'avoir involontairement gâché ton anniversaire. Mon intention était d'exprimer la profondeur de mes sentiments pour toi, mais il semble que ce message ne soit pas passé.

Il est logique que le Prince de Lechen et Président de la Banque de Freyr offre à sa femme quelque chose de simple pour son anniversaire. J'aimerais que vous considériez cela au moins de mon point de vue. Bien sûr, je reconnais mon erreur de ne pas avoir été prévenant et de m'être concentré uniquement sur l'expression de mes sentiments. Ne vous méprenez pas sur ce point.

Même maintenant, je tiens à vous féliciter pour votre anniversaire et j'espère que vous appréciez le petit cadeau que je vous ai offert. Je ne sais pas comment m'exprimer autrement qu'en offrant des cadeaux et je peux comprendre que ce ne soit pas la bonne approche, mais malgré tout, je t'offrirai un petit cadeau pour ton anniversaire.

J'espère que vous pourrez profiter d'un dîner d'anniversaire avec la baronne, je n'y serai pas. Je souhaite que cette journée soit joyeuse pour vous et pour la baronne, qui, je le vois, vous aime beaucoup.

Votre mari

Bjorn Dniester]

Erna poussa un soupir d'incompréhension. C'était la première fois qu'elle recevait une telle lettre et elle avait du mal à la comprendre. De plus, l'écriture 'incroyablement élégante et stylée' de Björn la rendait en grande partie illisible.

Prenant un moment pour se ressaisir, Erna regarda par la fenêtre et relut l'étrange lettre. Plus elle l'examinait, plus elle lui paraissait ridicule, mais une chose était claire : les affirmations de la princesse Gladys selon lesquelles Bjorn écrivait de belles lettres étaient fausses.

Erna posa la lettre sur la table comme s'il s'agissait d'un avis d'expulsion ou d'un défi lancé par une rivale. Jetant un coup d'œil à la table, elle afficha un sourire vide en constatant qu'il était l'heure de dîner.

*****************************

« D'accord, cela devrait suffire » dit Lisa en s'éloignant de son travail.

Erna s'assit dans le fauteuil et se regarda dans le miroir. Elle ajusta un peu sa tenue, n'aimant pas la façon dont certains plis et rubans étaient posés. Elle ne portait que ses cheveux relevés et une robe un peu plus formelle, mais elle se sentait consciente d'être trop habillée. C'était la première fois qu'elle s'habillait comme une dame depuis son retour à Buford.

« Vous êtes absolument magnifique, Votre Altesse. Vous brillez vraiment comme les étoiles » Lisa voyait bien qu'Erna n'était pas très sûre d'elle et l'encouragea. Au milieu de tout cela, elle entendit le carillon de la cloche qui indiquait qu'il était 19 heures. Le moment du dîner à Baden House était arrivé.

Après avoir ajusté une dernière fois les rubans dans ses cheveux, Erna partit pour le dîner. Elle s'arrêta en haut de l'escalier, se souvenant de l'invité indésirable. Elle regarda de l'autre côté du couloir, dans la chambre où Bjorn était resté, il tiendra sa promesse. Il ne lui restait plus qu'à dîner avec sa grand-mère, mais pour une raison ou une autre, les étapes suivantes ne venaient pas naturellement, ou facilement.

« Votre Altesse, qu'est-ce qui ne va pas ? » dit Lisa.

« Une minute » répondit Erna.

Elle s'approcha de la porte fermée de la chambre d'amis et frappa de la manière la plus polie possible.

« Votre Altesse, c'est moi » dit Erna en frappant à nouveau.

Bjorn se présenta à la porte et, comme il l'avait promis, il ne semblait pas vouloir participer au dîner. Il était vêtu d'une chemise partiellement déboutonnée et de bretelles qui pendaient mollement le long de ses jambes.

« Pourquoi es-tu ici ? » demanda Bjorn sans ambages.

« C'est... Tu ne veux pas descendre pour dîner ? » répondit calmement Erna.

« Vous n'avez pas reçu ma lettre ? Je pense qu'il serait déplacé d'envahir votre dîner d'anniversaire avec votre famille »

« Oui, j'ai reçu votre lettre, mais... »

« Mais ? »

« Mais... que cela me plaise ou non, vous êtes un invité dans ma maison et il serait inconvenant de ne pas vous inviter à dîner » Erna fixa Bjorn dans les yeux, inébranlable et confiante. Il y eut un long silence gênant avant que Bjorn n'acquiesce.

« Attendez-moi, je vais me préparer. »

************************

Le dîner commença un peu plus tard que prévu, avec l'arrivée soudaine du prince, mais les plats furent présentés à Erna, à la baronne et à l'invité imprévu comme si rien ne sortait de l'ordinaire. La nourriture était abondante et délicieuse, grâce à cette journée spéciale et à l'accueil du prince de Lechen.

La table n'étant pas très grande, Bjorn finit par s'asseoir à côté d'Erna, qui se comporta comme une dame et ne manifesta plus aucun mécontentement à son égard. Bjorn l'observa, tandis qu'elle et la baronne engageaient la conversation.

À la fin du dîner, on apporta le gâteau d'anniversaire d'Erna. C'était un gros gâteau traditionnel qui reflétait parfaitement les goûts d'Erna, rappelant une époque révolue, comme s'il s'agissait d'un héritage précieux.

« Faites vite votre vœu, madame » dit Mme Greeve. Bjorn remarqua qu'il y avait une légère ressemblance entre Mme Greeve et Mme Fitz et laissa échapper un petit rire.

« Tu es prête, mon bébé ? » dit la baronne.

« Oui, je suis prête » dit Erna qui se leva de son siège d'un air résolu.

Son regard rencontra brièvement celui de Bjorn et à ce moment-là, il sentit un regard profond de sa part. Ce n'était pas un simple regard passager, mais il y avait quelque chose de plus derrière.

Quel sera votre souhait ?

Erna se pencha en avant et souffla les bougies. Tous ceux qui étaient venus dans la salle à manger applaudirent. Bjorn se joignit aux applaudissements. Il y avait quelque chose de plus résolu chez Erna, elle semblait avoir gagné en sérénité. Cela donna à Bjorn l'envie de la questionner sur son souhait, mais il s'abstint de le faire.

« Joyeux anniversaire, ma chère, je suis si reconnaissante que vous soyez venue me voir il y a si longtemps » dit la baronne.

C'était un toast bref, mais si sincère qu'il n'avait pas besoin de plus. Comme ils n'étaient plus que tous les trois au dîner, ce fut au tour de Bjorn de dire quelque chose.

« Joyeux anniversaire, Erna »

Bjorn porta un toast aussi simple que possible, en levant son verre de vin. Après une brève pause, Erna a tapé son verre de vin contre le sien. Le tintement résonna dans le silence.

Après le gâteau, l'excitation monta lorsque vint l'heure de la remise des cadeaux. La baronne a offert à Erna une épingle à cheveux, Mme Greeve un châle tricoté et Lisa une paire de gants en dentelle. Enfin, ce fut le tour de Bjorn, qui offrit à Erna une petite boîte nouée avec un ruban, juste assez petite pour tenir dans la paume de la main.

Erna regarda Bjorn en silence et leurs yeux se rencontrèrent. « Je sais que vous n'aimez pas mes cadeaux, mais comme j'ai été invitée à dîner, j'ai pensé qu'il était prudent d'observer le minimum de formalités. »

Erna prit le cadeau et la tension monta d'un bout à l'autre de la table. Elle dénoue le ruban et ouvre la boîte. L'atmosphère dans la salle à manger est devenue glaciale et, ne comprenant pas la raison de ce changement soudain, Bjorn fronce les sourcils.

Le cadeau à l'intérieur de la boîte était une présentation de luxe et de dépense. Il s'agissait d'une magnifique broche ornée d'un gros diamant et de plusieurs rubis. C'était le cadeau le plus cher de la pièce.

Bon sang, qu'est-ce que cette chose fait ici ? pensa Bjorn en étudiant le visage d'Erna à la recherche d'une réaction.

Malgré ses tentatives pour réparer les erreurs du passé, avec une simple et authentique expression d'amour, il s'était banni lui-même dès le début. Bjorn eut du mal à contenir la flopée de jurons qui lui traversaient l'esprit face à une erreur aussi simple.

« Merci, c'est très joli » dit Erna, calme et posée, comme si de rien n'était.

Les cadeaux mis de côté, le repas se poursuivit jusqu'à son terme. Bjorn regardait Erna calmement et en retour, elle souriait.

Erna s'engagea dans une conversation animée et savoura le repas avec enthousiasme.

C'était une belle Erna de 21 ans, captivante par sa grâce et son rayonnement.

***********************

« Votre Altesse, regardez là-bas » dit Lisa en s'étirant par la fenêtre.

Erna venait de se préparer pour sa promenade matinale habituelle lorsque Lisa l'appela avec surprise. Erna regarda par la fenêtre et vit qu'une calèche était garée sous le porche, recouverte de la neige tombée la nuit dernière. Ce n'était pas celle de la famille Baden.

« Le prince retourne-t-il enfin à Schuber ? » dit Lisa en voyant que Bjorn se tenait à la tête de la calèche.

Bjorn était en tenue de voyage et des serviteurs chargeaient des bagages dans la voiture.

Comme Lisa l'a fait remarquer, il n'y a rien d'étrange à ce qu'il parte tout de suite.

« C'est en effet très étrange, il n'a jamais parlé de partir. Vous a-t-il dit quelque chose, Votre Altesse ? » Demanda Lisa.

« Non, pas du tout » dit Erna, la voix teintée d'un soupçon de perplexité.

Erna repoussa toutes les pensées et spéculations, et alla faire sa promenade matinale comme d'habitude. Puisque Bjorn était venu chez elle à l'improviste, il était normal qu'il parte dans les mêmes circonstances. Quoi qu'il choisisse de faire, cela ne la concernait pas.

Convaincue que cela ne la concernait pas, Erna sortit par la porte d'entrée où attendait la voiture de Bjorn. Bjorn était en pleine conversation avec le cocher et tourna lentement la tête lorsqu'il sentit la présence d'Erna. Leurs regards se croisèrent brièvement, se connectant dans le soleil naissant.

Ps de Ciriolla : a ça de ne pas faire de bourde.... sérieusement....

Tome 1 – Chapitre 141 – Tempête de neige

« Tu retournes à Schuber ? » demanda Erna sans réfléchir.

Elle se rendit compte qu'elle n'aurait pas dû s'en préoccuper, mais il était trop tard pour revenir sur ses paroles. Une fois le préposé terminé, Bjorn s'approcha d'elle et la regarda calmement.

« Pourquoi, cela te fait-il plaisir ? Malheureusement pour vous, je ne reviendrai pas tout de suite, j'ai des affaires à régler, je ne peux pas ignorer la boîte à biscuits de ma femme, même si elle refuse toujours de sortir avec moi »

« Je n'aurai jamais plus de relation avec toi » dit Erna.

« C'est vrai ? Dans ce cas, je suppose que nous devrions redéfinir cela comme un amour non partagé » Les yeux de Bjorn brillent de malice et il répond d'une manière tendre. «

Je reviendrai, ne t'inquiète pas. »

« Je ne veux pas que tu reviennes »

« Avez-vous besoin de quelque chose au palais ? » demande Bjorn, presque comme s'il avait complètement oublié les événements d'hier. « Sauf les papiers du divorce »

Ses paroles reflétaient son attitude arrogante, semblable à celle d'un prince fier et hautain. Erna choisit de répondre en se détournant et laissa le crissement de la neige sous ses pieds répondre pour elle.

« Attendez-moi, Erna, je serai de retour samedi » dit Bjorn, la voix pleine de rires.

Je ne reviendrai pas » cria Erna par-dessus son épaule. Bjorn, apparemment inconscient de la signification de ses paroles, monta calmement dans la calèche avec son accompagnateur.

C'était un mardi matin tranquille, les flocons de neige scintillants virevoltaient dans le vent, ressemblant à des bijoux en poudre étincelants. Erna regarda la calèche s'éloigner sur le chemin caillouteux et pria pour que l'homme à l'intérieur ne revienne jamais.

******************************

L'emploi du temps du prince ressemblait à une marche forcée et éprouvante, sans pause ni répit.

Bjorn demanda au cocher de ne pas s'arrêter avant d'arriver à Schuber et, peu après son arrivée, il se rendit directement à la banque pour diriger la réunion du conseil d'administration. Le lendemain, Bjorn s'est levé tôt pour prendre le prochain train à destination de Berg afin d'assister à un déjeuner avec le département du Trésor.

Bjorn travaille sans relâche tout au long de la journée, sans se donner le temps de se reposer ou de récupérer. Il écoutait inlassablement des rapports interminables, émettait des jugements critiques sur des questions importantes et donnait les instructions nécessaires à ses subordonnés.

Il se rendait à son dernier rendez-vous de la journée et décida de faire une petite sieste dans le wagon.

« Nous sommes arrivés, Votre Altesse » dit le cocher, mais Bjorn ne bouge pas.

Le cocher dut se résoudre à secouer violemment les épaules de Bjorn pour le réveiller.

Son visage portait les signes indéniables de la fatigue. Le résultat de trois jours de stress.

« Voulez-vous reporter le retour à Buford, votre Altesse ? » dit prudemment le préposé.

« Il serait peut-être préférable de le reporter à dimanche »

Le prince devait initialement partir pour Buford par le train matinal du lendemain.

Cependant, étant donné que les dîners de ce type duraient souvent jusqu'à minuit, cela impliquait d'entreprendre un nouveau voyage difficile sans repos suffisant.

« Non, ça va » dit Bjorn. « Je suivrai le plan initial. »

Bjorn frotta le sommeil de ses yeux et sortit de la voiture, ajusta son nœud papillon et enfila la veste que le cocher lui tendait. Bjorn s'éloigna du carrosse avec la grâce et l'élégance d'un prince et non de quelqu'un qui vient de se réveiller d'une profonde sieste.

Dès que l'on s'aperçut de la présence de Bjorn, une foule de gens l'appelèrent et l'acclamèrent. Tout le centre-ville vibrait d'excitation. Bjorn distribua sans peine des sourires et des accueils chaleureux à la foule grandissante. C'est le moins qu'il puisse faire en tant que Grand-Duc.

Mais Erna, ce n'était pas le cas.

La progression de Bjorn dans la foule s'interrompt brusquement lorsqu'il est frappé par le souvenir de sa femme. Il ne comprenait pas pourquoi elle se sentait intimidée et troublée en compagnie d'autres personnes. Sa sensibilité aux paroles et aux regards des autres était également évidente.

La vie de Bjorn Dniester en tant que prince de Lechen ressemblait beaucoup à celle d'un grand chanteur d'opéra, pleine d'extravagance et de célébrité. Il avait souvent l'impression d'être réduit à être le divertissement de la ville, mais il était toujours le Grand-Duc et il y avait un certain niveau d'attente, qu'il acceptait très bien.

Dans ce monde clairement défini, tout ce qu'il faisait et disait sur scène était scruté par le peuple, et ses performances étaient constamment évaluées. Telle était la nature du monde dans lequel il était né.

Il attendait d'Erna qu'elle adhère aux mêmes règles que lui. Il pensait qu'elle adopterait la même attitude que lui, s'il lui montrait comment faire, car c'était le rôle qu'elle avait accepté avec enthousiasme, mais elle venait d'un monde complètement différent, avec des règles différentes.

« Votre Altesse ? » La voix perplexe du préposé interrompit le fil des pensées de Bjorn, le ramenant à l'instant présent.

Il ouvrit progressivement les yeux, absorbant la scène qui se déroulait devant lui. Les escortes avaient réussi à se frayer un chemin dans la foule chaotique et agitée. Les gens regardaient le prince immobile et leurs yeux brillaient comme les lumières de la ville dans la nuit.

Une fois de plus, ses pensées se tournèrent vers Erna, et Buford, l'endroit qu'elle appelait sa maison, occupait son esprit. C'était un monde où elle avait de l'importance et où elle était vraiment à sa place.

En ce moment même, elle était probablement en train de s'occuper du veau, s'assurant qu'il était au chaud et confortable. Elle était peut-être même en train de confectionner d'autres fleurs. Dans les moments d'ennui, elle se plongeait dans un bon livre ou se promenait dans les champs enneigés et tranquilles. Ou bien elle discutait avec sa grand-mère, assise devant une cheminée réconfortante après un dîner matinal.

Sa vie était tranquille, comme sur une île déserte. Tel était le monde d'Erna. Pourtant, cette simple fille de la campagne avait accepté si volontiers de l'épouser.

Alors qu'il réfléchissait à tout cela, se frayant un chemin à travers la foule, il se demanda comment le monde apparaissait à Erna. Il avait beau le vouloir, il n'arrivait pas à voir le monde de son point de vue. Erna était confrontée à une énigme similaire. Une fois qu'il a accepté cette constatation, l'ampleur de la contrainte unilatérale imposée à sa femme est devenue évidente.

Sa femme a dû subir une terrible forme de violence. Néanmoins, il aimait profondément cette femme qui avait fait preuve de courage et de résistance face à l'adversité, en faisant de son mieux pour s'en sortir.

Un assistant lui demanda: « Vous allez bien, votre Altesse ? »

Bjorn se contenta de hocher la tête.

Ils venaient tous deux d'horizons très différents et il était donc bien trop difficile de comprendre le point de vue de l'autre. Au moins, le fait de reconnaître cette vérité apporte un peu de sérénité.

Bjorn se fraya un chemin à travers la foule jusqu'au hall du grand hôtel et une fois à l'intérieur, le vacarme de la foule à l'extérieur s'estompa et il sentit qu'il pouvait mieux réfléchir à ses pensées.

Après avoir repris son souffle, Bjorn se rendit au deuxième étage, où l'attendait le président de la banque centrale.

Une fois le dîner terminé, nous serions samedi, le jour où il avait décidé de retourner à Erna.

***********************************

« Ce temps est épouvantable » dit la baronne en regardant par la fenêtre.

Le blizzard, qui s'est déclenché dans la soirée, ne fait que s'intensifier. La neige, fouettée par le vent, empêche de voir à plus de quelques mètres devant soi.

Après avoir fermé les rideaux, Erna aida sa grand-mère à s'installer dans le lit, où une bouillotte en fit un refuge douillet qui permit à la baronne d'oublier la tempête qui faisait rage à l'extérieur.

« Erna, ma chère, ne serait-il pas sage de garder la cheminée de la chambre d'amis allumée, juste au cas où il reviendrait ? » dit la baronne, bien qu'elle aussi se doutait que Bjorn ne reviendrait pas par un temps aussi mauvais.

« Il ne viendra pas ce soir, grand-mère » dit doucement Erna en remontant la couette jusqu'à son menton. Le bruit du vent violent qui sifflait dans les minuscules interstices de la fenêtre ajoutait de la crédibilité aux paroles d'Erna.

Après avoir embrassé sa grand-mère sur une joue ridée, Erna quitta la chambre en refermant la porte derrière elle. Elle se retrouva entourée d'un silence lugubre. Lisa s'était retirée, Mme Greeve s'était endormie depuis longtemps, faisant d'Erna la seule personne encore éveillée dans la maison.

Elle s'affaira à inspecter toutes les fenêtres de la maison avant de se retirer dans sa propre chambre, une tasse de lait chaud et de miel à la main. Elle jeta par hasard un coup d'œil dans le couloir vers la chambre d'amis, plongée dans l'obscurité la plus complète.

Erna détourna son regard, sirotant son lait chaud et son miel tout en tournant le dos à la chambre d'amis. Elle se sentait déstabilisée par le vent qui hurlait.

Elle prit le temps de s'assurer qu'il y avait suffisamment de bois dans sa propre cheminée. Tout semblait en ordre, il ne restait plus qu'à se blottir dans son lit chaud et à dormir, mais bien qu'elle ait bu tout son lait, elle ne ressentait pas la somnolence habituelle et le sommeil ne vint pas.

Elle fixa le plafond pendant un long moment avant de regarder l'horloge sur la cheminée. Dix heures, il était déjà si tard et dans deux heures seulement, nous serions samedi.

Sortant du lit et faisant les cent pas dans la chambre, Erna finit par tirer les rideaux et ouvrir les volets. Elle regarda le blizzard à travers les vitres givrées. Le temps était si mauvais qu'il était impossible d'imaginer que quelqu'un puisse voyager en ce moment.

La cheminée de la chambre d'amis la mettait mal à l'aise, Erna se décida sévèrement et retourna se coucher, mais elle avait beau essayer de s'endormir, les pensées se bousculaient toujours dans son esprit.

Lorsqu'elle se redressa et regarda l'heure, il était onze heures quarante-cinq. Minuit approchait à grands pas.

S'emparant d'un châle, Erna s'approcha à nouveau de la fenêtre. Le blizzard assaillait toujours le pays de Buford avec une force implacable.

Le prince que vous avez connu n'est plus là. Le vent semblait crier dans un murmure.

C'était vrai, le prince du conte d'Erna avait disparu depuis longtemps.

Les questions qu'elle ne voulait pas affronter se précipitèrent sur elle depuis le blizzard, une forme sombre se profilant de l'autre côté du champ, elle ressemblait à une personne et pendant un moment, elle pensa que c'était peut-être un animal. Plus elle la fixait, plus elle se rendait compte qu'elle se déplaçait et se rapprochait de Baden House.

« Non, ce n'est pas possible »

Erna n'en revenait pas. Elle ne pouvait pas imaginer que quelqu'un puisse être assez fou pour survivre à une nuit aussi sombre et à un temps aussi terrible.

Mais Erna ne tarda pas à se rendre compte de son erreur.

Il existe bel et bien de tels fous dans le monde.

Il s'agit de Bjorn Dneister, son mari dont elle voulait désespérément divorcer.

Ps de Ciriolla : Il est vraiment près à tout... on peut pas lui reprocher sa ténacité en tout cas

Tome 1 – Chapitre 142 – Ne part pas

Erna ouvrit rapidement la porte et fut immédiatement battue par la férocité du vent qui l'attendait.

La puissante rafale repoussa Erna et il lui fallut un moment pour trouver la force de regarder dehors dans le blizzard. En regardant dehors, à la faible lumière des lampes, elle put distinguer la forme ombragée de Bjorn, qui tournait le dos au blizzard et se rapprochait de la porte jusqu'à ce qu'il se tienne en face d'Erna.

« Hmm, 11:52, je suis plutôt en avance » Il sourit et rangea sa montre dans sa poche.

Erna se sentait perdue et ne savait pas quoi faire. D'instinct, elle tendit la main et l'attira à l'abri du couloir, afin de se protéger du vent. Une fois la porte refermée, le couloir plongea dans un profond silence.

Cet homme était sans aucun doute fou.

Dans la faible lumière du porche, elle pouvait clairement voir qu'il avait l'air désordonné et couvert de neige. Son visage était extrêmement pâle, ce qui donnait l'impression qu'il pouvait être un fantôme.

« Pourquoi es-tu ici ? » demanda Erna en saisissant le bras gelé de Bjorn. « Au milieu de la nuit, par un temps aussi dangereux, pourquoi ? »

Erna était submergée par les émotions, elle ne savait plus où donner de la tête et les questions qu'elle posait étaient empreintes de ressentiment.

« J'ai promis, n'est-ce pas ? » Bjorn regarda Erna avec une douce lueur dans les yeux.

« Quand as-tu commencé à prendre tes promesses au sérieux ? » s'écria Erna, qui n'avait jamais pris cette promesse au sérieux. Pourquoi cet homme, qui avait l'habitude de faire ses promesses avec désinvolture, se comportait-il maintenant de façon si étrange ?

« Est-ce que tu es vraiment si contrariée quand ton mari tient ses promesses ? »

Ce n'est que lorsqu'Erna remarqua que de la neige fondue s'écoulait de ses cheveux platine qu'elle s'aperçut qu'il était trempé jusqu'aux os. Une flaque d'eau de fonte grandissait à ses pieds.

« Je vous en prie, rentrez-vous réchauffer et mettez des vêtements secs » Elle se retourna rapidement et se dirigea vers l'étage, tapant pratiquement des pieds à chaque pas.

« Je vais vous préparer un bain si vous le souhaitez » Elle s'éloigna de la porte calmement, laissant derrière elle les mots qu'elle avait promis.

*****************************************

Les pas diligents d'Erna résonnent dans le silence pesant. Elle alluma le feu dans la chambre d'amis et se dépêcha de descendre à la cuisine où elle avait mis du lait à bouillir. Elle chercha dans les placards la liqueur de son grand-père. L'odeur des clous de girofle et de la cannelle emplit l'air.

Une fois réchauffé, elle retira le lait, le versa dans une tasse avec un peu de liqueur, puis l'emporta dans la chambre d'amis. Malgré le feu rugissant, il faudrait un certain temps pour que la fraîcheur de la pièce disparaisse, après avoir été laissée pendant des jours.

Elle regretta de ne pas avoir suivi les conseils de sa grand-mère.

Le bruit de l'assiette s'écrasant sur le sol de la cuisine rompit le silence de la nuit. Erna se couvrit rapidement la bouche, réprimant l'envie de crier.

La lumière vive des tessons de l'assiette brisée la laissa momentanément hébétée. Des larmes scintillantes formaient une flaque délicate dans ses yeux. Il était difficile de comprendre pourquoi l'assiette brisée pouvait l'affecter si profondément, la traversant en cascade comme des fragments de son cœur, reflétant la brisure du plat qui se trouvait devant elle.

Erna chercha du réconfort, cacha son visage dans ses mains et s'accroupit dans un coin de la cuisine, évitant la lumière. Les larmes coulaient sur ses paumes, comme des rivières libérées, exprimant librement et ouvertement son état de vulnérabilité.

Elle ne voulait pas admettre qu'elle attendait le retour de Bjorn, mais dès qu'elle l'a vu émerger du blizzard, elle a pris conscience des émotions qu'elle refusait d'admettre. Elle souhaitait ardemment que Bjorn ne revienne pas et pourtant, elle voulait qu'il soit là.

Pourquoi ses sentiments pour lui ont-ils toujours eu autant de poids et d'importance ?

Les souvenirs de leur passé commun inondèrent son esprit, suivis de larmes qui ne firent que renforcer son trouble émotionnel.

Elle n'avait pas choisi le divorce par haine, en fait, c'était parce qu'elle ne le haïssait pas et l'absence de haine rendait sa décision d'autant plus difficile.

Il était impossible de nourrir de la haine envers l'homme qu'elle désirait. Elle l'aimait et sa haine forcée se renforçait de jour en jour, devenant un fardeau qui lui causait une douleur incommensurable. Elle tentait de s'en détourner, de se réfugier dans le seul endroit où elle se sentait à l'aise, pour se retrouver au point de départ.

Elle avait peur.

Elle avait peur d'être blessée par les fragments brisés de son amour, la pensée obsédante qu'elle allait finir comme sa mère, dont l'amour ne lui avait apporté que la solitude.

Une fois les larmes calmées, Erna se lava le visage comme pour se purifier. Elle trouva Bjorn assis devant la cheminée, buvant le lait chaud et le cognac qu'elle lui avait préparés. Ses yeux se rétrécirent lorsqu'elle remarqua ses cheveux humides et sa tenue mal ajustée.

« Si tu as encore froid, rajoute de l'alcool, ça te réchauffera » conseilla Erna en lui présentant la bouteille de cognac.

Bjorn eut l'air surpris, mais accepta docilement la bouteille. Erna récupéra une couverture sur le lit et la tendit également à Bjorn, qui la prit avec un sourire timide.

Elle recula d'un pas et l'observa. Elle fut soulagée de constater qu'il ne s'était pas fait de mal.

« Il fait encore trop froid dans ta chambre, tu devrais rester ici un peu plus longtemps. »

« Erna » l'appela soudain Bjorn en regardant la couverture sur son dos et ses genoux, «

Et le divorce ? »

Erna s'est arrêtée de marcher et a tourné la tête pour le regarder. Erna s'est arrêtée de marcher et a tourné la tête pour le regarder.

« Le veau » dit Bjorn. « Le veau que j'ai nommé. »

Bien qu'il n'ait bu que quelques gorgées de lait et de cognac, Erna était persuadée que Bjorn était en quelque sorte ivre. Elle le regarda en silence, essayant de deviner son jeu.

Elle sourit, le trouvant plutôt idiot.

« C'est Christa » dit Erna sans ambages. « Le veau s'appelle Christa. »

« N'est-ce pas un nom trop grand pour un veau ? »

L'expression d'Erna devient sévère. « Je ne pense pas que quelqu'un qui donnerait à un animal un nom aussi dégradant que 'Divorce' ait le droit de faire des commentaires »

« Christa... » dit Bjorn d'un ton pensif. « Ça a bien marché à Schuber.....Votre boîte à biscuits s'est considérablement agrandie »

« Votre Altesse »

« J'avais prévu de vous apporter un cadeau pour fêter l'événement, mais comme vous le voyez, je viens les mains vides parce que vous n'aimez pas mes cadeaux » dit Bjorn avec précaution, en regardant le salon, qui était rempli de cadeaux la dernière fois qu'il est venu. « Tu as rangé tous ces cadeaux ? »

« Oui, l'entrepôt est prêt à exploser » dit Erna d'un ton sarcastique.

« Tu en as ouvert ? »

« Non, je les ai tous laissés en l'état, vous pouvez donc les ramener avec vous, ainsi que la broche » Les yeux d'Erna brillaient comme des pierres précieuses dans la lumière de la cheminée.

« Mais tu l'as acceptée »

« Je l'ai accepté le jour même parce que je ne voulais pas te mettre dans l'embarras devant tout le monde, mais plus j'y pense, plus je me dis qu'il vaudrait mieux que tu reprennes tout »

« Pourquoi ? »

« Parce qu'il est étrange de recevoir des bijoux coûteux alors que nous sommes sur le point de divorcer » décréta Erna.

« Et la lettre ? Tu vas la rendre aussi ? » dit Bjorn en souriant.

Erna se débat en hochant la tête. Bjorn la regarde et remarque que ses joues rougissent.

« Comment était-elle, ma lettre ? »

« Comment était-elle ? »

« Je suis curieux. C'est la première fois que j'écris une lettre d'amour »

« Vraiment, et celle que tu as écrite à Gladys ? Apparemment, tu as un talent pour écrire de belles lettres. »

« Eh bien, que puis-je dire, Lechen a la chance d'avoir quelques-uns des meilleurs poètes

»

« Vous voulez dire que vous avez fait écrire votre proposition par un nègre ? »

« Elle pensait vraiment que je l’avais écrite ? »

« C'est une lettre qui te ressemble » dit Erna en riant.

« C'était un compliment ou une insulte ? »

« Pensez-y comme vous le souhaitez. Maintenant, arrêtez... »

« Ne pars pas » dit soudain Bjorn, qui a l'air sincère. « Je voulais te voir, tu m'as tellement manqué, alors je suis revenu. Erna... »

Une goutte d'eau tomba de ses cheveux mouillés et coula sans effort le long de son nez.

Il s'essuya le visage d'une main tremblante, essaya d'avaler une boule dans la gorge qui l'empêchait de parler et s'intéressa aux flammes qui dansaient dans la cheminée rugissante.

« S'il te plaît, ne pars pas » répéta-t-il.

Des mots doux brisèrent le silence entre eux, tandis qu'ils retenaient leur souffle en se regardant dans les yeux. Dehors, la tempête continuait de hurler sur Buford.

Tome 1 – Chapitre 143 – Le lieu où les illusions disparaissent

Les yeux d'Erna s'écarquillent sous l'effet du choc et de l'incertitude. Elle détourna le regard et ne répondit pas. A l'intérieur, une tempête se préparait dans sa poitrine et la privait de toute pensée cohérente.

« Repose-toi » dit Erna, comme si elle n'avait pas entendu ce qu'il disait. Ses mains tremblaient et se tordaient inconsciemment sur sa jupe.

Alors que son cœur tonnait dans sa poitrine, elle se retourna pour partir, désireuse de mettre le plus de distance possible entre elle et Bjorn, mais avant qu'elle ne puisse faire un pas vers la porte, Bjorn l'arrêta en lui attrapant l'épaule.

« Tu ne m'attendais pas ? » Sa voix exigeante couvrait le hurlement du vent. « N'est-ce pas pour cela que tu es restée éveillée jusque tard dans la nuit ? »

« Non, pas du tout » Erna se retourne et regarde Bjorn avec des yeux larmoyants. «

L'idée que tu reviennes m'a empêchée de dormir, j'ai attendu que tu reviennes, j'ai espéré que tu ne reviennes pas. »

« C'est ce que tu attendais ? » Bjorn laisse échapper un soupir découragé et brosse ses cheveux humides sur son front. « Alors pourquoi t'enfuis-tu quand je reviens ? »

« Bjorn, ne fais pas ça »

« Erna. »

« Tout est toujours plus facile pour toi, mais pas pour moi, alors s'il te plaît, ne le fais pas

»

« Est-ce que ça a vraiment l'air facile pour moi ? » Ses lèvres tremblent en regardant Erna, dont l'expression suppliante est au bord des larmes.

La culpabilité lui tiraille le cœur. Elle était une jeune femme si insouciante et satisfaite, selon ses souvenirs, mais ils étaient devenus obsolètes, on ne pouvait plus compter sur Erna pour ses actions passées, elle était devenue quelque chose de plus émotionnel, une énigme perplexe.

« Non, pas du tout, Erna, crois-tu qu'il soit facile pour moi de revenir vers une femme qui souhaite que je disparaisse à jamais ? »

« Souhaits ? »

« Le vœu que tu as fait pour ton anniversaire » Il gloussa devant la futilité des mots qui brisaient sans peine sa fierté.

En la regardant, il réalisa que le vœu qu'elle avait fait le jour de son anniversaire était son seul vœu. Il ne pouvait se résoudre à lui poser des questions à ce sujet. Il ne voulait pas avouer qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même, qu'il avait touché le fond et qu'il ne savait plus où aller.

« Ce n'est pas comme ça » dit Erna. « Un vœu est une chose précieuse, tu crois vraiment que je le gaspillerais en souhaitant que tu disparaisses ? »

« Quel était votre souhait alors ? »

« J'ai fait un voeu pour notre bébé, mon pauvre bébé, qui m'a été enlevé comme ça... »

L'esprit de Bjorn est devenu vide et il a tout perdu de vue. Erna fondit en larmes. Elles coulèrent sans effort le long de ses joues, trempant son visage d'un flot rapide et ininterrompu.

« J'ai souhaité que notre enfant trouve un bon endroit pour se reposer, cette réponse te satisfait-elle ? Cela ne signifie peut-être rien pour toi, mais c'était précieux pour moi »

Erna avait l'air d'une enfant perdue. Bjorn ne pouvait que la regarder, il avait du mal à prononcer un mot.

« En vérité, je n'ai jamais pensé que j'aurais un enfant. Les gens ont toujours dit que la princesse Gladys t'avait donné un fils, alors si je ne pouvais pas concevoir, c'était de ma faute. Que pouvais-je faire, si je finissais par être une épouse qui ne pouvait même pas faire son devoir ? Quand j'ai enfin eu un enfant, il a été une source de réconfort pour moi, dans les moments où j'étais trop terrifiée pour affronter la réalité »

Erna laissa couler les larmes en déterrant les souvenirs qu'elle voulait tant oublier. Elle avait du mal à voir le visage de Bjorn à cause de la pénombre et de la vision floue et larmoyante, mais d'une certaine manière, c'était une bénédiction.

« Malgré les circonstances défavorables, j'ai été heureuse sans réserve lorsque je suis tombée enceinte. Ce bonheur a été amplifié parce qu'il a coïncidé avec la période de joie que nous avons vécue ici, à Buford. C'était comme un autre miracle et, qu'on le veuille ou non, c'était notre bébé »

Les souvenirs de ce jour fatidique lui reviennent en mémoire. Lorsque l'enfant l'a quittée, elle a été rongée par un désespoir et une douleur sans limites, qui sont remontés à la surface avec une intensité saisissante. Ils tourmentaient Erna comme la tempête qui sévissait à l'extérieur.

« Peut-être, comme tout le monde l'a dit, y a-t-il un sentiment de soulagement à ce que je puisse maintenir la position de grande duchesse grâce à cet enfant. C'est évident maintenant. Quand j'y pense, je n'ai pas le droit de prétendre que mon enfant est précieux. Quelle sorte de mère suis-je ? »

Erna ressentait des émotions contradictoires, pleurant et riant à la fois. En perdant son enfant, elle avait l'impression d'être enfin confrontée à son vrai visage, celui qu'elle avait volontairement évité.

« Bjorn, c'est moi que je déteste le plus, pas toi. Même si tu as continué à me faire du mal, je t'ai quand même aimé, toi qui nous a laissés seuls, mon enfant et moi, jusqu'à la fin, et même si j'étais si malade et si malheureuse, mon cœur ne pouvait pas s'arrêter de t'aimer. Je me suis détestée pour cela, j'ai essayé de me tromper en croyant que je ne t'aimais pas, pensant que c'était la seule façon de survivre à tes côtés »

« Erna, je... »

Bjorn avait encore du mal à trouver sa voix, mais il n'arrivait pas à prononcer un seul mot. Au lieu de cela, il leva la main de son épaule et prit son visage avec précaution.

Avec précaution, il essuya les larmes. La fraîcheur de son contact ne fit qu'accentuer la chaleur de ses pleurs.

« Malgré tout, c'était difficile à supporter. C'était terrifiant et étouffant. C'est pour cela que je t'ai quitté. Je ne pouvais pas supporter l'idée de t'aimer à nouveau et même aujourd'hui, je ressens toujours la même chose. »

Alors que ses yeux se remplissent de larmes, les souvenirs de cette nuit lui reviennent en mémoire. Elle se souvient parfaitement de sa fuite de la chambre joliment décorée comme une fleur, tandis que le visage de Bjorn s'attarde dans ses pensées.

Si elle n'aimait plus Bjorn, elle aurait pu s'en accommoder, elle aurait pu supporter ses absences sans en être gênée. Elle aurait pu vivre paisiblement, entourée de la beauté éternelle de ses fleurs, mais elle l'aimait.

« Je m'en veux d'avoir été ébranlée, alors que j'étais bien consciente d'aimer une simple illusion. Je ne veux plus vivre avec cette douleur et je me déteste de l'anticiper sans cesse. Bjorn, je suis tourmentée et remplie de peur »

Les sanglots et les respirations rapides deviennent trop forts et s'intensifient, à tel point qu'elle a du mal à garder le contrôle de son corps. Parfois, elle avait même du mal à comprendre les mots qu'elle prononçait.

La seule chose qu'elle voyait, c'était Bjorn. Son expression calme, la chaleur de son toucher doux qui essuyait ses larmes et l'étreinte de ses bras qui l'entouraient, soutenant son corps tremblant.

« Je suis désolé, Erna » dit-il en la serrant contre lui. « Je suis tellement désolé... »

Il répéta plusieurs fois ces mots à voix basse. Erna ne pouvait dire si c'était réel ou si c'était l'illusion de son esprit fracturé.

*****************************

« Je n'arrive pas à croire à la rapidité avec laquelle le temps peut changer, on n'aurait pas pu deviner qu'il y avait un blizzard la nuit dernière » s’étonna Lisa.

Erna était restée assise en silence, gelée, serrant une tasse de thé dont le contenu était devenu froid depuis longtemps. Elle releva enfin la tête et regarda Lisa. La lumière du soleil entrait à flots lorsque Lisa ouvrit les rideaux. Au fur et à mesure que la lumière s'intensifiait, les yeux gonflés d'Erna ressortaient encore plus.

« Voulez-vous faire une promenade, votre Altesse ? Vous avez manqué votre promenade matinale habituelle » Lisa fait semblant de ne pas voir l'épuisement sur le visage d'Erna.

Tout ce que Lisa savait de la nuit dernière, c'est qu'il y avait eu une tempête de neige, que le prince était revenu et qu'Erna avait fini la nuit en larmes. Sur la base de ces seuls faits, Lisa pouvait deviner ce qui s'était passé. Il s'agissait bien d'un champignon vénéneux.

« Sortons prendre l'air, venez votre Altesse, je vais vous aider à faire un bonhomme de neige »

« Un bonhomme de neige ? » Le regard vide d'Erna se concentra pour la première fois depuis des heures. Lisa gloussa, anticipant la réaction, et aida Erna à se lever.

« Je ferai un bonhomme de neige plus grand que celui qui se trouve sur ta boîte à biscuits » dit Lisa. « En fait, il se trouve que je suis très douée pour faire des bonshommes de neige. Tu seras étonnée par mes talents. »

Erna rit de la vantardise de Lisa et s'habille lentement avec des vêtements propres et frais, avec l'aide de Lisa.

En regardant le jardin enneigé de Baden House, Lisa ressentit un regain d'excitation.

Elle était remplie d'un enthousiasme renouvelé, sachant que c'était l'endroit idéal pour créer son chef-d'œuvre de bonhomme de neige.

******************************

Bjorn a été réveillé par les coups incessants frappés à sa porte. Le préposé n'a pas semblé comprendre que Bjorn voulait rester seul et qu'il continuerait à frapper jusqu'à ce qu'on lui accorde l'entrée.

« ...entrez ! » cria Bjorn avec agacement.

Alors qu'il s'efforçait de se redresser, son corps se sentant lourd sous les légères couvertures de coton, il entendit des sanglots lorsque la porte s'ouvrit, comme s'il était encore dans le salon avec Erna.

« Votre Altesse. »

« Je suis désolé pour hier... » Bjorn interrompit son discours, qui était sur le point de se transformer en tirade, mais au lieu de cela, il se contenta de présenter de simples excuses.

Les événements d'hier étaient certainement fous, il ne pouvait en être autrement. Alors que le train quittait Schuber tôt dans la matinée, ils ont été informés de l'aggravation de la tempête, mais Bjorn a refusé de faire demi-tour.

Le train s'est arrêté dans une petite ville et on leur a conseillé de trouver un hôtel et d'attendre la fin de la tempête. Bjorn n'avait pas la même idée, même si on l'avait prévenu qu'il risquait d'être pris au piège dans la tempête.

Ils sont descendus du train, s'attendant à attendre la fin de la tempête, mais lorsque l'accompagnateur a regardé autour de lui, on a pu voir Bjorn sprinter sur le quai après le train en partance et sauter à bord.

« Si quelque chose vous était arrivé, votre Altesse, je... »

« Je vais bien, comme vous pouvez le voir, alors arrêtez de vous inquiéter. »

Bjorn se leva du lit et enfila un peignoir qu'il avait jeté sur le dossier d'une chaise. Une fois couvert, il se dirigea vers la fenêtre. Une fois les rideaux tirés, la pièce fut inondée d'une lumière éclatante. Il s'assit sur le rebord de la fenêtre et contempla le paysage hivernal.

Le bruit des rires d'une femme attira son attention sur le jardin, où il vit Erna et Lisa jouant dans la neige, en train de fabriquer un bonhomme de neige. Erna était vêtue d'une robe à fleurs maladroite, tout comme l'Erna qu'il avait connue.

En écoutant les rires des deux femmes, dont la joie emplissait l'air, un sourire se dessina sur ses lèvres. Bjorn se tourna vers son assistant avec une expression contemplative.

« Êtes-vous doué pour construire des bonshommes de neige ? »

« Pardon... » Le préposé cligna des yeux de surprise, trouvant la question absurde.

Au lieu de répondre, Bjorn se contenta de sourire à nouveau.

Ps de Ciriolla : dans mes yeux... c'est rien juste un peu de poussière

Tome 1 – Chapitre 144 – Vous serez vaincus

Le Prince avait jeté le gant, c'était la seule explication pour laquelle il était sorti dans la neige et avait commencé à rouler une boule.

Cet homme aux titres si élogieux et grandioses, le premier prince de Lechen, le grand duc et le prince héritier, tout cela n'avait plus d'importance maintenant que Lisa et Erna le regardaient avec stupéfaction construire un bonhomme de neige.

Son assistant semblait tout aussi déconcerté, tournant autour du prince, offrant son aide, bien qu'il n'ait aucune idée de ce qu'il faisait et qu'il ait l'impression que le ciel et le sol avaient été inversés.

« Hé, votre Altesse » dit Lisa à Erna, elle a compris ce qui se passe.

Erna n'avait pas cessé d'observer le prince d'un air sceptique, et avait finalement reporté son attention sur la construction d'un bonhomme de neige. Lisa se sentit soulagée tandis qu'elles continuaient à construire. Erna plaça timidement et délibérément des fleurs sur le bonhomme de neige, tandis que Lisa nouait un ruban autour de son cou.

« Voilà, ce bonhomme de neige est pour vous, votre Altesse » dit Lisa.

Le bonhomme de neige était aussi beau qu'Erna. Erna regarda le bonhomme de neige avec chaleur et frappa ses mains l'une contre l'autre. Le rire était aussi clair que le ciel bleu sans nuages.

Le son de ce rire fit que Bjorn arrêta ce qu'il faisait et se tourna vers Erna. Son teint pâle et ses yeux sombres l'inquiétaient toujours, mais la voir sourire le soulagea.

Elle avait pleuré jusqu'à l'épuisement la nuit dernière, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de larmes à verser. Il l'avait prise dans ses bras à ce moment-là, lui avait offert le réconfort qu'il pouvait, mais une fois ses pleurs terminés, elle l'avait repoussé fermement et avait pris ses distances une fois de plus.

« Votre Altesse, c'est... » bégaya le préposé.

Bjorn était occupé avec sa propre boule de neige. Elle était de taille appropriée pour la partie inférieure d'un bonhomme de neige, mais il lui manquait quelque chose, la boule de neige ne répondait pas à l'examen rigoureux du prince.

« Nous devons faire plus d'efforts » dit Bjorn en montrant du doigt le champ de neige immaculé qui s'étend devant eux. « Tu ne crois pas ? »

Bjorn continua à faire rouler la boule de neige géante, suivi de près par le préposé, qui marmonnait et murmurait tout le temps. Ses gazouillis se mêlaient à ceux des oiseaux dans les arbres.

*****************************

Énorme.

Lorsque Bjorn a fini de dérouler le bonhomme de neige, il était énorme. Vraiment énorme.

Erna regardait, à côté de leur bonhomme de neige, le prince qui ne donnait aucun signe d'arrêt, jusqu'à ce que la boule prenne des proportions ridicules. Si on la comparait à une maison, son bonhomme de neige, debout à côté de sa création, ne dépassait pas la hauteur d'une cheminée.

Lorsqu'il eut fini de construire son bonhomme de neige, celui-ci éclipsait la tentative d'Erna et Lisa. Il était difficile de croire que Bjorn était capable de faire un bonhomme de neige de la taille de celui qu'il avait fait, sans autre aide que celle de son assistant.

Cela faisait mal de l'admettre, mais le prince était vraiment doué pour faire des bonshommes de neige.

« Je pense qu'il serait parfait, si seulement il portait mon emblème » dit Bjorn en prenant du recul et en admirant son travail.

Bjorn se servit de ses mains pour travailler la neige du ventre du bonhomme de neige. Il sculpta avec soin et précision l'écusson royal du mieux qu'il put. Même s'il ne s'agissait que d'un bonhomme de neige, il se sentait obligé de terminer ce qu'il avait commencé avec une perfection absolue.

Pendant ce temps, le préposé s'était enfui dans la maison et lorsqu'il revint, Bjorn admirait son travail et le préposé lui tendait un cigare de la victoire.

Pourquoi diable a-t-il apporté cette chose ici ? se dit Bjorn.

Alors qu'il réfléchissait à l'avenir du préposé, il entendit un doux rire et ses yeux rencontrèrent ceux d'Erna. Bien qu'elle ait une certaine rigidité lorsqu'ils se regardent l'un l'autre, ses lèvres se transforment en un sourire, plutôt qu'en une grimace, et Bjorn lui rend son sourire.

Il prit le cigare des mains du préposé et le plaça dans la bouche du bonhomme de neige, désormais orné de l'écusson des Dniesters.

« C'est moi et c'est toi » dit Bjorn en désignant chaque bonhomme de neige. Erna examina le bonhomme de neige avec le cigare et celui avec toutes les fleurs.

« Pourquoi l'as-tu fait aussi grand ? » dit Erna.

« Parce que je suis grand. »

« Je pense qu'il serait effrayant la nuit »

« Si tu as peur, je peux te réconforter »

« Non » Erna a craqué avec une expression sérieuse sur son visage, ses joues rougies et son apparence magnifique.

Bjorn regarda sa charmante épouse, les yeux plissés par la lumière du soleil se reflétant sur la neige. En se rappelant les choses absurdes qu'il avait faites hier, juste pour voir ce visage, il éclata de rire.

Lorsqu'il arriva à sa destination finale et qu'il prévit d'y passer la nuit, il ne semblait pas y avoir de raison pour qu'il se rende à Buford si le temps rendait le voyage impossible.

Cependant, lorsque le klaxon du train commença à résonner, une émotion inexplicable surgit en lui. C'était une impulsion irrationnelle qui le poussait à faire demi-tour. Bjorn se retourna et traversa rapidement le quai, montant dans le train en marche, à l'encontre du comportement attendu d'un prince de Lechen.

À cet instant, sa décision était uniquement motivée par sa dévotion inébranlable envers Erna. Bjorn Dniester, après tout, n'était qu'un homme dévoué à cette femme.

Tout ce qui concernait Erna était en constante évolution, ce qui l'empêchait de la prédire. Cela le laissait constamment confus, mais une chose était claire, il était un délicieux désordre.

Mrs Fitz lui avait conseillé d'aller à Buford et de reconquérir ce qu'il désirait, comme un Dniester, mais lorsqu'il s'agissait d'Erna, cela ressemblait plus à un jeu sans aucune chance et il savait qu'il pouvait être vaincu à tout moment.

Il aimait le frisson, joué à un jeu où il ne pouvait pas dire quelle était la main gagnante, il ne voulait pas s'arrêter. Il jouait volontiers, car la victoire n'était plus sa principale préoccupation.

Lâchant un soupir de résignation, Bjorn leva les yeux au ciel. Erna avait dévoilé son cœur et maintenant c'était à son tour. C'était écrasant et effrayant, mais il ne voulait plus l'éviter.

Bjorn se baissa et ramassa une poignée de neige qu'il reforma en boule.

« Qu'est-ce que tu fais maintenant ? » demanda Erna.

« Bébé Dniester » dit Bjorn après un moment de réflexion, puis il se remit à faire le petit bonhomme de neige. « Notre enfant » Il dit : « Notre enfant »

Erna ne savait plus où donner de la tête et mâcha plusieurs fois sa courte réponse, ne comprenant pas ce qu'il faisait, ni pourquoi.

Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

Erna cligna des yeux et s'approcha lentement de Bjorn, qui était absorbé par la fabrication du petit bonhomme de neige. Sous le regard de Lisa et de la gardienne, ils décidèrent de se retirer discrètement, de sorte que seuls Erna et Bjorn restèrent ensemble dans la neige.

« Pourquoi êtes-vous comme ça ? » dit Erna, « pourquoi fais-tu cela pour un enfant qui ne t'intéresse pas ? »

Erna pouvait sentir le venin de la colère dans ses paroles et elle se sentit envahie par l'émotion. Elle avait ouvert son cœur à Bjorn, mais elle le regrettait maintenant. Elle ressentait un mélange de honte et de colère, comme s'il avait envahi ses sentiments les plus intimes et qu'il les avait fouillés.

« Est-ce que tu as pitié de moi pour ma bêtise ? Sinon... »

« La nouvelle de notre grossesse m'a aussi rendu heureux » a dit Bjorn en complétant le corps. « Comment pourrais-je ne pas l'être, Erna ? C'était notre enfant »

Erna le regarda avec perplexité, sans rien dire, mais la bouche bougeait et tremblait.

« Je pensais qu'il te protégerait du mal causé par ton père et que personne n'oserait chasser ma femme, la mère de mon enfant. Dès le ventre de sa mère, l'enfant a rempli son rôle. Il possède la bravoure d'un Dniester. »

Bjorn sourit, soupira et se pencha à nouveau pour construire un autre bonhomme de neige. Malgré ses mains rougies par le froid, il semblait à peine reconnaître ses doigts froids.

« Je reconnais que je n'ai pas accordé à l'enfant la priorité qu'il méritait, mais tu as toujours été la première de mes préoccupations, alors je me suis concentré sur ce que je devais faire pour te protéger. Cela m'a tellement accaparé que tout le reste, même si c'est mon enfant, je le mettrai au second plan »

Tandis que la conversation se poursuit, un bébé bonhomme de neige est achevé. Bjorn fouilla dans le panier que Lisa avait apporté avec elle, à la recherche d'une fleur appropriée. Il trouva un délicat perce-neige. La même fleur qui fleurissait en abondance dans les forêts lors de leur visite de l'année dernière.

L'image d'Erna en cette belle journée de printemps, debout parmi les petites fleurs, revint à l'esprit de Bjorn. Leur enfant, conçu ce jour-là, serait devenu une femme charmante, comme sa mère, s'il était venu au monde sain et sauf.

« Notre fille aurait été aussi belle que toi. »

Ps de Ciriolla: Une fille... ca aurait été une petite princesse TT TT

Tome 1 – Chapitre 145 – Quand les bonhommes de neige fondront

« Comment... comment le sais-tu ? » dit Erna en regardant Bjorn d'un air absent.

« J'ai demandé au docteur. »

Les souvenirs d'une fin d'après-midi d'été lui reviennent en mémoire. Le lendemain, après avoir rangé les affaires de leur enfant, il était allé voir le médecin.

Dans la clinique, Bjorn avait demandé le récit détaillé de tout ce qu'ils savaient sur leur enfant, depuis la confirmation de la grossesse jusqu'à la malheureuse fausse couche.

Ce jour-là, le médecin a donné une explication détaillée, abordant tous les aspects, y compris le sexe de l'enfant à naître, bien que Bjorn ne puisse pas se souvenir des détails de l'explication qui a suivi en raison du choc écrasant.

Le médecin l'a rassuré à plusieurs reprises en lui disant que la fausse couche était un phénomène courant et qu'elle n'était imputable à personne. Il l'a également réconforté en lui disant qu'il était toujours possible qu'un enfant en bonne santé naisse à l'avenir.

Ce n'est la faute de personne.

Bjorn a reçu la confirmation qu'il attendait, ce qui a permis à la visite de remplir son objectif.

« Notre enfant.... était une fille » déclara calmement Bjorn.

« Pourquoi ? »

Erna fit un pas vers Bjorn, portant les mains à sa poitrine comme si elle priait. Il y avait à peine un pas entre eux, le bonhomme de neige entre eux, orné simplement d'une perle de neige. Bjorn sentait les larmes couler, il garda le silence et détourna le regard. Où qu'il regarde, tout était d'un blanc pur, couvert de neige, et le soleil éclatant lui piquait les yeux.

« Fille ou garçon, je ne savais pas ce que nous allions avoir, alors je suis sorti et j'ai acheté deux peluches » raconta Bjorn.

« Une peluche ? » dit Erna. Elle a versé des larmes plus rouges que la teinte gelée de ses joues

« Oui, un cadeau pour notre enfant, le jour même où nous l'avons perdue. »

Bjorn ne put s'empêcher d'émettre un petit rire. Les mots qui avaient été si difficiles à imaginer auparavant, coulaient aussi librement que de la soie.

« C'est ce jour-là que j'ai compris que tous les problèmes avaient été résolus et que je pouvais enfin comprendre tout ce que j'avais fait de mal, à toi et à tout le monde. Eh bien, ce n'était qu'une chose après l'autre, hein ? »

« Un cadeau pour notre enfant, toi ? » Erna eut du mal à exprimer les mots.

« Ce n'était pas le genre de cadeau que tu n'aimes pas, je l'ai choisi personnellement, alors que tout le grand magasin bourdonnait de ma présence »

Bjorn essaya de sourire, mais il n'en eut pas la force. Une soif soudaine l'envahit, comme si du papier de verre raclait sa gorge. Il sentit un malaise lui tordre les nerfs, le genre de malaise qui l'aurait normalement poussé à fumer un cigare.

« J'ai acheté un petit ours, un avec des rubans bleus et un autre avec des rubans roses. Il était si mignon et si doux qu'il m'a fait penser à toi » Même s'il savait qu'il racontait n'importe quoi, Bjorn n'a pas pu s'en empêcher.

Les souvenirs qu'il essayait de repousser lui revenaient en mémoire : la fourrure chaude et douce dans ses mains, l'odeur du coton, l'éclat des yeux et de la truffe. Bjorn se souvenait des détails de l'employé qui lui souriait, de la foule qui se pressait pour l'apercevoir, ne serait-ce qu'un peu. Pendant tout ce temps, il ignorait que son enfant était mort.

« Après avoir acheté la peluche, j'ai vu quelque chose de joli, quelque chose que je pensais sincèrement que tu aimerais et je voulais te montrer que je voulais être un bon mari et un meilleur père. Mais pendant tout ce temps, tu souffrais, tu étais seule »

Bjorn a essayé d'en rire, mais il n'y est pas parvenu. Il avait été un bâtard stupide, qui ne pouvait pas se détourner d'activités inutiles parce qu'il avait tant à donner. À ce stade, les cadeaux maudits lui semblaient être la cause de tous ses malheurs.

« J'aurais dû rentrer chez nous. Si je l'avais fait, au moins tu n'aurais pas été seule »

Bjorn essuya calmement les gouttes d'eau sur sa joue et remit ses cheveux en place.

Même s'il avait perdu son sang-froid, il se tenait toujours debout et fier.

« Bjorn... »

Erna ne pouvait pas croire ce qu'elle entendait. Elle savait que Bjorn ne mentirait jamais de la sorte, elle savait donc que c'était ce qu'il ressentait sincèrement. Elle n'arrivait pas à croire ce moment.

« Pourquoi ne me l'as-tu pas dit plus tôt ? » Erna lui tendit une main tremblante. «

Pourquoi ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? »

Bjorn respira profondément et ouvrit les yeux. A travers sa frange, ses yeux gris brillaient comme un champ de neige froid et étincelant.

« J'ai eu peur, Erna. » La voix de Bjorn était plate et calme. « Je ne trouvais pas les mots et je ne voulais pas trouver d'excuses. J'avais peur d'affronter la vérité et je voulais simplement l'ignorer, vivre comme si rien ne s'était passé. Les fausses couches sont fréquentes, la nôtre n'était pas unique, alors je me suis dit qu'avec le temps, tout irait bien et que nous pourrions réessayer »

Son visage reflétait la lumière du soleil et était beau, mais légèrement déformé par la tristesse de ses yeux.

« N'est-ce pas ironique que le fils que j'ai revendiqué comme le mien soit né hors mariage d'un autre homme ? Alors que mon véritable enfant, ma chair et mon sang, a été perdu dans un accès de rage par un imbécile méprisable »

Bjorn regarda Erna en silence pendant un moment. Les pensées et les émotions confuses qui avaient été enfumées refirent surface dans son esprit, claires et nettes comme de la neige fraîchement tombée.

Il voulait faire comprendre que ce n'était pas de sa faute, afin de se débarrasser de la culpabilité et des remords.

À cause de lui, Erna a vécu une série d'événements terribles qui l'ont affaiblie mentalement et physiquement. Tout était clairement de sa faute, parce qu'il n'a pas soutenu sa femme comme un bon mari.

Ni les abus de Walter Hardy, ni la vérité sur Gladys ne sont responsables de l'état d'Erna. Il avait poussé sa femme à bout et n'avait pas tenu compte de ses besoins. Il lui avait infligé la blessure la plus profonde qui soit.

Penser qu'Erna continuerait à endurer était égoïste et stupide. Les larmes menaçaient de remonter en lui. Tout ce qu'il avait à faire était de tenir la main de sa femme et de lui dire qu'il l'aimait, un simple aveu de ses sentiments, mais en fin de compte, il ne pouvait pas se résoudre à prononcer ces mots.

« J'aurais dû te protéger, quand j'ai appris la nouvelle de ta grossesse, si je t'avais félicitée et assuré que je m'occuperais de tout, en te disant de ne pas t'inquiéter, peut-être aurions-nous pu protéger notre enfant. Ou si je ne t'avais pas tenue comme ça cette nuit-là. Notre enfant serait peut-être encore en vie. Chaque fois que j'y pense, j'ai l'impression de devenir fou »

Bjorn se souvient de la nuit où il a enfin laissé libre cours à son désir pour Erna, qui était terrifiée, incapable de pleurer. Il a regardé Erna et a ressenti un désir irrésistible de la serrer contre lui, de sentir son corps chaud contre le sien. Il voulait trouver du réconfort dans son doux parfum. Consumé par ce désir pour Erna, il s'approcha d'elle.

« Je sais que tout est de ma faute »

Il avait tué leur fille.

Bjorn sent qu'il peut enfin affronter l'abîme de culpabilité et de tristesse qu'il a enfoui au plus profond de lui. Ce faisant, il a enfin compris ce qu'il devait dire à Erna.

« Je suis désolé »

Bjorn regarda Erna droit dans les yeux et s'excusa silencieusement. Le couple se regarda en silence pendant un moment, le vent léger faisant bruisser la robe d'Erna et la queue du manteau de Bjorn.

« Je n'ai jamais réussi à deviner ce que je devais faire, alors j'ai enfoui mes sentiments au plus profond, comme un lâche. » Bjorn rit à nouveau, ne serait-ce que pour s'empêcher de pleurer.

Désolé

Erna sembla se rendre compte que les mots qu'elle l'a entendu prononcer la nuit dernière, alors qu'elle était dans ses bras, ne sont pas le fruit de son imagination créée par le blizzard.

« Je suis désolé de ne pas avoir fait mon deuil avec toi, je voulais m'excuser et faire mon deuil, mais j'avais peur d'admettre que c'était de ma faute. Je pensais que je te perdrais et, eh bien, j'ai fini par te perdre quand même » Bjorn essaya de garder son calme, mais cela devenait de plus en plus difficile.

Erna rit. Elle riait jusqu'à en pleurer, comme si elle était la méchante d'un conte. Il préférait le cacher à jamais, pour qu'elle puisse le haïr à sa guise, parce que c'était ce qu'elle pensait qu'il méritait, alors qu'est-ce qu'elle était censée faire maintenant, avec son cœur marqué de la sorte ?

« Je suis sûre que tu t'en rends déjà compte, mais ton mari, Erna, est un trou du cul qui a voulu croire que tout pouvait s'arranger avec de l'argent et des cadeaux. Jusqu'à maintenant »

Erna l'observa et serra involontairement ses lèvres l'une contre l'autre. Elle agrippa le tissu de sa jupe et se tint fermement dans le champ de neige, les bonshommes de neige se tenant tranquillement en sentinelle. Elle était déterminée à ne plus être affectée par l'amour toxique de cet homme.

« J'étais occupé à acheter ces cadeaux frustrants, et je n'ai même pas pu lui dire adieu lorsqu'elle nous a quittés »

La lumière du soleil hivernal jette une lueur pâle sur son visage tranquille. Bjorn ralentit sa respiration rapide et contemple le bonhomme de neige d'une blancheur éclatante.

Le bonhomme de neige qu'il tenait dans sa main se transforma en une petite fille. Avec des mèches brunes et des yeux bleus étincelants. Les rubans de ses cheveux flottaient comme les ailes d'un papillon lorsqu'elle sautait sur son champ de neige. Lorsqu'elle le regarda, l'enfant s'exclama avec enthousiasme : « Papa ! » en agitant sa petite main.

L'enfant avait le même sourire affectueux que sa mère et Bjorn savait que s'il la prenait dans ses bras, il serait imprégné de l'odeur des biscuits chauds.

Bjorn leva sa main libre et essuya les larmes du visage d'Erna, puis il lui prit doucement la joue.

Mais je n'ai jamais pensé qu'elle n'était rien. Elle était mon premier enfant et notre premier bébé précieux. Toutes ces paroles et ces excuses arrivent peut-être trop tard, mais elles sont toujours sincères. »

Il était temps pour eux deux de se réveiller du rêve, d'échapper au cauchemar qu'ils avaient créé ensemble.

« Alors Erna.....quand les bonshommes de neige fondront, laissons notre enfant partir avec eux, laissons-la enfin se reposer. Ainsi, comme tu le souhaites, elle pourra aller dans un endroit meilleur »

Bjorn regarda Erna d'un regard doux comme la lumière du soleil au printemps.

« Cette fois, je serai là avec toi, pour t'aider à faire tes adieux. »

Alors qu'il souriait, les cris d'Erna retentirent dans le champ de neige silencieux.

Tome 1 – Chapitre 146 – Coucher de soleil

Le médecin du village est venu à Baden House lorsqu'il a été appelé. Il semblait de bonne humeur jusqu'à ce qu'on l'informe de l'identité du patient, puis il a semblé vieillir de plusieurs années. Il est devenu pâle pendant qu'on le conduisait dans les escaliers et, lorsqu'il est arrivé dans la chambre, il était plus affligé que le patient lui-même.

Malgré le froid, le médecin transpirait. On le laissa s'occuper de sa consultation, se penchant sur le prince de Lechen qui gisait dans le lit, les yeux fermés. Erna se tenait près de la fenêtre, l'observant. Elle trouva Bjorn dans l'état où il se trouvait et appela immédiatement le médecin. Le visage de l'assistant de Bjorn devint sombre lorsqu'elle lui annonça la nouvelle.

La matinée, par ailleurs paisible, de la Maison de Baden fut plongée dans le chaos. La baronne Baden envoya un cocher chercher le médecin du village. Mme Greeve se retira dans la cuisine pour préparer une soupe de poulet et les autres domestiques s'occupèrent des besoins du patient.

Erna fait les cent pas dans la maison, anxieuse, incapable de se concentrer sur une seule tâche. Elle remarqua que Bjorn n'allait pas bien lorsqu'ils rentrèrent après avoir fait les bonshommes de neige. Si seulement il n'avait pas affronté le blizzard, il n'aurait pas pris froid.

C'était presque amusant de voir Bjorn ne pas se rendre compte qu'il était malade et elle était trop gênée pour admettre qu'elle n'avait rien dit parce qu'elle n'arrivait pas à le regarder en face assez calmement. Tout en faisant les cent pas dans la pièce, elle pouvait voir les bonshommes de neige par la fenêtre. Un grand avec un cigare dans la bouche, un plus petit avec des fleurs dans les cheveux et un bébé Dniester.

« Maintenant, veuillez vous allonger et vous reposer »

Peu après que tout le monde ait quitté la pièce et qu'Erna se soit retrouvée seule avec Bjorn, celui-ci a ouvert les yeux et l'a regardée. Il s'est lentement redressé, a bu une gorgée d'eau, puis s'est recouché. Erna s'approcha timidement de lui, ajustant maladroitement son oreiller et remontant les couvertures sur lui.

« Tu m'inquiètes vraiment parfois, tu le sais ? » Erna lui dit doucement, les premiers mots qu'elle lui adressait depuis longtemps.

Bjorn la regarda s'installer sur une chaise à côté du lit.

« Je parie que ce serait très pratique pour toi d'être débarrassée d'un mari qui ne veut pas divorcer » dit Bjorn.

« Qu'est-ce que tu as dit ? »

« Quand je mourrai, tu auras tout. C'est bien mieux qu'une pension alimentaire » dit Bjorn en riant faiblement.

Erna n'a pas trouvé cela très drôle et l'a regardé avec un air choqué. Ils se regardèrent un long moment, puis Bjorn tourna lentement la tête et regarda le plafond. L'air de la pièce était très étouffant, à cause du poêle qui avait été allumé pour garder le patient au chaud.

« Si vous avez besoin de quoi que ce soit... » dit Erna.

« Va-t-en » Bjorn lança les mots en l'air avant qu'Erna ne puisse terminer, la surprenant ainsi. « Si tu n'as pas envie de sortir avec moi, tu n'as pas besoin de t'intéresser à moi maintenant » Il ferma lentement les yeux.

Erna lança un regard à Bjorn, puis se sentit gênée. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu'il l'avait rejetée. Elle pinça les lèvres, se leva de son siège et, en le regardant fixement, vit une épaisse couche de sueur sur son front. Elle considéra le bol d'eau fraîche qu'une servante avait apporté, mais ne put se résoudre à prendre l'éponge.

Au milieu de leur situation actuelle, tout était flou dans son esprit et il lui était difficile de savoir quoi faire. Erna tira les rideaux et laissa Bjorn seul. Dès qu'elle eut refermé la porte derrière elle, elle poussa un soupir de frustration.

« Votre Altesse » Erna sursauta alors que l'accompagnateur de Bjorn sortait de nulle part « Le prince pense beaucoup à vous. »

Erna remercia d'un signe de tête, sans rien dire et continua dans le couloir, mais l'accompagnateur avait d'autres choses à dire.

« Il s'est donné beaucoup de mal pour organiser son emploi du temps afin de revenir à l'heure, même s'il ne pourra rester que quelques jours avant de devoir retourner en ville. Je pense qu'il aimerait que vous restiez à ses côtés un peu plus longtemps » Le préposé s'inclina pour s'excuser. « Je sais que j'ai peut-être dépassé les bornes, mais il fallait le dire »

« Il va bientôt retourner à Schuber ? » damenda doucement Erna.

« Oui, votre Altesse, il doit être de retour lundi. Il y a beaucoup d'affaires qui requièrent son attention directe dans les banques et avec la famille royale. Il a déjà reporté beaucoup de réunions et le voyage pour pouvoir être ici avec vous, mais cela ne peut plus attendre »

« Quel voyage ? » demande Erna.

Le préposé la regarda un instant, confus, et il était clair à son ahurissement qu'il avait dit plus que ce qu'il voulait dire.

« Euh, ce n'est pas à moi de le dire, votre Altesse »

« Pourtant, vous l'avez déjà fait » dit Erna d'un ton féroce.

« Ah, c'est juste que... ça devait être une deuxième lune de miel, un cadeau pour votre anniversaire, il devait vous emmener dans le sud, là où il fait plus chaud, mais à cause de votre venue à Buford, il a dû annuler »

Lune de miel ?

Erna laissa échapper un sourire ironique en pensant à une seconde lune de miel.

Pendant qu'elle essayait de divorcer, il se préparait à une seconde lune de miel ? C'était vraiment un homme égocentrique et arrogant.

« Votre Altesse ? »

Erna regarda le préposé avec un soupir, les émotions se bousculant dans son esprit.

Au bout de son couloir, la lumière du soleil qui brillait à travers sa fenêtre ressemblait à une lumière platine brillante, tout comme lui.

******************************

Bjorn rêvait, c'était le genre de rêve qui se dissipait à la seconde où il ouvrait les yeux, mais dont il sentait encore la chaleur dans son cœur. La première chose qu'il vit fut le plafond, qui lui était désormais familier.

« J'allais te réveiller, mais tu t'es déjà réveillé. »

Bjorn entendit la voix d'Erna.

Il tourna lentement la tête, son esprit semblant encore bouger douloureusement dans son crâne. Elle était assise dans le fauteuil à côté du lit. Était-ce encore le rêve ? Bjorn se souvenait qu'elle était partie avant qu'il ne s'endorme. Elle avait dû revenir pendant qu'il dormait.

« Je t'ai apporté à manger, mange, s'il te plaît. »

« C'est un rendez-vous ? »

« Non. »

« Alors partez, s'il vous plaît »

La fièvre avait disparu, grâce aux médicaments fournis par le médecin, mais son corps se sentait encore lourd et faible. Il pouvait se rendre compte de son état sans avoir besoin d'un miroir.

« Vous devez manger »

« Laissez-le sur le bureau »

« Non, je veux m'assurer que tu manges »

Erna se leva de sa chaise et brandit une serviette comme une arme. Bjorn se rendit compte qu'Erna avait l'intention de le nourrir de force s'il le fallait.

« Pourquoi fais-tu cela, si tu ne veux pas sortir avec moi ? » Bjorn regarda Erna, qui avait apporté un plateau de soupe et de pain blanc, avec des yeux agacés.

« Je fais ce que je veux. »

« Quoi ? »

« Tu fais ce que tu veux » dit Erna calmement, « qu'y a-t-il de mal à ce que je fasse ce que je veux ? Maintenant, mange. »

Bjorn choisit de se nourrir lui-même, plutôt que de subir l'embarras d'Erna. Il mangea la soupe de Mme Greeve sous le regard scrutateur d'Erna, ce qui rendait la situation très embarrassante, et une fois qu'elle se fut assurée que Bjorn avait avalé chaque bouchée, elle appela une servante pour qu'elle emporte la vaisselle sale.

********************************

Une fois la vaisselle emportée par la servante, la chambre s'installa dans la tranquillité.

Ayant atteint son objectif, Erna se leva du fauteuil. Elle tira les rideaux et ouvra la fenêtre, laissant entrer l'air frais et la lumière du soleil dans la pièce.

Bjorn s'appuya sur ses coussins et regarda la silhouette de sa femme, illuminée par le soleil d'hiver. Il ressentit un sentiment d'apaisement dans son cœur. Faire face à la femme qui avait complètement dévoilé toutes ses faiblesses était intéressant. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais vécu auparavant, et il était donc difficile de porter un jugement sur la façon dont il devait l'affronter.

Erna s'était tenue près de la fenêtre, le visage tourné vers le soleil pendant un moment, puis elle avait baissé les yeux et s'était éloignée. Bjorn sentit qu'il savait où elle regardait. Il tira les couvertures, se leva et enfila un peignoir. Même s'il se sentait mieux, son corps avait d'autres idées et il avait encore mal quand il bougeait.

« Repose-toi » dit Erna, mais Bjorn se contenta de sourire en s'approchant d'elle et en s'appuyant sur la fenêtre.

« Ne t'inquiète pas, tu n'auras pas encore l'héritage. » Même s'il plaisantait, il avait l'air tranquille en regardant par la fenêtre.

Erna remarqua l'expression ambiguë, mais n'insista pas davantage. Tous deux restèrent debout à regarder le coucher de soleil qui jetait sa lueur rouge sur le jardin.

« Erna ? »

Il regarda les trois bonshommes de neige, baignés dans la lumière cramoisie, qui s'enfonçaient lentement dans l'obscurité. Erna se tourna vers lui, les yeux brillants.

Incapable de trouver les mots, Bjorn se contenta de la regarder en silence. Ils se regardèrent pendant un long moment, jusqu'à ce que Bjorn détourne le regard le premier.

C'était une sensation indescriptible, comme si tout son être était mis à nu, mais c'était plus que cela. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais rencontré auparavant et qui dépassait toutes les métaphores auxquelles il pouvait penser.

« Reposez-vous » ordonna Erna une fois de plus. « S'il te plaît. »

Alors que la nuit s'emparait du monde, la lumière du feu dans la pièce devint plus prononcée et fit passer la lumière d'Erna d'un violet profond et meurtri à un orange radieux. Bjorn poussa un soupir de résignation et se retira docilement dans le lit.

La sensation était plus qu'une simple mise à nu, il en était certain.

Ps de Ciriolla : tellement de douceur se dégage entre eux... chacun d'eux a pu vider son sac... ne reste maintenant que les émotions pures... et elles sont d'une pureté incroyable

Tome 1 – Chapitre 147 – Au revoir

Les bonshommes de neige dans le jardin ont fini par fondre, comme Bjorn l'avait dit, et il a passé ce temps avec Erna, comme prévu. Il n'y avait rien d'extraordinaire à cela.

Pendant que Bjorn dormait, Erna veillait sur lui. Elle préparait ses repas, lui administrait ses médicaments et essuyait doucement la sueur de son front.

Au fur et à mesure que Bjorn allait mieux, le temps qu'ils passaient ensemble devenait plus serein. Une fois libéré du lit, Bjorn sortait se promener, tandis qu'Erna poursuivait ses activités habituelles dans sa maison de campagne. La seule différence est que Bjorn est là, avec elle.

En allant voir Christa, ou pendant les moments où elle regardait distraitement les flammes vacillantes de la cheminée, où elle se promenait dans la maison, ou encore où elle préparait ses bouquets artificiels. Quoi qu'elle fasse, elle sentait toujours le regard de Bjorn s'attarder sur elle.

Lorsque leurs yeux se croisaient, Bjorn ne détournait pas le regard, il tentait d'engager une conversation agréable et Erna souriait, postant ses réponses et ses remarques spirituelles. Cette familiarité faisait écran à la tension qui régnait dans l'air et augmentait l'atmosphère d'une manière inhabituelle.

Un jour où Erna était en train d'arranger une composition florale, Bjorn est entré et s'est assis en face d'elle. Il l'a distraite et les fleurs ont commencé à se faner, gâchant la présentation. Erna soupira devant le rire de Bjorn, qui s'appuyait sur sa main et la regardait. Elle ne pouvait pas supporter de regarder l'étalage en ruine et regarda par la fenêtre. Elle ne pouvait pas se résoudre à faire d'autres fleurs.

Qu'est-ce qui avait changé ?

Erna se posait parfois cette question, face à un Bjorn apparemment inchangé. Le souvenir du jour où ils avaient construit ensemble les trois bonshommes de neige ressemblait à un rêve. Pourtant, chaque soir, au coucher du soleil, ils se tenaient ensemble à la fenêtre, avec vue sur le champ où se trouvaient les bonshommes de neige.

La promesse tacite. L'immense distance qui les séparait semblait se réduire.

Un soir, alors que le soleil se couchait et que le bébé bonhomme de neige n'était plus visible, ils se tenaient suffisamment près pour qu'elle puisse, par un tout petit mouvement, tendre la main et toucher celle de Bjorn. La perte d'un deuxième bébé avait quelque chose de significatif. Le lendemain matin, Bjorn est parti pour Schuber.

********************************

'Votre Altesse', dit Lisa en jetant un coup d'œil dans la chambre d'Erna. 'Le prince retourne à Schuber.

Erna s'était préparée pour sa promenade matinale, elle alla à la fenêtre et regarda vers le porche. Elle savait que Bjorn devait rentrer, mais elle n'avait pas pensé que ce jour était déjà arrivé.

« Je me demande si ce sera un court voyage cette fois-ci, ou s'il quittera Buford pour un bon moment » murmura Erna.

Lisa pencha la tête, confuse. Erna ne le remarqua pas, occupée qu'elle était à regarder Bjorn s'approcher de la calèche. Il était une fois de plus d'une formalité parfaite, un vrai prince de Lechen.

Erna se détourna de la fenêtre, mit son chapeau et partit pour sa promenade matinale.

Elle ne se rendit pas compte qu'elle marchait plus vite que d'habitude, mais Lisa, elle, s'en rendit compte et Erna sortit en trombe par la porte d'entrée. La soudaineté avec laquelle elle quitta Baden House fit tourner la tête à tout le monde, comme s'il s'agissait d'une grande urgence.

« C'est un honneur que tu viennes me voir partir » dit Bjorn, le seul à être encore calme.

« Mais bien sûr, vous sortez juste pour votre promenade matinale » Le soleil du matin illumine le sourire malicieux de Bjorn.

Erna ouvrit la bouche comme pour répliquer, mais la réplique qu'elle avait préparée en marchant dans les couloirs du manoir mourut sur ses lèvres et elle ferma la bouche sans rien dire.

« Ou est-ce que tu veux venir avec moi ? » Bjorn s'approcha d'Erna en levant la main.

« Non » Le mot est sorti instinctivement, sans qu'Erna le veuille, elle sentait qu'elle allait lui tendre la main et l'aurait probablement fait, si l'habitude n'avait pas pris le dessus.

Alors qu'elle tenait l'ourlet de sa jupe, sa main droite tremblait légèrement. Elle se souvint de la façon dont Bjorn lui avait serré la main la veille au soir, alors qu'ils regardaient le bonhomme de neige sous le soleil couchant. Leurs bras se touchaient presque, et la main large et douce de Bjorn entourait la sienne. Erna ne pouvait se résoudre à la lâcher et se concentrait sur le bonhomme de neige à l'extérieur de la fenêtre. Pendant ce temps, leurs doigts s'entrelaçaient étroitement, créant un lien indéfectible.

C'était étrange.

Ils formaient un couple. Ils avaient fait beaucoup de choses ensemble et c'était gênant d'y penser maintenant, mais pourquoi ? Était-ce si difficile de supporter l'idée que leurs mains se touchent ?

Finalement, Bjorn respecta sa réponse et retira sa main, Erna regretta brièvement de ne pas sentir son contact sur sa peau et rougit.

« Ce n'est pas grave, ça veut dire que je vais devoir revenir vers toi » Bjorn acquiesça et sourit.

Ne viens pas. Elle voulait le dire, mais les mots n'ont jamais dépassé son imagination et se sont évaporés sous le choc de Bjorn qui a saisi ses doigts et embrassé le dos de sa main.

Oh, mon Dieu. cria-t-elle dans son esprit. La sensation était si intense qu'elle marmonna lorsque Bjorn lâcha sa main et la laissa retomber à ses côtés.

Lorsque Bjorn se retourna pour monter dans la voiture, elle se frotta le dos de la main avec dégoût. Même lorsqu'il s'assit et lui fit signe par la petite fenêtre, ses joues virèrent au rouge.

Erna se détourna de l'effronté avant que la calèche ne se mette en route et ne s'éloigne vers les bois enneigés. Erna se frotta le dos de la main jusqu'à ce qu'elle ait mal, et continua à se frotter.

***********************************

En l'absence de Bjorn, Erna reprit son train-train habituel, comme si tout était resté inchangé. Cependant, de temps en temps, elle se frotte le dos de la main sans raison.

Au cours d'un après-midi ordinaire, Erna a pris sa boîte à biscuits et est partie se promener. Elle devait faire attention à le faire à un moment où Lisa n'était pas là et se faufiler hors de Baden House.

Erna traversa un champ désolé et une forêt de l'autre côté. Après avoir marché pendant un certain temps entre les arbres stériles, elle arriva à une clairière familière, baignée par la lumière du faible soleil d'hiver et dépourvue de neige, la clairière avait une qualité éthérée.

Au milieu de la clairière, où l'on se sentait presque au printemps, Erna ouvrit la boîte à biscuits avec le plus grand soin. Le cigare, les fleurs et les rubans qui avaient orné les bonshommes de neige se trouvaient à l'intérieur. Les souvenirs qu'Erna avait récupérés lorsque les bonshommes de neige avaient fondu.

Erna posa la boîte à biscuits sur une pierre plate et sortit la pelle à fleurs d'un petit sac de paille. En la regardant, ainsi que le contenu de la boîte à biscuits, elle regretta de ne pas avoir apporté une plus grande truelle. Ne pouvant plus rien y faire, Erna se mit au travail pour creuser un trou assez grand pour y mettre la boîte à biscuits.

Lorsqu'elle estima qu'il était assez profond, elle se leva et s'étira le dos. Elle sortit un mouchoir et essuya le juron qui s'était formé sur son front. Elle rajusta ensuite ses cheveux et sa tresse ébouriffés. Ses gestes étaient volontaires et réservés, comme le ferait une grande duchesse et non une femme étrange qui vient de creuser un grand trou sale.

Se sentant plus présentable, Erna prit la boîte à biscuits et l'examina. Une fois qu'elle fut mentalement prête, elle plaça la boîte à biscuits dans le trou. Le bonhomme de neige sur la boîte sourit, comme il le faisait toujours, alors qu'il reposait dans la terre.

« Au revoir » dit Erna en souriant. Elle sentait qu'elle pouvait enfin se défaire de ce sentiment auquel elle s'était tant accrochée. Sans larmes.

Buford était un endroit magnifique et elle aimerait toujours sa ville natale jusqu'à son dernier souffle, mais Erna pouvait voir que ce n'était pas un endroit parfait et accepter que ce n'était pas un paradis immaculé. Elle savait qu'elle ne pouvait pas rester ici, cachée comme une fleur rare.

« Au revoir » Elle fit un adieu tendre à l'enfant qu'elle pouvait enfin laisser partir.

Elle ne l'oublierait jamais, mais au moins pourrait-elle s'en souvenir sans larmes ni tristesse. Le doux parfum des fleurs et du soleil printanier emplit Erna tandis qu'elle respire profondément, comme un miracle dans la forêt glaciale. Leur premier enfant est parti se reposer.

Erna effaça toute hésitation et commença à combler le trou. En peu de temps, la boîte à biscuits disparut et le jardin de fleurs creusé redevint entier. Au printemps, la clairière sera remplie de toutes sortes de fleurs sauvages, d'abeilles et d'oiseaux.

Avant de quitter la clairière, Erna a jeté un dernier coup d'œil à la clairière où elle avait pique-niqué avec Bjorn au printemps précédent, sous un bel arbre. Ils avaient échangé des rires espiègles comme des enfants, des bavardages sans poésie, leur intimité et leur affection non dissimulée. Elle sentit qu'elle allait pleurer, se détourna et sentit les lèvres de Bjorn comme il avait embrassé le dos de sa main.

Elle l'aimait tellement qu'elle sentait le bonheur dans son cœur. Même si elle s'endormait et se réveillait seule, elle ne se sentait pas aussi seule qu'elle l'avait été depuis l'enfance. Ils avaient créé une nouvelle illusion l'un pour l'autre, mais cette fois-ci, elle n'avait pas l'impression de mentir, d'être trompée. Est-ce que cela en fait toujours une illusion ?

Lorsqu'elle trouva enfin la réponse, son cœur ne se sentit plus tourmenté et Erna quitta la forêt sans se retourner. Elle traversa le champ désolé, franchit les haies et rentra dans la maison de Baden. Une chaleur agréable lui chatouilla le dos de la main.

« Votre Altesse » dit Lisa avec inquiétude. « Où étiez-vous passée ? Je vous ai cherchée partout »

Lisa avait l'air d'avoir quelque chose d'important à dire et lorsqu'elle donna son message à Erna, le sourire de cette dernière disparut.

Tome 1 – Chapitre 148 – La dernière cupidité

« D'après ce que j'ai entendu, votre vie amoureuse n'est pas au beau fixe » dit la duchesse Arsène en croisant le regard de Bjorn. Elle avait l'air malade, mais ne semblait pas aussi mal en point que le télégramme l'avait laissé entendre.

Bjorn poussa un soupir, la duchesse gardait un air chaleureux en regardant son petit-fils.

« Hé, ne me regarde pas comme ça, je vais toujours bien, comme tu peux le voir »

« Grand-mère »

Au lieu de sa réponse sournoise habituelle, Bjorn se résigna à l'anxiété qui l'avait saisi pendant le voyage. Il ne fut guère soulagé lorsqu'il se retrouva face à la femme souriante qui se tenait devant lui.

« La duchesse Arsène est très malade » La nouvelle lui est parvenue dans l'après-midi, à son retour à Schuber, après une journée de voyage mouvementée. Mme Fitz l'avait attendu devant la porte d'entrée et lui avait remis le télégramme. Elle le presse de se rendre au manoir d'Arsène, ce à quoi Bjorn répond en se retournant, en sautant à nouveau dans la voiture et en se dirigeant vers le manoir.

« Il fait froid » dit la duchesse.

« La pneumonie est plus qu'un simple rhume, grand-mère »

« S'il vous plaît, le rhume d'une personne âgée est plus bruyant que celui d'un jeune, le majordome faisait juste des histoires »

Bjorn laissa échapper un rire, tandis que Charlotte, qui se tenait au pied du lit, poussait un gémissement compatissant. La duchesse rit en même temps que Bjorn.

Elle observa Bjorn qui caressait tendrement le chat dont il ignorait le nom depuis dix ans et qu'il ne connaîtrait probablement jamais. Elle soupira et rit en pensant au caractère de Bjorn, réservé et insensible. Elle s'étonna qu'un homme comme lui puisse tomber amoureux d'une femme.

La duchesse Arsène gardait espoir, car elle comprenait que Bjorn sacrifie son amour-propre pour reconquérir sa femme. Cependant, elle était déconcertée par la faiblesse inattendue des compétences de Bjorn en matière de relations amoureuses.

La duchesse Arsène pensait que Bjorn possédait un talent exceptionnel, différent de celui de son père. Cependant, en y regardant de plus près, Bjorn était bien le fils de Philip Dniester.

Le loup maladroit de Dniester, qui s'était appuyé sur son extérieur charmant et gracieux sans grand succès. Mais il était amusant de voir son petit-fils se comporter comme un garçon innocent qui vivait son premier amour maladroit.

Combien de temps lui restait-il ? Récemment, elle s'était sentie incroyablement vieille, lorsque le médecin a dû la consulter à cause d'une petite fièvre et que le majordome l'envoyait chercher tous les deux jours. Elle commençait lentement à sentir qu'elle n'aurait pas assez de force pour affronter les défis du lendemain.

Elle n'avait pas beaucoup de regrets dans sa vie, mais si elle pouvait faire une dernière tentative pour réparer ses erreurs, ce serait avec Bjorn. Son souhait le plus cher était de voir Bjorn mener une vie joyeuse aux côtés d'une femme aimée. Ainsi, elle se sentait prête à accepter son inévitable disparition.

La duchesse prit une gorgée d'eau chaude pour s'humecter les lèvres, avant de sonner la cloche de service. La première chose qu'elle voulait faire était de dissiper les rumeurs selon lesquelles elle était à la porte de la mort.

Le majordome entra dans la pièce et remit à la duchesse une liste de toutes les personnes à qui il avait envoyé le télégramme urgent.

La duchesse s'exclame en parcourant la liste : « Cette mauvaise nouvelle a-t-elle vraiment atteint toutes ces personnes ? Même à la grande-duchesse, qui était si loin, vous avez fait preuve de diligence. »

« Je suis désolé, Votre Grâce, car la Grande-Duchesse vous aimait tant » dit le majordome.

La duchesse acquiesça, montrant sa compréhension, puis se tourna vers Bjorn. « Sans le vouloir, cette rumeur semble avoir un peu aidé votre mariage » Elle haussa un sourcil et sourit en tendant la liste à Bjorn.

« Considérez ceci comme une façon de vous faire pardonner la surprise »

« Erna a-t-elle aussi reçu un télégramme ? »

« C'est vrai, le télégramme disait que j'allais mourir, alors Erna, en bonne enfant qu'elle est, viendra sans doute. Je vous ferai savoir si je reçois un message d'elle, si vous le souhaitez » Les yeux de la duchesse pétillent d'espièglerie.

******************************

Le doux mouvement du train tira Erna de sa torpeur. Elle ouvrit les yeux sur un pays qui sortait lentement de l'obscurité et entrait dans la lumière, en direction de Schuber. Si rien ne retenait le train, elle serait à Schuber à midi.

Erna se leva de son siège avec précaution, pour ne pas déranger Lisa, qui dormait à côté d'elle. En sortant de la cabine, elle sentit une humidité dans l'air et une sensation de fraîcheur que les jours de pluie apportent souvent. Tous les autres étaient encore endormis et quittaient la voiture de deuxième classe en silence.

Erna posa son front sur le verre frais de la fenêtre et regarda la campagne morne, la pluie tombait maintenant sous forme de grésil.

Lorsqu'elle apprit que la duchesse Arsène était mourante, son cœur se serra. Dans la solitude et la méconnaissance de la Grande-Duchesse, la Duchesse Arsène était la seule à la chérir profondément, à prendre soin d'elle comme personne d'autre.

Après la fuite d'Erna vers Buford, la duchesse continua à lui envoyer régulièrement des lettres, contrairement au reste de la famille royale, qui ne s'est jamais même enquis des affaires de Bjorn. La duchesse écrivait des lettres réfléchies qui exprimaient une réelle inquiétude quant au bien-être d'Erna et à l'évolution de sa situation actuelle.

Erna ne savait pas à quel point la duchesse aimait Bjorn et à quel point elle voulait empêcher le divorce. Comme Erna ne pouvait pas fournir la réponse que la duchesse attendait, elle n'avait pas d'autre choix que de se détourner de ses appels sincères.

Si la duchesse était si malade, Bjorn allait avoir de gros ennuis. Il est certain qu'il a été profondément blessé d'apprendre que sa grand-mère, qui l'aimait beaucoup, n'était plus de ce monde. Erna pouvait comprendre ce qu'il ressentait, elle aurait sans doute ressenti la même chose lorsque sa propre grand-mère, la baronne de Baden, serait décédée.

Qu'est-ce qui est le mieux pour nous ?

Erna s'était éloignée de la fenêtre et avait réfléchi à la question. Le grésil s'atténuait et se transformait en délicats flocons de neige. Il faisait de plus en plus froid.

Même si elle tombait à nouveau amoureuse de lui, cet amour seul ne résoudrait pas tout.

En tant que Premier Prince de Lechen et Grand Duc de Schuber, être l'épouse de Bjorn représentait un poids supplémentaire. Erna ne voulait plus suivre les traces de la jeune fille naïve qui croyait que l'amour était la clé du bonheur.

Sera-t-elle un jour assez forte pour supporter ce poids ?

Erna se frotta inconsciemment le dos de la main en regardant le couloir de la voiture. Ils traversaient maintenant des montagnes.

« Votre Altesse ? Que faites-vous ? » La voix endormie de Lisa parvint à Erna par la porte. Erna cacha rapidement sa main et se tourna vers Lisa qui regardait à l'extérieur de la cabine.

« Votre Altesse, par hasard... » commença Lisa.

« Non. » Erna rougit soudain d'embarras, car elle a craqué sans le vouloir.

« Non ? C'est vrai, c'est vrai. »

« Non » répéta Erna, doucement.

« Bien sûr, suis-je vraiment si prévisible que tu saches ce que je vais dire avant que je ne le dise ? »

Erna sentait qu'elle ne pourrait pas résister à l'interrogatoire de Lisa, si elle insistait davantage, et s'éloigna de la fenêtre, faisant des pas hésitants pour s'enfuir. Au moment où elle tournait la tête vers la voiture-restaurant, il y eut un grondement assourdissant qui ébranla le monde entier.

« Qu'est-ce qui se passe... » dit Lisa, alors qu'elle s'apprêtait à poursuivre Erna. Elle n'eut pas la chance de terminer ses mots car un son métallique assourdissant la coupa et le train trembla violemment.

« VOTRE ALTESSE !!! »

Lisa cria à tue-tête et enlaça Erna. Le train déraillé se renversa, les vitres volèrent en éclats et l'on n'entendit plus que les cris terrifiés des passagers dans l'obscurité.

**********************************

Bjorn s'était rendu dans la salle d'attente VIP de la gare, au lieu de se rendre sur le quai.

Le domestique, incertain de sa décision, suivait les instructions de Bjorn avec une expression déconcertée sur le visage.

« Quand ma femme arrivera, amenez-la ici. »

Bjorn s'assit dans un fauteuil près de la cheminée et donna ses ordres au serviteur. Tout cela ne lui ressemblait pas et il était compréhensible que le serviteur ait l'air surpris, mais il s'en alla suivre ses ordres avec diligence.

« Alors, vous voulez dire que je dois amener la grande-duchesse ici ? »

« Oui. Exactement »

Bjorn regarda sa montre à gousset, ignorant les autres personnes présentes dans le salon VIP qui lui jettaient des regards curieux. Lorsque Bjorn a levé les yeux, remettant sa montre à gousset, les autres personnes présentes dans la salle l'ont salué d'un signe de tête respectueux. Bjorn se livra à des plaisanteries dans la mesure où les normes sociales l'exigeaient.

Descendre sur le quai aurait été une mauvaise idée, l'agitation que sa présence aurait provoquée n'aurait fait que décourager Erna et l'aurait tout simplement submergée dans l'agitation.

Les aiguilles de l'horloge avançaient lentement vers l'heure d'arrivée d'Erna. Erna arrivait. Ces pensées éveillèrent en lui une sensation particulière. Peut-être qu'Erna

était partie directement à l'hôpital en apprenant la nouvelle, sans jamais avoir l'intention de revenir vers lui.

Au fur et à mesure que le temps passait avant l'arrivée prévue du train, l'impatience de Bjorn se manifestait par un comportement anxieux. Il s'attendait toujours à un léger retard, ce qui était tout à fait raisonnable, surtout lorsqu'il s'agissait de localiser Erna dans la foule, mais au bout de dix minutes, le domestique n'était toujours pas revenu.

Ayant atteint les limites de sa patience, Bjorn se dirigea rapidement vers le quai, mais juste au moment où il allait sortir de la pièce, le serviteur fit irruption dans la pièce, le visage rouge vif.

« Votre Altesse, il y a eu un accident. »

Bjorn se figea, les yeux écarquillés et désespérés, alors même que son esprit parcourait les mots du serviteur, essayant de trouver un moyen d'avoir mal entendu, mal compris, mal interprété ce qu'il avait dit. Le serviteur reprit son souffle et prit un moment pour se ressaisir.

« Il y a eu un glissement de terrain dans les montagnes, le train a déraillé et... c'est le train dans lequel se trouvait la Grande Duchesse. »

Ps de Ciriolla : Je vous laisse la dessus.... jusquà demain... un vrai cliffhanger comme on les aime

Tome 1 – Chapitre 149 – Cette émotion

La gare centrale de Kassen était pleine de monde, tous étaient soit des victimes du train déraillé, soit des familles de victimes, soit des bénévoles épuisés. Les quais étaient le théâtre d'un désordre chaotique et désorganisé de blessés et de bagages, un désordre confus.

Bjorn est descendu du train de Schuber, le visage sans émotion. Le bruit et le souffle violent de l'air froid emplissent ses oreilles. Ignorant tout cela, Bjorn s'avança dans la foule. Son serviteur le suivait, essayant désespérément de ne pas le perdre dans la foule.

Bien que sa femme ait été victime d'un grave accident, Bjorn n'avait pas l'air de quelqu'un qui s'inquiète de la santé d'un être cher. Il se fraya simplement un chemin dans la foule, à la recherche du chef de gare, et une fois trouvé, Bjorn écouta attentivement son rapport.

L'accident s'était produit lorsqu'un mur de remblai s'était rompu et qu'une coulée de boue était entrée en collision avec le train. Certains wagons ont été ensevelis, il y a donc de fortes chances qu'il y ait des victimes. Malheureusement, les opérations de secours ont été entravées par la neige et un brouillard épais.

« Pouvons-nous encore utiliser la ligne de départ ? » demanda Bjorn, après avoir écouté le rapport des chefs de gare.

« Oui, un train doit bientôt partir, mais... »

Avant que le chef de gare n'ait pu ajouter quoi que ce soit, Bjorn s'était retourné et s'était précipité à la recherche du train en partance. Bjorn se fraya un chemin dans la foule jusqu'à l'endroit où le train attendait. Il fit de son mieux pour éviter de renverser les gens, mais c'était inévitable et dans son sillage fusèrent les cris de protestation.

« Prince, prince » le serviteur de Bjorn l'appelait. « S'il vous plaît, attendez, je vais prévenir Kassen de votre présence, demandez-leur de l'aide »

« Non » cria Bjorn par-dessus son épaule en retrouvant le train qui allait vers le sud. «

Nous n'avons pas le temps pour ça »

Le train était chargé de fournitures destinées à l'effort de secours. Sans hésiter, Bjorn s'approcha de la locomotive.

« Monsieur, puis-je m'asseoir avec vous ? » Bjorn demanda poliment, debout sur les marches qui menaient au compartiment du conducteur. L'homme a failli sursauter.

« Hé, jeune homme, si vous avez besoin d'un passage, allez sur la place, vous savez ce qui se passe... »

« Bien sûr que oui, j'ai besoin que vous m'emmeniez sur le lieu de l'accident, vous y allez, n'est-ce pas ? Ma femme... ma femme était dans ce train » Ses yeux, autrefois calmes, suppliaient maintenant l'homme de le laisser monter.

Le conducteur du train se gratta la nuque et prend un air gêné. Les wagons avaient été entièrement chargés et étaient prêts à partir. L'un des contrôleurs faisait des signes pour attirer l'attention du conducteur.

L'un des contrôleurs fit un signe de la main pour attirer l'attention du conducteur : «

D'accord, mais le voyage sera inconfortable, montez »

Sans hésiter, Bjorn monta rapidement dans le wagon contenant la trousse de premiers secours. Ses assistants, déconcertés, le suivaient rapidement. Une fois la porte fermée, le chariot partit en direction du lieu de l'accident, sans perdre de temps.

***********************************

« Son Altesse, le Grand-Duc ? »

La voix du maire de Kassen retentit dans la caserne où se trouvait le centre de commandement des secours. Il était surpris d'apprendre que le prince de Lechen se trouvait sur les lieux de l'accident et qu'il réclamait la liste des survivants.

Le maire sortit de la tente et vit une équipe de volontaires bloquer le chemin d'un jeune homme très grand, aux cheveux platine, qui essayait physiquement de se frayer un chemin parmi tout le monde.

« Poussez-vous tous, vous ne voyez pas que c'est le Grand-Duc ? »

Sur cet ordre sévère, les volontaires s'écartaient et prenaient un air gêné. Le Prince hésita et s'avança vers le Maire, qui ne cessait de s'excuser. Il le fit entrer dans la tente.

« Je vous présente mes plus sincères excuses, votre Altesse, nous avons travaillé sans relâche pour sauver tous ceux que nous pouvions. »

« La liste, où est-elle ? »

Bjorn ne s'attarda pas sur les formalités et montra clairement qu'il n'avait aucune patience pour les plaisanteries en ce moment. Le maire prit le presse-papier de son assistant et le tendit à Bjorn, qui le saisit comme s'il récupérait un objet précieux d'un pickpocket.

Le regard de Bjorn balaya la liste, ses yeux allant et venant entre les mots 'sauveteur',

'blessé' et 'mort'.

« Nous n'avons pas encore beaucoup progressé, votre Altesse, le temps rend les choses plus difficiles qu'elles ne devraient l'être. »

Un silence s'abattit sur le centre de commandement tandis que Bjorn regardait tous les noms de la liste. La seule chose assez courageuse pour rompre le silence était le bruit du papier que Bjorn feuilletait. Il parcourut la liste plusieurs fois, mais ne trouva aucune mention d'Erna.

Il rendit la liste au maire sans même un remerciement et quitta le centre de commandement pour se rendre sur les lieux de l'accident. La queue du train était complètement ensevelie, ce qui signifiait qu'il y avait des personnes ensevelies vivantes.

La vue des wagons mutilés et renversés fit bondir le cœur de Bjorn. L'épave tordue rappelait la dévastation que la boue et la pluie pouvaient causer.

« Votre Altesse, veuillez entrer » dit le maire, essayant de ramener Bjorn dans le centre de commandement, mais le prince resta immobile, fixé sur le cauchemar qui s'offrait à lui.

Les cris plaintifs des volontaires se mêlaient aux hurlements désespérés des victimes.

Le bruit perça l'air de la nuit et était porté par un vent glacial. De temps en temps, on apercevait une civière dont le fardeau était entièrement recouvert d'un tissu blanc, emportant la victime pour qu'elle rejoigne le reste des défunts. L'atmosphère sombre pesait lourdement sur Bjorn, qui assistait aux conséquences déchirantes de la mort.

À la tombée de la nuit, les congères reprenaient de plus belle. La lumière des sauveteurs n'était plus qu'un faible point de repère dans l'épouvantable nuit.

« Mon prince ? »

Le serviteur de Bjorn attira son attention pour lui offrir un parapluie et le regarda avec inquiétude. C'est à ce moment-là que Bjorn prit conscience des gens qui s'étaient rassemblés autour de lui, comme s'ils cherchaient une sorte de pénitence de sa part.

Bjorn se retourna et rentra dans la caserne. À chaque pas délibéré, ses pensées étaient de plus en plus accaparées par Erna, et ses pensées pour elle occupaient son esprit.

Il la voyait très bien, le jour où il était parti pour Schuber, se tenant résolument debout jusqu'à ce qu'il ne puisse plus la voir de sa voiture. Ses doux cheveux bruns et l'ourlet de ses jupes se prenaient dans le vent et semblaient être un dernier adieu.

Il se remémora le temps qu'ils avaient passé ensemble à Buford. Le confort de la soirée et la chaleur de leur compagnie alors qu'ils regardaient les bonshommes de neige fondre. C'était gravé profondément dans son cœur et il se sentait serein chaque fois qu'il pensait à Erna.

Il aurait aimé trouver un moyen d'exprimer l'émotion qui l'habitait, mais il hésita et dut maintenant ravaler ces mots de défi en retournant dans le centre de commandement. La neige s'intensifiait à chaque instant. La nuit serait sans doute difficile.

Erna. Chaque fois qu'il prononçait ce nom, son souffle s'élevait. Quelque part, elle gisait, saignante et gelée, dans un coin sombre de ce train. Le cœur de Bjorn criait vers elle, l'appelait, et elle l'attendait peut-être, lui qui n'arriverait jamais à temps.

Erna, sa femme, l'attendait et cette fois, il était déterminé à être là pour elle. Son souffle se bloqua dans sa gorge, comme si on l'étouffait, et la colère qui montait le força à sortir de l'inaction. Il se leva brusquement de son siège, faisant sursauter ceux qui l'entouraient.

Ignorant leurs protestations, Bjorn quitta le centre de commandement, incapable de rester inactif plus longtemps. Il s'élança dans la neige et courut vers le train, où les sauveteurs s'efforçaient de libérer les victimes. Bien qu'il entendit les voix de ceux qui le suivaient et le suppliaient de revenir, Bjorn poursuivit sa route.

Il savait que la patience était la clé dans cette situation, il comprenait qu'il était très peu probable qu'il puisse trouver Erna, seule, au milieu de ce désordre, mais il ne pouvait pas se permettre de rester inactif, alors que d'autres travaillaient avec tant de diligence.

Erna était là, quelque part.

« Mon prince ? »

Ce raisonnement éradiqua toute autre pensée. Il devait essayer, même si c'était inutile.

S'il se contentait d'attendre, comment pourrait-il vivre avec lui-même ?

« Votre Altesse, vous ne devriez pas... » Les serviteurs de Bjorn s'empressèrent de l'arrêter, mais un regard féroce de Bjorn fit reculer le serviteur.

Bjorn s'arrêta un moment, examinant le train, essayant de comprendre où Erna aurait pu se trouver, mais il n'y avait pas d'indices évidents, alors il se dirigea vers le premier wagon. Il grimpa sur le wagon renversé, s'agrippant fermement à une barre de fer fournie par l'équipe de secours.

« Prince. »

Alors que le serviteur appelait Bjorn, il utilisa la barre de fer pour briser la fenêtre du wagon et sauta dans l'obscurité.

Ps de Ciriolla: bon il va vous falloir encore attendre pour avoir des nouvelles de Erna...

Tome 1 – Chapitre 150 – Non-dits

Au milieu de ce monde chaotique et incliné, Bjorn poursuivit sa route à travers les wagons froissés. Il faisait de son mieux pour esquiver le verre brisé et se faufiler entre les tessons de métal tranchants. Il se débarrassa de son manteau et essuya la sueur et la saleté sur son front.

« Erna » cria-t-il tous les deux pas. « Erna »

Le nom devint un appel désespéré, résonnant dans le train comme une plainte fantomatique. Sans se laisser impressionner par le sol glissant et couvert de neige, Bjorn avançait dans les wagons avec détermination. À chaque porte de cabine qu'il ouvrait, une pluie de verre s'abattait et il était confronté à des scènes horribles, mais les corps brisés de ceux qui n'avaient pas survécu à l'accident ne décourageaient en rien Bjorn.

« C'est trop dangereux, votre Altesse, nous nous en occupons » lui dirent les volontaires en passant devant eux pour dégager les survivants qui pouvaient encore être sauvés.

Lorsque Bjorn atteignit la dernière porte du compartiment dégagé, il attendit que les sauveteurs dégagent rapidement les débris et ouvrent la porte cabossée. Il les regarda d'un œil vide et, au bout d'un moment, il se rendit compte de la douleur qu'il ressentait dans ses mains et, en les regardant, il vit qu'elles étaient toutes coupées.

« Il y a des gens » dit l'un des volontaires qui ouvrait la porte d'un coup sec.

Bjorn entendit leurs cris effrayés. Oubliant ses mains ensanglantées, il se fraya un chemin à travers la foule de gens et de débris jusqu'au compartiment nouvellement excavé.

« Attendez, ce n'est pas sûr » disaient les volontaires en le suivant à l'intérieur, mais il les a ignorés.

Dans l'un des compartiments réservés aux invités du wagon de deuxième classe, il aperçoit une forme à moitié enfouie sous des meubles. Il semblait s'agir d'une femme mince, aux cheveux bruns flottants. Alors que les volontaires s'occupaient des nouveaux survivants, Bjorn sauta dans la pièce et commença à jeter les meubles de côté, découvrant le corps gravement contorsionné.

Avec précaution, Bjorn retourna le corps, son cœur ne pouvait pas le préparer à ce qu'il allait voir, Erna ou pas. Il ne fut guère soulagé car il ne reconnut pas le visage de la jeune fille, qui semblait dormir. Elle poussa un gémissement.

Bjorn la réconforta jusqu'à ce que deux volontaires viennent l'aider, puis il partit à la recherche d'Erna, quittant la pièce sans se retourner.

Il passa en revue chaque compartiment. Parfois il trouvait un cadavre, d'autres fois il trouvait quelqu'un coincé par des débris et il travaillait avec les volontaires pour le libérer, mais il n'y avait aucun signe d'Erna nulle part.

Bjorn se sentait anéanti à chaque fois qu'il pénétrait dans une cabine. Plus il avançait dans le train, plus il se rapprochait des zones complètement englouties par la coulée de boue et plus ses chances de retrouver Erna vivante s'amenuisaient.

Sa gorge le démangeait et le grattait alors qu'il appelait le nom d'Erna, mais ce mal n'atteignait jamais son esprit qui était tourné vers une préoccupation singulière. Sa sécurité passait après la recherche d'Erna, sa santé n'entrait même pas en ligne de compte.

Au plus profond du désespoir, les souvenirs d'Erna inondaient son esprit, depuis le moment où la jeune fille de la campagne était arrivée à Schuber au printemps.

Sur le tableau des paris, les mises étaient placées. Pour lui, elle n'était qu'un jeu, une source de plaisir éphémère, qui ne valait rien d'autre qu'une dilapidation d'argent. C'est uniquement à cause d'Erna qu'il trouve le courage de participer à ce pari absurde.

Était-ce de l'amour ? Il ne le sait pas. Pour l'instant, c'était une faible justification pour chercher du réconfort dans un moment aussi désespéré. Il l'avait négligé comme une question sans importance, tout ce qui était important était de trouver Erna.

Les rumeurs s'apaisaient sur le fait que Bjorn maltraitait tout ce qui était gagné par l'argent et il semblait qu'Erna n'était pas différente, mais qu'elle ait été gagnée par un pari ou non, il poursuivait la femme parce qu'il la désirait. Il n'y avait aucune malice dans ses actes lorsqu'il l'avait arrachée à Pavel Lore lors de cette nuit fatidique.

Il n'avait pas l'intention d'aveugler Erna sur ce qui se passait autour d'elle, pour qu'elle reste docile. Qu'il s'agisse de Walter Hardy, des ordures du marché matrimonial, de Pavel Lore ou même de toutes les rumeurs, Bjorn pensait la protéger.

En y repensant aujourd'hui, il pouvait voir que c'était quelque chose qu'il faisait en toute connaissance de cause, voulant la rendre douce et docile pour que sa propre vie soit plus facile. La proposition était aussi comme cela, calme, discrète et inoffensive. Il la présentait comme une proposition pour éviter à une jeune fille d'épouser une brute, mais en réalité, c'était lui la brute, l'agresseur, le champignon vénéneux égoïste.

Si sa main ne s'était pas présentée, aurait-il même pris la peine de s'occuper d'Erna ?

Il connaissait la réponse à ces questions avant même d'avoir eu le temps d'y réfléchir.

En vérité, il ne la laisserait jamais partir.

« ERNA ! » cria-t-il dans un râle douloureux.

Bjorn ouvrit une porte d'un coup de pied pour révéler la présentation lugubre de la cabine de troisième classe. Sans les cloisons de séparation, c'était une scène sinistre.

Haletant, Bjorn s'avança dans le wagon en respirant l'odeur métallique du sang qui s'en dégageait. Il scruta chaque corps, chaque visage sans vie et regarda dans tous les yeux désespérés. À chaque visage qu'il voyait, il avait de plus en plus de mal à se rappeler à quoi Erna pouvait bien ressembler.

« ERNA ! »

Alors que Bjorn prononçait ce nom, exigeant une réponse, la neige entra par les fenêtres brisées et saupoudra ses cheveux. Levant ses yeux tristes, il regarda le ciel. L'image se brouillait devant lui et les larmes coulèrent. Il les essuya en pressant ses paumes contre ses yeux.

Il avait voulu la supplier de ne pas le quitter. Il ne lui avait toujours pas dit qu'il l'aimait.

Quelle cruauté du destin que de lui refuser cette simple déclaration.

Les mains tremblantes, il essuya son visage humide, le regard fixé sur la porte du dernier compartiment. Ses yeux étaient froids et enfoncés lorsqu'il réalisa que c'était là qu'Erna se trouvait, où aurait-elle pu être autrement ? Cette pensée fit naître un peu d'espoir dans sa poitrine.

« Votre Altesse, vous ne pouvez pas entrer là-dedans » dit un volontaire qui s'apprêtait à bloquer la porte avec du fil de fer barbelé.

« SORTEZ ! » grogna Bjorn.

« C'est complètement enterré là-dedans, personne n'aurait pu survivre. »

« DÉGAGEZ DE MON CHEMIN ! » répéta Bjorn.

« Il n'y a pas de survivants, votre Altesse »

Bjorn n'avait plus rien à demander, il écarta le volontaire de son chemin et s'élança vers la porte comme s'il était possédé. Il ne restait qu'un seul compartiment, il était donc absurde de dire qu'il n'y avait pas de survivants dans ce compartiment, Erna n'avait pas encore été retrouvée.

« Votre Altesse, c'est trop dangereux » dit le volontaire derrière lui, qui ne bougeait plus pour arrêter Bjorn.

Bjorn tira sur la porte, il donna des coups de pied et des coups de poing et utilisa toutes ses forces pour essayer d'ouvrir la porte, mais tout ce qu'il faisait, c'était de se couper encore plus les mains.

« Bjorn » dit une voix familière, « calme-toi, Bjorn. »

« Leonid ? » dit Bjorn en regardant par-dessus son épaule.

« Qu'est-ce que tu fais ? » Leonid soupira

Le maire et les autres survivants lui avaient déjà fait part du comportement imprudent de Bjorn lorsqu'il était descendu au train. Être le témoin direct de la folie de son frère était encore plus angoissant.

« LAISSE-MOI TRANQUILLE, LÉO ! » hurla Bjorn.

Il s'essuya les mains sur sa chemise tachée de sang et se retourna vers la porte. Il avait l'air épuisé, mais un feu féroce brûlait encore dans ses yeux. On aurait dit qu'il était possédé par des démons.

« La grande-duchesse n'est pas là, Bjorn. » Leonid se précipita vers Bjorn, se plaçant entre lui et la porte. « J'ai trouvé la grande-duchesse, allons-y. »

Bjorn regarda Leonid, incertain d'avoir bien entendu son frère. Leonid passa son manteau autour des épaules de Bjorn et le guida hors du train.

Tome 1 – Chapitre 151 – Quinte Flush Royale

Le bruit d'un enfant qui pleure résonnait dans les baraquements où tous les survivants ont été placés. Erna se leva de l'endroit où elle s'était penchée pour s'occuper du feu, et sentit une douleur aiguë dans son flanc en se redressant. Elle posa une main sur les bandages qui entouraient sa taille et se dirigea vers l'enfant qui criait.

« Reposez-vous, madame, je vais m'occuper de l'enfant » dit Erna à la mère épuisée et au visage pâle.

Elle prit le bébé dans ses bras et commença à le bercer en fredonnant quelque chose de doux et d'apaisant. L'enfant cessa bientôt de pleurer. Erna plaça l'enfant endormi à côté de la mère endormie.

« Vous devriez vous reposer » dit un bénévole d'âge moyen. « Vous avez l'air d'avoir traversé une période difficile »

« Je ne suis pas si mal en point, ça va aller » dit Erna.

« Hmm, avec un peu de chance, d'ici la fin de la journée, ils devraient tous être transférés à l'hôpital »

Erna regarda la caserne, remplie du bruit des blessés qui gémissaient dans leurs lits et du vent qui soufflait à travers les fissures de la toile. C'était le bruit des conséquences d'un terrible accident.

Erna et Lisa s'accrochaient l'une à l'autre alors qu'elles dégringolaient dans le train. À

un moment donné, Erna a perdu connaissance. Lorsqu'elle revint à elle, réveillée par une douleur écrasante, elle put voir que le train entier avait été retourné et que les fenêtres brisées servaient maintenant de puits de lumière.

Lorsqu'elle réalisa ce qui s'était passé, Lisa et elle se précipitèrent hors du train. Erna ne se souvient pas comment elle a pu soulever et soutenir Lisa, mais ensemble, elles ont réussi à sortir du wagon froissé.

Alors qu'elle déposait Lisa et s'apprêtait à s'effondrer dans la neige, le bruit du monde qui s'écroule alerta tout le monde d'un nouveau glissement de terrain. Les cris de panique furent étouffés par la boue qui engloutissait une partie du train. Ceux qui avaient réussi à s'en sortir pleuraient ouvertement.

Erna et quelques autres survivants se précipitèrent vers le train, faisant tout ce qu'ils pouvaient pour libérer tous ceux qui pouvaient l'être, mais surtout, Erna titubait,

hébétée. Lorsque les secours sont arrivés, les hommes forts ont commencé à déterrer le train, tandis que les femmes guidaient les survivants vers le camp de fortune.

« Votre Altesse ? » dit Lisa, tirant Erna de son flashback. « Vous n'avez pas pu dormir non plus ? »

« Non, j'ai dormi un peu, je me suis juste réveillée » Cela aurait pu être vrai, elle a fermé les yeux pendant ce qui lui a semblé être une seconde ou deux.

Lisa renifla en fouillant dans un sac de matériel de secours et en sortit une gourde et une barre de chocolat. Elle les offrit à Erna.

« Je suis désolée, votre Altesse, j'aurais dû vous protéger »

« C'est bon Lisa, d'une certaine manière, tu m'as protégé, en te faisant blesser à ma place

»

« Mais j'ai survécu grâce à toi »

« Alors je crois qu'on s'est protégées l'une l'autre » dit Erna en riant. « Ce n'est pas grave, Lisa » Erna tendit les bras et serra Lisa dans ses bras.

Malgré l'arrivée de l'équipe de secours, la situation ne s'améliorait guère. Il y avait beaucoup de survivants et autant de morts. Il n'y avait pas assez de moyens de transport pour ceux qui avaient besoin de soins médicaux urgents.

Erna et Lisa avaient été envoyées dans un baraquement de fortune avec tous les autres blessés légers. Elles ont reçu les premiers soins, de la nourriture et un feu pour se réchauffer. Elles se sont entraidées et ont tenu bon.

Erna serra Lisa contre elle, ne voulant pas la lâcher, mais il y avait des choses à faire, des corvées et du travail pour les occuper jusqu'à ce qu'elles puissent sortir d'ici et rejoindre leur famille. Il fallait ramasser du bois, changer les bandages et s'occuper des personnes âgées.

Tout en classant ses tâches par ordre de priorité, Erna examina les visages de tous les occupants de la caserne. C'est alors que l'idée de la famille lui traversa l'esprit et qu'un autre enfant se réveilla et commence à pleurer.

******************************

Bjorn se laissa guider par Leonid et, au détour d'une rue, il tomba sur un groupe de grandes tentes où des volontaires attendent le transport, entourés de matériel de secours et de caisses de nourriture.

Il s'arrêta et regarda la faible lumière qui scintillait à travers la brume de la neige. Son souffle était chaud et des panaches d'humidité s'élevaient dans le ciel. Erna était saine et sauve. Il lui fallut un certain temps, mais son esprit endolori finit par comprendre ce fait.

Erna est saine et sauve.

Avant qu'il ne s'en rende compte, son corps se dirigeait déjà vers le camp des survivants. Il avait été poussé dans ses derniers retranchements et fut surpris de voir qu'il était toujours debout, toujours en mouvement. Comment pourrait-il s'arrêter avant d'avoir retrouvé Erna saine et sauve ?

« S'il vous plaît, faites qu'elle soit en sécurité, s'il vous plaît Dieu, faites qu'Erna soit en sécurité » murmura-t-il presque sans s'arrêter.

Bjorn plongea dans la caserne, la lumière était suffisamment forte pour l'aveugler après avoir passé tant de temps dans l'obscurité, à la recherche d'Erna. Il regarda la scène désespérée des survivants blessés allongés sur des lits, enveloppés dans des bandages.

Alors qu'il cherchait, il se figea en regardant le dernier lit d'une rangée.

« Bjorn ? »

La femme qui s'occupait d'un bébé en train de se plaindre sur le dernier lit de la rangée leva les yeux et le vit. Ses cheveux ensanglantés, ses traits fatigués et ses yeux pleins de lui.

Pour une raison ou une autre, le nom qu'il avait appelé frénétiquement toute la nuit lui a échappé. Tout ce que Bjorn pouvait faire, c'était la regarder et rire.

Il était rempli d'une colère et d'une joie profonde. La femme en face de lui était aussi rancunière que la peur lointaine qu'il avait ressentie. On aurait dit que son cœur humilié s'était enfoncé dans la boue, mais ses yeux étaient des bassins de sombre détermination parfaitement rendus. Il était à la fois le serviteur et le roi de son petit domaine.

« Oh mon Dieu, Bjorn »

Les cris effrayés d'Erna résonnèrent dans la caserne. Le bandage tomba de sa main et roula sur le sol jusqu'à ses pieds. Erna eut du mal à articuler ses mots et se contenta de regarder Bjorn avec de grands yeux brillants.

Un sourire se dessina sur le visage de Bjorn. Après tout ce temps, Erna allait bien et jouait les infirmières. Il était stupéfait, mais d'un autre côté, il était soulagé.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi êtes-vous ici ? » demanda Erna, en s'efforçant de garder sa voix égale.

Elle n'arrivait pas à croire que l'homme qui se tenait devant elle, cette espèce de Prince, était Bjorn Dniester, mais ces yeux ne pouvaient appartenir à personne d'autre. Ils étaient toujours aussi froids et doux, mais elle y voyait quelque chose de nouveau, était-ce de la peur qu'elle y voyait ?

Erna n'avait jamais confondu les princes jumeaux à cause de leurs yeux, mais maintenant que Bjorn montrait de la peur, elle pensait presque que c'était Leonid qui se tenait devant elle.

« Bjorn...pourquoi...toi ? »

Les mots avaient à peine quitté sa bouche que Bjorn traversa la caserne et prit Erna dans ses bras. Il la serra si fort qu'elle eut l'impression qu'il allait la couper en deux. La chaleur de sa proximité et le fait qu'elle pouvait sentir les battements erratiques de son cœur l'empêchèrent de le repousser.

« Bjorn... »

Lorsqu'elle prononça son nom, il baissa les yeux vers elle, la regardant droit dans les siens, tandis que les siens tremblaient anxieusement, comme un enfant perdu qui retrouvait enfin sa mère.

« Je vais bien... » dit Erna, et soudain, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Bjorn lui manquait. Il n'y avait plus moyen de le cacher, alors elle fit face avec résignation.

Quand elle pensait mourir, elle regrettait de ne pas pouvoir dire au revoir à tous ses amis en quittant Buford et quant à Bjorn ? Elle voulait lui serrer la main et lui dire que tout était pardonné. Cela lui faisait mal de penser à toutes les cicatrices qu'elle avait subies jusqu'à ce moment, mais pire encore, si elle mourait sans le lui dire. C'est stupide, mais elle était comme ça.

Elle veut l'aimer, même si cela lui fait mal.

Si seulement elle pouvait revoir Bjorn, elle ne s'enfuirait plus. Même si elle avait très envie de s'en détourner. C'était un homme qu'elle ne pouvait pas abandonner et qui faisait autant partie de sa vie qu'elle faisait partie de la sienne.

« Ecoutez, je vais bien Bjorn, vraiment » sourit Erna, les joues rouges et gonflées et les yeux larmoyants. « Et, et...c'était un gros accident, mais heureusement... »

« Je t'aime »

Le murmure grave de Bjorn a interrompu le marmonnement d'Erna, qui l'a regardé avec des yeux hébétés, comme si elle était perdue dans un rêve. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle avait entendu, il devait y avoir quelque chose d'encore plus grave chez elle.

« Je t'aime, Erna. »

Il était heureux de pouvoir enfin mettre un nom sur les émotions qu'il était enfin capable de comprendre. Il avait l'intuition qu'il se souviendrait de ce moment pour le reste de sa vie.

Il n'y a pas eu d'erreur, Erna a éclaté en sanglots. Bjorn l'a serrée contre lui et n'a rien dit de plus.

C'était un amour qui avait commencé par un coup de chance sur une table de jeu, où il n'avait pas eu d'autre choix que de gagner.

Je t'aime

Ma quinte flush royale

C'était un hommage sincère à la belle conquérante qui avait dompté son cœur.

Ps de Ciriolla: Il aura vraiment mis le temps pour lui faire une déclaration sincère...

un samedi qui commence bien pour les fans de ce novel....

Tome 1 – Chapitre 152 – Quand la neige

s'arrête de tomber

La douce lumière du feu était juste suffisante pour empêcher la pièce d'être trop sombre. Les premières lueurs du jour étaient presque apparues lorsque le léger bruit de la porte qui s'ouvrait et se refermait emplit la pièce silencieuse.

Bjorn se déplaça avec la plus grande prudence, faisant le moins de bruit possible, et s'approcha du lit où Erna dormait. Elle avait l'air si paisible qu'il en fut soulagé.

« Ah, votre Altesse » dit une infirmière, surprise par l'apparition soudaine du Prince.

Bjorn porta rapidement un doigt à ses lèvres et siffla.

« Je vous en prie, taisez-vous, allez vous reposer » dit-il.

« Mais... »

« Pas de mais, je m'occupe d'elle » Avec un sourire rassurant adressé à l'infirmière réveillée, Bjorn s'assit dans un fauteuil à côté du lit d'Erna.

Lorsque l'infirmière partit, un silence tranquille s'installa à nouveau dans la pièce. Bjorn regardait sa femme assoupie, qui s'était comportée comme une sainte, cachant ses propres blessures et s'occupant d'abord des autres, c'était une véritable quintessence d'Erna.

Bjorn écarta doucement les cheveux de la joue d'Erna, révélant les bandages qui couvraient plusieurs lacérations sur son visage. Les médecins lui ont dit qu'il n'y aurait pas trop de cicatrices, mais les coupures sur ses bras et dans son dos, où des éclats de verre s'étaient incrustés, nécessitaient des points de suture. Tout au long de l'épreuve, Erna a souri, même lorsqu'elle était devenue d'une pâleur fantomatique et qu'elle avait eu des sueurs froides.

Je vais bien. répétait Erna, un mantra qui mettait les nerfs de Bjorn à rude épreuve.

Il fit de son mieux pour ne pas le montrer, s'inspirant de l'exemple d'Erna. Il ne voulait pas énerver Erna. Il avait l'impression de pouvoir comprendre certains des comportements passés d'Erna, prétendant que tout allait bien alors que ce n'était pas le cas.

« Bjorn... ? » dit une voix endormie.

Bjorn se réveilla, sans se rendre compte qu'il s'était assoupi. Lorsque leurs regards se croisèrent, Erna esquissa un sourire endormi. Bjorn la regarda d'un œil distant, tandis

qu'elle se redressait pour lui faire face correctement, ils émanaient tous deux d'une douce lueur brumeuse projetée par la cheminée.

« Tu vas bien ? » dit Erna en jetant un regard inquiet à Bjorn. Son visage était couvert de sparadraps et ses mains étaient bien enveloppées. Pour retrouver sa femme, il avait passé toute la nuit à fouiller le train après l'accident

« Comme tu peux le voir, je vais bien. »

Sentant un pincement au cœur, Erna détourna le regard vers la cheminée. Elle se demandait quoi dire, mais se fixa sur le moment où Bjorn lui avait murmuré à l'oreille :

'Je t'aime, Erna'. Au moment où la gêne s'installait, Bjorn se leva et Erna leva instinctivement les yeux vers lui.

« Repose-toi, Erna » dit Bjorn en souriant. Comme l'homme d'avant, gentil et sans cœur.

« Bjorn, ne pars pas » dit Erna en regardant son dos se diriger vers la porte. Bjorn regarda par-dessus son épaule, la surprise se lisant sur son visage. « Reste avec moi. »

« Erna ? »

« Je veux réessayer, tu es toujours mon mari. » Malgré ses joues rougissantes, Erna parlait avec assurance. « De plus, tu m'as dit que tu m'aimais » Sa voix a vacillé sur ce dernier point.

Bjorn regarda Erna et soupira doucement. Il se retourna et retourna s'asseoir sur sa chaise. L'amour, elle utilisait les mots comme un mors et une bride, tirant sur ses rênes pour l'attirer. Mais il ne détestait pas cela. Erna se traîna sur le lit étroit et Bjorn laissa échapper un rire.

« Tu veux vraiment m'offrir ton lit hors de prix ? » Bjorn rit en regardant Erna.

« Ce lit n'est pas le mien » dit Erna calmement, sans détourner le regard.

Bjorn accepta l'invitation ludique, mais attachante, et s'assit à côté d'Erna sur le lit. Son odeur familière, inchangée dans ses souvenirs, lui chatouilla le nez. Il était tout à fait disposé à s'allonger à côté de sa femme bien-aimée et à se reposer.

**********************

La distance entre eux s'était progressivement réduite. Bjorn prit l'initiative de se rapprocher. Le bout de leurs doigts se frôla, leurs épaules se touchèrent et même lorsqu'ils se firent face, leurs yeux se croisèrent s'emplissant l'un de l'autre.

Bjorn prit sa femme dans ses bras avec précaution, comme si elle était une bête timide qui menaçait de s'enfuir à la moindre gêne. Elle s'était abandonnée de bonne grâce et s'était détendue dans ses bras.

« As-tu dormi depuis hier ? » murmura Erna.

« Non » dit Bjorn en ouvrant les yeux pour regarder Erna.

Ils restèrent allongés dans le lit, se regardant l'un l'autre pendant un long moment.

« Bjorn... notre enfant n'est pas parti à cause de toi. »

Les doigts de Bjorn se délectaient des doux cheveux bruns d'Erna et s'arrêtèrent lorsqu'elle parla.

« Je ne me sentais pas bien depuis quelques jours. Le médecin avait fait quelques visites.

J'espérais que tout allait bien, mais j'avais l'impression que l'enfant partait déjà » Bjorn continua de regarder Erna calmement pendant qu'elle parlait. « Cette nuit-là, j'aurais pu te rejeter, mais je n'ai pas voulu le faire. »

« Erna... »

« Cette nuit-là, nous avons dormi ensemble, dans le même lit, avec notre bébé niché entre nous, tu m'as tenu dans tes bras pendant que nous dormions, comme ça. Je crois que notre bébé a trouvé du réconfort dans ton étreinte. Toutes les nuits précédentes, je souffrais constamment, mais pas cette nuit-là. J'ai pu dormir. Je me demande parfois si notre bébé ne t'attendait pas pour faire ses adieux à son père une dernière fois. »

Erna sourit et caressa le visage stoïque de Bjorn.

« Je me souviendrai de mon bébé, de cette nuit où j'ai dormi profondément dans vos bras, et j'espère qu'il en sera de même pour vous. J'espère qu'il en sera de même pour vous » Erna prononça les mots qu'elle lui voulait dire depuis si longtemps. Bjorn la regarda fixement et Erna éclata de rire.

« Tu sais, tu as révélé ta main la plus avantageuse » dit Bjorn, les yeux légèrement rouges.

« Non, je crois que tu as mal compris quelque chose » dit Erna en secouant la tête. « Je garde toujours mes cartes près de ma poitrine. »

« Quoi ? »

« Quel joueur au monde dévoilerait sa main ? » Erna affichait un sourire radieux.

Lorsque les rires se sont calmés, leurs deux coeurs se sont regardés. Les souvenirs qui ont suivi étaient vagues, comme un rêve lointain. Peu importe qui l'avait fait en premier, ils se sont serrées l'une contre l'autre et se sont embrassées. C'était un baiser prudent, comme la première fois.

Ils se sont embrassés encore et encore, ils ont continué à s'embrasser jusqu'à ce que la chaleur de leur passion s'enflamme et que leur baiser s'intensifie.

« Bjorn, je t'aime » dit Erna, ses lèvres rouges mouillées...

« Je sais » dit Bjorn en l'embrassant à nouveau.

Mais il ne pouvait pas s'empêcher d'être arrogant. C'était un peu sarcastique et Erna a choisi de comprendre, parce qu'il embrassait vraiment bien.

**************************

La baronne Baden marchait dans le long couloir de l'hôpital. Ce n'était pas très élégant, mais cela lui importait peu lorsqu'il s'agissait de la vie de sa seule et unique petite-fille.

Elle avait appris l'accident hier après-midi et, heureusement, elle avait aussi appris qu'Erna était saine et sauve. Si la baronne avait entendu parler de l'accident, son pauvre cœur sénile aurait lâché prise sur-le-champ.

« Son Altesse, le Grand-Duc, est également là, Madame la baronne » lui dit le préposé du palais Schuber en guidant la baronne jusqu'à l'endroit où repose Erna.

La baronne fait irruption dans la chambre, ainsi que dans celle de Mme Greeve. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû tenter d'effrayer Erna de la sorte, mais l'émotion et les larmes l'aveuglaient.

« Erna, ma chérie » hurla la baronne à travers les sanglots.

La baronne fut déconcertée de ne pas voir sa petite-fille dans le lit, le préposé s'était-il trompé ? Ce n'était pas la chambre d'Erna, mais celle du prince Bjorn. Au moment où la baronne s'apprêtait à battre en retraite pour éviter l'embarras, Bjorn regarda la baronne et elle put voir Erna blottie dans ses bras, endormie.

« Oh mon Dieu » dit la baronne en reculant.

Elle se couvrit la bouche d'un mouchoir, le visage comme si elle avait vu les entrailles de l'enfer et la baronne s'éloigna précipitamment de ce spectacle épouvantable. Mme Greeve, qui avait sursauté en voyant ce qui se passait, fait le signe de la croix et se lance à la poursuite de la baronne.

Lorsque la porte se referma, la pièce retomba dans le silence, à l'exception de la respiration lourde et endormie d'Erna. Le divorce appartenait au passé. Le grand-duc et sa femme dormaient profondément dans le lit d'hôpital. Un mince rayon de soleil pénétrait dans la pièce par une ouverture dans les rideaux et éclairait les deux personnes qui semblaient être des statues sur le lit.

Il était midi, en cette journée ensoleillée de fin d'hiver, alors que la neige avait enfin cessé de tomber

Ps de Ciriolla : Han Solo, sort de ce corps... j'espere que vous avez la référence sinon ma connerie est nulle

Tome 1 – Chapitre 153 – Pour une

nouvelle boite à biscuits

« Regardez, votre Altesse, un article dans le journal plein d'éloges »

Lisa fit irruption dans la chambre d'hôpital alors qu'Erna était assise sur le rebord de la fenêtre, baignant dans la lumière du soleil. L'article, avec le nom de la Grande-Duchesse en première page, était complètement différent des articles qui avaient été publiés sur elle auparavant.

Erna était assise près de la fenêtre de la chambre d'hôpital, profitant de la lumière du soleil, lorsqu'elle sursauta soudain, surprise. « Lisa, tu ne peux pas courir comme ça avec tes blessures ! »

« Je vais bien, mon pied me fait à peine mal »

D'après les rumeurs, le fait d'avoir sauvé la Grande Duchesse avait permis à Lisa d'avoir sa propre suite à l'hôpital, mais elle passait encore la plupart de son temps avec Erna.

Erna regarda la première page tandis que Lisa s'approchait du rebord de la fenêtre, avec un mélange de peur et de curiosité, elle lut l'article.

[Les Saints de Lechen lèvent la malédiction des champignons vénéneux.]

Sous le titre plutôt effronté du journal, il y avait une photo en noir et blanc d'Erna et Bjorn le jour de leur mariage. L'article vantait haut et fort l'amour du Grand-Duc et de son épouse, qui s'était épanoui lors de l'accident de train.

Il exagérait l'histoire du prince Bjorn risquant les dangers de l'épave pour sauver sa femme, et celle d'une princesse qui s'occupait avec dévouement de ses sujets, bien qu'elle fût elle-même blessée. L'histoire se terminait par les retrouvailles déchirantes du prince et de la princesse et était présentée comme une histoire bien pensée bien que gonflé de mensonges pour augmenter les ventes.

Il n'était pas exagéré de dire que l'amour de la princesse avait brisé la malédiction jetée sur le prince par la détestable sorcière de Lars. Grâce à leur amour brillant face à l'adversité, le prince avait pu se libérer de la malédiction des champignons vénéneux.

D'après le témoignage d'un informateur à la caserne, le Grand-Duc et son épouse, qui s'étaient retrouvés de façon spectaculaire le matin même, ont démontré leur amour en s'embrassant passionnément. Ce moment de passion a touché le cœur de tous ceux qui ont lu l'article, comme s'il s'agissait de l'opéra le plus dramatique.

« Oh mon Dieu » murmura Erna après avoir lu le dernier paragraphe. Elle posa le papier avec un regard inquiet.

L'article se terminait par une description détaillée du baiser qu'ils avaient partagé dans la caserne. C'était une description tellement obscène qu'Erna ne pouvait pas supporter d'en lire la fin.

« Ce…. » Erna rougissait tellement qu'elle n'arrivait pas à dire un mot et qu'elle en avait marre.

Il était vrai qu'elle était une femme timide et peu habituée à être le centre d'attention, mais il était injuste qu'une simple étreinte soit exagérée à un point tel qu'elle devenait un véritable baiser passionné.

« Ces journalistes sont de vrais menteurs » dit Lisa en faisant la moue. « Mais au moins, Lechen sait enfin que tu es quelqu'un de bien. »

Lisa se tenait droite devant sa maîtresse, fière de tous les éloges qu'elle recevait, surtout de la part du personnel de l'hôpital. Même si, bien sûr, ils étaient très enthousiastes à propos du dernier paragraphe.

« Demain, vous retournez à Schuber et je suis ravie que vous puissiez bien commencer cette fois-ci » dit Lisa en faisant face à Erna. « Faite attention à ne pas regarder le Prince dans les yeux, je ne veux plus que ces démonstrations publiques d'affection soient divulguées à la presse » dit Lisa en riant. Les joues d'Erna se colorèrent d'un rouge vif.

Le retour de la grande-duchesse s'était fait sans effort, comme l'écoulement de l'eau. À

partir de ce jour, ils n'hésitèrent plus à afficher ouvertement leur affection, dormant et se réveillant ensemble dans le même lit.

Lisa considérait toujours Bjorn comme un champignon vénéneux, son esprit ne se laissait pas influencer aussi facilement, mais au moins Erna était heureuse et le prince semblait avoir un peu changé. Au moins, sa maîtresse n'avait plus besoin de rivaliser pour obtenir l'affection du prince. Lisa le crut lorsque le prince Bjorn, l'air déconfit, rendit visite à sa femme ce matin-là.

« Cependant, Votre Altesse, j'ai confiance en vous. Vous êtes forte, beaucoup plus fort qu'on ne le pensait » Lisa dit avec assurance et les lèvres d'Erna se courbèrent en un sourire timide.

Juste à temps, Bjorn entra dans la pièce. Il était sorti pour inspecter les lieux de l'accident. Lorsqu'il revint, Lisa s'éloigna comme si elle avait dit des choses méchantes sur le prince et craignait qu'il ne l'ait entendu.

« Lisa » dit Bjorn en traversant la pièce à grandes enjambées pour se placer à côté de sa femme.

« Oui, votre Altesse ? »

« Vous devriez vous préparer à retourner à Schuber »

Lisa et Erna regardèrent le prince d'un air perplexe, tandis que la lumière du soleil de l'après-midi se transformait en une teinte dorée plus riche et plus vibrante.

Lisa salua poliment et partit. Alors que le bruit de ses pas boitillants s'estompait, Bjorn se tourna vers Erna.

« Seras-tu d'accord pour prendre le train jusqu'à Schuber ? » demanda-t-il en posant sa tête sur sa main.

Erna avait l'air plus vivante qu'hier, mais son teint pâle ne le rassurait pas. Le médecin avait dit que le voyage vers Schuber serait difficile et si Erna avait des difficultés, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne retarde pas leur départ.

« Oui, je vais bien » dit Erna avec un sourire radieux.

« Il y aura beaucoup de spectateurs » prévient Bjorn.

Il désigna le journal qui avait été jeté négligemment sur la table. Il avait été distribué hier après-midi, ce qui laissait à Lechen tout le temps nécessaire pour faire du bruit. Le quai de la gare de Schuber serait bondé de monde, essentiellement des victimes et des proches de l'accident, mais beaucoup de gens attendraient avec impatience le retour du prince et de la princesse.

« Ne vous inquiétez pas, je suis prête » dit Erna en regardant directement Bjorn.

Un sourire se dessina sur le visage de Bjorn en regardant Erna et l'assurance avec laquelle elle répondait. Erna pensa que ses yeux ressemblaient à la lumière du soleil un dimanche après-midi paresseux.

« Tu as l'air sûre de toi » dit Bjorn.

« Oui » répondit Erna sans hésiter. « Je suis la grande duchesse de Schuber. »

Le rire grave que Bjorn laissa échapper en regardant sa femme, la grande-duchesse, pénétra doucement dans son cœur et la remplit de chaleur.

« C'est vrai » dit Bjorn. « Vous êtes aussi la sainte de Lechen. » Ses paroles étaient enjouées.

Rougissant d'embarras, Erna ne fit rien pour repousser cet éloge injustifié. C'était un compliment ridicule, mais il lui soulevait le cœur.

« Il y a un cadeau que j'aimerais recevoir, si jamais vous êtes d'humeur à faire des cadeaux somptueux » dit Erna en rapprochant le journal. « Je voudrais une nouvelle boîte à biscuits » Même si l'article était ridicule, il marquait tout de même un événement monumental et elle voulait en garder une trace, car c'était la première fois qu'elle recevait une véritable reconnaissance et des éloges depuis qu'elle était devenue grande-duchesse.

« Vous voulez dire... compte en banque ? » dit Bjorn en haussant un sourcil.

« Non, bien sûr que non, une vraie boîte à biscuits, j'en ai besoin d'une nouvelle » Erna rit. « S'il te plaît, tu ne m'achèterais pas une nouvelle boîte à biscuits ? Pour que je puisse la remplir de nos nouveaux souvenirs, plus heureux »

« D'accord » acquiesça Bjorn, « pour toi, je le ferai »

Bjorn sourit gentiment et baissa lentement la tête pour déposer un baiser sur le front d'Erna. Ses lèvres passèrent devant les joues rougissantes et le nez en bouton d'Erna pour se poser sur ses lèvres douces. Erna accepta le baiser sans réfléchir. Pour la jolie boîte à biscuits qu'elle verra bientôt.

*****************************

Le train pour Schuber quitta Kassen tôt le matin. Leonid avait changé d'avis et était resté à Kassen quelques jours de plus, pour l'aider à faire face à l'accident.

Bjorn et Erna ont pris le train ensemble, retournant à l'endroit qu'Erna avait fui à la fin de l'été dernier. Ils sont partis avec des histoires d'amour et des promesses de continuer à partager une vie heureuse ensemble.

Au printemps, ils partiraient en voyage, une seconde lune de miel, où ils verraient ensemble toutes les choses qu'Erna aimait et que Bjorn appréciait. Ils feraient de longues promenades et de somptueux pique-niques. Ils feraient du bateau sur de vastes lacs et visiteraient d'immenses musées.

En été, Erna a eu l'idée d'apprendre à faire de l'équitation. Elle avait peur de son cheval, mais avec son mari à ses côtés, le maître équestre qui avait gagné de nombreux trophées, elle ne doutait pas qu'elle apprendrait rapidement à se lier d'amitié avec le cheval.

À l'automne, ils reviendraient visiter Buford, qui serait coloré de magnifiques ors, bruns et rouges profonds. Le légendaire homme de Lechen, qui était sorti de nulle part et avait gagné la course des moissons, reviendrait. Cette fois, avec une femme plus déterminée que lui à gagner. Cette idée plaisait à Bjorn, qui s'était pris d'affection pour le vin de Buford.

Lorsque l'hiver reviendra, que se passera-t-il ? À quoi ressemblerait le couple grand-ducal après une année entière ? Personne ne pouvait le dire, pas même Bjorn.

Au moment où le couple en était arrivé à penser à la saison hivernale, le train s'était arrêté à Schuber. Il y avait d'innombrables personnes sur les quais, les trains entraient et sortaient constamment de la gare. C'était la même métropole bondée que d'habitude, mais cette fois, Erna n'avait pas peur.

Erna mit ses gants, son chapeau, qu'elle attacha avec soin sous son menton et organisa les plis de sa robe. Lorsque le train s'arrêta, il y avait plus de spectateurs sur le quai que de passagers qui attendaient de monter.

« Es-tu prête, ma femme ? » Bjorn se leva et tendit la main à Erna. Erna la prit volontiers et laissa Bjorn l'escorter hors du wagon.

*****************************

Lorsque le couple royal que tout le monde attendait est apparu, la plate-forme s'est transformée en une tempête tumultueuse de bruits de pas et de cris. Tout le monde voulait voir de plus près.

Les escortes policières crièrent : «Reculez, reculez, j'ai dit »

Les forces de l'ordre avaient délimité un passage sûr à travers la gare pour le couple et, bien que tout le monde ait voulu voir de plus près, personne n'avait violé la barrière sacrée.

Bjorn et Erna ralentissaient et s'arrêtaient de temps en temps, pour saluer poliment et poser pour des photos. Ils hochaient la tête sèchement et saluaient avec jubilation. Erna était beaucoup moins réservée que Bjorn, qui avait beaucoup plus d'expérience dans ces activités sociales, mais Erna s'aperçut qu'elle appréciait tout de même cela.

L'admiration des gens montrait à quel point ils tenaient au Prince et à la Princesse, comme si rien de ce qui s'était passé ces deux dernières années n'était arrivé. Ils roucoulaient devant la façon dont Bjorn tenait sa femme contre lui. Certains ont dit qu'il la protégeait de la foule surexcitée.

« Allez, reculez, reculez, faites de la place » disait un officier, alors qu'aucun n'était sur le chemin et que la foule semblait à peine avoir remarqué sa présence.

Bjorn s'arrêta dans son élan, regarda la foule grandissante et poussa un grand soupir, ses yeux se rétrécirent alors qu'il étudiait la foule, puis sa femme.

« Bjorn ? » dit Erna en le regardant avec inquiétude.

Après une brève réflexion, Bjorn choqua Erna en la serrant dans ses bras. La foule applaudit à tout rompre. Bjorn rit en traversant la foule, sa femme dans les bras. Il savait qu'il devait avoir l'air fou, mais il ne se sentait pas si mal que ça. Après tout, c'était ce que la foule voulait, la preuve que le prince était follement amoureux de sa femme. Il ne voyait pas pourquoi il n'exaucerait pas ce souhait.

« Le Prince aime sa femme » scandaient certains, « il est fou de sa femme »

Alors que le prince quittait l'estrade, tenant sa femme comme un précieux trésor, c'était une vérité indéniable. Un prince, autrefois maudit mais sauvé par une belle sainte, était tombé amoureux de son sauveur. À cet instant, l'histoire d'amour du conte de fées de Lechen devint encore plus belle et enchanteresse.

*********************************

Le carrosse retourna au palais à toute vitesse, traversant le pont en un temps presque record. Erna détourna son attention des eaux rouges de la rivière Abit pour regarder son mari.

« Je ne le ferai pas devant nos serviteurs » dit-elle, toujours incapable de se débarrasser des souvenirs surréalistes de la gare.

Erna avait été gênée tout le temps qu'elle était dans les bras de Bjorn, rougissant de plus en plus à chaque chant de la foule. Elle avait failli crier tellement elle était gênée.

Cependant, elle ne pouvait pas nier le fait qu'il était plus facile de sortir de la station.

« Je veux redevenir une dame. » Erna fit part de son avis sur la question avec un ton beaucoup plus hautain. Elle voulait être la dame parfaite, plus que jamais, même si ses erreurs passées ne pouvaient être effacées.

« Vraiment, c'est ça ? » dit Bjorn d'un ton pensif. « Alors, si c'est ce que tu souhaites » La posture de Bjorn était élégante et raffinée, et contrastait totalement avec son ton, comme s'il avait une idée derrière la tête.

Calme et gracieux, comme une dame. N'importe quand, n'importe où.

Erna se répéta ce mantra tandis que la calèche s'arrêtait devant le porche du palais, faisant de son mieux pour ignorer le sourire de loup que son mari lui adressait à chaque fois que leurs regards se croisaient.

*****************************

« Bienvenue à la maison, vos Altesses » déclara Mme Fitz, qui avait été la première à leur souhaiter la bienvenue. « Au nom de tous les serviteurs du palais Schuber, je vous souhaite un joyeux retour. »

Contrairement aux yeux injectés de sang, aux joues gonflées et au visage strié de larmes de la vieille dame, Mrs Fitz garda son calme.

Erna et Bjorn saluèrent Mrs Fitz d'un signe de tête et entrèrent dans la résidence grand-ducale. Les serviteurs du palais Schuber étaient alignés de part et d'autre du hall d'entrée et inclinaient la tête à l'unisson. Erna retint son souffle et ne put s'empêcher d'être nerveuse.

Bjorn le sentit peut-être et serra doucement la main d'Erna, lui prêtant sa force. Erna leva les yeux vers lui et il lui dit 'comme une dame'.

Erna souhaitait que ce soit leur bonheur pour toujours, mais en regardant par-dessus son épaule, vers la porte et le vaste monde au-delà, elle sentit qu'il n'y avait jamais vraiment de bonheur pour toujours. Les choses arrivent, parfois bien, parfois mal, et tout cela continue, sans qu'il y ait de véritable fin en vue.

Erna traduisit sa conviction par un sourire radieux. Un beau destin s'offrait à elle et même s'il y aurait des épreuves, il y aurait aussi des joies.

Dans un monde illuminé par l'éclat radieux d'un splendide lustre, Erna commença à faire des pas délicats et gracieux.

Elle s'embarqua pour un beau voyage vers l'amour une fois de plus, aux côtés de son prince bien-aimé, tandis que leurs destins s'entremêlaient dans une histoire d'amour et de bonheur.

FIN

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Chapitre 101 à 153 - Tome 1 - FIN
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